Chapitre 5. Au pays de la grande antinomie
p. 143-177
Texte intégral
Des tranchées aux amphithéâtres : naissance d’un intellectuel démocrate
1Ce 21 mars 1918 à 4 heures 40 du matin, à l’Ouest, il y a du nouveau : une violente préparation d’artillerie, orchestrée avec une précision quasi mathématique par le meilleur spécialiste allemand en la matière, le lieutenant-colonel Bruchmüller, marque le début d’une ambitieuse opération allemande, d’Arras à la Fère, de la Scarpe à l’Oise. 6 608 canons tirent 3,2 millions d’obus en cette première journée de l’opération Michael. Sur un front de 70 kilomètres, 90 divisions ont été concentrées pour porter un coup décisif. Elles sont appuyées par 3 534 mortiers lourds et 1070 avions. La veille, les hommes de la première vague d’assaut ont pris position. Parmi eux, Wilhelm Röpke, 18 ans, jeune cadet qui vient d’être élevé au grade de sous-officier et se prépare à subir le baptême du feu. Issu d’une lignée de médecins ruraux de la lande de Lunebourg, le jeune homme a rejoint l’armée en septembre 1917, après un semestre passé à l’université, à Göttingen. Le 17 janvier 1918, il a intégré la seconde compagnie du 73e régiment de fusiliers, le régiment « Prinz Albrecht » basé à Hanovre en temps de paix, qui a subi de lourdes pertes lors de la bataille de Cambrai à la fin de l’année précédente et se trouve au repos à Estrées, au sud de Douai. Dans les semaines qui précèdent le 21 mars, cette unité, comme bien d’autres, se prépare aux rudes combats qui s’annoncent. Elle a reçu les meilleurs équipements. Le maniement des mitrailleuses légères type 08/15, les tactiques d’assaut des nids de mitrailleuses, la coordination entre l’infanterie et l’artillerie sont inlassablement travaillés. La 111e division, à laquelle appartient le 73e régiment, fait partie des divisions de rupture (Einbruchdivision). Elle s’est entraînée sur un terrain retraçant fidèlement les obstacles que les attaquants auront à surmonter lors de l’offensive.
2Dans les jours qui précèdent le jour J, la marche vers le front se fait dans un décor dantesque de chevaux morts, de villages ravagés et de mosaïques de cratères. Wilhelm Röpke est conscient de n’être qu’un minuscule rouage dans un gigantesque dispositif qui meut des masses d’hommes et de matériel. Le 73e régiment est déployé à une bonne vingtaine de kilomètres à l’ouest de Cambrai, sur la portion de front qui va d’Écoust-Saint-Mein à Noreuil, ligne qu’il s’agira de percer. Sur une largeur d’à peine 1500 mètres, 4 à 5 divisions et 200 canons ont pris position. Dans cette nuit du 20 au 21 mars, que Wilhelm Röpke « n’oubliera jamais », les soldats se terrent comme ils le peuvent à proximité de leur position de départ. On leur distribue eau minérale et chocolat. La nuit s’annonce courte. Elle est perturbée par l’artillerie britannique. Un coup au but décime un groupe de la 3e compagnie déployé près de Wilhelm Röpke, tuant l’un de ses meilleurs camarades. Mais le jeune cadet est convaincu qu’il ne va pas mourir, qu’il ne va pas accabler ses parents, sous le choc après la disparition de son frère Conrad sur le front italien quelques mois plus tôt. Au matin, un peu avant 10 heures, le lieutenant Kius donne le signal. Les soldats progressent en collant au feu roulant de l’artillerie qui se déplace vers l’ennemi, dont la première ligne est rapidement conquise. Wilhelm Röpke et ses camarades font leurs premiers prisonniers, des Britanniques hébétés, à peine conscients d’avoir survécu aux obus, au gaz et aux assaillants. Nombre de leurs camarades moins chanceux composent de véritables champs de cadavres.
3En gagnant les hauteurs d’Écoust-Saint-Mein, Wilhelm Röpke se retourne et contemple stupéfait l’impressionnant spectacle qui s’offre à lui : les vagues d’assaut allemandes s’étalent en ordre de progression presque à l’infini. Son moral en est rehaussé : « Notre confiance dans le succès était devenue inébranlable. » Après avoir remplacé son fusil à la détente cassée, après avoir subi le tir trop court de sa propre artillerie, Wilhelm Röpke fait partie du groupe qui, sous la direction du lieutenant Kius, conquiert une batterie britannique. Il se fait photographier à côté d’un canon. Lui et ses camarades se rassasient de la nourriture trouvée en abondance, du « pain blanc comme de la neige », du lait condensé et du cake, des conserves de légumes, de viande et de poisson, du thé et du sucre, également des cigarettes et des cigares. Les Allemands sont bien plus mal nourris que leurs adversaires. Au début de l’après-midi, un certain découragement gagne. Les Britanniques sont solidement retranchés dans Vraucourt, un peu plus à l’ouest, l’artillerie allemande se met de nouveau à tirer trop court, les avions alliés attaquent en rase-mottes alors que les avions allemands se signalent par leur discrétion. Le groupe décide d’abandonner la batterie et de se replier sur la route Écoust-Saint-Mein-Vraucourt, où il retrouve le reste du régiment.
4Le lendemain matin, lorsque le froid brouillard qui ankylose les muscles se dissipe, des oiseaux de mauvaise augure occupent le ciel, annonciateurs d’un féroce bombardement d’artillerie qui s’abat sur des hommes terrorisés par le fracas des explosions et le sifflement des éclats. La suite de la journée est synonyme de combats très durs pour Wilhelm Röpke et ses camarades, les Britanniques offrant une résistance acharnée. 30 à 40 aéroplanes à la croix noire apportent toutefois leur soutien. Ce n’est qu’en fin d’après-midi, vers 17 heures, que l’ennemi cède, au moment où Wilhelm Röpke est touché d’une balle à l’épaule. Il perd alors le contact avec le lieutenant Kius, qui vient de faire un pansement au lieutenant Ernst Jünger, de la 7e compagnie. Le futur auteur des Orages d’acier a lui aussi été blessé1. Pour Wilhelm Röpke, c’est la fin des combats. Il gagne l’arrière tant bien que mal. Les cris effroyables des blessés, qui se plaignent du froid, de la soif et appellent désespérément à l’aide, résonnent dans le brouillard. À la tête d’un petit groupe de blessés allemands et de prisonniers anglais, sous les obus et les bombes, Wilhelm Röpke finit par rejoindre, le 23 mars au matin, un hôpital de campagne installé dans une belle villa de Quéant. Les blessés s’entassent dans le jardin, un lieutenant amputé des deux jambes sort à peine de la salle d’opération. Le tout jeune sous-officier s’endort aussitôt. Le lendemain, il est envoyé à Aix-la-Chapelle, puis gagne un hôpital militaire à Lünen an der Lippe. Son expérience de combattant est terminée. Le jeune homme décoré de la croix de fer seconde classe ne retournera pas au front jusqu’à la fin de la guerre. En cinq jours de combat, jusqu’au 26 mars, le 73e régiment de fusiliers a été l’une des unités les plus touchées, perdant plus du tiers de ses effectifs, tués, blessés ou disparus2.
5Cette brève évocation à hauteur des tranchées et des barbelés ne vise pas seulement à saluer le réel sens du récit manifesté par le jeune blessé qui, dès le 26 mars, couche sur le papier ses impressions de combat3. La guerre a déjà eu pour effet de libérer une passion pour l’écriture qui ne devait plus le quitter. Le texte nous renseigne sur son état d’esprit. À peine sorti de l’adolescence, le futur économiste communie, comme bien d’autres jeunes d’origine bourgeoise, dans les fameuses « idées de 1914 » développées par des intellectuels comme Werner Sombart, Thomas Mann ou Johann Plenge4. En janvier 1917, lors de l’épreuve d’allemand du baccalauréat (Reifeprüfung), il a disserté sur la liberté, opposant l’« impérialisme britannique », vu comme une conception erronée de la liberté, à la « liberté allemande », c’est-à-dire la « vraie liberté » du don de soi et du sacrifice de l’individu pour le tout5. Le jeune homme qui se prépare au combat dans la nuit du 20 au 21 mars 1918 se dit, gonflé à bloc : « Quelques heures seulement nous séparaient du moment où des myriades de canons [...] allaient cracher leur terrifiant torrent de feu, où la Furor teutonicus, longtemps retenue, allait se répandre dans une juste colère sur l’ennemi héréditaire. » Il perçoit l’affrontement qui se prépare comme le « combat final » entre les pensées allemande et anglo-saxonne.
6Mais ce journal n’est pas que fièvre nationaliste et excitation du combat. Il propose une analyse du rapport de force. L’armistice à l’Est a libéré des forces considérables, les victoires autrichiennes ont anéanti tout risque du côté italien, l’aide américaine n’est pas encore effective, la situation économique est désormais plus supportable, tandis qu’elle se dégrade en Grande-Bretagne « grâce à l’action de nos U-Boote ». L’offensive à l’Ouest s’imposait logiquement. Avec le recul, on peut bien sûr souligner les limites de ce bilan. La situation alimentaire reste difficile en Allemagne. La stratégie annexionniste a imposé le maintien de forces considérables sur le front oriental. L’Allemagne ne produit pas suffisamment d’avions et de tanks. Six fois moins motorisée que les armées alliées, l’armée impériale manque cruellement de chevaux, ce qui réduit encore sa mobilité. Les offensives lancées par le général Luddendorf au printemps de 1918, l’opération Michael n’étant que la première d’entre elles, se soldent par un échec, à bien des égards prévisible tant le pari était risqué et les chances de percée faibles. Les pertes sont considérables, avec 300 000 hommes hors de combat en trois mois et les meilleures unités décimées. À la fin de l’été, l’Allemagne a perdu toute capacité d’initiative. Mais Wilhelm Röpke n’en restitue pas moins une certaine réalité. En mars 1918, le moral allemand s’est un peu amélioré par rapport au début de l’année, encore marqué par de nombreuses grèves. Il ne faut pas exagérer la disproportion des forces sur le terrain. L’opération Michael n’est pas l’offensive des Ardennes et mérite son nom de « grande bataille de France » (Die groβe Schlacht in Frankreich). L’avancée initiale est sans équivalent depuis la guerre de mouvement en 1914. Pour les Britanniques, le choc a été terrible. 38 000 hommes sont perdus lors de la première journée des combats. Pendant plusieurs semaines, l’inquiétude alliée est profonde. Il y a donc eu du côté allemand une réelle croyance en la victoire, une séquence de remobilisation des énergies. Le récit de Wilhelm Röpke traduit une certaine culture de guerre.
7À la fin mars 1920, presque deux ans jour pour jour après son baptême du feu, l’ancien sous-officier se prépare de nouveau au combat. Certes, entre-temps, il a repris le chemin de l’université. Après un deuxième séjour à Göttingen, il gagne Tübingen pour un semestre, avant de s’installer plus durablement à Marbourg à l’automne 1919. Mais au début de l’année suivante, les étudiants de cette charmante cité au bord de la Lahn sont en proie à l’agitation la plus extrême et passionnément à l’écoute des graves événements qui se déroulent à Berlin. Le 13 mars 1920, des putschistes emmenés par le haut fonctionnaire Wolfgang Kapp ont pris le contrôle de la capitale, bénéficiant du soutien de la brigade Ehrhardt et de la tolérance de la Reichswehr. Le gouvernement s’est réfugié à Dresde. Trois jours plus tard, à Marbourg, des étudiants nationalistes diffusent un tract soutenant l’action subversive et élaborent un plan pour prendre le contrôle de la ville. Leur initiative n’a rien d’isolé. Leurs camarades de Berlin, Greifswald et Königsberg ont pris eux aussi position en faveur des putschistes. Mais le coup d’État, piteux, échoue en quelques jours, victime de ses faiblesses intrinsèques et de la grève générale lancée par les syndicats. L’aventure kappiste a toutefois induit en retour des troubles à l’extrême gauche. Dans la Ruhr, des milices ouvrières constituent une « armée rouge », dont les éléments les plus radicaux se préparent à en découdre avec les militaires et les corps francs. Dans le camp antirépublicain et antimarxiste, la mobilisation reste donc maximale. Les étudiants de Marbourg répondent massivement à l’appel lancé par la Reichswehr le 19 mars 1920 : le corps étudiant de Marbourg (Studentenkorps), le StuKoMa, une unité de volontaires étudiants constituée virtuellement quelques mois auparavant, est invité à se rassembler pour porter assistance à la patrie « dans le plus grand danger ». Il doit rétablir l’ordre en Thuringe, qui serait ravagée par des « bandes armées », autrement dit réprimer des troubles révolutionnaires6.
8Au sein du StuKoMa, la haine de classe est palpable. Dès le 16 mars, son chef, l’ancien officier de marine Bogislav von Selchow, a appelé à « secouer le joug marxiste ». « Ces ouvriers ne sont pas des Allemands ! » s’exclame le 20 mars un étudiant à propos des responsables de l’agitation en Thuringe. Trois jours plus tard, des officiels, notamment le recteur de l’université, haranguent les étudiants-soldats à l’entraînement. Le lendemain, c’est le départ vers la Thuringe, avec force pompe et fanfares. L’ambiance fait penser à août 1914 ou du moins à l’image que l’on s’en fait, avec son mélange de bonne humeur, d’exaltation patriotique et d’uniformes qui sentent le neuf7. Wilhelm Röpke est du voyage. Est-il devenu l’un de ces nombreux étudiants nationalistes rétifs à la république et tenaillés par l’antimarxisme ? Absolument pas. Au sein du StuKoMa, il appartient à la Volkskompanie. Cette « compagnie du peuple » bien particulière rassemble des volontaires étudiants et ouvriers considérés avec suspicion par le reste du StuKoMa, car de conviction clairement républicaine. La Reichswehr n’a accepté de les armer qu’avec réticence. S’ils sont prêts à affronter une menace révolutionnaire, ces jeunes gens sont plus préoccupés encore par le danger que représentent nationalistes et corps francs pour le nouveau régime. Dans le train qui les conduit en Thuringe, leur wagon arbore un drapeau noir-rouge-or, les couleurs de la République. Le parcours de Wilhelm Röpke au lendemain de la guerre témoigne de sa déradicalisation. L’imprégnation par la culture de guerre n’a pas débouché dans son cas sur une dérive extrémiste. À trop souligner la « brutalisation » qu’aurait induite la guerre totale, on finit pas perdre de vue que le conflit mondial a produit son lot conséquent de pacifistes, de socialistes et de républicains, que son principal effet a été la chute de l’Empire et l’avènement de la démocratie.
