Chapitre X. Khrouchtchev en France
p. 285-313
Texte intégral
1En vingt et une étapes, Nikita Khrouchtchev et les Français se découvrent mutuellement. Grâce à son sens de la formule et du spectacle, le premier soviétique ravit ses hôtes. À chacune de ses apparitions se presse une foule nombreuse. Avec son cou de taureau, ses mains d’étrangleur, ses rondeurs de notable et son sourire jovial, Nikita Khrouchtchev se révèle être un formidable comédien, qui joue toutes les facettes de son personnage à merveille : la coupe de ses costumes comme sa spontanéité lui confèrent un aspect pittoresque, qui coïncide difficilement avec l’image du bolchévique le couteau entre les dents. Formidable comédien, Nikita Khrouchtchev est aussi un talentueux metteur en scène : sa faconde, ses enthousiasmes de jeune homme comme ses colères de vieillard, lui permettent de transmettre des messages politiques, qui se trouvent ainsi amplifiés. Bref, la conjugaison de la personnalité de Khrouchtchev, des moyens de propagande soviétique relayés par le PCF, de la curiosité des Français ainsi que des mesures prises par le gouvernement provoque un véritable engouement.
2Si son importance sur le plan bilatéral ne fait guère de doute, il convient néanmoins d’en mesurer la portée réelle sur le plan multilatéral : dans quelle mesure cette rencontre au sommet influe-t-elle sur la situation internationale ? Est-elle « un véritable événement mondial »1 ou plus modestement un événement bilatéral de première importance ? Pour répondre à ces questions, plusieurs éléments méritent d’être analysés séparément, même s’ils sont étroitement imbriqués.
3Premièrement, il faut mesurer l’impact de Khrouchtchev. Les autorités françaises sont conscientes du caractère historique de sa visite. Maurice Couve de Murville se souvient que sa venue « marquait un changement spectaculaire »2 de la direction soviétique à l’égard de la France alors que Michel Debré admire « les qualités intellectuelles et la ruse »3 du Premier secrétaire. Deuxièment, il s’avère indispensable de replacer ce voyage dans une stratégie d’ensemble en veillant à ne pas réduire la politique extérieure soviétique à l’image de Khrouchtchev. En effet, le voyage intervient au moment où l’URSS opère un redéploiement vers l’Occident et tend ses relations avec la Chine. Début 1960, Nikita Khrouchtchev annonce la réduction d’un tiers des armements conventionnels soviétiques afin de transférer des capitaux des industries militaires vers l’agriculture. Pour parer aux critiques du complexe militaro-industriel, Nikita Khrouchtchev a besoin de succès diplomatiques qui doivent prouver à ses détracteurs que l’URSS reste en mesure d’accroître son influence extérieure tout en réduisant ses dépenses militaires. Troisièmement, la nature ambivalente de la visite de Khrouchtchev doit être examinée, car si elle occasionne un rapprochement diplomatique, elle donne aussi lieu à une intense opération de propagande soviétique en France, orchestrée de Moscou et relayée par les communistes français.
4Khrouchtchev trouve ainsi un terrain d’expression favorable. Les conditions de réception, comprises au sens large, importent tout autant que la personnalité de Khrouchtchev pour comprendre la portée de ce voyage. Si l’on s’en tient à la lecture des sondages, Nikita Khrouchtchev bénéficie d’un a priori favorable à son arrivée. Un sondage de l’Institut français d’opinion publique pose la question suivante : quel accueil la France doit-elle réserver à Nikita Khrouchtchev ? 38 % des personnes interrogées se prononcent en faveur d’un accueil courtois, 21 % pour un accueil digne, 14 % pour un accueil chaleureux, 4 % pour un accueil froid et 2 % pour un accueil hostile. 21 % des personnes interrogées ne se prononcent pas. En janvier 1960, un sondage cherche à connaître l’image que les Français se font de Nikita Khrouchtchev. 31 % des personnes interrogées le jugent rusé, 16 % intelligent, 10 % hypocrite, 9 % réaliste, 7 % opportuniste, 5 % bonhomme, 4 % brutal, 3 % conciliant et 2 % franc. 13 % des personnes interrogées ne se prononcent pas4.
5Le plan d’action mis en œuvre par les partisans de Khrouchtchev en France, c’est-à-dire en premier lieu le PCF et France-URSS, peut donc compter sur une opinion publique globalement favorable. Par certains aspects, leur action conjointe supplée celle des autorités françaises en faisant fructifier le capital de sympathie de Khrouchtchev à des fins politiques. Dans le même temps, un certain nombre d’officines s’évertuent à saboter la visite du Premier secrétaire. Leur action ne porte pas, mais révèle l’existence de minorités agissantes très hostiles à l’URSS. Un des intérêts principaux du voyage de Khrouchtchev réside dans cette mise à jour des clivages qui traversent la société française à propos de l’URSS.
Les préparatifs
6La préparation du voyage occasionne une intensification des échanges entre Paris et Moscou. Les enjeux de ce voyage sont variés. Il représente un enjeu de politique internationale en vue d’une conférence au sommet. La dégradation inquiétante de la situation en Algérie (semaine des barricades et pouvoirs spéciaux) transforme l’éventuelle étape de Khrouchtchev en Afrique du Nord en étape à haut risque. Il représente également un enjeu de politique intérieure puisque les communistes français espèrent pouvoir le transformer en opération de propagande. Enfin, de nombreux milieux, notamment d’affaires, trouvent aussi dans ce voyage l’occasion de se mobiliser.
Un enjeu de politique internationale
7La visite de Khrouchtchev en France est comme une étape entre son voyage aux États-Unis et la conférence au sommet de mai 1960. Khrouchtchev rappelle, à plusieurs reprises, la fraternité d’armes franco-soviétique contre l’Allemagne hitlérienne avant de se rendre dans le pays occidental qui s’est montré le plus intransigeant face à ses revendications. Le 14 janvier 1960, au cours d’un discours devant le Soviet suprême, il rend hommage à la science et à la culture françaises et exprime sa sympathie à l’égard du peuple français. Il évoque également le patriotisme dont le général de Gaulle s’est fait le héraut tout au long de la guerre5.
8Malgré des signes de bonne volonté et des amabilités mutuelles, les perspectives d’entente demeurent minces car les positions des deux pays n’évoluent guère sur Berlin. Les Soviétiques tentent désormais d’englober ce sujet, ainsi que la question de l’avenir de l’Allemagne, dans le dossier général du désarmement. Dans ces conditions, l’annonce par la France de l’explosion de sa première bombe nucléaire (13 février) risquait, à première vue, d’irriter au plus au point les Soviétiques. Force est pourtant de constater qu’ils réagissent avec modération et circonspection, comme si cette explosion ne rompait pas fondamentalement l’équilibre stratégique et importait moins, en fin de compte, que le dialogue direct avec Paris. À quelques semaines de l’arrivée de Khrouchtchev, les Soviétiques préfèrent regretter l’explosion plutôt que la condamner6.
9À partir de l’automne 1959, l’examen des archives diplomatiques laisse apparaître un reflux progressif des critiques soviétiques sur l’Algérie, qui tend à créer un climat favorable aux négociations. Prudents et avisés, les dirigeants soviétiques soutiennent la cause algérienne tout en se gardant bien de reconnaître officiellement le GPRA, car une telle reconnaissance entraînerait ipso facto une rupture avec Paris. Maurice Dejean transmet des informations selon lesquelles Andreï Gromyko aurait assuré les pays arabes du soutien moral soviétique à la cause algérienne dans le cadre de l’ONU. En revanche, il aurait refusé de s’engager sur l’aide matérielle et sur la reconnaissance du GPRA en déclarant qu’il s’agissait de questions délicates demandant un examen approfondi7. Cette retenue se traduit par l’absence de toute condamnation radicale de la présence française en Algérie et va même jusqu’à reconnaître l’existence de liens privilégiés entre Français et Algériens :
« Les dirigeants soviétiques sont prêts à reconnaître à la France, sous certaines conditions, une situation spéciale en Algérie (...). La question africaine apparaît ainsi comme l’une des principales à aborder au cours de toute conversation qui viserait à une amélioration durable des rapports entre l’URSS et la France, ainsi qu’un assainissement véritable des relations Est-Ouest »8.
L’attitude soviétique – soutien moral et absence de reconnaissance – est jugée « ambiguë » par le Quai d’Orsay. Elle entrouvre un espace de négociation et offre une marge de manœuvre au général de Gaulle, qui ne demeure probablement pas insensible aux arguments selon lesquels la France retrouverait un rôle international de premier plan si elle se débarrassait du fardeau algérien.
10L’étape de Hassi-Messaoud, à laquelle de Gaulle se montre très attaché, va être à l’origine de longues tractations entre les deux parties. Obtenir l’acceptation soviétique reviendrait à leur faire reconnaître implicitement que les départements algériens ne se distinguent pas des départements métropolitains. Après un premier refus, le général de Gaulle, qui suit la préparation du parcours au jour le jour, donne personnellement des instructions à Maurice Dejean en ce sens :
« 1°) Faire effort pour que l’on aille à Hassi-Messaoud.
2°) Si l’on n’y va pas, il ne faut pas traîner à Pau le 20 au matin mais aller tout de suite, ce matin-là, voir le Bas-Rhône et le Gard et l’après-midi Salon, pour arriver à Marseille pas tard dans la soirée.
3°) Dans le Nord, il faut une visite à une ou deux usines textiles.
4°) À Reims, pas de local de l’armistice.
5°) En Normandie, pas de plages de débarquement »9.
En dépit d’une nouvelle démarche, les Soviétiques refusent de se rendre en Algérie pour vingt-quatre heures. Des étapes suggérées par Sergueï Vinogradov – Strasbourg, Nantes, Toulouse, Valenciennes, Avignon, Moulins, Dijon et Bordeaux –, les autorités françaises ne retiennent que les deux dernières. Youri Doubinine se souvient que la préparation du voyage n’a pas rencontré d’obstacles, exceptées les questions du détour en Algérie et de l’accueil de Khrouchtchev pour la nuit dans les préfectures tout au long du parcours10.
