– XI – Seule, vers le naufrage
p. 129-145
Texte intégral
1Ainsi, Isabelita, cette pauvre "petite fille blonde et fluette" 1, reste seule.
2Pendant huit mois, alors qu’autour d’elle tourne, tourne, un vertigineux carrousel de faux-amis, de demi-soldes avides de reconnaissance et de quelques personnalités isolées, elle s’accrochera désespérément au pouvoir, dans un raidissement de calamiteuse fierté.
3Au cours de ces huit mois, la question-clé, occultant l’économique, devient politicienne.
4Les attitudes des uns et des autres, les trahisons et les protestations de fidélité, le partage des rôles, tout cela est avivé par la perspective d’une élection présidentielle, et par l’irréel maintien, à la tête de l’Etat, d’une Présidente à bout de nerfs, sans compétence et sans autorité.
5Après l’élimination du camporisme et du réguisme, ces deux avatars antinomiques du mouvement justicialiste, le Péronisme, désormais, en visant sa propre tête, ira au suicide.
6Pour autant que l’on puisse rendre compte de cette période, car elle se caractérise par une confusion jamais atteinte, trois moments se succèdent : celui qui débute à partir de l’éviction de López Rega et qui va jusqu’à la fin de l’intérim présidentiel d’Italo Luder, Président du Sénat ; celui qui correspond à la "nouvelle politique", dernière tentative pour sauver le régime, incarnée par Robledo, ministre de l’Intérieur ; celui compris entre janvier 1976 et le coup d’Etat du 24 mars, marqué par l’incroyable entêtement du régime moribond.
7A chacun de ces trois moments où vogue encore la galère, les mêmes constantes se manifestent, qui sont l’accentuation de la faillite économique, les ravages de la violence terroriste, et les méfaits du tribalisme péroniste.
8Premier moment : celui compris entre l’éviction de López Rega et la fin de l’intérim présidentiel d’Italo Luder, le 16 octobre 1975.
9Cela commence par les conséquences du "Rodrigazo" (le "coup de Rodrigo"), ce cadeau empoisonné que laisse, à son départ le 20 juillet, le ministre de l’Economie et protégé de López Rega.
10Rodrigo avait lancé un plan de choc, soutenu par les "désarrollistes" du mouvement de Frondizi2, en un moment où l’inflation est de 10 % par mois.
11Ce plan contient tout ce qu’on peut imaginer lorsqu’il s’agit d’éviter le naufrage d’un pays. D’emblée on annonce que le déficit budgétaire, qui était d’environ 26 milliards de pesos au début de la gestion de Morales, atteint, après les nouveaux accords de salaires, 60 milliards.
12Cette "plongée" va de pair avec une nouvelle dévaluation (50 % pour le marché financier, et 62,5 % pour le marché commercial), et de très fortes hausses des taux d’intérêt et des tarifs publics.
13La principale mesure du plan est sans doute l’indexation des salaires, rentes, loyers, taux d’intérêt, sur le coût de la vie.
14En outre, quelques entreprises sous contrôle de l’Etat, comme les frigorifiques, sont dévolues au secteur privé. Et un accord d’un montant de 500 millions de dollars est signé entre le gouvernement et des entreprises multinationales.
15Autre volet du plan : la compression de la consommation intérieure afin de relancer les exportations et créer, dit-on, une capacité d’épargne.
16Isabelita tente de faire passer ce plan en invoquant la nécessité d’opérer un être qui est cher aux Argentins, à savoir la Patrie.
17Le ministre Rodrigo assure, quant à lui, que si le pays "formel" a besoin d’être remis en ordre, le pays "réel" continue d’être puissant. Il ajoute : "Le peuple doit s’abstenir de dépenser avec excès. Il doit s’abstenir de gaspiller..." 3
18Mais ce plan est à peine annoncé qu’il est déjà dépassé par les dispositions prises dans les commissions paritaires patronat-syndicats, alors réunies.
19La C.G.T. le refuse en bloc, et décrète une grève générale de quarante huit heures. Une nouvelle dévaluation de 16 % est décidée, précédée de la démission du Président de la Banque Centrale, Cairoli.
20 Au départ de Rodrigo, le 20 juillet, le déficit commercial est de l’ordre de 2,5 milliards de francs. L’Etat a abandonné la partie, et laissé les hausses de salaires à la "responsabilité" des partenaires sociaux. L’inflation battra alors tous les records : 224 % en moins de quatre mois, de juin à septembre... Un désastre...
21La C.G.T., qui veut le pouvoir, et tout le pouvoir, réagit aussitôt. Avant même que ne soit nommé un nouveau ministre de l’Economie, elle propose un plan d’urgence en trente mesures. Mais n’est-elle pas déjà elle-même dépassée par les événements ?
22Sur la Plaza de Mayo, les manifestations ouvrières ne sont plus représentatives que de tel ou tel gremio (branche), à des fins de pression sur la Présidente sur le point de prendre une décision importante.
23Lorsque le ministre du Travail Conditti, que la Centrale ne reconnaît pas, car il a été nommé contre son gré, refuse de convoquer pour la énième fois les commissions paritaires qui doivent réajuster les salaires, les syndicats de la construction ou des employés de commerce répliquent par une grève et une manifestation devant les ministères de l’Economie et du Travail.