9À Marbourg, les étudiants républicains sont peu nombreux, mais actifs8. Dans une atmosphère très politisée, les jeunes démocrates forment un point de rassemblement, mieux, un milieu de socialisation. L’apprenti économiste y noue des relations fortes, devenant très proche de Gustav Heinemann (1899- 1976), futur président de la RFA de 1969 à 1974. Parmi ses amis, il y a également Karl Theodor Bleek (1898-1969), maire de Marbourg après la Seconde Guerre mondiale et directeur de l’office de la présidence fédérale (Bundespräsidialamt) sous Theodor Heuss de 1957 à 1961. Ainsi qu’Ernst Lemmer (1898-1970), à plusieurs reprises député du Reichstag sous les couleurs du DDP et figure importante de la CDU après 1945. Le groupe est suffisamment soudé pour se lancer au début de 1920 dans la rédaction d’un journal satirique, Die Marburger Stadtbrille, dont les deux exemplaires, combinant recherche du canular et satire de la société marbourgeoise, suscitent un certain émoi. Les facétieux rédacteurs vont jusqu’à écrire à Alfred Hugenberg, alors en train de constituer son empire de presse, pour lui proposer de racheter leur journal9.
10Au-delà des camarades les plus proches, Wilhelm Röpke est en contact amical avec le socialiste Viktor Agartz (1897-1964), qui dirigea l’administration économique de la bizone en 1947 avant de défendre une ligne clairement à gauche au sein du mouvement social-démocrate et syndical ouest-allemand. Les limites du dialogue sont atteintes avec Wilhelm Gülich, député social-démocrate après 1945, mais campant durant sa période estudiantine sur des positions conservatrices et nationalistes qui l’ont conduit au DNVP. Car la cohésion du groupe auquel appartient Wilhelm Röpke réside dans sa détermination républicaine. Bien au-delà de Marbourg, Ernst Lemmer devient le symbole de la mobilisation contre les manifestations antirépublicaines dans des universités largement dominées par les étudiants et les professeurs nostalgiques de l’ancien régime. En juillet 1919, lors du congrès fondateur du DDP, Ernst Lemmer a ainsi dénoncé les propos diffamatoires tenus contre Friedrich Ebert et Matthias Erzberger par Ludwig Traeger, professeur de droit de Marbourg. Lorsqu’on apprend au mois de novembre qui suit que des sanctions disciplinaires ont été prises non pas contre Ludwig Traeger, mais contre Ernst Lemmer, c’est un tollé du côté démocrate et socialiste. Le ministre de l’Éducation de Prusse intervient pour faire casser cette décision. Dans leur combat, les étudiants démocrates peuvent aussi compter sur le soutien des quelques professeurs républicains, le théologien Martin Rade, l’historien de la Réforme Heinrich Hermelink ou le juriste Walter Schücking.
11Par l’intermédiaire de ce dernier, membre démocrate du Reichstag et pacifiste internationalement reconnu, Ernst Lemmer rencontre durant l’hiver 1919/1920 le ministre de la Défense, Gustav Noske. Il veut l’informer des agissements de certaines corporations étudiantes de Marbourg, qui stockent des armes dans leurs maisons. En février 1920, dans la Hessische Landeszeitung de sensibilité démocrate, Wilhelm Röpke s’en prend lui aussi aux corporations, tout particulièrement aux plus exclusives d’entre elles, celles qui portent les couleurs (farbentragend). Il dénonce leur « caractère antisocial », les présente comme des lieux où l’on se retrouve entre soi loin des masses émergentes, où l’on cultive l’« esprit de classe » dans sa « forme la plus pure », où l’on entreprend, par le biais de l’antisémitisme, le combat contre la démocratie, suspectée de menacer les prérogatives élitaires de jeunes gens persuadés d’être naturellement destinés à commander. Wilhelm Röpke incrimine également l’« esprit militariste », synonyme de glorification de la « force brute » au fondement des traditions corporatistes, en premier lieu le duel, avant d’en appeler à une mutation radicale des mentalités10. Cette charge reflète l’expérience au quotidien des étudiants, professeurs et hommes politiques républicains confrontés à l’hostilité des étudiants corporés. En novembre 1919, le social-démocrate marbourgeois Martin Olpe a ainsi été défié au sabre par un membre de la corporation Hasso-Nassova. Dans un nouvel article publié le jour même du putsch Kapp, Wilhelm Röpke met un peu d’eau dans son vin à la suite des critiques dont il a été l’objet. Mais il voit dans les relations entre l’étudiant corporé et la « communauté du peuple », c’est-à-dire entre les corporations et le nouvel ordre républicain, une « question brûlante11 ».
12Par son évocation du « nouvel esprit de la communauté du peuple », ce rejet des corporations renvoie également à un état d’esprit caractéristique du fort militantisme étudiant qui caractérise l’époque. Au sortir du conflit, des comités étudiants (AStA) ont fait leur apparition dans les universités. Du 17 au 19 juillet 1919, à Würzburg, la fondation d’une organisation faîtière, la Deutsche Studentenschaft, concrétise l’aspiration à l’unité qui couvait depuis plusieurs décennies. Une série de congrès, notamment celui de Göttingen en juillet 1920, témoignent de la réalité de cette mobilisation étudiante, dont l’existence est institutionnalisée par l’État en septembre 1920. Les graves problèmes de logement et d’alimentation entretiennent la dynamique unitaire. Les AStA mettent sur pied des structures d’aide qui légitiment la Deutsche Studentenschaft comme représentation de l’ensemble des étudiants en dépit des clivages qui perdurent entre membres des corporations et étudiants plus progressistes. Si la direction du mouvement est plutôt modérée, la tendance est à la radicalisation droitière. Dans une organisation conçue à l’échelle grande-allemande, les représentants autrichiens se distinguent par un antisémitisme particulièrement fanatique. Certes, à Würzburg, la Deutsche Studentenschaft a déclaré se « placer sur le terrain des nouvelles réalités ». Mais lors du putsch Kapp, elle se fait remarquer par un silence révélateur des tensions en son sein.
13Reste que la Studentenschaft est portée par un certain nombre de représentations fédératrices. Il y a notamment l’idée que les étudiants forment une communauté (Gemeinschaft) porteuse d’une réflexion sur la mission de l’université, mais aussi sur l’engagement des étudiants pour la culture afin d’œuvrer à la régénération nationale. La Studentenschaft se veut communauté éducative (Erziehungsgemeinschaft), aspire à une éducation politique (politische Bildung) délivrant une information sans biais idéologique sur des questions essentielles. Il s’agit de promouvoir une « éducation citoyenne » (staatsbürgerliche Erziehung). En 1920, la Studentenschaft, développant une idée ébauchée lors du congrès fondateur de Würzburg, en appelle à la création d’instituts pour l’éducation citoyenne. Elle se réclame d’un mémoire sur la question rédigé par le comité central de l’éducation citoyenne de l’université de Marbourg. Le professeur de théologie Karl Bornhausen (1882-1940), un protestant libéral qui évoluera vers le nationalisme et le christianisme allemand, y esquisse les principes devant commander ces nouvelles structures aux contours passablement nébuleux. Wilhelm Röpke précise la philosophie de la démarche. La jeunesse académique doit donner l’exemple dans un contexte nouveau, doit devenir le « guide du peuple ». Dotée de « sens de la responsabilité », éduquée à la citoyenneté par une formation empruntant à la philosophie, à la sociologie ou à l’économie, elle contribuera à « purifier la vie politique ». Les nouveaux hommes politiques, juges, prêtres, médecins ou enseignants issus de l’éducation citoyenne, formeront une élite « capable de favoriser la guérison de notre peuple12 ». Élément central de la sociologie röpkienne, la réflexion sur les élites mobilise déjà le jeune étudiant en économie.
14L’éducation citoyenne est toutefois moins consensuelle qu’il n’y paraît au premier abord. Les étudiants les plus nationalistes s’en détournent rapidement, lui opposant le mot d’ordre d’une éducation civique du peuple (volksbürgerliche Erziehung) à la tonalité plus völkisch, dont les intellectuels néoconservateurs Martin Spahn et Wilhelm Stapel se font les promoteurs13. Il est vrai que Wilhelm Röpke affiche sa modération politique en plaidant pour un sentiment national qui ne soit pas chauvin, en réclamant une « politisation pleine de mesure des étudiants », en se plaçant sur le terrain du nouvel ordre démocratique : « Nous vivons dans un État du peuple (Volksstaat), déterminant nous-mêmes la route suivie par le vaisseau étatique grâce à des pilotes élus librement, non pas comme des sujets, mais comme des citoyens14. » L’éducation citoyenne est d’abord une aspiration de ce milieu libéral qui veut jouer un rôle dans la nouvelle Allemagne. À Berlin, la Haute École pour la politique (Deutsche Hochschule für Politik), fondée en octobre 1920 à l’initiative de nombreux intellectuels de sensibilité démocrate et dirigée par Ernst Jäckh, obéit à des préoccupations voisines. Elle est la continuation de l’École des citoyens (Staatsbürgerschule) mise sur pied par Friedrich Naumann en mai 1918. Une minorité d’étudiants et de professeurs s’efforcent ainsi de transcrire dans la réalité l’idéal républicain. Mais en cette difficile année 1920, ils sont soumis à de rudes épreuves, à commencer par le putsch Kapp du mois de mars.
15À Marbourg, le 16 mars 1920, ils manifestent pour défendre la République, aux côtés d’ouvriers qui les considèrent avec curiosité. Le comité directeur de la grève générale met un train à la disposition d’une délégation dirigée par les professeurs Martin Rade et Heinrich Hermelink, comprenant les étudiants Ernst Lemmer, Gustav Heinemann et Wilhelm Röpke. Les voyageurs se rendent à Cassel pour convaincre les autorités militaires de surseoir à la mobilisation du StuKoMa15. C’est un échec, et les étudiants démocrates se retrouvent donc sous l’uniforme, mais regroupés dans la Volkskompame. En Thuringe, ils comprennent vite que l’ampleur de l’agitation a été exagérée. Ils ne livrent d’ailleurs aucun combat. Au total, l’expérience ne manque pas d’un certain romantisme. Dans la nuit du 29 au 30 mars, Gustav Heinemann et Wilhelm Röpke montent la garde au clair de lune dans la tour du château de la Wartburg16. Mais le moral de ces soldats-citoyens a été assombri par la nouvelle des exactions perpétrées quelques jours plus tôt par des étudiants du StuKoMa. À Mechterstädt, le 25 mars, des éléments du 1er bataillon ont abattu quinze prisonniers, des ouvriers arrêtés pour résistance armée à la Reichswehr. La tuerie a été camouflée en réaction à une tentative de fuite. Ernst Lemmer se rend à Berlin pour informer les milieux politiques. Le député démocrate Ludwig Haas peut alors dénoncer les événements qui acquièrent une visibilité nationale. Lors du retour à Marbourg, la tension entre la Volkskompame et les étudiants antirépublicains manque de dégénérer en un affrontement. Par la suite, Marbourg reste au cœur de l’actualité, avec le procès des responsables de Mechterstädt. Leur acquittement est une illustration parmi d’autres de l’indulgence de la justice pour les nationalistes et les extrémistes de droite.
16Sur le jeune Röpke, les années étudiantes ont donc laissé une forte empreinte. Nourri des désillusions d’une guerre perdue, son engagement a été consolidé par la violence des antagonismes idéologiques qui commandaient des positionnements tranchés sur les questions essentielles. Le rejet du nationalisme devient l’un de ses principes cardinaux. Certes, Wilhelm Röpke exprime son indignation lorsqu’il juge son pays victime de l’arbitraire. En février 1923, dans la Wirtschaftliche Selbstverwaltung, la revue du Gewerkschaftsring deutscher Arbeiter, Angestellten- und Beamtenverbände, le nouveau syndicat libéral de gauche dont Ernst Lemmer assure la rédaction, il présente la crise de la Ruhr comme un combat entre l’« idée du droit » et la « barbarie de la violence ». L’alternative ne serait rien moins que la survie ou l’« anéantissement politique et économique de l’une des nations les plus grandes et les plus industrieuses17 ». Dans une lettre à Gustav Heinemann, son confident, il juge l’attitude des Français si « barbare » qu’il ne voit pas quel chemin pourrait conduire à la négociation18. À la fin juin 1923, il dénonce les « bestialités des Français19 ». Mais son analyse est en fait très distanciée. Le jeune docteur en économie juge que les préoccupations sécuritaires françaises, aussi absurdes soient-elles, doivent être prises en compte. Les choses auraient été différentes si les puissances anglo-saxonnes avaient accordé à la France un traité de garantie. La négociation est la seule sortie de crise possible. Wilhelm Röpke se dit même « défaitiste décidé20 » et critique sévèrement le gouvernement Cuno21. De manière plus générale, il condamne la droite nationaliste et l’extrême droite, dénonçant en avril 1924 la « rage nationale-allemande et völkisch », appelant à ne pas perdre de vue un « esprit étouffant fait de fausseté, de vanité, d’inculture et de brutalité », jugé typiquement allemand et dont l’incarnation serait l’étudiant corporé22.
17C’est donc un Wilhelm Röpke vacciné contre le nationalisme qui voyage à l’étranger. À la fin septembre 1924, le voilà qui déambule dans les rues de Londres. Devant le monument dédié à Edith Cavell, cette infirmière fusillée en Belgique par les Allemands en 1915 pour avoir fait évader des prisonniers britanniques et devenue depuis lors une icône, il avoue un certain malaise, mais souligne l’incapacité allemande à tirer les leçons des critiques adressées par l’étranger, aussi hypocrites soient-elles. Il médite sur la propagande mise en œuvre dans les sociétés en guerre, en Allemagne comme en Grande-Bretagne. S’il est soucieux de défendre son pays et de rejeter l’accusation de culpabilité portée à son encontre, les « vociférations des conservateurs en Allemagne » ne rendent pas la tâche facile23. Au milieu des années 1920, le jeune économiste de Marbourg n’a plus grand-chose à voir avec le jeune soldat qui, en mars 1918, célébrait la « liberté allemande » et la « furor teutonicus ». « En tant que démocrate pacifiste », il se réjouit en mai 1924 de voir que dans son séminaire, plus de la moité des participants sont des étrangers, d’abord des Russes et des ressortissants des pays limitrophes, mais également des Grecs, des Géorgiens, des Arméniens et même un Chinois24. L’encartement de Wilhelm Röpke au DDP jusqu’en 1930, le parti libéral de gauche fondateur du régime weimarien aux côtés du Zentrum et du SPD, traduit un réel engagement républicain25.