11Le bureau politique du PCF est, en effet, consulté sur le programme. Dans un message adressé au PCUS, il explique que le voyage de Khrouchtchev contribue de la détente internationale comme au renforcement de l’amitié franco-soviétique, puis explicite son opposition à un détour en Algérie :
« Ayant déjà été consulté sur l’éventualité d’un itinéraire comportant une étape à Hassi-Messaoud, le bureau politique a fait connaître avec netteté les réserves expresses qu’un tel projet lui inspire.
Informé du fait que cette question demeure ouverte, le bureau politique croit devoir confirmer sa position antérieure et renouveler les réserves qu’il a formulées quant à l’éventualité d’une étape du voyage en Algérie, étape qui ne pourrait avoir que des répercussions fâcheuses sur la classe ouvrière française »11.
12Les autorités soviétiques tentent alors une manœuvre de diversion. De manière allusive, ils proposent leurs bons offices au gouvernement français. Le 9 février, Nikita Khrouchtchev reçoit Maurice Dejean en présence d’Andreï Gromyko. Dix jours plus tôt, il avait transmis un message à l’adresse du général de Gaulle au sujet d’une discrète intervention soviétique auprès des représentants du FLN. Les Soviétiques leur auraient conseillé de prendre contact avec des émissaires français en vue d’un cessez-le-feu. Ayant rapporté cet entretien au général de Gaulle et ayant reçu de nouvelles indications de sa part, Maurice Dejean explicite la position française dans la note suivante :
« (...) Si le Gouvernement soviétique estimait qu’il pouvait approcher les représentants du FLN à l’étranger et leur conseiller d’envoyer des délégués pour prendre contact avec des représentants du Gouvernement français en vue de discuter du cessez-le-feu, le général de Gaulle n’y verrait pas d’objection. Il avait été indiqué du côté français que ces délégués pourraient se présenter à nos ambassades de Tunis ou à Rabat, qui leur fourniraient les moyens de gagner la France. Ils pourraient également s’adresser à une autre Ambassade française.
Nous comprenions que c’est à ces conseils donnés aux représentants du FLN que se bornerait l’action du Gouvernement soviétique.
Il était bien entendu, comme M. Khrouchtchev l’avait lui-même souligné le 29 janvier, qu’il s’agissait d’une initiative émanant du seul Gouvernement soviétique. Cette initiative demeurerait rigoureusement secrète. Les dirigeants du FLN ne sauraient pas que le Gouvernement français en avait été informé au préalable »12.
Avec cette proposition, les Soviétiques jouent sur deux tableaux. D’un côté, ils assurent la direction du FLN de leur soutien et, de l’autre, créent une connivence avec le gouvernement français en l’informant au préalable. Maurice Dejean poursuit le compte rendu de son audience en soulignant l’insistance de Khrouchtchev à vouloir préserver, à tout prix, le secret des pourparlers :
« M. Khrouchtchev concevait bien ainsi l’action du Gouvernement soviétique. Il l’avait lui-même indiqué le 29 janvier. Le Gouvernement soviétique était prêt à aider à l’établissement de contacts en vue de faire cesser le combat. Il n’avait aucune intention de s’immiscer dans les discussions entre le Gouvernement français et le FLN. Il était mû par le désir de favoriser tout ce qui pouvait renforcer la position de la France en Europe et dans le monde. Il servirait en même temps les intérêts de la paix.
M. Khrouchtchev est revenu à plusieurs reprises sur la nécessité du secret. La moindre indiscrétion suffirait, selon lui, à torpiller l’affaire tant il y avait des gens intéressés à empêcher la guerre d’Algérie de se terminer par un règlement tenant compte à la fois des intérêts de la France et des Algériens »13.
13À Paris, au lendemain de cette audience, Sergueï Vinogradov remet au général de Gaulle un document reprenant les propositions soviétiques, mais le général de Gaulle rejette toute idée de bons offices soviétiques. Trois jours après l’audience de Sergueï Vinogradov, une note de la Présidence de la République dissipe tout malentendu :
« (...) Notant qu’il peut se trouver que les représentants de l’URSS à l’étranger aient des contacts personnels avec les agents de l’organisation rebelle, le Président de la République ne pouvait s’opposer à l’idée que ces représentants exprimeraient à ces agents le souhait que cessent les combats et les attentats. Mais il n’a jamais été et il n’est pas du tout dans l’esprit du général de Gaulle que l’Union soviétique – non plus qu’aucune autre puissance – puisse être intermédiaire entre le gouvernement français et l’organisation rebelle. Il y aurait là, pour la France, une immixtion étrangère dans ses affaires qu’elle ne saurait, évidemment, envisager »14.
14Si ce n’est pas une fin de non recevoir, cela y ressemble fort. S’ils étaient parvenus à s’imposer comme intermédiaires, les Soviétiques auraient transformé le voyage en manœuvre diplomatique de haute volée. Le général de Gaulle comprend très vite ces risques et interrompt les discussions sur l’Algérie, même si la propagande soviétique s’emploie, tout au long des préparatifs et pendant la durée du voyage, à utiliser ce thème. Sur l’Algérie, comme sur d’autres sujets, elle cherche à influencer le débat politique national par l’entremise du PCF.
Un enjeu de politique intérieure
15Dans les milieux politiques français, la venue de Nikita Khrouchtchev n’enchante pas tout le monde. Plusieurs parlementaires s’inquiètent d’éventuels troubles de l’ordre public et redoutent que ce voyage ne se transforme en opération de propagande en faveur du PCF. Ces inquiétudes s’expriment notamment dans le cadre de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Un député demande, par exemple, à Maurice Couve de Murville si des mesures de contrôle des organes de presse sont prévues afin d’éviter une propagation des thèses de Khrouchtchev15. Le succès du voyage de Khrouchtchev aux États-Unis sert d’annonce. En France, le premier soviétique peut, en plus, compter sur les canaux de diffusion du PCF. La presse dans son ensemble prépare l’événement. Georges Bidault redoute surtout la mobilisation communiste ainsi que les risques de débordement en province :
« Autant il est intelligible de faire venir M. Khrouchtchev, puisque c’est la mode, et qu’on le fasse venir à Rambouillet, à Vizille ou en tout autre lieu pour converser et pour négocier, car c’est de cela qu’il s’agit, autant il est inintelligible, dangereux et redoutable pour la nation de le faire pendant quinze jours à travers le pays. Non seulement les mairies font preuve en la circonstance d’une faiblesse déplorable et d’ailleurs prévisible, mais de plus la grande majorité des entreprises françaises se précipitent à seule fin de pouvoir gagner trois semaines sur les revendications de salaires ou pour pouvoir montrer les organisations dont elles sont fières. Quoi qu’il en soit, nous allons avoir M. Khrouchtchev pendant quinze jours, et, à ce propos, je signale au gouvernement que les militants de Paris sont priés d’avoir à loger les militants de province de façon qu’il y ait 500 000 personnes sur les Champs-Élysées afin de prouver que la France est sur le chemin de M. Khrouchtchev »16.
Georges Bidault fait allusion aux nombreuses demandes émanant de maires ou d’entrepreneurs. Effectivement, dès l’annonce officielle de la venue en France de Khrouchtchev, le maire de Vizille, par exemple, écrit directement au général de Gaulle pour lui demander de recevoir le Premier secrétaire17. Sans succès, puisque Vizille ne figure pas, en définitive, sur la liste des villes retenues. D’autres parlementaires expriment un point de vue différent. Arthur Conte considère, pour sa part, que le risque consisterait à adopter une attitude défensive :
« Nous ne devons cependant pas avoir de complexe d’infériorité. Nous devons réagir et montrer ce que nous avons de grand et de beau. D’après la modeste expérience que j’ai des milieux diplomatiques, je crois que ce qui nous fait le plus grand tort, de l’autre côté du rideau de fer, c’est l’ignorance où l’on est de ce que nous sommes. C’est de cela dont nous souffrons le plus. Or, j’espère qu’on saura montrer à M. Khrouchtchev ce que nous avons de beau, de bien, de grand »18.
16Le voyage de Khrouchtchev aux États-Unis lui avait permis de conduire une magistrale opération de relations publiques mais aussi de prendre conscience du potentiel américain et du niveau de vie réel des Américains. Les autorités françaises, quant à elles, entendent saisir l’occasion pour frapper un grand coup. Maurice Couve de Murville compte sur le sens critique des Français :
« Je ne suis pas sûr que le peuple français soit assez naïf pour prendre au pied de la lettre tout ce qui sera dit – à des fins de propagande, je le reconnais sans peine – par le président du conseil soviétique. Les Français ont plus d’esprit critique que les Américains et ils sauront dans les manifestations oratoires de M. Khrouchtchev, faire la part des choses. En ce qui concerne la radio et la télévision, le problème se pose un peu différemment ; cela n’est pas douteux. S’agissant d’une radio et d’une télévision d’État, le gouvernement a le moyen de restreindre ou d’étendre les reportages faits à l’occasion de ce voyage »19.
Même s’il se montre confiant dans le sens critique de ses concitoyens, Maurice Couve de Murville prévoit un contrôle étroit des émissions télévisées et radiophoniques. Il rappelle, en outre, que le gouvernement décide seul de l’itinéraire du voyage. Les parlementaires communistes en prennent bonne note.
17Des voix très hostiles à la venue de Khrouchtchev souhaiteraient se faire entendre. Des anti-communistes radicaux préparent l’arrivée du premier soviétique à leur manière. En janvier, le CESPS (Centre d’études supérieures de psychologie sociale) de Georges Sauge (souvent relayé par Pierre Poujade, Jean-Marie Le Pen ou Me Isorni)20, « dont la finalité consiste à répandre une mystique anticommuniste »21, tient une réunion à la Mutualité. Devant 300 personnes, O. de Roux, un des meneurs, lance l’idée de « comités civiques » destinés à saboter le voyage. Il estime qu’il faut « s’en prendre au prochain voyage de Khrouchtchev et au sommet dont le but commun est d’endormir l’Occident ». Et il ajoute :
« Nous rappelons que Khrouchtchev est d’abord le chef de l’Internationale communiste et s’il s’obstine à caravaner en France, nous lui ferons lire partout sur les murs en lettres de sang, le mot de Budapest »22.
18Fin janvier, des inculpations sont prononcées pour prévenir tout débordement. Même si elle ne trouve pas de véritables relais dans l’opinion, cette minorité entend exploiter l’anticommunisme latent de la société française. Ces activistes se préparent à tirer parti de l’événement pour sortir de leur isolement. Cet anticommunisme viscéral est refoulé par l’action des autorités françaises et par la puissante propagande du PCF.
