La politisation en Europe comme expérience coloniale
p. 261-275
Texte intégral
Hommage et admiration pour un ami.
1Des propositions que portent ces quelques pages, j’aurais aimé pouvoir débattre avec celui dont la mémoire nous rassemble aujourd’hui. François-Xavier Guerra a vécu dans un rapport à son propre temps qui ne faisait pas de lui un prisonnier des angoisses les plus contemporaines. Il ne cherchait pas dans des expériences passées les réponses à des questionnements quotidiens. Il ne transportait pas dans le Mexique du xixe siècle les embarras d’un présent qui toujours se dérobe.
2En revanche, je crois raisonnable de penser qu’il a toujours interrogé le monde transatlantique dans un souci d’intelligence cisatlantique. À travers ses recherches, il a amplement démontré qu’une part essentielle de ce qu’est notre environnement européen s’est jouée aux Amériques. Et qu’il s’y donne à voir. C’est à partir de cette assertion, sans doute discutable, mais dont toute l’œuvre de notre ami démontre la fécondité, que je souhaite orienter mon propos.
3Les hypothèses que je soumets dans ces pages se sont formées dans le contexte particulier d’un débat en cours, à l’École des hautes études en sciences sociales, sur la pertinence scientifique des découpages en « aires culturelles ». Une première étape, minimale si l’on souhaite que le dialogue intellectuel s’instaure, passe par l’attribution aux études sur l’Europe et ses composantes du statut de domaine « aire culturelle1 ».
Scandale dans la civilisation
4La sidération morale saisit celui qui médite sur les formes paroxystiques de la violence nazie. La brutalité absolue doit être interrogée dans le faisceau des processus historiques qui se nouent en elle. Rien ne serait plus regrettable que d’étendre à l’examen des violences nazies la convention d’indicibilité qui protège le témoignage ou la description de l’expérience concentrationnaire et les génocides2. La douleur qui rejoue depuis 1945 à l’occasion de toutes les crises internationales est quelque chose qu’on pourrait appeler, par convention, la culpabilité européenne.
5La région qui a répandu à travers la totalité des terres connues une version universalisante de la notion de civilisation3, qui produisit simultanément la théorie de la relativité culturelle tout en affirmant la supériorité de celui qui la formule, qui construisit les outils pour l’examen de la diversité en affirmant la prééminence d’un canon esthétique occidental de Goethe à Harold Bloom, la région d’où part le vaste phénomène de sécularisation de la vie sociale et qui répandit ses missionnaires sous tous les cieux, bref la région qui s’est installée comme institutrice du monde produisit le crime le plus radical qui eût jamais été commis contre des hommes. Restent la sidération et le souvenir.
6Nombreux sont aujourd’hui les historiens qui attirent notre attention sur la nécessité de réintégrer au discours de l’histoire la part de la violence, voire, pour reprendre le titre d’un récent numéro de la Revue internationale des sciences sociales, la part de la violence extrême. Stéphane Audoin-Rouzeau évoque dans ce numéro la répugnance des historiens à prendre en charge ce qui semble à peine tolérable dans l’histoire récente ou plus ancienne, en cherchant des exemples jusque dans les travaux des préhistoriens4. Il s’interroge sur les raisons pour lesquelles la violence au combat est exclue du champ d’observation et livre une première piste :
Les réticences face au dévoilement de la violence de combat au sein des sociétés occidentales, seraient-elles donc liées à ce que la violence extrême est exercée en quelque sorte par et s’applique à nous-mêmes, que nous sommes ainsi, quoique indirectement, nous-mêmes en cause ?
7En conclusion d’un récent colloque consacré à la violence de guerre, Jean-Jacques Becker construit la balance entre la « grandeur » des réalisations en Europe (qu’il qualifie de « progrès matériels et moraux ») et les violences et horreurs dont est faite l’histoire des hommes.
C’est peut-être même le trait le plus étonnant de l’histoire des hommes que d’avoir, au cours des siècles, mélangé incessamment horreurs et progrès matériels et moraux. N’est-ce pas cela qui a eu tendance à rejeter à l’arrière-plan, voire effacer, la place de la violence dans l’histoire ? Pour ne prendre que quelques exemples, la grandeur de Rome n’a-t-elle pas effacé l’extermination jusqu’au dernier des Cimbres par les soldats de Marius ? La grandeur de la Renaissance n’a-t-elle pas effacé les guerres de religion qui, dans tant de pays, en France peut-être plus qu’ailleurs, ont provoqué d’épouvantables massacres ? La grandeur de Louis XIV n’a-t-elle pas effacé le ravage du Palatinat ? La grandeur de la Révolution et de l’Empire n’a-t-elle pas effacé la guerre généralisée à toute l’Europe ? Des exemples de ce genre pourraient être multipliés. Pour la plupart d’entre eux, même quand on les évoque – et il serait abusif de dire qu’on n’en parle pas –, il est rare, malgré tout, que la violence ne soit pas, sinon légitimée, du moins affadie pour de « bonnes raisons »5.
