Léon Blum, la dévaluation de 1936 et la conduite de la France
p. 177-197
Note de l’éditeur
Article a été publié dans la revue Relations internationales, 1978, n° 13, p. 91-109.
1. Voir le rapport de P. Renouvin, publié dans les actes du colloque « Léon Blum, chef de gouvernement », Paris, Presses de la FNSP, 1967, p. 329.
Texte intégral
1Le point de départ de notre recherche est un simple constat : dans le volume des Documents diplomatiques français consacré à la période juillet 1936-novembre 1936, si la déclaration économique tripartite du 25 septembre 1936 signée des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France qui accompagne la dévaluation du franc est bien publiée, on ne trouve pratiquement aucun document antérieur susceptible d’éclairer les conditions dans lesquelles cet important accord a été négocié ; pourquoi cette lacune ? Au demeurant l’importance de ce texte a été souvent sous-estimée au point d’en faire une simple déclaration de circonstance des gouvernements anglo-saxons, habilement exploitée par les dirigeants du Front populaire. En outre les habituels classements entre l’histoire économique, l’histoire de la politique extérieure, l’histoire politique intérieure ont eu pour effet de séparer nettement l’analyse de faits fortement liés les uns aux autres ; toute étude des relations extérieures de la France dans cette période est dominée par les événements d’Espagne et leurs répercussions sur les rapports entre la France et les autres puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne ; mais on accorde peu ou pas d’attention aux vicissitudes de la politique économique extérieure de la France dans l’évaluation des facteurs essentiels de la diplomatie française F Parmi les raisons de cette perspective dominante, rappelons un fait primordial : pendant l’été 1936 les diplomates chargés de la conduite des affaires extérieures n’ont joué pratiquement aucun rôle décisif dans toutes les négociations qui ont agité les relations économiques et financières anglo-américano-françaises ; l’explication des lacunes précédemment signalées provient de cette situation assez paradoxale. Toutefois, pour autant, l’historien de relations internationales doit-il adopter en la circonstance le point de vue des praticiens du Quai d’Orsay ?
2Si la réponse à cette question est négative, cela n’est point dû à quelque présupposé idéologique ou à quelque souci d’originalité ; nous partons en effet d’un axiome précis : en 1936, qui dirige effectivement la politique extérieure des pays concernés et sur quelles bases ces « décideurs » fondent-ils leur action ? Côté français, il n’est pas douteux que L. Blum contrôle l’élaboration de la diplomatie française1 ; côté américain, faut-il rappeler la suprématie personnelle de Roosevelt ? Par contre en Grande-Bretagne un doute peut être permis : si Stanley Baldwin occupe le 10 Downing-Street, il ne paraît pas un chef tory particulièrement autoritaire en ce domaine, ce qui laisse de larges possibilités d’action à A. Eden, ministre des Affaires étrangères, mais aussi à N. Chamberlain, chancelier de l’Échiquier, personnalité n° 2 du parti tory après Baldwin. Or quel est aux yeux de ces personnalités le problème essentiel, vital pour le pays ? Nous n’hésitons pas à dire que pour eux l’important n’est pas ce qui se déroule en Espagne, mais les capacités internes de leur pays à surmonter la crise économique et sociale. Pour les dirigeants de ces démocraties les conséquences éventuelles du prolongement de la crise sont évidentes, matérialisées par la poussée ascendante des États fascistes ; en cas d’échec économique, c’est tout le destin futur de la démocratie, du libéralisme économique et politique qui pourra être mis en jeu par le fascisme (ou par le bolchévisme pour certains). En particulier la menace hitlérienne rendue évidente par la réoccupation de la Rhénanie en mars 1936, peut apparaître comme un exemple éclatant de l’avenir d’un État où la crise économique et sociale n’a pu être surmontée à temps. Sans doute, face à cette menace allemande, les solutions envisagées se différencient : l’éloignement rend Roosevelt plus indifférent, plus enclin à l’égoïsme sacré ; les dirigeants britanniques n’hésitent pas à mêler, contradictoirement, réarmement et apaisement ; ligne Maginot et pacifisme dominent les concepts militaires et les mentalités collectives françaises. Cependant chaque responsable a bien compris que la condition nécessaire (sinon suffisante) de la liberté d’agir à l’extérieur reposait sur une situation économique intérieure rétablie ou en bonne voie de l’être. « L’intendance » ne suit pas, elle précède.
3Dans ce contexte une solidarité réelle doit lier les trois principales places fortes de la démocratie ; sans que le mot soit alors prononcé, un « camp atlantique » paraît devoir se constituer face aux menaces venues d’Europe centrale ou du Japon ; il existe toujours un danger d’anachronisme quand on applique à une situation antérieure les réalités du lendemain ; toutefois, dans les négociations entreprises en 1936, n’y a-t-il pas comme une première tentative de cette coopération atlantique à laquelle le même L. Blum contribuera dix ans plus tard lors de son voyage aux États-Unis, dans un autre contexte ? En décembre 1935, dans un discours à la Chambre à propos de la politique extérieure à mener, L. Blum, critiquant la politique menée alors par P. Laval, conseillait de s’entendre
« avec des forces économiques et morales dont nous avons pu juger ensemble, il y a quinze ans, qu’elles étaient irrésistibles quand elles étaient unies »2.
Dans l’esprit du leader socialiste il ne s’agissait pas seulement d’un rappel d’une alliance de circonstance ; la vue était plus large, en harmonie avec des conceptions de défense de la liberté et de la démocratie, que F.D. Roosevelt partageait à sa manière. Sans doute faut-il rester circonspect vis-à-vis des grandes déclarations de principe ; comme nous le verrons, les ressorts des actions sont souvent plus prosaïques ; mais en soulignant dès l’abord cette perspective d’ensemble, nous souhaitons simplement replacer l’analyse précise qui va suivre dans un dessin plus large.
4On pourrait en effet considérer que la dévaluation de septembre 1936 fut simplement la reconnaissance, trop tardive, d’une situation économique et financière désastreuse pour la France ; la politique de déflation, menée par les gouvernements précédents, ayant échoué, il importait de dévaluer pour permettre un réajustement des prix intérieurs avec les prix extérieurs, pour financer plus aisément les nouvelles charges sociales et salariales et pour encourager le retour en France des capitaux partis chercher refuge à l’étranger. Simple opération financière distincte de la diplomatie et sans commune mesure avec les négociations concomitantes pour un nouveau Locarno ou avec les difficultés diplomatiques de la non-intervention en Espagne ? Nous voudrions prouver que bien au contraire, l’essentiel était là pour les relations extérieures de la France ; paradoxalement, l’affaire espagnole était en définitive seconde, sinon secondaire, malgré les drames qu’elle suscitait et les symboles qu’elle revêtait. De même pour mener des négociations sérieuses avec les autres États européens, la France devait d’abord résoudre le problème de son entente avec les deux grandes puissances démocratiques.
