8. Premiers mai1
p. 199-217
Texte intégral
1Suite à une proposition de deux militants français, Raymond Lavigne et Jean Dormoy, et après concertation des marxistes français avec les délégués allemands Bebel et Liebknecht, le congrès socialiste international de Paris (14-20 juillet 1889) a décidé d’organiser
« une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail, et d’appliquer les autres résolutions du congrès de Paris ».
2Dès sa création, le Premier mai se veut donc un mouvement international, basé sur les principes de l’universalité et de la simultanéité de la célébration et des revendications. Il doit aider les jeunes mouvements encore faibles à sortir de leur isolement national et leur donner un nouvel élan. Quelques années plus tard, Albert Thomas rappelle le poids moral de la décision alors adoptée :
« Les partis socialistes, faibles minorités encore dans beaucoup de pays, petits groupes isolés, ridiculisés parfois, le plus souvent traqués et persécutés, avaient besoin du réconfort que leur pouvaient donner le sentiment de l’universelle propagande, et la constatation des progrès accomplis par des partis plus forts. Les réunions internationales apportaient aux militants la claire vision de l’action socialiste et se situant pour ainsi dire, dans l’immense travail, qui partout s’accomplissait, ils reprenaient une nouvelle confiance. L’établissement, par le premier congrès international, en 1889, de la fête du premier mai, consacrée à la revendication de la journée de huit heures, est une preuve de cet état d’esprit. Les socialistes ont voulu affirmer par cette fête l’universalité de leur organisation ; et il est incontestable que l’effet moral obtenu dès lors, fut grand. »
3 La résolution internationale qui exprime cette volonté a été délibérément conçue en des termes assez vagues pour n’exclure personne et permettre aux sections nationales sous étroite surveillance policière (Russie, Allemagne) de s’intégrer au mouvement. Elle laisse, en conséquence, la plus grande latitude à chacune des sections pour déterminer ses modalités d’action mais formule du moins deux impératifs : la journée doit revêtir un caractère revendicatif et non festif et la manifestation, quelle qu’en soit la forme, avoir lieu le 1er mai 1890, à l’exclusion de toute autre date. Préféré au 18 mars ou au 14 juillet d’abord envisagés par le congrès puis rejetés car trop marqués nationalement, le jour choisi se rattache à la pratique américaine récente des grèves de mai et présente donc une extériorité pour chacun des états concernés par cette étude2. Cette résolution ne stipule pas la grève et ne confère donc aucune responsabilité particulière aux organisations syndicales dans la mise en œuvre du Premier Mai. C’est un des enjeux des pages suivantes que de déterminer l’éventuelle incidence de celui-ci sur la gestation ou le développement de ceux-là. Dans quelle mesure « l’invention du Premier Mai » contribue-t-elle à celle des syndicalismes européens ? Jusqu’à quel point détermine-t-elle certains de leurs traits ?
Des types nationaux
Les premiers Premier Mai
4Le retournement de conjoncture économique caractérisé par la sortie de la grande dépression, une poussée de grèves et le développement d’initiatives exprimant la solidarité internationale contribuent, partout, au succès des premiers Premier Mai et constituent un facteur unificateur. La nature de chaque État, le rapport que les organisations ouvrières entretiennent avec lui, le système festif dominant et, plus encore, la conjoncture politique sont, en revanche, d’immédiats facteurs de différentiation nationale. De leur fait, les modalités unifiantes sont, de prime abord, contestées par certaines des sections nationales et la volonté unificatrice exprimée, internationalement par la décision de faire de la journée des huit heures LA revendication universelle du Premier Mai, immédiatement, relativisée par l’émergence de revendications conditionnées par les divers contextes nationaux ou locaux.
5Quatre cas de figures se dessinent de prime abord.
6Les trade unions et le SPD sont des organisations anciennement constituées et dotées de fortes ressources qu’elles entendent bien ne pas sacrifier à une action symbolique. Pour satisfaire à des décisions prenant à contre pied leurs stratégies, elles adoptent, en 1890-1891, un profil bas caractérisé par le déplacement du Premier Mai sur le dimanche et, du même fait, par le rejet de toute grève généralisée.
7En Grande Bretagne, le libéralisme économique vaut aux trade unions de privilégier depuis toujours la négociation collective avec l’employeur à l’interpellation de l’État. En outre, le souvenir des récentes manifestations de chômeurs sanglantes de 1886-1887 initiées par la Social democratic federation accroît leur défiance devant le principe de puissantes mobilisations de masse. En revanche, les organisations socialistes renaissantes depuis le milieu des années 80 et le new unionism qui organise les secteurs trop faibles pour miser sur une négociation directe avec l’employeur tiennent les décisions du congrès de Paris pour une opportunité. La pression qu’elles exercent leur permet de vaincre les réticences des trade unions au demeurant soucieux de ne pas se désolidariser d’un mouvement de solidarité international. Elle n’est toutefois pas telle qu’elle puisse émanciper l’action de leur hégémonie et surtout des déterminants induits par le système politique. Le principe admis de la négociation collective interdit toute grève aux objectifs nationalement unifiants. Le libéralisme économique prive de sens toute démarche pétitionnaire. Le libéralisme politique permet, en revanche, de grands rassemblements inscrits dans le temps et les espaces convenus d’une culture manifestante dont ils épousent les rites. Il répond également de la forte présence des exilés politiques de l’Europe entière et, de ce fait, d’une teneur idéologique des Premiers Mai supérieure à celle des pays voisins (à ce titre, les Premiers Mai londoniens d’alors ne sont pas sans évoquer ceux du Paris d’aujourd’hui). De là découlent les traits originaux des premiers Premier Mai britanniques. Le principe du report sur le dimanche et le rejet de la grève s’imposent durablement et le rassemblement dans un espace du centre ville légalement dévolu à ces fins l’emporte sur toute autre forme d’action. L’aspect politique de la journée éclipse toute expression parallèle ou concurrente et la presse ne se fait l’écho d’aucune festivité. Ce qui n’exclut pas, toutefois, une ambiance de fête. Londres abrite, jusqu’en 1895, des manifestations d’ampleur exceptionnelle à portée nationale (entre 250 000 et 300 000 participants à Hyde Park de 1890 à 1894). Les organisateurs majeurs en sont le London Trades Council, dominé par la vieille génération « Lib-Lab » et flanqué par la Social democratie federation de H.M. Hyndman et un comité spécialement créé pour l’occasion, le Eight Hours Legal Working Day Committee. Ce comité sans pareil réunit 94 syndicats et divers groupes socialistes radicaux. Eleanor Marx est le pivot de cette organisation supportée par la Bloomsbury Socialist Society. Ces deux groupes organisent des manifestations totalement distinctes à Hyde Park. La Marxist Socialist League et la Social Democratie Federation mettent, quant à elles, sur pied des démonstrations dissidentes. Les fabiens, les anarchistes et certaines des new unions pareillement. La province, faiblement touchée, l’est dans les zones de force du new unionism plus que dans celle du socialisme radical. Des facteurs personnels, telle l’influence directe d’Eleanor Marx, entrent également en ligne de compte.