24Mais voici qu’arrive Bonanni, successeur de Rodrigo à l’Economie, et qui restera un mois à son poste.
25Les partenaires sociaux, annonce-t-il, devront se réunir pour l’étude d’un plan économique, "condition essentielle pour vaincre l’inflation". Pieuse intention...
26Car Bonanni, dans la tourmente, est renvoyé et remplacé, le 14 août, à la suite d’un profond remaniement ministériel, par Cafiero, qui revient de Bruxelles où il représentait l’Argentine auprès des Communautés européennes.
27On insiste alors sur les atouts du nouveau venu : Cafiero a des liens très étroits avec les milieux syndicaux, notamment avec les "62 Organisations".
28Le programme, qu’il tarde à annoncer, comporte une petite dévaluation, une augmentation des crédits consentis pour le paiement des salaires, et quelques mesures visant à combattre le chômage.
29Mais il s’agit surtout de faire face à la dette extérieure. Cafiero, à l’instar de ses prédécesseurs, part à Washington pour négocier auprès du F.M.I., et obtenir de nouveaux crédits (820 millions de dollars).
30L’Argentine, à cette date, est au stade le plus avancé de la "stagflation" : récession économique et chômage de près de un million de personnes, inflation galopante, cessation des paiements internationaux faute de devises.
31Toutes ces épreuves finissent par avoir raison de la santé d’Isabelita.
32 Les échecs répétés dans la conduite de la politique économique ont conféré à la C.G.T. un pouvoir politique hégémonique qu’elle entend conforter tant que durera la "gestion" péroniste.
33Jamais, sauf au temps de l’exil, la Centrale syndicale, n’avait dominé le Péronisme au pouvoir. Cette fois, elle en a pris les rênes. Elle a ses gouverneurs, elle a ses vingt deux députés à la Chambre, elle a ses ministres.
34Les choses, pourtant, ne sont pas toujours aussi simples, car depuis qu’Isabel Perón est devenue Présidente, le Péronisme éclate, s’atomise, et les clivages qui en résultent ne recouvrent plus l’ancienne opposition droite-gauche qui caractérisait dans le passé le mouvement. Bref, surtout depuis la fuite du "Brujo", de nouveaux rapports de force se sont créés, dont les contours évoluent au gré des vents, qui sont changeants.
35C’est ainsi que C.G.T., "62 Organisations"4, ministres, parlementaires, caciques et aventuriers vont, selon les circonstances, défendre ou investir le donjon du pouvoir. Et souvent ils feront les deux à la fois.
36De sorte que tel observateur croit la réalité du pouvoir déviée dans l’orbite de la C.G.T., tel autre soutient mordicus qu’elle est concentrée dans les mains de l’"entorno", cet entourage obscur qui est censé isoler la Présidente, tel autre enfin prétend (mais voyons !) qu’il faut regarder de plus près l’"entorno" pour voir quelle éminence grise s’y cache.
37La seule évidence, c’est qu’Isabelita, dans sa hantise de se laisser annexer par un clan, est paralysée par un sentiment de suspicion envers tout le monde. Prompte à accorder une parcelle de confiance, elle l’est davantage à renier ses choix. Lorsqu’ils la voient à la télévision, présidant les conseils des ministres, angoissée et concentrée dans une attitude de sphinge, les Argentins, conscients du drame qu’elle est en train de vivre, sont partagés entre la pitié et la dérision5.
38 Au début de cette période, le gouvernement est dominé par un triumvirat : Benitez à l’Intérieur, Corvalán Nanclares à la Justice, Garrido à la Défense.
39Ces trois personnages s’unissent pour nommer les nouvelles têtes, et liquider le précédent "entorno" réguiste. Mais cette direction collégiale manque de temps pour s’affirmer. Elle se voit bientôt supplantée par l’influence d’un militaire en activité, le colonel Damasco, promu ministre de l’Intérieur. Ce colonel, en fait, était sorti du chapeau de Perón : en février 1974, sentant probablement sa fin prochaine, Perón avait créé un secrétariat du gouvernement de la Présidence, qui devait "assister personnellement et directement le Président de la Nation dans ses travaux à la tête du pouvoir exécutif", et ce secrétariat aux attributions mal définies avait été confié au colonel Damasco. Le "Viejo" voulait-il lier l’Armée au destin d’Isabelita ?
40Toujours est-il qu’au moment où il est promu ministre de l’Intérieur, Damasco est alors présumé l’homme fort du gouvernement.
41Brusquement, le pays apprend donc que la Présidente, très fatiguée, va partir "en congé" le 11 septembre, pour une durée qui ne devrait pas excéder quarante cinq jours.
42La classe politique se dit persuadée qu’elle ne reviendra pas, puisque d’une part Italo Luder est là, dont le rôle, en tant que Président du Sénat, est précisément d’assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir ; que d’autre part cette personnalité est considérée comme un péroniste respectable, et même apprécié par la C.G.T. ; qu’enfin la Présidente est restée évasive sur ses intentions.
43Dès la prestation de serment, Luder réorganise le gouvernement, et place ses hommes, pour faire contrepoids à l’"entorno" qui, tel le phénix, renaît toujours de ses cendres.
44Il lance un nouveau programme économique, fondé sur les mêmes principes qui ont présidé à l’élaboration du plan triennal 1973- 77, avec une double priorité : la résorption du chômage et le contrôle de l’inflation, qui dépasse à présent les 300 %.
