Jean Monnet, le Comité de coordination économique franco-britannique et le projet d’Union franco-britannique : les moyens de vaincre le nazisme (septembre 1939-juin 1940)
p. 77-96
Texte intégral
1Jean Monnet a placé au début de ses Mémoires, en titre de son premier chapitre, la formule : « 1940 : face au péril l’Union totale ». Le texte qu’il commente dans ses premières pages est une initiative surprenante, une déclaration d’Union franco-britannique datée du 16 juin 1940 et qui s’achève par ces mots : « L’Union concentrera toutes ses énergies contre la puissance de l’ennemi, où que se livre la bataille. Et ainsi nous vaincrons »1.
2Cette proposition a suscité plus d’études au Royaume-Uni qu’en France, où les archives propres de Jean Monnet n’ont été analysées que récemment par Éric Roussel dans l’importante biographie qu’il lui a consacrée. Nous nous proposons ici d’examiner la genèse du projet vue de France en l’insérant dans la perspective plus vaste de la constitution d’un front des démocraties pour abattre le nazisme2.
3Dès les lendemains de la Conférence de Munich, le Président du Conseil français, Édouard Daladier, avait pressenti Jean Monnet pour lui confier une mission confidentielle auprès du Président Roosevelt. L’ambassadeur des États-Unis, William Bullitt, ami et confident d’Édouard Daladier, devait introduire à Washington le chargé de mission déjà bien connu des milieux américains3.
4Un an plus tard, Jean Monnet était chargé à Londres de l’organisation de la coopération économique interalliée. Il réussissait à aplanir bien des difficultés et se préoccupait au premier chef de la relance de la politique initiée en octobre 1938. Quelques semaines après, l’assouplissement des lois de neutralité américaine et l’adoption de la Cash and Carry favorisaient la relance de la coopération franco-anglo-américaine.
5La richesse des fonds et notamment celle des archives du Département d’État à Washington permettent à l’historien de renouveler les études entreprises sur la question du placement des commandes d’avions, sur l’analyse de l’évolution de l’attitude de l’Administration Roosevelt et enfin sur le comportement des firmes concernées. Il est ainsi possible de mettre en lumière une « face cachée » de la politique officielle de Washington et d’éclairer les intéressantes relations triangulaires Paris-Londres-Washington pendant la drôle de guerre. Ainsi, certains engagements pris se révèlent beaucoup plus précoces que ne le laissaient entendre les discours officiels.
6Si la coopération franco-anglo-américaine ne devait pas donner tous les résultats escomptés, elle marquait un tournant décisif dans les relations entre les Alliés et les États-Unis. La contribution financière franco-britannique devait favoriser une importante relance des investissements au profit de la modernisation de l’appareil productif américain. Si la France ne devait bénéficier que d’une petite partie des commandes, la Grande-Bretagne devait reprendre à son compte un nombre important d’unités qui devaient être livrées initialement à Paris. Aux États-Unis, quelles que soient les réserves persistantes dans les milieux militaires et civils, le principe de la coopération économique n’était pas remis en question. Les contacts établis précocement devaient favoriser plus tard le développement d’une coopération d’une tout autre ampleur.
7Ainsi, dès le début de la drôle de guerre se mettaient en place des structures qui assureraient les bases du futur Victory Program.
8C’est bien dans cette perspective qu’il faut replacer l’action de Jean Monnet en juin 1940. La confrontation des Fonds Jean Monnet déposés à Lausanne, des dossiers du ministère français des Affaires étrangères et des archives britanniques permet de renouveler la présentation d’un projet qui a suscité, dès l’époque, bien des interrogations.
I. Les prémisses de la coopération : les premières missions d’achat aux États-Unis (octobre 1938-septembre 1939)
1. Le gouvernement Daladier et les initiatives en matière de coopération avec l’étranger
9Le 3 octobre 1938, quelques jours après la conférence de Munich, le Président français Daladier avait convié à déjeuner son ministre de l’Air, Guy La Chambre, l’ambassadeur des États-Unis, William Bullitt, et Jean Monnet. Selon le témoignage de ce dernier, Édouard Daladier aurait confié à ses interlocuteurs : « Si j’avais eu trois ou quatre mille avions, il n’y aurait pas eu Munich »4. Il chargeait ce jour-là William Bullitt, devenu un ami et même un confident, d’introduire Jean Monnet auprès du Président Roosevelt5.
10Ainsi s’engageait une mission qui devait aboutir au placement par la France de premières commandes d’avions dès cette période de l’avant-guerre. Les premières initiatives étaient donc françaises. Édouard Daladier avait étudié, au cours de l’été 1938, un important dossier préparé par les services du ministère de l’Air intitulé Notes sur la création d’un potentiel industriel aéronautique à l’étranger situé hors de portée des attaques ennemies6.
11Édouard Daladier, ministre de la Défense nationale, avait succédé à Léon Blum, à la Présidence du Conseil. Dès le 12 avril 1938, il avait présenté à la Chambre des Députés son programme ; son discours très structuré et prononcé sur un ton vigoureux préconisait une véritable relance du réarmement. Il annonçait des mesures visant à permettre à terme un redressement économique. Il espérait mettre fin aux rigidités qui bloquaient en France le processus de croissance. Les premières mesures concernant l’aménagement de la semaine de quarante heures faisaient partie de cette nouvelle politique.
12Il escomptait également pour réussir son plan de relance l’appui de partenaires étrangers. Dès la fin du mois d’avril, il se rendait à Londres avec Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères qui avait occupé précédemment le poste de ministre des Finances et devait prendre de discrets contacts avec les milieux financiers britanniques afin de préparer dans les meilleures conditions une nouvelle dévaluation. L’objet de sa visite était officiellement un examen de la situation diplomatique et militaire au lendemain de l’Anschluss.
13Au cours des entretiens diplomatiques des 28 et 29 avril, Édouard Daladier s’efforçait d’obtenir de la Grande-Bretagne certains engagements. Il aurait souhaité, dès le temps de paix, la mise en œuvre d’une véritable politique de coopération militaire grâce à la conclusion d’accords d’État-major. Il n’obtiendra que de modestes résultats dans ce domaine, sauf en matière aérienne où des contacts vont s’engager et se poursuivre de mai à août 19387. Les entretiens de Londres ont-ils débouché sur une coopération économique ?
14Le gouvernement français était très préoccupé par l’organisation de la mobilisation industrielle. Le programme de mobilisation économique de la nation envisageait, dès le temps de paix, la mise en place de structures pour le temps de guerre ; il prévoyait la question des approvisionnements et des fournitures pour l’ensemble des industries d’armement. Ainsi, dès l’automne 1937, le Comité permanent de Défense nationale chargé d’organiser cette mobilisation avait alerté les ministres civils et militaires sur les graves carences de la production nationale et sur la nécessité de prévoir un vaste programme d’importations à l’étranger et de coopération avec les puissances susceptibles d’apporter une assistance en cas de guerre.
15Au cours de la séance du 3 novembre, le Comité avait souligné le grave déficit français en hydrocarbures et les dramatiques faiblesses de la flotte pétrolière française. Il était donc souhaitable d’évoquer cette question avec les responsables britanniques. Dès la mi-mai, des pourparlers s’engagent entre représentants du Petroleum Department et de l’Office national des combustibles, mais la coopération reste encore limitée, en septembre 1938, quand éclate la crise des Sudètes.
16Cette crise révèle les très graves retards enregistrés depuis la mise en œuvre du plan de réarmement terrestre de septembre 1936. Elle met surtout en évidence une situation plus préoccupante encore dans le domaine aérien, car le plan alors en œuvre (le plan V) qui prévoit la construction de bombardiers modernes ne fait que démarrer. Le chef de l’État-major de l’armée de l’Air, Vuillemin, transmet à Guy La Chambre, le ministre de l’Air, un rapport accablant que Daladier examine avant de partir pour Munich. Quelle que soit la valeur de ce rapport qui fut plus tard contesté, pour le chef du gouvernement un constat s’imposait : la France devait trouver à l’étranger un concours lui permettant, dans les plus brefs délais, de doter ses unités aériennes d’avions performants8.
