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La diplomatie religieuse de la France en Amérique du Nord (1900-1950)

p. 191-210


Texte intégral

1La diplomatie culturelle française en Amérique du Nord, dans la première moitié du xxe siècle, présente la singularité de s’exercer dans le cadre d’un empire passé, où des populations francophones, rémanence impériale et, selon la formule d’un diplomate en 1924, « réserve d’influence que nous devons chercher à développer par tous les moyens convenables1 », se trouvent dispersées depuis le bassin du Mackenzie dans le Grand Nord canadien jusqu’au delta du Mississippi. Cet « empire d’autrefois », modestement revitalisé par les phénomènes migratoire et missionnaire au xixe siècle, n’est plus un espace colonial et ne peut guère devenir un « empire informel » : malgré la victoire de 1918, la France apparaît en Amérique du Nord avec le terne prestige de la nation qui a « abandonné » ses enfants du Canada en 1763 ou qui les a vendus en 1803 lors de l’achat de la Louisiane par les États-Unis.

2La culture locale, protestante et anglophone, requiert en outre de la diplomatie française une grande prudence dans l’action culturelle. Les diplomates français envoyés auprès des gouvernements d’Amérique du Nord cherchent en effet à soutenir l’élément francophone, qui, dans une situation minoritaire partout sauf au Québec et adossé pour l’essentiel aux structures catholiques (paroisses nationales, missions, communautés religieuses, « bonne presse », etc.), se trouve en porte-à-faux par rapport à la culture dominante. La carte catholique, jouée assez souvent par la diplomatie française auprès de ces populations francophones, entend renouer le lien avec la « vieille France » par-delà l’épisode révolutionnaire et les lois de laïcisation de la fin du xixe siècle. Paul Claudel, accueilli en mars 1927 par un prêtre franco-canadien de Chicago, le formulait avec toute la netteté requise :

L’abbé Pelletier me salue du haut de la chaire et me dit l’immense joie des Canadiens de me voir arriver en Amérique et leur reconnaissance de ce que j’ai fait pour la littérature française. [...] Cela m’a beaucoup touché, surtout que ce discours était fait en présence du Saint-Sacrement exposé. C’était comme mon accueil en Amérique par la vieille France2.

3 Il faudra d’abord poser le cadre chronologique et interprétatif de la diplomatie religieuse française en Amérique du Nord. Comment passe-t-on de l’analyse du fait religieux à son usage diplomatique ? Selon quelle temporalité et quels modèles ? À partir de quelles sources archivistiques peut-on suivre la question pour le terrain nord-américain ? Seront ensuite examinés l’exemple canadien, et notamment la position évolutive du consulat de France à Vancouver à l’égard des missions dans le Nord-Ouest, puis les difficultés et les métamorphoses de la diplomatie religieuse de la France aux États-Unis. Le cœur de la réflexion voudrait préciser l’articulation de cette diplomatie religieuse, sans budget véritable, hémiplégique en apparence puisqu’elle est essentiellement à destination des catholiques francophones nord-américains, à la diplomatie culturelle plus large que le Quai d’Orsay entend mettre en place en Amérique du Nord à la même époque3.

De l’analyse du fait religieux à son usage diplomatique

4En 1900, le réseau diplomatique français n’a ni la même structure, ni la même vigueur de part et d’autre de la frontière qui sépare le Canada des États-Unis. Alors qu’au seuil du xxe siècle la France diplomatique n’est présente dans le Dominion canadien que par ses représentations du consulat général de Montréal et du consulat de Vancouver, les deux postes étant alors en outre sous la lointaine dépendance de l’ambassade de France à Londres, la France a déjà déployé aux États-Unis un système diplomatique complet, avec à sa tête l’ambassade de France à Washington et un ample réseau consulaire à New York, Philadelphie, Chicago, la Nouvelle-Orléans et San Francisco. Puisque le poste de Vancouver, fermé en 1909, n’est rouvert qu’en 1925, un bref rapport rédigé en 1924 dénonce à raison la faiblesse de la diplomatie française au Canada : « Nous n’avons qu’un seul agent de carrière au Canada : un consul général qui réside à Montréal où sont concentrés tous les services français4. » En 1950, les différences de nature entre les représentations françaises du Canada et des États-Unis se sont estompées : le réseau diplomatique français au Canada, parvenu à maturité du fait notamment du statut de Westminster (1931), s’est accru d’une légation, ouverte à Ottawa en 1928, désormais entourée de cinq consulats, à Québec, Montréal, Vancouver, Winnipeg et Saint-Jean de Terre-Neuve.

5Les archives des correspondances politiques et commerciales témoignent d’une attention croissante pour les problématiques religieuses nord-américaines. Avant la Première Guerre mondiale, les inventaires couvrant la période 1897-1918 pour le Canada5 et pour les États-Unis6 ne signalent aucun dossier spécifique pour les affaires religieuses, ventilées dans les dossiers sur les affaires intérieures. La fin de la Première Guerre mondiale est un moment de césure en la matière. Au lendemain de la Grande Guerre, les correspondances politiques et commerciales comprennent désormais des dossiers spécifiques pour les affaires religieuses : pour la période de 1918 à 1940, il y a un dossier pour le Canada7 et deux dossiers pour les États-Unis8. La période qui suit la Seconde Guerre mondiale confirme l’intérêt des diplomates français pour les questions religieuses : on trouve pour la période 1944-1952 un dossier pour le Canada9, et quatre dossiers pour les États-Unis10.

6À ce premier ensemble archivistique, il faut adjoindre à partir du commencement des années 1920 les dossiers du conseiller pour les affaires religieuses qui concernent le Canada et les États-Unis11, et ceux du Service des œuvres françaises à l’étranger (417QO et 420QO pour les œuvres canadiennes) qui permettent de compléter la documentation pour les années 1920-1950. Le fonds « Comptabilité » permet parfois, mais très imparfaitement du fait de ses discontinuités, de poser sur une base mesurable la réalité de la diplomatie culturelle en Amérique du Nord.