45Le nouveau ministre du Travail Ruckauf, est invité à travailler en étroite collaboration avec le ministre de l’Economie Cafiero. Ils élaborent tous deux un projet de loi créant l’"Institut National des Rémunérations, de la Productivité et de la Participation".
46Le Parlement, réuni en session extraordinaire, approuve par ailleurs le projet de trêve sociale conclue pour cent quatre vingt jours, pour mettre fin au "terrorisme patronal et syndical".
47Le principe de l’indexation de l’économie continue d’être appliqué par secteurs.
48Hélas, lorsqu’on apprend que le déficit budgétaire, qui était de 60 milliards de pesos en mai 1975, doit atteindre, selon les prévisions, 190 milliards pour 1976, exit le beau programme...
49S’agissant de l’Armée, Italo Luder s’efforce par ailleurs d’assainir le climat. Celle-ci ne veut plus servir de caution, et se compromettre ès-qualité dans le gouvernement. Le Président intérimaire en prend acte, et se sépare du colonel Damasco. Un habitué du sérail, Robledo, est nommé à l’Intérieur. Dès lors, celui-ci exercera un réel ascendant sur ses collègues du gouvernement.
50Italo Luder se comporte donc en Président à part entière. Il a une image libérale. Ses contacts avec l’Armée et les alliés du Péronisme sont excellents. Il est alors tellement perçu comme un recours crédible que des secteurs de plus en plus nombreux dans chacune des familles politiques, singulièrement chez les péronistes, commencent à souhaiter publiquement qu’Isabelita abandonne définitivement le pouvoir6.
51La Présidente ne l’entend pas ainsi. Symbolique oblige, elle choisit un 17 octobre pour faire sa rentrée à Buenos Aires. C’est précisément le 30° anniversaire du lien entre le "Líder" et les masses.
52Devant la foule des grands jours réunie Plaza de mayo, l’incantation s’élève : "Compañeros : aujourd’hui voilà exactement trente ans que le peuple changea le destin de l’histoire argentine. Car le colonel Perón, ce 17 octobre 1945, en une épopée mémorable, créa le Mouvement National Justicialiste. Personne ne soupçonnait que les "descamisados" pussent faire irruption dans la rue pour crier le nouveau nom de l’espoir : le nom du général Perón. Mais ce jour-là arriva, comme est également arrivé le jour d’aujourd’hui..." 7
53Isabelita, apparemment régénérée, a repris la barre. Mais qui l’écoute encore ?
54La seconde phase, qui s’écoule à partir du 17 octobre 1975 jusqu’à janvier 1976 correspond à la "nouvelle politique" incarnée par Robledo, le ministre de l’Intérieur.
55A son retour de congé, Isabelita trouve, en effet, un patron au gouvernement, qui lui sera bien utile.
56Ainsi, lorsqu’elle rechute en novembre et doit être hospitalisée pendant dix jours, elle se garde, cette fois, de refaire appel à Italo Luder. Car, comme elle le précise dans un message au pays, elle est bien décidée à rester là où Dieu et Perón l’ont placée, cela jusqu’au terme de son mandat.
57 Le terme du mandat, justement, fait l’objet de spéculations les plus diverses.
58Le Conseil des ministres annonce le 17 novembre qu’il envisage la possibilité de procéder à des élections générales, puis, un mois plus tard, que ces élections seraient anticipées et auraient lieu le 17 octobre 1976. Ce qui, en bonne logique, siginifie que la Chabela 8, comme l’appellent les Argentins, resterait encore au pouvoir quelques onze mois. Où en sera-t-on, alors ?
59Un nombre croissant de péronistes pense que la Présidente n’a pas su saisir l’occasion de se retirer à temps.
60Une nouvelle tendance est en effet apparue dans le mouvement, et ceux qui en sont les porte-parole se font appeler les "anti-verticalistes". Dans le code des valeurs péronistes, le "verticalisme" ayant toujours postulé le respect inconditionnel des directives du sommet vers la base, leur attitude est ni plus ni moins une hérésie. Le leader de ces "anti-verticalistes" est le gouverneur Calabró, syndicaliste de l’"Union Ouvrière Métallurgique" (U.O.M.), celui-là même qui avait dirigé l’offensive contre l’ancien Président péroniste Héctor Cámpora. Calabró, en ces temps troubles, est appuyé par les alliés du Péronisme, et à la Chambre de la Plata, province de Buenos Aires, le parti officiel Fréjuli se fracture.
61Tandis qu’il entreprend de se constituer en force autonome, le courant anti-verticaliste exige tout de go le départ de la Présidente.
62Calabró déclare : "L’origine de toute la crise que nous vivons est dans l’absence d’un chef. Ce qu’il faut faire, c’est conduire. Si le péronisme ne s’unit pas, il se détruit lui-même, et détruit le pays. Si les choses continuent ainsi, nous n’arriverons même pas à l’année 1977". 9
63L’objectif est annoncé : le Péronisme se doit de trouver un nouveau chef.
64Et le point d’orgue de la dissidence est atteint lorsqu’une procédure de destitution ("juicio") de la Présidente est envisagée au Parlement.