8Les impératifs initiaux sont similaires en Allemagne mais le résultat sensiblement différent. Le premier Premier Mai coïncide, là, avec l’achèvement du processus de constitution du mouvement ouvrier. Le spd vient de prendre un nouveau départ au congrès d’Erfurt, le mouvement syndical est en pleine croissance et les associations professionnelles, en train de fusionner (1889), se constituent en mouvements de masse basés sur des réformes sociales et sur une politique de pression exercée grâce au concours du parti prolétarien. Le rapport à l’État vient simultanément de se transformer (les phénomènes sont naturellement liés). Le gouvernement de Guillaume II a mis un terme aux lois d’exception qui frappaient le mouvement ouvrier allemand et le spd a obtenu 20 % des voix lors des élections de février 1890. Soucieux de ne pas compromettre ses acquis, de stabiliser ses conquêtes et d’assurer sa progression, il définit, dès 1889, le Premier Mai comme une « fête » internationale du travail, émet les plus extrêmes réserves vis-à-vis d’une démarche propre à favoriser les conflits et, pour les désamorcer, appelle, jusqu’en 1894, à organiser une assemblée dans la soirée du 1er mai et à célébrer la « fête » du Premier Mai le dimanche suivant. En privilégiant d’autant plus volontiers les formes festives qu’elles sont inscrites dans la tradition du mouvement ouvrier allemand quand les « journées » de lutte ne le sont pas, du fait de l’absence de traditions révolutionnaires. Les cortèges festifs organisés dans ces circonstances s’inspirent de la tradition compagnonnique. Parce que les ouvriers ne se sont pas encore emparés de la rue, ils s’éloignent des centres urbains chargés d’histoire et se déploient dans des espaces périurbains. En exprimant une aspiration ouvrière au soleil, à l’air, au loisir, non à l’intégration dans l’histoire nationale. À Brême, pour prendre un exemple, les militants se retrouvent de bonne heure dans les divers quartiers, gagnent en cortèges le Bürgerpark au centre de la ville et s’y promènent. Ils défilent sur les trottoirs pour ne pas troubler la circulation, revêtus de leurs habits noirs du dimanche avec, à la boutonnière, un œillet rouge. Peu de femmes au nombre et pas d’orchestres, pas de banderoles rouges, pas de chants. Cette respectabilité affichée vaut à la promenade d’être tolérée par les autorités. Dans l’après midi, une réunion politique est organisée et des divertissements offerts aux enfants. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure les régions catholiques se distinguent des protestantes mais les études régionales font défaut. Toutefois, on sait qu’au tournant du siècle, le Premier Mai a réussi à s’instituer comme fête (au sens large) dans toutes les régions du Reich et que, dans la plupart des villes, une minorité d’ouvriers fait grève, se rassemble ou défile. Le choix de ces pratiques et de ces espaces subculturels n’est pas seulement lié à l’absence de liberté de manifester et à une prudence exagérée. Il participe de la politique de « désintégration culturelle » (Gottfried Korff) du SPD dont le Premier Mai se veut un temps fort. Des manifestations apparemment anodines telles les promenades en plein air ne doivent pas être perçues comme de simples copies d’une tradition festive bourgeoise. Elles se veulent le lieu d’émergence d’une culture alternative dont le thème dominant est l’humanisation de la classe ouvrière, l’occasion d’apprendre à afficher de nouvelles formes de comportement politique, d’affirmer le lien étroit entre la revendication politique des 8 heures et les aspirations culturelles (temps libre pour les activités culturelles, instruction, rôle émancipateur de la science fortement marqué dans les allégories). En se donnant, de la sorte, pour une contradiction symbolique des fêtes impériales, une anti fête de Sedan.
9Mais dans l’Allemagne de 1890, la question des rapports syndicats/parti n’est pas totalement réglée et ces choix ne font pas l’unanimité. La résolution du congrès de Paris parvient en Allemagne alors que les syndicats commencent à se libérer de la domination du parti. Si ce dernier subordonne le Premier Mai à l’abrogation de la loi antisociale et à la campagne électorale, il en va différemment des congrès syndicaux qui tous se prononcent pour la grève entre août 1889 et mai 1890 ; avec, pour effet, une « fièvre de grève » perceptible dans les semaines précédant le 1er mai. Le patronat réagit par une contre-mobilisation sans précédent et procède à des lock out, en particulier à Brême et Hambourg. Dans cette dernière ville, les ouvriers répondent par la grève.
10En France, c’est le réformisme politique déployé par l’État républicain, l’antériorité du suffrage universel et la précoce intégration des classes populaires dans l’État-Nation qui déterminent le principe de la journée internationale autant que ses caractères. La proposition guesdiste formulée devant le congrès de Paris vise, en effet, entre autres fins, à contrer les pratiques d’intégration politique instituées par les républicains victorieux et qui font obstacle à l’autonomisation politique de la classe ouvrière. Du fait de l’hégémonie républicaine, aucun principe identitaire susceptible de faire pièce aux modes d’identification dominants ne saurait surgir, là, sans une extériorité susceptible de constituer un pôle intégrateur d’une autre sorte. Cet universel qu’est la classe satisfait pareille exigence. Un tel impératif identitaire exclut naturellement tout report de date en raison de la forte charge internationaliste d’une célébration universelle et simultanée et, sauf exceptions locales, le Premier Mai sera toujours célébré à la date convenue. Ce qui peut induire des problèmes d’articulation avec des temps concurrents : celui du travail quand le Premier Mai tombe en semaine, celui de certaines fêtes locales quand il coïncide, au contraire, avec un dimanche et le temps convenu de la politique quand le calendrier électoral le chevauche. Les guesdistes qui sont les initiateurs du Premier Mai n’excluent aucune forme d’action et celui de 1890, quoique politiquement dominé par eux, est l’occasion d’un puissant mouvement de grève se prolongeant au-delà de la date convenue. Ils privilégient, du moins, la remise de pétitions à la Chambre ou aux pouvoirs locaux, qualifiée par eux de « mise en demeure ». Les manifestants se réunissent préalablement pour débattre des questions en rapport avec la journée, voter des résolutions, élaborer les pétitions ou les cahiers de revendications puis organisent des cortèges. Bien préparés, annoncés, essentiellement masculins, ceux-ci mettent en scène des manifestants en costume ou blouse de travail et entendent donner l’image d’une classe ouvrière s’affirmant pour telle mais soucieuse de discipline et de légalité.
11En Belgique, prévalent en 1889 les mêmes conceptions qu’en Allemagne. « Le jeudi 1er mai ne doit pas être un jour de grève mais une fête du travail », écrit ainsi le journal gantois Vooruit en décembre de cette même année. En vertu de sa tradition d’autonomie, le congrès du POB, réuni en avril 1890, confère toutefois à ses sections locales et à ses fédérations régionales toute liberté concernant l’organisation du Premier Mai. Un manifeste traduit dans les deux langues en vigueur et édité à Gand et Bruxelles sous le titre Het Achturenwerk ou Le travail de huit heures constitue, ainsi, l’unique exemple d’une brochure diffusée à l’échelon national pour cette occasion de 1890 à 1906, seuls les journaux reproduisant, ensuite, les appels nationaux et internationaux. La conjoncture politique vient, toutefois, brouiller immédiatement les schémas initiaux. Le parti s’engage en effet, en 1890, dans une campagne pour l’obtention du suffrage universel. Il préconise la grève générale comme moyen d’action puis recule et propose, en avril 1891, d’en ajourner le principe jusqu’après la discussion du budget le 20 mai. Le 1r mai 1891 peut, dans ce cadre, constituer un atout autant qu’un handicap, devenir un catalyseur ou risquer d’être un dérivatif à une exigence tenue pour majeure. La fédération des mineurs ralliée depuis des mois au principe de la grève générale politique tranche dans le vif et, nonobstant les réticences du POB, engage la grève le 1r mai. Cette grève, dont l’objectif est le suffrage universel plus que les 8 heures, devient générale et acquiert force suffisante pour que la Chambre adopte le 20 mai le principe de la révision constitutionnelle. Celle-ci est effective en avril 1893. C’est ainsi la lutte pour le suffrage universel qui unifie un mouvement dont le Premier Mai n’est qu’un aspect secondaire.