8Le problème semble posé, ce qui est un bien, mais de façon peut-être trop imprécise. Car le syntagme « progrès matériels et moraux » embrasse trop large. Le point à élucider, en termes philosophiques, c’est de savoir si le progrès et l’horreur ont partie liée. Question d’autant plus pertinente que le maximum dans le crime semble réalisé au cœur d’une société industrielle avancée, traversée par la révolution scientifique, ébranlée par les avancées de la sécularisation, éclairée par l’affirmation d’avant-gardes littéraires et artistiques. De même que la Terreur paraît constitutive non seulement de 93 mais aussi de 896 ; de même que les révolutions anglaises ne s’entendent pas sans le cortège des cruelties qui ont frappé les populations7.
9Le point à élucider, en termes historiques, c’est de savoir quels caractères originaux adoptent progrès et violences, dans telle ou telle région du monde, à telle ou telle époque. Et puisque c’est sur l’histoire des Européens que je souhaite réfléchir, il vaut la peine d’expliciter de quels « progrès matériels et moraux » l’espace européen semble pouvoir se prévaloir. Nous pouvons les décliner en quatre dimensions qui ne sont véritablement compréhensibles qu’en relation les unes avec les autres : a) la constitution de la souveraineté de l’État, dans le mouvement de la sécularisation ; b) l’affirmation de l’universalité d’un droit dont le sujet est l’individu ; c) l’organisation de marchés adossés à une idéologie de la liberté contractuelle ; d) le dépassement des modes d’appartenance traditionnels, communautaires ou ecclésiastiques, par la promotion de la nation politique.
10Car si par « progrès matériels et moraux » on entend la chapelle Sixtine, L’éthique de Spinoza, La passion selon Saint Mathieu de Bach, ou Les Fleurs du mal de Baudelaire, nous risquons bien de demeurer bouche bée face au spectacle insoutenable de la juxtaposition du sublime et de l’abomination. En revanche, si nous caractérisons l’évolution de l’expérience européenne comme un processus de politisation – qui se veut à la fois progrès de la civilité et mobilisation collective – et comme une histoire des violences extrêmes, alors les connexions et les interactions deviennent pensables. Il ne s’agit pas de saisir l’impact des violences sur des mécanismes de politisation engagés en quelque sorte par ailleurs. En fait, l’interrogation porte sur la place et les fonctions de la force dans l’engagement, et la réussite des processus qui sont interprétés comme les étapes de la formation de la société politique.
11Rien dans le questionnaire a priori ne doit reproduire une hiérarchie implicite ou impensée qui placerait l’usage de la force en position seconde par rapport à l’invention des formes politiques. Pour reprendre la célèbre formule de Weber, dans la périphrase « monopole de l’usage légitime de la force », l’établissement de la légitimité peut être entendu en deux sens contraires. La légitimité peut bien relever du triomphe idéologique du point de vue de l’État. Mais elle peut aussi bien être le fruit du monopole de l’usage de la force par un corps social ou une institution au détriment d’autres acteurs ou formations sociales.
Violence et persécution comme processus politiques
12Il est donc question de placer les formes de violence au cœur même du processus de politisation, c’est-à-dire de la formation des autorités politiques. La sélection qu’évoquait Jean-Jacques Becker est à l’œuvre y compris dans la lecture que nous faisons des classiques de la philosophie politique. La question pourrait être posée ainsi : faut-il, dans la tradition de la pensée libérale, admettre que la création de l’autorité politique souveraine est une réponse à l’état naturel de guerre8 ? Ne peut-on pas, tout autant, penser que la formation des institutions procède par la diffusion de la terreur entre les acteurs sociaux ?
13On doit à Louis Sala-Molins d’avoir entrepris, avec une rare fermeté intellectuelle, l’inventaire de l’infamie au cœur de la civilité. Ses éditions du Manuel des inquisiteurs et des Codes noirs constituent deux moments déterminants de notre vie intellectuelle9. On n’aurait guère de peine à faire jouer la démarche exégétique de Sala-Molins avec l’archéologie des modes d’assujettissement conduite par Michel Foucault. D’un point de vue stratégique, mieux vaut se saisir des outils que nous livrent les œuvres de ces deux philosophes, plutôt que de nous aventurer sans armes sur le terrain de l’histoire du processus de civilisation, alors même que la critique postcoloniale guette.
14Comme le fait David Niremberg, on peut souligner qu’une certaine historiographie a su mettre en valeur la place de la répression et de la persécution dans la formation politique de l’Occident10. Tel est le cas de Robert I. Moore, dans son essai sur la persécution comme mécanisme de formation des systèmes politiques médiévaux11. En dialogue avec les travaux de Norman Cohn, Moore dresse l’inventaire des modalités de la persécution :
Ces formes de persécution et les processus apparentés représentent des attaques portées contre des lieux spécifiques du pouvoir communal ; attaques qui trouvent leur généralisation dans les campagnes de répression morale par lesquelles si souvent les régimes nouvellement instaurés établissent leur légitimité, proclament leur adhésion aux valeurs traditionnelles, discréditent leurs ennemis et consolident leur emprise sur les instruments du pouvoir [...].
Bien évidemment, ce n’est pas un hasard si les rois et les papes cités le plus fréquemment dans ces pages sont ceux qui se sont le plus fermement identifiés avec une innovation vigoureuse et imaginative dans les arts du gouvernement (op. cit., p. 163).