65Le Péronisme orthodoxe, on s’en doute, ne reste pas les bras croisés. Le courant verticaliste, qui soutient inconditionnellement la Présidente, réagit au travers de Julio González, secrétaire privé d’Isabelita, et surtout de Lorenzo Miguel, chef des "62 Organisations", lesquelles se désolidarisent ainsi de l’attitude quasi officielle de la C.G.T.
66Miguel tire à boulets rouges contre l’"anti-verticaliste" Calabró : comment peut-on tolérer qu’un gouverneur péroniste, de surcroît gouverneur de la province de Buenos Aires, puisse impunément faire le jeu du coup de force ?
67Mais qu’attend donc le ministre de l’Intérieur pour balayer Calabró, et désigner un "interventor" ?
68Ecœurée, ne sachant plus à quel saint se vouer, la base péroniste n’est pas loin de penser, comme le dit le célèbre tango10, qu’"aujourd’hui, c’est finalement la même chose d’être loyal ou traître, charlatan, ignorant, sage, voleur, curé, chiffonnier, tricheur aux cartes, impudent ou vagabond..."
69Car Calabró et Miguel se positionnent déjà pour de futures élections présidentielles, chacun cherchant, à sa façon, à s’approprier le leadership du mouvement justicialiste.
70Dans de telles conditions, durer, pour feindre de gouverner, implique de rester neutre.
71Robledo, au gouvernement, inaugure ainsi une nouvelle démarche : avec lui, la prise de décision politique, à l’inverse de la période réguiste, sera davantage fondée sur le principe de représentativité des tendances. Habile, il essaye de se situer entre les eaux du verticalisme et celles de l’anti-verticalisme.
72Simple tentative car, pour l’heure, le courant anti-verticaliste se renforce, ainsi que ses chances d’aboutir à la destitution de la Présidente.
73Les scandales et la corruption du régime apparaissent, en effet, au grand jour. Une enquête judiciaire est en cours sur les détournements de fonds constatés au ministère du Bien-Etre social. L’ancien responsable de ce ministère, Rodolfo Roballos, ex-collaborateur de López Rega, est arrêté et emprisonné.
74Mais une autre affaire, autrement plus inquiétante pour la Chabela, éclate : celle de la "Croisade de Solidarité", organisation sociale présidée par la veuve de Perón. La signature d’Isabelita aurait été reconnue au bas d’un chèque de 2 millions de francs utilisé à des fins personnelles.
75La Chambre des députés s’apprête à constituer sa propre commission d’enquête sur ces affaires.
76Devant un tel camouflet, Julio González, le secrétaire privé, communique à la Chambre que le pouvoir exécutif n’accepte pas l’enquête : "Il n’échappera pas à Votre Honorabilité que les gouvernements argentins d’origine populaire, et dont l’oeuvre est orientée vers le défense de la souveraineté de la Nation et des droits du peuple, ont toujours eu à affronter des attaques diffamatoires provenant de minorités antinationales qui, ayant perdu toute racine populaire, ont trouvé dans le discrédit du gouvernement en place, dans l’affrontement des pouvoirs, et dans la remise en cause des institutions, le champ propice à leurs aventures putschistes" 11.
77Un tel plaidoyer exprimé au nom du "gouvernement populaire provoque un éclatement à la Chambre. A la suite de l’expulsion de la branche politique du mouvement justicialiste de Carlos Palacio Deheza, lequel avait durement critiqué la direction du parti, un bloc se constitue, le "Groupe de Travail", dans lequel se retrouvent 28 députés péronistes. Avec cette scission, le Fréjuli, parti du pouvoir, perd le contrôle de la Chambre.
78Et l’Armée ?
79Elle a accepté, à contre-coeur, de participer aux opérations anti-guérilla, en particulier dans les provinces de Catamarca et de Tucumán. Elle multiplie les avertissements depuis des mois.
80Le général de réserve Rattenbach ne vient-il pas d’affirmer que la Présidente ne peut plus faire face à la crise "en raison de son sexe, de son système nerveux délicat, et de sa capacité limitée à exercer efficacement ses fonctions" 12.
81Nul n’est donc surpris lorsqu’une partie de l’Armée de l’Air, le 18 décembre 1975, se soulève, prend le contrôle des bases de Morón, de San Luís et de Mendoza, exige la démission de la Présidente, et demande au général Videla, qui est alors en visite officielle au Vénézuéla, d’assumer le pouvoir.
82Le général Capellini, à la tête d’une Junte dite "Commando du Condor bleu", dirige les opérations depuis Morón. Quelques biplaces à hélices ont pour mission de voler en rase-mottes au-dessus de la Casa Rosada.
83Les officiers rebelles se réclament de Saint Thomas d’Aquin, et disent considérer la Réforme et la Renaissance comme des périodes néfastes pour l’humanité. "Notre conscience, clament-ils, ne peut plus supporter l’humiliation et la honte de veiller en armes devant le festin des corrompus, tandis que la tromperie publique dégrade les institutions... Les causes d’illégitimité politique étant maintenant prouvées, nous estimons que nous avons atteint une situation limite et acquis le droit naturel de rébellion" 13.
84La C.G.T., non point pour défendre Isabel Perón, mais pour se défendre elle-même, décrète la mobilisation des masses.
85L’Armée de l’Air appelle à l’union des trois armes. Mais la Marine et l’Armée de terre restent inertes.
86Au bout de quatre jours, tout rentre dans l’ordre.