2. Les premières commandes d’avions : la mission Monnet-Jacquin (octobre 1938-septembre 1939)
17Le ministre de l’Air, Guy La Chambre, n’innovait pas quand il étudiait les possibilités de coopération industrielle sur le plan aéronautique entre la France et les États-Unis. Ses prédécesseurs Denain et Pierre Cot avaient pris des contacts et initié les premières missions mais ces premières initiatives n’avaient débouché sur aucun programme de coopération. Septembre 1938 constitue donc bien un tournant. L’abstention britannique en septembre incite en effet la France à se tourner à nouveau vers les États-Unis
18A. – La première étape de la mission Jean Monnet était l’établissement de contacts au plus haut niveau à Washington. Le compte rendu des premiers entretiens de Jean Monnet aux Etats-Unis figure dans l’important dossier conservé par Édouard Daladier. Il corrobore bien le récit présenté par Jean Monnet dans ses Mémoires. Introduit par William Bullitt, il a pu rencontrer le Président Roosevelt qui l’a reçu chez lui à Hyde Park près de New York ; cette visite confidentielle a permis un premier échange de vues. Jean Monnet est très frappé par la tonalité de la conversation. Franklin Roosevelt lui dit sa vive inquiétude devant la montée en puissance de l’Allemagne. Il a suivi le développement de la crise des Sudètes et entendu des extraits du discours radiodiffusé d’Hitler à Nuremberg. « Il avait été terrifié, écrit Jean Monnet, par le violent discours de Nuremberg. Pour lui, Munich ouvrait le chemin de la guerre »9.
19Décidé à réarmer, le Président Roosevelt était cependant conscient du poids des contraintes intérieures. « Il devait tenir grand compte du courant isolationniste aux États-Unis et en cas de conflit le Neutrality Act gênerait sérieusement sa décision de fournir des avions à la France et à l’Angleterre ». Il supposait alors la possibilité de coopérer avec le Canada qui pourrait fournir une « couverture ». Le Président promettait de mettre la question à l’étude. Quelques jours plus tard, William Bullitt écrivait à Édouard Daladier pour lui indiquer que la mission s’engageait sous de bons auspices. « Les conversations ont été caractérisées de la part du Président et du secrétaire d’État aux Finances par une franchise et une confiance exceptionnelles »10. Les premiers résultats obtenus étaient en effet encourageants selon le mémorandum rédigé par Jean Monnet et transmis au gouvernement français, il serait possible « à condition de placer des commandes dans un délai très court et de s’en tenir à des types déjà en fabrication de série, d’obtenir pour juillet 1939, 1 000 à 1 500 appareils répartis également en appareils de chasse et en bombardiers »11.
20C’est sur cette base que Guy La Chambre et Édouard Daladier étudiaient un programme d’achat de 1 000 avions et présentaient le 5 décembre leur projet devant le Comité permanent de Défense nationale. Selon tous les témoins, le Président du Conseil avait mis tout son poids dans la balance. Le ministre des Finances Paul Reynaud émettait certaines réserves, car le financement de l’opération représentait plus de 2 milliards de francs. Au terme d’une vive discussion, Édouard Daladier, qui avait souligné « l’infériorité tragique » de l’aviation française, concluait : « L’achat des avions américains est possible et il doit être effectué »12. Dès le 9 décembre, Jean Monnet était chargé d’engager des négociations avec des constructeurs américains. La mission qu’il devait diriger impliquait la constitution d’une équipe : celle-ci était rapidement formée, elle comprenait : le lieutenant-colonel Jacquin, chef de la délégation militaire envoyée par l’armée de l’Air, accompagné du capitaine Chemidlin et Henri Hoppenot, sous-directeur d’Europe du quai d’Orsay accompagné de Mazer. C’était donc une délégation très restreinte qui devait agir avec toute la discrétion nécessaire.
21C’est au cours de l’hiver que le Congrès américain fut saisi de ces projets, qui furent jugés très ambitieux. Cependant, si l’opinion s’inquiétait et paraissait peu favorable à la mise en œuvre d’un véritable plan de réarmement aérien, de discrets contacts avaient lieu entre constructeurs américains et ingénieurs français outre-Atlantique13. Les sources américaines montrent fort bien le vif intérêt que manifestent les firmes aéronautiques. Le Président de la Chambre de Commerce aéronautique était bien conscient du retard pris par les constructeurs américains et favorable au plan de réarmement. Il était intéressé par le placement de commandes françaises mais estimait nécessaire de clarifier le dossier financier. De mars à juin, c’est cet aspect qui devait retenir l’attention des gouvernements.
22Le 23 mars 1939, une réunion chez William Bullitt à laquelle participaient Édouard Daladier et Paul Reynaud devait examiner le contentieux financier franco-américain. De la fin mars au début mai, plusieurs entretiens à Paris ou à Washington permettaient d’envisager l’hypothèse d’une renégociation des accords Mellon Berenger. Ainsi serait levé un des obstacles au placement des commandes. Le secrétaire d’État au Trésor, Morgenthau, estimait cependant que le moment n’était pas très opportun pour évoquer devant le Congrès un tel débat. On s’orienta finalement vers une solution de compromis. Le règlement du contentieux franco-américain était différé et, pour les premières commandes, on négocierait sur la base de contrats commerciaux classiques assortis de certaines clauses spécifiques14.
23B. – Quels étaient les premiers résultats obtenus à la fin de l’été 1939 ?
24Dès le 28 mars, le Conseil supérieur de l’Air avait pu prendre en compte une première série de commandes. A cette date, plus de 500 appareils avaient été commandés aux firmes Curtiss, Glenn Martin et Douglas. Une première centaine de Curtiss 75A devaient être livrés au cours de l’été, la France devait recevoir en outre, avant la fin de l’année, une centaine de Glenn Martin 167 et une centaine de North American BT9. Si on ajoute enfin les commandes de moteurs (Pratt Senior et Junior et Wright), le total des commandes placées avant septembre 1939 était loin d’être négligeable et les livraisons déjà effectuées attestaient la volonté de coopération. La première mission Monnet allait s’achever ; elle avait rencontré des difficultés et laissait en suspens bien des questions, mais une dynamique était née. Les premiers contacts avaient été fructueux dans bien des domaines, des relations s’étaient nouées, un authentique dialogue s’était instauré. Lorsque surviendront de plus sérieux obstacles après la déclaration de guerre, le processus engagé se poursuivra en dépit de la législation en cours.
25Un premier bilan permettait cependant de conclure à la nécessité d’insérer cette coopération dans un cadre plus large. Dès septembre 1939, Jean Monnet exposait à Edouard Daladier ses vues sur la nécessaire coopération franco-britannique. Quelques semaines plus tard, se mettait en place le triangle atlantique Paris-Londres-Washington.
II. Les missions d’achat pendant la drôle de guerre : la coopération franco-britannique et transatlantique
26Le 3 septembre 1939, la Grande-Bretagne et la France déclaraient la guerre à l’Allemagne. Les deux gouvernements désormais alliés devaient se concerter au sein du Conseil suprême franco-britannique. Dès le 22 septembre, la question à l’ordre du jour du Conseil de Brighton était celle de la coopération économique15.
1. La coopération économique franco-britannique et l’organisation des missions d’achat (automne 1939)
27Dans la perspective d’une guerre longue, hypothèse retenue par les deux alliés, l’organisation, dès les premiers temps du conflit, d’une véritable coopération était l’une des priorités.
28L’initiative reste cependant française. Jean Monnet souligne, dans ses Mémoires, la part prise à l’élaboration du projet de création du Comité de coordination économique franco-britannique dont il devait devenir le Président (Chairman). Les documents consultés tant à Paris qu’à Londres montrent qu’il en fut bien l’inspirateur. Son expérience qui datait, on le sait, de la Première Guerre, et les récentes missions qui venaient de lui être confiées le désignaient bien pour donner l’impulsion nécessaire. La méthode d’action, la mise en place de petites équipes chargées de missions très précises, formées d’experts et non de politiques à la recherche d’une notoriété, cette méthode avait fait ses preuves dans le passé ; elle serait pratiquée avec succès, pensait Édouard Daladier, en confiant à Jean Monnet de nouvelles responsabilités16. Dans le gouvernement français remanié, le nouveau ministre de l’Armement lui était acquis. Raoul Dautry, responsable de la coordination du programme d’armement au niveau français, prenait connaissance des dossiers et lançait dès les premières semaines un cri d’alarme en dressant un bilan de l’état des fabrications d’armement. A ses yeux, la coopération avec l’étranger devait s’organiser sans délai pour permettre à la France de poursuivre l’effort, consenti depuis le printemps 1939, en faveur d’une accélération des rythmes de fabrication17.