15Il s’agit donc, sur un mode antiapologétique, d’établir un lien fort entre l’innovation politique et la mise en œuvre de procédures répressives animées par le désir d’éradication de l’altérité spirituelle. Ainsi la recherche sur les méthodes de la persécution participe-t-elle de cette histoire des procédures, y compris minuscules voire décentralisées, que Michel Foucault, sur un autre registre, appelait de ses vœux. L’enquête qu’il proposait partait de cette question centrale : « Comment a-t-on perçu la guerre au filigrane de la paix12 ? » Il s’agissait de reconstituer la généalogie d’une autre histoire de l’Occident. Une histoire qui, s’écartant du récit finaliste de l’émergence de la souveraineté étatique comme stade avancé de l’organisation sociale, interprète les manifestations de pouvoir et l’affirmation de l’autorité comme le résultat d’une lutte au corps à corps des hommes les uns contre les autres. Dans ce registre, la persécution comme registre de la politisation occidentale n’est plus pensée comme scorie ou dérapage lamentable d’un mouvement qui, par ailleurs, invente la monarchie souveraine et dans son sillage l’État national. L’action persécutrice est lue comme le laboratoire dans lequel sont formulées, peut-être même improvisées, les finalités de la politisation.
Il ne fait également aucun doute que la persécution elle-même a servi à écarter les menaces réelles ou imaginaires que représentaient ceux dont l’importance véritable et le pouvoir potentiel ne se reflétaient ni dans leur condition ni dans leur statut. Mais la persécution a eu aussi une fonction plus positive. Elle a développé et stimulé les revendications et les techniques du gouvernement dans l’Église et dans l’État, aussi bien que la cohésion et la confiance en eux de ceux qui l’exerçaient. Tels furent les soubassements obscurs de la renaissance du xiie siècle et, en tant que tels, inséparables de l’ensemble de sa structure (op. cit., p. 168-169).
[...] La persécution a commencé par être une arme dans la compétition pour le pouvoir politique, puis les vainqueurs l’ont transformée en un instrument de consolidation de leur pouvoir sur l’ensemble de la société (op. cit., p. 177).
16Moore, partant de présupposés assez classiques sur le caractère structurant des conflits sociaux, repère la manipulation des procédures de stigmatisation et persécution à la lumière de contextes précisément reconstruits, qui écartent sa démarche d’une sorte de prosopopée de la persécution, donnée comme invariant anthropologique.
Que nous choisissions de mettre en évidence ses aspects idéalistes en parlant de la « remise en ordre de la vie chrétienne » ou de la « renaissance du xiie siècle », ou que nous préférions insister sur le fait qu’elle a affirmé et défini la hiérarchie sociale et accru le pouvoir gouvernemental, en évoquant l’« âge de la chevalerie », le « renouveau de la monarchie » et la « révolution amenée par le xiie siècle dans l’art de gouverner », c’est dans une grande mesure affaire de goût ; [...] l’argument du présent livre est que, quelle que soit la façon dont on décrit cette extraordinaire extension du pouvoir et de l’influence des lettrés, le développement de la persécution sous toutes ses formes y participe et qu’il est donc inséparable des grands progrès auxquels elle est associée. Ces progrès auraient-ils pu se produire sans elle ? C’est une tout autre question, et une question à laquelle [...] il n’est pas demandé aux historiens de répondre (op. cit., p. 184-185).
17Chez Niremberg également, on trouve une critique du point de vue structural ou morphologique. Il n’admet pas le schéma téléologique et généalogique qui tire une droite entre les pogroms médiévaux et le génocide. Contre l’histoire victimaire et essentialiste à la Benzion Nethanyau et contre les illusions de la convivencia à la Américo Castro, il décrit des processus qui ne relèvent ni de l’histoire culturelle de la tolérance ni de la théologie de l’holocauste. L’expérience historique de la persécution et de la coexistence, selon des proportions et des combinaisons infiniment variables, offre un modèle théorique particulièrement fécond pour comprendre les processus de politisation. Mais à la condition d’accorder toute leur place à l’expérimentation et à la contextualisation.
18Dans l’historiographie la plus générale, le récit historiographique sur l’Europe s’est trouvé placé sous la direction de la théodicée de la constitution des États13. L’histoire institutionnelle postule que le succès des États s’explique essentiellement en vertu du principe selon lequel il est plus rationnel de disposer d’un État plutôt que pas. Dans ce cas, les groupes sociaux sont décrits dans leur rapport à l’institution étatique comme des bénéficiaires plus ou moins passifs d’un ordre en construction, c’est-à-dire construit par d’autres, d’en haut. Cette vision téléologique de la formation des entités souveraines a été fermement critiquée à travers la mise en évidence de la pluralité des sources d’autorité et par conséquent du jeu des transactions à travers lequel les acteurs sociaux, individuels et collectifs, négocient leur mode d’adhésion aux institutions détentrices du pouvoir14. Il existe donc une critique de la genèse de la souveraineté étatique qui consiste à restituer le caractère contractuel d’un rapport d’autorité donné pour unilatéral. Cependant, cette révision théorique demeure incomplète. En effet, et sans que ceci invalide les avancées sur la contractualité, on doit encore regretter la faible place qu’occupent la contrainte pure, la violence et le déchaînement de la force dans l’explication de la politisation des sociétés.