Penser l’économie par temps d’incertitude paradigmatique
18Une fois installé à Marbourg, l’étudiant Röpke, ayant penché un temps pour le droit, se décide finalement pour l’économie. Le paysage conceptuel dans lequel il prend ses marques apparaît confus. La pensée économique allemande se trouve dans un moment de transition paradigmatique, de remise en cause, de recherche de nouveaux horizons dont il est délicat de cerner les contours26. Sans doute l’École historique est-elle plongée dans une crise profonde. Elle a longtemps conféré à la pensée économique allemande une coloration spécifique, après s’être affirmée dans les années 1870, supplantant les idées libérales, déclinées dans une version particulièrement manchesterienne par l’École de libre-échange (Freihandelschule)27. Gustav Schmoller (1838-1917) s’est imposé comme le leader incontesté d’un courant de pensée prolifique, dont les autres figures sont Lujo Brentano, Adolph Wagner, Karl Bücher ou Georg Friedrich Knapp. Marqués par l’historicisme, tributaires de l’héritage romantique et de la pensée de Friedrich List, ces économistes ont cherché à dépasser les enseignements de Wilhelm Roscher, Bruno Hildebrand et Karl Knies qui, dès le milieu du xixe siècle, avaient posé les premiers fondements d’une approche historiciste de l’économie.
19Le nouveau courant28 veut lui aussi soumettre l’économie à la méthode historique, mais de manière plus rigoureuse. L’enjeu est d’étayer solidement la critique de la pensée libérale. S’ils ne nient pas l’existence de lois rythmant l’activité économique, les économistes historicistes ne pensent pas que la théorie classique permette de les appréhender. L’approche déductive et individualiste est rejetée au profit d’une démarche inductive et holiste, considérant la diversité des situations historiques, l’économie étant une réalité qui s’insère dans un tout et doit être analysée dans les relations étroites qu’elle entretient avec la nature, la technique, la société et la culture. Chaque période de l’histoire génère des institutions synonymes d’une certaine régulation de l’économie, l’État méritant une attention particulière. Dans la perspective schmollerienne, la réflexion théorique n’est certes pas bannie, mais ne peut survenir qu’après la réalisation d’un grand nombre d’études empiriques relevant de l’histoire économique. Au vu de la proscription de la théorisation atemporelle, la contribution analytique de l’École historique prend la forme d’une réflexion sur l’évolution économique, dont il importe d’identifier les différents étapes. Gustav Schmoller et Karl Bücher notamment ont élaboré une ambitieuse théorie des stades (Stufentheorie), dans le sillage des réflexions plus anciennes de Bruno Hildebrand et, plus précocement encore, de Friedrich List, qui peut être considéré comme le grand précurseur de cette approche.
20Sur le plan institutionnel, la nouvelle école s’assure des positions solides. Gustav Schmoller est largement à l’origine du Verein für Socialpolitik fondé en 1872-1873, où les « socialistes de la chaire » (Kathedersozialisten), parmi eux les principaux économistes historicistes, sont acquis à l’ordre impérial et promeuvent une politique sociale éloignée du laisser-faire libéral comme du socialisme marxiste. Prenant d’une certaine manière la succession du « Congrès économique » des partisans du libre-échange, la nouvelle organisation sert également de forum scientifique. Que le Jahrbuch für Gesetzgebung Verwaltungund Volkswirtschaft ait été rebaptisé en 1913 Schmoller’s Jahrbuch für Gesetzgebung Verwaltung und Volkswirtschaft, du nom de son directeur depuis 1881, en dit long sur l’impact d’une école et de son chef, dont le succès se lit également à l’étranger. Certes, le postulat historiciste place l’Allemagne en marge du mainstream marginaliste qui s’affirme à Cambridge, à Lausanne et à Vienne. Mais le rayonnement de l’École historique n’est pas négligeable à une époque où la science allemande jouit d’une réputation sans équivalent dans le monde. Nombreux sont alors les économistes à faire le voyage en Allemagne. L’institutionnalisme et plus généralement la pensée économique américaine portent la marque de l’historicisme. L’American Economic Association, qui naît en 1885 et dont les cofondateurs ont tous séjourné en Allemagne durant leurs études, s’inspire pour une part du Verein für Socialpolitik. Même John Bates Clark, qui devint un penseur néoclassique de réputation internationale, a débuté sous l’influence de l’historicisme, marqué par les enseignements de Karl Knies à Heidelberg. Longtemps caricaturée en une démarche archaïque et athéorique, quand elle n’était pas simplement ignorée, l’École historique ne peut se réduire à l’expression d’un retard, d’un décalage, d’une anomalie sans équivalent en dehors des frontières du Reich29.
21Il est vrai que, à l’approche du nouveau siècle, elle subit des critiques violentes, sur fond d’interrogations quant à la pertinence de l’historicisme ou touchant à la théorie de la connaissance. À la suite de Wilhelm Dilthey, Heinrich Rickert et Wilhelm Windelband, s’est imposée la représentation d’une dichotomie fondamentale entre les sciences de la nature d’un côté, dont la vocation est de mettre au jour des lois de fonctionnement, les sciences de la culture ou de l’esprit de l’autre, dont l’objet est au contraire l’étude de phénomènes individuels dans ce qu’ils ont de spécifique. Tout le problème pour les économistes est de positionner leur discipline, qui ne se laisse pas aisément classifier, participant autant d’une approche « idiographique » que d’une logique « nomothétique ». Les avis divergent sur cette question fondamentale, ainsi que l’illustre la fameuse controverse qui oppose au milieu des années 1880 Gustav Schmoller à Cari Menger. Pour le fondateur de l’École autrichienne, il importe de distinguer entre la connaissance du général et la connaissance du particulier, de ne pas confondre la compréhension théorique des phénomènes sociaux et leur compréhension historique. Sans nier l’apport de l’histoire, Carl Menger voit donc dans l’élaboration théorique la finalité première de sa discipline. Reposant sur un haut niveau d’abstraction, l’économie est un raisonnement mené à partir d’axiomes a priori. Son but étant d’isoler des relations entre les grandeurs économiques, c’est-à-dire les lois exactes les régentant, elle se rattache aux sciences de la nature. Pour Gustav Schmoller, il ne saurait être question d’accepter le raisonnement déductif et l’individualisme méthodologique – l’atomisme dans le vocabulaire mengerien. Les lois de la théorie mengerienne ne sont que constructions intellectuelles et ne peuvent prétendre au statut de connaissance scientifique. Gustav Schmoller réaffirme sans concession son empirisme et son historicisme, bien qu’il se soit, en d’autres occasions, montré plus ouvert aux questionnements théoriques30.
22Si elle tourne au dialogue de sourds, cette « querelle des méthodes » (Methodenstreit) affaiblit l’historicisme. Il est en de même, au début du xxe siècle, du débat sur les jugements de valeur et leur objectivité, que l’on a appelé la seconde « querelle des méthodes ». Max Weber et Werner Sombart sont les critiques les plus virulents d’une confusion entre science et politique, et appellent à dissocier strictement l’analyse des problèmes économiques et sociaux des préoccupations d’ordre éthique et social. Certes, la discussion se déroule à bien des égards à l’intérieur de l’École historique. Max Weber et Werner Sombart ne remettent pas en cause le principe même de la réforme sociale chère aux « socialistes de la chaire ». Mais l’ampleur de la controverse mine le fondement historico-éthique de la démarche schmollerienne, tournée autant vers l’action que vers la réflexion. Le renouvellement des générations, la mort de Gustav Schmoller en 1917 aggravent la crise. La guerre et ses conséquences portent un nouveau coup à l’École historique. Georg Friedrich Knapp avait rencontré un large écho avec sa Théorie étatique de la monnaie de 1905 qui faisait de la monnaie une création essentiellement juridique. Mais la dépréciation accélérée du mark au début des années 1920 illustre la matérialité du rapport entre valeur et quantité de monnaie31. La nouvelle décennie voit s’accentuer les critiques.
23En 1921, Ludwig Pohle, il est vrai de longue date hostile à Gustav Schmoller, livre une nouvelle version de son ouvrage sur la crise de la science économique publié une décennie auparavant32. Bien qu’il ne soit pas un partisan de la théorie classique, Edgar Salin regrette en 1923 que « durant toutes les décennies de la domination de Schmoller une théorie proprement allemande n’ait pas pu arriver à maturation [...], de telle sorte que le marginalisme a été purement et simplement assimilé à la théorie33 ». En 1926, son collègue Robert Wilbrandt, pourtant favorable au « socialisme de la chaire », publie « La fin de l’École historico-éthique », un article de facture quasi nécrologique34. Quant à la 4e édition du dictionnaire des sciences de l’État (Handwörterbuch der Staatswissenschafteri), publié entre 1923 et 1929, elle ne comprend pas le dernier grand article de Gustav Schmoller sur la science économique et ses méthodes, sorte de canonisation des principes historicistes qui figurait dans la troisième édition de 191135.
24L’après-guerre est marqué par une ouverture des horizons. L’élection de Joseph Schumpeter à l’université de Bonn en 1925 témoigne de l’intérêt nouveau porté à la théorie36. L’économiste autrichien est très connu depuis sa théorie de l’évolution économique publiée en 1911 et traduite en de nombreuses langues. Mais il avait déjà créé un choc au pays de l’historicisme avec son habilitation de 1908 qui popularisait les idées de l’École walrasienne37. La pensée libérale a également le vent en poupe. L’économiste suédois Gustav Cassel voit ses principaux ouvrages traduits, et son manuel rencontre un grand succès38. Inspiré par les classiques et l’École de Lausanne, il concurrence l’École autrichienne, trouvant des relais influents dans Ludwig Pohle, plus encore dans Adolf Weber. Parmi les étrangers qui comptent figurent également son compatriote Knut Wicksell, le Britannique John Maynard Keynes et l’Américain Irving Fischer39. La multiplication des traductions reflète une normalisation des références doctrinales et la place croissante accordée à la théorie. L’Allemagne se rapproche de la pensée économique mainstream.
25Un constat à nuancer. Dans leur grande majorité, les économistes des années 1920 sont le produit du moule historiciste. Les vieux manuels de Johann E. Conrad et Eugen von Philippovich connaissent de nombreuses rééditions jusqu’à la fin de la décennie. Il faut attendre 1928 pour qu’un nouveau compendium, dû à Adolf Weber, vienne amplifier le point de vue libéral de Gustav Cassel40. Pour bien des économistes, et non des moindres, il est moins question d’enterrer Gustav Schmoller que de reformuler ses questionnements. La nouvelle synthèse se veut plus rigoureuse sur le plan théorique, mais toujours attentive à l’exigence historiciste41. En 1918, Hermann Schumacher, professeur à l’université de Berlin et successeur de Gustav Schmoller à la direction du Schmollers Jahrbuch, résume le défi néohistoriciste en appelant à la « théorisation du matériel empirique42 ». Werner Sombart (1863-1941) se situe clairement dans cette perspective. Son parcours est une méditation sur la nature du capitalisme et les conditions d’une transition vers le socialisme. Se démarquant de l’économie ordonnatrice (ordnende Nationalökonomie) des classiques orientée vers les sciences de la nature, l’économiste le plus connu des années 1920 promeut une économie compréhensive (verstehende Nationalökonomié) qui saisit les phénomènes économiques à travers le style d’une époque. S’il envisage la possibilité de la régression d’un style à l’autre, il souligne leur dynamique dévolution dans une logique historiciste. Autre figure marquante du néohistoricisme et autre élève de Gustav Schmoller, avec lequel il a étroitement collaboré, Arthur Spiethoff (1873-1957) pense lui aussi que le concept de style est à même de résoudre l’antinomie entre analyse théorique et analyse historique. Si la théorisation à l’échelle d’un style ou d’une époque lui paraît possible par le biais de la « théorie historique » (geschichtliche Theorie), la théorie pure et atemporelle lui semble en revanche incapable de rendre compte de l’économie réelle43.
26Affirmer que l’École historique connaît un ultime apogée dans les années 1920 n’est pas absurde44. La prégnance du paradigme historiciste se lit jusque dans les positions de ses adversaires. En 1940, dans Die Grundlagen der Nationalökonomie (Les fondements de l’économie politique), Walter Eucken dit avoir (enfin) résolu la « grande antinomie » et apporter une réponse définitive à des décennies d’interrogations sur la pertinence des approches théorique et historique en économie. L’intensité des bouleversements induits par l’accélération de l’histoire légitime certes l’approche historique. Mais la complexité croissante de la structure économique rend l’approche théorique plus indispensable que jamais45. En reconnaissant que l’économie ne peut mettre au jour un « style général invariant », comme peut le faire la chimie, Walter Eucken inscrit toutefois sa pensée dans un schéma qui reste partiellement historiciste46.
27Il faut d’autant plus relativiser le constat d’une pensée économique allemande se convertissant à un mainstream théorisant et néoclassique qu’elle compte également des représentants se réclamant d’une posture holiste radicale qui en est très éloignée. Friedrich von Gottl-Ottlilienfeld (1868-1958), un élève de Karl Knies, professeur à Berlin à partir de 1926, privilégie ainsi une lecture historico-phénoménologique récusant la théorie de l’utilité au profit d’une approche globalisante de la « dimension économique », formulée dans une langue particulièrement hermétique. Le plus célèbre de ses élèves est Othmar Spann (1878-1950), professeur à Vienne et principal contrepoint à l’École autrichienne. Sa conception de l’économie s’ancre dans la tradition romantique d’Adam Müller et rejette l’individualisme. La société n’est pas une somme d’individus commandés par le principe d’utilité, mais une communauté à analyser dans une perspective historique, sociologique, globalisante. L’« universalisme » d’Othmar Spann draine de nombreux élèves attirés par sa dimension corporatiste et séduits par le charisme de son promoteur.