5La remilitarisation de la Rhénanie en mars 1936 a souligné l’absolue nécessité pour la France de trouver des appuis solides en Europe face à l’expansionnisme hitlérien ; la Grande-Bretagne apparaît évidemment comme l’alliée préférentielle, mais celle-ci accepterait-elle d’aller plus loin que la déclaration d’assistance militaire formulée par A. Eden en mars pour le cas où la France serait directement attaquée par l’Allemagne ? En fait le gouvernement conservateur britannique a lancé l’idée d’une nouvelle négociation à quatre, un « nouveau Locarno », entre la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie afin d’organiser en Europe occidentale un système garantissant le respect du statu quo (le retour de la Rhénanie au Reich restant acquis). La France n’a pas d’alternative : elle accepte la négociation préparatoire au nouveau Locamo et, pour gage de bonne volonté, elle lève le 19 juin les sanctions prises contre l’Italie après l’affaire d’Éthiopie ; simplement lorsque les services du Quai d’Orsay élaborent leur réponse aux propositions britanniques, ils s’efforcent de concilier cette négociation future avec les impératifs d’une politique française active en Europe orientale : dans une note rédigée par R. Massigli le 21 juillet 1936, il est clairement établi que la négociation constituera une première étape pour un règlement général en Europe, et que la France n’entend pas laisser les « mains libres » à quiconque en Europe orientale3. Mais ce vœu français ne semble guère retenir l’attention des amis britanniques ; peut-on faire pression sur eux ? En fait, loin d’être en mesure d’imposer nos vues à la Grande-Bretagne, il nous faut compter sur son appui pour trouver une solution à la crise financière qui assaille alors le nouveau gouvernement français. Sans entrer dans une analyse statistique précise, il convient de rappeler sommairement la situation financière française et celle de la Grande-Bretagne. Quelques chiffres et quelques remarques suffiront pour les caractériser. Depuis septembre 1931 la livre a été détachée de l’étalon-or ; ensuite sa valeur sur le marché des changes fluctue en fonction du cours du dollar (lui-même dévalué finalement en janvier 1934 de 41 % vis-à-vis de l’or) et en fonction d’autre part, des monnaies du bloc-or (surtout France, Suisse et Pays-Bas) ; la baisse des prix en Grande-Bretagne, consécutive à la décision de septembre 1931, a permis la relance de l’économie britannique, mais la lutte reste vive, constante entre les autorités monétaires américaines et britanniques à propos de la parité livre-dollar ; en effet N. Chamberlain se refuse à stabiliser la monnaie anglaise par rapport à l’or afin de laisser à son pays une plus grande liberté d’action économique, tant interne, qu’externe. Or les dirigeants américains voudraient obtenir cette stabilisation, afin de tarir les mouvements spéculatifs sur les monnaies et surtout les mouvements d’or qui affluent vers les États-Unis ; en outre la parité existant en 1935-1936 d’une livre pour 4,90 dollars est jugée peu satisfaisante pour les deux camps surtout du côté londonien (le dollar y paraît sous-évalué), « Le grand débat monétaire actuel n’est pas entre l’Angleterre et nous » écrit l’attaché financier à Londres.
« Nous ne jouons entre ces adversaires qu’un rôle de comparse, écrasé d’ailleurs pour l’instant dans la lutte entre les deux plus grandes monnaies du monde »4
6En mars 1935 la livre a été vivement attaquée sur le marché des changes, malgré l’action protectrice d’un Fonds d’égalisation des changes britanniques (créé en septembre 1932) ; spéculations internes à propos de difficultés politiques locales, contrecoup de la lutte Flandin-de Wendel à propos de la Banque de France, actions venues d’outre-Atlantique ? Le résultat le plus clair, quoique paradoxal, de cette alerte est la dévaluation du Belga (franc belge) : en effet, les exportateurs belges déjà malmenés par leurs concurrents britanniques ne peuvent supporter cette nouvelle « prime » à l’exportation donnée au camp de la livre ; le bloc-or perd alors un adhérent de poids5. Ne perd-il pas aussi sa crédibilité ? En fait, dès ce moment, les experts anglo-saxons concluent à l’impossibilité pour la France de conserver sa position monétaire avec un franc-or nettement surévalué par rapport aux conditions objectives du marché international ; New York suggère la dévaluation (20 % ?), Londres le flottement par décrochement avec l’étalon-or. A Paris la doctrine officielle paraît inchangée : pas de dévaluation, même déguisée ; mais dans les administrations concernées, on commence à sentir que prend fin le temps du refus méprisant de changer de politique ; ainsi, le 11 mars 1935, une note émanant du directeur politique adjoint du Quai d’Orsay est transmise aux Finances à propos de la chute de la livre : on y annonce le changement de cap de la Belgique, on y prévoit la désagrégation du bloc-or, et on suggère une stabilisation générale des monnaies ; les conclusions générales de la note sont claires6 :
« Cette brève étude de problèmes si vastes et si complexes tend à faire apparaître :
1°) Que les moyens que pourraient mettre en oeuvre entre eux les pays du bloc-or, semblent dépassés par les événements ;
2°) que, quelle que soit la voie dans laquelle nous nous engagions, une continuation de la baisse des monnaies anglo-saxonnes nous conduira à des troubles économiques et peut-être sociaux graves ;
3°) que l’heure n’est peut-être pas mal choisie pour essayer de fixer les monnaies, qu’en tout cas c’est le dernier moment pour agir, car le bloc-or va se désagréger ;
4°) que la suppression, au moins par étape, du régime des contingents anglo-saxons des deux côtés de l’Océan est une condition de la stabilisation et que nous devrions l’envisager en l’accompagnant, bien entendu, d’une adaptation de notre tarif.
Sans doute, semblable décision implique-t-elle un renversement des errements suivis ces dernières années. En la prenant, le gouvernement resterait cependant conséquent avec l’attitude de la France à la Conférence économique mondiale de 1933. »
7En fait rien n’est vraiment tenté à Paris pour modifier la politique monétaire ; les experts, les économistes de renom, la plus grande partie des hommes politiques répugnent encore à une dévaluation. La crise de mai 1935, qui aboutit à la chute du gouvernement Flandin, marque cependant un changement durable des rapports entre le franc et la livre ; en quelques jours, entre le 18 mai et le 29 mai, l’attaque est rude contre le franc (5,8 milliards de francs sont perdus dans l’encaisse de la Banque de France)7. A partir de ce moment on peut douter de la possibilité future de maintenir la valeur théorique du franc. Les avis en ce sens ne manquent pas, venus de New York comme de Londres : de passage à Londres des experts américains, proches de Morgenthau et de Roosevelt, suggèrent un ajustement de la monnaie française dans l’éventualité d’une stabilisation générale des monnaies8 ; les milieux de la City pensent que la déflation française ayant démontré son impuissance, il convient pour la France de pratiquer une politique similaire à celle élaborée en Grande-Bretagne en 1931, c’est-à-dire décrocher le franc de l’or9. En juin 1935 le directeur de la Banque de Paris et Pays-Bas, Horace Finaly, après avoir rencontré bon nombre de confrères britanniques, constate l’unanimité des conseils venus de la « City » : « Décrochez ! »10 Sans doute H. Finaly lui-même est hostile à la dévaluation, tout comme l’Association des présidents des Chambres de commerce et comme la grande majorité des experts économistes et des hommes politiques, mais on commence à douter çà et là du dogme de la stabilité du franc. Du côté des hommes politiques les « dévaluationnistes », comme P. Reynaud ou R. Patenôtre, sont moins isolés ; L. Blum se rallie partiellement à cette éventualité en constatant dès avril 1935 que la dévaluation du belga est techniquement réussie ; en novembre 1935 la politique de déflation étant, selon lui, un échec complet, le seul délai à la dévaluation provient de l’espoir de chaque parti d’éviter d’en porter la sinistre responsabilité11. Du côté des experts on sent également le flottement ; l’attaché financier à Londres, E. Mönick, est visiblement gagné à l’idée de la dévaluation ; les bulletins d’information envoyés à la direction du Mouvement des Fonds témoignent dans ce sens12 ; en particulier une note du début septembre 1935 conseillant de s’inspirer des exemples anglo-saxons est remarquée par le directeur, M. Baumgartner13. Cependant on n’ose sauter le pas.
