Visions de la pratique juridique en Angleterre à la fin du XIVe siècle : le procès de Wrong dans Piers Plowman
p. 51-64
Texte intégral
1À la fin du passas III, un des principaux personnages du poème Piers Plowman, Conscience, prophétise la réunion de toutes les cours de justice, royales, seigneuriales, ecclésiastiques, en une seule cour, sous la direction d’un seul juge, Trewe-Tongue, Langue-Vraie1. Ce long poème allitératif de William Langland, Piers Plowman, a été l’une des œuvres les plus diffusées de la seconde moitié du XIVe siècle anglais, après l’œuvre dévotionnelle The Prick of Conscience et les Canterbury Tales de Geoffrey Chaucer2. La prophétie de Conscience est un des nombreux exemples qui montrent à quel point la justice et son fonctionnement constituent un élément crucial dans la vision de la société que l’on peut déceler chez Langland, et ce dans une période où celle-ci subit de nombreux bouleversements, en particulier après la Grande Peste de 1348.
2Les études de Piers Plowman qui concernent le droit et la justice ont jusqu’à présent essentiellement porté sur trois grands axes : l’utilisation de ces notions en tant que métaphore – en particulier dans le cadre de l’interrogation sur le salut ; leur imbrication dans une vision plus générale de la conception du pouvoir ; enfin, leur place dans des études générales sur la satire des états et de la justice3. Cependant, d’autres thèmes peuvent être abordés : comment le droit et la justice apparaissent-ils concrètement dans le poème ; que nous montre ce dernier de leur fonctionnement et de la manière dont ils étaient perçus ? L’étude de la mise en scène de certaines pratiques juridiques apparaît à cet égard très intéressante, puisqu’elle permet d’envisager précisément tant la manière dont ces notions sont traitées concrètement, que les fondements qui les sous-tendent. Dans cette optique, il paraît essentiel de faire la part de ce qui relève des stéréotypes, dans un domaine où ceux-ci sont particulièrement présents depuis au moins le XIIe siècle, et de ce qui tient à une perception plus concrète des bouleversements propres à la période envisagée.
3L’objet de cette communication est de montrer que si ces stéréotypes sont encore présents, ils sont très souvent transformés. Certaines transformations sont bien prises en compte et l’on peut voir émerger les prémices d’une réflexion nouvelle sur la nature et les objectifs de la justice, qui doit se faire plus universelle et moins arbitraire. Pour ce faire, nous partirons d’un exemple précis, à propos de la justice laïque, pris dans le passus IV de Piers Plowman, qui met en scène un procès de manière approfondie. Nous envisagerons dans un premier temps la mise en scène et les critiques apparaissant dans cet épisode, avant de s’attacher à ses implications plus générales.
4Dans Piers Plowman, nombreux sont les passages où les différents protagonistes discutent de la justice et de son fonctionnement ; il y a en outre plusieurs épisodes la mettant en scène de diverses manières4. Nous nous concentrerons sur le premier de ces épisodes. Dans la première vision du poème, qui porte sur la société terrestre, on assiste au passus IV au déroulement d’une procédure pratiquement complète. La question de sa nature exacte a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre. L’épisode se situe après un long débat entre les personnages Mede et Conscience, au passus III. Mede est un terme particulièrement ambigu, puisqu’il représente aussi bien la juste récompense que la corruption la plus grande. C’est pourquoi je l’ai traduit par « Rétribution », un terme suffisamment neutre en français. Ce débat porte sur la nature réelle et la validité de Mede, autrement dit sur la place de l’argent dans la société humaine. Le procès du passus IV en constitue en quelque sorte une illustration sur le plan juridique. Tout d’abord, le personnage de Pees (Paix) apporte une pétition contre Wrong (Mauvais) en parlement, l’accusant de toutes sortes de crimes :
And thanne com Pees into parlement and putte up a bille –
How Wrong ayeins his wille hadde his wif taken,
And how he ravysshede Rose, Reignaldes loove,
And Margrete of hir maydenhede maugréé hire chekes
‘Bothe my gees and my grys hise gadelynges feccheth ;
I dar noght for fere of hem fighte ne chide.
He borwed of me bayard and broughte hym hom nevere
Ne no ferthyng therfore, for nought I koude plede.
He maynteneth hise men to murthere myne hewen,
Forstalleth my feires and fighteth in my chepyng,
And breketh up my berne dores and bereth awey my whete, And taketh me but a taille for ten quarters otes.’5
5L’utilisation de ces deux personnages constitue d’emblée un élément important. Le personnage de Pees représente la paix du roi bafouée par le crime personnifié. Le terme Wrong a en effet une forte connotation juridique, puisque au-delà d’un sens général (le mal, la fausseté), il signifie très précisément crime ou délit. La justice est donc bien ici éminemment royale, et la litanie des accusations le confirme. Toutes troublent la paix publique et relèvent de la justice du roi. Juridiquement, ce sont des felonies, catégorie des crimes les plus graves, la haute trahison mise à part6. Après la présentation de cette pétition, Wrong organise sa défense :
Wrong was afered thanne, and Wisdom he soughte
To maken pees with hise pens, and profred hym manye,
And seide, ‘Hadde I love of my lord the Kyng, litel wolde I recche
Theigh Pees and his power pleyned hym evere !’