28Au final, la pensée économique allemande des années 1920 trahit une réelle incertitude paradigmatique. Si le déclin de l’historicisme est à nuancer, l’offensive antihistoriciste ne doit pas être négligée. Alors que le diagnostic de la « crise » devient rapidement un cliché, le tableau ne se réduit pas à l’alternative simplificatrice entre une approche holiste typiquement allemande et une pensée mainstream synonyme de désenclavement ou de rattrapage. Les économistes inclinant à un certain éclectisme ne sont pas rares, signe de la multiplicité des positionnements. Le néohistoriciste Arthur Spiethoff est ainsi l’un des acteurs du débat sur les théories de la conjoncture, où il côtoie bien des adversaires de l’historicisme. Cette profusion paradigmatique renvoie aussi à l’ébullition intellectuelle et idéologique qui caractérise de manière plus générale la société weimarienne. La sensation de vivre une rupture n’est pas propre aux économistes.
29Dans l’après-guerre, la « crise » de la pensée économique entre d’ailleurs en résonance avec une actualité économique et politique troublée qui confronte les économistes à de nouveaux défis mais leur ouvre de nouvelles opportunités. Il n’est guère étonnant que la notion de capitalisme soit au cœur des débats et suscite des controverses passionnées dépassant le seul enjeu de sa caractérisation scientifique. La vision d’une économie de moins en moins « libérale » et de plus en plus « organisée », les considérations sur la faisabilité ou l’impossibilité du socialisme, les discussions sur la politique sociale sont autant de diagnostics, d’expertises ou d’interrogations où l’analyse économique peut revendiquer une légitimité prédictive. La propension à une réflexion qui soit également une propédeutique pour l’action est exacerbée par la saturation idéologique du temps. Dans un champ conceptuel extraordinairement ouvert, dans l’urgence réelle ou imaginée des années weimariennes, une jeune génération d’économistes rue dans les brancards et aspire à conquérir sa place au soleil. Wilhelm Röpke fait partie d’une « nouvelle vague » soucieuse de réaffirmer la légitimité de la science économique par une refondation théorique.
Les débuts prometteurs d’un économiste « nouvelle vogue »
30Devenu à la fin de 1924 le plus jeune professeur d’Allemagne, recruté à Iéna avec un statut de professeur extraordinaire, Wilhelm Röpke brûle les étapes. Les années passées en Thuringe sont interrompues en 1926/1927 par un séjour de neuf mois aux États-Unis qui apporte une importante touche internationale à son profil. En 1929, le jeune économiste n’ayant pas encore 30 ans est élu professeur ordinaire à Marbourg, accédant ainsi à l’élite universitaire. Ce parcours révèle comme d’autres l’importance des relations de maître à élève dans la construction de la carrière. Si ses personnels sont en expansion, le nombre des Privatdozent augmentant nettement dans les années 1920, l’Université est encore un tout petit monde, un entre-soi dominé par la caste des professeurs ordinaires. En économie, ces derniers sont 55 en 1920, 77 en 1931, chaque université n’en comptant que deux ou trois47. À titre de comparaison, les professeurs de droit sont 172 en 1920 et 190 en 1931, les professeurs de médecine 292 en 1920 et 400 en 193148. À si petite échelle, les interactions entre étudiants et professeurs permettent la reconnaissance par l’élite universitaire de la relève jugée digne de lui succéder. Pour Wilhelm Röpke et ses camarades, nouer des « contacts scientifiques et humains étroits » avec les professeurs relève de l’évidence, par exemple lors des « soirées ouvertes » chez le théologien Martin Rade ou pendant les soirées apéritifs (Sommerliche Bowle) de l’économiste Walter Troeltsch49. Le 18 février 1921, ce dernier a été particulièrement heureux de recevoir à son domicile plusieurs de ses doctorants les plus prometteurs, dont Wilhelm Röpke50. La conjoncture politique troublée favorise une réelle proximité entre étudiants et professeurs de sensibilité démocrate. C’est à cette époque que se forge une amitié solide entre le futur économiste et le linguiste Hermann Jacobsohn, spécialiste des langues indo-européennes. À la fin de l’été 1921, un stage effectué à Soziale Praxis, la revue de la Gesellschaft für soziale Reform fondée en 1901, permet une première immersion dans le monde berlinois. Wilhelm Röpke y fait la connaissance de Ludwig Heyde (1888-1961)51, le président de la Société pour la réforme sociale (Gesellschaft für soziale Reform) qui est un acteur incontournable du débat sur la politique sociale52.
31À la fin septembre 1922, le jeune habilité frais émoulu participe à son premier congrès du Verein für Socialpolitik, lieu de socialisation par excellence des économistes53. En décembre 1922, il intègre une commission d’experts sur la question des réparations, qui assiste le gouvernement allemand engagé dans de délicates négociations avec les puissances alliées. C’est l’occasion de rencontrer plusieurs jeunes collègues, comme Wilhelm Lautenbach (1891- 1948) et Melchior Palyi (1892-1970). Percevant un salaire « très convenable », le jeune homme prend ses habitudes à la cafétéria du ministère des Affaires étrangères et à la Deutsche Gesellschaft 1914, le club politique fondé au lendemain du déclenchement de la guerre par Karl Vollmoeller, avec le soutien de Walter Rathenau et de Robert Bosch54. Le fait le plus marquant est toutefois sa rencontre avec le président de la commission, Hermann Schumacher, qui voit en lui un élément très prometteur, à qui il promet monts et merveilles s’il choisit de demeurer à Berlin. Wilhelm Röpke est conscient qu’il ne doit pas « miser sur le mauvais cheval », qu’il lui faut faire un choix entre deux protections, celle de Walter Troeltsch, qui réclame son retour à Marbourg, et celle du professeur berlinois, figure de premier plan, bien introduite dans les ministères, où l’on apprécie depuis les années de guerre ses compétences d’économiste généraliste et de spécialiste des questions financières55.
32Dès ses années étudiantes, Wilhelm Röpke évolue avec aisance dans un environnement fait de nombreuses opportunités pour quelques étudiants cooptés selon des procédures de tutorat mandarinal. Mais son parcours démontre que la réussite résulte également d’un processus d’autosuggestion à l’œuvre dans la psyché des étudiants ayant pleinement intégré l’habitus du gagneur : « Cher Gustav, la décision que je prends maintenant décidera également si je deviens un professeur d’université moyen comme nous en avons des douzaines ou une personnalité d’envergure mondiale56. » Si le jeune homme pressé regagne finalement Marbourg à la fin de l’été 1923, où il devient Privatdozent, sa carrière n’en souffre pas. À la fin des années 1920, il est reconnu comme l’une des étoiles montantes de la science économique allemande. En janvier 1928, lorsqu’il s’apprête à quitter Iéna pour Graz, dont l’université lui propose un poste de professeur ordinaire, plusieurs ministères s’adressent au ministère prussien de l’Éducation pour s’émouvoir de ce que l’on n’appelle pas encore la « fuite des cerveaux », c’est-à-dire regretter le départ d’Allemagne de l’un des « jeunes économistes les plus actifs et les plus prometteurs57 ». Mais le séjour autrichien ne dure que le temps d’un semestre. Au début de 1929, Wilhelm Röpke retourne à Marbourg en tant que professeur ordinaire58.
33On peut s’interroger rétrospectivement sur le niveau d’exigence requis pour accéder au rang professoral. La thèse de Wilhelm Röpke compte 80 pages, son habilitation 133. Les deux travaux ont été réalisés dans un laps de temps très court. Certes, dans son cas, la brièveté de l’enchaînement qui conduit de la thèse à l’habilitation est exceptionnelle. En sciences économiques et sociales, l’âge moyen d’obtention du doctorat est de presque 27 ans en 1920. L’intervalle moyen entre le doctorat et l’habilitation, qui s’allonge nettement par rapport à l’avant-guerre, atteint 7,4 années (contre 5,7 en 1900)59. Mais bien des thèses et des habilitations du premier tiers du xxe siècle se signalent par une certaine modestie. En 1913, le doctorat d’Eduard Heiman ne dépasse pas 33 pages, celui de Fritz Neumark, en 1922, 69 pages, Gerhard Colm se contente en 1927 d’une habilitation de 83 pages, Walter Eucken atteignant pour sa part 185 pages en 1921. Il est vrai qu’il a publié en 1914 une thèse de 319 pages. Et Fritz Neumark en 1929 une habilitation de 406 pages60. Wilhelm Röpke a simplement exploité pleinement la possibilité de réaliser des travaux académiques relativement brefs, monnayé avec une grande efficacité un capital universitaire acquis au plus vite.
34Au-delà de la singularité des itinéraires, de réelles possibilités s’offrent à une nouvelle génération d’économistes en un temps d’incertitude paradigmatique et de demande accrue adressée à l’économie. Certes, Wilhelm Röpke souscrit d’abord à une lecture historiciste. Sa thèse sur le rendement au travail dans les mines de potasse est empirique et descriptive. Réalisée peu après, son habilitation sur la conjoncture, à la thématique certes annonciatrice de son évolution ultérieure, n’offre guère de perspective théorique, seulement une typologie. Le jeune économiste est logiquement sous l’influence de Walter Troeltsch (1866-1933), dont le maître ouvrage sur la proto-industrialisation dans le Wurtemberg a été salué en son temps par Gustav Schmoller en personne comme un exemple de l’érudition pointilliste promue par l’École historique61. Mais rapidement, les présupposés historicistes le laisse insatisfait. Dans les lettres à Gustav Heinemann, la critique monte contre les figures qui ont marqué ses premiers pas. À l’été 1923, Wilhelm Röpke ne voit plus dans Hermann Schumacher qu’une « impuissance », qu’un « épigone de Schmoller de la pire espèce », qu’un « Guillaume II scientifique », dont la seule ambition est de produire du matériel empirique en lieu et place d’une pensée originale62.
35En avril 1924, il se réjouit de quitter Marbourg pour Iéna car les points de convergence entre lui et Walter Troeltsch seraient devenus rares63. Au même moment, Walter Eucken rompt également avec l’historicisme. Son habilitation de 1921 sur l’approvisionnement du marché mondial en azote relève encore d’une philosophie monographique. Mais en 1923, avec ses Considérations critiques sur le problème monétaire allemand, Walter Eucken s’émancipe64. Dans une lettre à son père, il explique combien il s’est éloigné de son maître Hermann Schumacher dont il critique désormais ouvertement les présupposés méthodologiques comme les analyses monétaires65. Pour Wilhelm Röpke, le temps est aussi à l’affirmation. En 1925, il dénonce les économistes qui, « au nom de la méthode historico-descriptive, renoncent d’emblée aux “principes”, et même les vouent aux gémonies66 ». En 1929, il affirme : « Le fondement incontournable de l’économie est ce que l’on appelle la “théorie pure” qui, sur la base de prémisses peu nombreuses, permet l’élaboration d’un système de pensée dont l’“exactitude” n’est pas en reste sur celle des sciences “exactes”67. »
36Die Lehre von der Wirtschaft (La doctrine de l’économie) de 1937 offre une synthèse de l’horizon dans lequel se meut l’économiste68. Sa pensée ayant peu évolué, il n’est pas illégitime de mobiliser ce livre postérieur aux années 1920 qui clarifie d’autant mieux ses présupposés méthodologiques et théoriques que, dans l’entre-deux-guerres, les manuels revendiquent souvent une ambition programmatique au-delà de leur finalité pédagogique. Celui de Gustav Cassel est un plaidoyer pour l’économie libérale. De son côté, s’il ne récuse pas l’intérêt d’une approche historique, Wilhelm Röpke se livre à une critique en règle des économistes historicistes, de Friedrich List à Werner Sombart en passant par Bruno Hildebrand, Karl Bücher et Gustav Schmoller, coupables d’avoir analysé l’économie comme l’« enchaînement d’un certain nombre d’échelons d’évolution [Stufen] ». Cette représentation de l’histoire comme une « évolution qui progresse en ligne droite » traduirait de la naïveté, un « dernier reste de la foi dans le progrès du xviiie siècle ». Surtout, l’École historique ne relèverait pas de la science économique stricto sensu, que seule la théorie peut fonder. Wilhelm Röpke fait du principe marginal le fondement de l’« édifice de la théorie moderne de l’économie classique ». Après un coup de chapeau à Gossen et à ses lois de 1854, il rend hommage aux pères du marginalisme (Cari Menger, William Stanley Jevons et Léon Walras) et à leurs continuateurs, Friedrich von Wieser, Eugen von Bköhm-Bawerk, John Bates Clark, Philip H. Wicksteed ou encore Knut Wicksell69.
37Le marginalisme aurait désormais un caractère d’évidence. Wilhelm Röpke en veut pour preuve les analyses de Gustav Cassel qui, même s’il s’en défend, « s’appuie entièrement sur Walras et son école », coule « la théorie ardue de Walras » dans une « forme intelligible » tout « en l’enrichissant de données précieuses ». Wilhelm Röpke reproche il est vrai à l’École de Lausanne d’être une « théorie fonctionnelle » plus qu’une théorie génétique-causale, de rester « beaucoup trop abstraite » et de ne pas « offrir un point d’appui solide qui nous permette d’avancer ». Mais ces critiques sont à relativiser, le propos se veut consensuel, l’enjeu est d’abord de clouer le cercueil de l’historicisme en faisant du processus économique une présentation atomistique : « Au fond, ce sont des millions et des millions d’événements subjectifs se passant dans l’âme de chaque homme, qui forment le substratum des phénomènes de la vie économique, qui trouvent leur réalisation objective dans les prix, l’argent, les intérêts et la conjoncture. » L’économiste minimise en revanche la rupture représentée par le marginalisme par rapport à la théorie classique, sans laquelle la « théorie moderne elle-même serait à peine concevable ». Les économistes contemporains ne feraient que reformuler en des termes plus recevables les grands enseignements des classiques70.