8Pourtant, dès février 1936, la situation française est bien compromise. La chute du gouvernement Laval (22 janvier 1936), la menace d’un succès électoral de la gauche font accélérer les départs de capitaux français à l’étranger ; les difficultés de trésorerie, qui s’accentuent, peuvent de moins en moins être soldées par des opérations à court terme en France ; aussi au début février Flandin, ministre des Affaires étrangères, demande aux Britanniques d’autoriser un emprunt à court terme à Londres ; on placera 3 milliards de francs de bons du Trésor en dépôt auprès des banques anglaises afin d’acheter de l’or grâce aux livres obtenues en contrepartie de ce dépôt ; Chamberlain, sollicité le 4 février hésite, se demande si l’instant n’est pas propice pour imposer aux Français des concessions en matière commerciale ; finalement, le 17 février, il autorise l’opération qui sera à court terme (neuf mois maximum), avec 3 % d’intérêt pour les « escompteurs » menés par la banque Lazard14 ; dans une lettre nuancée à Flandin, Chamberlain souligne la magnanimité de son gouvernement qui abandonne l’opportunité de satisfaire ses prétentions commerciales. Ainsi, dès ce moment, la liberté d’action du gouvernement français vis-à-vis de Londres est compromise ; la disparité entre les prix français et les prix mondiaux, qui est constamment signalée par l’attaché financier à Londres15, rend inévitable la manipulation prochaine du franc ; ne va-ton pas suivre l’exemple anglais en décrétant l’embargo sur l’or, ce qui reviendrait à décrocher le franc de l’or, quitte à le laisser ensuite flotter ? En ce printemps 1936, avant les élections d’avril, on a bien l’impression que les jeux sont faits et que la dévaluation est simplement remise au lendemain par souci électoral ; mais les « experts » savent aussi que cette opération devra se faire en harmonie avec les Anglo-Saxons16. On ne peut se passer d’eux tout comme après la réoccupation de la Rhénanie on a été contraint de renoncer à des représailles économiques contre l’Allemagne devant l’hostilité de la City envers cette politique17. Seulement Américains et Britanniques ne sont pas eux-mêmes en harmonie sur la solution à adopter ; pourra-t-on jouer de ce désaccord ?
9La situation est donc nette lorsque L. Blum est appelé à diriger le gouvernement issu des élections d’avril 1936 : la dévaluation est inévitable. Le seul réel problème est de savoir la méthode par laquelle on la réalisera. Ou bien on la masquera par un recours à un strict contrôle des changes dans un système autarcique, système que certains surnomment « à l’italienne »18 (le programme du Rassemblement populaire avait retenu le principe du contrôle des sorties de capitaux, tout en rejetant l’idée de la dévaluation sous l’influence des communistes et des radicaux) ; ou bien on négociera avec les puissances anglo-saxonnes afin d’éviter des mesures de rétorsion vis-à-vis du nouveau franc. De toute façon il faut agir vite, car les fuites de capitaux sont considérables (3,6 milliards en avril, 3,3 milliards en mai, 1,2 milliard en juin 1936).
10Avant même d’être investi, L. Blum a été clairement informé du choix à faire ; en effet, sur la recommandation d’E. Herriot, il reçoit à son domicile E. Mönick ; ce dernier est fort net :
« Ou bien, il conservait la parité actuelle du franc, et dès lors la seule voie qui lui est ouverte – qu’il le voulût ou non – était la voie allemande, celle de l’autarcie. Il serait contraint de recourir à un système toujours plus accentué de restriction des changes, à une économie toujours plus nationale-socialiste, à un réarmement toujours plus limité par les ressources propres de la France. Dans la course avec l’Allemagne, il partait d’ailleurs battu, car notre pays ne disposait pas à beaucoup près, des ressources en hommes et en matières premières dont jouissait notre voisine d’utre-Rhin.
Ou bien il décidait de jouer la partie, en accord et avec le soutien des deux grandes démocraties occidentales : l’Angleterre et les États-Unis. Dès lors, il fallait placer l’économie française en état de symbiose avec le monde libre. La France pourrait ainsi se nourrir de toutes les ressources internationales nécessaires à son activité et à son réarmement. Mais la condition nécessaire était un alignement du franc sur le dollar et sur la livre.
La vivacité de la réponse de M. Léon Blum me prouva que certains de mes coups étaient allés au but.
L. Blum. – C’est fort bien de présenter les deux branches d’un dilemme ! Encore faut-il qu’il y ait un choix ! Or, on m’affirme que la dévaluation du franc entraînera automatiquement des représailles de l’Angleterre et des États-Unis.
E. Mönick. – Nous sommes au cœur du problème. Je suis absolument sûr du contraire.
L. Blum. – Oui, mais moi, comment puis-je en être sûr ?
E. Mönick. – Sondez les États-Unis et l’Angleterre. Demandez-leur si un alignement du franc, excluant toute sous-dévaluation, et par suite toute concurrence indue, peut être acceptée par eux sans aucune contre-manœuvre économique ou monétaire.
L. Blum. – D’accord. Vous êtes attaché financier à Londres. Consultez la Trésorerie britannique. Et rapportez-moi la réponse.
E. Mönick. – C’est exactement le faux départ à éviter. L’homme qu’il faut consulter en premier lieu n’est pas le chancelier de l’Échiquier ; c’est le président des États-Unis.
L. Blum. – Pourquoi Roosevelt d’abord ?
E. Mönick. – Parce que si nous commençons par Londres, le gouvernement britannique consultera immédiatement Washington. De toute façon la réponse décisive viendra de la Maison Blanche. En commençant par la Grande-Bretagne nous perdons du temps. Nous perdons aussi l’occasion de présenter notre cas directement et sous le meilleur jour à Roosevelt. Or je connais assez le président des États-Unis pour croire qu’il dira « oui ». Et quand le président Roosevelt aura dit « oui », le gouvernement britannique ne pourra dire « non ». Mais Léon Blum demanda à réfléchir. »19.
11Léon Blum hésite, puis une semaine plus tard, ayant formé le ministère, il convoque Mönick pour que celui-ci porte secrètement une lettre (assez générale) à Roosevelt. Le 6 juin 1936 l’attaché financier américain à Paris, Cochran, rencontre Vincent Auriol à la sortie de la Chambre ; le ministre des Finances français est prêt à une négociation avec les États-Unis à propos des monnaies, mais il ne peut être « cité » car il lui faudrait quitter le ministère si on faisait état de ses vues20. En fait à cet instant, L. Blum n’a peut-être pas véritablement tranché, mais certains hauts fonctionnaires des Finances, agissant comme de véritables conseillers économiques, vont le conduire peu à peu à la solution « occidentale ».