19L’Église catholique exprime elle aussi ses réserves, comme l’affaire du chanoine Kir va le montrer. Monseigneur Rupp, évêque auxiliaire de Paris, appelle les fidèles à une veillée de prières pour les victimes du « communisme athée », à laquelle participent des membres « des comités civiques ». Malgré cette méfiance diffuse, empreinte d’hostilité, des prélats voient dans la venue de Khrouchtchev une chance pour la paix mondiale qu’il serait possible de ne pas gâcher sans oublier les croyants persécutés à l’Est. Le cardinal Richaud, dans La Semaine religieuse de Bordeaux, exprime ce point de vue en rappelant « qu’on ne peut qu’être favorable à toutes négociations pour la paix internationale... mais les catholiques ne peuvent pas oublier l’Église du silence où souffrent encore par leur foi, nos frères, sous l’oppression du régime communiste »23.
20Une autre Église considère que la réussite du voyage de Khrouchtchev est cruciale. Vis-à-vis des Soviétiques, le PCF doit faire la preuve de sa capacité de mobilisation et de son aptitude à relayer les déclarations du Premier secrétaire. Vis-à-vis du pouvoir gaulliste, il doit faire preuve de sa capacité de mobilisation, mais aussi s’affirmer comme un acteur central des relations franco-soviétiques. Pour toutes ces raisons, le PCF mobilise, dès l’automne 1959, son appareil afin de contrer toute forme d’anticommunisme. Ses organes de presse dénoncent les positions de l’Église24. Le PCF tente de créer un amalgame entre les positions défendues par l’Église catholique et celle des autorités françaises :
« Continuer à dénoncer avec vigueur le caractère de la campagne réactionnaire contre la visite en France de Nikita Khrouchtchev et, plus généralement, contre la détente. Dénoncer ses initiateurs comme des ennemis de la paix. Mettre en cause la complaisance dont le gouvernement fait preuve à leur égard (É. Fajon) »25.
Les socialistes font également l’objet d’attaques :
« – Les réactionnaires et les dirigeants du Parti socialiste continuent à mener campagne pour limiter l’importance et le déroulement de la venue de Khrouchtchev en France. Continuer à dénoncer... (W. Rochet). – Examiner si « France-URSS » ne pourrait pas, en tant qu’organisation d’amitié, dénoncer également ces campagnes (R. Guyot) »26.
Le PCF prend ensuite des mesures destinées à assurer le succès public de Khrouchtchev, à Paris comme en province. Il exige que ses militants participent activement aux manifestations et animent un mouvement de sympathie en faveur de Khrouchtchev :
« – Prendre les dispositions nécessaires afin de contribuer à ce que partout l’accueil populaire soit une manifestation d’unité nationale... – Dans L’Humanité, soutenir toutes les activités culturelles, notamment : publier une bonne critique du film Normandie-Niemen. Populariser largement le cinépanorama en contribuant à des venues collectives de spectateurs, d’écoles, de lycéens, d’usines, etc. Mener campagne pour que le film sur le voyage de Khrouchtchev aux États-Unis soit projeté dans des salles de quartiers et de banlieue. Faire une bonne publicité pour soutenir les soirées artistiques qui vont se dérouler à Paris, dont les chœurs de l’armée soviétique.
– Demander aux communistes qui sont dans les organisations de masse de faire preuve d’initiatives en vue de la préparation du voyage : « France-URSS » pour toucher de nouvelles personnalités, diffuser largement le numéro spécial de France-URSS, pour recruter de nouveaux adhérents. Les comités de paix en faveur du désarmement et le succès de la rencontre franco-soviétique. Les syndicats pour que les travailleurs participent massivement à l’accueil. Les Anciens résistants pour le succès de la visite au Mont Valérien. Les jeunesses communistes pour une large participation de la jeunesse. Et l’UFF concernant les femmes... »27
En somme, le PCF décrète la mobilisation générale. Il œuvre activement pour le succès de la visite tout en distinguant l’invitation lancée par les autorités françaises et les rassemblements populaires. S’il reconnaît le rôle du général de Gaulle pour la première, il s’attribue le succès des seconds. La réussite de la mobilisation est un enjeu de politique intérieure :
« – Continuer notre combat politique et idéologique et donner systématiquement la réplique à ceux qui tentent de s’opposer à ce voyage et de le minimiser...
– Considérer que si de Gaulle a accepté la rencontre avec Khrouchtchev, il tente d’empêcher que le peuple intervienne et assure un grand accueil à cette visite »28.
21Le PCF s’ingénie à récupérer les dividendes des échanges entre Paris et Moscou, notamment dans le domaine culturel. Les autorités françaises s’efforcent d’en garder le contrôle et d’éviter qu’ils ne soient portés au crédit de France-URSS et, par conséquent, du PCF. La position du Quai d’Orsay sur cette forme de rivalité entre les autorités officielles et France-URSS est exprimée à l’occasion d’une demande de visas en faveur d’une délégation soviétique souhaitant participer au quinzième anniversaire de France-URSS :
« Il ne fait pas de doute que France-URSS cherchera à profiter de cette circonstance pour s’attribuer une partie du mérite des accords conclus et rehausser ainsi son prestige. Or l’un des principes de nos échanges avec l’URSS est qu’ils doivent être exécutés, dans toute la mesure du possible, en dehors d’organisations à tendances politiques, telles que France-URSS. La manifestation prévue a un caractère beaucoup plus politique que culturel, puisqu’il s’agit de préparer la venue en France de M. Khrouchtchev. Il est certain que la non-délivrance des visas suscitera des protestations des dirigeants de France-URSS et de l’ambassade soviétique. Mais il est non moins certain que leur délivrance affaiblirait singulièrement la portée de notre opposition à toute immixtion d’esprit politique dans les échanges culturels »29.
Cette distinction entre relations officielles et relations officieuses n’empêche pas les incidents. Au début de 1960, plusieurs réunions publiques organisées par France-URSS donnent lieu à des déclarations politiques de représentants soviétiques.
22La préparation du voyage suscite des réactions significatives des différences de perceptions de l’URSS au sein de la société française. Plusieurs parlementaires s’inquiètent de voir les autorités françaises faire le jeu de la propagande soviétique en organisant un voyage à Paris et en province. Des activistes profitent de l’occasion pour organiser des manifestations anticommunistes. L’Église, elle aussi, suit de près les préparatifs. C’est sans conteste le PCF qui déploie le plus d’efforts : son rôle est déterminant dans les rassemblements populaires qui vont ponctuer le parcours de Khrouchtchev. Pour les militants, le voyage est un événement exceptionnel tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Serge Leyrac se souvient de son état d’esprit d’alors :
« Je suivais le voyage avec passion. À ce moment-là, mon jugement sur de Gaulle avait évolué. Lors de son retour au pouvoir, on le prenait pour un fasciste. Pour moi, Khrouchtchev était un type formidable. Je voyais dans sa politique l’ouverture du pays et surtout la fin d’un système répressif. Politique qui allait rendre au socialisme le visage qu’il devait avoir, c’est-à-dire un visage démocratique, signe d’épanouissement de la collectivité et des individus. Khrouchtchev donnait une image nouvelle du socialisme, une image plus séduisante. De cette manière, il nous aidait dans notre militantisme. Pour moi, l’idée fondamentale, c’était la coexistence pacifique, qui consistait, d’une part, à tout faire pour arrêter la course aux armements, ou au moins la réduire et, de l’autre, à développer la coopération entre États »30.
Serge Monegard s’enthousiasme, lui aussi, à l’idée du voyage. Il y voit une occasion unique pour le PCF d’accroître son poids politique et, pourquoi pas, de se rapprocher du pouvoir :
« Pour moi, ce voyage allait dans le sens d’une ouverture de la France vers l’URSS et marquait le début d’une collaboration fructueuse. Du même coup, nous pensons que le PCF allait jouer un rôle plus important »31.
23Ces deux témoignages rappellent à quel point les militants communistes attendent le Premier soviétique car ils voient sans doute dans ce voyage l’occasion de concilier leur engagement politique et leur appartenance nationale. Aux enjeux politiques s’ajoutent des enjeux économiques et médiatiques en raison de la diversité des personnalités souhaitant rencontrer Khrouchtchev. On observe, en effet, un engouement pour lui à la veille de son arrivée.
Curiosité, intérêts et fascination pour l’Union soviétique
24Les archives diplomatiques russes conservent de nombreuses lettres de Français tenant à faire part de leur admiration de l’URSS. La préparation du voyage leur donne l’occasion d’exprimer leur enthousiasme. On trouve une grande diversité de profils parmi les auteurs de ces lettres : des cellules du PCF bien sûr, des inventeurs du dimanche convaincus que seuls les savants soviétiques comprendront la portée de leurs découvertes, des anciens combattants, des enseignants... Deux lettres représentent ces deux dernières catégories et donnent un aperçu des motifs d’admiration de l’URSS. La première est écrite par un capitaine de réserve, vétéran des deux guerres, ancien déporté à Buchenwald, qui s’adresse à Sergueï Vinogradov :
« (...) Je suis fier de vos réussites : Spoutniks, Luniks et le voyage triomphal de votre Président Khrouchtchev aux États-Unis va permettre aux peuples du Monde entier de vivre enfin en Paix et d’être heureux. La lutte des Communistes en France est difficile, souvent pénible, mais devant les résultats et les réalisations de l’Union soviétique, notre ardeur s’amplifie car nous sommes de plus en plus sûrs du succès final. Permettez-moi, Excellence, de vous demander de vouloir bien transmettre à tout le Peuple Soviétique et à ses dirigeants les félicitations et l’admiration affectueuse d’un Français Communiste usé par la vie de Militant et par la Déportation à Buchenwald qui en ont fait un très grand invalide, mais qui garde la certitude de l’avenir radieux qu’ensemble nous bâtissons.
Merci, Excellence, de l’enthousiasme que me donnent tous vos triomphes et croyez à mon affection et à mon dévouement absolu à notre grande tâche commune.
PS : Une pensée toute particulière aux Grands Invalides Soviétiques »32.