87Cette tentative avortée n’en constitue pas moins l’avertissement de la dernière chance pour Isabelita, qui n’est pas sans se souvenir, puisqu’elle ne vit que dans le passé, qu’un soulèvement du même type, déclenché en juin 1955, avait préludé au véritable coup d’Etat de septembre qui avait renversé le général Perón.
Cette révolte de la "Junte du Condor bleu" vient à peine de s’achever qu’environ cinq cents guérilleros de l’"Armée Révolutionnaire du Peuple" (E.R.P.) et des Montoneros participent, dans la nuit du 23 au 24 décembre, à une opération dirigée contre l’arsenal militaire de Bernal, dans la banlieue de Buenos Aires.
88Les guérilleros doivent bientôt se replier, sans avoir pu s’emparer de l’arsenal, devant l’arrivée rapide d’avions, d’hélicoptères et de tanks.
89Le bilan est lourd : 102 morts, 85 chez les guérilleros, 7 chez les soldats, 10 chez les civils.
Pour la seule année 1975, la presse avance le chiffre de 894 victimes de la violence14.
90Dans ce contexte infernal, le gouvernement s’emploie, par tous les moyens, à faire diversion.
91En politique extérieure, c’est la vieille revendication territoriale sur les îles Malouines qui est relancée. Cet archipel, situé à quelques six cents kilomètres au large de la Patagonie, est britannique depuis 1833. Or les Malouines, pour l’Argentine, sont réputées présenter deux avantages : la possibilité d’exploiter les gisements de pétrole qui y ont été découverts, et celle de contrôler les routes australes vers le détroit de Magellan et l’Antarctique. En fait, il s’agit d’une revendication de principe, qui donne au gouvernement l’occasion d’échanger quelques horions diplomatiques avec la Grande-Bretagne.
92Au plan intérieur, a été remis à l’ordre du jour le thème du "Modèle National". Ce qui constitue le testament politique de Juan Domingo Perón, et qui serait la base d’une réforme de la Constitution, fait l’objet de nombreuses conjectures : il existerait, apprend-t-on, deux ou trois versions, enregistrées sur bandes magnétiques, de ce qui doit devenir le "Modèle Argentin" pour l’an 2000. La version principale serait détenue par l’ancien secrétaire à la Présidence du gouvernement Perón et éphémère ministre de l’Intérieur d’Isabelita, le colonel Damasco. Ce mystérieux "modèle", qui devait faire l’objet d’un vaste débat public, sera aussi fugitif que la carrière politique du colonel Damasco.
93Le cap de l’année 1976 a été miraculeusement franchi, si l’on songe à l’état des écuries d’Augias, triste réalité du pouvoir en Argentine.
94Le ministre Robledo fait du funambulisme. Son jeu d’équidistance entre les tendances lui vaut de plus en plus d’adversaires acharnés, y compris chez les "verticalistes" : le député ultra-verticaliste Arce le qualifie de "traître" parce qu’il est opposé, en tant que ministre de l’Intérieur, à l’"intervention" contre Calabró, gouverneur péroniste de la province de Buenos Aires.
95Isabelita doit, en effet, considérer alors son ministre comme tel, puisqu’elle lui trouve sur-le-champ un sucesseur : Ares15.
96Les alliés au sein du Fréjuli, ainsi que le courant anti-verticaliste de la Chambre réuni dans le "Groupe de Travail" protestent. En vain.
97D’ailleurs, quelle importance ?
98Et pourtant, dans une suprême crispation, le pouvoir se livre à un dernier baroud. C’est la troisième phase, de janvier 1976 au dénouement de mars.
99De quelque côté qu’on prenne alors l’Argentine, personne n’échappe au lent suicide collectif.
100Côté économie, on assiste à l’effondrement de la monnaie. Le ministre de l’Economie, Cafiero, tente de comprimer au maximum les importations et de préserver de la sorte les dernières réserves de devises.
101Pour obtenir quelque répit, Cafiero est allé au Vénézuéla, en quête d’argent frais.
102La chute du peso a pour conséquence de provoquer un afflux massif de touristes. En plein coeur de la capitale, la rue commerçante de Florida est envahie de Brésiliens venus acheter tout ce qu’ils y trouvent. Les habitants de la capitale uruguayenne franchissent le Río de la Plata pour effectuer leurs achats à Buenos Aires, ce qui fit peser sur le commerce de détail de Montevideo une sérieuse menace d’effondrement.
103L’Argentine, en effet, est devenue pour les étrangers un pays de cocagne.
104Une agence de voyage proclamera, des semaines durant : "Venez en Argentine avant qu’il ne soit trop tard !".
105Mais pour les citoyens argentins, le problème est de "tenir". Rationnement, privations, système D, marché noir, corruption, économie parallèle, enrichissement des accapareurs, prolétarisation de la classe moyenne, misère populaire, tel est le solde laissé par le régime de la "reconstruction et de la libération nationale".
106Avec leur sens de l’humour noir, les Argentins se racontent des "histoires de survivants" : leur propre histoire, sur fond d’inflation galopante. Celle-ci, par exemple : il est devenu difficile, à Buenos Aires, d’acheter des placards. Ils ont été raflés par les familles soucieuses de faire des réserves alimentaires.
107Entre juin 1973 et mars 1976, le lait a augmenté de +1000 %, le pain de 1277 %, etc... Un peso qui n’est pas dépensé tout de suite est un peso perdu.