38L’élaboration d’un credo théorique va de pair avec l’affirmation d’une Weltanschaung libérale. Certes, Wilhelm Röpke a écrit plus tard que la guerre avait fait de sa génération des antimilitaristes et des socialistes : « Ce n’est que peu à peu que nous réalisâmes que nous avions choisi alors un idéal de société [le socialisme] dont l’essence était précisément de faire de la militarisation un état permanent71. » Mais si phase socialiste il y a eu chez Wilhelm Röpke, elle a été brève et d’une nature qui mérite d’être précisée. En octobre 1919, le jeune étudiant fraîchement arrivé à Marbourg fait un compte rendu enthousiaste de Socialisme, le dernier livre de l’économiste Robert Wilbrandt, un « socialiste de la chaire » dont il a suivi les enseignements à Tübingen. Si la révolution spartakiste a échoué, compter le socialisme parmi les victimes de la révolution serait une erreur. La détresse sociale, économique et morale du pays lui confère toute son actualité. Encore convient-il de tracer des perspectives, d’établir une feuille de route. Le mérite de Robert Wilbrandt est d’avoir présenté le socialisme comme un effort de pédagogie (Sozialismus ist Erziehungsarbeit !)72. Le « socialisme » qui semble séduire l’apprenti économiste est une exigence morale. Il renvoie à l’état d’esprit de ces libéraux-démocrates marqués par Friedrich Naumann et soucieux de combler le fossé entre les « masses » et les « élites » par des réformes ambitieuses. La finalité profonde de l’éducation citoyenne que Wilhelm Röpke appelle de ses vœux est la résolution de la « question sociale, problème existentiel de la société moderne73 ». La tonalité « socialisante » perceptible chez lui traduit une préoccupation sociale s’inscrivant dans la tradition schmollerienne. Dans les années 1920, il publie de nombreux articles dans la revue Soziale Praxis, pour laquelle il a effectué des descentes dans les mines de la Ruhr en mars 192174. Il rend compte la même année de la 16e assemblée générale du syndicat des mineurs chrétiens75. Il suit de près l’adoption en 1923 de la loi sur l’assurance des travailleurs dans les mines (Reichsknappschaftsgesetz), vue comme un « progrès de la politique sociale » en dépit des inquiétudes que suscite son financement76.
39Au début des années 1920, Wilhelm Röpke n’est donc pas encore le contempteur de l’État social qu’il deviendra par la suite. Dans le sillage de sa réflexion doctorale, il fait de la démocratisation de l’entreprise un préalablé à l’augmentation du rendement au travail77. Il s’oppose aux reproches que le camp patronal adresse à la politique sociale, jugeant largement infondés les propos tenus en janvier 1922 par le Dr Tänzler, rédacteur en chef de Der Arbeitgeber, la revue de l’Union des fédérations de patrons allemands (Vereinigung der deutschen Arbeitgeberverbànder)78. Pour ce dernier, auteur d’un article intitulé « Les erreurs fondamentales de la politique sociale », la politique sociale est moins la réponse à des problèmes concrets que le reflet d’une idéologie révolutionnaire79. Pour autant, aux yeux de Wilhelm Röpke, la politique sociale n’est pas une fin en soi, encore moins la transition vers un bouleversement des structures économiques et sociales. La politique sociale et sa logique redistributive n’ont de sens qu’adossées à une « politique énergique de production ». Loin de défendre des positions maximalistes et socialisantes, l’économiste se montre réservé à l’égard de la journée de huit heures, moins il est vrai dans son principe que dans la rigidité de sa mise en application80. Il est enfin fondamentalement hostile au principe de la socialisation, objet de très nombreux débats.
40L’importance qu’accorde l’apprenti économiste à la thématique sociale n’est que le reflet des intenses débats des lendemains de la guerre. Impératif indiscuté du temps de Gustav Schmoller et des riches heures du Verein für Socialpolitik, la politique sociale se pense désormais sur le registre de la crise. Sous l’effet des bouleversements induits par l’histoire récente, elle a perdu son caractère d’évidence. Lors du cinquantième anniversaire du Verein fur Sozialpolitik, à Eisenach en septembre 1922, Heinrich Herkner (1863-1932), successeur de Gustav Schmoller à l’université de Berlin comme à la tête du Verein, déclare qu’une politique économique efficace est la meilleure des politiques sociales81. Indigné, le vieux Lujo Brentano démissionne avec fracas de l’association dont il fut l’un des pères fondateurs. Ces propos de Heinrich Herkner, qui, dans Der Arbeitgeber, dénonce également les syndicats, illustrent la perte de légitimité de la politique sociale aux yeux de nombreux économistes82. Devant la diffusion d’argumentaires libéraux jadis très minoritaires, le directeur du Musée social de Francfort, Heinz Wilhelm Marr (1876-1940), parle de « déclaration de faillite » du « socialisme de la chaire83 ». D’autant plus que le nouveau contexte weimarien inquiète bien des professeurs imparfaitement acquis à l’ordre républicain. Si elle remplissait une fonction stabilisatrice sous l’Empire, la politique sociale ne risque-t-elle pas désormais d’être le cheval de Troie des solutions les plus radicales ? La peur du socialisme, quand ce n’est pas celle des masses et de la modernité, est l’arrière-plan de bien des réflexions. Objet de toutes les sollicitudes, l’ouvrier est également celui de toutes les inquiétudes. En 1924, Wilhelm Röpke assigne à la politique sociale une fonction de prophylaxie antirévolutionnaire : « Réussira-t-on à remettre le poing brandi dans la poche de l’ouvrier ? Œuvrer dans ce sens constitue aujourd’hui le premier devoir de la politique sociale84. »
41Chez le futur néolibéral, la volonté de relever le défi bolchevique est d’emblée palpable. En 1919, il décrit une Allemagne confrontée au choix entre le bolchevisme, c’est-à-dire la « lutte de tous contre tous », et le socialisme par l’éducation prêché par Robert Wilbrandt85. Rapidement, il abandonne toute référence au socialisme, aussi vague soit-elle, pour valoriser le capitalisme et louer le libéralisme. S’il rend hommage à Walther Rathenau, avec Matthias Erzberger l’une des plus célèbres victimes du terrorisme d’extrême droite, il se montre réservé sur ses conceptions économiques et sociales, sur sa « nouvelle économie » fondée sur la planification : « Bien qu’incontestables, de très nombreuses anomalies de l’économie de concurrence ne sont pas imputables au principe même de la libre concurrence, mais résultent bien souvent d’entraves apportées à la libre concurrence86. » À l’opposé de bien des diagnostics, notamment celui de Werner Sombart, il souligne en 1924 le potentiel du capitalisme, sa formidable énergie (Riesenkraft), seule à même de surmonter les effets de la guerre. À condition toutefois qu’il puisse se « développer dans un air saturé de libéralisme87 ». Trop souvent associé à sa version manchesterienne, le libre échange serait le meilleur allié d’une politique sociale digne de ce nom, à la différence du protectionnisme qui, au même titre que l’« inflationnisme », signifie « irrationalité économique et injustice88 ».
Un « ricardien » théoricien de la conjoncture
42Si Wilhelm Röpke lie éloge du libéralisme et rejet de la tradition schmollerienne, il serait erroné d’assigner une coloration idéologique homogène à l’offensive théorique des années 1920. La critique de la pensée holiste et historiciste transcende les clivages idéologiques. Notamment au sein de la jeune génération qui cherche à se faire reconnaître dans un contexte qui lui est favorable. En dépit de l’été indien néohistoriciste, le discours théorique conquiert une légitimité nouvelle. La création d’un sous-comité théorique par le Verein für Socialpolitik, lors du congrès d’Eisenach en 1922, aurait été impensable avant la guerre. Si les mélanges pour les 70 ans de Lujo Brentano ne contenaient, à une exception près, que des contributions empiriques, les analyses théoriques dominent les mélanges publiés en 1925 pour ses 80 ans89. Mais que faut-il entendre par la « jeune génération » ? Hauke Janssen en a précisé les contours90. On y trouve des hommes nés dans les années 1880-1900, soucieux de tordre le cou à l’historicisme et d’imposer l’approche théorique.
43Hétérogène, le groupe comprend des futurs néolibéraux comme Walter Eucken (1891-1950), Alexander Rüstow (1885-1963) et Wilhelm Röpke (1899- 1966), mais également des théoriciens marxistes et socialisants comme Eduard Heimann (1889-1967), Emil Lederer (1882-1939) et Adolf Löwe (1893-1995)91. Sa force agissante semble avoir été Alexander Rüstow92. Ce fils d’un militaire prussien rigidement wilhelminien et d’une mère profondément piétiste n’est pas un économiste de formation puisqu’il a soutenu une thèse de philosophie grecque sur le paradoxe du menteur sous la direction de Leonhard Nelson. Très marqué par le mouvement de jeunesse, proche par sa première femme des milieux artistiques et intellectuels, partisan de l’émancipation de la femme et de la réforme pédagogique, il revient de la guerre en rupture avec le militarisme prussien et adepte d’une ligne socialisante. Il a même l’occasion de discuter longuement avec Karl Radek dans son « salon politique » de la prison de Moabit. C’est en fréquentant le séminaire de l’économiste et sociologue Franz Oppenheimer (1864-1943), adepte d’un « socialisme libéral », qu’il rencontre Eduard Heimann, Adolf Löwe et Gerhard Colm, avec lesquels il noue une relation étroite, que renforce encore l’adhésion commune au « socialisme religieux » de Paul Tillich. Dans ce petit groupe, où gravite également le politologue suisse Arnold Wolfers, futur directeur de la Deutsche Hochschule für Politik lors de son exil new-yorkais, il en va de la refondation du message social délivré par la religion judéo-chrétienne93.
44Cinq années durant, Alexander Rüstow travaille au ministère de l’Économie où, par l’entremise d’Adolf Löwe, il est devenu conseiller pour les Affaires économiques générales. L’occasion de se familiariser avec des questions cruciales comme la socialisation, les cartels et les monopoles. Mais en 1924, il entame une nouvelle carrière comme directeur du département de politique économique de l’Association des entreprises allemandes de machines-outils (Verein deutscher Maschinenbau-Anstalten, VDMA), lobby patronal dont les relations avec l’industrie lourde sont faites d’un mélange de solidarité et de tension94. Il évolue alors vers des positions libérales qui l’éloignent de l’aile gauche de la nouvelle génération pour le rapprocher de son aile droite. Le lien devient étroit avec Walter Eucken. À partir de 1929, Alexander Rüstow se rapproche également de Wilhelm Röpke95. Mais il ne coupe pas les ponts avec l’aile gauche, ne croit pas que les divergences idéologiques soient un obstacle à l’élaboration d’un front des jeunes théoriciens, ceux qu’il appelle les ricardiens. Au sein du VDMA, Alexander Rüstow se trouve dans une position favorable pour fédérer les énergies. À travers la revue Maschinenbau, par ses relations dans la presse libérale (le Berliner Tageblatt, la Frankfurter Zeitung, la Vossische Zeitung), par les études qu’il commande et son activité de lobbying, il dispose d’une réelle influence et peut lancer des offensives éditoriales, comme en 1928 lorsque Walter Eucken et Wilhelm Röpke publient à son initiative des articles dénonçant la politique restrictive de la Reichsbank96. Il se veut enfin l’homme qui préserve l’homogénéité du groupe. Le 22 juillet 1929, il renvoie ainsi à Wilhelm Röpke son manuscrit intitulé « Wirtschaftstheorie und Praxis », destiné à Maschinenbau, lui demandant d’effacer quelques lignes jugées trop indulgentes pour l’École historique, lui reprochant une critique excessive de la « théorie pure97 ».
45Alexander Rüstow se sent d’autant plus encouragé dans sa mission que, au milieu des années 1920, les ricardiens s’ancrent dans le paysage universitaire. La nomination de Joseph Schumpeter à Bonn en 1925 a certes été une déception. L’économiste autrichien publie en 1926 sur Gustav Schmoller un article plus consensuel que dénonciateur98. Il ne répond donc pas aux espoirs de rénovation à un moment où l’université allemande ne compte encore que trois théoriciens parmi les professeurs ordinaires, avec Emil Lederer, Adolf Weber et Franz Oppenheimer. Mais la situation s’améliore peu à peu. Walter Eucken devient professeur ordinaire à Tübingen en 1925, Eduard Heimann à Hambourg et Adolf Löwe à Kiel en 1926, et le petit dernier, Wilhelm Röpke, à Marbourg en 1929. À Kiel, l’Institut (royal) pour la circulation maritime et l’économie mondiale fondé en 1913 par l’économiste Bernard Harms, rebaptisé Institut pour l’économie mondiale après la guerre, est un lieu de réflexion particulièrement dynamique où travaillent, outre Adolf Löwe, ses amis Gerhard Colm et Hans Neisser (1895-1975), Jacob Marschak (1898-1977), un ancien collaborateur d’Emil Lederer, et un autre Russe émigré, le futur Prix Nobel Wassily Leontieff (1905-1999). En 1928, la présidence du Verein für Socialpolitik ainsi que la direction de ses deux sous-comités (Theorie et Finanzwissenschaft) sont à renouveler. Les ricardiens tentent de s’organiser pour imposer l’un ou plusieurs d’entre eux au cœur de l’institution qui reste le principal forum de la science économique germanophone99.
46Wilhelm Röpke, qui multiplie les publications, illustre cette aspiration des jeunes théoriciens à s’imposer sur la scène académique100. Dans la seconde moitié des années 1920, il valorise sans relâche l’atout que serait une économie touchée par la grâce du ressourcement théorique. Il se dit certes conscient des spécificités de sa discipline, qui peut sembler éloignée de la réalité et déconcerter lorsque s’affichent des divergences. Le sens de la nuance, la tendance à l’approfondissement, les remises en cause nuisent à son audience101. Mais les freins les plus importants à son affirmation ne sont pas là. Avant tout, il faut rompre avec un complexe d’infériorité qui conduit à deux travers. D’une part la mathématisation pour « se rapprocher autant que possible du modèle supposé de la physique théorique », d’autre part l’« alliance étroite et souvent franchement humiliante avec d’autres disciplines comme le droit, l’histoire, la géographie ou la technologie102 ». Cette rupture ne va pas de soi dans un pays encore en déficit théorique en dépit du déclin historiciste. Une situation regrettable qui serait imputable aux déficiences de l’enseignement de l’économie dans les universités. D’où l’importance de la vulgarisation103. Comme Walter Eucken et Alexander Rüstow, Wilhelm Röpke juge essentielle une sorte de marketing disciplinaire auprès des responsables économiques et politiques, plus largement auprès de l’opinion. Il dénonce ce qu’il appelle l’économie à quatre dimensions, en d’autres termes les nombreux sophismes économiques circulant dans les milieux politiques et économiques en lieu et place de raisonnements solidement argumentés104. Derrière cette rhétorique de la plainte s’affiche l’ambition d’imposer les représentants de l’économie théorique comme des interlocuteurs légitimes. L’affirmation incantatoire de la légitimité « scientifique » de l’économie sert la conquête du statut d’expert.