29Dans la lettre qu’il écrivait le 20 septembre au Premier ministre britannique, Edouard Daladier présentait l’homme qu’il pressentait pour la coopération économique envisagée en ces termes : « M. Jean Monnet a été, pendant la guerre, le délégué de la France auprès des organisations internationales qui siégeaient à Londres. Il fut ensuite au Secrétariat général de la SDN ; j’ai chargé M. Jean Monnet de missions de confiance auprès du Président Roosevelt ». Il concluait sa lettre par cette formule : « M. Jean Monnet a ma totale confiance »18.
30Nous savons que ce dossier fut bien transmis au Premier ministre par le secrétaire du Cabinet, Sir Edward Bridges qui s’employait, dès les jours suivants, à préparer la venue de Jean Monnet qui devait prendre les premiers contacts à Londres avant les réunions interalliées sur la coordination économique franco-anglaise, prévues fin septembre19.
31Le 27 septembre, Neville Chamberlain répondait à Daladier, qu’il avait revu le 22 septembre à Brighton : « Je suis, comme vous le savez, en complet accord avec vous sur l’importance de cette question et j’ai déjà pris des mesures pour mettre M. Monnet en rapport avec les autorités concernées à Londres qui seront heureuses de lui donner toute l’aide en leur pouvoir »20.
32Jean Monnet évoque en ces termes très favorables ces premiers contacts et confirme le bon accueil annoncé : « Le 26 septembre, j’étais à Londres où Sir Edward Bridges, secrétaire du Cabinet de guerre anglais, m’ouvrit toutes les portes. J’étais accompagné, dans ma visite, par le délégué du ministère de l’Armement, René Mayer »21.
33D’emblée, Jean Monnet présentait à ses interlocuteurs britanniques son plan, répétant inlassablement des idées simples avec une grande force de persuasion. « La première étape à faire est d’établir un bilan constamment tenu à jour des besoins, des ressources des deux pays. Pour cela il faut créer d’un commun accord un exécutif franco-britannique qui aura la confiance des deux gouvernements et où se prépareront les décisions que les ministres des deux pays prendront ensemble, au cours des réunions périodiques »22 Le 30 septembre, se tenaient à Londres des conversations franco-britanniques. A cette réunion qui évoquait les différents aspects de la coopération économique franco-britannique était abordée la question de la politique d’achat en commun. « La nécessité de ne pas créer de concurrence franco-britannique sur les marchés tiers, de mettre en commun les approvisionnements disponibles et les frets existants nécessite une collaboration entre les deux pays pour la réalisation du plan d’achat [...]. Cette question capitale fait actuellement l’objet d’une étude spéciale par M. Jean Monnet qui remettra un programme détaillé au gouvernement anglais »23.
34Le 18 octobre 1939, Edouard Daladier, après avoir reçu un important rapport de Jean Monnet et consulté plusieurs collaborateurs, notamment Hervé Alphand et Emmanuel Monick, l’attaché financier français à Londres, écrivait au Premier ministre pour lui faire part de propositions. Le thème de sa lettre était « l’organisation de la coordination économique anglo-française ». Il s’agit d’un document de plusieurs pages dont l’original, en français, se trouve dans les papiers du Cabinet du Premier ministre. Ces propositions, qui sont connues, seront très brièvement commentées. Elles sont inspirées des idées de Jean Monnet. L’organisation de la coordination économique reposait sur la mise en place de comités exécutifs permanents spécialisés dans divers domaines : ravitaillement, armements et matières premières, pétrole, aéronautique, production et achats, transports maritimes. Le Comité de coordination serait composé de six à huit membres, choisis du côté britannique parmi les membres du Comité interministériel du ravitaillement et des achats de guerre anglo-français qui existe actuellement, et, du côté français, parmi les membres principaux des comités exécutifs fonctionnant à Londres. Ce Conseil aurait pour tâches :
de coordonner le travail des comités exécutifs permanents ;
d’arbitrer d’éventuels différends ;
de coordonner le travail de missions d’achat alliées à l’étranger.
35La réponse qui était formulée par Chamberlain, le 22 octobre, était très favorable à l’organisation dont les principes avaient été débattus à Londres24.
36C’est le 29 novembre que le Premier ministre écrivait à Jean Monnet pour lui demander d’accepter le poste de Président (Chairman) du Comité de coordination économique anglo-français. Le ton en était très cordial. Ainsi, devait se mettre en place un Comité de coordination économique anglo-français qui, sous la présidence de Jean Monnet, devait donner une véritable impulsion à la coopération économique entre Paris et Londres. Parmi les questions les plus urgentes, l’organisation interalliée des missions d’achat d’avions aux États-Unis était l’une des priorités25.
37Dès le 3 octobre était créé, à Londres, le Comité interdépartemental franco-britannique pour les approvisionnements et achats de matériel de guerre. En Grande-Bretagne, Sir Ronald Lindsay jouait un rôle actif26. L’ambassadeur des États-Unis à Londres avait bien mis en évidence la nécessité absolue d’une étroite coordination franco-britannique, celle-ci s’imposait à l’heure où l’administration de Roosevelt s’efforçait d’obtenir du Congrès un aménagement de la loi de neutralité de mai 193727.
2. La mission franco-britannique Purvis-Pleven aux États-Unis : vers une coopération euratlantique
38A. – Le 5 septembre 1939, le gouvernement fédéral américain avait fait savoir qu’en application de la loi de neutralité, un embargo sur les armes serait mis en vigueur. Trois jours plus tard, William Bullitt était reçu par le Président Daladier, celui-ci lui demandait d’intervenir personnellement auprès du Président Roosevelt pour obtenir un aménagement de la loi de neutralité. Le 20 septembre, l’ambassadeur câblait à Cordell Hull que Daladier, Gamelin et Léger estimaient que l’Allemagne gagnerait la guerre si l’embargo sur les armes continuait.
39A la Chambre des Représentants et au Sénat, le Président Roosevelt disposait d’importants appuis et obtenait, dès le 21 septembre, l’ouverture d’une session spéciale du Congrès pour étudier cette question28. Les milieux industriels, au départ réservés, avaient envisagé de plus en plus favorablement le placement de commandes en provenance de l’étranger. Les archives du Département d’État montrent le rôle discret mais efficace de certains industriels qui devaient constituer de véritables lobbies et intervenir en faveur d’une nouvelle loi de neutralité plus souple que celle adoptée en mai 1937. Parmi les constructeurs, Theodor P. Wright, directeur de la production de la Curtiss Wright Corporation, jouait le rôle d’expert auprès de la National Defence Advisory Commission to the Council (NDAC). Il devait largement contribuer à faire comprendre à l’opinion la nécessité d’un redéploiement de la capacité productive de l’industrie aéronautique américaine29.
40Malgré les réticences exprimées au Sénat par Hiram Johnson, sénateur de Californie, par Gerald Nye et les irréductibles du Bloc de la Paix, les membres du Congrès, rassurés par les propos de Roosevelt sur le maintien de la neutralité, acceptent de voter de nouvelles dispositions qui assouplissent la loi de 1937. « Le 4 novembre 1939, les deux chambres abrogent à une confortable majorité l’embargo automatique sur les armes et les munitions. Cela signifie que tous les belligérants pourront, en théorie, acheter aux États-Unis des fusils, des avions, des chars dans les limites prévues par la clause cash and carry »30.
41Désormais, les deux alliés franco-britanniques ont la possibilité juridique de conclure de nouveaux contrats mais tous les obstacles ne sont pas levés ; des problèmes financiers et techniques expliquent certains délais.