108Lorsque, simultanément, la presse publie des photographies de l’ancien Président Lastiri16 exhibant sa collection de trois cents cravates achetées à l’étranger, ou se fait l’écho des déclarations du président de l’"Organisation des Etats Américains" (O.E.A.), l’argentin Orfila, décrivant ses fastueuses réceptions, beaucoup d’Argentins songent irrésistiblement à la "Junte du Condor bleu", et à sa dénonciation du "festin des corrompus".
109Le patronat argentin ne cache plus son hostilité au pouvoir. Le Vice-Président de la C.G.E., J.C. Paz, déclare que "dans ce processus... c’est l’Etat qui a échoué sur tous les plans" 17
110L’Assemblée permanente des organisations syndicales du Patronat (A.P.E.G.E.) dénonce le schéma collectiviste qui est, à ses yeux, celui du gouvernement, et qui contribue à faire le lit du communisme. L’A.P.E.G.E. menace de ne plus payer d’impôts et décrète une grève nationale.
111Une nouvelle tête doit-elle tomber ? Le pouvoir désigne un "coupable" : Cafiero, ministre de l’Economie, qui possédait tant d’atouts18
112L’"entorno" (entourage) donne l’estocade finale : Julio González, secrétaire de la Présidence, va jusqu’à rendre public un télégramme adressé à Cafiero pour exiger de lui, "par disposition expresse de la Présidente", l’envoi pour signature à Isabelita des décrets qui entérinent les nouvelles augmentations salariales. Le 3 février, les ministres Cafiero et Ruckauf, de l’Economie et du Travail, démissionnent. Ils sont remplacés respectivement par Mondelli19 et Unamuno.
113Mondelli, qui n’appartient pas au Péronisme historique, doit faire face, dès sa prise de fonction, à une double offensive : patronale, avec la grève décrétée par l’A.P.E.G.E. (la C.G.E. n’y participe pas) et syndicale, à propos des démarches auprès du F.M.I. pour rétablir la balance des paiements.
114Son premier message au pays déchaîne une avalanche de critiques.
115Le 5 mars, dans un second message, il propose une... trêve sociale de cent quatre vingt jours, ainsi que le classique train de mesures : hausses de salaires, des tarifs publics et des combustibles, contrôle des prix pour les produits courants. Après quoi, le calme revenu, serait proposé un nouveau plan pour revenir aux objectifs initialement prévus. Dans l’immédiat, la dure vérité, selon Mondelli, doit être dite aux Argentins. Et le ministre, à la fin de son discours, de citer saint Jean : "Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres..."
116Le char de l’Etat est tiré par une C.G.T. qui avance à reculons, en ruant dans les brancarts. Au cours d’une réunion au siège de la Centrale, la Chabela supplie les syndicalistes : "Sean buenos, y no lo silben demasiado al pobre Mondelli" (Soyez gentils, ne sifflez pas trop le pauvre Mondelli).
117Le taux d’inflation est alors de 450 %. Selon le journal "La Opinión", le plan Mondelli se résignerait à une inflation de l’ordre de 600 % pour l’année 1976...
118Côté politique, le Péronisme continue, envers et contre tout, à générer son propre chaos.
119L’exécutif annonce que les élections présidentielles anticipées prévues le 17 octobre sont ajournées, et invite les "traîtres" au dialogue.
120Le nouveau ministre de l’Intérieur, Ares, propose une entrevue au gouverneur anti-verticaliste Calabró... qui vient d’être expulsé du parti justicialiste et de la direction générale de l’"Union Ouvrière Métallurgique" (U.O.M.)
121La Présidente, d’autre part, invite le "Groupe de Travail" de la Chambre des députés à venir discuter.
122Le dialogue aboutit à un échec complet. Calabró exige de revenir aux sources, c’est-à-dire à Perón. La C.G.T., fidèle à elle-même, a une attitude ambigüe : elle veut briser l’"entorno" où se trouvent, dit-elle, autour au secrétaire privé Julio González, des réguistes comme l’ancien Président et toujours député Raúl Lastiri.
123Son Secrétaire général, Casildo Herreras, déclare : "Je me réfère à l’entorno qui prétend éloigner le mouvement ouvrier du contact direct qu’il maintenait jusque là avec Madame la Présidente" 20.
124D’où la réplique, immédiate, de Lorenzo Miguel et des "62 Organisations" : il n’y a plus d’"entorno".
125Mythe pour les uns, l’entorno doit bien avoir quelque consistance, puisqu’en février, la Présidente oppose aux requêtes du Péronisme politique et syndical son refus final de s’en séparer. Comprenne qui pourra...
126On sonne encore l’hallali : hier, pour le "Brujo", qui existait bien en chair et en os ; aujourd’hui pour l’"entorno", qui, lui, est fantomatique. En réalité, la bête qu’on pourchasse, depuis longtemps déjà, n’est-ce pas Isabelita ?
127Pour la première fois, Lorenzo Miguel, chef des "62 Organisations", crie alors publiquement au coup d’Etat.
128Réaction dont on ne sait si elle est motivée par la certitude qu’un coup de force militaire allait vraiment se produire, et qu’en l’occurrence le fait d’avoir joué les Cassandre lui enlèverait toute responsabilité dans le naufrage final, ou par l’espoir que dans un dernier réflexe de conservation les troupes éparses s’agglutineraient enfin autour de la Chabela....