Les facteurs nationaux d’évolution
12Ces caractères initiaux ont une durée de vie très inégale.
13La Grande-Bretagne ne connaît ni changement notable dans les relations État/ mouvement ouvrier, ni renversement du rapport des forces au sein du mouvement ouvrier. Le libéralisme politique persiste à autoriser, là, le déploiement de mouvements que le libéralisme économique prive de finalités immédiates et la stratégie des trade unions à exclure les grèves globalisantes et par là politiques. Sans qu’aucun des organisateurs successifs ne puisse échapper aux déterminants initiaux. Le Premier Mai qui avait réuni de prime abord, à Londres, des foules sensiblement supérieures à celles des pays voisins conserve sa puissance jusqu’en 1896 puis décline et renaît, après le tournant du siècle, à l’initiative de l’ILP et du Labour Party ; dans une géographie différente qui doit à des données strictement internes au mouvement ouvrier : déclin du new unionism, mort d’Eleanor Marx, emergence du Labour Party. Ses démonstrations de province gagnent en ampleur. L’extension provinciale de la mobilisation demeure, du moins, jusqu’en 1906 inférieure à ce qu’elle est dans les pays voisins.
14En Allemagne, ce sont des redéfinitions internes au mouvement ouvrier qui répondent, pareillement, des évolutions. En 1890, le SPD a vu sa position dominante concurrencée et contestée par un mouvement de base et par la commission générale des syndicats. Il reprend l’initiative, définit, en 1895, le Premier Mai comme un « jour de fête et de combat » puis déclare l’année suivante, au congrès de Gotha, que le chômage général en est la forme la plus digne. Parti et syndicats se coordonnent alors et marchent désormais d’un même pas : fêtes et manifestations sont désormais organisées de manière simultanée, à la date convenue, sauf possibles exceptions. Le Premier Mai qui a conservé sa force acquise dès l’origine franchit un seuil de croissance avec et après la révolution russe de 1905. Les clivages majeurs passant désormais entre tenants et adversaires de la grève politique de masse au sein du parti, non entre parti et syndicats. Le Premier Mai devient l’occasion de grèves généralisées (inspirées du modèle russe et non français) et, dès 1907, est au centre des discussions sur la grève générale. Au point que le parti décide, l’année suivante, de mettre en place des fonds pour les lock out consécutifs à cette journée. Palliant ainsi les limites d’un syndicalisme qui ne pouvait assurer le soutien économique aux ouvriers en grève que lorsque les conflits se limitaient à une ville, une région ou une branche.
15En Belgique, c’est, en revanche le renversement de conjoncture politique qui répond des modifications. Elles sont ipso facto plus importantes. Les élections législatives de 1894 donnent au pob 20 % des voix. Ce parti cherche, en conséquence, à désamorcer le potentiel révolutionnaire du Premier Mai. Son congrès de 1895 décide de demander aux écoles, usines et administrations locales de fermer leurs portes ce jour et un projet de loi visant à en faire un jour férié est déposé. Sans succès. Le pob se rallie alors aux choix initiaux du spd et privilégie les formes festives pensées, ici, comme une alternative aux grandes fêtes religieuses. Structurées autour des maisons du Peuple, elles relèvent plus particulièrement de la responsabilité des coopératives aux ressources sensiblement plus fortes que celles du mouvement syndical jusqu’à la guerre. Leurs fonds sont pour beaucoup dans l’épanouissement d’une production artistique qui inscrit l’événement dans le cadre de la subculture, comme en Allemagne. Elle s’épanouit dans les cortèges (du moins à Gand et à Bruxelles).
16Cette évolution ne signifie aucunement la disparition des grèves mais le caractère combatif du Premier Mai, désormais, se subordonne à la fête. Dès 1890, le cortège avait constitué la pierre angulaire de la journée. Du fait d’une tolérance plus forte qu’en Allemagne (Liège excepté), il investit le centre-ville, se déroule presque toujours dans le calme et s’organise sous la protection d’un service d’ordre émanant des organisations socialistes. Après le cortège, des meetings avec discours de circonstance ont lieu dans les Maisons du peuple. Des banquets sont également organisés. Le mouvement qui s’affirme en 1895 se stabilise à un haut niveau. Ce Premier Mai devient, dans les grandes villes, une fête de l’art donnant lieu à une imposante créativité. Les peintures monumentales réalisées pour la circonstance sont arborées dans les cortèges où de nombreux chars exaltent le triomphe des idéaux socialistes et du travail, avec une possible emphase. Mais le Premier Mai peut devenir un événement polyvalent. À Gand, en 1897, la fête se prolonge tout un week-end et les Gantois profitent de ce jour de liberté pour faire une grande promenade hors les murs, avec, comme en Amérique, de possibles pique-niques. À quoi s’ajoutent des danses et manifestations culturelles. Et parce ce que les décisions d’action sont du ressort des instances locales, le choix du 1er mai ou du report au dimanche coexistent. Il peut même arriver que deux manifestations soient prévues, le Premier Mai puis le premier dimanche de mai ; ainsi à Gand.
17En tout état de cause, les forces et régions mobilisées pour la circonstance sont sensiblement celles qui le furent pour l’obtention du suffrage universel et ne présentent donc aucune spécificité. L’inégale implantation du Premier Mai est, dès lors, à l’image de celle des organisations socialistes et des clivages religieux. En Wallonie, caractérisée par sa puissance industrielle, la forte homogénéité de son prolétariat et le recul de l’influence catholique, la combativité ouvrière n’a pas attendu le Premier Mai pour devenir légendaire. Les Premier Mai sont, là, à l’image de la puissance du parti. La grève est générale dans les mines, la métallurgie et les branches de l’industrie où les organisations ont acquis du pouvoir depuis les émeutes de 1886 et des cortèges se forment en banlieue pour gagner la grande ville où se tient la manifestation de masse (par exemple à Liège en 1890). Toute différente est la situation en Flandre. Lors des premiers Premier Mai, il ne se passe rien, Gand excepté. La résistance de l’Église s’exprime avec force, y compris dans des petites villes ayant connu un développement industriel, telle Alost, et ne laisse aucune chance aux manifestations du Premier Mai. Mais la Flandre cesse bientôt d’être épargnée et des cortèges s’organisent, selon des modalités spécifiques. À Bruxelles comme dans les autres villes flamandes, les participants des communes limitrophes gagnent individuellement le point de rassemblement central et le cortège s’organise ensuite au centre ville. Les grèves demeurent, en revanche, exceptionnelles (inexistantes à Gand, rares à Bruxelles). Les différenciations secondaires constatées d’une ville à une autre s’expliquent par la forte tradition d’autonomie du POB déjà signalée. Les organisations locales qui tiennent les rênes de l’action colorent leurs initiatives d’importants accents propres et contribuent par là au succès de la fête.
18Le réformisme social prévalant et l’inachèvement du réformisme politique répondent donc du modèle social-démocrate et pragmatique et de la construction de subcultures qui, désormais, prévalent en Allemagne aussi bien qu’en Belgique. La direction qu’exerce chacun des partis sur les organisations d’autres sortes et en premier lieu sur les syndicats permet toutefois à ces partis d’admettre et de soutenir les grèves dont ils avaient d’abord rejeté le principe. En les intégrant à leur stratégie.