Tho wan Wisdom and Sire Waryn the Witty,
For that Wrong hadde ywroght so wikked a dede,
And warnede Wrong tho with swich a wis taie –
‘Whoso wercheth by wille, wrathe maketh ofte.
I seye it by myself – thow shalt it wel fynde :
But if Mede it make, thi meschief is uppe ;
For bothe thi lif and thi lond lyth in his grâce.’7
6Ainsi, Wrong veut acheter la paix du roi, mais ses conseillers Wisdom (Sagesse) et Waren Witty (Astucieux) – que Conscience a dénoncés au début du passus comme de vils personnages – l’admonestent et lui conseillent de se tourner vers Mede. Cette dernière essaye alors de circonvenir directement Pees pour qu’il retire sa plainte :
Thanne gan Mede to meken hire, and mercy bisoughte,
And profrede Pees a present al of pure golde.
’Have this, man, of me, quod she, to amenden thi scathe
For I wol wage for Wrong, he wol do so na moore.’
Pitously Pees thanne preyde to the Kynge
To have mercy on that man that mysdide hyrn so ofte.
‘For he hath waged me wel, as Wisdom hym taughte
And I forgyve hym that gilt with a good wille.
So that the Kyng assente, I kan seye no bettre,
For Mede hath maad myne amendes I may na moore axe.’8
7Ainsi, Wrong, par l’intermédiaire de Mede, tente de régler la plainte à l’amiable, par une indemnisation, afin d’éviter le jugement du roi. Mais ce dernier s’y oppose fermement :
‘Nay’, quod the Kyng tho, ‘so me Crist helpe !
Wrong wendeth noght so awey er I wite more.
Lope he so lightly, laughen he wolde,
And eft the boldere be to bete myne hewen.
But Reson have ruthe on hym, he shal reste in my stokkes
As longe as I lyve, but lowenesse hym borwe.’9
8 Le personnage de Reson, qui est arrivé juste avant le procès en qualité de conseiller du roi, confirme cette décision et se lance dans une longue diatribe contre Mede et sa corruption de la justice (vers 113-148). L’ambiguïté de Mede est donc ici complètement levée, et cette diatribe est complétée par la décision du roi de rejeter Mede et Wrong et de mettre en place une justice équitable et juste, en notant d’ailleurs que cela est dans son intérêt (vers 171-81).
9La procédure – en accéléré10 – qui nous est montrée ici de manière particulièrement vivante est celle qui était en vigueur dans les cours dépendant directement du conseil, ou prerogative courts, en fort développement tout au long du XIVe siècle11. Celles-ci comprenaient les cours de la chancellerie, du conseil, du parlement, ainsi que les cours de chevalerie et plus tardivement de l’amirauté. Leur fonctionnement était en partie différent de celui des cours de la common law, puisque graduellement, elles élaborèrent la procédure d’équité, que Margaret Avery définit ainsi :
« Dans les cas “équitables” [...], le pétitionnaire se plaignait du fait qu’aucun remède n’était disponible dans le cadre de la common law et requérait une solution exceptionnelle pour ses difficultés.12 »
10Cette procédure était beaucoup plus rapide, puisque après une pétition, il était possible de convoquer les parties directement et que le cas pouvait être tranché dans des délais relativement courts (par rapport aux procédures de la Common law). Elle était donc censée offrir une plus grande équité entre les parties.
11En ce qui concerne cet épisode, il y a eu des discussions sur la nature exacte de la cour concernée. Ce n’était sans doute pas une procédure en parlement, puisque les Communes sont absentes. Selon Anna Baldwin, la procédure narrée est une action en chancellerie13, et il est vrai qu’au début tout au moins, le rôle de la chancellerie était de s’occuper des plaintes des faibles contre les forts, puisque les premiers n’avaient en général aucune chance dans une cour normale, en particulier dans le domaine de la maintenance. Mais d’une part, le roi est présent, et d’autre part, les personnages présents peuvent correspondre à des personnages du conseil (hommes de loi, clercs...). En outre, selon Alan Harding, le conseil était également susceptible de s’occuper du type d’affaire décrite ici14. Il faut donc plutôt pencher, me semble-t-il, pour une action en conseil royal.
12Quoi qu’il en soit, ce passage montre bien l’expansion et la popularité de ces prerogative courts, qui permettaient de recourir plus directement au roi ou à ses proches officiers. Elles n’échappent néanmoins pas à la critique : dans le poème Mum and the Sothsegger, écrit au début du XVe siècle le narrateur conteste le droit d’appel à ces cours, selon lui trop coûteux et trop systématique15.
13Cet exemple – mais il y en a bien d’autres – montre que les procédures sont minutieusement décrites, et dans l’ensemble assez fidèles à ce que l’on sait de la réalité, même s’il y a une mise en scène allégorique. Il montre par ailleurs à quel point la complexité du système était bien perçue des utilisateurs, qui employaient ou tentaient d’employer toutes ses ressources. Wrong essaye la subornation pure et simple (vers 63-66), mais aussi l’indemnisation du plaignant et la procédure du garant. Cependant, ces différentes descriptions sont toujours associées à une critique virulente.
14On constate tout d’abord une corruption généralisée des hommes de loi. À la fin du procès, Reson et le roi condamnent Wrong et Mede mais aussi plus spécifiquement les hommes de loi, qui ne renoncent pas à suivre Mede :
And modiliche upon Mede with myght the Kyng loked,
And gan wexe wroth with Lawe, for Mede almoost hadde shent it,
And seide, ‘Thorugh youre lawe, as I leve, I lese manye chetes ;
Mede overmaistreth Lawe and muche truthe letteth.