19Sans doute de nombreux historiens modernistes ont-ils aperçu l’existence de liens forts entre le poids croissant de la guerre comme phénomène social et le renforcement des institutions politiques, notamment fiscales15. Sans doute s’est-on justement intéressé à la « réponse des faibles », à la capacité des dominés à opposer une résistance, le plus souvent non frontale, aux exigences des puissants16. Mais c’est encore à un autre niveau que la question mérite d’être posée. Il convient d’englober la réflexion sur la violence dans une problématique générale de la mise en discipline des hommes, y compris à travers des mécanismes de terreur, et d’articuler cette approche à la question de la genèse des formes politiques modernes.
La barbarie d’ici et la sauvagerie de là-bas
20Nous nous accordons, en principe, à vouloir lutter contre l’ethnocentrisme de nos représentations spontanées et de nos héritages savants. Ethnocentrisme plutôt qu’eurocentrisme, dans la mesure où dans les Amériques la cécité de l’homme blanc est d’abord le fait des sociétés créoles, aujourd’hui encore engluées dans un rapport colonial à leur propre environnement social, plus encore que des autorités métropolitaines. Les relations salariales dans les grands pays émergents prolongent aujourd’hui le rapport colonial, mais désormais à l’intérieur de l’espace de la souveraineté nationale, c’est-à-dire entre concitoyens. Dans ces conditions, la véhémence des récriminations contre le regard des historiens occidentaux, tenu pour obstinément colonial, a quelque chose de dérisoire. Surtout lorsque cette dénonciation est orchestrée depuis les campus d’universités occidentales17.
21Le débat ne peut se limiter à l’évaluation du degré de cruauté ou de cécité des Européens dans le mouvement séculaire d’expansion, ni du volume de la spoliation économique, culturelle, politique, voire démographique subie par les contrées cibles de l’expansion. Sur certains dossiers, telle l’histoire de l’esclavage, il semblerait même que la situation tende à se renverser. Il est plus facile aujourd’hui de réunir des chercheurs pour évoquer les horreurs du commerce des humains dans les colonies occidentales chrétiennes que d’obtenir une confrontation raisonnée avec des historiens capables de parler de l’économie esclavagiste africaine ou de la place de la main-d’œuvre servile dans le monde musulman. Ce terrain n’est pas celui que je souhaite emprunter.
22La proposition qui peut être formulée est la suivante. Plutôt que d’observer uniquement les vices de l’ethnocentrisme au point de contact entre Occidentaux et non-Occidentaux, essayons d’en décrire les effets dans le regard que les Occidentaux portent sur eux-mêmes. Il s’agit de se défaire d’un paradigme colonial qui se pose comme la matrice des relations établies entre Européens et non-Européens. Car un tel essentialisme demeure, en principe, contraire à la démarche critique et contextuelle de l’enquête historique. Alors l’accent ne doit plus porter sur la désignation essentialiste de la région colonisatrice (l’Europe) et des régions colonisées (le reste du monde), mais sur les processus à l’œuvre dans l’action coloniale. À partir de ce point, rien n’interdit de penser l’Europe aussi comme une cible de cette action. On l’aura compris, le rejet de l’idéologie postcoloniale ne se traduit pas par une justification de la colonisation, moins encore par son euphémisation, mais par sa délocalisation contextuelle.
23Les lecteurs de Hannah Arendt savent bien que la panoplie qui donne accès à une intelligence du phénomène totalitaire au xxe siècle et des crimes de masse qui lui sont attachés comprend la bannière de l’expérience impériale, c’est-à-dire coloniale18. Réinvention d’une certaine forme de servilité à travers le travail forcé, camps de concentration où moururent tant de Boers, mise en œuvre de l’apartheid ou de la citoyenneté incomplète, déploiement sans quartier de la violence militaire contre des vies humaines évaluées à un prix dérisoire, administration pseudoscientifique des populations selon des assignations ethniques d’identité : toutes ces expériences contribuent à la « brutalisation » des hommes peut-être autant que la tragédie de la guerre des tranchées19.
24Le détour colonial paraît d’autant plus pertinent que certaines des expériences coloniales anciennes, notamment la liquidation des populations indigènes d’Amérique du Nord ou la « destruction des Indes », selon l’expression célèbre de Bartolomé de Las Casas, apparaissent comme les préfigurations des formes radicales d’extirpation des années 194020. Qu’il s’agisse des pratiques de la discrimination et du refus social du métissage dans les colonies anglo-saxones protestantes, ou des idéologies ibériques et catholiques de la pureté de sang, l’histoire du racisme plonge ses racines dans l’expérience coloniale21.
25L’histoire de la conflictualité intra-européenne offre un ensemble de terrains d’analyse d’une richesse particulièrement féconde. Un examen un peu attentif des textes de la fin du xvie siècle, y compris ceux qui consignent des jugements de valeur sévères sur les sociétés « découvertes », montre qu’il était alors fréquent d’établir un parallèle entre la sauvagerie des populations subjuguées outre-mer et la brutalité des Européens, en particulier dans le contexte des guerres de religion22. Ce simple rappel peut nous mettre en garde contre la tentation d’indexer la dénonciation de l’étrangeté ou de l’hostilité en relation proportionnelle à l’éloignement géographique. L’identification de la barbarie peut être opérée au plus loin comme au plus près.