12Mönick s’est, en effet, rendu à Washington, où il a rencontré, du 23 au 28 juin, Roosevelt et Morgenthau (secrétaire au Trésor) ; il a obtenu facilement l’agrément des autorités américaines à ses vues de concertation entre la France et les Anglo-Saxons, pourvu que la parité nouvelle du franc soit fixée en harmonie avec sa réelle valeur économique internationale. Mais les Américains ont exigé que la négociation se fasse à trois, ensemble, car Roosevelt veut en profiter pour obtenir des concessions anglaises sur la parité des monnaies21. Or, avec malice, Mönick feint d’oublier que les télégrammes « verts » expédiés de l’étranger sont obligatoirement transmis à la Présidence de la République : aussi, lorsqu’il adresse à L. Blum un compte rendu de ses entretiens secrets, Albert Lebrun en est informé, ce qui élargit du même coup les « confidents » de la négociation, d’autant plus que Mönick, très déférent vis-à-vis d’E. Herriot, met ce dernier dans la confidence. En somme, dès la mi-juin, des hauts-fonctionnaires et des responsables politiques français sont « au parfum »22 ; bien plus, Mönick persévère : ayant obtenu à Londres l’assentiment de N. Chamberlain, chancelier de l’Échiquier pour une négociation tripartite, il n’hésite pas à profiter du voyage soudain de L. Blum dans la capitale britannique, le 23 juillet, pour susciter, en faveur de la politique qu’il préconise, une déclaration très claire du ministre anglais lors d’un dîner à l’ambassade. Une lettre est adressée par Chamberlain à Blum pour confirmer son accord sur la future manipulation du franc dès lors que la nouvelle valeur sera en rapport avec les réalités économiques qui prévalent dans les échanges internationaux. Léon Blum, alors aux prises avec les premières difficultés de la guerre d’Espagne, se refuse à décider ; mais que peut-il faire en ce domaine quand les « experts » se sont prononcés unanimement ? On a bien le sentiment que le pouvoir de décision échappe au responsable politique ; décidément l’autarcie à l’allemande ou à l’italienne avec contrôle des changes, tant crainte par les milieux d’affaires, est écartée ; le contrôle des changes et des mouvements de capitaux reste ignoré ; le strict libéralisme économique subsiste dans les relations économiques internationales.
13La décision de la dévaluation n’est pourtant prise que deux mois plus tard, le 25 septembre. Deux phénomènes permettent sans doute d’expliquer ce délai ; d’une part les préoccupations gouvernementales ont été dominées, fin juillet et en août, par les débuts de la guerre d’Espagne ; d’autre part, en septembre, une nouvelle offensive contre le franc accompagne une nouvelle poussée des dépenses de l’État, liée à la définition d’une nouvelle stratégie militaire et diplomatique. Nous passerons très rapidement sur les épisodes bien connus des premières réactions du gouvernement Blum vis-à-vis de la rébellion franquiste : le 8 août 1936, trois semaines exactement après la rébellion, le gouvernement français décide d’interdire définitivement les ventes d’armes en Espagne et adopte la stratégie de la non-intervention.
14Dès la fin août 1936 le problème financier a repris tous ses droits. Les difficultés nées de la spéculation sur la monnaie s’amplifient : en août plus de 4 300 millions de francs ont été exportés (exportations nettes d’or) ; l’encaisse-or de la Banque de France perd deux milliards les souscriptions aux bons du Trésor à court terme se tarissent. En réalité, le gouvernement du Front populaire se heurte, après bien d’autres gouvernements de gauche (et comme bien d’autres), au « Mur d’Argent ». Au lieu de voir rentrer les capitaux enfuis à l’étranger depuis plusieurs mois, les départs s’accélèrent ; parmi les capitalistes, les uns effrayés par l’atmosphère qui règne en France et par les effets de la guerre d’Espagne préfèrent acheter des dollars ou des livres sterling, dont la valeur paraît mieux stabilisée, pour se prémunir contre les contrecoups intérieurs ; les autres, attentifs aux gains réalisables, et justement persuadés que la dévaluation est inévitable, spéculent sur les différences à empocher entre les achats de monnaies dévaluées faits avec un franc nominalement cher et les ventes à réaliser après dévaluation dans l’autre sens (achats de nouveaux francs avec des dollars et des livres). Sans doute eût-il mieux valu dévaluer dès le mois de juin, mais le gouvernement de Front populaire pouvait-il nier immédiatement ses engagements électoraux, et surtout pouvait-il réaliser cette opération sans obtenir d’abord l’aide des deux grandes puissances financières ? Il fallait le temps de négocier avec les Anglo-Saxons, eux-mêmes divisés.
15Au début septembre un deuxième facteur pèse lourdement sur la conjoncture budgétaire française ; pour répondre à la loi des deux ans de service militaire promulguée en Allemagne, un vigoureux effort va être entrepris dans l’armement français ; la nationalisation des industries de guerre, promulguée le 11 août, doit permettre de rationaliser cette production, mais il faut surtout dégager des moyens financiers nouveaux ; le 7 septembre un plan quadriennal de défense nationale est adopté par le gouvernement de Front populaire, qui porte d’un seul coup à 14 milliards le montant des sommes à engager au lieu des 9 milliards demandés par l’état-major. La réorganisation de l’armée de l’air, dont Pierre Cot est l’ardent artisan doit également entraîner de nouvelles dépenses d’infrastructure en France et à l’étranger. Au total, pour mener une politique extérieure plus active, pour renforcer le réarmement et naturellement pour surmonter des difficultés budgétaires et monétaires, une seule solution commode subsiste, la dévaluation.
16Peut-être le gouvernement L. Blum avait-il d’abord cru qu’il pourrait éviter celle-ci en pratiquant une politique de conciliation à l’égard des possesseurs de capitaux ; le 23 juin devant le Sénat, V. Auriol avait lancé un appel aux capitalistes pour qu’ils transforment leurs placements extérieurs en bons du Trésor. L’appel ne fut pas entendu. Le 10 août 1936 Labeyrie, gouverneur de la Banque de France, alarmé par l’augmentation des « fuites » de capitaux, demandait à V. Auriol d’autoriser la Banque de France à exiger de tous ses acheteurs d’or une déclaration attestant l’emploi régulier des sommes retirées en or ; c’était préconiser la stricte surveillance des mouvements vers l’extérieur23. Le 22 août, dans un discours à Muret, le ministre des Finances se fait plus menaçant : la Banque de France connaît les « fraudeurs » ; le gouvernement leur laisse jusqu’au 4 septembre la possibilité de s’acquitter de leur faute, mais ensuite gare aux amendes, à la prison ; en outre il ne cédera pas aux campagnes « orchestrées de Bruxelles ou de Londres » qui réclament l’alignement du franc sur la livre ; il ne répondra pas aux nombreuses propositions des banquiers étrangers offrant à la France des emprunts avec garantie de change. Bref une ligne de « résistance » est encore tenue en août. La réponse des possesseurs de fonds est éloquente ; dans le seul mois d’août 4 380 millions ont quitté la France ; au début de septembre l’avalanche continue ; entre le 30 août et le 13 septembre, 1 493 millions sont perdus par la Banque de France.
17Le 4 septembre un premier entretien réunit dans le bureau de V. Auriol, J. Rueff, W. Baumgartner et Cochran24. Le mardi 8 septembre la cote d’alerte est atteinte ; après une seconde réunion tenue dans le bureau de V. Auriol, à laquelle participent MM. Rueff, Baumgartner, Mönick et l’attaché financier à Paris Cochran, une note est remise aux deux gouvernements anglo-saxons ; le gouvernement français propose une « véritable paix économique et monétaire » pour mettre fin aux tendances autarciques, aux contraintes multiples qui paralysent les échanges ; dans ce but il propose « un accord de préstabilisation fixant de nouveaux rapports monétaires, avec précision et clarté compte tenu du niveau mondial des prix », « l’objectif final des contractants devant être le retour général à l’étalon-or international »25. Il ajoute que cet accord doit « rendre possible une action immédiate et vigoureuse en vue de la réduction des obstacles aux échanges ».