19Toute différente est la situation française. Les mutations doivent, là, à l’attitude de l’État autant qu’aux évolutions du mouvement ouvrier. Les choix guesdistes avaient été conditionnés par la confiance en l’État interlocuteur et par la volonté de s’inscrire dans le cadre des libertés démocratiques (ou supposées telles, s’agissant du « droit » de manifestation). Or l’État républicain déçoit. Son libéralisme économique lui interdit de satisfaire à la demande qui lui est adressée et le 1r mai 1891 révèle une capacité répressive qui marque durablement le mouvement ouvrier français. L’ampleur des grèves de 1890 nourrit, en effet, l’année suivante, les fantasmes et inquiétudes, des semaines avant le 1er mai et, ce, jusqu’au-delà des frontières. Le patronat craint leur renouvellement et fait appel à la troupe. L’État qui avait toléré les cortèges en 1890, les interdit massivement. Il tient pour illégitimes les cortèges pétitionnaires dès lors qu’il est loisible à chaque citoyen de s’exprimer par la voie des urnes et satisfait aux demandes patronales. Avec pour solde, on le sait, Fourmies. L’État qui fut, à sa manière, une des matrices de la proposition de 1889 devient, de ce fait, l’archétype de l’État répressif (jusqu’en 1905 où le pouvoir tsariste prend la relève) et le Premier Mai semble s’engager dans la voie du déclin. Le mouvement ouvrier qui avait misé sur la légalité parlementaire est, dès lors, à l’origine d’une stratégie qui en constitue le rejet le plus radical. Après quelques délais.
20Les guesdistes, sortis victorieux des élections de 1893, demeurent fidèles aux « mises en demeure » et subordonnent le Premier Mai aux impératifs des campagnes électorales chaque fois que les deux calendriers se chevauchent (le cas est fréquent). Leurs positions, contestées dès 1890 et 1891 par le comité général d’organisation du Premier Mai qui réunit des blanquistes, des allemanistes et des syndicalistes hostiles aux guesdistes, sont mises à mal quand l’idée de la grève générale l’emporte au Ve congrès de la fédération des syndicats (1892). La division du mouvement ouvrier français est toutefois telle que la décision n’a pas d’effet immédiatement sensible sur le Premier Mai qui ne retrouve plus, des années durant, son environnement gréviste de 1890 (nombre de grèves organisées durant la semaine qui précède ou qui suit). Peut-être faut-il y voir, également, un contre coup de la répression de Fourmies. Les appels cessent d’être nationaux et l’initiative se transfère au plan local, avec ce que cela implique d’éclatement des organisateurs et des formes. Dès 1890, la journée, sans force dominante névralgique, reflète la division du socialisme français et présente une très grande diversité de situations locales. De 1890 à 1906 les manifestations à finalité pétitionnaires et revendicatives reculent (sans totalement disparaître). En revanche, les manifestations identitaires dépourvues de tout interlocuteur deviennent plus nombreuses. Elles peuvent se concentrer dans les espaces ouvriers convenus (environs des bourses du travail) mais investissent parfois les centre villes qui concentrent la mémoire de la ville ou, s’agissant de la capitale, de la nation. En témoignant alors d’une volonté de s’approprier l’histoire locale ou nationale et d’affirmer, par ce biais, l’intégration de la classe ouvrière dans la société. Ces divers types de manifestations s’accompagnent souvent de festivités diverses, dans des salles municipales ou non et, plus souvent, dans ces espaces de sociabilité que sont les cafés. Bien que le Premier Mai soit conçu comme un « contre 14 juillet » par les guesdistes et comme le moyen du passage de la « classe en soi » à la « classe pour soi », ces manifestations portent la marque du système parlementaire, de la politique festive dominante et de la symbolique républicaine. Ils transparaissent dans « les mises en demeure », dans la présence durable, en nombreuses villes de province, de drapeau tricolore et de la Marseillaise et dans de multiples emprunts aux fêtes civiques (feu d’artifice, cortèges en direction des cimetières inspirés des hommages aux morts) et à la sociabilité républicaine (punch, banquets).
21La naissance du syndicalisme confédéré, en 1895, n’a pas eu d’effets immédiats sur la prise en charge du Premier Mai. Il faut attendre 1900, plus nettement 1904, pour que la CGT revendique le leadership, s’en empare et décide de constituer la journée en banc d’essai de la grève générale. La reprise, perceptible dès 1901, s’exprime surtout en 1905-1906 avec pour la première fois le retour à un environnement gréviste supérieur à celui de 1890. Simultanément, la CGT accuse le congrès de Paris d’avoir perverti l’idée du Premier Mai et prétend désormais s’inscrire dans la directe filiation des Premiers Mai américains et des pendus de Chicago. Elle mobilise le souvenir de Fourmies à un degré supérieur à celui des précédentes années et donne à sa propagande une connotation antimilitariste. Ce captage d’héritage est facilité par le fait que les partis socialistes, en perpétuelle redéfinition, ont cessé depuis 1895 de tenir le Premier Mai pour une priorité et que la mobilisation, certes non négligeable et multiforme, est devenue le fait majeur d’initiatives locales, avec aux rangs des organisateurs nombre de syndicats. La SFIO, tout juste constituée, admet, du reste, cette captation en conservant souvent une implication locale.
22Jusqu’en 1905, la géographie du Premier Mai ne recoupe que partiellement celle de l’implantation socialiste, syndicaliste ou celle des bastions industriels. Paris et la région parisienne, en particulier, constituent des zones de faiblesse. Il faut y voir une conséquence paradoxale du jacobinisme prévalant. La centralisation politique répond d’une maîtrise de l’ordre public plus ferme à Paris qu’ailleurs et dès lors d’une plus grande difficulté à se déployer dans l’espace public, avec les problèmes de (non) visibilité qui en découlent dans un pays tel que la France. Les tensions idéologiques entre organisations ouvrières adverses, plus fortes en la capitale qu’ailleurs, constituent, en outre, un frein supplémentaire à l’action. Inversement, on trouve des exemples de discordance entre le passage à l’action, le Premier Mai, et les premières implantations socialistes (au sens large). Dans certains sites, il doit son existence à des actions spontanées plus qu’au rôle des militants socialistes ou syndicalistes. Le critère des branches paraît souvent plus pertinent : se mobilisent, ainsi, plus que d’autres, les mines, le bâtiment, la verrerie, le textile et la métallurgie. Puis à moindre titre et pour des raisons différentes, les ports et docks et les limonadiers.
23Le choix des formes d’action rend la situation plus confuse encore. Certaines organisations privilégient de manière exclusive telle ou telle. Les municipalités socialistes d’obédience guesdistes recourent aux fêtes municipales, les cercles républicains célébrant le Premier Mai pavoisent en tricolore et organisent des punch et les grèves sont, évidemment, le fait majeur des syndicats. Cette adéquation entre organisateurs et modalités d’action est pourtant loin d’être la règle. Les réunions, meetings, manifestations, punch et fêtes familiales peuvent émaner de tout un chacun. Certaines grèves sont spontanées et, en revanche, il est des syndicats pour organiser des soirées dansantes.