26Sur le siècle qui va de 1850 à 1950, on peut émettre l’hypothèse que les formes de domination et de stigmatisation exercées avec méthode dans les espaces coloniaux expliquent une part des atrocités administrées en Europe. Sur une temporalité plus longue, on est en droit de se demander si les pratiques saisies en situation coloniale ne sont pas aussi autant de transpositions de processus à l’œuvre en Europe. Il s’agit donc de vérifier dans quelle mesure les comportements coloniaux se sont déployés, en Europe, du fait d’Européens dans leurs rapports à d’autres Européens.
27Le thème de l’opposition entre civilisation et barbarie, qui organise très largement l’imaginaire de la colonisation, se trouve dès lors en quelque sorte délocalisé. Il est de fait mobilisé pour rendre compte de situations au plus proche, ce qui au demeurant n’est pas surprenant dans la mesure où la probabilité d’avoir à affronter des voisins, même à lage des grandes traversées, demeure massive. Soit deux exemples à peu près contemporains : Giovanni Botero et Michel de Montaigne. Dans le premier cas, nous voyons quelle carte du monde dresse le penseur jésuite. Trois univers se côtoient et s’affrontent : l’Église catholique, les nations qui ont abandonné la communion catholique et leurs périphéries païennes, le Nouveau Monde entre innocence et satanisme.
Ces événements, et d’autres du même type ont incité certains à tenir ces populations de Gentils non seulement pour barbares et sauvages ; mais aussi pour incapables de culture et de discipline. Mais il n’est absolument pas justifié de condamner toute une nation, en raison des exagérations suggérées par un imposteur et un méchant homme [...] N’avons-nous pas vu en notre temps les Allemands, les Français, les Flamands et les Anglais, toutes nations nobles et très honorées, détruire des églises, assassiner des prêtres, mépriser les sacrements, poussés à cela par la méchanceté de Calvin, de Luther, [...] et autres ministres d’impiété et d’apostasie23 ?
Et vous les luthériens d’Allemagne, n’êtes-vous pas voisins de la Laponie [Lappia], de la Prusse Orientale [Biarma] et autres Provinces proches plongées dans l’idolâtrie ? Et vous les hérétiques d’Angleterre, d’Islande et du Groenland ? Et vous les calvinistes de La Rochelle et autres lieux de France avec les pêcheurs de morue et la France que vous appelez Antarctique, pourquoi n’essayez-vous pas d’y introduire l’Évangile dont vous faites profession, quel qu’il soit, et le nom du Christ ? pourquoi vous acharnez-vous à molester la prédication des catholiques du Pérou, de la Nouvelle Espagne, du Brésil, de l’Inde [...]24 ?
28Dans le second cas, Montaigne dans le livre I (« Des cannibales ») et dans le livre III (« Des Coches ») des Essais met en balance la sauvagerie d’ici et celle des natifs américains en concluant que la plus féroce se trouve encore au plus près. Il commente ainsi la dégradation manifeste des arts de la guerre et la brutalisation des pratiques de coercition dans le contexte des guerres de religion25. En même temps, on ne manquera pas de remarquer que le sujet auquel se réfèrent les extraits de l’essai « Des coches » est un « nous » collectif qui englobe l’auteur dans une identité avec les conquérants espagnols et portugais dont il critique les modes d’action.
Nostre monde vient d’en trouver un autre [...]
Bien crains-je que nous aurons bien fort hasté sa declinaison et sa ruyne par nostre contagion, et que nous luy aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts […] La plus part de leurs responces et des negotiations faictes avec eux tesmoignent qu’ils ne nous devoyent rien en clarté d’esprit naturelle et de pertinence. [...] Quant à la hardiesse et courage, quant à la fermeté, constance, resolution contre les douleurs et la faim et la mort, je ne craindrois pas d’opposer les exemples que je trouverois parmy eux aux plus fameux exemples anciens que nous ayons aus memoires de nostre monde par deçà. [...] Combien il eust esté aisé de faire son profit d’ames si neuves, si affamées d’apprentissage, ayant pour la plupart de si beaux commencements naturels ! Au rebours, nous nous sommes servis de leur ignorance et inexpérience à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice et vers toute sorte d’inhumanité et de cruauté, à l’exemple et patron de nos mœurs. Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’espée, et la plus riche et belle partie du monde bouleversé pour la negotiation des perles et du poivre ! [...]
Quant à la pompe et magnificence, par où je suis entré en ce propos, ny Graece, ny Romme, ny Ægypte ne peut, soit en utilité, ou difficulté, ou noblesse, comparer aucun de ses ouvrages au chemin qui se voit au Peru, dressé par les Roys du pays, depuis la ville de Quito jusques à celle de Cusco (il y a trois cens lieuës), droit, uny, large de vingt-cinq pas, pavé [.. J26.