Ac Reson shai rekene with yow, if I regne any while,
And deme yow. bi this day, as ye han deserved.
Mede shai noght maynprise yow, by the Marie of hevene !16
15Ce n’est pas la première fois dans le poème que Langland attaque les hommes de loi. Dès le prologue, aux vers 211-216, leur vénalité est fortement dénoncée. Langland note qu’il « vous serait plus facile de mesurer la brume de Malvern Hill, que de tirer de leur bouche un ‘mmm’ avant d’avoir montré la couleur de votre argent ! ». Par la suite, les hommes de loi sont constamment associés à Mede. Au passus II, ils font partie de sa retenue (vers 52-66). Au passus III, ils l’accompagnent à Westminster, chez le roi (vers 9-19). Conscience en fait d’ailleurs la remarque amère, et dénonce violemment la corruption par Mede de la justice royale et de ses hommes de loi (vers 155-162). Et, durant le procès de Wrong, ses conseillers, Wisdom et Waren Witty, pourraient être des hommes de loi. Ils n’ont pas le beau rôle, puisqu’ils lui conseillent de s’en remettre à Mede.
16La condamnation de cette corruption par Conscience au passus III et par Reson à la fin du procès du passus IV est cependant en grande partie sans effet :
Mede mornede tho, and made hevy chere,
For the mooste commune of that courl called hire an hore.
Ac a sisour and a somonour sued hire faste,
And a sherreves clerk bisherewed al the route :
‘For ofte have I, quod he, holpen yow at the barre,
And yet yeve ye me nevere the worth of a risshe !’17
Ces vers soulignent à quel point leur cas est désespéré, puisqu’ils continuent malgré tout à suivre Mede. Dans ces passages, il faut noter que Langland emploie certes de nombreux termes désignant directement les acteurs de la justice, par exemple dans le prologue quand il énumère les différents états de la société, ou dans les vers ci-dessus. Mais il utilise également des termes beaucoup plus généraux, et en particulier le terme lawe (en particulier dans les vers 171-181 du passus IV), qui peut signifier l’ensemble des hommes de loi mais aussi bien se rapporter au système dans son ensemble. Il y a donc bien, me semble-t-il, une dénonciation générale des acteurs qui corrompent tout le système. Cela est renforcé par le fait que ce sont Conscience et Reson qui expriment les accusations les plus importantes à l’encontre des hommes de loi. Or, si les notions qu’ils incarnent ont de nombreuses significations, ils ont notamment une dimension juridique importante, et selon John Alford, ils ont souvent été associés à l’histoire de la justice d’équité18.
17Dans la suite du poème, Langland revient sur le problème des hommes de loi. Au passus VII, Truthe (Vérité, ici assimilé à Dieu) donne aux différentes catégories de la société les conditions de son pardon. Celles qui sont réservées aux hommes de loi sont draconiennes et de fait, peu d’entre eux arrivent à remplir ces conditions. Au passus XIX, après la refondation symbolique de la communauté chrétienne par Grace, un juré et un convocateur refusent de contribuer à la défense d’Unité, la forteresse chrétienne (vers 379) et, au passus XX, ils sont pervertis par Coveitise (vers 134- 135).
18Ces accusations de corruption sont relativement générales, et constituent un stéréotype fréquemment dénoncé. Pour notre période, elles se retrouvent dans de nombreuses autres sources, telles que les sermons, d’autres poèmes, tels ceux de John Gower, et dans des ballades sur les hors-la-loi, comme la Gest of Robyn Hood, ou encore le Tale of Gamelyn19. Mais il y a dans le poème de Langland un lien particulièrement net, me semble-t-il, avec le système tout entier qui est lui aussi dénoncé comme générateur de corruption. En outre, il y a aussi des questions plus pointues, qui dépassent les accusations traditionnelles et générales de corruption, et pour lesquelles les stéréotypes sont moins évidents.
19Une de ces questions, qui apparaît dans le procès de Wrong, est celle de la maintenance. Ce terme est à l’origine un terme tout à fait juridique. Cela consiste à faire pression sur le déroulement d’une procédure, par différents biais, et en particulier par l’achat des juges ou des jurés. 11 a ensuite pris un sens plus large pour en venir pratiquement à désigner le phénomène des retenues payées par les seigneurs à des fins diverses, ainsi que leur utilisation pour soutenir les prétentions de leurs membres20. Dans la sphère juridique, il faut distinguer au moins deux éléments séparés. Il y a d’une part la maintenance des hommes de lois, et l’on a vu qu’ils apparaissaient largement dans la retenue de Mede, au passus II du poème. Ce phénomène était généralisé et ancien, puisque selon certains historiens, notamment John Maddicott, la retenue des hommes de loi a constitué une des premières formes de retenue21. D’autre part, le second volet de la maintenance est l’irruption des hommes du seigneur, voire du seigneur lui-même, dans le déroulement d’une procédure. Ce dernier élément n’apparaît qu’en filigrane chez Langland. Cependant, le procès de Wrong fournit des indices intéressants. Non seulement les crimes reprochés à Wrong évoquent les abus de la maintenance de manière générale (vers 47-60), mais les tentatives de Wrong pour circonvenir son accusateur avec l’aide de Mede – qui pourrait apparaître comme son seigneur – montrent également ce système en action, quoique de manière détournée, puisque les pressions sur le plaignant (Pees) sont ici assez douces. En effet, elles restent dans le domaine de la subordination simple (vers 94-97).