7Cette cartographie archivistique apporte quelques premiers éléments de réflexion. Avant la Première Guerre mondiale, les questions religieuses sont traitées de manière fragmentée et se trouvent, sous la plume des diplomates français, essentiellement reliées aux enjeux politiques. Les crises scolaires au Manitoba autour de 1896 et l’intégration des nouvelles provinces de l’Alberta et du Saskatchewan en 1905 sont l’occasion de quelques analyses religieuses de la part du consul à Montréal. Les circonstances sont complexes, mais le fond de l’affaire varie faiblement : il s’agit toujours de chercher à préserver les droits de la minorité francophone, dont le rempart est le catholicisme. Ainsi la belle litote de la lettre d’Alfred Kleczkowski, consul général de France à Montréal en 1896 : « Le projet de bill [au Manitoba] paraît assurer des avantages suffisants aux écoles catholiques, pour que celles-ci soient à même de subsister et même de se développer dans la province du Manitoba. Comme ces écoles sont en fait des écoles de langue française, un tel résultat ne saurait nous être indifférent12. » La même année, le même consul général, qui ne goûte guère la culture cléricale québécoise, dénonce l’attitude intransigeante des évêques du Québec, venant de condamner un journal libéral : « Des procédés aussi arbitraires soulèvent chez les esprits éclairés de sourdes protestations, dont le clergé paraît être à peu près seul à ne pas s’apercevoir. [...] Aucun écrivain n’ose encore dénoncer publiquement le caractère abusif et humiliant pour la dignité humaine des droits que s’arrogent les évêques dans des cas analogues13. » Le même diplomate est donc à la fois hostile au cléricalisme québécois et en faveur des écoles confessionnelles. En 1905, alors que le Premier ministre du Canada, Wilfrid Laurier, entend défendre dans les nouvelles provinces de l’Ouest l’enseignement catholique, et nommément le régime séparé des écoles, favorable aux minorités, le consul général, M. Kleczkowski encore, de commenter : « Est-ce une satisfaction que Sir Wilfrid Laurier a cru devoir donner au clergé catholique ? Au Nord-Ouest, les catholiques sont et seront de plus en plus la minorité. [...] La haine de l’idée religieuse en soi est chose à peu près inconnue dans la confédération canadienne14. » La formule importe, puisqu’elle témoigne à la fois, dans la conscience du consul, de l’échec inévitable des missions catholiques dans l’Ouest, où des évêques missionnaires et des « abbés-colons » ont cherché à susciter des communautés franco-catholiques, non sans succès ici et là, et de l’inexistence de la « question laïque » au Canada. Le même consul souligne quelques mois plus tard que « pour les Canadiens français, race et religion sont si bien mêlées que les protestations anglaises qui s’attaquent aux écoles séparées leur apparaissent comme une nouvelle manifestation de fanatisme15 ». Dès lors, le cadre interprétatif de la diplomatie française est posé et reprend la grille d’analyse des Franco-Canadiens eux-mêmes : l’anticléricalisme n’a aucun poids social au Canada ; « race » et « religion » sont indissociables, ce qui suppose que, pour venir en aide à la « race franco-canadienne », la diplomatie française doit dans les faits soutenir leur « religion ». Cela dit, à cette période, on ne trouve nulle trace d’une diplomatie religieuse effective et on en reste au registre de la description. En sens contraire, signe que la question laïque se diffuse au sein du MAE, on repère tout de même le projet éphémère de création d’une école laïque au Canada, dont les crédits, votés à la veille de la Première Guerre mondiale, sont annulés le 31 décembre 1914 pour être reversés à un fonds de bienfaisance16.

8Pour les États-Unis, avant la Première Guerre mondiale, on sent pareillement la diplomatie française plutôt malhabile à entrer sur le terrain de la diplomatie religieuse. Un exemple est fourni en août 1905 à l’occasion du décès de Mgr Placide-Louis Chapelle, le dernier archevêque français de la Nouvelle-Orléans :

Au physique comme au moral, commente le chargé d’affaires à Washington, le prélat qui vient de disparaître avait conservé les traits caractéristiques de son origine française. Né dans le Massif central, il avait même lorsqu’il s’exprimait en anglais l’accent des Cévennes, et chose assez remarquable parmi le clergé américain, il savait le latin et la théologie. Aujourd’hui sa succession est ouverte, il ne manque pas de candidats qui briguent de la recueillir. Si l’on considère le nombre d’habitants de la Nouvelle-Orléans, presque tous catholiques de religion, qui parlent notre langue et subissent encore dans une certaine mesure notre influence, il y aurait pour nous un notable intérêt à ce qu’un prélat français de tendances et même d’origine, si c’est possible, fût appelé au siège de Mgr Chapelle. Je ne puis que signaler pour ordre à Votre Excellence, étant donné la rupture de nos relations avec le Vatican, la candidature de Mgr Henry Granjon, de Tucson (Arizona), fils d’un agent de change de Lyon17.

9Un archevêque, né en Allemagne, Mgr James Blenk, prit la succession de Mgr Chapelle – signe de l’amoindrissement numérique et hiérarchique des missionnaires français dans la région et sérieux revers pour l’influence française.

10En 1908, la candidature de William Taft à l’élection présidentielle donne l’occasion à Jusserand, l’ambassadeur de France à Washington de 1902 à 1924, de rapporter le détail d’une controverse : Taft, « unitarien », ne croit « ni à la Trinité, ni à l’Evangile ». Cela crée des tensions dans l’opinion publique ; mais le président sortant, Théodore Roosevelt, refuse d’y répondre pour que la campagne « conserve son caractère strictement politique ». Jusserand note alors les propos de T. Roosevelt :

« Vous demandez, dit le Président la campagne finie, que M. Taft fasse connaître au monde quelle est sa foi religieuse ? Mais c’est une affaire purement privée qui ne concerne que lui et son créateur, qui concerne sa conscience seule, et le requérir de faire là-dessus une déclaration publique, afin d’agir en conséquence à son sujet au point de vue politique est la négation des premiers principes de notre gouvernement. » Le Président, poursuit Jusserand, est très frappé des dissensions et des haines (et par conséquent des diminutions de force pour le pays) résultant fatalement de l’introduction des questions religieuses dans la politique18.

11Cette position, qui rappelle en substance l’un des traits de la laïcité américaine, ainsi que le fameux « mur » érigé par Jefferson entre religion privée et vie publique, n’empêche pas T. Roosevelt de louer deux mois plus tard la mission civilisatrice des méthodistes américains dans les « pays sauvages19 ».

12On pourrait présenter d’autres éléments avant la Grande Guerre, mais on croit pouvoir établir à partir des exemples évoqués que les analyses des diplomates français en Amérique du Nord ne servent pas encore à définir une diplomatie culturelle et a fortiori religieuse, ni aux États-Unis, ni au Canada.

13Les éléments de comptabilité pour les années 1909-1918 confirment le point20. La diplomatie culturelle française est de fait inexistante au Canada jusqu’en 1918. Le chapitre 25 du budget du MAE, chapitre consacré aux Œuvres françaises aux Amériques, passe de 17 000 F en 1910 à 46 000 F en 1914, puis à 57 000 F en 1918. De cette somme, pas un seul franc n’est investi au Canada entre 1911 et 1913. Pendant les cinq années de guerre, le MAE accorde une subvention modeste annuelle fixée à 3 500 F à une société de bienfaisance montréalaise, l’Union nationale française. La France investit en 1918 sur le chapitre XXV trois fois moins pour les œuvres canadiennes que pour les œuvres du Brésil ou d’Argentine, et huit fois moins par rapport aux États-Unis. Pour les États-Unis, il faut souligner l’importance cruciale et malgré tout déclinante de la Louisiane aux yeux du MAE. En 1910,65 % du chapitre 25 sont engagés en Louisiane : sur les 17 000 F du budget consacré aux œuvres françaises des deux Amériques, 11 200 F sont accordés pour l’enseignement du français en Louisiane, soit à travers l’enseignement confessionnel, soit dans les écoles publiques, avec le soutien de l’Alliance franco-louisianaise, fondée en 1908 par Maurice Damour, le vice-consul en poste à la Nouvelle-Orléans ; en 1912, la Louisiane reçoit 54 % du chapitre 25 (16700 F sur un budget global de 31 000 F) ; de 1914 à 1916, elle reçoit encore 37 % (17 100 F sur un budget de 46 000 F).