25Cette lettre témoigne d’une foi en l’Union soviétique, qui est parée de toutes les vertus. Même si elle émane d’un militant communiste, elle traduit une fascination pour la patrie du socialisme toujours à la pointe du progrès. Fascination qui traverse bon nombre de milieux en France. La seconde lettre est écrite par un professeur d’anglais qui se déclare apolitique :
« (...) Comme la plupart de mes compatriotes de bonne foi, je suis impressionné par la science, la technique et les réalisations extraordinaires de l’Union soviétique qui est devenue en quelques années la plus grande puissance du monde.
(...) Je suis apolitique, mais je crois de tout mon cœur à l’amitié, la paix et la collaboration entre les peuples et particulièrement entre nos deux pays »33.
26Ces lettres, choisies parmi beaucoup d’autres, illustrent l’existence d’un terreau favorable à l’Union soviétique dans la société française. De tous les milieux émanent des demandes pour rencontrer le Premier soviétique. Khrouchtchev intrigue, Khrouchtchev fascine. Il bénéficie d’une image favorable, car comparé à Staline, il a les traits d’un libéral qui a amorcé l’ouverture vers l’extérieur de l’Union soviétique et un assouplissement du contrôle intérieur. C’est pourquoi il est très sollicité aussi bien par les milieux politiques que par les milieux intellectuels, et d’affaires. Les réussites techniques du régime ainsi que les perspectives du marché soviétique suscitent l’intérêt d’industriels français.
27Au début du mois de mars 1960, Jacques Chaban-Delmas conduit une délégation parlementaire en Union soviétique dans le cadre « d’une exploration à caractère mi-politique, mi-personnel »34. Nikita Khrouchtchev le reçoit personnellement (7 mars 1960) pendant plus de trois heures. Jacques Chaban-Delmas souligne que l’Assemblée nationale, par son intermédiaire, participe à la politique étrangère décidée par le général de Gaulle :
« En ma personne, le Parlement a été en quelque sorte associé à l’action gouvernementale, notamment vis-à-vis de l’URSS lors du voyage que j’ai effectué avec les membres du bureau de l’Assemblée. Ce qui était une nouveauté. En URSS, j’étais le seul à parler publiquement. J’étais assez apprécié à l’époque et nous avons reçu un excellent accueil »35.
Il estime que son voyage participait davantage au processus de normalisation de la relation bilatérale qu’à la préparation du voyage de Nikita Khrouchtchev :
« En réalité, la politique française vis-à-vis de l’URSS de 1958 à 1960 a été la poursuite de la politique de la France Libre pendant la guerre. Du côté français, le concepteur est le même. Il n’avait pas changé et avait gardé un souvenir très précis de la période précédente...
Il s’agissait donc, en 1960, d’entretenir avec la Russie des relations aussi suivies que possibles de manière à permettre à la France de figurer parmi les grands. Mon voyage est une manière de le faire sentir même s’il ne s’agissait pas directement de préparer la venue en France de Khrouchtchev. Cela étant, lorsqu’il est arrivé en France, Khrouchtchev a immédiatement désiré me rencontrer : je l’ai reçu en grande pompe à Bordeaux. C’est le général de Gaulle en personne qui a fait placer Bordeaux par le Quai d’Orsay sur la liste des villes à faire visiter, en accord avec les Soviétiques, et qui m’a personnellement demandé de le recevoir le mieux possible »36.
Cette rencontre prépare, néanmoins, les discussions à venir entre de Gaulle et Khrouchtchev puisqu’elle permet un tour d’horizon de toutes les grandes questions internationales, y compris les relations sino-soviétiques37.
28La préparation de l’arrivée de Nikita Khrouchtchev se traduit par des mesures de sécurité exceptionnelles. Jean-Émile Vié, directeur des Renseignements généraux, prend un certain nombre de dispositions : l’accès au territoire national est interdit à tout ressortissant des pays de l’Est, y compris de l’URSS, en possession d’un visa antérieur au 1er mars et les groupuscules anticommunistes, comme le CESPS, font l’objet d’une surveillance étroite. Afin d’éviter tout débordement ou manifestation intempestive, qui pourraient perturber le voyage de Nikita Khrouchtchev, un millier de personnes, parmi lesquels une grande majorité de réfugiés des pays de l’Est, est transféré en Corse, sous la surveillance des Renseignements généraux pour la durée du voyage38. Tout semble donc prêt pour recevoir Nikita Khrouchtchev et donner au voyage le retentissement souhaité par les autorités françaises et soviétiques. Tout sauf un imprévu de dernière minute : une mauvaise grippe qui contraint, le Premier soviétique à ajourner son voyage d’une semaine (14 mars).
Le tour de France des Soviétiques
29L’ajournement du voyage ne fait qu’aviver l’impatience des Français. Le mercredi 23 mars, l’atterrissage à Orly de l’Iliouchine-18 transportant le Premier secrétaire y met fin. Le général de Gaulle accueille son hôte ; la musique de la Garde républicaine joue « Sambre et Meuse » alors que les deux hommes passent en revue un bataillon de l’Armée de l’Air. Dans le pavillon de réception, le général de Gaulle prononce une courte allocution de bienvenue et ne dissimule pas son intention de parler d’égal à égal avec le Premier soviétique39.
30Nikita Khrouchtchev répond assez longuement en reliant d’emblée le renforcement des relations franco-soviétiques à la consolidation de la paix mondiale. Puis, il insiste sur le patriotisme du général de Gaulle avant de souligner l’importance qu’il accorde aux voyages à l’étranger :
« Ce n’est pas dans un but touristique que nous faisons ces voyages parfois fort longs. Vous comprenez bien que nous, hommes d’État, nous avons bien des choses à faire chez nous. Les voyages et les rencontres de ce genre ont une portée inestimable pour l’établissement de contacts utiles et pour une coopération fructueuse entre les hommes d’État... »40
31À la fin de cette première allocution, Nikita Khrouchtchev espère que Français et Soviétiques vont s’entendre sur le désarmement. À la suite de ces deux allocutions, le général de Gaulle et Nikita Khrouchtchev montent à bord d’une voiture noire décapotée, escortée par soixante-cinq motards de la Garde républicaine, et regagnent Paris. Tout au long du trajet, une foule dense se presse sur les bords de la route. Une fois à Paris, cent un coups de canon saluent l’arrivée de l’hôte soviétique.
32Pour ce tour de France en onze jours, la caravane soviétique ne compte pas moins de cinquante-six personnes. La liste de préséance de la suite de Nikita Khrouchtchev place Alekseï N. Kossyguine, vice-président du gouvernement, devant Andreï Gromyko et Sergueï Vinogradov. Suivent la femme, les trois filles de Nikita Khrouchtchev et G.A. Joukov, président du Comité d’État pour les relations culturelles avec l’étranger. Il est à noter que le gendre de Nikita Khrouchtchev, A. Adjoubeï occupe la quatorzième place sur la liste devant des diplomates de carrière haut placés41. Cette liste n’a guère d’importance si ce n’est de mettre en évidence le rôle croissant d’A. Adjoubeï dont le comportement choque les diplomates soviétiques. Ces derniers considèrent Adjoubeï et ses amis journalistes, qui se piquent d’influer sur la politique extérieure soviétique, comme des « parvenus »42. Cet entourage aux manières trop ostensibles pèsera lourd dans la chute de Khrouchtchev. A. Tarasievitch se souvient de l’atmosphère au sein de la délégation soviétique :
« C’était un événement pour Khrouchtchev de venir en France avec toute sa famille. Son gendre et ses copains ont mis Gromyko au second plan. Voir mon ministre attendre Adjoubeï m’a choqué »43.
Une mission de militaires et diplomates français est attachée à la personne de Nikita Khrouchtchev. Elle comprend : François de Liencourt, Yves Pagniez ainsi que le général Sizaire, le lieutenant-colonel Guibaud et le capitaine de frégate Le Bourgeois. Madame Moirey et Isabelle Esmein sont attachées à la personne de Nina Petrovna.
Une efficace opération de propagande
33Il est encore difficile de mesurer l’influence d’A. Adjoubeï, et de ses amis journalistes, sur le glissement progressif, plus ou moins contrôlé par Nikita Khrouchtchev, de la politique extérieure soviétique vers son âge médiatique. Il est toutefois frappant de constater que les voyages à l’étranger de Khrouchtchev se transforment en véritables opérations de propagande, qui ne doivent rien au hasard. La personnalité de Khrouchtchev s’inscrit dans un véritable plan-média élaboré par les spécialistes de l’Agit-prop.
34Conservé dans les archives du PCUS, un document prévoit en sept points les orientations de la propagande soviétique en France44. C’est un plan sur six mois, qui s’étend de décembre 1959 à mai 1960 :
Le premier point prévoit la publication de livres et brochures en français : dix titres sont prévus dont trois recueils de textes de Nikita Khrouchtchev. Un titre porte sur le parcours personnel du Premier secrétaire. Les six autres titres portent sur la situation intérieure en Union soviétique. L’ensemble de ces dix titres représente un tirage total de 520000 exemplaires. L’objectif est bien d’inonder la France de brochures pro-soviétiques. À ces 520 000 exemplaires, s’ajoutent 120 000 exemplaires des déclarations de Nikita Khrouchtchev aux États-Unis.
Le second point du plan-média concerne la revue Études soviétiques : six numéros spéciaux mensuels, tirés entre 45 et 55 000 exemplaires et deux numéros spéciaux pour les mois de mars et mai 1960, tirés à 100 000 exemplaires.
Le troisième point prévoit des « Matériaux pour la presse française ». Il s’agit d’une liste de trente-neuf dossiers, destinés aux journalistes français et rédigés par des spécialistes soviétiques. Dans l’esprit de leurs concepteurs, ces dossiers doivent alimenter le contenu des articles de la presse française. Les quatre premiers dossiers portent sur Nikita Khrouchtchev. Les quatre suivants traitent des relations franco-soviétiques. Les quatre suivants abordent le désarmement. Trois dossiers traitent du commerce soviétique et de l’aide aux pays pauvres. Pas moins de quatorze dossiers exposent les conditions de vie en Union soviétique. Les autres dossiers exploitent divers sujets.
Le quatrième point, qui reprend les principaux thèmes du troisième point, prévoit des « Matériaux pour la presse locale ».
Le cinquième point, qui reprend aussi les thèmes du troisième point, prévoit des « Matériaux pour les journaux France-URSS et Regard ».