29Ce texte, bien connu, témoigne aussi de la générosité possible d’un regard occidental chrétien sur les mondes extérieurs. À côté du caractère extraordinairement violent des conquêtes d’outre-mer, les pratiques de transaction et de métissage ont été à l’œuvre dans plusieurs régions du monde entre Européens et natifs. Après tout, les découvreurs ou les commentateurs, à l’instar de Montaigne, ont aussi su admirer les sociétés qui se livraient à leur regard et même les penser comme des modèles pour un monde bien policé27. Dans ce cas, l’inversion de l’accusation de barbarie devient compréhensible pour le lecteur. Les horreurs de la guerre civile, de Montluc en Agrippa, plus tard de Grimmelshausen en Jacques Callot, des paysans allemands dans le regard de Luther aux Camisards dans celui de Louis XIV : la hideur de l’inhumanité trouve ses figures européennes et chrétiennes. Les horreurs décrites par Las Casas permettent aussi de lire les formes de la violence en Europe.
Et qu’il soit ainsi, ayant apperçu que les Portuguois, qui s’estoient ralliez à leurs adversaires, usoient d’une autre sorte de mort contre eux, quand ils les prenoient, qui estait de les enterrer jusques à la ceinture, et tirer au demeurant du corps force coups de traict, et les pendre après […]. Je ne suis pas marry que nous remerquons l’horreur barbaresque qu’il y a en une telle action, mais ouy bien dequoy, jugeans bien de leurs fautes, nous soyons si aveugles aux nostres. Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à deschirer par tourmens et par geénes un corps encore plein de sentiment, le faire rostir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux (comme nous l’avons non selement leu, mais veu de frèsche memoire, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et, qui pis est, sous pretexte de piété et de religion), que de le rostir et manger après qu’il est trespassé28.
30Le témoignage frémissant de Montaigne inaugure une sensibilité qui n’a pas cessé d’être la nôtre et nous demeure contemporaine. Peu de temps après, dans un autre contexte, Francis Bacon écrit une lettre à Robert Devereux, comte d’Essex, pour le convaincre que la charge de gouverneur d’Irlande qui vient de lui être confiée peut devenir pour lui une source d’honneurs. Son correspondant redoutait l’enlisement peu glorieux dans une guerre d’escarmouche avec des bandes de paysans sans noblesse. Il fallait donc convaincre le jeune comte que faire la guerre aux Irlandais rebelles pouvait rapporter de profonds bénéfices en termes de réputation pour un aristocrate anglais, à une époque où les terrains de bataille plus lointains, notamment aux Provinces unies contre les tercios espagnols, sont réputés bien plus honorables. L’argument de Bacon consiste à montrer que les habitants de l’île sont tenus pour des Indiens, par analogie avec les barbares que conquirent les Romains.
Il n’existe guère d’exemple qui puisse l’égaler sous le rapport de la bonté et de la justice ; il ne s’agit pas d’une guerre d’ambition contre des étrangers, mais le recouvrement de sujets [...] ; et une récupération pas seulement vers l’humanité et la civilité, de plus loin que la barbarie des Indiens [...].
Et si un homme est d’avis que la nature de l’ennemi diminue l’honneur de la charge s’agissant de rebelles et de sauvages, je différerais sur ce point. Les justes triomphes que les Romains ont obtenus dans leur grandeur, et dont les empereurs ont ajouté à leurs titres et dont ils se sont parés, ils les ont tirés sur des ennemis du même type ; c’est-à-dire des peuples barbares et non rendus à la civilité, exaltant un genre de liberté sans loi, prodigues en vies, endurcis en leurs corps, fortifiés dans les bois et les marais, et plaçant la justice ainsi que leur bonheur dans le tranchant de leurs épées. Tels étaient les Germains et les anciens Bretons et bien d’autres encore. Sur ce genre de peuple, que la victoire fût une conquête ou bien une reconquête après une rébellion ou une révolte, cela ne changeait rien sous le rapport de l’honneur. D’ailleurs ce n’est pas la guerre de prédation et d’enrichissement qui confère les plus grands honneurs [...]. En fait ce type de peuple peut rapporter un plus haut point d’honneur, sous le rapport de la vérité et de la substance, que toute guerre conduite contre un ennemi civil, si l’aboutissement peut être pacique imponere morem, en replantant et en réformant la police de cette nation, dont on ne recherche qu’à assurer un gouvernement juste et civil29.
31L’argument de Bacon puise dans des traditions textuelles qui remontent au xiiie siècle, au moins, avec les célèbres traités de Guillaume de Cambrai sur les Irlandais, considérés comme des êtres exclus de la civilisation30. Avec la reprise des entreprises de contrôle de l’île d’Irlande sous Henri VIII et surtout Elisabeth et Jacques Ier, avec une tonalité désormais dominée par la dimension religieuse du conflit, l’assignation de barbarie à l’adversaire devient un argument central. L’expérience américaine est là pour mettre en cohérence cet imaginaire politique. On ne peut, ici, résister au plaisir de citer, une fois encore, la célèbre formule commentée par Arthur Williamson : We have Indians at home – Indians in Cornwall, Indians in Walles, Indians in Ireland […] (1652)31.