47En effet, dans le contexte troublé de l’entre-deux-guerres, le besoin d’expertise grandit alors que l’historicisme semble avoir failli. Un espace s’ouvre aux économistes new look. Sur la question hautement controversée de l’inflation, l’interprétation dominante depuis le début des années 1920 est celle du libéral Gustav Cassel, qui a rédigé un mémorandum sur la question destiné à la SDN105. La crise de 1925-1926 voit les économistes s’empoigner. Gustav Cassel, qui impute le ralentissement de l’activité au niveau des salaires, rencontre une fois encore un large écho. Mais il est critiqué par des économistes historicistes et des théoriciens de l’aile gauche. Quoi qu’il en soit, les décideurs et l’opinion informée semblent à l’écoute. Si elle ne rime pas nécessairement avec une philosophie libérale, l’économie théorique gagne du terrain. Pour Wilhelm Röpke, il faut aller plus loin encore, asseoir définitivement sa réputation comme prescripteur fiable de recommandations pour l’action. La théorie de la conjoncture incarnerait au mieux les formidables potentialités de la science économique moderne : « Nonobstant tous les décalages et les particularités dans le détail, le nombre des régularités (Gesetzmäßigkeiten) est suffisamment important pour que l’on puisse sereinement parler d’un rythme de la vie économique », écrit-il en 1926. Des instituts de la conjoncture ont fait leur apparition aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Russie, plus récemment en Allemagne, poursuit Wilhelm Röpke, pour qui « la théorie de la conjoncture est le mot d’ordre du moment ». La « politique conjoncturelle monétaire » a fait la preuve de son utilité pratique aux États-Unis au lendemain de la guerre. Il apparaît désormais possible de déterminer l’« orientation et les dangers de chaque configuration conjoncturelle ». L’avènement d’un monde meilleur, maîtrisé grâce à la science économique, ne serait plus hors de portée. La condition préalable est toutefois de régler les problèmes politiques et économiques internationaux qui plombent le monde contemporain106.
48Sans conteste, la théorie de la conjoncture mobilise les économistes de tous les pays. Si ses origines remontent au tournant du siècle, voire plus en amont encore, l’entre-deux-guerres voit un net approfondissement de la réflexion. La contribution allemande est importante107. En 1926, Wilhelm Röpke se réjouit du rôle joué par ses compatriotes, citant Emil Lederer, Adolf Löwe et Rudolf Stucken, tous âgés de moins de 35 ans108. Mais il est lui même emblématique de l’appétence pour le phénomène de la conjoncture. Si son habilitation n’a pas dépassé le stade d’une approche morphologico-descriptive109, le jeune économiste a comblé son déficit théorique, passé le milieu de la décennie. Sans doute se montre-t-il encore hésitant, en 1925, lorsqu’il s’agit de se positionner dans un horizon mouvant. L’incertitude analytique lui semble illustrée par les divergences entre les économistes anglais. Arthur Pigou refuse de voir dans les mécanismes monétaires et créditaires la cause première de la conjoncture, Richard Hawtrey et John Maynard Keynes, celui du « A Tract on Monetary Reform », apparaissent au contraire comme des représentants de la théorie monétaire de la conjoncture. Cette dernière est toutefois jugée incapable de rendre compte à elle seule d’un phénomène très complexe110. Mais Wilhelm Röpke se défend de jeter le bébé avec l’eau du bain. Il reconnaît l’importance de la « dimension monétaire du phénomène de la conjoncture111 ». C’est bien du côté du crédit et de la monnaie qu’il va lui aussi identifier le mécanisme le plus fondamental de la conjoncture.
49Wilhelm Röpke distingue entre le « crédit réel » et le « crédit circulatoire ». Le second ne correspond pas à des « économies réelles » mais résulte de la « circulation de moyens de paiement bancaires ». Autrement dit, la banque n’est pas un simple intermédiaire qui met les économies au service des investisseurs, mais elle joue un rôle majeur en créant elle-même du crédit. On est loin de la représentation classique de l’argent comme voile monétaire sans influence sur l’économie réelle. Le taux d’intérêt normal est défini par l’économiste comme celui qui garantit la stabilité du niveau général des prix. Il est donc l’équivalent du taux d’intérêt réel ou naturel défini par la théorie comme le taux qui s’établirait « si le capital était prêté en nature et non sous la forme trompeuse de la monnaie ». Wilhelm Röpke analyse ensuite la relation entre le taux d’intérêt monétaire (Geldzins) et le taux d’intérêt réel ou naturel (Realzins), fondamentale pour expliquer la conjoncture. En période d’expansion, le taux d’intérêt réel monte puisque les économies réelles ne suffisent pas à couvrir les besoins en capitaux. Si le taux d’intérêt monétaire se situe en dessous du taux d’intérêt réel du fait d’un taux d’escompte « artificiellement » bas, il en découle progression des investissements et hausse des prix. Puis, lorsque le taux d’escompte de la banque centrale finit fatalement par se relever, le taux monétaire remonte jusqu’à dépasser le taux naturel. Le retournement du cycle s’opère alors. C’est le début de la crise qui entraîne la correction du déséquilibre de la structure de production, au bénéfice de l’accumulation et au détriment de la consommation, qui s’était manifesté pendant l’expansion112.
50Il n’est guère étonnant que Knut Wicksell et Ludwig von Mises soient les deux principales références de Wilhelm Röpke. Dès la fin du xixe siècle, le Suédois a théorisé la question du rapport entre taux monétaire et taux naturel113. En 1912, puis à nouveau en 1924, l’Autrichien a souligné les dangers de l’inflation du crédit et la responsabilité des banques dans le processus. Wilhelm Röpke mentionne également son compatriote Ludwig Albert Hahn qui, en 1920, a fait la controverse en soulignant la propension du système bancaire à produire du crédit. Mais, à la différence de ce dernier, il n’estime pas possible de maintenir durablement l’expansion en jouant sur la création de crédit114. Wilhelm Röpke reconnaît que l’administration d’une « dose d’inflation donne dans un premier temps une impulsion nouvelle à l’économie », mais l’effet est jugé comparable à celui exercé sur le corps humain par une injection de morphine ou par la consommation d’alcool. La crise économique sanctionne le « changement maladif du processus économique » induit par l’inflation créditaire115. L’économiste ne se reconnaît donc pas dans les inflationnistes du crédit (Kreditinflationnisten), étiquette derrière laquelle il range Albert Ludwig Hahn et Joseph Schumpeter116. La politique économique doit restreindre l’amplitude des variations conjoncturelles par un contrôle du crédit finement dosé, grâce également aux progrès réalisés par la statistique de la conjoncture, cette « météorologie de l’économie117 ».
51Par la suite, notamment avec son livre Krise und Konjunktur de 1932, dont une version remaniée paraît en anglais en 1936, Wilhelm Röpke s’affirme comme un expert de la conjoncture118. Au début de 1930, dans un article de synthèse, il passe en revue ses références théoriques, Albert Ludwig Hahn, Friedrich Hayek, Hans Neisser, Ludwig Mises, Dennis H. Robertson, Knut Wicksell, R. G. Hawtrey119. En 1937, il est lui-même répertorié dans le chapitre sur les théories monétaires de la conjoncture dans le livre bilan sur le cycle économique que Gottfried Haberler a rédigé à la demande de la SDN120. Wilhelm Röpke incarne donc cette jeune génération aspirant à jouer un rôle croissant dans la définition des problématiques légitimes. À cet égard, le congrès du Verein für Socialpolitik qui se déroule à Zurich du 13 au 15 septembre 1928 sur le thème « Kredit und Konjunktur » est un grand succès. Bien des représentants du nouveau courant théorique peuvent s’exprimer, même si le caractère plus ou moins strictement monétaire de la conjoncture est âprement discuté. Un volume préparatoire avec des contributions de Ludwig Albert Hahn, Friedrich Hayek, Adolf Löwe, Oskar Morgenstern, Richard von Strigl et Wilhelm Röpke a été publié à la veille du congrès, de même qu’un article de synthèse sur les théories de la conjoncture paru dans Weltwirtschaftliches Archiv, la revue de l’institut de Kiel dirigée par Bernhard Harms121. L’année 1928 est un moment de cristallisation des positions théoriques dans l’espace germanophone.
52Mais, au total, les jeunes théoriciens ne parviennent pas à s’imposer. Quelques mois auparavant, en juin 1928, à Bad Pyrmont, une autre conférence a au contraire révélé à quel point les clivages restaient marqués au sein de la discipline économique. Elle a été organisée sur la question des réparations par la Friedrich List Gesellschaft, une société savante fondée en 1925 dans le but de publier les œuvres de Friedrich List, mais aussi d’offrir un espace de discussion entre représentants de la politique et de la science. L’objectif est de formaliser une argumentation scientifique au service de la position allemande lors de la renégociation du plan Dawes de 1924. Pour Alexander Rüstow, il s’agit d’« opposer aux praticiens les plus importants le front compact des théoriciens raisonnables et les convertir (belehren) par le biais de conférences et dans le cadre des discussions ». Le résultat est peu probant. Les « praticiens », à l’instar du président de la Reichsbank, Hajlmar Schacht, plusieurs économistes de sensibilité peu ou prou historiciste, comme Edgar Salin, Karl Diehl ou Werner Sombart, manifestent peu d’enthousiasme pour l’approche théorique de la question des réparations, soulignent la spécificité du cas allemand dans une perspective singulariste et historique. La science économique apparaît profondément divisée122.
53Si le congrès du Verein für Socialpolitik qui se déroule quelques semaines plus tard semble consacrer la théorie par l’attention accordée au thème de la conjoncture, les théoriciens plus ou moins jeunes ne peuvent conquérir ses instances dirigeantes. Un échec qui s’explique par les réticences historicistes, mais aussi par des dissensions chez les théoriciens. Entre les représentants de l’École autrichienne (Ludwig von Mises, Friedrich Hayek) et ceux de l’aile gauche autour d’Adolf Löwe, les divergences scientifiques se doublent d’oppositions plus idéologiques, renvoyant à des conceptions de l’État et de la société inconciliables. Quoi de commun en effet entre les positions très libérales de Ludwig von Mises, qui fait de l’État et de son « interventionnisme » la cause de tous les maux, et Adolf Löwe, promoteur d’une « économie de marché stabilisée » dont les fondements sont la politique sociale et une conjoncture maîtrisée123 ? Dans un sens, le groupe des ricardiens n’a jamais existé que dans l’esprit d’Alexander Rüstow, qui a cru pouvoir bâtir un front théorique au-delà des fronts idéologiques. Dès le congrès de Zurich de 1928, le fossé se creuse dangereusement entre les théoriciens de sensibilité libérale et ceux de sensibilité sociale-démocrate, qui ne parviennent pas à s’entendre autour d’une candidature commune pour la présidence du Verein. C’est finalement l’économiste historiciste Christian Eckert qui est élu au début de 1929. Dans le même temps, Alexander Rüstow échoue à constituer un groupe de réflexion qui aurait donné aux ricardiens un ancrage institutionnel. Avec la dégradation économique et la radicalisation idéologique du début des années 1930, l’aile gauche et l’aile droite de la nouvelle génération ne se comprennent plus. Mais la Grande Dépression est une épreuve pour l’ensemble des théoriciens. En particulier pour Wilhelm Röpke, qui avait annoncé l’entrée dans une ère nouvelle, qui avait proclamé la capacité de la science économique à délivrer un message de nature quasiment scientifique. La crise casse bien des certitudes et invite aux remises en cause.
Notes de bas de page
1 Voir le chapitre « La grande bataille » d’Orages d’acier : Ernst Jünger, Journaux de guerre, t. I, 1914-1918, Paris, Gallimard, 2008, p. 200-232.
2 13 officiers ont été tués, 32 ont été blessés. 181 sous-officiers et soldats sont tombés, 677 ont été blessés et 205 ont été portés disparus. Voir Hans Voigt, Geschichte des Füsilier-Regiments Generalfeldmarschall Prinz Albrecht von Preußen (Hann.) Nr. 73, Berlin, Bernard & Graefe, 1938, p. 659. Sur l’histoire du 73e régiment de fusiliers, voir également Max von Szczepanski, Erinnerungsblatter aus der Geschichte des Füsilier-Regiments Generalfeldmarshall Prinz Albrecht von Preuβen (Hann.) Nr. 73 während des Weltkrieges 1914-1918, Berlin, Oldenburg, 1923.
3 Wilhelm Rôpke, Meine Erlebnisse in der Durchbruchschlacht von Cambrai-Arras am 21. und 22. März 1918. Le texte a été publié dans Id., Marktwirtschaft ist nicht genug. Gesammelte Aufsätze, Leipzig, Manuscriptum, 2009, p. 9-36. Sur les offensives allemandes de 1918, voir Martin Kitchen, The German Offensives of 1918, Londres, Tempus, 2005, notamment p. 9-81 ; Anne Duménil, « 1918 : les ruptures de l’équilibre », dans Stéphane Audouin-Rouzeau, Jean-Jacques Becker (dir. J, Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918. Histoire et culture, Paris, Bayard, 2004, p. 965-980.
4 Voir Kurt Flasch, Die geistige Mobilmachung : die deutschen Intellektuellen und der Erste Weltkrieg. Ein Versuch, Berlin, Fest, 2000 ; Wolfgang J. Mommsen (dir.), Kultur und Krieg. Die Rolle der Intellektuellen, Künstler und Schriftsteller im Ersten Weltkrieg, Munich, Oldenbourg, 1996.
5 Document cité dans Hans Jörg Hennecke, Wilhelm Röpke, op. cit., p. 15-16.
6 Michael Lemling, « Das Studentenkorps Marburg und die Tragödie von Mechterstädt », dans Peter Krüger, Anne Christine Nagel (dir.), Mechterstädt – 25.3.1920. Skandal und Krise in der Frühphase der Weimarer Republik, Münster, Lit-Verlag, 1997, p. 44-88, citation p. 60.
7 Sur cette mobilisation vue par Gustav Heinemann, Wir müssen Demokraten sein. Tagebuch der Studienjahre 1919-1932, Munich, Kaiser, 1980, p. 50-52.
8 Sur les étudiants et la politique à Marbourg, voir Siegfried Weichlein, « Studenten und Politik in Marburg. Die politische Kultur einer Universitatsstadt 1918-1920 », dans Peter Krüger, Anne Christine Nagel (dir.), Mechterstädt, op. cit., p. 27-43 ; Gustav Heinemann, Wir müssen Demokraten sein, op. cit. ; Ernst Lemmer, Manches war doch anders. Erinnerungen eines deutschen Demokraten, Francfort-sur-le-Main, Scheffler, 1968. Sur les étudiants en général, voir Konrad Jarausch, Deutsche Studenten 1800-1970, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1984 ; Thomas Nipperdey, « Die deutsche Studentenschaft in den ersten Jahren der Weimarer Republik », dans Adolf Grimme (dir.), Kulturverwaltung der zwanziger Jahre. Alte Dokumente und neue Beiträge, Stuttgart, Kohlhammer, 1961, p. 19-48 ; Jürgen Schwarz, Studenten in der Weimarer Republik. Die deutsche Studentenschaft in der Zeit von 1918-1923 und ihre Stellungzur Politik, Berlin, Duncker & Humblot, 1971.