Le sixième point prévoit les illustrations photographiques qui pourraient être reprises par les journaux français.
Le septième et dernier point du plan prévoit des dispositions pratiques et notamment des envois supplémentaires pour des journalistes ciblés.
35Ce plan-média est destiné à la France. Des mesures sont également prises afin d’assurer la couverture de l’événement par la presse soviétique. Les correspondants soviétiques envoyés en France pour l’occasion font l’objet d’une sévère sélection. La commission Souslov examine les candidatures. Elle autorise notamment G. Ratiani à se rendre en France comme correspondant spécial de la Pravda45. Plan-média et choix des envoyés spéciaux sont préparés, avec minutie, par les services soviétiques qui se donnent les moyens de couvrir le voyage et d’influencer son traitement par la presse française. Ils s’efforcent également d’orienter la presse française. Quatre articles de fond de Michel Tatu sont ainsi censurés quelques semaines avant l’arrivée de Khrouchtchev. Le Monde se résout à l’épreuve de force et publie les articles que Michel Tatu est parvenu à transmettre en France, ce qui provoque l’ire des autorités soviétiques. Maurice Dejean la supporte et demande ensuite des explications à ses services. Une note lui garantit que l’ambassade de France est étrangère à la fuite :
« Tatu avait été chargé de faire quatre articles de fond sur Khrouchtchev et l’organisation de son gouvernement. Tatu a remis ces quatre articles à la censure, et, en même temps, les a envoyés à Paris par un voyageur (il ne s’agit pas de la valise)...
Beuve-Méry, furieux, est allé trouver Vinogradov qui, paraît-il, a plaidé sa cause à Moscou. Beuve-Méry a menacé, si l’autorisation n’était pas donnée le 10 mars, de publier les articles sous la signature de Tatu, dans le journal du 11, avec une manchette racontant toute l’affaire et dénonçant la censure »46.
La note précise, en outre, que Michel Tatu court le risque d’être expulsé. C’est le début de l’affaire Tatu. Michel Tatu, pour sa part, se souvient très bien avoir envoyé ses articles par la valise47. Les autorités soviétiques ne l’expulsent pas, mais préparent patiemment leur revanche.
36Le plan-média soviétique est relayé par les communistes français. Le secrétariat du Comité central du PCF prend une série de mesures destinées à amplifier la venue de Nikita Khrouchtchev48. Toutes ces mesures doivent préparer l’opinion publique et créer un climat favorable. Elles orchestrent une sorte de tension dramatique visant à faire du voyage de Khrouchtchev un événement national et international. La diplomatie soviétique fait preuve, en l’occurrence, d’un redoutable savoir-faire. Le volume des tirages de brochures et journaux montre l’importance qu’elle accorde à la mobilisation populaire. Le PCF, comme toujours, relaie ces efforts. Comme à Genève, diplomatie et propagande sont intimement imbriquées.
Les étapes du tour
37Après trois jours à Paris, la caravane soviétique part pour le sud-ouest. Le 26 mars, trois étapes sont au programme : Bordeaux, Lacq après une escale à Tarbes, puis Pau. Le lendemain, les Soviétiques se rendent à Istres, Pichegu, Nîmes et Arles. Après une étape à Marseille, ils regagnent Dijon. Le 29, ils font quatre étapes dans l’Est : Metz, Verdun, Reims et Épernay. Le 30, la caravane parcourt le Nord et la Normandie : Lille, Roubaix, Serqueux puis Rouen. Le lendemain, après une étape à Flins et à Paris, Nikita Khrouchtchev arrive à Rambouillet où se tiennent pendant trois jours les entretiens avec le général de Gaulle.
38Le jour de son arrivée, Nikita Khrouchtchev est invité par France-URSS. À cette occasion, il prononce une allocution ironique et mordante. Nikita Khrouchtchev insiste sur l’importance des relations entre sociétés d’amitiés, qui complètent utilement les rapports inter-étatiques, et se démarque ainsi des autorités françaises :
« Je suis profondément et sincèrement touché par cette rencontre cordiale, que ne gêne aucune convention du protocole diplomatique (...). Chers amis, vous êtes au service d’une grande et noble cause (...). À cet égard, vos amis de l’association soviétique URSS-France sont, évidemment, dans une situation infiniment plus avantageuse, personne ne les regarde de travers et, à plus forte raison ne leur met de bâtons dans les roues... »49.
39Les dirigeants de France-URSS et URSS-France ne pouvaient rêver meilleure déclaration de soutien ! Nikita Khrouchtchev comprend parfaitement tout le profit qu’il peut tirer des sociétés d’amitié. En effet, URSS-France est complètement contrôlée par les autorités soviétiques alors que France-URSS diffuse les thématiques soviétiques en France. L’ensemble crée une atmosphère sans doute propice à l’amitié entre les deux peuples, mais aussi à la propagande de Moscou. Dès son premier jour en France, Nikita Khrouchtchev joue de l’ambivalence des rapports franco-soviétiques. En deux interventions, il délimite un plan officiel et un plan officieux dont les autorités françaises sont absentes et qu’il est bien décidé à occuper.
40Parmi les nombreuses allocutions de Nikita Khrouchtchev, celle qu’il prononce à la Chambre de commerce de Paris mérite une attention particulière. En effet, après avoir rappelé qu’il avait travaillé avant la Révolution d’Octobre pour une compagnie française, il expose sa conception des échanges économiques. Nikita Khrouchtchev préconise leur développement intensif. Son slogan pourrait être : garantir la paix par l’économie. Loin d’aviver la concurrence entre les deux blocs, les échanges économiques doivent, au contraire, aboutir à une meilleure entente. Toute idée de concurrence est écartée dans la mesure où cette notion ne concernerait que les pays capitalistes. Autrement dit, en développant les échanges avec l’Occident, il entend diviser celui-ci, trouver des débouchés commerciaux pour les matières premières soviétiques (contre des devises) et obtenir les technologies nécessaires au développement de l’industrie soviétique. Il invite ses interlocuteurs français à conclure au plus vite des contrats avec son pays :
« Nous escomptons un développement de nos relations économiques et nous sommes profondément persuadés que le commerce entre les différents pays répond à leurs intérêts économiques et représente un des moyens les plus sûrs de sauvegarder une paix durable (...). Et, comme le disent les commerçants, dans le commerce les gagnants sont ceux qui font preuve de plus d’ingéniosité, de rapidité et d’initiative »50.
Le deuxième point de cette intervention porte sur le Marché commun dont la mise en œuvre menace, selon Nikita Khrouchtchev, les échanges entre les deux blocs. Il redoute une forme de protectionnisme des pays européens, qui chercheraient à se prémunir de l’Union soviétique par ce biais.
41Au terme de cette mise en garde, Nikita Khrouchtchev décrit dans le détail la nature des échanges franco-soviétiques tout en énumérant les possibilités de les accroître. Il cite les principaux groupes industriels ayant des contacts réguliers avec les autorités soviétiques – Renault, Five-Lille-Cail, Schneider-Creusot, Péchiney ou la Compagnie Générale d’Électricité – avant de formuler un reproche à l’assistance :
« Cependant, j’espère que vous ne m’en voudrez pas, Messieurs, si je vous dis que vous connaissez encore mal le marché soviétique, que vous étudiez d’une façon insuffisante ce marché, ainsi que les possibilités d’achat de différentes marchandises en Union soviétique »51.
42Alexeï Kossyguine reprend à son compte les critiques de Nikita Khrouchtchev sur la méconnaissance du marché soviétique des industriels français lors d’un entretien avec Wilfried Baumgartner. Il remarque, au passage, que des représentants allemands ou britanniques prospectent le marché soviétique pendant de longues périodes et recommande aux investisseurs français d’en faire autant. Il déplore la sous-estimation du potentiel soviétique par les autorités françaises qui ne songent qu’à acheter des matières premières. Il souhaite pour finir que les deux gouvernements annoncent à l’issue du voyage la préparation d’un accord commercial de cinq ans. Wilfried Baumgartner estime quant à lui qu’un développement des échanges commerciaux franco-soviétiques risque de provoquer de vives réactions chez les porteurs français d’emprunts russes. Cette remarque le conduit à aborder un des serpents de mer des relations franco-soviétiques. Un geste du gouvernement soviétique sur le dossier des dettes permettrait de restaurer la confiance des investisseurs français. Alexeï Kossyguine lui répond sans ambages que les porteurs n’ont aucune chance de voir leurs revendications satisfaites dans la mesure où il s’agit de dettes contractées par le régime tsariste. Wilfried Baumgartner remarque que certaines créances sont portées au régime soviétique. À son tour, Alexeï Kossyguine lui fait observer que l’Union soviétique détient elle aussi des créances sur la France. Les deux hommes en restent là et estiment, l’un comme l’autre, que ce dossier ne doit pas entraver le développement des échanges commerciaux52.
43Tout au long de son voyage, Nikita Khrouchtchev cible ses interventions. Il apporte un chaleureux appui aux représentants de France-URSS, car les sociétés d’amitié offrent la possibilité aux autorités soviétiques d’élargir le champ bilatéral à leur profit. Devant les représentants des milieux d’affaires, il se fait le chantre d’une sorte de libre échange entre blocs. Devant les groupes parlementaires d’amitié franco-soviétique, Nikita Khrouchtchev prononce une allocution beaucoup plus politique. Il encourage à observer les principes de la coexistence pacifique :
« (...) Si nous voulons le renforcement de la paix, si nous voulons devenir amis, nous devons reconnaître que la coexistence pacifique entre des États ayant des régimes sociaux différents est la seule politique juste et réaliste »53.
Saisissant l’occasion, Nikita Khrouchtchev se livre à un véritable prosélytisme, convaincu de la supériorité du régime soviétique :
« Déjà maintenant nous pouvons vous faire la nique, et dans un proche avenir plus encore. Vous serez en retard sur nous du point de vue économique et cela sera normal puisque le régime socialiste, le régime communiste, permet d’utiliser au maximum toutes les ressources matérielles, toutes les valeurs culturelles d’un pays pour favoriser son développement rapide et assurer l’essor du bien-être et de la culture (...). Si vous suivez la voie du capitalisme, cela veut dire que vous ne vous en êtes pas encore rendu compte. Mais espérons qu’avec le temps vous comprendrez la supériorité du régime communiste, et à ce moment-là, vous viendrez au communisme sans que je vous y convie »54.