14Les lendemains de la Première Guerre mondiale sont en revanche le moment d’une véritable prise en compte ordonnée des éléments religieux nord-américains par l’appareil diplomatique français : nulle ligne budgétaire en propre n’apparaît, puisque la diplomatie religieuse est incluse de fait dans la diplomatie culturelle, mais les dossiers religieux se constituent de manière suivie. On note alors une plus grande vigilance pour les questions religieuses, ce qui se traduit par une action culturelle davantage soutenue sur le plan financier – le budget doit tenir compte de l’inflation et passe à 2 millions en 1920 et 192121. Cette croissance des moyens s’accompagne également d’une inflation archivistique, liée à la multiplication des acteurs.

La diplomatie religieuse de la France au Canada

15La diplomatie culturelle et religieuse de la France au Canada n’est pas la continuation d’une tradition, mais une politique imaginée et déployée sur le terrain canadien au seuil des années 1920. Il existe des jalons historiographiques pour ce qui relève des relations académiques soutenues par le Quai d’Orsay22 et pour ce qui concerne les efforts insistants de la diplomatie française afin d’obtenir à Rome des nominations épiscopales en faveur de la population franco-canadienne – il y a là un des traits manifestes de ce protectorat catholique que la diplomatie française, à l’invitation orale de quelques membres de la Curie romaine, exerce sur les francophones en Amérique du Nord23. Comme dans les terres ottomanes, la France s’attribue en effet un rôle complexe de représentant officieux et de protecteur effectif de la population catholique francophone sur le plan diplomatique, puisque le Canada n’ouvre une ambassade auprès du Saint-Siège qu’au mitan des années 1960.

16Pour présenter le cadre global de la diplomatie religieuse, il faudrait inclure la dimension symbolique de l’amitié franco-canadienne. L’immeuble de la légation de France à Ottawa, inauguré en 1939, présente aux invités de l’ambassade, entre autres éléments de décor, une tapisserie des Gobelins du xviie siècle d’après des dessins de Raphaël : « Elle représente, note un témoin, le triomphe de Constantin et cette évocation du premier empereur romain qui se soit converti au christianisme était parfaitement bien choisie pour figurer au Canada24. » Dans les diverses commémorations, en Acadie ou pour l’érection de la croix en souvenir de Jacques Cartier en 1934, la diplomatie française ne manque jamais de mobiliser les religieux, Jésuites ou Capucins, pour assister aux célébrations et témoigner d’une certaine continuité française. En 1938, la République finance généreusement à Montréal l’ouverture du collège catholique Stanislas, jumeau de l’institution parisienne et alors seul lycée français de la province25. Pour mesurer la diplomatie religieuse, il serait également nécessaire de réévaluer la place de l’Institut scientifique franco-canadien (ISFC), co-financé par la province de Québec et le Quai d’Orsay, l’Institut apparaissant comme un élément crypté, mais efficace du dispositif de la diplomatie religieuse26. Il ne faut pas en effet opposer de manière binaire structures étatiques et institutions ecclésiales : au Québec, l’université de Montréal, pilier des échanges universitaires avec la France, a pour chancelier l’archevêque de la ville ; à Paris, les professeurs de Sorbonne et du Collège de France, Étienne Gilson et Henri-Irénée Marrou, désignés par l’ISFC et le MAE pour coordonner les échanges universitaires, sont tous deux catholiques, de sensibilité démocrate-chrétienne, l’un spécialiste de saint Thomas d’Aquin, l’autre de saint Augustin. Il n’y a aucun hasard à ces nominations : le ministère a parfaitement conscience de la nécessité de nommer des intellectuels chrétiens pour être en prise avec les institutions et les auditoires franco-canadiens. Il semble s’agir d’un classique mécanisme de tiroir à double fond : sous un jour étatique et universitaire, l’une des causes matérielles de l’Institut scientifique franco-canadien est la communauté de culture chrétienne de part et d’autre de l’océan, qu’on entend souligner et vivifier, sans négliger pour autant les autres enjeux de la France moderne, technique et scientifique que l’Institut prend aussi à sa charge. Cette diplomatie religieuse se poursuit jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, comme l’illustre excellemment le rapport de François de Laboulaye, en poste à Ottawa, en date de juillet 1953 au sujet de la nomination de Mgr Lemieux sur le siège archiépiscopal d’Ottawa27.

17Les archives du poste consulaire de Vancouver permettent de présenter le cas plus méconnu de la diplomatie religieuse de la France en direction des Oblats de Marie Immaculée, congrégation française, très investie dans les missions depuis Ottawa jusqu’aux Rocheuses et dans le nord-ouest du Canada, fer de lance des communautés francophones qui se développent au Manitoba, dans le Saskatchewan, en Alberta, le long de l’Athabasca, de la rivière de la Paix et du fleuve Mackenzie. De sensibilité intransigeante en France et volontiers hostiles à la République laïque, les Oblats ont durablement marqué la conquête et la colonisation du Nord-Ouest canadien28. L’attitude évolutive des consuls de France à Vancouver à leur égard est significative de l’inclusion nouvelle de la religion parmi les outils diplomatiques français. Avant la Première Guerre mondiale, on peine dans les rapports des consuls à trouver simple mention de ces centaines de citoyens français qui relevaient pourtant de la circonscription consulaire de Vancouver. La correspondance consulaire pour la période 1896-1901 offre ainsi une vérification négative29 : les missionnaires, comme les Amérindiens, sont les grands absents des analyses. L’essentiel des documents concerne les découvertes minérales dans la région, la situation économique et politique de la Colombie britannique, les migrations vers les États-Unis, la grève générale des opérateurs du télégraphe sur la ligne du Canadian Pacific Railway, l’exportation de bois de la Colombie britannique vers l’Europe, les mines de houille, d’or et d’argent, les techniques d’extraction, les liaisons maritimes transocéaniques, les mines du Klondyke, les pêcheries de saumons dans la Fraser, la prospérité des villes de Seattle et San Francisco au détriment de Vancouver, la construction navale, etc. En mars 1900, le consul de France à Vancouver, Louis-Émile Houssin de Saint-Laurent, n’évoque qu’accidentellement les Oblats dans un long rapport de plus de quarante pages sur la situation de sa circonscription30 :

S’il m’est permis ici de sortir du domaine des faits positifs, je mentionnerai, sans aucune responsabilité d’ailleurs et sans y attacher autrement d’importance, l’opinion d’un missionnaire français, le père Grouard qui séjourne depuis de longues années dans le bassin du fleuve Mackenzie au nord du Grand Lac des Esclaves où il évangélise les Indiens. Ce religieux prétend que d’après les constitutions géologiques de cette région il est plus que probable qu’on y découvrira quelque jour un nouveau Klondyke. La contrée qu’il habite sur les rives du fleuve Mackenzie n’est sillonnée, en fait de Blancs, que par quelques rares chasseurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson (ff. 230).