18Les réponses américaine et britannique ne concordent pas complètement. A Washington, dès le 9 septembre, Morgenthau réunit une conférence d’experts pour préparer une contre-proposition26 ; dans celle-ci, remise le 10 à V. Auriol, le gouvernement américain reconnaît l’utilité d’un ajustement du franc et de la stabilité entre les monnaies, mais il repousse un accord précis qui limiterait l’indépendance des États-Unis pour défendre le dollar. II propose à son tour une simple déclaration de principe des trois gouvernements ; cette déclaration évoquerait les efforts persévérants des gouvernements anglais et américain pour maintenir la stabilité des changes et la volonté conjointe des États-Unis et de la Grande-Bretagne d’aider le « nouveau franc » à conserver sa stabilité ; des mesures précises des Trésoreries des trois pays pourraient contribuer à la mise en œuvre de cette déclaration d’intentions ; en tout état de cause, les « décisions dernières et définitives » en matière de change « devront s’inspirer du niveau des prix intérieurs et des conditions économiques ». En fait, l’objectif de Morgenthau est net : pas d’accord à trois qui fixerait immédiatement la valeur des trois monnaies avec retour pratique à l’étalon-or, mais une entente sur les principes qui permettraient ensuite de stabiliser les rapports monétaires ; en outre, des négociations entre experts et techniciens peuvent être immédiatement entreprises.
19Du côté britannique les réserves sont beaucoup plus fortes : Chamberlain, parti pour le week-end en Écosse, fait tarder la réponse jusqu’au 14 septembre27 ; elle n’est guère encourageante : en juillet Chamberlain avait donné son accord pour un alignement du franc sur sa valeur réelle et pour un retour à la liberté dans le commerce extérieur, mais « il n’est pas prêt, dans les conditions qui prévalent actuellement à limiter son pouvoir d’action indépendant par un accord solennel »28 ; toutefois l’action du gouvernement britannique continuera à être dirigée vers les fins proposées par la France ; la coopération déjà existante entre la Banque de France et la Banque d’Angleterre sera poursuivie, mais
« il estime préférable de ne pas entrer actuellement dans une étude qui devrait être forcément longue, étant donné les nombreux détails et la procédure technique que la proposition du gouvernement français comporterait fatalement ».
Chamberlain se déclare prêt à réaffirmer son souci de parvenir à la stabilité entre les monnaies, mais il faut bien mesurer les « effets des décisions en cette manière sur l’économie des autres pays ». En somme la Grande-Bretagne est prête à s’associer à des principes, sans aborder concrètement des négociations. Dans un message secret adressé le 14 septembre à Morgenthau, Sir Warren Fisher, secrétaire permanent au Trésor, définit clairement le point de vue britannique :
« pas de convention formelle, mais l’annonce du maintien par chaque pays de la plus grande stabilité possible dans les relations monétaires entre les trois »29.
20On conçoit la déception du gouvernement français. Le 16 septembre au soir, V. Auriol se rallie à l’idée d’une déclaration conjointe différente d’un véritable accord, mais il la souhaite signée conjointement par Roosevelt, Morgenthau, Baldwin, Chamberlain, Blum et lui-même (on voit l’aspect politique d’une telle déclaration) ; en outre on y affirmerait la fixité du taux des changes et on ferait référence au Gold Standard30. Morgenthau est embarrassé ; Roosevelt, mis au courant, refuse de s’engager autant. Le 18 septembre la réponse américaine est nuancée : on ne peut pas aller au-delà d’une déclaration de principe, mais si le gouvernement français précise le taux de la dévaluation française, on peut préparer une action conjointe vis-à-vis des taux de change. En réalité, au-delà des déclarations de principe, la volonté américaine est clairement perceptible : il s’agit de parvenir à une stabilisation de fait des monnaies, donc de définir les parités entre le dollar et le franc et surtout entre le dollar et la livre ; les Français sont demandeurs, mais l’occasion paraît bonne aux Américains pour obtenir des Anglais une nouvelle et précise définition des rapports entre les trois monnaies concernées. Dans ces conditions, la discussion tripartite se déroule désormais sur deux plans : d’une part, dès le 18 septembre, la déclaration tripartite, qui sera finalement adoptée le 25, est préparée par le cabinet de Morgenthau, d’autre part des discussions serrées s’engagent entre Londres et Washington à propos de la parité livre-dollar. A Paris le taux de la dévaluation a été fixé et communiqué aux autorités américaines dès le 18 (entre 24 et 32 %)31 ; le 19 Roosevelt a donné son accord à la déclaration tripartite qui évoque une politique coordonnée des trois gouvernements en matière monétaire, mais du côté britannique on refuse de s’engager véritablement à propos de ces parités. Chamberlain hésite toujours le 22 et c’est seulement sur un appel personnel de L. Blum qu’il cède enfin le 23 à minuit.
21Il est grand temps de publier cette déclaration, car le temps qui passe voit la fuite des capitaux s’accélérer : 370 millions de francs sont perdus le mardi 22 par la Banque de France, 800 millions le 23 et le 24, et le vendredi 25 pourrait être considéré comme le vendredi noir puisque près d’un milliard et demi est perdu32. Pourtant, alors que depuis le 23 à minuit l’accord des trois est acquis quant aux termes de la déclaration, c’est seulement le 25 à 23 heures que V. Auriol, qui a constamment Cochran dans son bureau, peut enfin annoncer aux journalistes cet accord tripartite. Cet ultime délai est dû aux marchandages entre Londres et Washington à propos de la parité livre-dollar : finalement Chamberlain accepte officiellement le 25 à 20 heures de s’engager vis-à-vis des États-Unis à maintenir la parité de 1 livre pour 5 dollars (ou un tout petit peu moins), ce qui amène en contrepartie Morgenthau à décider immédiatement d’acheter de l’or jusqu’à 100 millions de dollars afin de tenir la ligne de la livre, dont on pense qu’elle sera fortement attaquée33.
22Ainsi au-delà des termes généraux (et généreux) de la déclaration tripartite, c’est une stabilisation de fait des grandes monnaies occidentales mettant fin à la guerre monétaire déclenchée depuis 1933 ; du reste les monnaies des autres États devront reconnaître cette importante réalité : le franc suisse, le florin néerlandais, la lire italienne seront manipulés dans les jours ou les semaines suivantes pour s’aligner sur les nouveaux rapports. Au moins sur le terrain monétaire, c’est le retour des États-Unis dans les affaires européennes. La déclaration tripartite envisage également les conditions des relations commerciales entre les États dans le sens d’une libéralisation accrue des échanges, si souvent souhaitée pour l’Europe par les Américains. Cette adjonction a d’ailleurs été faite à la demande de Morgenthau, ce qui apparaît en comparant les projets de note français, britannique et américain publiés dans les documents diplomatiques américains34. Il n’est donc pas exagéré de conclure que la déclaration du 25 septembre constituait le premier pas d’une reconstruction économique européenne, seule susceptible de trouver ensuite pacifiquement des solutions politiques au grand challenge opposant démocraties et fascismes ; l’insertion des États-Unis dans la discussion inter-européenne n’était-elle pas le gage d’un retour à la coordination connue entre États-Unis et Europe au milieu des années 20 ? L’intérêt pris par la presse britannique et par la presse américaine à cette déclaration est symptomatique : très largement les commentateurs anglo-saxons insistent sur la portée générale politique des mesures adoptées.