Quittant Paris le 26 mars 1960, la délégation soviétique commence son tour de France. Reçue par les maires, les notables et les militants, elle visite usines, monuments et centres de recherche. Jacques Chaban-Delmas la reçoit à Bordeaux :
« Nous avons eu de longs entretiens. Même avec un interprète remarquable, ces entretiens prolongés étaient difficiles. C’est là que Khrouchtchev m’a dit qu’il aimait tellement l’Allemagne, qu’il en voulait deux. Il a très bien réagi au vin de Bordeaux et s’est révélé être un excellent convive. Nous n’avons pas eu de discussions sur la bombe »55.
44Au cours de son parcours, Nikita Khrouchtchev prononce plus d’une vingtaine de discours dans lesquels il s’emploie à louer les réalisations françaises et à exhorter Français et Soviétiques à une coopération profonde. Dans un climat de bonhomie, Nikita Khrouchtchev séduit ses hôtes par sa simplicité comme par sa vivacité. Cependant, il n’hésite pas à donner quelques coups de griffe. Louis Jacquinot en fait les frais après avoir omis de citer l’Allemagne comme ennemi traditionnel de la France. À la préfecture de Reims, Nikita Khrouchtchev le lui fait remarquer sans s’encombrer de la langue de bois. Selon lui, Louis Jacquinot, à l’image d’autres responsables français, est étrangement amnésique :
« (...) Je regrette, parfois, de ne pas avoir eu la possibilité d’entrer dans un institut diplomatique (...). C’est pourquoi je ne discute pas de telle ou de telle question comme un diplomate, mais franchement et peut-être d’une manière abrupte, comme on le fait dans les milieux ouvriers, sans avoir recours aux phrases châtiées ni aux tournures voilées. Je veux appeler les choses par leur nom. On sait que la France a été attaquée plusieurs fois par l’Allemagne ? Est-ce que les Français pourraient l’oublier ? Comprenez-moi bien : je n’ai pas l’intention de vous brouiller avec l’Allemagne (...). Les agressions allemandes ne sont pas une invention, mais des faits historiques. Notre pays a été attaqué à deux reprises par l’Allemagne. Et nous ne l’avons pas oublié. C’est pourquoi en écoutant votre discours, monsieur Jacquinot, j’arrivais difficilement à comprendre si vous aviez invité les Allemands à venir en France ou s’ils vous avaient envahis... »56
45La sortie de Nikita Khrouchtchev s’inscrit dans le prolongement de la visite de Verdun et de l’ossuaire de Douaumont. Difficile d’apprécier la part de sincérité ou d’opportunisme qui l’anime. Toujours est-il que Nikita Khrouchtchev revient dès qu’il le peut sur l’agression nazie et rappelle l’alliance franco-soviétique pendant la guerre. Sa force de conviction alliée à son goût de la provocation emporte l’enthousiasme des foules. Publiquement, Nikita Khrouchtchev fait souvent mouche. Il excelle dans la manière de peaufiner son image auprès des journalistes. Dans le train qui transporte la délégation soviétique de Lille à Rouen, Nikita Khrouchtchev « improvise » une conférence de presse en entrant, au cours du voyage, dans le wagon réservé à la presse.
46Une des caractéristiques de la politique extérieure de Khrouchtchev réside probablement dans le suivi minutieux du travail des journalistes. Pas de déclaration fracassante dans ses échanges à bâtons rompus avec les journalistes, mais un sens de la répartie qui fait merveille et parfait son image de paysan madré. Pour désamorcer toute critique, Nikita Khrouchtchev commence par promettre aux journalistes, qui se plaignent de n’avoir pas obtenu un visa d’entrée en Union soviétique, d’intervenir personnellement en leur faveur. À un journaliste qui s’inquiète de son état de santé, faisant sans doute allusion à l’ajournement de sa visite, il répond provoquant l’hilarité générale : « Ma santé ? Comme vous voyez, je peux à peine marcher »57. À un autre qui lui reproche son pas trop rapide lors des visites, il réplique : « C’est pour cela que je suis venu vous voir, pour savoir quelle cadence je dois adopter pour que vous ne soyez pas toujours loin derrière moi »58. Nikita Khrouchtchev ne recule devant aucune facétie au cours de cette opération de relations publiques. Il se taille un franc succès en flattant ses hôtes. Il répond à un journaliste qui lui demande s’il envisage de revenir en France : « Quelquefois je me demande même si cela vaut la peine de rentrer à Moscou. Je pourrais peut-être trouver ici un coin tranquille et m’y reposer jusqu’à la conférence au sommet »59.
47L’arrivée de ce tour de France est située à Rambouillet où se déroulent des entretiens entre Nikita Khrouchtchev et le général de Gaulle, pendant deux jours. Le 1er avril, les deux hommes discutent pendant près de deux heures et demie. Le lendemain, les entretiens sont élargis. À la lecture des comptes rendus des entretiens60, on est frappé par la franchise et la portée des discussions. Aucun sujet n’est éludé. Surtout pas l’Allemagne et Berlin. Le véritable enjeu de ces discussions est résumé par de Gaulle : « Il faut savoir ce que l’on veut. Faire la détente ou non »61. Il faut noter à ce propos que le triptyque – détente, entente, coopération – sur lequel le général de Gaulle va fonder sa politique orientale dans la seconde moitié des années soixante est déjà présent. Les deux premiers termes du triptyque apparaissent dès le deuxième entretien (24 mars) dans la bouche du général de Gaulle62. Le troisième terme du triptyque apparaît lors d’un entretien à Rambouillet (1er avril), après le tour de France de Nikita Khrouchtchev, et implique une convergence des systèmes dans l’esprit de De Gaulle.
48Entouré d’Andreï Gromyko, Alexeï Kossyguine et Sergueï Vinogradov, Nikita Khrouchtchev tient, à la fin des entretiens de Rambouillet, une conférence de presse devant plus de mille journalistes. Il commente le communiqué commun franco-soviétique, remercie chaleureusement les Français de leur accueil et fait part de son admiration pour les réussites techniques françaises, comme la Caravelle ou les centrales électriques. Nikita Khrouchtchev propose aux Français de coopérer dans le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique. Il répond au terme de cette allocution à une vingtaine de questions de journalistes. Michel Tatu pour Le Monde lui demande de commenter l’explosion nucléaire française qui a eu lieu la veille. Nikita Khrouchtchev regrette cette explosion et l’absence d’un accord d’interdiction63.
49Pierre Courtade pour L’Humanité lui demande si sa conception de la France s’est amendée à la suite de ses conversations avec le général de Gaulle :
« La question est complexe (...). Nous avons toujours éprouvé du respect pour le peuple français, pour la France, pour la culture française. C’est un pays de grande civilisation où l’économie, la technique, la science, l’esprit d’invention sont hautement développés ; c’est un grand peuple, et beaucoup de peuples se sont instruits en étudiant la culture française. Plus l’amitié entre l’Union soviétique et la France sera étroite, et nous espérons pour notre part que cette amitié ira toujours en se consolidant, plus le rôle de la grande France sera considérable. L’Union soviétique voudrait être l’amie de la France, voudrait avoir pour digne amie la grande France, le grand peuple français »64.
Cette réponse, qui élude poliment le rôle du général de Gaulle dans la crise de Berlin, provoque de vifs applaudissements... Nikita Khrouchtchev place la fin de son voyage sous le signe de l’amitié franco-soviétique. Signe des temps et signe de confiance, le gouvernement français autorise Nikita Khrouchtchev à prononcer une longue allocution télévisée. Après les impressions d’usage, un rappel historique des relations franco-soviétiques et une présentation du potentiel soviétique, il conclut cette dernière intervention en évoquant les grands enjeux internationaux : désarmement, essais nucléaires, sécurité européenne et traité de paix avec l’Allemagne. Il revient pour finir sur la prochaine conférence au sommet qui doit se dérouler à Paris :
« Nous voulons que la rencontre au sommet aide à trancher bien des nœuds et à enlever les cailloux qui se sont amoncelés sur la route pendant de longues années de “guerre froide” Nous espérons que le peuple français et le gouvernement de la France apporteront leur contribution au succès de ces pourparlers »65.
50Le 3 avril au matin, Nikita Khrouchtchev décolle de l’aéroport d’Orly après douze jours de voyage. Par sa durée comme par sa densité, cette visite reste un des temps forts de l’histoire des rapports franco-soviétiques.
Les coulisses du tour
51Observer les coulisses du tour permet de voir les différents acteurs de la relation bilatérale s’affairer. Deux exemples sont retenus. Le premier concerne le chanoine Kir, député de la Côte-d’Or de 1945 à 1967, doyen de l’Assemblée nationale et maire de Dijon de 1945 à 1968, qui est contraint de quitter sa ville, lors de la visite de Nikita Khrouchtchev, sous la pression du Vatican. Cet exemple illustre des rapports internes à l’Église catholique et met en lumière les immixtions de la papauté dans les relations entre Paris et Moscou. Le second exemple concerne le PCF, qui amplifie l’écho de la visite de Khrouchtchev et l’instrumentalise en politique intérieure.
52Le voyage de Nikita Khrouchtchev permet de mettre une personnalité singulière en lumière : le chanoine Kir. Par l’intermédiaire de Sergueï Vinogradov, Nikita Khrouchtchev fait part de son souhait de le rencontrer. Les deux hommes présentent, il est vrai, quelques traits communs : jovialité, truculence et roublardise. Pour les organisateurs du voyage, une étape à Dijon présente un intérêt. Une faculté vient d’y être construite et la gare de triage de Gevrey-Chambertin est un modèle du genre. Qui plus est, la Bourgogne n’est pas la pire région pour les amateurs de vin. À l’approche de la rencontre entre Nikita Khrouchtchev et le chanoine Kir, les autorités françaises redoutent un coup d’éclat du maire de Dijon. Ce dernier est farouchement hostile aux opérations militaires en Algérie et pourrait saisir l’occasion pour critiquer publiquement la politique gouvernementale. Une telle déclaration devant tous les représentants de la presse internationale serait largement amplifiée. Les autorités françaises redoutent surtout que Khrouchtchev ne prenne alors la parole.