Pour conclure : propositions programmatiques
32La découverte de la barbarie au cœur ou à proximité de la civilité nous apparaît ainsi comme une expérience majeure de l’histoire occidentale et comme une clef d’intelligence du processus de politisation. L’enquête historique doit alors saisir dans un même mouvement l’imputation de barbarie à soi-même, au voisin immédiat, à l’habitant des lointaines contrées « découvertes ». Elle ne saurait, à moins de perdre son objet, dissocier la nomenclature des discours et images produits en Occident sur l’opposition barbarie/ civilisation et les pratiques de stigmatisation et de réduction de l’altérité qui ont été mises en œuvre32. Mais nous devons demeurer sensibles au dépassement de l’opposition binaire, dans des systèmes de représentation plus complexes. De l’innocence adamique à la sauvagerie fauve, de l’abomination hérétique au retard sur le chemin de la civilité, d’une barbarie sensible à la pédagogie chrétienne à une barbarie obstinée voire relapse, de la laideur contagieuse à la laideur résiduelle, du vice émollient pour celui qui le combat au vice abattu : les registres se fractionnent et s’enrichissent. Ils ne se recoupent pas nécessairement et offrent une combinatoire dont l’enquête sociohistorique doit pouvoir rendre compte. Cette complexité même abolit la division entre histoire de l’Europe et histoire des mondes coloniaux.
33Nous devons également nous garder contre la tentation qui consiste à juxtaposer une histoire sociale de la violence et une histoire politique de la discussion et de la recherche du consensus. C’est pourquoi les phénomènes de contrainte et de brutalisation collectives relèvent autant de l’histoire politique que les objets réputés plus nobles comme l’invention de la représentation – à partir des outils de la tutelle –, ou encore l’invention de la Majesté – dans la généalogie de la souveraineté contemporaine.
34Il vaut la peine de citer, ici, les mots par lesquels Foucault résume sa démarche sur l’histoire politique de l’émergence du sujet politique :
Pour mener l’analyse concrète des rapports de pouvoir, il faut abandonner le modèle juridique de la souveraineté. Celui-ci, en effet, présuppose l’individu comme sujet de droits naturels ou de pouvoirs primitifs ; il se donne pour objectif de rendre compte de la genèse idéale de l’État ; enfin, il fait de la loi la manifestation fondamentale du pouvoir. [...] Plutôt que de demander à des sujets idéaux ce qu’ils ont pu céder d’eux-mêmes ou de leurs pouvoirs pour se laisser assujettir, il faut chercher comment les relations d’assujettissement peuvent fabriquer des sujets. [...] Plutôt que d’accorder un privilège à la loi comme manifestation du pouvoir, il vaut mieux essayer de repérer les différentes techniques de contrainte qu’il met en œuvre (op. cit., art. cité).
35Cela ne signifie pas, à l’évidence, une confusion pure et simple des deux domaines, histoire politique et histoire sociale. Les relations de travail et de domination dans l’espace domestique ne participent qu’indirectement de la mise en œuvre d’un ordre institutionnel ; la division des fonctions administratives et judiciaires dans les organes de gouvernement des monarchies d’Ancien Régime ne s’expliquent qu’indirectement par les clivages sociaux et statutaires de la société.
36Les outils méthodologiques que nous empruntons à l’histoire sociale et à l’histoire politique demeurent indispensables pour ne pas laisser filer l’enquête dans le registre de la contemplation culturaliste. Il ne suffit pas, en effet, à la façon de certains historiens dits des mentalités, de repérer les occurrences et les emplois des notions de civilisation et de barbarie pour reconstruire les mécanismes qui associent la stigmatisation socioculturelle et religieuse avec la politisation et avec l’institutionnalisation des sociétés de l’Europe occidentale.
37Le travail de l’historien, ici, doit résister à la tentation des explications simples. Les discriminants culturels ne sont pas de simples instruments maîtrisés par les stratèges de la politique. Ni vecteur dominant d’une métahistoire rendue ainsi intelligible (voir la thématique de l’affrontement des civilisations) ; ni simple dispositif de manipulation des individus agencés par des esprits tout entiers à comprendre du côté de l’insincérité et du cynisme.
38Dans cette démarche à tâtons, un chemin vaut la peine d’être emprunté. Il consiste à rabattre les enseignements de l’expérience coloniale sur les processus de politisation à l’œuvre dans les espaces métropolitains. L’expérience historiographique peut être tentée. Gageons qu’elle aura, à tout le moins, des effets innovants sur la répartition des attributions héritées par les historiens de l’Europe et par ceux des terres lointaines.
Notes de bas de page
1 Ce texte se trouve en dette amicale et intellectuelle à l’égard de François Hartog et Francis Zimmermann. Je remercie Alain Mahé et Hamit Bozarslan pour leur lecture attentive et critique.
2 Régine Robin, La mémoire saturée, Paris, Stock, 2003.
3 Jean Starobinski, Le remède dans le mal : critique et légitimation de l’artifice à l’âge des Lumières, Paris, Gallimard, 1989.
4 Stéphane Audoin-Rouzeau, « Violences extrêmes de combat et refus de voir », Revue internationale des sciences sociales, 174, déc. 2002, p. 543-549.
5 Jean-Jacques Becker, « Retour sur la comparaison et réflexion sur les héritages », dans Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, Christian Ingrao, Henry Rousso (éd.), La violence de guerre, 1914-1945, Bruxelles, Complexe-IHTP-CNRS, 2002, p. 330.