18Les centaines de missionnaires, hommes et femmes, ne sont pas même mentionnés, et on voit la prudente distance avec laquelle le diplomate rapporte les propos du futur monseigneur Grouard. De la correspondance politique et commerciale de Vancouver, on peut induire qu’il n’y a pas de contact étroit entre les missionnaires et les consuls de Vancouver, qui ne se rendent pas avant la Première Guerre mondiale dans le nord de l’Alberta et du Saskatchewan. On sent parfois, sous la plume des missionnaires, un vif reproche à l’égard de la « France radicale » : « On a pu reprocher à la France officielle d’avoir abandonné le Canada. Mais la France religieuse, par ses missionnaires, par ses communautés religieuses, a fait ici une conquête autrement durable et autrement profonde au nom de Jésus-Christ31 ! » L’ignorance du consul est-elle l’effet d’un cloisonnement géographique, lié à l’espace des Rocheuses, aux fleuves, aux lacs, etc., alors durs obstacles à franchir ? Est-ce un cloisonnement mental et un peu sectaire induisant le diplomate à ne pas voir les missionnaires comme un instrument d’une possible influence de la France ?

19Le poste de Vancouver, fermé en 1909, est rouvert en 1925. Au contraire de ses prédécesseurs, le nouveau consul, Paul Suzor, a mission explicite de nouer des liens avec les religieux francophones présents dans sa circonscription. Suzor a été en poste en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est et il a pu importer de ces lieux les modalités de sa diplomatie religieuse. Au nom de « l’intérêt véritablement national », il reçoit instruction peu avant sa prise de fonction de nouer relation avec les « groupements de notre race » dans la circonscription de Vancouver32. De 1925 à 1936, Paul Suzor rend ainsi visite aux communautés francophones, fondées et appuyées par les Oblats, jusque dans les missions reculées du Grand Nord. Il soutient leurs journaux, leurs œuvres et leurs déplacements vers la France ; il accorde des livres et du matériel scolaire aux écoles des Sœurs grises ; il presse le département de trouver des subsides exceptionnels pendant la crise économique du début des années 1930 pour que les collèges des Oblats, celui de Gravelbourg notamment, puissent continuer d’exister. Il assiste, avec émotion, aux messes qui sont célébrées. Il parle en français avec les populations indiennes évangélisées par les Oblats sur les bords de l’océan Arctique. La diplomatie de Suzor à l’égard des Oblats est très appréciée à Ottawa33. Suzor souligne à plusieurs reprises l’importance des missions que les Oblats ont bâties dans le Nord-Ouest :

Je crois devoir signaler l’utilité qu’il y aurait à effectuer une visite d’inspection dans la partie nord de ma circonscription, particulièrement dans les districts de l’Athabasca et du Mackenzie, où nous avons à la tête des diocèses deux évêques français, Mgr Grouard et Mgr Breynat. Je ne connais guère cette région, sur laquelle il y aurait cependant intérêt à être exactement renseigné, car elle est sur le point d’être ouverte aux activités ferroviaires et autres et elle est à l’ordre du jour. Nous y avons, d’autre part, des intérêts plus directs et plus immédiats, dans l’œuvre accomplie par nos missionnaires, qui y ont déjà créé plusieurs paroisses et écoles de notre langue, en particulier à Donnelly, Falher et Girouxville. Les œuvres françaises y sont cependant déjà menacées pour l’avenir par les intrigues du clergé irlandais, qui vise la succession de Mgr Grouard, maintenant âgé de 90 ans, et je serais désireux de recueillir sur place tous renseignements utiles sur cette question34.

20Mgr Grouard, qui donne son nom à un village au nord d’Edmonton, puis – fait exceptionnel – au vicariat apostolique qu’il dirige et qui est aussi vaste que la Roumanie35, et Mgr Breynat, le vicaire apostolique du Yukon et du Mackenzie, surnommé l’« évêque du vent » et tenu par Suzor pour « l’un des derniers survivants de cette pléiade de grands missionnaires français qui ont porté sur les territoires du Nord-Ouest le nom et la langue de la France36 », reçoivent chacun la Légion d’honneur de la République française, le premier en 1924, le second en 1932. Rédigée par le ministère des Affaires étrangères, et selon toute vraisemblance par le consul général de France à Montréal, Édouard de Vitrolles, la citation de Mgr Grouard dans l’ordre de la Légion d’honneur en juillet 1924 est particulièrement intéressante :

Venu au Canada en 1860, y a toujours résidé depuis. Pendant plus de soixante ans, a fait connaître et aimer la France en Alberta et jusqu’aux extrémités du Nord où une foule de noms géographiques sont français grâce à lui. Prêtre zélé, missionnaire infatigable, navigateur, géographe, explorateur, architecte, peintre, compositeur, écrivain, agriculteur, médecin, il est encore aujourd’hui, à l’âge de 84 ans, le pionnier le plus intrépide du Nord. Il recueillit les orphelins et les orphelines dans des institutions françaises fondées par lui. En une circonstance il protégea la vie de Mgr Clut. Il empêcha, au péril de sa vie, de nombreux indiens de maltraiter leurs femmes et leurs enfants. Il soigna lui-même les malades, tant indiens qu’autres, avec un dévouement inlassable et fit pénétrer dans ces régions la civilisation. Connaissant en plus du français, de l’anglais, du latin et du grec, huit dialectes indiens, il a acquis dans les régions du Nord une réputation largement justifiée, gravant son nom dans ces rudes contrées par la hache, la plume et la parole37.

21Les Oblats de passage à Paris sont reçus au Quai d’Orsay ; on obtient pour eux des financements – ainsi celui du père Pierre Duchaussois en 1931, le grand historien oblat. Louis Canet, écrivant à Jean Marx, le directeur du Service des œuvres françaises à l’étranger, témoigne du soutien chaleureux et discret que le conseiller pour les affaires religieuses du Quai entend apporter aux missions canadiennes :

Tu sais qu’il s’agit de trouver 15 000 francs pour une quinzaine d’Oblats, tous français, qui vont partir avec Mgr Breynat, et que Mgr Breynat viendra samedi prochain chercher la réponse. Je ne crois pas pour ma part qu’il soit possible d’hésiter : si, comme je le pense, le Service des œuvres n’a pas de fonds disponibles, il faut s’adresser au cabinet [du ministre], M. Peyreton [du cabinet] sait combien je suis économe des deniers de l’État et que je m’adresse jamais à lui que dans les cas de la plus urgente nécessité. Or, tu sais aussi bien, peut-être mieux que moi, quelle œuvre extraordinaire les Oblats ont accomplie au Canada, non seulement pour le maintien, mais pour la restauration de la langue française. Nous ne pourrions les abandonner sans une scandaleuse ingratitude. Seulement, il importe que le secret soit gardé de la manière la plus rigoureuse afin que nous n’ayons pas à faire face à d’autres sollicitations du même ordre38.