20Les problèmes posés par la maintenance étaient sans doute bien réels, et là encore, d’autres indices existent, comme les pétitions des Communes par exemple. À la fin du siècle, la législation se fit particulièrement sévère avec le grand statut de 1390 qui réglementa strictement les questions de maintenance et de retenue. Quant à savoir si cette législation était vraiment appliquée, c’est une question plus délicate : il ne reste que peu de plaintes concernant ces problèmes, ce qui n’est guère étonnant, puisque c’était justement la question des pressions qui était forte. Mais ces éléments conduisent à un éclairage nouveau de la mise en scène du procès de Wrong. Celle-ci pourrait en elle-même constituer une critique du système de la maintenance. En effet, le simple fait de mettre en scène ce procès montre que le problème existe, et qu’il doit être réglé par la justice.
21Quels sont les enseignements à tirer de l’étude de ce procès ? Un premier élément est la grande familiarité de Langland avec le vocabulaire juridique, très abondant dans les différents passages cités ci-dessus22 et par ailleurs dans tout le poème. Dans les trois versions de Piers Plowman, John Alford a recensé plus de 700 termes différents, dont une centaine d’entre eux apparaissant pour la première fois dans un texte écrit en anglais23. L’étude de ce vocabulaire soulève cependant un certain nombre de problèmes. Il y a en particulier des difficultés diachroniques, puisque le sens d’un mot évolue dans le temps ; et des difficultés synchroniques, dans le sens où de nombreux termes généraux ont également des significations juridiques. On l’a vu avec les termes Conscience et Reson. Il peut donc y avoir ambiguïté, et Langland en joue largement24.
22On peut cependant ébaucher une typologie de ce vocabulaire. En fait, toutes les grandes catégories du droit apparaissent. Il y a de nombreux termes concernant le droit criminel. On trouve par exemple tous les types de crimes, comme felonie, trespas, manslaughter, pillynge, ainsi que des termes concernant le droit de la terre, comme covenaunt, graunte, fre-holde. Mais surtout, de très nombreux termes concernent le fonctionnement du système proprement dit. On trouve les différents types d’écrits administratifs, de nombreux offices impliqués, ainsi que du vocabulaire purement procédurier.
23 Cette richesse du vocabulaire et son utilisation témoigne à la fois d’une bonne connaissance du système et de l’attachement de Langland à ce système juridique dont il déplore le mauvais fonctionnement. Globalement, les dérives qui le préoccupent sont bien attestées par ailleurs, dans d’autres textes littéraires, on l’a vu, mais aussi dans des sources juridiques ou gouvernementales, comme les statuts ou les pétitions des Communes en parlement, ainsi que dans des faits plus brutaux, comme la révolte de 138125. Cette attitude nous oblige à tenter de définir les principes au nom desquels il jugeait ce système et quelles étaient les solutions qu’il a pu envisager. Mais il faut là encore tenter de voir si ces principes et ces solutions relèvent ou non d’une satire traditionnelle et stéréotypée.
24Une des conséquences de cette corruption de la justice est qu’elle laisse de côté une grande partie de la population, et en particulier les pauvres. Au passus III, Conscience constate que la loi est un labyrinthe pour les gens simples (vers 160). Il faut donc entendre ici par pauvres ceux qui sont défavorisés quant à la justice ; le personnage de Pees et de ses serviteurs au passus IV de Piers Plowman en est un exemple notable. Pour résoudre ce problème, Langland va jusqu’à proposer que les hommes de loi soient rémunérés, afin qu’ils n’aient pas besoin de pots-de-vin et qu’ils puissent s’occuper des pauvres gratuitement ; dans le passus VII, il est en effet demandé aux princes et aux prélats de soutenir les hommes de loi financièrement :
Pledours sholde peynen hem to plede for swiche and helpe ;
Princes and prelates sholde paie for hire travaille :
A regibus et principibus erit merces eorum.
Ac many a justice and jurour wolde for Johan do moore
Than pro Dei pietate – leve thow noon oother !26
25En réalité, ce type de solution n’a pas été complètement ignoré par la monarchie. En 1346, un statut a été promulgué par Édouard III sur le sujet. Il interdisait la retenue et la corruption des juges, mais en compensation augmentait leur rémunération, dans l’objectif avoué d’une justice impartiale27. Mais ce statut, d’une part ne concernait que les juges et d’autre part ne fut pas vraiment appliqué, d’autant que les salaires proposés étaient peu élevés. Il fut d’ailleurs annulé en 1386. Cette proposition du poète est par ailleurs en phase avec de nombreuses pétitions des Communes en parlement, qui ont fréquemment demandé que des salaires soient versés, et qui se sont opposées à l’annulation du statut de 134628. Mais dans ces dernières, seuls les juges étaient là encore concernés, alors que Langland au moins le réclame pour tous les hommes de loi.
26Au-delà de ces solutions pragmatiques, ce qui sous-tend cette exigence d’un traitement équitable des pauvres par les hommes de loi, c’est l’importance accordée à une justice marquée du sceau de la vérité, et donc en accord avec la loi naturelle – et la loi divine.