24L’action et ses modalités répondent donc, sur le terrain, à des déterminants qui ne sont pas strictement organisationnels. Ainsi, la conquête de municipalités par les socialistes, l’existence d’une bourse du travail, des spécificités de branches ou des spécificités locales. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais doivent, par exemple, à de solides traditions festives de recourir plus que d’autres aux fêtes et cortèges et les verriers, fortement mobilisés dès 1890 organisent traditionnellement, ce jour, des promenades champêtres n’appartenant qu’à eux. À partir de 1905, l’impulsion de la direction confédérale permet une meilleure unification nationale de la propagande et de l’action et une stabilisation des formes de la manifestation. Elle s’accompagne d’une meilleure homogénéisation d’une région à une autre. L’État républicain doit donc à son réformisme politique, à l’inexistence de son réformisme social et à ses occasionnelles interventions répressives qui en sont la contre partie d’avoir aussi bien produit « les mises en demeure » que la grève générale. Avec des incidences précoces sur le plan symbolique : la volonté de se démarquer d’une symbolique dominante arborée tout aussi bien par les forces répressives induit, en France, l’invention précoce de symboles spécifiant les principes universalistes de classe (drapeau rouge et Internationale).
25Les caractères du Premier Mai dépendent donc de la nature de l’État et de son réformisme plus que des rapports parti/syndicats. Le primat syndical génère l’absence de grève en Grande-Bretagne mais, au contraire, le principe de la grève générale en France. Inversement, le primat politique n’exclut la grève ni en Belgique ni en Allemagne. Il permet aux partis d’intégrer cette dernière à des stratégies politiques auxquelles elle se subordonne (grève politique de masse, grève générale à finalité politique). Stratégies, il est vrai, toujours renvoyées à d’autres temps.
Un principe unifiant
26La diversité des modalités d’action, aujourd’hui constatée par l’historien contredit sans conteste le sentiment des contemporains qui n’avaient d’autre élément d’appréciation qu’un système de représentation (images, chants...) délibérément unifiant. Elle n’exclut, donc, aucunement que l’unification internationale ait été atteinte dans l’imaginaire.
27Cette unification est inscrite de manière constitutive dans des directives du congrès de Paris visant à unir les « ouvriers des deux mondes » pour ainsi donner corps à la classe, par-delà les différences nationales. L’ultérieur élargissement des objectifs du Premier Mai au socialisme et à la paix, au même titre que les 8 heures initialement seules en lice, confère un caractère plus explicitement politique à la journée. Il dessine des perspectives qui nécessitent et permettent le dépassement du cadre national et constituent la classe ouvrière en sujet privilégié d’une histoire internationale à construire. Ce message internationaliste constitue partout une idée force et rares sont les cas où les ouvriers s’y opposent pour s’en tenir aux seules réalités nationales. Cette volonté internationaliste est généralement explicite dans les manifestes des sections nationales. Mais elle se traduit également dans le choix des références. L’introduction de certains événements nationaux, voire locaux (Révolution française, Commune, Chicago, Fourmies...) dans le répertoire tragique de la journée du Premier mai contribue à mettre en relief l’articulation entre national et international. Les pratiques et productions culturelles liées au Premier Mai, pareillement. L’utilisation du drapeau rouge, la présence de l’internationalisme dans les chants, l’adoption de chants « nationaux » dans le répertoire international (Marseillaise, Carmagnole...), l’invitation de militants étrangers dans les meetings, le rappel du caractère mondial de la journée dans les slogans et dans les discours ainsi que sur les chars composant les cortèges etc. sont autant de signes de la volonté de souligner l’orientation internationale de la journée. Cette dimension permet de décupler la puissance de toute action inscrite en ce cadre en lui donnant sens, quand même elle revêtirait des formes anodines ou ne présenterait qu’une faible ampleur. Mais là n’est pas l’essentiel.
28Eric Hobsbawm souligne que le congrès de Paris n’aurait été qu’une démonstration de plus s’il s’était réduit à ses mots d’ordre et à ses choix explicites. Ce qui explique le succès et la pérennité de la journée, souligne-t-il, ce sont moins les revendications officiellement énoncées que ce qui n’était pas dans l’appel initial : la grève et la dimension festive, fruits d’une évolution non planifiée qui conduit Eric Hobsbawm à préférer, en cette circonstance, la notion d’« irruption » à celle « d’invention » d’une tradition. L’une et l’autre participent au premier chef au dépassement des clivages nationaux précédemment constatés et à leur intégration dans des universaux qui les subsument et qu’ils contribuent à construire. Nous les envisagerons tour à tour.
29En 1890, deux des trois partis socialistes concernés et les trade unions avaient récusé le principe de la grève. Celle-ci s’impose, pourtant, dans les trois pays continentaux, avec pour corollaire, un respect croissant de la date initialement convenu au détriment du dimanche. Elle rivalise d’autant mieux avec les autres modalités d’action qu’elle s’inscrit partout dans un temps social prédéfini par la coutume ouvrière, par-delà les conjonctures politiques diversifiées. En France comme en Allemagne, le mois de mai demeure, en effet, au début des années 90, celui qui compte le plus grèves et de grévistes ; cela vaut en Belgique, pour le printemps. Cette forme d’action constitutive de la culture de classe est localement déterminée par des cultures de branches parfois identiques d’un pays à l’autre. Il n’existe pas d’études globalisantes permettant d’en mesurer l’exacte ampleur ou d’en analyser les acteurs et les revendications. Ce sont, du moins, les branches ou les bassins industriels ayant traditionnellement la plus forte propension à la grève qui, partout, mobilisent le plus le Premier Mai et les grèves organisées ce jour ne relèvent donc d’aucune implantation spécifique. Dans les mines, les revendications sont, ainsi, la fréquente expression concertée de toute la branche ; des études ponctuelles font, en revanche, apparaître, ailleurs, un primat des revendications locales et catégorielles constituant le patron, (non le patronat), en interlocuteur ou adversaire. Ces cultures de branche peuvent être à l’origine de rapprochements transnationaux ; comme, du reste, certaines cultures locales. Dans le nord de la France, la Wallonie et l’Allemagne du Nord-Ouest qui constituent un ensemble culturel doté d’un même substrat ethnologique et fort d’industries semblables, les Premiers Mai présentent, ainsi, plus de similitudes que ceux de Flandre et de Wallonie ou du Nord et de l’Ouest français. La cohérence est renforcée par une circulation frontalière des hommes, des groupes et des productions culturelles. Ainsi, au début du siècle, le POF de Lille édite en tract la Chanson Premier Mai d’un chansonnier belge Jacques Gueux mise en musique par H. Weyts.
30Ce qui vaut pour les grèves vaut plus encore pour les fêtes. E. Hobsbawm admet les consonances religieuses du Premier Mai mais juge minimes les convergences entre les deux fois sauf là où le protestantisme prit la forme de sectes non officielles et oppositionnelles plus que d’Église (Grande-Bretagne). La question, écrit-il, est plutôt de savoir pourquoi les modèles religieux eurent si peu d’influence même dans les pays où la religion demeurait dominante. Il retient pourtant un emprunt majeur au religieux : l’idée de se doter d’une fête (impliquant le droit égal de chacun à se doter de SA fête). Le Premier Mai, rappelle-t-il, est en effet la seule tentative réussie pour créer un jour férié hors de tout calendrier religieux ou de toute décision étatique (c’est le cas dans 107 États en 1990 et les adversaires ont régulièrement tenté de subvertir cette date). Il se distingue de toutes les autres fêtes en ce qu’il ne commémore rien et ne traite jamais que du futur.