9 Gustav Heinemann, « Die Marburger Stadtbrille », Alma mater Philippina, Sommersemester, 1964, p. 1-3.
10 Wilhelm Röpke, « Über farbentragende und nicht farbentragende korporierte und nicht farbentragende korporierte und nicht korperierte Studenten », Hessische Landeszeitung, n° 45, 23 février 1920. Sur les corporations au sortir de la Première Guerre mondiale, voir Marie-Bénédicte Daviet-Vincent, « De l’honneur de la corporation à l’honneur de la patrie. Les étudiants de Göttingen dans l’Allemagne de la Première Guerre mondiale », Le Mouvement social, n° 194, janvier-mars 2001, p. 39-65, notamment p. 39-47.
11 Voir la réaction du Marburger Korporationen-Ausschuß : « Farbentragende und nicht-farbentragende, korporierte und nicht korporierte Studenten », Hessische Landeszeitung, n° 56, 6 mars 1920 ; Wilhelm Röpke, « Farbentragende und nicht farbentragende, korporierte und nichtkorporierte Studenten », Hessische Landeszeitung, n° 62, 13 mars 1920.
12 Karl Bornhausen, « Gründung von Instituten für staatsbürgerliche Erziehung », Wilhelm Röpke, « Weg und Ziel staatsbürgerlicher Erziehung », dans Staatsbürgerliche Erziehung an den deutschen Universitäten. Eine Denkschrift im Auftrag der Vertretung der Deutschen Studentenschaft vorgelegt vom Zentral-Ausschuβ für Staatsbürgerliche Erziehung an der Universitsät Marburg, Marbourg, Schriften der Deutschen Studentenschaft, n° 4, p. 11-16, 3-9.
13 Sur la notion de volksbürgerliche Erziehung, voir Jürgen Schwarz, Studenten in der Weimarer Republik, op. cit., p. 324-326.
14 Wilhelm Röpke, « Weg und Ziel staatsbürgerlicher Erziehung », art. cité, p. 3.
15 Id., « Marburger Studentenjahre », dans Alma mater Philippina, Wintersemester 1963/1964, p. 1-4.
16 Ibid.., p. 3 ; Gustav Heinemann, Wir müssen Demokraten sein, op. cit., p. 53.
17 Wilhelm Röpke, « Wie es zur Ruhrbesetzung kam und was nun werden soll », Wirtschaftliche Selbstverwaltung. Mitteilungsblatt des Gewerkschaftsrings, n° 2, 4 février 1923, p. 9-11.
18 Lettre du 27 février 1923 à Gustav Heinemann, Archiv der sozialen Demokratie der Friedrich-Ebert-Stiftung (à partir de maintenant AsD), Nachlass Gustav Heinemann, carton n° 45.
19 Lettre du 20 juin 1923 à Gustav Heinemann, ibid.
20 Lettre du 1 février 1923 à Gustav Heinemann, ibid ; Wilhelm Röpke, « Wie es zur Ruhrbesetzung kam und was nun werden soll », art. cité.
21 Lettres du 15 septembre et du 19 septembre 1923 à Gustav Heinemann, AsD, Nachlass Gustav Heinemann, carton n° 45.
22 Lettre du 15 avril 1924 à Gustav Heinemann, ibid.
23 Wilhelm Röpke, TG, 1, « Reise nach England zum Besuch der internationalen Freihandelskonferenz Ende September 1924 ».
24 Lettre du 3 mai 1924 à Siegfried A. Kaehler, Archives de la Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek Göttingen.
25 On ne sait rien de cet engagement au sein du DDP qui a dû rester très formel.
26 Voir Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., p. 27-152 ; Roman Köster, Die Wissenschaft der Auβenseiter, op. cit. ; Knut Wolfgang Nörr, Bertram Schefold, Friedrich Tenbruck (dir.), Geisteswissenschaften zwischen Kaiserreich und Republik, op. cit.
27 Pour des introductions sur l’école historique : Heinz Rieter, « Historische Schulen », dans Otmar Issing (dir.), Geschichte der Nationalökonomie, Munich, Franz Vahlen, 4e éd., 2002, p. 131-168 ; Harald Winkel, Die deutsche Nationalökonomie im XIX. Jahrhundert, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1977, p. 82-121.
28 L’historiographie distingue la vieille École historique (ältere historische Schule) des Roscher, Hildebrand et Knies de la jeune École historique (jüngere historische Schule) des Schmoller, Brentano et Wagner.
29 L’École historique fait l’objet depuis les années 1990 d’une réévaluation. Voir Jürgen G. Backhaus (dir.), Gustav Schmoller und die Probleme von heute, Berlin, Duncker & Humblodt, 1993 ; Hinnerk Bruhns (dir.), Histoire et économie politique en Allemagne de Gustav Schmoller à Max Weber : nouvelles perspectives de l’École historique de l’économie, Paris, MSH, 2004 ; Werner Plumpe, « Gustav von Schmoller und der Institutionalismus. Zur Bedeutung der historischen Schule der Nationalökonomie für die moderne Wirtschaftsgeschichtsschreibung », Geschichte und Gesellschaft, 25,1999, p. 252-275 ; Heino Heinrich Nau, « Von der historischen Nationalökonomie zur Wirtschaftswissenschaft. Neuere Forschungsliteratur zur Geschichte der deutschsprachigen Ökonomie 1871 bis 1914 », Neue Politische Literatur, % 2, 1997, p. 70-99.
30 Sur la querelle des méthodes, voir Gilles Campagnolo, Cari Menger entre Aristote et Hayek. Aux sources de l’économie moderne, Paris, CNRS Éditions, 2008, p. 93-132 ; Reginald Hansen, « Der Methodenstreit in den Sozialwissenschaften zwischen Gustav Schmoller und Carl Menger, seine wissenschaftshistorische und wissenschafttheoretische Bedeutung », dans Alwin Diemer (dir.), Beiträge zur Entwicklung der Wissenschaftstheorie im 19. Jahhundert, Meinsenheim, Hain, 1968, p. 137-176 ; Annette Wittkau, Historismus : zur Geschichte des Begriffs und des Problems, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989, p. 61-79.
31 Georg Friedrich Knapp, Staatliche Theorie des Geldes, Leipzig, Duncker & Humblot, 1905.
32 Ludwig Pohle, Die gegenwärtige Krisis in der deutschen Volkswirtschaftslehre, Leipzig, Deichert, 2e éd. (1re éd. 1911), 1921.
33 Edgar Salin, Geschichte der Volkswirtschaftslehre, Berlin, Springer, 1923, p. 39.
34 Robert Wilbrandt, « Das Ende der historischen-ethischen Schule », Weltwirtschaftliches Archiv, 24, 1926, p. 73-108, 228-274.
35 Handwörterbuch der Staatswissenschaften, Iéna, Fischer, 4e éd., 1923-1929. Il s’agit de l’article « Volkswirtschaft, Volkswirtschaftslehre und-methode », paru dans la troisième édition du Handwörterbuch publiée de 1909 à 1911.
36 Joseph A. Schumpeter, Theorie der wirtschaftlichen Entwickung, Leipzig, Duncker & Humblot, 1912.
37 Joseph A. Schumpeter a renoncé à une présentation mathématisée : Das Wesen und der Hauptinhalt der theoretischen Nationalökonomie, Leipzig, Duncker & Humblot, 1912.
38 Gustav Cassel, Lehrbuch der allgemeinen Wirtschaftslehre, Leipzig, Winter, 1918. La cinquième édition paraît en 1932.
39 Sur l’influence exercée par les économistes étrangers, voir Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., p. 58-62.
40 Eugen von Philippovith, Grundriβ derpolitischen Ökonomie, Tübingen, Mohr, 1893 ; Johann E. Conrad, Grundriβ zum Studium derpolitischen Ökonomie, Iéna, Fischer, 1896 ; Adolf Weber, Allgemeine Volkswirtschaftslehre, Leipzig, Duncker & Humblot, 1928. Sur la survivance des anciens manuels, voir Claus-Dieter Krohn, Wirtschaftstheorien als politische Interessen, op. cit., p. 25.
41 On parle souvent de la troisième génération de l’École historique, de la « plus jeune École historique » (jüngste historische Schule), ou bien de néohistoricisme, pour distinguer la pensée de la génération Sombart/Spiethoff.
42 Hermann Schumacher, « Zur Übernahme des Jahrbuches », Schmollers Jahrbuch für Gesetzgebung, Verwaltung und Volkswirtschaft, 42, 1918, p. 1-10, citation p. 10.
43 Sur la notion de style chez Werner Sombart et Arthur Spiethoff, voir Sylvain Broyer, « Ordnungstheorie et ordolibéralisme : les leçons de la tradition. Du caméralisme à l’ordolibéralisme : ruptures ou continuités ? », dans Patricia Commun (dir.), L’ordolibéralisme allemand, op. cit., p. 79-99, notamment p. 89-92 ; Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., p. 349-361 ; Heinz Rieter, « Historische Schulen », op. cit., p. 154-160 ; Harald Winkel, Die deutsche Nationalökonomie, op. cit., p. 122-125 ; Bertram Schefold, « Nationalökonomie und Kulturwissenschaften : Das Konzept des Wirtschaftsstils », dans Wolfgang Nörr, Bertram Schefold, Friedrich Tenbruck (dir.), Geisteswissenschaften zwischen Kaiserreich und Republik, op. cit., p. 215-242.
44 Wolfgang Nörr, Bertram Schefold et Friedrich Tenbruck, ibid., p. 10.
45 Walter Eucken, Die Grundlagen der Nationalökonomie, Iéna, Fischer, 1940, p. 18-28, notamment p. 28.
46 Ibid., p. 27.
47 Ces chiffres concernent les professeurs de sciences économiques dans les universités. Ils ne prennent pas en compte leurs collègues enseignant dans les Technische Hochschulen et d’autres écoles supérieures (10 en 1920, 38 en 1931). Durant le même laps de temps, le nombre des Privatdozent dans les universités passe de 22 à 57. Statistiques extraites de Christian von Ferber, Die Entwicklung des Lehrskörpers der deutschen Universitäten und Hochschulen 1864-1954, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1956, p. 198.
48 Ibid., p. 195.
49 Wilhelm Röpke, « Marburger Studentenjahre », art. cité, p. 4.
50 Gustav Heinemann, Wir müssen Demokraten sein, op. cit., p. 119. Parmi les doctorants présents, il y a également Ernst Wiskemann (1886-1941) qui devait devenir l’un des économistes nazis les plus en vue dans les années 1930.
51 Lettre du 22 septembre 1921 à Gustav Heinemann, AsD, Nachlass Gustav Heinemann, carton n° 44.
52 Son Abriß der Sozialgeschichte paru en 1919 est réédité à six reprises jusqu’en 1931, la douzième et dernière édition paraît en 1966.
53 Hans-Jörg Hennecke, Wilhelm Röpke, op. cit., p. 40.
54 Lettre du 18 décembre 1922 à Gustav Heinemann, AsD, Nachlass Gustav Heinemann, carton n° 44. Wilhelm Röpke est d’abord chargé des questions relevant des finances internationales avant de traiter celles relevant du commerce extérieur.
55 Sur Hermann Schumacher, voir Nils Goldschmidt, « Hermann Schumacher – nur ein weiterer Erbe Schmollers oder der erste Ordoliberale ? Anmerkungen zu einem “missing link” zwischen der Historischen und der Freiburger Schule », dans Jürgen Backhaus (dir.), Historische Schulen, Münster, Lit-Verlag, 2005, p. 53-93.
56 Les deux dernières citations sont extraites de la lettre du 27 février 1923 à Gustav Heinemann, AsD, Nachlass Gustav Heinemann, AsS, carton n° 45.
57 Citation de la lettre du 15/3/1928 du ministère de l’Agriculture de Prusse au ministère prussien pour la Science, l’Art et l’Éducation populaire, Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz Berlin (à partir de dorénavant GStA), I. HA Rep 76. Kultusministerium Va Sekt 12 T IV, 7 Bd 6, n° 220. Voir également lettre du 31/1/1928 du Ministerialdirektor Schäffer (Reichsswirtscchaftsministerium) au ministère prussien pour la Science, l’Art et l’Éducation populaire, ibid., n° 224.
58 Pour une présentation fouillée des négociations qui ont conduit au retour de Wilhelm Röpke à Marbourg, voir Hans-Jörg Hennecke, Wilhelm Röpke, op. cit., p. 61-63.
59 Fritz K. Ringer, « A Sociography of German Academics 1863-1938 », Central European History, 25,1992, n° 3, p. 251-280, notamment p. 263,265. Ces chiffres ne représentent toutefois que des ordres de grandeur, du fait de séries statistiques relativement lacunaires : voir les remarques de Fritz Ringer à ce propos.
60 Wilhelm Röpke, Die Arbeitsleistung im deutschen Kalibergbau unter besonderer Berücksichtigung des hannoverschen Kalibergbaus, Berlin, De Gruyter, 1922, 80 p. Id., Wilhelm Röpke, Die Konjunktur. Ein systematischer Versuch als Beitragzur Morphologie der Verkehrswirtschaft, léna, Fischer, 1922, 133 p. ; Eduard Heimann, Zur Kritik der Sozial-Methode, Tübingen, Laupp, 1913, 33 p. ; Fritz Neumark, Begriff und Wesen der Inflation, Iéna, Fischer, 1922, 69 p. ; Gerhard Colm, Volkswirtschaftliche Theorie der Staatsausgaben : ein Beitragzur Finanztheorie, Tübingen, Mohr, 1927, 83 p. ; Walter Eucken, Das Stickstoffversorgung der Welt : eine volkswirtschaftliche Untersuchung der Welt, Berlin, Deutsche Verlags Anstalt, 1921, 185 p. ; Id., Die Verbandsbildungin der Seeschiffahrt, Berlin, Duncker & Humblot, 1913, 314 p. ; Fritz Neumark, Der Reichshaushaltsplan. Ein Beitragzur Lehre vom öffentlichen Haushalt, Iéna, Fischer, 1929, 406 p.