53Ce sont les autorités ecclésiastiques qui manifestent leur hostilité sans ambages. Depuis plusieurs mois, le Vatican condamne vivement les dirigeants occidentaux qui nouent des liens avec Moscou. À la mi-mars, l’évêque de Dijon, Mgr Sembel, adresse trois lettres au chanoine Kir lui enjoignant de ne pas recevoir personnellement Nikita Khrouchtchev. Le chanoine Kir espère que le ministère des Affaires étrangères et le nonce parviennent à un accord. Par malchance, le siège du nonce est vacant. Jusqu’au 25 mars, soit trois jours avant l’arrivée de Khrouchtchev à Dijon, le chanoine Kir maintient sa position. Isolé, il finit par céder sous les pressions conjuguées de sa hiérarchie, des autorités françaises et de notables de la ville. Dans Le Bien Public, il signe un texte expliquant sa décision par l’interdiction que sa tutelle lui a signifiée :
« En raison de la défense qui m’en a été faite par son Excellence Monseigneur l’Évêque de Dijon, je ne recevrai pas M. Khrouchtchev. Une délégation de la municipalité tiendra les engagements que j’ai pris et accueillera Khrouchtchev le lundi 28 mars »66.
54Cette décision provoque l’embarras de l’Église de France et une vive réaction de la presse française qui s’indigne de l’immixtion du Vatican dans la politique intérieure et extérieure française. Le chanoine Kir est emmené par les Renseignements généraux en Haute-Marne pour la durée de la visite de Khrouchtchev à Dijon. Cinq adjoints au maire reçoivent ce dernier, qui ne passe pas sous silence l’absence du maire. Bien au contraire. Dans son discours, il cite une dizaine de fois le nom de maire et encourage le renforcement des liens entre Dijon et Stalingrad. Il est à noter que quelques semaines avant le voyage, le Comité central du PCUS avait donné son aval au jumelage67. Nikita Khrouchtchev conclut ainsi son intervention :
« (...) Le chanoine Kir n’est pas parmi nous physiquement, mais il est avec nous, avec moi, par la pensée. Je l’embrasse et le félicite des efforts qu’il déploie dans la lutte pour la paix et pour la grandeur de la France »68.
Symboliquement, il lui offre un tableau représentant la reconstruction de Stalingrad. Au cours du discours, Nikita Khrouchtchev n’avait pas omis de rappeler qu’il avait été membre du Conseil militaire du front de Stalingrad...
55Le PCF ne se prive pas d’exploiter l’incident et renvoie, dos à dos, le gouvernement français et le Vatican accusés, l’un comme l’autre, de contrecarrer le rapprochement ardemment souhaité par les peuples français et soviétique. Le PCF s’approprie le succès populaire du voyage de Khrouchtchev afin de démontrer qu’il existe dans la société française un fort mouvement partisan d’une alliance étroite avec l’Union soviétique. Il est très difficile de mesurer la participation communiste dans tous les rassemblements. Une chose est sûre : la mobilisation de l’appareil est complète. À quelques jours de l’arrivée de la délégation soviétique, des instructions sont données en ce sens :
« Dans nos explications, montrer tout ce qu’il y de positif en France pour préparer ce voyage. Faire connaître les manifestations d’amitié envers la France, qui se déroulent en URSS. Critiquer avec vigueur les fanatiques de la guerre froide et ceux qui sont les adversaires les plus acharnés de ce voyage, et montrer les responsabilités de De Gaulle et du gouvernement qui veulent enlever au voyage tout contenu populaire. Critiquer également les positions de Guy Mollet qui mène une campagne sournoise »69.
56Pendant la durée du voyage, le bureau politique accentue la mobilisation de ses troupes et décide d’accroître la diffusion « de toute la littérature exaltant l’amitié franco-soviétique »70. Après les étapes de province et l’incident de Dijon, le bureau politique dresse un premier bilan :
« – Apprécier le grand succès populaire que représente le voyage de Nikita Khrouchtchev à travers la France.
– Souligner le comportement positif de nombreuses personnalités, notamment de maires SFIO, ainsi que du chanoine Kir et de certains hauts fonctionnaires tels Mairey71, car il reflète l’état d’esprit des milieux qu’ils influencent ou avec lesquels ils sont en relation.
– Dénoncer avec force l’intervention brutale du Vatican dans les affaires françaises, et le fait que le gouvernement français n’a pas réagi.
– Les discours de Khrouchtchev ont eu la plus grande résonance, surtout en ce qui concerne le désarmement et la solution du problème allemand.
– Le voyage ouvre de nouvelles possibilités dans la lutte pour la paix et l’amitié franco-soviétique »72.
57L’analyse du PCF est la suivante : le voyage a provoqué un mouvement de fond dans la société française en faveur d’un réel rapprochement franco-soviétique. Il importe de l’exploiter sur le plan intérieur et de faire pression sur les autorités françaises pour qu’elles contribuent à la détente amorcée par Moscou :
« – Considérer comme très positif le communiqué et les deux textes annexes adoptés à la fin du séjour. Ils constituent la base pour continuer dans la voie de la détente internationale et l’amélioration des rapports franco-soviétiques.
– Après le voyage et les rencontres, qui ont porté un nouveau coup à l’anticommunisme et à l’antisoviétisme, des millions de Français envisagent d’une nouvelle façon les problèmes de la paix et les relations entre la France et l’URSS. Il existe des possibilités beaucoup plus grandes pour développer l’activité et le renforcement du Mouvement de la Paix et de l’Association France-URSS »73.
En France comme en Union soviétique, la presse couvre le voyage au jour le jour. La presse soviétique reproduit les discours prononcés par Nikita Khrouchtchev, décrit les visites sans omettre les détails folkloriques et insiste sur la mobilisation populaire. Elle souligne les multiples marques d’amitié, constate l’existence d’une communauté d’intérêt, mais regrette les agissements de comités de protestations, composés, d’après elle, d’anciens pétainistes.
58Que retenir de ce voyage ? Quelle importance lui accorder ? Sans nul doute, il donne un nouveau tempo aux relations franco-soviétiques en raison de la mobilisation sans précédent des différents acteurs et de la mobilisation populaire. Sur le plan diplomatique, c’est une victoire de De Gaulle et un triomphe de Khrouchtchev. Vingt-deux mois après son retour au pouvoir, quinze mois après la première crise de Berlin et deux mois avant la conférence au sommet, le général de Gaulle obtient la première visite en France d’un dirigeant soviétique. Incontestablement, la venue de Khrouchtchev qui, cinq mois plus tôt, était reçu en grande pompe aux États-Unis, renforce sa stature internationale et ouvre de nouvelles perspectives à sa politique étrangère. De plus, l’esprit de la politique de détente du général de Gaulle est exprimé dès mars-avril 1960 : il cherche à amorcer une détente qui devrait conduire à la coopération. Ce projet va se heurter aux événements dès le départ de Khrouchtchev, mais il démontre la capacité du général de Gaulle à ouvrir des perspectives.
59Pour Khrouchtchev, la question se pose différemment. Au début des années soixante, le Premier soviétique est moins en quête de reconnaissance internationale que d’audience occidentale. Nikita Khrouchtchev crée l’événement, attire les foules et, mine de rien, se livre pendant presque deux semaines à un intense travail de propagande. Détendu et souriant, il prône la détente par le désarmement. Il dédramatise les enjeux par son comportement tout en délivrant un message offensif : s’il change le style de la politique extérieure soviétique, il n’en change pas les objectifs. Sur le plan politique, le voyage de Khrouchtchev a de profondes répercussions dans la mesure où les efforts de contestation des minorités agissantes ont beaucoup moins de portée que les efforts de promotion du PCF. Le voyage témoigne de la capacité de mobilisation de celui-ci au-delà de ses propres rangs. Sur le coup, une partie du succès du voyage est mis au crédit des communistes français, qui croient y déceler un mouvement d’opinion en leur faveur. Il n’est pas impossible que ce voyage annonce, avec le recul, le début de la schizophrénie des communistes français concernant l’interprétation de la politique gaulliste, car il agit aussi comme un révélateur : ils n’ont pas ou ils n’ont plus le monopole des relations avec Moscou.
60Ce voyage ouvre deux séries de questions. La première porte sur l’image de Khrouchtchev et son utilisation. Il est certain que la télévision n’est pas étrangère au succès de Nikita Khrouchtchev, qui utilise très habilement son image. Les services de la Présidence ne s’y trompent pas puisqu’ils comptabilisent, avec précision, les temps de passage à l’antenne du Premier secrétaire74. Au profil sec et austère des apparatchiks, Khrouchtchev substitue une image joviale et conviviale. La télévision accentue ces traits de caractère. À titre d’exemple, l’émission-phare de la télévision française Cinq colonnes à la Une lui consacre une séquence le 8 avril 1960, qui « vient confirmer l’idée que Khrouchtchev rallie la sympathie des Français »75. Nul doute que le séjour de Khrouchtchev en France entraîne une augmentation de sa popularité en France. Il atteint pourtant le sommet de sa popularité au moment de son éviction (octobre 1964). À cette date, 69 % des personnes interrogées ont une bonne opinion de lui, 14 % une mauvaise opinion alors que 17 % ne se prononcent pas. 78 % des personnes interrogées le trouvent sympathique et 7 % antipathique.
61En dépit de ces chiffres, on peut se demander si Nikita Khrouchtchev ne connaît pas un état de grâce international fin 1959-début 1960. La répression hongroise et la crise de Suez commencent à s’effacer des mémoires. Le régime soviétique transforme très habilement ses réussites technologiques en instruments de propagande. À partir de la crise de Berlin, Nikita Khrouchtchev personnalise réellement le pouvoir soviétique. La construction de son image est plus complexe qu’il n’y paraît. Se superposent trois images qui lui permettent à ce moment précis de concentrer sur lui l’attention et d’apparaître comme l’homme du possible. Première image : celle du grand-père ancien combattant, qui se réfère, dès que possible, aux souffrances de la guerre. C’est le Khrouchtchev « plus jamais ça ». Deuxième image : celle du révolutionnaire improbable. Khrouchtchev change la rhétorique de la confrontation des blocs et fait croire qu’une entente est possible en dépit de la persistance de la compétition. C’est le Khrouchtchev coexistant pacifique. Troisième image : celle du réformateur possible. Ayant dénoncé les crimes de Staline, Nikita Khrouchtchev incarne l’espoir d’une réforme intérieure du régime soviétique76. Grâce à ces trois images superposées, l’une étant accentuée au gré des circonstances, l’URSS et, par conséquent le communisme international, semblent engagés sur la voie du changement.