31On pourrait attribuer, avec cette « irruption » de la fête à la préexistence de ce temps social inscrit dans la culture populaire qu’est le « Mai » des folkloristes. Mais si la « coutume multicolore » (Richard Weiss) a vraisemblablement facilité la greffe et l’implantation du Premier Mai dans des zones faiblement industrialisées et urbanisées, elle n’a pu jouer un quelconque rôle déterminant dans les bastions industriels et urbains qui furent les fers de lance du mouvement. Nous n’en avons, du reste, retrouvé que peu de traces explicites (en France, sous l’espèce de fêtes et pratiques résiduelles et concurrentielles plus que syncrétiques). On peut, par contre, postuler que l’image de Maria Blondeau, tuée à Fourmies alors qu’elle portait le « mai » contribue à réévaluer des pratiques en voie de disparition mais, nonobstant, présentes dans l’inconscient collectif d’une population souvent fraîchement issue du milieu rural. En provoquant alors la réactivation d’un imaginaire susceptible de s’intégrer aux images du Premier Mai. (Les références directes au folklore pourront ainsi s’exprimer dans les années trente ; à la faveur de mutations profondes du contexte culturel).
32Il faut, donc, recourir à d’autres données pour expliquer cette irruption de la fête. Une irruption trop générale, quand même elle a revêtu des formes diverses, pour résulter des seuls déterminants nationaux précédemment mis en évidence. Que le terme allemand feiern signifie aussi bien chômer que fêter pourrait bien fournir une clef à valeur universelle. Les grèves organisées ce jour matérialisent l’existence d’une parcelle de liberté conquise par les travailleurs eux mêmes. Elles s’imposent comme un symbole d’émancipation en tant qu’elles permettent l’usage d’un temps spécifique, la possibilité d’une alternative festive inventée pour s’opposer au capitalisme inconfortable. C’est de leur fait que la journée peut devenir, « un principe d’espoir » (E. Hobsbawm), le symbole de l’autodétermination de l’ouvrier qui s’est approprié, seul, cet espace de liberté et détermine, seul, les formes de la fête. Cette modalité d’action présente, en outre, l’avantage d’associer les femmes et les enfants quand la pratique militante les exclut d’ordinaire. En particulier lorsque la fête, renvoyée au dimanche, n’est pas la contrepartie de la grève. La fête ainsi comprise devient l’occasion de gestation d’une conscience et d’une mémoire commune. Elle constitue l’émotion en ressort de la politique quand le scientisme domine alors dans tous les partis socialistes. L’existence d’un martyrologe commun qui l’élève à la dignité des fêtes avec lesquelles elle rivalise va dans le même sens. Cette émotion donne corps à des revendications jusqu’alors abstraites, pédagogiques et idéologiques et permet d’affirmer le « primat de la symbolique sur la raison pratique » (E. Hobsbawm). De son fait, la figuration intellectuelle du socialisme descend dans la rue, dans le cœur des hommes et devient saisissable par les sens. L’internationalisme, abstrait, se fait universalisme et parfois Salut. Le Premier Mai devient ainsi un modèle idéel du dépassement des cadres nationaux, le moyen de constitution d’un universel dans des modalités non conceptuelles. Vue par ceux qui célèbrent le Premier Mai, la question du jour, de l’heure ou de la forme importe, dès lors, peu et n’est guère qu’une question d’opportunité politique. Ce qui prime, ce sont les modèles sociaux et culturels qui font de cette « fête par son propre droit » (Kurt Eisner) un médium de la politique socialiste.
33Mais parce que c’est le geste de cesser symboliquement le travail qui transforme le Premier Mai en autre chose que le projet initial, ce dernier ne devient un élément central de la vie de la Classe ouvrière et de l’identité du monde du travail que là où les partis et les syndicats admettent le principe de la grève en tant qu’elle est aussi symbole. (Quelle que soit la place, différente, qu’elle occupe dans chacune des stratégies). En Grande-Bretagne où ce pas n’est jamais franchi, le Premier Mai ne parvient pas à jouer ce rôle en dépit d’un brillant début. Dans les trois autres pays, le Premier Mai constitue, par contre, un temps fort de la construction d’une culture de classe capable d’unifier à l’intérieur de chacun des Etats parce que, simultanément, par-delà les frontières. Cette culture emprunte aux formes de sociabilité politique dominantes autant qu’à chacune des cultures nationales. En France, la révolution française et ses symboles sont à la fois des modèles et des contre modèles. En Belgique, la religion joue ce même rôle. Le Premier Mai est placé là sous le signe du salut, du renouveau, bref d’une ardeur religieuse. Dans les chants et les poèmes, le Premier Mai est représenté tel un messie moderne qui apporte à l’homme souffrant (travaillant) réconfort et espoir. On prie pour le Dieu travail. Il s’en suit de fortes similitudes entre la fête du Premier Mai et les fêtes catholiques. La procession sert de modèle et de système de référence quand ce n’est pas le cas, au même titre, pour les manifestations socialistes habituelles, plus combatives. La signification du Premier Mai doit être acquise depuis la prime enfance, comme la religion catholique et les socialistes revêtent en ce jour leur habit du dimanche. La tension est toutefois permanente entre l’ardeur religieuse et l’anticléricalisme. Des critiques sont formulées contre l’Église quand même on utilise son vocabulaire pour annoncer le paradis terrestre, les fêtes catholiques sont dénoncées comme des jours de chômage forcés, dépourvus de signification. Les fêtes les plus critiquées sont celles qui, tel Carnaval, sont propres à susciter l’excès. Elles rendent plus manifeste le scandale de la non reconnaissance du Premier Mai comme jour férié. Cette surcharge religieuse se retrouve en Allemagne, dans le vocabulaire employé comme dans les concepts. Le futur (dont les 8 heures ne sont qu’un aspect) est, là aussi, comparé à la terre promise. Enfin, les immigrés italiens en France qui organisent leurs propres fêtes tiennent pareillement le Premier Mai pour « la pâque des ouvriers ».
34En Allemagne, le langage mobilisé dans les productions culturelles et symboliques élaborées pour l’occasion prend surtout source dans le trésor lyrique du xixe siècle et remonte à la Révolution française, au Wormärz et à la révolution de 1848-1849. Le Premier Mai est par ailleurs mis en relation avec les fêtes et mœurs populaires germaniques. La tradition festive germanique et sa tentative de destruction par le christianisme sont comparées au combat de la réaction contre les réalisations festives social-démocrates. En faisant allusion à l’expulsion des démons d’hiver dans les fêtes de mai germaniques, la version social-démocrate fait facilement du printemps la métaphore du progrès qui l’emporte sur l’hiver de la réaction. Ces mythes aryens sont plus exceptionnellement présents dans la production culturelle belge.
35Cette insertion nationale ne constitue pas un obstacle à l’émergence d’images unifiantes. D’abord, du fait de fréquents chassés croisés. La France se dote de façon précoce d’expressions symboliques internationalistes pour mieux s’émanciper de la symbolique révolutionnaire (de 1789) mais cette dernière circule durablement dans les trois autres pays (Marianne, bonnet phrygien, Marseillaise). En Belgique, par exemple, le Premier Mai revêt invariablement la figure de Marianne : une jeune et belle femme, ailée, vêtue de rouge, les cheveux blonds sous un bonnet phrygien symbolisant la science, les lumières et l’espoir d’un avenir radieux. Même phénomène en Grande Bretagne où sont simultanément mobilisés les symboles de la révolution américaine et la Commune de Paris. Avec, pour contre partie dans ces pays, une pénétration plus tardive de la symbolique « internationaliste » : l’Internationale est signalée pour la première fois en 1898 à Armentières, en France, alors que la Marseillaise demeure prépondérante en Belgique jusqu’en 1906. La référence religieuse circule pareillement partout à des degrés divers ; sans épargner totalement la France.