42B. – La relance des programmes d’achat et l’organisation de la mission Purvis-Pleven
43Le 23 novembre, Édouard Daladier et Guy La Chambre déjeunaient chez William Bullitt. A cette date, le Président du Conseil, préoccupé par les renseignements fournis sur le réarmement aérien allemand, venait de rédiger une note où il soulignait la nécessité d’une relance des programmes d’achat d’avions américains. « Il faudrait avoir 10 000 avions en 1940. Cela ne peut se réaliser que par l’industrie américaine si elle consent à une extension extrême de ses réalisations »31. Harcelé par les commissions parlementaires, le Président du Conseil confiait à Bullitt : « S’il est vraiment impossible d’obtenir les avions que nous demandons aux USA, il vaudrait mieux que je cesse d’être Président du Conseil. Un autre que moi fera une paix conforme aux vœux de l’Allemagne »32
44Le Département d’État alerté par Bullitt devait faire savoir rapidement au gouvernement français qu’il était prêt à consentir un effort remarquable au profit des deux démocraties avec les réserves suivantes : « Les capacités productives sont vastes et pratiquement illimitées dans ce pays [...]. Cependant, il faut attendre un délai de 10 à 14 mois entre les commandes et les livraisons... ». On précisait également au début de décembre : « Si les gouvernements étrangers veulent obtenir un nombre important d’avions, ils doivent préfinancer l’opération au moment du placement des commandes »33.
45Cette question était essentielle. Or, les Alliés franco-britanniques venaient de conclure le 4 décembre un accord financier signé par Paul Reynaud et Simon. Le principe de la solidarité monétaire y avait été accepté. Malgré le maintien de certaines divergences sur la répartition des charges de guerre entre les Alliés, ces accords favorisaient l’organisation d’un comité d’achat commun franco-britannique.
46Le Comité d’achat franco-britannique (Anglo-French Purchasing Board) était présidé par un industriel, l’Anglais Purvis, assisté par le Français Jean Bloch-Lainé. Sous la direction du Comité, et selon ses instructions, les deux missions française et britannique poursuivraient ou engageraient des contacts aux États-Unis. C’est la mission française qui partait la première et reprenait les contacts dès le 17 décembre 1939. Conduite par René Pleven, adjoint du Comité de coordination franco-britannique, elle comprenait plusieurs des membres de la mission précédente, notamment Henri Hoppenot et le lieutenant-colonel Jacquin. Jean Monnet, présent à plusieurs réunions, avait tenu à manifester par sa présence l’importance qu’il attachait à la conduite des négociations. Du samedi 17 février 1939, date de la première réunion, au 14 février 1940, date de la signature des contrats (Pratt et Whitney, Douglas et North American), Jean Monnet avait pesé de tout son poids pour obtenir gain de cause34.
47Aux États-Unis avait été créé un Comité de liaison, présidé par le captain Harry Collins, l’interlocuteur des missions précédentes, directeur des achats au Trésor. Chargé de rendre compte régulièrement de la progression des négociations, il était directement sous le contrôle de la Maison Blanche. Mais jaloux de leurs prérogatives, les responsables des différents ministères souhaitaient garder un droit de regard. Ainsi Louis Johnson, secrétaire d’État à la Guerre, espérait-il pouvoir limiter les nouveaux ordres d’achat étrangers d’avions et de munitions, craignant d’affaiblir par trop la capacité défensive américaine35.
48A Washington, dès son arrivée, Pleven avait été introduit par Purvis, le 22 décembre, auprès de M. Morgenthau, secrétaire d’État au Trésor. Ce dernier fut, tout au long de la mission, animé d’un loyal souci de coopération et servit au mieux la cause des Alliés36. Il sut, en particulier, trouver des solutions financières qui facilitèrent le placement des nouvelles commandes.
49La question financière restait cependant le souci majeur du gouvernement français. Le préfinancement des commandes posait des problèmes de trésorerie et fut l’occasion d’importantes divergences entre le Président du Conseil Édouard Daladier, favorable aux sacrifices financiers nécessaires, et le ministre des Finances, Paul Reynaud. Ce dernier était hostile à tout épuisement prématuré du « trésor de guerre » reconstitué depuis le retour des capitaux exilés. Cependant, devenu le successeur de Daladier, après le 19 mars, Paul Reynaud allait poursuivre l’œuvre de son prédécesseur et intensifier le programme d’achat déjà engagé.
3. Un premier bilan de la coopération euratlantique au printemps 1940
50Il importe d’abord de s’interroger sur le bilan quantitatif du matériel commandé par la France et des livraisons effectuées avant l’armistice. On examinera ensuite les modalités de la coopération interalliée.
51A. – Les commandes françaises et les premières livraisons en provenance des États-Unis
52Selon les documents du Service historique de l’armée de l’Air, les commandes d’avions pour la France seule étaient estimées à 3 825 avions, soit 1950 chasseurs et 1875 bombardiers. L’ensemble de ces unités devait être livré avant le 1er novembre 1941. Les commandes déjà honorées concernaient la firme Curtiss qui avait déjà livré 200 avions type H75, 75A et 28 Curtiss P36. La firme Glenn Martin avait, quant à elle, livré en avril 167 avions dont la plupart étaient expédiés à Casablanca. La firme Douglas avait livré, au début du printemps, 105 unités.
53Ces unités n’étaient pas les plus performantes car les premières commandes ne pouvaient concerner que les fabrications en cours. Les modèles plus performants devaient être livrés plus tard : soit à l’automne 1940 (bombardiers en piqué Brewster et gros porteurs Boeing), soit au début de l’année 1941 (bombardiers Curtiss P40 équipés de moteurs Allisson C15). En mars et avril 1940, de nouvelles lettres d’engagement venaient d’être signées à la suite de la mission Pleven. Des contrats avaient été passés avec Consolidated (bombardiers LB30), Curtiss (nouvelles commandes de P40 et commandes de P46), Lockheed (P38), North American (NA64)37. A ces commandes d’avions, s’ajoutaient des commandes de moteurs déjà évoquées (plus de 8 000 unités avaient été commandées) et des commandes de projecteurs livrables à partir de mars 1940. Selon les statistiques établies par les services utilisateurs, près de 1 000 avions auraient été livrés à la France avant l’armistice, dont 469 avaient pu être pris en compte par l’armée de l’Air française38.
54B. – Peut-on dresser un bilan qualitatif de la coopération industrielle anglo-franco-américaine ?
55Les missions aéronautiques
56Quelques remarques doivent être formulées. La réception et le montage de certains appareils se firent dans de très mauvaises conditions, avant même la période de la débâcle.
57Les archives américaines disposent de certains rapports, très critiques, émanant de différents services qui avaient reçu des informations sur les conditions d’utilisation du matériel livré en France métropolitaine ou en Afrique du Nord. Un exemple illustre les difficultés rencontrées : c’est le cas des livraisons effectuées en Afrique du Nord. Selon ce rapport confidentiel du consul des États-Unis à Alger, Félix Cole, le montage des avions à Casablanca (bombardiers Glenn et avions de transport Douglas) était réalisé dans les plus mauvaises conditions. Un expert américain avait dû constater l’incompétence des ouvriers chargés de l’assemblage des pièces et l’attitude suspecte de certains techniciens venus de métropole. Ainsi, des ingénieurs venus de chez Potez se montraient fort peu coopératifs. Selon le rapport établi par Cole, Potez qui cherchait à placer ses propres appareils souhaitait différer le plus longtemps possible la mise en service des appareils américains39. Cette information est recoupée par plusieurs autres sources et par le témoignage du général Gallois, alors jeune officier, présent en Afrique du Nord au moment de la livraison de certains matériels. La réception puis le montage se firent, selon lui, dans de très mauvaises conditions car les infrastructures étaient très insuffisantes tant au Maroc qu’en Algérie40.
58C’était là l’illustration d’un échec de la mobilisation industrielle. Le ministre de l’Armement, Raoul Dautry, en était bien conscient quand il écrivait au ministre de la Guerre pour dénoncer la mise en place trop tardive de la mobilisation économique de la nation et l’absence de coordination entre les services concernés par les missions d’achat à l’étranger41.
59Quel bilan dresser des efforts de coopération dans le domaine aéronautique ? Notre étude n’a pas pris en compte les résultats obtenus par les Britanniques au terme de leurs missions d’achat ; de nombreux travaux anglo-saxons en ont largement traité42. Cependant, il est important de dégager ici quelques conclusions sur les modalités de la coopération au sein du triangle Paris-Londres-Washington et sur les effets induits du placement des premières commandes.