6 Patrice Guéniffey, La politique de la Terreur : essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794, Paris, Fayard, 2000.
7 Barbara Donagan, « Codes and Conduct in the English Civil War », Past & Present, 118, 1988, p. 65-95.
8 Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme [1987], Hachette Littératures, 1997.
9 Nicolau Eymerich, Francisco Peña, Le manuel des inquisiteurs, Louis Sala-Molins (éd. et trad.), Paris, Albin Michel, 2001 ; Louis Sala-Molins, Le code noir ou le calvaire de Canaan, Paris, Presses universitaires de France, 2002 ; Louis Sala-Molins, L’Afrique aux Amériques : le Code noir espagnol, Paris, Presses universitaires de France, 1992.
10 David Niremberg, Communities of Violence. Persecution of Minorities in the Middle Ages, Princeton, Princeton University Press, 1996.
11 The Formation of a Persecuting Society. Power and Déviance in Western Europe 950-1250, Oxford, Oxford University Press, 1987 ; traduit en français sous le titre significatif L « persécution. Sa formation en Europe, xe-xiiie siècles, Paris, Les Belles Lettres, 1991, 10/18, 1997.
12 Michel Foucault, « Il faut défendre la société », Dits et écrits, Daniel Defert, François Ewald (éd.), vol. III, Paris, Gallimard, 1994, p. 124-130.
13 Karl Lövith, Histoire et salut. Les présupposés théologiques de la philosophie de l’histoire [1949], Paris, Gallimard, 2003.
14 Antonio Manuel Hespanha, Cultura jurídica europea : síntesis de un milenio, Madrid, Tecnos, 2002.
15 Charles Tilly, Contrainte et capital dans la formation de l’Europe 990-1990, Paris, Aubier, 1992 ; Jan Glete, War and the State in Early Modem Europe. Spain, Dutch Republic and Sweden as Fiscal-Military States, 1500-1660, Londres et New York, Routledge, 2002.
16 James C. Scott, Weapons of the Weak : Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press, 1985.
17 Le modèle de cette mauvaise foi se trouve sans doute dans le recueil d’articles de Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe : Post-Modern Thought and Historical Difference, Princeton-Oxford, Princeton University Press, 2001. Pour en saisir les enjeux, voir Jacques Pouchepadass, « Les Subaltern Studies, ou la critique postcoloniale de la modernité », L’Homme, 156, 2000, p. 161-185.
18 Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Pierre Bouretz (éd.), Paris, Gallimard, 2002.
19 George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme : la brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette Littératures, 1999 ; Jay Winter, « De l’histoire intellectuelle à l’histoire culturelle : la contribution de George L. Mosse », Annales HSS, 2001-1, p. 177-181, et Stéphane Audoin-Rouzeau, « George L. Mosse : réflexion sur une méconnaissance française », ibid., p. 183-186.
20 Bartolomé Clavero, Genocidio y justicia. La destrucción de Las Indias ayer y hoy, Madrid, Marcial Pons, 2002.
21 Paul Mc Ginnis, Arthur H. Williamson, « Britain, race, and the Iberian world empire », dans Allan I. Macinnes, Jane Ohlmeyer, The Stuart Kingdoms in the Seventeenth Century. Awkward Neighbours, Dublin, Four Courts Press, 2002, p. 70-93.
22 Andrea Daher, Les singularités de la France équinoxiale. Histoire de la mission des pères capucins au Brésil (1612-1615), Paris, Honoré Champion, 2002 ; Laura de Mello e Souza, « Por fora do império. Giovanni Botero e o Brasil », Inferno atlântico. Demonologia e colonização séculos XVI-XVIII, São Paulo, Companhia das Letras, 1993, p. 58-88 ; Franck Lestringant, Le huguenot et le sauvage, Paris, Aux Amateurs de Livres, 1990.
23 Giovanni Botero, Relazioni Universali, IV, Venise, 1596, p. 73.
24 Ibid., p. 76.
25 Geoffrey Parker, « The Etiquette of Atrocity », dans Empire, War and Faith in Early Modem Europe, Londres, Allen Lane Penguin Press, 2002, p. 144-168.
26 Michel de Montaigne, Essais, livre III, chap. 6 « Des coches », Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1989, p. 886-894.
27 Pascale Girard, Les religieux occidentaux en Chine à l’époque moderne. Essai d’analyse textuelle comparée, Paris, Centre culturel Calouste-Gulbenkian, 2000.
28 Michel de Montaigne, Essais, livre I, chap. 31 « Des cannibales », Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1989, p. 207-208.
29 The Letters and Life of Francis Bacon, James Spedding (éd.), Londres, 1861-1877, vol. II, p. 129-133.
30 John Brannigan, « “A Particular Vice of that People” : Giraldus Cambrensis and the discourse of English colonialism », Irish Studies Review, 6-2,1998, p. 121-130.
31 Arthur H. Williamson, « Scots, Indians and Empire : the Scottish Politics of Civilization 1519-1609 », Past & Present, 150, 1996, p. 46-83.
32 François Hartog, Mémoire d’Ulysse. Récits sur la frontière en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1996.
Auteur
École des hautes études en sciences sociales
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