23En particulier ces journaux étrangers soulignent un aspect complémentaire de la dévaluation que nous avons laissé volontairement de côté par simple souci de concision, mais qui prend une grande signification dans une Europe cloisonnée par les barrières douanières et les contingentements : le gouvernement L. Blum suspend les contingentements sur une centaine de produits et il abaisse les droits de douane de 20 % sur les matières premières non contingentées et de 15 à 17 % sur les articles manufacturés. Les effets économiques seront nets pour les importations en France ; l’indice en volume passe de 100 en septembre 1936 à 137 en février 1937. Les effets politiques intérieurs ne sont également pas niables : le parti radical, défenseur des ruraux, accepte mal cette politique d’ouverture des frontières ; au Sénat son opposition est rude. Mais hors de France l’impression est sensible ; ainsi lorsque le gouvernement fédéral suisse annonce dès le 27 septembre l’ajustement de sa monnaie, à la surprise générale et contre son opinion publique, il insiste dans la déclaration qui annonce l’événement sur les nouvelles conditions générales monétaires et commerciales qui vont désormais prévaloir dans le monde :
« le Conseil fédéral pensa ne pas devoir laisser l’occasion de collaborer à l’œuvre d’ordre et de rénovation des rapports internationaux et de se libérer ainsi d’une pression qui, ces dernières années, par l’opposition latente des grandes Puissances commerciales du monde envers la Suisse, a pesé sur notre pays »35
Une ère nouvelle va-t-elle commencer ? Pourra-t-on utiliser dans les relations avec les puissances fascistes la force économique et financière plus cohérente et mieux coordonnée des États démocratiques ?
24En vérité, un plan d’ensemble de la stratégie anglo-saxonne paraît avoir été élaboré à l’automne 1936, ses grandes lignes seraient les suivantes : les puissances occidentales encore riches et dynamiques peuvent « acheter la paix » aux puissances fascistes ; elles accorderaient des crédits ou des avances contre des engagements politiques et économiques : côté politique, Hitler et Mussolini renonceraient à des actions violentes, quitte à obtenir des « compensations » ponctuelles en Europe ; côté économique, les systèmes autarciques générateurs de barrières douanières et de contrôle des changes seraient démantelés pour revenir à un système largement libéral ; deux négociations pourraient contribuer à réaliser cette stratégie, d’une part un « nouveau Locamo » consolidateur des frontières occidentales européennes, d’autre part une conférence économique internationale, où siégeraient États riches et États pauvres. En fait on trouve dans ce plan une variante de la politique d’apaisement préconisée par la Grande-Bretagne.
25La France du Front populaire est-elle disposée à s’y rallier ? L’accord tripartite de septembre 1936 en est le premier gage, mais ira-t-on du côté français jusqu’à des négociations prolongées avec Mussolini et surtout avec Hitler ?
26Le 22 novembre 1936 une note de l’attaché financier à Londres Mönick préconise cette politique d’« achat de paix »36 ; elle prépare un entretien qui se déroule le 29 novembre entre Y. Delbos et W. Bullitt, ambassadeur des États-Unis à Paris. Celui-ci vient discuter avec le ministre français du remboursement des dettes de guerre dues par la France aux États-Unis (selon les services américains, la France devrait payer 22,3 milliards de dollars, sommes impayées depuis décembre 1932). Dès le mois de mai 1936 E. Herriot fait pression sur L. Blum pour que celui-ci accepte de reprendre le problème des dettes ; Blum dans un déjeuner au Club Américain le 15 mai, semblait bien disposé sur ce terrain37. La signature de l’accord tripartite avait été suivie d’une déclaration d’Auriol, le 6 octobre, annonçant qu’il espérait rouvrir les négociations sur les dettes de guerre38. Cette concertation doit normalement déboucher sur la possibilité pour les États-Unis d’aider financièrement la France ; les négociations progressent suffisamment pour que dans la seconde quinzaine de décembre Mönick soit à nouveau chargé d’une mission aux États-Unis, auprès de Roosevelt et de Morgenthau, secrétaire au Trésor. Les avis de Bullitt et de Mönick auprès d’Y. Delbos concordent : pour obtenir une aide américaine, il faut non seulement s’engager à négocier sur les dettes de guerre, mais il est nécessaire d’amorcer une négociation avec l’Allemagne. Sur le premier point une note française du 12 décembre 1936 a donné son aval, en insistant d’ailleurs sur le besoin de faire triompher en Europe les thèses démocratiques (thème cher à F.D. Roosevelt) ; reste le préalable des discussions avec les puissances fascistes, spécialement avec l’Allemagne.
27Après ses entretiens aux États-Unis E. Mönick dégage les voies et les moyens qui s’offrent à la France pour cette discussion39. Il faut d’abord convaincre Roosevelt de notre bonne foi, afin d’obtenir son aide qui permettra ensuite d’imposer à l’Europe divisée une « pax americana » ; la conviction de Roosevelt sera faite si on peut témoigner de la volonté française en engageant des conversations secrètes avec Schacht pour l’Allemagne et avec l’Italie ; cette conversation secrète pourrait se faire par le truchement de fonctionnaires d’une organisation internationale. Laisser des colonies à l’Allemagne n’offre pas de perspectives réelles à la solution des maux économiques dont souffrent les États fascistes ; par ce biais, ils n’auront pas nécessairement accès à des matières premières utiles à leur économie ; des compagnies à charte, exploitant des territoires coloniaux appartenant à d’autres États, ne conviendraient-ils pas plus à la situation car, même si elles exploitaient des zones riches en matières premières, elles ne seraient pas financièrement en mesure de produire et surtout de commercialiser aisément ces productions auprès des États européens appauvris. Donc un système différent s’impose : des compagnies privées de commerce et de finance (trading and financing companies) devraient être constituées avec l’aide de capitaux américains, anglais et français ; elles auraient pour mission de régulariser le marché et les prix des principales matières premières, tout en consentant pendant plusieurs années des crédits aux États ayant besoin de ces matières premières ; comme ces compagnies dépendraient financièrement des puissances occidentales, un contrôle international pourrait être exercé par leurs soins, tandis que l’Allemagne et l’Italie auraient l’opportunité de se ravitailler et que l’URSS et les pays d’Extrême-Orient, producteurs de matières premières, y trouveraient leur compte. Évidemment l’Allemagne peut, en un premier temps, refuser d’accepter cette « dépendance » mais il existe au moins deux nations européennes, l’Italie et la Pologne, « qui sont incapables de résister à la pression des trois grandes démocraties occidentales » lorsque celles-ci leur apportent ce qu’elles souhaitent ; or si l’Italie est « débauchée », l’Allemagne devra converser. Ce vaste projet aura-t-il l’aval des responsables politiques français ?