36L’esthétique unifie tout aussi bien. En Belgique, les artistes qui participent à l’élaboration des productions culturelles relèvent de l’art nouveau, du courant naturaliste, du symbolisme ou de l’art monumental. En Allemagne, à partir de 1900, de nouveaux collaborateurs appartiennent tous à ces tendances controversées que sont le Jügendstil, le symbolisme ou l’impressionnisme allemand. En Grande-Bretagne s’imposent les figures de William Morris et surtout de Walter Crane. Les œuvres produites par ce dernier pour la circonstance sont reproduites en Italie, en Allemagne et en Belgique. Mais l’unité vient surtout d’un fonds symbolique commun aux divers systèmes de représentation.
37Les discours prononcés foisonnent partout de références à la nature. S’il s’agit le plus souvent d’un lyrisme simple et naïf, du moins de nombreux textes établissent-ils un lien entre le renouveau de la nature, la montée de la sève printanière et la montée, le réveil du prolétariat. Cette comparaison permet parfois d’atteindre au mythe. Sous réserve d’inventaire ultérieur, on peut émettre l’hypothèse qu’elle est moins répandue en France que dans les autres États. Partout prévaut également l’allégorie féminine jusqu’au tournant du siècle. Elle est ensuite écartée par des figures masculines symbolisant la libération. En France, à partir de 1902, elle cède la place à un ouvrier torse nu ou à « la foule », conduite par les siens (par un effet de choc en retour, des femmes, en petit nombre, apparaissent alors dans celle-ci quand elle était strictement masculine dans les années 90). En Belgique émerge, au côté de Marianne, l’ouvrier masculin qui symbolise le prolétariat socialiste ; cette figure, souvent un forgeron, en tablier de cuir, un marteau à la main, répand une calme assurance et une force virile. Elle est opposée à l’ouvrier pliant sous le joug capitaliste. Il en va de même en Allemagne. Le travail occupe, également, partout, une place importante. En Belgique, il est parfois représenté et exalté comme un Dieu, constitué en facteur d’anoblissement, non comme fruit de la malédiction divine. Il ne se révélera toutefois comme source de toutes richesses qu’avec l’avènement du socialisme. Le système de représentation est enfin, partout, fortement dichotomique : l’ouvrier est opposé au jouisseur paresseux et au capitaliste oisif, souvent présenté comme une sangsue, le travail au non travail, le pauvre au riche, la privation à la jouissance, l’esclave au maître, l’ignorance à la connaissance, etc. Avec une nuance à introduire. Si le capitalisme (le capitaliste) et l’argent sont partout désignés comme cible, ils sont de plus en plus systématiquement associés en France à l’État et à ses appareils répressifs et oppressifs à partir du tournant du siècle.
38L’impact politique de la journée (compris au sens large) réside donc surtout dans sa capacité à générer partout des mythes à la faveur desquels la partie s’affirme comme un indissociable élément d’un tout. La journée est ainsi l’occasion d’une unité qu’on peut dire mythique et qui est atteinte dans l’imaginaire, au travers même de la diversité des modalités d’action. Le Premier Mai ne s’impose, en effet, comme unifiant qu’à la faveur de la diversité des symboles et des pratiques qu’il mobilise, de leur insertion dans des cultures nationales, locales ou de branche qui les déterminent. Cette diversité permet sa richesse en signification, sa vivacité, son élasticité et constitue donc un atout. C’est, du reste, en Grande Bretagne où l’homogénéité des formes semble être la plus grande que cette dimension mythique parait avoir été la plus faible.
39Ce pays mis à part, la constitution des mythes revêt deux aspects majeurs. En Allemagne comme en Belgique, les premiers Premier Mai s’imposent comme des principes agissant à la faveur d’un entre deux politique ou dans les relations parti/syndicats. En Belgique, la journée constitue l’élément déclencheur de la grève générale pour l’obtention du suffrage universel en 1890. En Allemagne, elle favorise l’unification syndicale au plan national. Les syndicats, bien que constitués en sociétés centrales n’ont, encore, aucune expérience d’une action globalisante et c’est pendant la préparation du Premier Mai que les ouvriers tentent pour la première fois de développer des revendications identiques dans des lieux, des branches et des qualifications différentes. Des commissions se forment en de nombreuses villes pour coordonner l’action avec, pour conséquence ultime de la grève, la constitution de la commission générale des syndicats. Passé cette date, les caractères du Premier Mai sont dans la stricte dépendance des structures et des choix dominants dans les partis socialistes et leur autonomie – elle demeure effective – principalement culturelle. C’est par et dans le culturel que se construisent les mythes. L’unification s’opère, là, avant tout dans l’eschatologie, l’iconographie, les chansons, les images. Les productions culturelles qui puisent dans le potentiel poétique et utopique du mouvement socialiste et le révèlent sont sans doute l’expression la meilleure de l’avenir auquel on aspire. La grève générale, qui est un des éléments de l’arsenal politique des deux partis concernés, ne peut jouer le rôle de mythe identitaire au même titre que dans le syndicalisme révolutionnaire dès lors qu’elle se subordonne à une stratégie politique qui l’instrumentalise.
40En France, au contraire, l’autonomie du Premier Mai vis-à-vis des structures organisationnelles du mouvement ouvrier constitué et sa capacité à devenir un principe actif est longtemps plus forte. Pour des raisons qui tiennent à la lente structuration du mouvement ouvrier, à son caractère protéiforme et au faible taux de ses adhérents. Le Premier Mai est, là, l’élément déclencheur du puissant mouvement de grève pour les 8 heures en 1890 puis en 1905 et 1906. Il retrouvera ce rôle déclencheur en 1919. Il apparaît également comme un des terrains privilégiés d’apprentissage de la manifestation pacifique (avec pour conséquence une tolérance accrue, Paris excepté, à partir de 1896) et constitue souvent, localement, une des modalités de l’unité organique, à construire. Les fêtes, meetings ou cortèges des bourses du travail ou de certaines municipalités deviennent, en effet, une occasion souvent unique de rencontre des diverses branches syndicales et/ou des divers types d’organisations (syndicats et partis). Après l’institutionnalisation des antagonismes CGT-SFIO en 1905-1906, nombre de Premier Mai conservent ce caractère unifiant au plan local. Avec de vraisemblables effets locaux qu’il faudrait étudier. C’est, alors, par et dans la pratique que le mythe s’élabore. L’image de l’avenir radieux se confond avec le mythe de la grève générale (qui est ici une stratégie) et s’investit donc principalement dans la pratique. La production culturelle, – y a-t-il un lien de cause à effet ? – est moins abondante qu’en Belgique et en Allemagne. Dans ce pays où la culture prolétarienne fut toujours un phénomène marginal, la production symbolique revêt un caractère plus nettement populiste. Elle s’appuie sur des dessinateurs de talents qui appartiennent précisément aux courants populistes, non sur les avant-gardes. Ce primat de la pratique peut éclairer une curiosité dans l’ordre symbolique : jusqu’en 1906, les fleurs rouges, quelles qu’elles soient, prévalent partout et le muguet est un phénomène minoritaire. En France, au tournant du siècle, on pourra, par contre, adopter d’autant plus facilement le muguet – pourtant blanc – que le Premier Mai se confondra avec la grève générale ; en affirmant dans l’action sa spécificité de classe et en rendant dès lors toute expression symbolique sinon superfétatoire, du moins redondante.