60La première remarque concerne l’impact des premières commandes sur le déroulement de la première phase de la guerre. Si nous envisageons le très court terme, la réponse ne peut être que négative. Le placement tardif des premières commandes ne pouvait permettre de compter sur un apport notable avant l’année 1941. La première mission française datait en effet de l’hiver 1939 ; une mission britannique, en février 1939, devait aussi permettre la préparation de contrats avec North American et Lockheed, mais les commandes de plus grande ampleur datent de l’hiver 1940.
61Si certaines unités aériennes furent dotées d’avions américains, leur pilotage posait problème. Lors d’autres cas, les dernières rectifications restaient à faire quand s’engagea la bataille de France. On doit cependant ajouter que le déroulement du Blitzkrieg démontrait rapidement l’inaptitude française à adapter son outil aérien à la stratégie et à la tactique de l’adversaire.
62On doit, en second lieu, s’interroger sur le fonctionnement de la coopération franco-britannique. Malgré les efforts du Comité de coordination présidé par Jean Monnet et la diligence du Comité d’achat, il n’y eut pas une coopération suffisante entre Français et Britanniques dont les missions agirent séparément. C’est assez tardivement qu’une véritable concertation se mit en place pour mieux harmoniser les commandes. En fait, c’est au printemps qu’une réflexion s’ébauchait sur l’intérêt d’une véritable mise en commun des ressources des deux pays.
63Le cas des missions d’achat dans le domaine aéronautique a été privilégié en raison de l’importance de l’enjeu pour les deux alliés franco-britanniques, mais il serait intéressant d’étendre le champ d’investigation à d’autres domaines concernés par la coopération. Les archives Jean Monnet déposées à Lausanne complètent les importants dossiers qui peuvent être consultés à Paris. La mise en œuvre de la coopération interalliée était assurée, on l’a vu, par le Comité de coordination franco-anglais dirigé par Jean Monnet, chargé de coordonner l’action des comités exécutifs permanents franco-anglais. Mais, pour assurer en France la coordination nécessaire, le gouvernement avait mis en place par décret dès le 2 novembre le Comité des Programmes et des Achats alliés43. La tâche du Comité animé par un secrétaire général émanant du ministère des Finances, Roger Auboin, s’est avérée fort complexe. Car, si le dossier des achats d’avions et matériel aéronautique était bien suivi depuis l’automne 1938 et avait déjà fait l’objet d’arbitrages interministériels, la mise en place de nouvelles missions d’achat en liaison avec les comités exécutifs interalliés posa de délicats problèmes au cours de l’hiver 1939-1940.
64« Le problème des avions, écrit Jean Monnet, n’était pas le seul qui occupât les services du Comité de coordination, bien qu’il eût, à mes yeux, une priorité absolue. Nous étions en charge des approvisionnements [...] et dès février, je commençais à voir la possibilité d’établir le bilan général des ressources et besoins de la défense alliée [...]. En attendant l’indispensable exposé des faits, je passai beaucoup de temps à régler les problèmes de tonnage et de charbon. Tout était installé en prévision d’une guerre longue »44.
65La documentation consultée tant à Paris qu’à Londres et à Lausanne montre en effet que l’organisation de la coalition alliée est une lourde « machine », du Conseil suprême interallié, aux structures de commandement et aux organismes de coordination économique. Ce laborieux édifice est conçu dans la perspective d’une guerre qui pourrait se dérouler, comme le conflit précédent, dans la durée permettant aux Alliés de parfaire leur organisation jusqu’à une épreuve décisive inscrite dans un lointain horizon45. Jean Monnet poursuit son analyse en rappelant dans ses Mémoires : « Hitler en décida autrement [...]. Le 10 mai l’irruption de l’armée allemande en Belgique surprit tout le monde. Conduisions-nous encore à Paris et à Londres deux guerres distinctes ? »46
66C’est alors, dans les premiers jours de juin, que se précise une conviction, la nécessité d’une ultime tentative pour sauver la coalition, la transformer en véritable Union entre les deux nations.
III. Face au péril, « l’Union totale »
67Le dimanche 16 juin 1940, à 16 h 30, le général de Gaulle, membre du gouvernement Reynaud, appelait de Londres le Président du Conseil pour lui lire le texte d’un télégramme qui devait lui parvenir à Bordeaux. Il s’agissait d’une déclaration d’intention du gouvernement britannique : une offre d’Union dont les premiers termes étaient les suivants :
68« A cette heure si grave dans l’histoire du monde moderne, le gouvernement du Royaume-Uni et la République française se déclarent indissolublement unis et inébranlablement résolus à défendre en commun la justice et la liberté contre l’asservissement à un système qui réduit l’humanité à la condition de robots et d’esclaves. Les deux gouvernements déclarent que la France et la Grande-Bretagne ne sont plus à l’avenir deux nations mais une seule Union franco-britannique »47.
69Selon le témoignage de Ronald Campbell, ambassadeur de Grande-Bretagne en France, alors présent à Bordeaux, le chef du Gouvernement français, très abattu, aurait été réconforté par le « magnifique message du Premier ministre »48. Selon le général Spears, qui s’en ouvrit plus tard à Jean Monnet, « son visage s’illuminait à mesure qu’il transcrivait ces lignes »49. Cependant, il était beaucoup trop tard pour infléchir le cours des événements et, dès le soir, Paul Reynaud avait donné sa démission. Le successeur, Philippe Pétain, devait bientôt se prononcer en faveur de l’armistice.
70Quelle que soit la portée finale de l’initiative britannique en cette journée décisive pour l’avenir de la France, il est légitime de s’interroger sur la genèse du projet et d’examiner, à l’occasion de ce colloque, la part dévolue à l’action de Jean Monnet. Fut-il, comme il le suggère dans ses Mémoires, ici aussi un inspirateur ?
1. Les prémisses du projet
71Jean Monnet écrit que « des voix s’élevaient dans les milieux politiques en faveur d’une Union plus intime » entre la France et le Royaume-Uni50. Il évoque de nombreux articles dans le Times qui reflétaient la possibilité d’une sorte d’Union économique entre la France et la Grande-Bretagne et il précise dans une interview quelques prises de position intéressantes sur le sujet, notamment l’intervention d’Alfred Duff-Cooper lors d’un débat public à Paris dès décembre 1938. A cette occasion, Duff-Cooper estimait que l’Europe et la civilisation elle-même pourraient être sauvées si la Grande-Bretagne et la France groupaient leurs ressources dans une alliance très étroite et ralliaient à leur cause les autres nations qui désiraient préserver leur indépendance. Il évoquait aussi l’attitude d’Arnold Toynbee également favorable à un renforcement des liens franco-britanniques51.
72Du côté français, plus tard, en février 1940, le comte Jean de Pange prononçait une conférence à Chatham House devant le Royal Institute of International Affairs. Ce chartiste, qui avait au début des années trente joué un rôle important dans le rapprochement avec l’Allemagne de Weimar, devait, après l’arrivée d’Hitler à la Chancellerie, entrer dans un combat résolu contre le régime national-socialiste et constituer à Paris un réseau d’accueil pour les immigrés d’Allemagne et d’Europe centrale fuyant les persécutions nazies. Aux côtés de Robert d’Harcourt, il appartenait à la génération d’intellectuels qui avaient œuvré en France et en Europe en faveur de la réconciliation franco-allemande à l’époque de la République de Weimar. A partir de 1934, il œuvrait en faveur d’un front des démocraties contre le danger totalitaire. En février 1940, il appelait de ses vœux la constitution d’une confédération franco-britannique avec, au départ, la constitution d’une force aérienne commune. Un peu plus tard, il développait ses vues en France dans le Petit Parisien du 25 mai 194052. Ces idées rejoignaient celles qui avaient été exprimées par le secrétaire général du Centre français d’Études de Politique étrangère, E. Dennery. Il estimait que les liens entre les deux États devaient être renforcés de façon à constituer en Europe un pôle de puissance face à l’Allemagne53. Ces vues étaient proches de celles du sénateur Honnorat qui allait plus loin encore en suggérant la conclusion par les gouvernements français et britannique d’un traité de perpétuelle association.