61 Walter Troeltsch, Die Calwer Zeughandlungskompagnie und ihre Arbeiter, Iéna, Fischer, 1897. L’étude reste un ouvrage de référence jusqu’à aujourd’hui. Sur l’analyse de Gustav Schmoller, voir Walter Brauer, « Walter Troeltsch », dans Ingeborg Schnack (dit.), Marburger Gelehrte in der ersten Hälfte des 20. Jahrhunderts, Marbourg, Elwert, 1977, p. 553-568.
62 Lettre du 2 juillet 1923 à Gustav Heinemann, AsD, Nachlass Gustav Heinemann, AsS, carton n° 45.
63 Lettre du 15 avril 1924 à Gustav Heinemann, ibid.
64 Walter Eucken, Das Sticktoffversorgung der Welt, op. cit. ; Id., Kritische Betrachtungen zum deutschen Geldproblem, Iéna, Fischer, 1923.
65 Lettre du 30 août 1923 de Walter Eucken à Rudolf Eucken, dans Nils Goldschmidt, « Hermann Schumacher – nur ein weiterer Erbe Schmollers oder der erste Ordoliberale ? », art. cité, p. 82.
66 Wilhelm Röpke, Geld und Außenhandel, Iéna, Fischer, 1925, p. 3.
67 Id., « Wirtschaftstheorie und Wirtschaftspraxis », Maschinenbau, n° 15, 12 septembre 1929, p. 207-209, citation p. 207.
68 Id., Die Lehre von der Wirtschaft, Vienne, Springer, 1937. Nous citerons ici l’édition française de 1940 : Id., Explication économique du monde moderne, Paris, Librairie de Médicis, 1940.
69 Ibid., p. 44-49, citation p. 44.
70 Ibid., p. 49-50, 35-36, 52, 253.
71 Wilhelm Röpke, Internationale Ordnung, Erlenbach-Zurich, Rentsch, 1945, p. 16.
72 Id., « Sozialismus », Hessische Landeszeitung, n° 237, 10/10/1919.
73 Id., « Weg und Ziel staatsbürgerlicher Erziehung », dans Staatsbürgerliche Erziehung an den deutschen Universitäten, op. cit., p. 5
74 Hans-Jörg Hennecke, Wilhelm Röpke, op. cit., p. 34.
75 Wilhelm Röpke, « Die 16. Generalversammlung des Gewerkvereins Christlicher Bergarbeiter Deutschlands », Soziale Praxis, 30, n° 30, 1921,14/12/1921, p. 369-372.
76 Id., « Die Reichsknappschaftsgesetz », Soziale Praxis, 32, n° 31, 2 août 1923, p. 715-717.
77 Id., « Die Arbeitsleistung im deutschen Kalibergbau unter besonderer Berücksichtigung des hannoverschen Kalibergbaus », Soziale Praxis, 30,10/8/1921, p. 817-824, notamment p. 824..
78 Id., « Grundfehler der deutschen Sozialpolitk ? », Soziale Praxis, 30, 14 décembre 1921, p. 1286-1288.
79 Fritz Tänzler, « Die Grundfehler der Sozialpolitik », Der Arbeitgeber, 11,1921, p. 205-206.
80 Wilhelm Röpke, « Grundfehler der Sozialpolitik ? », art. cité, dernière citation p. 1287.
81 Heinrich Herkner, « Der Verein für Sozialpolitik in Vergangenheit, Gegenwart und Zukunft », dans Franz Boese (dir.), Verhandlungen des Vereins für Sozialpolitik in Eisenach 1922. Die Zukunft der Sozialpolitik. Die Not der geistigen Arbeiter, Munich-Leipzig, 1923. Sur les débats intenses autour de la politique sociale durant les années weimariennes, voir Hauke Janssen, Nationalökonomie une Nationalsozialismus, op. cit., p. 240-253 ; Claus-Dieter Krohn, Wirtschaftstheorie als politische Interessen, op. cit., p. 47-51.
82 Heinrich Herkner, « Sozialpolitische Wandlungen in der wissenschaftlichen Nationalökonomie », Der Arbeitgeber, 13,1923, p. 34-35.
83 Heinz W. Marr, « Zur Krise der Sozialpolitik », Soziale Praxis, 32, 1923, article publié dans plusieurs numéros p. 546-551, 563-571, 648-650, 666-668, 696-698, 710-713, 727-730, 757-760, citation p. 650.
84 Wilhelm Röpke, « Der kapitalistische Geist », Jahrbücher für Nationalökonomie und Statistik, 122, 1924, p. 346-349, citation p. 349.
85 Id., « Sozialismus », art. cité.
86 Id., « Die Wirtschaftsideen Walter Rathenaus », Der Herold der demokratischen Jugend Deutschlands, n° 30, septembre 1922, p. 3-5, citation p. 5.
87 Id., « Der kapitalistische Geist », art. cité, p. 348.
88 Id., « Freihandel und Sozialpolitik », Soziale Praxis, 33,1924, n° 47, 20/11/1924, p. 985-990, citation p. 988.
89 Festschrift für Lujo Brentano zum 70. Geburstag, Munich, Dunker & Humblot, 1916 ; Moritz Julius Bonn, Melchior Palyi, Festgabe zur 80. Geburstag. Die Wirtschaftswissenschaft nach dem Krieg. 29 Beiträge über den Stand der deutschen und ausländischen sozialökonmischen Forschungnach dem Krieg, Munich, Duncker & Humblot, 1925. Sur ce point, voir Ernst Heuss, « Die Wirtschaftstheorie in Deutschland während der 20er Jahre », dans Knut Wolfgang Nörr, Bertram Schefold, Friedrich Tenbruck (dir.), Geisteswissenschaften zwischen Kaiserreich und Republik, op. cit., p. 137-158, notamment p. 139-140.
90 Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., notamment p. 30-40. Sur l’aile gauche, Claus-Dieter Krohn, Wirtschaftstheorien als politische Interessen, op. cit., notamment p. 133-140.
91 Sur ce groupe, voir, outre l’ouvrage de Claus-Dieter Krohn cité dans la note précédente, Gunter Könke, « Planwirtschaft oder Marktwirtschaft ? Ordnungspolitische Vorstellungen sozialdemokratischer Nationalökonomen in der Weimarer Republik », Vierteljahrhefte für Sozial- und Wirtschajtsgeschichte, 77,1990, p. 457-487 ; Claus-Dieter Krohn, Derphilosophische Ökonom. Zur intellektuellen Biographie Adolph Löwes, Marbourg, Metropolis, 1996.
92 Contrairement à Hauke Janssen, Roman Köster relativise le rôle joué par Alexander Rüstow : Roman Köster, Die Wissenschaft der Auβenseiter, op. cit., p. 227.
93 Sur Alexander Rüstow, voir Kathrin Meier-Rust, Alexander Rüstow, op. cit. Sur Franz Oppenheimer, voir Dieter Haselbach, Franz Oppenheimer. Soziologie, Geschichtsphilosophie und Politik des « liberalen Sozialismus », Opladen, Leske + Budrich, 1985.
94 Sur le VDMA, voir Id., Autoritärer Liberalismus und Soziale Marktwirtschaft. Gesellschaft und Politk im Ordoliberalismus, Baden Baden, 1991, p. 200-202, Gerhard D. Feldman, Ulrich Nocken, « Industrieverbände und Wirtschaftsmacht : Zur Entwicklung der Interessenverbände in der deuschen Eisen-, Stahl- und Maschinenbauindustrie 1900-1933 », dans Gerhard D. Feldman, Vom Weltkrieg zur Weltwirtschaftskrise. Studien zur deutschen Wirtschafts- und Sozialgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1984, p. 131-160.
95 Voir la lettre déjà très chaleureuse de Wilhelm Röpke à Alexander Rüstow du 21 octobre 1929, Bundesarchiv Koblenz (désormais BAK), Nachlaß Alexander Rüstow N 1169/7.
96 Walter Eucken, « Auslandsanleihen », Magazin der Wirtschaft, 1928, 1, p. 120 et suiv., Wilhelm Röpke, « Investitionskonjunktur und Konsumkonjunktur », Maschinenbau, 7,1928, n° 6, p. 270-273. Voir sur ce point Claus-Dieter Krohn, Wirtschaftstheorien als politische Interessen, op. cit., p. 136.
97 Lettre du 22 juillet 1929 d’Alexander Rüstow, BAK, Nachlaß Alexander Rüstow N 1169/7.
98 Joseph A. Schumpeter, « Gustav von Schmoller und die Probleme von heute », Schmollers Jahrbuch, 50, 1926, p. 337-388.
99 Voir Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., p. 37-38.
100 Outre de nombreux articles, Wilhelm Röpke publie également durant sa période weimarienne une série de petites synthèses : Die internationale Handelspolitik nach dem Krieg, léna, Fischer, 1923 ; Geld und Außenhandel, Iéna, Fischer, 1925 ; Finanzwissenschaft, Berlin, Vienne, Spaeth & Linde, 1929 ; Weltwirtschaft und Außenhandelspolitik, Berlin, Vienne, Spaeth & Linde, 1931.
101 Id., « Der Rhythmus des Wirtschaftslebens », Sparkasse. Zeitschrift für das Sparkassen- und kommunale Bankwesen, 46,1926, n° 16, 15 août 1926, p. 361-367, notamment p. 361 ; Id., « Vierdimensionale Nationalökonomie », Die Hilfe. Zeitschrift für Politik, Literatur und Kunst, 1926, n° 13, p. 261-263, notamment p. 261 ; « Wirtschatstheorie und Wirtschaftspraxis », art. cité, p. 207.
102 Ibid.
103 Ibid., p. 209.
104 Id., « Vierdimensionale Nationalökonomie », art. cité.
105 Gustav Cassel, Das Geldprobem der Welt. Denkschrift 1, Munich, Drei Masken Verlag, 1921. Voir Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., p. 326-327.
106 « Der Rhythmus des Wirtschaftslebens », art. cité., notamment p. 362, 366-367.
107 Sur la théorie de la conjoncture, voir, outre Hauke Janssen et Claus-Dieter Krohn, Christoph Rühl, « Der Beitrag deutschsprachiger Ökonomen zur konjunkturtheoretischen Debatte der Zwischenkriegszeit », dans Harald Hagemann (dir.), Zur deutschsprachigen wirtschaftswissenschaftlichen Emigration nach 1933, Marbourg, Metropolis Verlag, 1997 ; Carl-Ludwig Holtfrerich, « Zur Entwicklung der monetären Konjunkturtheorie : Wicksell, Schumpeter, Hahn, Mises, Hayek », Gertrud Pütz-Neuhauser, « Zur Entwicklung der Konjunkturtheorie im deutschen Sprachraum in der Zwischenkriegszeit », dans Bertram Schefold (dir.), Studien zur Entwicklung der ökonomischen Theorie, Band VIII, Berlin, Duncker & Humblot, 1989, p. 103-140, 87-102.
108 Wilhelm Röpke, « Kredit und Konjunktur », Jahrbücher für Nationalökonomie und Statistik, 124,1926, p. 243-285, citation p. 243. Cet article est le plus important que l’économiste ait consacré à cette question dans les années 1920.
109 Id., Die Konjunktur, op. cit.
110 Id., « Konjunkturtheorie und Konjunkturpolitik », Bankwissenschaft. Zeitschrift für das Bankwesen, 2, 1925, nos 9 et 10, p. 362-366, 406-412, notamment p. 403-404.
111 Id., « Kredit und Konjunktur », art. cité, p. 266.
112 Id., « Zins, Preis und Konjunktur », Bankwissenschaft. Zeitschriftc für das Bankwesen, 3, 1926, n° 1, p. 2-9. Voir également Id., « Kredit und Konjunktur », art. cité, p. 269-274.
113 Knut Wicksell, Geldzins und Güterpreise. Eine Studie über die den Tauschwert des Geldes bestimmenden Ursachen, Iéna, Fischer, 1898 ; Id., Geld und Kredit. Vorlesungen über Nationalökonomie auf Grundlage des Marginalprinzipes, Band 2, Iéna, Fischer, 1922 ; Ludwig von Mises, Théorie des Geldes und der Umlaufsmittel, 2e éd., Munich, Leipzig, Duncker & Humblot, 1924 (1re éd. 1912).
114 Ludwig Albert Hahn, Volkswirtschaftliche Theorie des Bankkredits, Tübingen, Mohr, 1920. Voir Wilhelm Röpke, « Kredit und Konjunktur », art. cité, p. 251. Ludwig Albert Hahn devait revenir sur des positions beaucoup plus orthodoxes dans le courant des années 1920 et au début des années 1930.
115 Id., « Zins, Preis und Konjunktur », art. cité, p. 7.
116 Id., « Kredit und Konjunktur », art. cité, p. 263-264.
117 Ibid., notamment p. 244, 285.
118 Id., Krise und Konjunktur, op. cit. ; Id., Crises and Cycles, op. cit. Même si Helge Peukert lui reproche de ne pas avoir élaboré de théorie de la conjoncture en bonne et due forme : voir Helge Peukert, Das sozialökonomische Werk Wilhem Röpkes, op. cit., notamment p. 684-687.
119 Wilhelm Röpke, « Die Kreditschöpfung durch Banken und ihre volkswirtschaftliche Auswirkungen », Bankwissenschaft, 6, n° 19, 1930, p. 753-762, notamment p. 753.
120 Gottfried Haberler, Prosperity and Depression op. cit.
121 Schriften des Vereins für Socialpolitik, Band 173/2, Munich, Leipzig, Duncker & Humblot, 1928 ; Fritz Burchardt, « Entwicklungsgeschichte der monetären Konjunkturtheorie », Weltwirtschaftliches Archiv, 28, 1928, p. 77-143.
122 Sur la Friedrich List Gesellschaft, voir Hermann Brügelmann, Politische Ökonomie in kritischen Jahren. Die Friedrich-List-Gesellschaft e. K von 1925-1935, Tübingen, Mohr, 1956. Sur la mobilisation des ricardiens et la citation d’Alexander Rüstow du 25 mai 1928, voir Hauke Janssen, Nationalökonomie und Nationalsozialismus, op. cit., p. 27-31.
123 Sur les positions d’Adolf Löwe, outre Claus-Dieter Krohn, voir Günter Könke, « Planwirtschaft oder Marktwirtschaft ? Ordnungspolitische Vorstellungen sozialdemokratischer Nationalökonomen in der Weimarer Republik », art. cité, p. 480.
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