22Il y a là le déploiement nouveau des multiples signes d’une diplomatie religieuse dont la cause première semble une prise de conscience pragmatique de l’utilité des missionnaires au service du renom et de l’influence de la France au Canada. Le fruit de cette nouvelle diplomatie n’est pas simple à mesurer : il est vrai que le consul de France, grâce aux Oblats, se rend en des lieux où nul représentant de la France officielle ne s’était encore aventuré, ce qui lui permet de recueillir des informations sur les richesses minières et la situation socio-économique du Grand Nord39. Les Oblats, légitimés sur place par l’amitié du consul, perdent leurs préventions contre la République et maintiennent leur emprise sur des territoires en proie aux rivalités entre catholiques francophones et catholiques anglophones. Le siège archiépiscopal d’Edmonton « tombe » aux mains des Irlandais en 1920, à la mort de Mgr Émile Legal, le successeur de Mgr Vital Grandin ; mais les territoires du vicariat apostolique de l’Athabasca-Mackenzie, les actuels diocèses de Grouard-McLennan et de Mackenzie, demeurent tout au long du xxe siècle sous la houlette d’évêques francophones.

23On pourrait prolonger jusqu’au milieu du xxe siècle les analyses de la diplomatie religieuse de la France au Canada en évoquant les missions de la jeune gaulliste Elisabeth de Miribel, future carmélite, et du carme-amiral Thierry d’Argenlieu pendant la Seconde Guerre mondiale40, en examinant par exemple la culture personnelle des ambassadeurs de France nommés à Ottawa après la guerre – Jean de Hauteclocque ou Francisque Gay, l’un des fondateurs du MRP41 –, ou en reprenant les circonstances du voyage du général de Gaulle en 1967, qui se rend à Sainte-Anne-de-Beaupré, même si la Révolution tranquille va lentement donner son fruit de dissociation entre identité québécoise et culture catholique. Il y a là autant de personnalités diplomatiques et d’événements, où le religieux occupe une part certes variable, mais toujours signifiante.

La diplomatie religieuse de la France aux États-Unis

24Traiter de la diplomatie religieuse de la France aux États-Unis entre 1900 et 1950 exige de la délicatesse, tant l’usage de cette diplomatie particulière, rencontrant davantage d’obstacles qu’au Canada, est marqué par les discontinuités géographiques et chronologiques. On repère des hauts-lieux, les lieux de la francophonie, et au premier chef la Louisiane et la Nouvelle-Angleterre, où de nombreux Franco-Canadiens ont émigré. On distingue également des temps forts : l’ambassade de Paul Claudel (1927-1933), le mitan des années 1930 à partir de l’élection de F.-D. Roosevelt, la « drôle de guerre » notamment. L’exemple états-unien montre doublement que la religion est un outil tardif et éphémère de la diplomatie de la France et que le Quai tient fort peu compte de l’élément protestant pourtant dominant.

25Cette dernière remarque est d’autant plus légitime que l’examen du dossier de Louis Canet sur les États-Unis montre une perception très catholicisée du pays : les missionnaires français en Louisiane, dont le nombre diminue ; la croissance des catholiques dans les statistiques religieuses états-uniennes ; la défaite du candidat catholique démocrate Al Smith lors des élections présidentielles de 1928 face à H. Hoover ; l’influence croissante des États-Unis sur le Saint-Siège dès les années 1920 ; le développement des Chevaliers de Colomb ; la sympathie de Roosevelt pour la cause catholique ; les rumeurs de l’ouverture d’une ambassade des États-Unis à Rome dès la fin des années 1930, les paroisses françaises de New York, etc. Canet est très informé pour tout ce qui concerne les enjeux catholiques des États-Unis ; la part protestante est à l’évidence moins documentée et moins analysée.

26Louis Canet laisse également percevoir dans quelques documents et lettres l’hostilité des évêques et archevêques américains envers la France. Ainsi, cas extrême, dans une note au directeur politique en date du 25 avril 1944, au sujet de la mort du cardinal O’Connell de Boston : « C’était l’un des plus décidés ennemis que la France eût aux États-Unis. C’est lui qui à peine arrivé en 1907 a chassé de son séminaire ces sulpiciens français, à qui le clergé américain devait tant42. » Dans les circonstances de la Seconde Guerre mondiale, Canet traite même feu le cardinal de « pauvre cervelle ». Cela dit, l’amoindrissement numérique du clergé missionnaire – « Nous ne sommes plus qu’une poignée », écrit un prêtre français du diocèse de Saint-Paul en 193143 –, la division des catholiques entre francophones et anglophones, la lente assimilation des catholiques francophones dans le creuset américain constituent autant d’obstacles pour le déploiement d’une diplomatie religieuse française aux États-Unis. En décembre 1927, lors du décès d’un missionnaire français, le P. Girault de la Corgnais, curé de Pointe à la Hache, le consul de France à la Nouvelle-Orléans signale ainsi qu’une page de l’histoire de l’Église de Louisiane se tourne :

J’ai déjà eu plusieurs occasions d’indiquer au Département que le clergé français restait ici l’un des éléments actifs de notre influence. Malheureusement le nombre de nos compatriotes qui exercent leur ministère ne dépasse plus maintenant une trentaine. Quelques-uns d’entre ces prêtres conservent encore une école de langue française, ou plus ou moins des cours de français dans leur école paroissiale. Quelques-uns prêchent encore en français. [...] Il est à craindre dans ces conditions qu’avant longtemps nous n’ayons plus de prêtres français parmi le clergé de la Louisiane44.

27L’ambassadeur de France à Rome témoigne quant à lui de son impuissance à défendre la cause des catholiques francophones des États-Unis auprès du Saint-Siège : « Les membres du clergé catholique américain d’origine française s’adressent à moi car ils ont sans doute entendu dire que je m’occupais activement de défendre les droits et les intérêts des Canadiens français, mais la cause des Américains d’origine française est bien plus difficile encore à soutenir ici45. » L’ambassadeur de décrire alors l’influence des Chevaliers de Colomb dans la Cité du Vatican – influence obtenue, dit-on, à grand renfort de libéralités.