28Le 23 décembre, le ministre des Affaires étrangères français Y. Delbos a reçu l’ambassadeur allemand, le comte Welczeck, auquel il a proposé des compensations économiques en matière coloniale et financière (emprunts ?) contre des concessions politiques en Europe et un règlement pacifique en Espagne. Pendant l’année 1936, à plusieurs reprises, Schacht avait évoqué la nécessité de compensations « coloniales » pour l’Allemagne. Bien entendu la Grande-Bretagne y était hostile, bien que des discussions sur ce sujet aient agité le gouvernement et la City40. Delbos peut-il croire à cette solution ? En tout cas à ce moment le « plan Mönick » n’est pas suivi. Mais le 30 décembre l’ambassadeur français en Allemagne, A. François-Poncet, rencontre le ministre Schacht, auquel il laisse entendre qu’une vaste négociation économico-politique pourrait aboutir à des règlements pacifiques ; Schacht répond favorablement, ce qui permet au gouvernement français d’annoncer ces perspectives nouvelles aux amis britanniques. La « voie Mönick » semble se préparer, au point que le conseil de cabinet britannique notifie officiellement son accord le 19 janvier pour une négociation secrète avec Schacht (le 2 février il désignera son émissaire secret, Sir Frédérick Leith-Ross) ; le Quai d’Orsay a donc cautionné le plan Mönick en fin décembre, mais L. Blum suivra-t-il cette voie ?
29A. Eden, ministre des Affaires étrangères britanniques, a publiquement donné son aval à cette « politique d’achat de la paix », le 19 janvier, par une déclaration aux Communes ;
« nous sommes disposés à donner notre appui dans le sens d’une aide économique accrue, mais à une condition, collaboration économique et apaisement politique doivent marcher de pair ».
Or Eden rencontre Blum à Paris le 20 au soir ; il vient proposer à Blum d’entamer véritablement des discussions avec les États fascistes sur ces bases ; dans une note destinée à Blum, R. Massigli a préparé la substance de la réponse française telle qu’elle est vue par le Quai d’Orsay : d’accord pour suivre le plan Eden, mais à condition de maintenir la liaison avec l’URSS et sous réserve que la négociation politique ne mène pas à un nouveau pacte à quatre. Blum va-t-il s’engager complètement dans la voie britannique ?
30La réponse de L. Blum demeure très nuancée ; d’une part il fait vis-à-vis de l’Allemagne un geste spectaculaire qui l’engage sur la voie des tractations économico-politiques, d’autre part il refuse nettement de faire des concessions politiques à l’Italie. Sur le premier point, le chef du gouvernement se rallie au point de vue britannique dans un discours prononcé à Lyon le 24 janvier 1937 ; il fait remarquer qu’il existe une
« liaison nécessaire, une connexion inéluctable entre coopération économique d’une part, organisation pacifique et arrêt de la course aux armements d’autre part. Pour travailler en commun, il faut pouvoir travailler en paix »41
Cependant les conclusions essentielles sont claires :
« liaison intime du problème franco-allemand avec l’ensemble du problème européen, connexion nécessaire de la coopération économique avec le règlement politique et l’organisation de la paix ».
Dans les relations avec l’Italie, la position de Blum reste ferme ; le 23 janvier, de retour de Rome où il a été en « vacances », l’ambassadeur italien Cerutti demande à Blum de laisser l’Italie l’emporter en Espagne afin d’apaiser Mussolini qui se tournera alors résolument vers la France ; Blum se refuse à abandonner l’Espagne à l’Italie fasciste. Est-ce pour cela que Mussolini, déjà engagé auprès d’Hitler par le pacte d’octobre 1936, renforce ses liens avec l’Allemagne lors de la visite de Gœring à Rome en fin janvier 1937 ? On peut penser que comme à son ordinaire, Mussolini a continué de jouer sur les deux tableaux, mais on peut également penser que Gœring et Mussolini ont contribué à influencer la réponse ambiguë d’Hitler aux propositions anglo-françaises.
31Le 30 janvier Hitler prononce un discours au Reichstag ; sans fermer la porte à toute négociation, le Führer manifeste peu d’intérêts pour la discussion économico-politique. Il rejoint ainsi les premières réactions manifestées par Gœbbels après le discours de Lyon, alors que Schacht avait immédiatement fait connaître l’« intérêt éminent » qu’il attachait aux déclarations françaises. Deux clans se disputent en Allemagne la confiance d’Hitler en préconisant deux politiques opposées : les nazis « purs », type Gœring ou Gœbbels, poussent à une politique de force, avec maintien et même renforcement de l’autarcie, tandis que Schacht, ou Von Neurath (le ministre des Affaires étrangères), conservateurs plus classiques, sont prêts à négocier pour obtenir des avantages économiques, voire territoriaux en Europe ou aux colonies. Dans les milieux officiels français on espère toujours pouvoir utiliser les difficultés économiques indéniables de l’Allemagne hitlérienne ; au printemps 1936 celle-ci avait traversé en effet une crise sérieuse car elle avait épuisé ses stocks antérieurs et se trouvait incapable d’acheter à l’étranger les matières premières nécessaires à son industrie. L’occasion ne serait-elle pas bonne d’obtenir des compensations politiques de l’Allemagne contre des concessions économiques occidentales ? De nombreux observateurs le pensaient dans les milieux d’affaires42. Mais dès ce moment le succès de la solution d’« achat de la paix » dépend de la volonté hitlérienne de suivre ou non, la voie préconisée par Schacht ; fin octobre, en confiant la gestion du plan de quatre ans à Gœring, Hitler marque déjà le sens de ses préférences : toutefois rien n’est encore joué aux yeux des observateurs occidentaux43. Lorsque L. Blum prononce son discours de Lyon, la porte semble ouverte à la grande négociation économique européenne avec une éventuelle participation américaine.
32Ainsi, au début de l’année 1937, parce qu’un accord a pu se faire entre puissances occidentales pour mettre fin à la guerre monétaire et pour tenter une relance commerciale, des perspectives encourageantes apparaissent dans les relations internationales. Peut-être pourra-t-on éviter le recours aux chocs armés entre démocraties et fascismes. Parce que nous savons aujourd’hui la suite des événements, nous sommes tentés de considérer que de tels espoirs étaient bien vains, mais il faut nous replacer dans le contexte du moment pour mesurer avec précision le rôle de l’accord monétaire de septembre 1936 ; la dévaluation du franc était l’occasion d’un rapprochement entre les puissances anglo-saxonnes et la France ; certes il était encore trop tôt pour voir se réaliser l’entente de fait qui peu à peu rapprochait économiquement et militairement USA, Grande-Bretagne et France en 1939-1940, trop tardivement pour sauver la France de l’invasion ; mais on peut considérer qu’en 1936 une première esquisse d’un certain « atlantisme » se préparait face à la menace hitlérienne. L’esprit public en France, obnubilé par la guerre d’Espagne d’une part, divisé pour des raisons de politique intérieure d’autre part, ne perçut sans doute pas la nouveauté apportée dans la situation internationale par l’accord de septembre 1936 ; ce n’est pas une raison suffisante pour que les historiens suivent le même travers.
Notes de bas de page
1 Cf. Armand Bérard, Un ambassadeur se souvient, Paris, Plon, 1976, chap. VII, p. 321.
2 Débat du 28 décembre 1935. Texte dans L’Œuvre de Léon Blum, Paris, 1964, tome 3, p. 84.
3 Cf. Documents diplomatiques français (ci-après DDF) série 1936-1939, tome III, n° 8.
4 L’analyse de cette « guerre monétaire » peut être faite en utilisant les dossiers de l’attaché financier à Londres, E. Mönick, versés aux archives du ministère des Finances, (ci-après AMF), F30 n° 2354 et série B, n° 12618 et B 12619. La citation faite est extraite d’un rapport du 1er septembre 1935.