129Le 18 février, dans un message radiotélévisé, Isabelita annonce qu’elle restera à son poste, mais qu’elle ne se représentera pas aux prochaines élections.
130Le 20, le gouvernement précise que celles-ci sont fixées le 12 décembre.
131Plus que jamais, Isabelita invoque d’une manière obsessionnelle les noms de Perón et d’Evita, qualifiée de "chef spirituel de la Nation". Depuis quelques mois, elle a recours à des formules hallucinées : "Je suis la grande matrice...!" ; "Je ne suis rien de plus que sa main exécutrice..."
132 Dans les premiers temps de son mandat, elle avait entrepris des voyages en province, comme à Santiago del Estero, mais renoncé à ses voyages officiels à l’étranger, Pérou et Union soviétique, notamment.
133Dans les sombres moments de la fin, ses seules apparitions se limitent aux commémorations officielles. Alors, d’une certaine façon, ses larmes, les mouchoirs que lui tendent les ministres, sa présence si menue lorsqu’elle passe en revue les détachements militaires, émeuvent encore les Argentins.
134Le 6 mars, au cours du Congrès du parti qui la réélit à la présidence du Conseil national justicialiste, elle appelle successivement, dans deux discours prononcés à quelques heures d’intervalle, au rassemblement et à la répression.
135Elle déclare d’abord : "Le mot-clé de l’heure est : compatriotes... pour un Argentin, il n’y a rien de mieux qu’un autre Argentin" 21.
136Puis, parlant des adversaires : "On va leur taper dessus avec une hache !... Je vais devenir la femme au fouet si cela est nécessaire !" (2).
137De fait, l’usure nerveuse et la paranoïa ont effacé, en elle, le peu de raison qui y subsistait. Elle n’a plus d’autre ressource que d’imputer le naufrage de l’Argentine à la conspiration de l’anti-patrie. Classique réflexe pavlovien...
138La presse argentine révèle alors qu’il y a eu, dans la semaine du 11 au 18 mars, en moyenne une victime du terrorisme toutes les cinq heures et l’explosion d’une bombe toutes les trois heures.
139Le lundi 22 mars, à 19h40, la Présidente convoque le gouvernement dans son bureau de la Casa Rosada.
140Depuis quelques heures, l’excitation des esprits atteint son paroxysme : chaque pulsation du régime à l’agonie est observée heure par heure.
141Tout le monde attend, avec une impatience un peu malsaine.
142Y aura-t-il du spectacle ? Comment se comportera la veuve de Perón ? N’a-t-elle pas affirmé qu’elle ne quitterait la Casa Rosada avant la fin de son mandat que traînée par ses bourreaux pour "être pendue sur la Plaza de Mayo" ?
143Pour l’homme de la rue, il y a deux indices qui ne trompent pas : d’une part la mobilisation des troupes de la 6° brigade d’infanterie dans la région de Bahía Blanca, et le discret quadrillage de la capitale par des effectifs d’artillerie ; d’autre part la réunion des trois commandants en chef au siège du quartier général de l’Armée.
144 Tout l’Etat péroniste assiste à la réunion de Cabinet. Sont présents, outre les ministres, le second vice-président et le Secrétaire général du mouvement justicialiste, Lorenzo Miguel (chef des "62 Organisations"), Italo Luder, Président du Sénat, Sánchez Toranzo, celui de la Chambre des députés, ainsi que les présidents du bloc justicialiste des deux chambres. Absence notable : celle de Casildo Herreras, Secrétaire général de la C.G.T. qui, depuis plusieurs jours, a quitté le navire, et s’est sauvé en Uruguay ("Yo me borro" : "je disparais", a-t-il dit).
145On attend de cette réunion que soit prise la décision de la dernière chance, susceptible de sauver le régime : soit la démission de la Présidente, soit le décret de destitution des trois commandants de l’Armée.
146Rien ne vient.
147Le mardi 23, à 21 heures, une grande négociation s’engage entre l’Armée et Deheza, ministre de la Défense.
148Le ministre offre de profonds changements dans la direction du gouvernement, des portefeuilles ministériels et des postes de gouverneurs aux Militaires, ainsi que la fermeture du Congrès.
149L’Armée n’a qu’une seule exigence : la démission de la Présidente.
150Impasse totale.
151La Plaza de Mayo est désespérément vide. S’en sont allées, les grandes fêtes d’antan... Seules, devant les fenêtres du Palais, une poignée de femmes chantent des cantiques pour le sort de la Chabela..
152A l’intérieur, la Présidente, constamment adjurée, oppose un refus catégorique.
153Tard dans la nuit, les réunions se poursuivent. Vers une heure du matin, Isabelita quitte le palais avec son aide de camp et Luisi, responsable de sa sécurité. Sur la terrasse, elle monte à bord d’un hélicoptère, un gigantesque Bel 212 de l’Armée. En vol, le pilote invoque un problème technique, l’appareil décrit alors une large courbe au-dessus du Río de la Plata, et se pose sur la base militaire de l’Aéroport métropolitain. Isabelita y est accueillie par des uniformes, pistolet à la main, en particulier par l’officier Basilio Lami Dozo22, qui lui annonce qu’elle a été destituée.