27Le cri de Conscience du passus III évoqué plus haut, montre à quel point la vérité est nécessaire à la justice, puisque le seul et unique juge prophétisé par Conscience s’appelle Trewe-Tongue (Langue Vraie). Mais tout cela est en fait relié avec la nécessité d’une harmonie entre les trois lois, humaine, naturelle et divine, ce qui était reconnu depuis longtemps. En ce qui concerne la loi naturelle, plusieurs études ont mis en lumière son importance dans Piers Plowman29. Cette dernière se répercute sur la conception de la justice et du droit. Nous avons vu que c’est en grande partie le personnage de Reson qui définit au passus IV ce que doit être une bonne justice, et qui tranche avec le roi sur le sort de Wrong et de Mede. Or, la raison a un lien essentiel avec la loi naturelle, telle que celle-ci est définie à partir du XIIe siècle, puisqu’elle est considérée comme son agent principal30.
28En ce qui concerne la loi divine, il nous faut revenir sur l’importance des liens forgés par l’utilisation du vocabulaire entre celle-ci et la loi humaine. Certains érudits comme John Alford ou Walter Birnes ont démontré chez Langland le lien profond entre la loi humaine et la loi divine31. Ce lien est d’ailleurs loin d’être une innovation, puisqu’il se rattache à une tradition remontant au moins à la Bible. Il est amplement attesté par l’étude lexicologique du terme lawe, dont on compte 103 occurrences dans la version B de Piers Plowman. L’observation de la distribution de ce terme dans le poème montre que les apparitions les plus fréquentes se situent d’une part dans les passus centraux qui portent sur la quête de Dowel (Bien-Faire) et sur la connaissance, et d’autre part dans les passus finaux, qui concernent l’avènement du christianisme et de la société chrétienne. Par ailleurs, l’étude des termes associés à lawe dégage trois catégories de termes : ceux qui concernent des notions générales – positives ou négatives – comme l’amour, ou inversement la corruption (love, mede, etc.) ; ceux qui relèvent du champ de la connaissance ; enfin, ceux qui relèvent du champ juridique, très nombreux. Il est intéressant de noter que ces catégories correspondent aux principaux sens du terme lawe dans le Middle English Dictionary. En outre, dans un quart des occurrences, le terme lawe lui-même signifie la loi divine ou la Bible, et dans ce cas aussi, il y a de nombreuses associations avec des termes relevant de la sphère juridique. Tous ces éléments montrent qu’il y a un va-et-vient constant entre les deux sphères, humaine et divine.
29Selon John Alford, la présence importante du vocabulaire juridique reflète avant tout le souci principal du poème, à savoir la question du salut et donc, la loi humaine est pour Langland complètement soumise à la loi divine32. Mais il me semble que le va-et-vient repéré dans l’étude lexicologique de lawe montre que ce lien ne fonctionne pas seulement en sens unique. Si le vocabulaire juridique et la présence constante et minutieuse du thème juridique sont indéniablement employés comme métaphore de la loi divine en rapport avec la recherche du salut, ce lien permet également, à l’inverse, d’expliquer l’attachement de Langland au bon fonctionnement de la justice humaine. En effet, si les lois naturelle et divine commandent la nécessité de ce bon fonctionnement, un dysfonctionnement les remet en cause toutes les deux, d’où l’importance de la vérité.
30On comprend dès lors pourquoi le procès mettant en scène Wrong et Pees se termine par l’affirmation royale de la nécessité d’une bonne justice – et le roi est ici soutenu par ses nouveaux conseillers, Reson et Conscience, dont on a noté l’importante dimension juridique (même si ce n’est pas la dimension unique de ces personnages). On comprend aussi pourquoi la vertu cardinale de la justice est décrite à la fin du poème sous les traits du juge séculier idéal :
Spiritus lusticie spareth noght to spille hem that ben gilty,
And for to correcte the kyng if he falle in any kynnes gilt.
For counteth he no kynges wrathe whan he in court sitteth
To demen as a domesman – adrad was he nevere
Neither of duc ne of deeth, that he ne dide the lawe ;
For present or for preiere or any prynces lettres
He dide equyte to aile eveneforth his power.33
31Le parallèle entre ce dernier passage et les déclarations du roi (bien conseillé) à la fin du procès de Wrong est frappant. Spiritus lusticie semble ici symboliser le juge qui doit présider à un procès de ce type, afin que Pees – la paix du roi – ne soit pas mise en péril. Il incarne la probité et l’indépendance du juge qui peut même en venir à corriger le roi si cela est nécessaire. En outre, on notera la présence ici du terme equyte, qui renvoie au type de justice mis en scène dans le procès de la première vision. Il est d’ailleurs intéressant que Langland ait choisi ce type de justice pour décrire ses attentes par rapport à la justice royale, plutôt qu’un procès traditionnel en Common law. Cela lui permet en effet de mettre en avant ses conceptions équitables de la justice.
32La mise en scène du procès de Wrong à la fin de la première vision de Piers Plowman permet donc à Langland de souligner la dynamique qui existe – à ses yeux – entre des pratiques juridiques existantes et les principes d’une justice qui se doit d’être équitable et juste. Mais ce procès clôt également une vision qui porte en grande partie sur la question du bon gouvernement de la société humaine. Il est notable que, dans l’esprit du poète, l’accomplissement de ce dernier soit aussi intimement lié à la rénovation des pratiques et la réforme des hommes qui y sont impliqués.