5 Sur la baisse de la livre et la dévaluation du belga, voir dossier F30 n° 1419 (AMF).
6 Ibidem. Cette note, non signée, émane-t-elle de R. Massigli, alors directeur-adjoint ?
7 Sur les aspects politiques de cette crise voir J.-N. Jeanneney, François de Wendel en République, Paris, Seuil, 1976, p. 531 et sq. Les chiffres cités sont ceux donnés par Flandin dans son discours à la Chambre le 15 juin 1937.
8 Lettre du 17 mai 1935, d’E. Mönick sur son entretien avec White et Sheppard qui évoquent l’utilité de négociations tripartites secrètes sur les parités de change, la liberté de circulation des marchandises. AMF B n° 12618.
9 Cf. les rapports de l’attaché financier à Londres en mai-juin 1935, ibid, F30 n° 2354.
10 Rapport rédigé semble-t-il par H. Finaly lui même ; ibid.
11 Sur les positions de P. Reynaud, voir ses Mémoires, tome 1 et 2, Paris, 1962 ; J.– P. Brousta, Raymond Patenôtre, Paris, 1969. L. Blum, article dans le Populaire, du 5 avril 1935 et discours à la Chambre du 30 novembre 1935.
12 Ces bulletins se trouvent dispersés dans les dossiers de la direction du Mouvement des Fonds, avec des lacunes semble-t-il. Dans un entretien qu’il nous a accordé en mars 1977, E. Mönick nous a dit qu’il avait informé les gouvernements de l’intérêt de la dévaluation dès le printemps 1934, après la dévaluation du dollar.
13 Note du 1er septembre 1935. En haut du document une appréciation de M. Baumgartner, qui signale à Maxime Robert l’intérêt de ce texte ; F30 n° 2354.
14 Dossier sur cet emprunt dans AMF B n° 12619, second folio.
15 Voir par exemple la note du 7 octobre 1935, transmise pour information à Ch. Rist ; ibidem.
16 Fin 1935, H. de Peyerimhoff s’est rallié à la dévaluation devant l’Assemblée générale de Comité des Houillères (par crainte du contrôle des changes) ; en avril 1936 le Bulletin Quotidien en admet la nécessité ; Ch. Rist et Germain-Martin font de même en juin 1936. Cf. M. Margairaz, « La Droite française face à la crise ; incompétence ou choix politique ? », Cahiers du CERM, 1977.
17 Note du 18 mars 1936, AMF B n° 12619.
18 Cf. la crainte exprimée par A. Meyer, de la Banque Lazard, d’un contrôle des devises « à l’italienne », cité par J.-N. Jeanneney, op. cit., p. 559.
19 E. Mönick, Pour Mémoire, Paris, 1970, p. 48. Nous avons déjà cité partiellement ce texte dans un article sur « l’exercice du pouvoir et les relations internationales pendant le Front Populaire », Cahiers Léon Blum, n° 1, mai 1977.
20 Texte de la dépêche de Cochran dans Foreign Relations of the United States (ci-après FRUS), 1936, vol. 1, p. 535.
21 Ibidem, rapports sur les entretiens Mönick-Roosevelt.
22 Cf. les témoignages de MM. Baumgartner, J. Moch, A. Philip, G. Cusin in Léon Blum, chef de gouvernement, op. cit.., p. 281-282.
23 La lettre de Labeyrie se trouve dans AMF F30 n° 2354.
24 Dépêche de Cochran du 4 septembre à 17 h, FRUS, 1936, vol. 1, p. 542.
25 Projet de note aux gouvernements américains et anglais, remis à Cochran et Mönick le 8 septembre ; AMF F30 n° 1420 ; note expédiée par Cochran le 9 septembre ; FRUS, 1936, vol. 1, p. 544.
26 Un article de J. Alsop et R. Kintner dans le Saturday Evening Post du 15 avril 1939, « inspiré » par les autorités américaines, donne un récit détaillé des événements vus du côté américain. A noter que Roosevelt est absent de Washington pour des raisons électorales.
27 Ce retard est utilisé par les spéculateurs qui accélèrent les fuites de capitaux.
28 Texte de la réponse de Chamberlain, datée du 14 septembre, dans AMF, F30 n° 1420.
29 Cf. dépêche du 14 septembre adressée par Morgenthau à Cochran ; FRUS 1936, vol. 1, p. 546.
30 Cette contre-proposition est transmise à Washington par Cochran le 16 au soir et reçue le 17 ; FRUS, 1936, vol. 1, p. 548.
31 Baumgartner en définit les conditions à Cochran le 18 au soir ; ibidem.
32 D’après le bilan de la Banque de France, dans la semaine du lundi 21 au vendredi 25 septembre, c’est un total de 2 580 millions qui auraient été perdus.
33 La parité entre les monnaies se situera à partir de la fin septembre 1936 à 1 livre = 4,90 dollars et 105,15 Fr, soit un peu plus haut que ne le souhaitait le gouvernement britannique qui avait proposé un cours de 100 Fr pour 1 livre.
34 FRUS, 1936, vol. 1.
35 Cf. note sur la politique monétaire du gouvernement suisse et les conditions de la dévaluation du franc suisse, rédigée par M. Couve de Murville le 29 septembre 1936, AMF F30 n° 1420.
36 Note Mönick du 22 novembre 1936 ; Documents diplomatiques français 1936- 1939, t. IV.
37 Dépêche de Cochran des 14 et 15 mai 1936 ; FRUS, 1936, vol. 1, p. 582.
38 Depuis le Jonhson Act de 1934, les États-Unis ont mis un embargo sur les valeurs étrangères des États qui n’ont pas rempli leurs engagements concernant le paiement de leurs dettes de guerre.
39 Note du 22 décembre 1936 ; Documents diplomatiques français 1936-1939, t. IV.
40 Sur ces aspects, voir B.J. Wendt, Economie Appeasement, Handel und Finanz in der britischen Deutschland-Politik 1933-1939, Hambourg, 1971, p. 336.
41 L’Œuvre de Léon Blum, op. cit., t. 3, p. 382. A noter que dans son discours Blum laisse entendre qu’on lui a quelque peu forcé la main pour obtenir une déclaration sur les relations franco-allemandes. « Voici une dizaine de jours j’ai lu dans tous les journaux du matin que mon discours de Lyon prendrait la portée d’un événement européen, que j’étais résolu à jeter d’ici des offres publiques de conversation directe et de "coopération économique"... Voici la plus étonnante vertu de la presse moderne : elle finit par créer ce qu’elle imagine. A force d’affirmer un fait qui est encore du domaine de la fantaisie, elle en fait une vérité ». Ne serait-il pas possible de remplacer « presse moderne » par administrations centrales ? Qui informe la presse ?
42 C’est aussi l’avis d’une note signée (émane-t-elle de la direction du Trésor ?) transmise au président du Conseil, après la réoccupation de la Rhénanie ; elle se trouve dans AMF F30 n° 1419, ainsi que divers avis britanniques qui vont dans le même sens.
43 A. François-Poncet remarque dès la fin octobre le déclin de Schacht, mais jusqu’en avril-mai 1937 le doute paraît encore permis sur les possibilités d’agir avec le ministre allemand.
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