73Ces commentaires trouvaient écho au Royaume-Uni. En février 1940, Sir Orme Sargent examinait, au Foreign Office, le développement de la coopération franco-britannique ; il estimait cependant qu’il était impossible d’aller plus loin vers la fédération européenne : « L’idée d’une Fédération dans le cas concret de la Grande-Bretagne et de la France supposerait une éducation du public britannique... » Il est intéressant de noter que le Premier ministre Chamberlain avait pris connaissance de ce texte et s’en était ouvert à Halifax. Jean Monnet indiquera qu’il devait aborder plus tard ce sujet avec Neville Chamberlain54. Un auteur britannique, Avi Shlaim, estime, dans une intéressante contribution sur la genèse du projet vue de Londres, que l’idée d’une Union franco-britannique n’était pas un objectif immédiat, mais plutôt un idéal lointain pour l’après-guerre55. La déclaration rédigée à l’issue du Conseil suprême du 18 mars 1940 sur le mutuel engagement de ne pas conclure de paix séparée évoquait la perspective de l’après-guerre et prévoyait une communauté d’action dans tous les domaines afin d’assurer « la liberté des peuples, le respect des lois et le maintien de la paix en Europe »56.
2. Donner une âme à la coalition : vers le projet d’Union
74Ainsi, avant la campagne de France, le thème d’un renforcement de la coopération franco-britannique était bien présent, mais l’hypothèse d’une Union plus étroite entre les Nations n’était pas envisagée pour le court terme.
75L’irruption de la guerre-éclair et les premiers succès de la Wehrmacht en Belgique et en France bouleversent brutalement tous les scénarios et vont susciter certaines initiatives. La consultation des sources britanniques, et notamment des fonds Churchill à Cambridge et Chamberlain à Birmingham, permet d’établir qu’après le 10 mai, les premières initiatives sont bien françaises. Dès le 20 mai, Jean Monnet adressait à Paul Reynaud et à Churchill une note importante présentée et commentée par Éric Roussel, l’un des biographes de Jean Monnet. Il rappelle que « le potentiel de capacité de production des Etats-Unis est presque illimité [...]. Les États-Unis peuvent devenir la source principale de ravitaillement des armées mais la France et la Grande-Bretagne doivent surmonter ensemble l’attaque allemande, conscientes de la gravité du péril »57.
76Or, l’ampleur des succès allemands suscitait bien des interrogations. Comment expliquer la déroute des armées françaises et les hésitations britanniques ? Pour Jean Monnet, la réponse est claire :
« Il était évident que la coalition n’avait pas d’âme. On avait oublié de proposer aux peuples des objectifs de guerre qui fussent clairs [...]. Face à la tentative de domination nazie, la raison de combattre devait être évidente pour des hommes épris de liberté. Ce qui leur manquait, c’était la conscience aiguë du danger mortel que faisait courir au monde la volonté d’hégémonie totale d’Hitler »58.
77Dès le 10 mai, Jean Monnet avait écrit à Churchill pour le mettre en garde contre les méthodes de l’adversaire qui cherche à diviser les Alliés. Après les lourdes défaites françaises et la reddition de la Belgique le 28 mai, des remaniements interviennent en France et, dès le 5 juin, le général de Gaulle est nommé sous-secrétaire d’État à la Guerre. Le 6 juin, Jean Monnet s’adresse à nouveau à Churchill et lui propose une fusion des forces aériennes : « Si les forces des deux pays ne sont pas traitées comme une seule, nous sommes condamnés à voir les Nazis acquérir la maîtrise de l’Air en France ». S’adressant au Premier ministre britannique à titre privé mais comme Président du Comité de coordination franco-anglais, il précise dans cette lettre :
« La victoire ou la défaite peuvent dépendre de la décision immédiate d’utiliser dans la bataille présente nos forces en matériel et nos pilotes comme une seule force ; si cela devait exiger l’unification de nos deux commandements de l’armée de l’Air, ce problème devrait dans notre opinion être considéré et considéré maintenant »59.
78La situation sur le terrain s’aggrave la semaine suivante. Le 11 juin, alors que Paris vient d’être déclarée ville ouverte et que l’Italie entre dans le conflit, au Conseil suprême de Briare, le général Weygand admet que la situation militaire est désespérée. C’est dans ce contexte dramatique que Jean Monnet élabore une note préparée avec le concours d’Arthur Salter, l’un de ses collaborateurs britanniques à la mission de coordination, un ami de longue date, depuis l’organisation des premières missions interalliées créées en 1916 :
« Nous décidâmes, écrit Monnet, Arthur Salter et moi, de faire avancer par tous les moyens dont nous disposions notre projet audacieux que les événements rendaient raisonnable et nécessaire. Le 13 juin, nous mîmes la dernière main à un texte de cinq pages examinant les hypothèses qui se présentaient alors. Toutes nous amenaient à la conclusion que seule l’Union totale de la France et de l’Angleterre sauvegarderait les chances de la victoire »60.
79Ce document, conservé dans les fonds déposés à Lausanne, était donc rédigé à Londres tandis que Churchill se rendait à Tours accompagné de Halifax Beaverbrook et du général Ismay pour convaincre Paul Reynaud de respecter ses engagements du 28 mars. Aux yeux de Monnet :
« La France peut avec l’Angleterre continuer la guerre [...]. Même si le pire arrive et que les Allemands prennent la totalité de la France, du moins sa flotte et son aviation pourront encore combattre avec l’Angleterre et une partie importante des troupes françaises et de leur matériel pourront embarquer et fusionner avec les troupes anglaises ».
80Il poursuit en utilisant une formule reprise plus tard, sous une autre forme, par le général de Gaulle :
« Dans ce cas, les deux pays pourraient continuer la bataille jusqu’à ce que finalement les ressources infiniment supérieures des Empires alliés et des États-Unis leur aient apporté la victoire. Le plan offre à la fois pour la France et l’Angleterre la meilleure chance, en réalité la seule chance, d’un avenir tolérable »61.
81Ce plan pourrait permettre dans un avenir proche un engagement américain. Actuellement, ce qui fait hésiter les États-Unis, « c’est un doute sur le point de savoir si les Alliés peuvent résister jusqu’à ce que les ressources américaines puissent faire sentir leur poids... ». La note s’achève sur les propositions suivantes :
« Il devrait y avoir une déclaration dramatique des deux gouvernements sur la solidarité d’intérêts des deux pays, sur leur engagement mutuel de restaurer ensemble les régions détruites, indiquant aussi que pour toute la conduite de la guerre les deux gouvernements fusionnent et constituent un seul cabinet ».
82Après avoir examiné différentes formules institutionnelles, le texte précise :
« Quelles que soient les méthodes, la condition indispensable de tout espoir de victoire pour les deux pays est l’Unité totale, immédiate et durable des deux peuples agissant en toutes choses comme une seule nation »62.
83Ce texte est donc bien antérieur au document émanant officiellement du Cabinet britannique et qui fut télégraphié, on s’en souvient, le 16 juin après midi à Paul Reynaud.
84La question déjà posée par Eric Roussel est donc celle du rapport entre les deux textes. Elle n’est pas, en revanche, clairement explicitée par les différentes études britanniques déjà citées. Celles-ci s’intéressent en effet surtout à l’attitude de Churchill, à sa correspondance avec Roosevelt et Paul Reynaud et à ses divers messages dont nous retrouvons le compte rendu détaillé dans les procès-verbaux du Cabinet de Guerre et, plus tard, dans les Mémoires du Premier ministre63. Or, il est clair que ni ces sources ni les papiers privés de Churchill n’apportent d’information sur la genèse du projet puisque le Premier ministre devait réagir aux propositions formulées, mais n’en est pas le concepteur.
85La proposition a-t-elle d’autres inspirateurs directs ? Eric Roussel souligne, à juste titre, l’intérêt d’une note du 11 juin envoyée par John Maynard Keynes, au chancelier de l’Échiquier. Dans ce texte, l’économiste britannique s’attache surtout à la notion d’Union économique et militaire. « L’Association de la Grande-Bretagne et de la France sera appliquée à toutes les sphères matérielles aussi bien que militaires »64. « L’originalité de son texte, antérieur de deux jours à la note Monnet-Salter, est qu’il propose une déclaration solennelle du Premier ministre pour convaincre l’opinion française »65.