33L’importance du vocabulaire juridique, de la mise en scène et des débats divers sur le fonctionnement du système de la justice, la réflexion de Langland sur les principes qui doivent régir ce système et sur les solutions concrètes possibles, tous ces éléments vont bien au-delà des conventions traditionnelles de la satire sur la justice. Même si les conventions ne sont pas absentes, elles sont constamment réutilisées et transformées (par exemple en ce qui concerne la corruption des hommes de loi). Ces éléments reflètent par ailleurs ce que Richard Kaeuper note à propos de l’évolution de la loi pour notre période : un intérêt de plus en plus grand pour celle-ci – et une partie au moins du vocabulaire employé par Langland devait être réellement familière aux lecteurs du poème –, mais aussi « l’apparition encore ténue d’une conception générale de la justice dépassant l’intérêt personnel avoué »34. Il note cela à propos de la littérature justement, mais d’autres indices montrent que cela dépasse la littérature, tout en la nourrissant. En témoignent les réactions des révoltés de 1381 qui se sont précipités à Londres pour détruire les archives juridiques – lesquels révoltés ont pour certains lu Langland, et réutilisé en partie son langage35 – mais aussi, selon John Maddicott, les pétitions des Communes, présentées au parlement de 1386 sur la nécessité d’une réforme de la justice36.
34Les motivations des uns et des autres n’étaient évidemment pas les mêmes. Les Communes, et parmi elles les membres de la gentry, critiquaient les agissements des grands seigneurs – et en particulier les problèmes de maintenance ; mais leurs réactions étaient également mues, au moins en partie, par une peur des révoltés. De fait, ces derniers étaient, entre autres choses, hostiles aux représentants juridiques des membres de la gentry, les justices of the peace, notamment dans la mesure où c’était ces derniers qui faisaient appliquer la législation sur le travail. Leur aversion allait aussi aux hommes de loi en général.
35Langland est plus ambigu dans ses positions. Il ne propose pas de véritable réforme concrète et complète du système. Cependant, l’étude de ce procès montre l’attention qu’il porte au rôle du roi. Habituellement, le type de crime perpétré par Wrong se réglait par arrangement, comme le montre d’ailleurs le déroulement du procès lui-même avec l’intervention de Mede. Pourtant, Langland décide de contrer ce type de résolution courante par une décision du roi lui-même. Il y a donc une insistance forte sur la position royale. En fait, c’était une opinion semble-t-il assez courante, si l’on en juge par exemple par la réaction des révoltés de 1381 qui demandaient que la justice soit directement rendue par le roi. Il semble y avoir eu, pour beaucoup de contemporains, une conscience aiguë du fait que si la justice était rendue au nom du roi, elle était en réalité confisquée par les hommes de loi, et qu’il fallait donc en appeler directement au roi.
36Enfin, ces différents indices suggèrent que la préoccupation d’une justice équitable et non arbitraire était présente et de plus en plus forte. Ainsi, l’intérêt de Langland pour la pratique de la justice – en particulier la justice royale – n’apparaît pas comme un élément désincarné et stéréotypé, mais bien comme un élément d’une évolution plus générale.
Notes de bas de page
1 Vers 320-322.
2 Il nous reste plus d’une cinquantaine de manuscrits de ses trois versions. Cf. A. Middleton, « Piers Plowman », dans A Manual of the Writings in Middle English 1050-1500, A. Hartung et J.B. Severs éd., Connecticut, 1967-1998, vol. 7, p. 2211-2234. Je me concentrerai dans cette étude sur la version B du texte. Les références seront celles de l’édition d’A.V.C. Schmidt parue à Londres en 1978. Je me permets également de renvoyer à ma traduction, parue en 1999 aux Publications de la Sorbonne.
3 Ces études sont assez nombreuses. Pour les interprétations essentiellement métaphoriques, on peut notamment se référer à J.A. Alford, « Literature and Law in Medieval England », Publications of the Modem Language Association of America, 92 (1977), p. 941-951 et W.J. Birnes, « Christ as Advocate : The Legal Metaphor in Piers Plowman », Annuale Medievale, 16 (1975), p. 71-93 ; pour les études portant sur la conception générale de la justice et du gouvernement, voir A.P. Baldwin, The Theme of Government in Piers Plowman, Cambridge, 1981 ; M.P. Kean, « Love, Law and Lewte in Piers Plowman », Review of English Studies, n.s., 15 (1964), p. 241-61 et « Justice, Kingship and the Good Life in the Second Part of Piers Plowman », dans Piers Plowman, Critical Approaches, S.S. Hussey éd., Londres, 1969, p. 76-110 ; J. Simpson, Piers Plowman, An introduction to the B-text, Londres, 1990, p. 53-59 ; M. Stokes, Justice and Mercy in Piers Plowman : A Reading of the B Text Visio, Londres, 1984. Néanmoins, ces différentes études abordent souvent les deux domaines. Pour les études générales sur la satire, voir la contribution récente de R.F. Green, « Médiéval Literature and Law », dans The Cambridge History of Medieval English Literature, D. Wallace éd., Cambridge, 1999, p. 407-431.