28L’ambassade de Paul Claudel témoigne cependant du souci de la France pour ces francophones dispersés aux États-Unis et de l’ancrage de la diplomatie – Claudel oblige – dans la culture catholique. Claudel répète à maintes reprises que « l’Église catholique d’Amérique a été et continue d’être la fille de l’Église de France46 ». En novembre 1929, Claudel raconte ainsi l’inauguration du nouveau grand séminaire de Baltimore, occasion d’une pluie de fleurs pour la France catholique : on évoque alors les bienfaits de Saint-Sulpice dans la formation des pasteurs américains, ainsi que la formation en France de la plupart des évêques américains. Claudel de souligner qu’il était « le seul ambassadeur convié », qu’on a prononcé un « éloge chaleureux de la France » et témoigné de la « reconnaissance de l’Amérique catholique à l’égard de notre pays ». Il « forme ses vœux pour que tout soit fait afin de favoriser cet état d’esprit ». Claudel visite également tous les lieux de la francophonie des États-Unis : la Nouvelle Angleterre, le Midwest, la Louisiane. Il faudrait citer in extenso ces récits de visites. Du voyage à la Nouvelle-Orléans en 1928, Claudel note :

À la Nouvelle-Orléans, dans une cérémonie grandiose à la principale école de la ville qui porte le nom d’école La Fayette, j’ai remis les cent cinquante volumes qui contiennent l’adresse et la signature des écoliers français. Le soir un grand banquet de quatre cents couverts, présidé par le maire et par l’archevêque, a eu lieu, et la ville d’Orléans m’a remis une adresse de remerciements et de bienvenue gravée sur une feuille d’argent. J’ai été frappé des sympathies et de l’attachement profond que les (mot illisible) possèdent encore en Louisiane et que nous devons surtout à l’action des curés français qui ont pu être maintenus jusqu’à ce jour. Il y a là une situation de fait dont il me semble qu’on pourrait tirer parti plus qu’on ne l’a fait jusqu’à présent47.

29On trouve là à la fois l’aveu d’une relative inaction et un appel à user davantage du rouage socio-religieux. En 1929, Paul Claudel rapporte de son voyage en Nouvelle-Angleterre une admiration pour les vertus de la « race française » :

Quand j’ai rendu visite, en effet, l’année dernière aux Acadiens de la Louisiane, ce qui dominait chez moi est un sentiment de mélancolie. Évidemment j’admirais la ténacité de ces compatriotes qui à l’ombre de leurs clochers et autour de leurs admirables prêtres maintiennent leur langue et leurs traditions. Mais on avait partout le sentiment que contre une ambiance écrasante la lutte était sans espoir. [...] Dans la Nouvelle-Angleterre, on a une impression toute différente. On a le sentiment d’une race jeune en pleine conquête, en pleine vitalité, qui au lieu de décroître, élargit et consolide chaque jour ses positions. [...] À quoi tient le succès de la race française dans la Nouvelle-Angleterre ? Tout d’abord bien entendu aux belles qualités de travail, de sobriété, de patience, d’épargne des Canadiens, de leur force intense, à leur sentiment de la famille, à leur solidarité compacte, mais aussi à l’admirable clergé qui les encadre, les défend, contre la pression de la hiérarchie irlandaise, et fait de la loi catholique l’inébranlable rempart de leur nationalité48.

30En 1930, l’ambassadeur retourne une nouvelle fois en Nouvelle Angleterre et mesure – non sans une bonne dose d’illusion – l’importance de cette population pour la France elle-même :

Ce qui dominait surtout dans le cœur de nos amis, c’était le sentiment du prestige que leur donnait la visite d’un ambassadeur. Cette population immigrée était considérée jusqu’à présent comme inférieure au point de vue de la position sociale et était regardée avec un certain dédain par l’élément anglo-saxon. Ma visite leur a donné, m’est-il affirmé de tous côtés, conscience de leur dignité et de leur solidarité avec les autres rameaux de notre race. Solidement encadrée par un clergé excellent et par un personnel congréganiste dévoué, elle a maintenant surmonté les premières difficultés et regarde l’avenir avec confiance. [...] Je ne manque jamais de recommander à mes compatriotes de marque, le général Gouraud hier, M. Robert de Caix aujourd’hui, d’aller visiter des centres comme Woonsocket ou Fall River. Grâce à cette politique, nous nous appuyons désormais sur un groupe ethnique solide de deux millions et demi d’individus, et nous n’avons plus rien à envier aux Italiens et aux Slaves49.

31En 1932, Paul Claudel visite les centres politiques, universitaires et religieux de l’Ouest et de la haute vallée du Mississippi. Il souligne la francophonie existante, et la francophilie plus forte encore :

À Chicago, comme à Kansas City et à Saint Louis, j’ai profité de mon voyage pour visiter les établissements et universités où se donne l’enseignement de notre langue. J’ai appris avec grand plaisir que nulle part il n’est en régression, bien au contraire, que non seulement nous maintenons l’avance prise sur l’espagnol et sur l’allemand, mais que nous développons nos progrès. [...] À Kansas City, j’ai visité en outre le Couvent de Lorette pour les jeunes filles et celui de Notre Dame de Sion, spécialement intéressant, puisque presque seul d’Amérique, l’enseignement y est donné exclusivement dans notre langue. Le ministère des Affaires étrangères a bien voulu d’ailleurs sur ma proposition lui accorder une petite subvention, que je serais heureux de lui voir continuer. [...] Je dois dire aussi combien j’ai été surpris de voir dans tout l’Ouest américain la persistance des souvenirs français. [...] À Saint Louis, les meilleures familles se rattachent à notre race et dans les villages des environs fondés sous le patronage de nos saints, les noms patronymiques français abondent. Il est émouvant de voir une des plus grandes métropoles d’Amérique prospérer à l’ombre d’un roi de France. Tous ces souvenirs ont été ranimés et réchauffés par mon passage, spécialement dans les milieux catholiques si importants. L’évêque de Kansas City, l’archevêque de Saint Louis, assistaient aux banquets qui m’ont été offerts et ont bien voulu faire l’éloge du représentant de la France. C’est là une force pour nous50.

32Sur le plan de l’action concrète, Paul Claudel visite, rencontre, soutient pécuniairement. Il prend également parti dans la controverse dite du sentinellisme, du nom du journal La Sentinelle, comme en témoigne la dépêche du 6 mai 1929. Claudel raconte alors son entretien avec un paroissien franco-canadien du Rhode Island : cet homme, Elphège Daignault, a « des démêlés » avec son évêque irlandais, qui, selon lui, tente de réduire par tous les moyens les œuvres catholiques francophones. Le conflit est assez violent dans la région de Woonsocket. Claudel défend la cause des Franco-Canadiens de Nouvelle-Angleterre contre l’influence irlandaise :

Les doléances de M. Daignault m’ont paru particulièrement intéressantes car elles signalent le grave danger qui menace la langue française aux États-Unis. Le clergé irlandais déploie à ce point de vue au Canada et aux États-Unis une activité qui doit retenir notre attention et qu’il faudrait enrayer dans l’intérêt même de la sauvegarde des foyers qui doivent assurer l’avenir de notre langue dans ce continent51.