154Le ministre du Travail, en réunion avec des syndicalistes, est averti par téléphone que la Présidente vient d’être arrêtée.
155Tout ce qui reste alors du Péronisme officiel tente, dans la panique, de se mettre en sûreté avant l’aube.
156 En septembre 1955, Perón avait été renversé dans le fracas des proclamations militaires et des déploiements de troupes. En mars 1976, Isabelita, au terme de jours et de jours de réunions inutiles, fut écartée le plus discrètement du monde par une Armée qui n’osait pas se montrer.
157Il n’y eut ni violence ni effet de surprise. Isabelita fut victime d’une sorte de "kidnapping" par des Militaires qui, au fond, répugnaient à prendre la succession. Une Armée-fantôme, presque humblement, ramassa le pouvoir. Cette fois, elle donnait l’impression que son action relevait du sacrifice : une opération de salut public, somme toute.
Une Junte militaire, composée des trois commandants en chef, le général Videla, l’amiral Massera et le général de brigade Agosti, assume le pouvoir.
Son but : lancer un nouveau processus de "réorganisation nationale". Le 27 mars, le général Videla est désigné Président de la République.
158Le triennat péroniste, commencé dans l’éblouissement d’une longue fête que l’Argentine n’avait pas connue depuis les années 1950, vient de s’achever.
159Et, pour les péronistes, voilà revenu le temps de l’exil.
Notes de bas de page
1 "esa niña rubia y flaca" : c’est ainsi que, dans une lettre, López Rega qualifie Isabel Perón.
2 Le "Mouvement d’Intégration et de Développement" (M.I.D.), est de tendance Frondizi-Frigerio. Frondizi est le candidat du parti radical que Perón avait contribué à faire élire à la Présidence en 1958, au temps de l’exil.
3 "La Nación", 9 juin 1975.
4 Depuis leur apparition lors du Congrès d’août 1957, les "62 Organisations" jouent, au sein de la C.G.T., un rôle dominant, et d’une nature essentiellement politique.
5 Isabelita, qui ne sait plus à quel Dieu se vouer, ne cesse alors de "consulter". Ainsi, elle fait venir un soir à sa résidence d’Olivos le "péroniste des origines" Enrique Oliva. A vingt trois heures, la résidence étant totalement plongée dans l’obscurité, elle le reçoit dans un salon et lui dit : "Excusez-moi de l’heure tardive. Quelques compagnons m’ont dit que vous pourriez occuper le poste de secrétaire d’Etat à l’Information de la Présidence. Etes-vous prêt à me faire un rapport sur la situation ?". Oliva, qui la trouve "déprimée" et "éteinte", remettra dès le lendemain son rapport au secrétariat de la Présidence. Sans résultat, (témoignage de Enrique Oliva à l’auteur, Paris, février 1989).
6 Robledo fut, sous Cámpora, sous Lastiri et sous Perón, ministre de la Défense (entre mai 1973 et août 1974)
7 "La Opinión", 18 octobre 1975.
8 Chabela : diminutif d’Isabel.
9 septembre 1977 est le terme normal du mandat présidentiel, qui a alors une durée de quatre ans. Juan Domingo Perón avait été élu en septembre 1973.
10 "El Cambalache", célèbre tango de Carlos Gardel.
11 "La Nación", 24 novembre 1975.
12 "Le Monde", 19 novembre 1975.
13 "La Opinión", 19 décembre 1975.
14 Le mouvement Montonero, après l’interdiction de son journal "La causa peronista" était entré dans la clandestinité en septembre 1974, son leader, Mario Firmenich, ayant été arrêté le 17 mars 1974. Les Montoneros seront officiellement mis hors la loi le 8 septembre 1975, et Roberto Quieto, autre leader, sera arrêté le 27 décembre 1975. En ce qui concerne l’ E.R.P., la police arrêtera les enfants et le frère de Mario Santucho le 11 décembre 1975. (Santucho sera tué en juillet 1976).
15 Au moment du soulèvement de la "Junte du Condor Bleu" du 18 décembre 1975, Angel Robledo, ministre de l’Intérieur, avait négocié plusieurs jours avec le général Capellini. Afin que les mutins rentrent dans le rang, il s’était alors résolu à faire pression sur Isabelita pour qu’elle démissionne de son poste de Présidente au plus tôt.
16 Raúl Lastiri, gendre de López Rega, était Président de la Chambre des députés au moment où, lors de la démission de Héctor Cámpora, il fut appelé à assurer l’intérim présidentiel
17 "La Opinión", 23 janvier 1976.
18 Cafiero ressuscitera en 1987, puisque, à la tête d’un Péronisme "rénovateur", il gagnera largement les élections législatives partielles, contre le parti radical du président Raúl Alfonsín.
19 Six ministres de l’Economie se sont succédés sous Isabel Perón : Gelbard (jusqu’en octobre 1974), Morales (jusqu’en mai 1975), Rodrigo (jusqu’en juillet 1975), Bonanni (jusqu’en août 1975), Cafiero (jusqu’en février 1976), Mondelli (jusqu’en mars 1976).
20 "la Opinion", 22 janvier 1976.
21 "La Opinión", 7 mars 1976.
22 Lami Dozo ne tardera pas à être promu commandant en chef de l’Armée de l’Air, et fera partie de la troisième Junte militaire, avec l’amiral Anaya et le général Galtieri.
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