4 Ceux-ci sont particulièrement présents dans la première vision du poème (prologue-passus IV) qui traite de la société terrestre, mais la suite du poème en comporte également un certain nombre (par exemple aux vers 39-59 du passus VII, 127-136 du passus XI, 1-16 du passus XVII, etc. Un autre épisode important, hormis celui du passus IV, est la confrontation entre le Christ et le diable au passus XVIII (vers 265-404).
5 B IV 47-60 : « C’est alors que Paix entra dans la Salle du Parlement, apportant une pétition. Mauvais, dit-il, avait enlevé sa femme, ravi Rose, fiancée de Réginald, et défloré Margaret, bien quelle se soit débattue. ‘Sa bande de brutes, protesta Paix, s’en est allée avec mes oies et mes cochons, et j’ai si grand peur d’eux que je n’ose résister ni me plaindre. Il m’a emprunté mon cheval, mais il ne me l’a jamais rendu ni ne m’a jamais payé un farthing pour lui, malgré mes demandes réitérées. Il aide et encourage ses serviteurs, qui assassinent les miens ; il achète de force [mes produits] à la foire et au marché, il fomente des rixes. Il démolit les portes de mes granges et emporte mon grain. Et que me laisse-t-il en retour ? Rien d’autre qu’une entaille sur mon bâton, en « paiement » de dix sacs d’avoine d’un quart ! Et, en plus il me brutalise et trousse de force mes servantes. À cause de lui, c’est à peine si j’ose mettre le nez dehors !’ »
6 Les deux grands types traditionnels de délits étaient les felonies, qui regroupaient des crimes comme l’homicide, le viol, l’incendie criminel ou la trahison contre un seigneur, et les trespasses, qui regroupaient les délits moins importants (vol, menaces, extorsions...). En 1352 est cependant défini par statut le crime de haute trahison, dirigé expressément contre le roi et sa famille. Il est situé au-dessus des felonies. Cf. A. Harding, The Law Courts of England, Londres et New York, 1973, p. 57 ; J. Bellamy, Crime and Public Order in England in the Later Middle Ages, Londres et Toronto, 1973, p. 33 et du même, The Law of Treason in England in the Later Middle Ages, Cambridge, 1970.
7 B IV 63-73 : « Mauvais, en entendant cela, prit peur et se tourna vers Sagesse, espérant qu’il pourrait acheter la paix et offrant beaucoup d’argent : ‘Si mon seigneur le Roi me considère avec indulgence, peu me chaut que Paix et ses alliés se plaignent à lui jusqu’à la fin des temps !’ Alors, Sagesse, avec Maître Astucieux, se leva et admonesta Mauvais, pour ce qu’il avait commis tant de vilaines actions, en ces termes empreints de prudence : ‘Quiconque agit d’humeur violente tend à susciter l’hostilité. C’est mon opinion et tu risques de t’apercevoir qu’elle correspond à la réalité : à moins que Rétribution n’arrange les choses, tes jours de fauteur de trouble sont finis ! Ta vie et tes propriétés dépendent maintenant du pardon du Roi.’ »
8 B IV 94-103 : « À ce moment, Rétribution, d’un air humble, supplia le Roi d’avoir pitié et offrit à Paix un présent tout d’or fin. ‘Accepte ceci, mon ami, dit-elle, à titre de réparation pour tout le mal dont tu as souffert. Je te garantis que Mauvais ne te fera plus de misères.’ À cela, Paix, dans un esprit de conciliation, pria le Roi de montrer de la pitié à l’homme qui lui avait fait tant et tant de mal. ’La raison en est, déclara-t-il, qu’il m’a versé une indemnité substantielle, comme Sagesse le lui a recommandé. C’est pourquoi je lui pardonne volontiers ses crimes. Sous la réserve que le Roi l’accepte, je n’ai pas de meilleure proposition à faire. Rétribution s’est arrangée pour qu’une compensation soit payée, et je ne puis demander davantage.’ »
9 B IV 104-112 : « ‘Non, déclara pourtant le Roi, par le Christ ! Mauvais ne s’en tirera pas comme ça – pas avant que j’en sache plus. S’il s’en sort si aisément, il rira bien là-dessus et, à l’avenir, se sentira libre de continuer à persécuter outrageusement mes sujets. Non ! À moins que Raison n’ait pitié de lui, il restera dans mes cachots pour le reste de mon règne, et la seule caution qui puisse lui servir à quelque chose, c’est un humble repentir !’ »
10 Les parties sont en effet déjà présentes à la cour, et le jugement est immédiatement rendu.
11 Cf. A. Harding, The Law Courts of England, op. cit., p. 98 et suiv.
12 M.E. Avery, « The History of the Equitable Jurisdiction of Chancery before 1460 », Bulletin of the Institute of Historical Research, 42 (1969), p. 129-144, p. 130.
13 A. Baldwin, The theme of Government, op. cit., p. 45 et suiv.
14 A. Harding, The Law Courts..., op. cit., p. 105. Il note que le conseil examined those accused of high crimes and misdemeanours and supervised the drawing of the indictments against them by the Crown’s lawyers. Cela correspond à la description de Wrong.