33Claudel, qui s’inscrit contre le modèle de l’assimilation à l’américaine et la perte du sentiment national, attend de l’ambassadeur de France à Rome qu’il puisse défendre les catholiques francophones de la Nouvelle-Angleterre.

34Les années 1930 sont à l’évidence un moment fort de cette diplomatie religieuse – diplomatie qui aux États-Unis n’est pas l’apanage de la France, comme en témoigne André de Laboulaye, ambassadeur de France à Washington entre 1934 et 1937. Dans le contexte électoral, Roosevelt va jusqu’à citer dans un discours de campagne l’encyclique Quadragesimo Anno de Pie XI, qui marquait le quarantième anniversaire de la première encyclique sociale, et obtient dans les urnes le soutien des catholiques. Une significative dépêche d’André de Laboulaye de janvier 1934 illustre la soudaine « religiosité » du corps diplomatique à Washington, ainsi que la compétition internationale pour s’attirer les faveurs de l’opinion catholique américaine. Le corps diplomatique, presque unanime, se rend en masse dans les universités catholiques de Washington :

Mon collègue d’Italie, obéissant visiblement aux instructions de son gouvernement, se signale par le zèle qu’il met à honorer de sa présence, autant qu’il lui est possible, toutes ces manifestations [à l’université jésuite de Georgetown et à la Catholic University of America]. L’ambassadeur de Belgique, M. May, qui est Israélite, n’y est pas moins assidu que l’ambassadeur d’Allemagne, M. Luther, qui est protestant et se prétend même, quand l’occasion lui semble propice, apparenté au grand réformateur. De son côté, l’ambassadeur du Japon, qui vient d’être rappelé par son gouvernement, à la suite de la reconnaissance du gouvernement des Soviets par les États-Unis, et dont la femme était catholique, entretenait avec les recteurs et les principaux professeurs des deux universités des relations d’étroites amitiés. Il en est de même du ministre de Yougoslavie qui est croate. [...] Il est d’un intérêt très réel pour nous de ne pas paraître nous désintéresser du mouvement catholique dans ce pays. [...] Il importe surtout, étant donné l’origine irlandaise ou allemande de la majeure partie du clergé américain, de ne pas laisser les représentants de l’Allemagne, ni surtout de l’Italie, prendre à l’égard des catholiques américains une attitude de protection. [...] Des relations courtoises et bienveillantes de notre part à l’égard des catholiques américains me semblent nécessaires. [...] Le gouvernement français est représenté par nos rivaux comme un adversaire intolérant du catholicisme et un persécuteur de ses adeptes. Un redressement de ces opinions s’impose52.

35André de Laboulaye entretient dans ce dessein des relations de cordiale proximité avec le délégué apostolique, Mgr Cicognani, en poste à Washington de 1933 à 1958.

36La « drôle de guerre » est également un moment clé dans cette mobilisation du religieux par la diplomatie française53. En France, on est là dans un nouveau contexte politique : la déclaration de guerre invite à reconstruire « l’Union sacrée » ; le dernier gouvernement de la IIIe République se rend au Sacré-Cœur la veille de l’effondrement, comme pour recevoir les derniers sacrements. Sur le terrain diplomatique aux États-Unis, l’enjeu pour la diplomatie française est de parvenir à convaincre les milieux neutralistes – irlandais notamment – de la justice de la guerre entamée par la France et l’Angleterre contre l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, tout en échappant au soupçon de propagande – les « lois Nye » du milieu des années 1930 renforcent la vigilance de l’opinion américaine sur ce point. Le Commissariat général à l’information, qui hérite d’une partie des attributions et des moyens du Service des œuvres françaises à l’étranger, mobilise les intellectuels chrétiens et les clercs pour tenter de répondre à ce double impératif. On trouve condensé cet enjeu de l’action de la diplomatie française en Amérique du Nord dans une conversation entre MM. de Laboulaye, désormais responsable du « bureau américain » au Commissariat général de l’information, et Sumner Welles, le sous-secrétaire d’État de Roosevelt, lors d’un voyage officiel de Welles à Paris en mars 1940. L’ambassadeur français évoque alors la puissance de la propagande allemande et anglaise aux États-Unis, en comparaison de la pauvreté française sur ce point. Le diplomate américain de répondre :

Il n’y a rien à changer à votre attitude. Tout ce que vous chercherez à faire en plus ne pourra être que nuisible à votre cause. Sur un point cependant le sous-secrétaire d’État a laissé entendre que notre action pourrait tenter de s’exercer. C’est sur les milieux catholiques américains qui sous l’influence du clergé irlandais sont fort hostiles à l’Angleterre et par contrecoup à la France. Je lui ai signalé à ce propos ce que nous avions déjà fait à ce sujet : la présence de M. Gilson, de M. Maritain, du R.P. Ducattillon, etc. Il a été heureux de l’initiative que nous avions prise et l’a vivement approuvée. Pour la compléter il conviendrait à son avis de toucher les grands chefs du catholicisme aux États-Unis et il a mentionné notamment le nouvel archevêque de New York, grand ami du pape Pie XII [Spellman], ainsi que le nouvel archevêque de Chicago [Samuel Stritch], Je l’ai assuré que cette suggestion serait retenue et que nous en ferions notre profit54.

37On mesure le sens nouveau de la diplomatie religieuse française, qui, les missionnaires se raréfiant, recourt aux intellectuels catholiques, Étienne Gilson en Nouvelle-Angleterre55 et Jacques Maritain à New York et Chicago56 notamment, et aux « prêcheurs », comme le pasteur Frédéric Hoffet-Urmatt57 ou le père dominicain Joseph-Vincent Ducattillon58. Une note de M. de Laboulaye en date du 24 novembre 1939 cherche – sans trop de succès – à lever les possibles malentendus :

Le terme « mission » pourrait prêter à équivoque. Le terme de « voyage » répond mieux à la ligne de conduite adoptée et suivie par la section de l’Amérique du Nord. [...] La section a été amenée à proposer le départ d’un certain nombre de religieux français, et elle voit avec plaisir que le Service des œuvres françaises à l’étranger est pleinement d’accord avec elle sur ce point. Cette même considération explique certains autres choix qui pourraient peut-être surprendre en temps normal59.

38Sur le plan de l’efficace cependant, il n’est pas certain que cette diplomatie religieuse ait pleinement fonctionné pendant la « drôle de guerre » : il faut naturellement attendre Pearl Harbor pour que l’opinion publique américaine sorte de sa léthargie neutraliste. Mais on a là, à tout le moins, l’illustration in concreto du sens précis, des métamorphoses et des limites de la diplomatie religieuse française aux États-Unis à la veille de la déflagration mondiale.