86Cependant, nous ignorons si cette proposition a été connue sur le champ par Monnet qui n’en était pas le destinataire. Quoi qu’il en soit, si les visées générales sont les mêmes, le texte de Jean Monnet est plus précis et sa formulation plus politique. Enfin, surtout, le concepteur se veut également homme d’action puisque Jean Monnet va tout mettre en œuvre pour convaincre Churchill mais aussi l’émissaire de Paul Reynaud en Grande-Bretagne, le général de Gaulle66.
3. La déclaration d’Union et sa portée
87Nous n’aborderons pas ici l’évocation précise du scénario en partie déjà connu. Nous rappellerons seulement quelques faits intéressants pour notre propos, avant de conclure sur la portée de cette offre d’Union.
88Jean Monnet, en ces heures dramatiques, reste parfaitement lucide et s’efforce d’utiliser à bon escient son réseau, d’une remarquable efficacité, pour faire passer à Paul Reynaud un ultime message dans l’espoir d’éviter l’irréparable – un armistice déshonorant pour la France incapable d’assumer ses engagements contractés auprès de son alliée.
89Le cercle restreint est formé par ses collaborateurs, Arthur Salter et René Pleven, qui sont efficacement secondés par Charles Corbin, ambassadeur de France à Londres. Le soir du 13 juin, la question est la suivante : comment atteindre Churchill pour réussir à le convaincre de l’urgence d’une offre britannique à la France ? C’est le secrétaire particulier de Churchill, Desmond Morton, qui suggère la voie à suivre. Pourquoi ne pas contacter d’abord Neville Chamberlain, Lord Chancelier, dont la position est plus forte qu’il n’y paraît au sein du Cabinet de Guerre. Or, Jean Monnet est proche de son chef de Cabinet, Horace Wilson. C’est ainsi que vont s’établir les contacts qui aboutiront à la rédaction de la déclaration d’Union.
90A partir de là, nous trouvons dans les papiers de Churchill et de Lord Halifax des traces du cheminement du texte, de la version initiale au texte définitif qui sera transmis à Paul Reynaud. Wilson a réussi à convaincre Chamberlain de parler à Churchill qui accepte, le 15 juin, d’examiner un premier document de travail et a confié à Sir Robert Vansittart le soin de rédiger le document final. Les sources paraissent concorder sur un point : la version initiale du texte du 16 juin est un document élaboré non par un homme mais par un petit groupe de travail franco-britannique où figurent, du côté français, Jean Monnet et René Pleven, et du côté anglais, Morton, Salter et Vansittart67.
91Comment la version finale du texte fut-elle accueillie et interprétée par Winston Churchill, à qui elle était officiellement attribuée, et au général de Gaulle chargé initialement de le transmettre à Paul Reynaud ? On sait que Winston Churchill n’était pas convaincu, au premier abord, par la validité d’une telle démarche. Cependant, il commentera plus tard, dans ses Mémoires, l’infléchissement de son attitude et sa décision, en rappelant l’état d’esprit du Cabinet en ces termes : « La chute et le destin de la France hantaient les esprits ». La proposition d’Union indissoluble s’expliquait, dans ce contexte, à la fois pour apporter un soutien moral à une alliée dans la détresse mais aussi pour préserver la flotte française (et donc la sécurité britannique sur le continent et dans l’Empire)68.
92Pour le général de Gaulle, venu le 16 juin à Londres afin d’examiner avec Churchill l’évolution de la situation politico-militaire en France, l’essentiel est de tout mettre en œuvre pour éviter la solution de l’armistice. Le 16 juin au matin, il examine le texte de proposition d’Union avec surprise mais intérêt :
« Dans l’offre que le gouvernement britannique adressait aux nôtres, il y avait une offre de solidarité qui pouvait revêtir une réelle signification [...] surtout je pensai comme MM. Corbin et Monnet que le projet était de nature à apporter à M. Paul Reynaud [...] un élément de réconfort... »69.
93C’est dans ces dispositions d’esprit que de Gaulle plaidait auprès de Churchill pour l’adoption du texte par le Cabinet de Guerre britannique convoqué l’après-midi du 16 juin. Le texte légèrement remanié était adopté et devait être remis le lendemain à Paul Reynaud en mains propres. Mais il était convenu que sa teneur en serait communiquée dès le jour même.
94Le télégramme, on l’a vu, fut effectivement transmis par téléphone. Il était très ambitieux et prévoyait une véritable Union politique, impliquant une double citoyenneté, des organisations communes pour la défense, la politique extérieure et les affaires économiques... Un seul Cabinet de Guerre devait poursuivre la lutte, tandis que les deux Parlements fusionneraient. La France devrait maintenir « ses forces disponibles sur terre, sur mer et dans les airs ». Enfin, l’Union faisait appel aux États-Unis, leur demandant de « renforcer les ressources économiques des Alliés et d’apporter à la cause commune l’aide de leur puissant matériel »70.
95Nous avons évoqué les premières réactions de Paul Reynaud. Le texte l’avait ému mais les jeux étaient faits. Le 16 juin, le général de Gaulle apprend en partant pour regagner la France en fin de journée que Paul Reynaud était démissionnaire.
96Après la formation du gouvernement Pétain, Jean Monnet espère encore empêcher l’irréparable, il part en mission à Bordeaux, le 18 juin, avec Emmanuel Monick, Robert Marjolin et René Pleven, pour tenter d’infléchir les orientations du nouveau gouvernement. Il y a ici un surprenant chassé-croisé entre de Gaulle qui, à Londres, délivre le 18 juin son célèbre message et Jean Monnet, qui croit encore à sa mission impossible. Ce sera l’origine de divergences ultérieures entre les deux hommes, mais on peut interpréter les deux attitudes en fonction d’une donnée essentielle : l’éloignement de Jean Monnet qui ne lui a pas permis de mesurer plus tôt l’ampleur de « l’étrange défaite » et la gravité de la crise politique française.
97Cependant, la dure réalité s’impose à lui quand il apprend que s’ouvrent les négociations d’armistice. Désormais, il va s’attacher à sauver ce qui peut l’être encore, c’est-à-dire l’œuvre de coopération engagée avec les États-Unis. Ses dernières démarches concernent le sort des missions d’achat interalliées. En liaison avec les chefs de mission aux États-Unis, Bloch-Lainé et Purvis, Jean Monnet organise la cession de tous les contrats français aux Britanniques à partir du 21 juin71.
98En ces heures tragiques de juin 1940, il se projette dans l’avenir, convaincu lui aussi que la coalition « a perdu une bataille », mais « n’a pas perdu la guerre ».
99Cette enquête historique permet de confirmer les traits d’une personnalité, celle d’un organisateur, animateur de réseaux, mais aussi d’un concepteur de projets, l’homme qui refuse la fatalité. Sa mission à Londres lui a beaucoup appris sur le fonctionnement des structures interalliées et sur les faiblesses de toute organisation inter-gouvernementale. Cette expérience sera mise à profit plus tard, à l’époque de la reconstruction de l’Europe.
100Son espoir est bien la reconstruction, tôt ou tard, du front des démocraties, et nous pouvons conclure, avec Jean Monnet lui-même : « C’est alors que furent jetées les bases indestructibles de la résistance solidaire des grandes démocraties »72. Elle devait voir le jour avec le Victory Program.
Notes de bas de page
1 Jean Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976, pp. 13 et 28.
2 Une intéressante étude due à Avi Shlaim SOUS le titre : « Préludé to Downfall. The British Offer of Union to France, June 1940 », est parue dans la revue Journal of Contemporary History 9 (1974), pp. 27-63. L’auteur fait le point historiographique et rappelle en particulier la contribution de Max Beloff, parue en France dès 1966, dans les Mélanges Pierre Renouvin : Études d’Histoire des Relations internationales, sous le titre « The Anglo-French Union Project of June 1940 », pp. 199-219 ; Éric Roussel, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1996.
3 Élisabeth du Réau, Édouard Daladier 1884-1970, Paris, Fayard, 1993, pp. 345-46.