62La seconde série de questions trouve son origine dans l’extrême attention accordée par les Soviétiques aux opérations de propagande : plan-media sophistiqué, allocutions ciblées, conférences de presse très organisées, conférences de presse très improvisées, déclaration télévisée... La diplomatie soviétique recourt à des méthodes modernes pour remplacer l’image d’une Union soviétique défensive et agressive par celle d’un Khrouchtchev offensif et ouvert à la discussion. Il convient, une fois encore, d’insister sur la plateforme que le PCF fournit aux Soviétiques en mettant à leur disposition son appareil, sa presse et tous ses canaux, ce qui démultiplie considérablement l’impact de leur propagande.
63Hypothèse d’école : la politique étrangère soviétique n’entraînerait-elle pas à sa suite les politiques étrangères des grandes puissances dans l’ère médiatique ? Si oui, Khrouchtchev est peut-être un précurseur en matière audiovisuelle. Autre hypothèse : « la réduction quasi officielle des relations internationales aux relations personnelles »77, qui caractérise l’ère médiatique des politiques étrangères, ne commencerait-elle pas au tournant des années soixante ? Elle subirait l’effet conjugué de couvertures télévisées de plus en plus présentes et d’un calendrier international qui ne banaliserait pas encore les tête-à-tête au sommet. Paradoxalement, au moment où le cercle des acteurs de relations internationales commence à s’élargir, la télévision se focalise sur les têtes d’affiche. Dans cette optique, il est fort probable que la télévision contribue à l’assimilation du chef d’État à son peuple et à une personnalisation des politiques étrangères.
Notes de bas de page
1 G. Plissonnier, Une vie pour lutter, op. cit., p. 162.
2 Entretien avec Maurice Couve de Murville, 31 mars 1995.
3 M. Debré, Gouverner, Mémoires ***, op. cit., p. 401.
4 J. Kayser, De Kronstadt à Khrouchtchev, Voyages franco-russes 1891-1960, Paris, Armand Colin, 1962, p. 223.
5 MAE, Europe, URSS (1944-1960), carton n° 269, télégramme de Maurice Dejean n° 163/64, 14 janvier 1960.
6 MAE, Europe, URSS (1944-1960), carton n° 270, déclaration de l’agence Tass, 14 février 1960.
7 MAE, Europe, URSS (1944-1960), carton n° 271, note émanant de la DGPE, 6 octobre 1959.
8 MAE, Europe, URSS (1944-1960), carton n° 268, télégramme de Maurice Dejean, 9 décembre 1959.
9 AN, Présidence de la République, carton n° 5 AGI 569, note manuscrite du général de Gaulle, 18 janvier 1960.
10 Entretien avec Youri Doubinine, 21 novembre 2000.
11 PCF, fonds Gaston Plissonnier, boîte n° 1, communication du bureau politique du PCF au PCUS, 26 février 1960.
12 FNSP, fonds Couve de Murville, carton CM 7, note sans référence de Maurice Dejean, 11 février 1960.
13 Ibid.
14 FNSP, fonds Couve de Murville, carton CM 7, note de la Présidence de la République, 15 février 1960.
15 Archives de l’Assemblée nationale, extrait d’une question de M. Rethoré au ministre des Affaires étrangères, commission des Affaires étrangères, procès-verbal du 26 novembre 1959, p. 61.
16 Ibid., extrait d’une question de Georges Bidault au ministre des Affaires étrangères, commission des Affaires étrangères, procès-verbal du 26 novembre 1959, p. 84-85.
17 AN, Présidence de la République, carton n° 5 AGI 569, lettre du maire de Vizille au Président de la République, 29 octobre 1959.
18 Archives de l’Assemblée nationale, extrait d’une question d’Arthur Conte au ministre des Affaires étrangères, commission des Affaires étrangères, procès-verbal du 26 novembre 1959, p. 88.
19 Ibid., extrait d’une réponse de Maurice Couve de Murville, commission des Affaires étrangères, procès-verbal du 26 novembre 1959, p. 103-104.
20 J.-É. Vié, Mémoires d’un directeur des renseignements généraux, op. cit., p. 168.
21 M. Winock, Le siècle des intellectuels, op. cit., p. 664.
22 Cité par A. Daisson-Verduron, Le voyage de Khrouchtchev en France et son rôle dans les relations franco-soviétiques à travers Le Monde et L’Humanité, Paris I, mémoire de maîtrise sous la direction d’Anthonin Smejdarek, 1971, p. 40.
23 Ibid.
24 PCF : réunion du secrétariat le 24 novembre 1959, SEC. GP. GV., 26 novembre 1959, n° 735.
25 PCF : réunion du secrétariat le 1er décembre 1959, SEC. GP. GV., 3 décembre 1959, n° 737.
26 PCF : réunion du secrétariat le 30 décembre 1959, SEC. GP. GV., 31 décembre 1959, n° 744.
27 PCF : réunion du bureau politique le 25 février 1960, SEC. GP. GV., 27 février 1960, n° 761.
28 PCF : réunion du bureau politique le 3 mars 1960, SEC. GP. GV., 7 mars 1960, n° 764.
29 MAE, Europe, URSS (1944-1960), carton n° 274, note de la DGPE, 8 décembre 1959.
30 Entretien avec Serge Leyrac, 16 septembre 1998.
31 Entretien avec Serge Monegard, 29 octobre 1998.
32 MID, Posol’stvo SSSR vo Francii, fonda n° 197, opis’ n° 41, papka n° 160, delo n° 13, 1959, lettre de P. Maury à Sergueï Vinogradov, 8 octobre 1959.
33 MID, Posol’stvo SSSR vo Francii, fonda n° 197, opis’ n° 41, papka n° 160, delo n° 21, 1959, lettre de J. Portier à l’ambassade d’URSS en France, 16 décembre 1959.
34 J. Chaban-Delmas, L’ardeur, Paris, Stock, 1975, p. 296.
35 Entretien avec Jacques Chaban-Delmas, 1er février 1998.
36 Entretien avec Jacques Chaban-Delmas, 25 septembre 1997.
37 J. Chaban-Delmas, L’ardeur, op. cit., p. 296-298.
38 J. Kayser, De Kronstadt à Khrouchtchev, op. cit., p. 220-221.
39 Khrouchtchev en France, op. cit., p. 28.
40 Ibid., p. 30.
41 MID, Posol’stvo SSSR vo Francii, fonda n° 197, opis’ n° 43, papka n° 165, delo n° 1, 1960.
42 Entretien avec A. Tarasievitch, 1er juin 2001.
43 Ibid.
44 RGANI, fonds n° 11, opis’ n° 1, delo n° 484, rolik n° 3864, plan de propagande du Sovetskovo Informbûro (A. Poryvaev), non daté.
45 Ibid., opis’ n° 1, delo n° 483, rolik n° 3864, spravka de G.M. Ratiani, non datée.
46 MAE (centre de Nantes), fonds de l’ambassade de France à Moscou, série B, carton n° 345, note pour l’ambassadeur au sujet des quatre articles de Michel Tatu, 12 mars 1960.
47 Entretien avec Michel Tatu, 12 avril 1999.
48 PCF : réunion du secrétariat le 1er mars 1960, SEC. GP. GV., 4 mars 1960, n° 762.
49 Khrouchtchev en France, op. cit., p. 33-34.
50 Ibid., p. 89-90.
51 Ibid., p. 92.
52 FNSP, fonds Wilfried Baumgartner, carton 3BA18, compte rendu de l’entretien entre Wilfried Baumgartner et Alexeï Kossyguine, 24 mars 1960.
53 Khrouchtchev en France, op. cit., p. 127, discours prononcé le 25 mars 1960.
54 Ibid., p. 128-129.
55 Entretien avec Jacques Chaban-Delmas, 1er février 1998.
56 Khrouchtchev en France, op. cit., p. 191-198.
57 Ibid., p. 212.
58 Ibid.
59 Ibid., p. 213.
60 MAE, Documents diplomatiques français, tome I (1er janvier-30 juin), Paris, Imprimerie nationale, 1995, p. 356-403.
61 Ibid., p. 362, entretien du 24 mars 1960.
62 Ibid., p. 358.
63 Khrouchtchev en France, op. cit., p. 288.
64 Ibid., p. 290.
65 Ibid., p. 310.
66 Cité par A. Daisson-Verduron, Le voyage de Khrouchtchev en France et son rôle dans les relations franco-soviétiques à travers Le Monde et L’Humanité, op. cit., p. 71.
67 RGANI, fonds n° 11, opis’ n° 1, delo n° 483, rolik n° 3864, décision du secrétariat du Comité central, 2 mars 1960.
68 Khrouchtchev en France, op. cit., p. 181, discours prononcé le 28 mars 1960.
69 PCF : réunion du bureau politique le 17 mars 1960, SEC. GP. GV., 19 mars 1960, n° 768.
70 PCF : réunion du bureau politique le 24 mars 1960, SEC. GP. GV., 28 mars 1960, n° 770.
71 Secrétaire général du ministère de l’Intérieur.
72 PCF : réunion du bureau politique le 31 mars 1960, SEC. GP. GV., 4 avril 1960, n° 772.
73 PCF : réunion du bureau politique le 7 avril 1960, SEC. GP. GV., 12 avril 1960, n° 774.
74 AN, Présidence de la République, carton 5 AGI 571, note du service d’information au directeur de cabinet, 1er avril 1960.
75 É. Delouvrier, L’image de l’URSS dans Cinq colonnes à la une (1959-1968), Paris I, mémoire de maîtrise sous la direction de Robert Frank et Marie-Pierre Rey, 1998, p. 72-74.
76 R. Frank, « Imaginaire politique et figures symboliques internationales : Castro, Hô, Mao et le « Che »», dans G. Dreyfus-Armand, R. Frank, M.-F. Lévy et M. Zancarini-Fournel, Les années 68, Le temps de la contestation, Bruxelles, Éditions Complexe/IHTP-CNRS, 2000, p. 34.
77 R. Debray, L’État séducteur, Paris, Gallimard, 1997, p. 181 (Folio-essais).
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