15 Mum and the Sothsegger, vers 1617-1625, dans The Piers Plowman tradition, éd. H. Barr, Londres 1993.
16 B IV 173-181 : « Et, posant un regard plein de menace sur Rétribution, sa colère se gonfla contre la Loi, que les manigances de Rétribution avaient presque détruite. « Grâce à vous, déclara-t-il, j’ai perdu nombre de biens qui auraient dû revenir à la Couronne. Rétribution tient la loi dans ses rets et fait obstacle au progrès de toute plainte honnête. Mais je jure que, si je reste encore Roi pour quelques temps, Raison vous réglera vos comptes, et vous jugera selon vos mérites. Par Marie dans le Ciel, Rétribution ne se portera plus jamais garante pour vous ! »
17 B IV 165-70 : « Sur quoi, Rétribution se mit à pleurer et elle avait l’air vraiment malheureux, car le plus brutal des présents en cette cour dit : ‘C’est une putain !’ Mais un juré et un huissier se tenaient toujours fermement à ses côtés, et un clerc du shérif déversa sa bile sur toute l’assemblée : ‘Bien des fois, cria-t-il, je vous ai aidés, vous autres, quand vous veniez à la barre : et que m’avez vous donné pour cela ? Rien d’autre qu’un minable quart de cuivre !’ »
18 J. Alford, Piers Plowman : A Glossary of Legal Diction, Cambridge, 1988, p. 134-36. Dans la version C, cet aspect est renforcé puisqu’à la fin de cette version, le roi nomme Reson chancelier et Conscience juge principal de la cour du roi.
19 Pour une mise en perspective générale, voir R.W. Kaeuper, Guerre, justice et ordre public, La France et l’Angleterre à la fin du Moyen Âge, trad. N. et J.-P. Genet, Paris, 1994, p. 304 et suiv. Pour un autre exemple de procès, mis en scène dans le Taie of Gamelyn, voir L. Carruthers, « La justice jugée : le droit dans un conte populaire anglais du XIVe siècle (The Taie of Gamelyn) », dans Pouvoir et Culture du IXe au XIIe siècle en France du Nord, en Angleterre et en Allemagne, Actes du colloque de Soissons (28-30 septembre 1987), D. Buschinger éd., Greisfswald, 1993, p. 53-65.
20 Cf. J. Bellamy, Bastard feudalism and the law, Londres, 1989, p. 79 et suiv.
21 J.R.L. Maddicott, « Law and Lordship : Royal Justices as Retainers in Thirteenth- and Fourteenth-Century England », Past and Present, Supplement 4,1978.
22 Aux vers 47-60 par exemple, on trouve les termes bille, pleden, mayntenen, breken.
23 J. Alford, Piers Plowman : A Glossary, op. cit.
24 Alford a noté que : To distinguish between technical and ordinary usage is no simple matter in any period of time, including our own [...] ’the language of the law’ today consists both of terminology peculiar to itself (habeas corpus...) and of a vast number of words in everyday use (action, avoid, considération...). What makes the lattergroup of words technical is context alone, particularly the way in which they are joined with other words. The same is true of médiéval usage, ibid., p. xi.
25 Sur cette dernière, voir A. Harding, « The Revoit against the Justices », dans The English Rising of 1381, T. Aston et R.H. Hilton éd„ Cambridge, 1984, p. 165-193.
26 B VII 42-45 : « Les avocats devraient s’appliquer tout particulièrement à plaider pour de telles gens et à les aider. Leurs efforts devraient être récompensés par les princes et les prélats : Leur payement devra venir des rois et des princes. Mais il y a beaucoup de juges et de jurés qui se donneront plus de mal pour Jean que pour la piété de Dieu – vous pouvez m’en croire ! » La source de la citation latine n’a pas été identifiée.
27 Cf. J.R.L. Maddicott, « Law and Lordship », op. cit., p. 40.
28 Ibid., op. cit., p. 44.
29 Voir notamment H. White, Nature and Salvation in Piers Plowman, Cambridge, 1988.
30 Cf. J. Alford, « The Idea of Reason in Piers Plowman », dans Médiéval English Studies Presented to George Kane, éd. D. Kennedy, R.A. Waldron et J. Wittig, Cambridge, 1988, p. 199-215.
31 Alford, Piers Plowman : A Glossary, op. cit., p. xiii-xiv ; W.J. Birnes, « Christ as Advocate... », op. cit.
32 Although the pervasive presence of legal words throughout the poem may reflect the dramatic changes taking place in the law (the consolidation of royal justice at Westminster, the development of the chancery as a court of equity, the emergence of professional pleaders and so forth), although it may even reflect the background or occupation of the poet himself, undoubtedly it reflects the basic concern of the poem – How I may saue my soûle, Alford, Piers Plowman : A Glossary, op. cit., p. xiv.
33 B XIX 304-310 : « Spiritus lusticie n’hésite pas à mener un coupable à la potence ; ni à corriger même un monarque qui s’abaisse à des pratiques criminelles. Car lorsqu’il siège en son tribunal pour rendre la justice en juge, il ne craint pas la colère d’un roi. Jamais il n’a dévié de la lettre de la loi par crainte des puissants, ni même sous menace de mort. En dépit des pots de vin, des supplications ou des interventions des princes, sa mission est d’agir en parfaite équité, dans toute la mesure de ses capacités. »
34 Kaeuper, Guerre, Justice et Ordre Public, op. cit., p. 147.
35 Cf. S. Justice, Writing and Rébellion, England in 1381, Berkeley, 1994, chapitre 3.
36 Maddicott, « Royal Justices... », op. cit., p. 67.
Auteur
LAMOP, Paris I Panthéon-Sorbonne – CNRS
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