4 Idem, ibid.
5 note à complétér
6 Voir notre dernier article : Élisabeth du Réau, « Édouard Daladier et le rôle des forces aériennes 1933-1940 », in Revue Historique des Armées, n° 1, 1997, pp. 43-54.
7 Public Record Office, Londres, CAB, 29, 159, « Anglo-French Staff Conversation », 1938.
8 Service Historique de l’Armée de l’Air (SHAA), Z 12.965, Fonds Guy La Chambre.
9 Monnet, Mémoires, p. 140.
10 FNSP-AN, Fonds Daladier, Lettre W. Bullitt, 25 octobre 1948.
11 Ibid.
12 SHAT, CSDN, le section, Coopération franco-britannique, 5 N 579, dr. 2.
13 National Archives, Washington DC, NACA, M 1442, Rolls 19.
14 Franklin Roosevelt and Foreign Affairs, Recueil de Documents inédits, vol. XIV, Hyde Park, New York, Correspondance Bullitt-Roosevelt.
15 PRO, Prem. 1, 410 ; ministère des Affaires étrangères de France, Fonds Jean Monnet, 328-1 (désormais : MAE, FJM).
16 Monnet, Mémoires, pp. 147-49 ; Fonds Jean Monnet pour l’Europe, Lausanne, AME, 2-2/1.
17 Archives nationales (désormais AN), Fonds Dautry, 307 AP, n° 104.
18 PRO, CAB, 21 – 748, « Machinery for Coordination of Anglo-French Economie War Effort ».
19 Ibid. Voir aussi MAE, FJM, 328-1, Septembre 1939.
20 PRO, Prem. 1/410, pièces 94-96. Cette lettre se trouve aussi dans le Fonds Daladier déjà cité.
21 Monnet, Mémoires, p. 149.
22 Ibid.
23 PRO, CAB 21, 748, Référence déjà citée en note 18.
24 PRO, Prem. 1/410, Lettre de Neville Chamberlain, 22 octobre 1939.
25 Ibid., Lettre du Premier ministre à Monnet, 29 novembre 1939.
26 Ibid.
27 Foreign Relations of United States (FRUS), 1939, vol. II, pp. 1519-24.
28 André Kaspi, Franklin Roosevelt, Paris, Fayard, 1988, p. 393.
29 Irving Brinton Halley, Buying Aircraft, pp. 177-193. National Archives (Washington DC), RG 59, 711, 0011, Correspondence with Curtiss Wright Corporation.
30 Kaspi (voir n. 28), p. 393.
31 FNSP, Fonds Daladier, FNSP, 3DA3, dr. 4, sdrb. note 23 novembre 1939.
32 Ibid. Voir aussi FRUS, 1939, vol. II, pp. 520-22.
33 Frus, 1939, vol. II, pp. 520-22.
34 Monnet, Mémoires, pp. 156-58.
35 John Mac Vicar Haight, American Aid to France 1938-1940, New York, Atheneum, 1970, pp. 164-66.
36 Ibid., pp. 122-29 ; John Mac Vicar Haight qui a consulté les Papiers Monnet cite un témoignage de Pleven sur le rôle de Morgenthau : « Il s’est efforcé de nous apporter toute l’aide possible ».
37 Archives du SHAA, Z 11 607, Fonds Thouvenot. Thouvenot était présent lors de la première session.
38 Bilan établi par les auteurs de L’Histoire de l’aviation militaire, l’Armée de l’Air, 1928-1941, pp. 104-05. Les achats d’avions aux États-Unis.
39 National Archives (Washington), NA RG 851/248.367, Mémoire confidentiel de Félix Cole.
40 Témoignage du général Gallois, septembre 1985.
41 AN, Fonds Dautry, 307 AP 104 ; FNSP, Fonds Daladier, 4DA13, lettre Dautry à Daladier, 5 avril 1940.
42 L.-S. Pressnell, « Les finances de guerre britanniques et la coopération économique franco-britannique en 1939 et 1940 », in Français et Britanniques dans la drôle de guerre, Paris, CNRS, 1979, pp. 489-510.
43 MAE, FJM, 328-1. Décret du 2 novembre 1939 et exposé des motifs dans le rapport du Président du Conseil au Président de la République.
44 Monnet, Mémoires, p. 161.
45 Fonds AME, 2, 1-4. Voir aussi : Élisabeth Du Réau, « La France devant l’entrée en guerre et les premiers développements de la drôle de guerre. Une stratégie attentiste », in La France et l’Allemagne en guerre, sous la direction de Claude Carlier et Stefan Martens, Paris, Fondation pour les Études de Défense nationale, 1990, pp. 23-43.
46 Monnet, Mémoires, p. 162.
47 Ibid., p. 27 et AME, 8/2 – 6. Voir aussi PRO, Londres, CAB 65, 169/40 : Version anglaise de ce texte.
48 PRO, FO 371, 24321, télégramme de Ronald à Campbell.
49 Monnet, Mémoires, p. 27. Voir aussi Fonds Edward Spears, Churchill College.
50 Monnet, Mémoires, p. 16.
51 AME, 8, 311, Fonds Jean Monnet. Compte-rendu de l’interview de Jean Monnet par le professeur Caims de l’Université de Toronto, le 19 juin 1961.
52 Fonds Jean de Pange, conservé par la famille à Strasbourg et consulté en 1992 avec l’autorisation de Madame Victor de Pange.
53 Léon Noël, « Le projet d’Union franco-britannique de juin 1940 », in Revue d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale 6 (1956), pp. 22-37.
54 PRO, Halifax Papers, FO 371, 24.308.310.
55 Shlaim (voir n. 2), p. 30.
56 Ibid., pp. 30-31 ; voir PRO, CAB, 4092-9-17.
57 Roussel (voir n. 2), pp. 225-28.
58 Monnet, Mémoires, pp. 16-17 ; voir aussi PRO, FO 371, 24-310.
59 Monnet, Mémoires. PRO, Halifax Papers, FO, 371, 24.310 et Roussel (voir n. 2), pp. 232-33 ; voir aussi Fonds AME, 8, 311. On signalera en revanche que cette lettre privée envoyée à Churchill n’a pas été identifiée dans les Fonds conservés à Churchill College, désormais accessibles sous la cote Churchill Papers Chartwell.
60 Monnet, Mémoires. Voir aussi interview déjà citée accordée à M. Cairns en 1961, AME, 8-3-1.
61 Document essentiel in Fonds Jean Monnet, Lausanne, AME, 8-2-3 (cinq pages fournies en annexe).
62 Ibid.
63 Roussel (voir n. 2), pp. 234-35 ; PRO, War Cabinet Minutes, WM, 165, 13 June 1940 ; Shlaim (voir n. 2), p. 38.
64 Roussel (voir n. 2), pp. 234-35.
65 FJM, AME, 3-3-4. Mémorandum de Lord Keynes. Note publiée par ailleurs dans les Œuvres complètes de John Maynard Keynes The Collected Wrighting, vol. XXII, Activités 1939-45 : pp. 176-80.
66 L’existence, dans le Fonds Jean Monnet, de cette note de Keynes du 11 juin ne prouve pas que celui-ci en ait eu connaissance avant le 13 juin. Éric Roussel suggère que Jean Monnet a pu rencontrer l’économiste qu’il connaissait bien mais n’a pas trouvé de trace de la rencontre. Avi Shlaim insiste, quant à lui, sur l’intérêt d’une note d’Amery qui circulait au Foreign Office depuis le 14 juin, il semble ignorer qu’il s’agit en fait du texte Monnet-Salter (voir n. 2), pp. 42-43.
67 Monnet, Mémoires, p. 21 ; Fonds Jean Monnet, AME, 8/2 ; Churchill College, Chartwell, char. 2-398 et char. 19-2-B ; Roussel (voir n. 2), pp. 236-37.
68 Shlaim (voir n. 2), pp. 42-43 ; Chrurchill, Mémoires, t. III, p. 180.
69 Charles de gaulle, Mémoires de guerre, t. I, Éditions Omnibus, p. 70.
70 Monnet, Mémoires, p. 27.
71 MAE, FJM, 328-1.
72 Monnet, Mémoires, p. 194.
Auteur
Professeur à l’Université de Paris III.
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