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41L’appel du congrès de Paris n’impliquait aucun primat syndical dans l’organisation du Premier Mai et, en 1890, celui ci ne s’est guère exprimé qu’en Grande-Bretagne ; pour des raisons directement liées aux structures spécifiques du mouvement ouvrier dans ce pays. Le mouvement syndical a toutefois marqué partout profondément les premiers Premier Mai. C’est à lui qu’on doit l’importance des foules rassemblées à Londres et, ailleurs, l’irruption de la grève. Avec certains chocs en retour, essentiels en Allemagne où l’unification syndicale est fille du Premier Mai.
42La dimension internationale du Premier Mai et les grèves organisées ce jour contribuent à des titres divers à la déconstruction des modèles nationaux. Des données infranationales répondent de l’implantation des grèves et grèves et fêtes unifient au nom d’universaux à dimension transnationale. La culture ouvrière se mue, en cette occasion, en culture de classe et constitue des mythes à la faveur desquels cette classe affirme sa vocation à émanciper l’humanité ; tandis que l’internationalisme prend corps (ou peut-être âme...). Ce puissant déterminant n’est, toutefois, transnational que parce qu’il se construit à partir de représentations communes du travail et de son avenir. Sinon de classe, du moins sociales. Et que l’émancipation vis-à-vis des déterminants locaux ne soit jamais atteinte autrement que dans l’imaginaire ne signifie pas la vanité de cette extériorité conquise. A moins de nier que les mythes soient, par essence, des principes éthiques autant que d’action.
43Cette manifestation unifiante par essence qui construit, ainsi, une image a-nationale de la classe n’est évidemment pas telle qu’elle annihile les modèles nationaux. Ils demeurent parfaitement perceptibles dans les directives des organisations dominantes, qu’il s’agisse des syndicats (Grande-Bretagne) ou, plus souvent, des partis et sont réintroduits via la combinaison des diverses composantes du répertoire d’action, leur importance respective et l’ampleur globale de la mobilisation, dépendante de données conjoncturelles nationales passés les premiers Premier Mai. En Grande-Bretagne, le primat conservé des trade unions et leur rapport à la grève répondent de l’absence durable de grève le 1er mai et du déclin de la mobilisation. En Allemagne et en Belgique, le mouvement syndical impose la grève mais celle-ci se subordonne à des stratégies globalisantes dont les partis sont les maîtres d’œuvre ; à l’image du rapport parti-syndicat. En France où les rapports parti-syndicats ne se définissent que tardivement, la chronologie du Premier Mai est sensiblement plus heurtée. Passé 1891, la grève connaît un déclin spectaculaire et il faut attendre 1904 et plus encore 1905 et 1906 pour qu’elle s’impose comme l’expression obligée du Premier Mai. En contribuant à la structuration du modèle national, celui-ci s’impose là pour une des modalités par lesquelles le syndicat remplit sa fonction d’unification du groupe, en jouant un rôle d’autant plus important que la nécessité en est là plus vive qu’ailleurs. Il contribue, enfin, en 1906, à donner corps à la stratégie dont la CGT se réclame et à constituer le syndicalisme en parti ouvrier alternatif à la SFIO.
44Que les histoires respectives du Premier Mai et du syndicalisme aient été initialement parfaitement distinctes et sans séquence obligée n’empêche dès lors pas que le Premier Mai ait contribué à fonder un syndicalisme transnational appuyé sur une communauté imaginaire.
Notes de bas de page
1 Ce chapitre a été rédigé à partir d’études nationales préalablement réalisées par les cinq auteurs. Il doit beaucoup aux ouvrages suivants : Achten U. (dir.), Zum Lichte empor, Mai-Festzeitungen der Sozialdemokratie, 1891-1914, Berlin, 1980 ; – Boll F., Arbeitskämpfe und Gewerkschaften in Deutschland, England und Frankreich. Ihre Entwicklung vom 19 zum 20 Jahrhundert, Bonn, 1992 ; – Boll F., « Aspects internationaux du premier 1er mai 1890, le cas de l’Allemagne », in Rebérioux M. (dir.), Fourmies et les Premier mai, Paris, 1994, p. 371- 381 ; – Bouvier B.W., « Es wird kommen der Mai... Zur Ikonographie des Arbeitermai im Kaiserreich », in Marssolek I., Schelz-Brandenburg T. (dir.), Demokratischer Sozialismus und sozialistische Theorie, Bonn, 1995 ; – Brécy R., « Les chansons du 1er mai », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 3, 1981, p. 393-432 ; – Brécy R., Florilège de la chanson révolutionnaire de 1789 au Front populaire, Paris, 1994 ; – De Beule N., « Juichen en zingen op grootse wijze », in De rode verleiding. Een eeuw socialistische affiches, Gand, 1985, 2 vol. ; – Dommanget M., Histoire du 1er mai, Paris, 1953 ; – Hobsbawm E.J., « Birth of a holiday : The first of May », in Wrigley C., Shepherd J. (dir.), On the move, Londres, 1991 ; – Hobsbawm E.J., Worlds of Labour, Londres, 1984 ; – korff G., « Volkskultur und Arbeiterkultur. Überlegungen am Beispiel der sozialistischen Maifesttradition », Geschichte und Gesellschaft, 5, 1979, p. 83-102 ; – Fricke D, Kleine Geschichte des Ersten Mai, Frankfurt, 1980 ; – Liébin J., « La grève générale dans les bassins miniers wallons et les événements de Fourmies », in Rebérioux M. (dir.), Fourmies et les Premier Mai, Paris, 1994 ; – Marssolek I. (dir.), 100 Jahre Zukunft. Zur Geschichte des 1 Mai, Francfort, 1990 ; – Panaccione A. (dir.), The Memory of May Day, an Iconographie History of the Origins and Implanting of a Workers ’Holiday, Venise, 1989 ; – Perrot M., « The first of May in France », in The power of the past, Essays for Eric Hobsbawm, Cambridge, 1984 ; – Robert J.-L., « Autour des premiers 1er mai en France », in Rebérioux M. (dir), Fourmies et les Premier Mai, Paris, 1994 ; – Rodriguez M., Le 1er mai, Paris, 1990 ; – Rossel A., Le 1er mai, Paris, 1990 ; – Tartakowsky D., « Enjeux et dimensions politiques du 1er mai : Internationales et 1er mai », in Rebérioux M. (dir), Fourmies et les Premier Mai, Paris, 1994 ; – Tenfelde K., « Die Entstehung der deutschen Gewerkschaftsbewegung Vom Vormärz bis zum Ende des Sozialistengesetzes », in Borsdorf U. (dir.), Geschichte der deutschen Gewerkschaften. Von den Anfängen bis 1945, Cologne, 1987 ; – Van Goethem G., De roos op de revers. Geillustreerde geschiedenis van 1 Mei in België, Gand, 1990 ; – Verbruggen P., « Deelalternatieven voor de traditionele golsdienstbeleving in het Gentse socialisme. Een bijdrage tot de geschiedenis van de arbeiderscultuur », Tijdschrift voor sociale geschiedenis, 17, 1991, p. 425-428 ; – Anonyme, 100 jaar 1 Mei. De geschiedenis van een strijddag, Anvers, 1990.
2 C’est pourtant paradoxalement aux États-Unis que le Premier mai prendra le moins bien. Il faisait, là, double emploi avec le Labor Day, organisé début septembre.
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