39De cet ensemble de remarques, il semble que l’on puisse tout d’abord conclure que la diplomatie religieuse de la France en Amérique du Nord est non un héritage, mais bien une création lente au fil des années 1920, dans le contexte du « second ralliement », après la Première Guerre mondiale, des catholiques français au modèle républicain, qui est tout autant une réconciliation de la République avec l’opinion catholique du pays. Le MAE découvre alors pour l’Amérique du Nord l’importance des missionnaires français, leur rôle dans l’enseignement, la structuration des communautés francophones, la toponymie dans le Grand Nord comme sur le Mississippi, etc. La « diplomatie religieuse » à la française témoigne alors globalement d’une compréhension de la trame de la vie culturelle, politique et sociale des lieux, et atteste de la prise en compte de l’importance du fait religieux, au moment même des heures de gloire, puis du chant du cygne de cette France catholique missionnaire. Semblant suivre le conseil d’Alfred de Vigny – « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois » – le MAE se met à soutenir ce qui va sous peu disparaître. La mise en place d’une diplomatie religieuse en Amérique du Nord tient en conséquence à plusieurs facteurs : le « second ralliement », une mitigation de « l’identité laïque » de la République, qui se conçoit désormais sur un mode ouvert et inclusif, une intelligence et une nouvelle appréciation de la question religieuse, la culture des diplomates.

40Ce mode de diplomatie est cependant placé sous le signe d’un tropisme de l’entre-soi franco-catholique très prononcé. « Diplomatie réelle », tenant compte des variations de situations entre les deux pays examinés, la diplomatie religieuse est aussi – il faut bien le dire – hémiplégique. Au Canada, les catholiques représentent environ la moitié de la population, dont l’essentiel est francophone. Aux États-Unis, ils sont un quart, pour l’essentiel anglophone d’origine allemande, italienne, polonaise ou irlandaise. Cette hémiplégie n’est pas en soi reprochable, puisque la culture catholique est par définition transnationale et puisque surtout la diplomatie est condamnée de toute façon à n’agir que selon les ressources humaines et intellectuelles dont elle dispose. La diplomatie française, parlant le langage catholique avec les catholiques nord-américains, sait aussi jouer des autres cordes de sa harpe et mobiliser d’autres éléments culturels à destination des autres segments de la société – les beaux-arts, la musique, la littérature, la science, etc. Sur le plan linguistique, la finalité de la France est de promouvoir la francophonie et de conserver une influence sur un « réservoir » de populations, ce qui exige de réconcilier la « France officielle » et la « France catholique » et de proposer en conséquence une image moins idéologique de la France républicaine. Cette diplomatie religieuse, qui, par la nature même de son objet, est aussi une diplomatie du symbole et de la communion, ne coûte en soi pas très cher, et a en revanche de réelles incidences sur le plan des représentations culturelles.

Notes de bas de page

1 AMAE, « Questions politiques et intérêts français au Canada et à Terre-Neuve », s. n., 14 juin 1924, Correspondance politique et commerciale. Supplément 1897-1940, B-Amérique, 22, 120CPCOM.

2 Paul Claudel, Journal, I, 1904-1932, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1968, p. 764-765.

3 Voir ainsi Alain Dubosclard, « Diplomatie culturelle et propagande française aux États-Unis pendant le premier xxe siècle », RHMC, 48,1, janvier-mars 2001, p. 102-119 ; Id., L’action artistique de la France aux États-Unis, 1915-1969, Paris, CNRS éditions, 2003.

4 AMAE, « Questions politiques et intérêts français au Canada et à Terre-Neuve », s. n., 14 juin 1924, Correspondance politique et commerciale. Supplément 1897-1940, B-Amérique, 22 (120CPCOM).

5 Voir, au sein des AMAE, la « Correspondance politique et commerciale. 1897-1918 », Canada (146CPCOM), dossiers 1 et 2, politique intérieure et politique étrangère générale (1896-1918), microfilms P7587 et P7588 : les documents émanent pour l’essentiel du consulat général de France à Montréal. Voir également la « Correspondance commerciale et consulaire », consulat de Vancouver 1896-1901, microfilm P16312.

6 Voir AMAE, « Correspondance Politique et Commerciale. 1897-1918 », États-Unis (159CPCOM), dossiers 3 et 4, politique intérieure (1904-1912). Les documents proviennent pour l’essentiel de J. Jusserand, ambassadeur de France à Washington.

7 Pour le Canada de l’entre-deux-guerres, voir AMAE, « Correspondance politique et commerciale. 1914-1940, Série B. Amérique », Canada (11CPCOM), et notamment le dossier 4, intitulé « Question du clergé (1930-1938) », microfilm P12770.

8 Pour les États-Unis de l’entre-deux-guerres, voir AMAE, « Correspondance politique et commerciale. 1914-1940, Série B. Amérique », États-Unis (18CPCOM), et notamment le dossier 17, intitulé « Affaires religieuses (1919-1928) » et le dossier 336, « Affaires religieuses (1930-1940) ».

9 Pour le Canada après la Seconde Guerre mondiale, voir AMAE, « Série Politique. 1944-1952. Canada » (83QO), dossier 33, « Questions religieuses (1944-1952) », microfilm P4521.

10 Pour les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, voir AMAE, « Série Politique. 1944- 1952. États-Unis » (91QO), dossiers 97-100, « Questions religieuses (1944-1951) », microfilm P4875.

11 Voir ainsi AMAE, « Papiers Louis Canet » (194PAAP) : dossier 44, Canada, 1927-1931 ; dossier 45 : Canada, 1931-1939 ; dossier 49 : États-Unis d’Amérique, 1927-1944. Voir encore les fonds « Conseiller pour les affaires religieuses (1947-1987) » (21921NVA) : dossier 49, Canada (1948-1969) ; dossier 50 : États-Unis (1931,1947-1968).

12 AMAE, lettre du consul général de France à Montréal, 28 février 1896, 146CPCOM1, P7587, ff 9.

13 AMAE, lettre du consul général de France à Montréal, 31 décembre 1896,146CPCOM1, P7587, ff 34-35.

14 AMAE, lettre du consul général de France à Montréal, M. Alfred Kleczkowski, 22 février 1905, 146CPCOM1, P7587, ff 212.

15 AMAE, lettre du même, 8 mars 1905,146CPCOM1, P7587, ff. 221.

16 Sur ce point, voir AMAE, « Comptabilité, sous-série : Immeubles. 1681-1945 » (750SUP), dossier 1280 : « Écoles et œuvres françaises en Amérique (1909-1918) ».

17 AMAE, lettre du chargé d’affaires à Washington, 26 août 1905, Correspondance politique et commerciale. 1897-1918, États-Unis (159CPCOM), dossier 3, ff. 71-72. Sur les évêques français aux États-Unis, voir la carte de Tangi Villerbu, « “Ramener une colonie de bons missionnaires” : le recrutement de prêtres européens pour les États-Unis au xixe siècle », RHMC, 3,2009, p. 36.

18 AMAE, lettre de J. Jusserand, 11 novembre 1908, Correspondance politique et commerciale. 1897-1918, États-Unis (159CPCOM), dossier 4, ff. 14-15.

19 AMAE, lettre de J. Jusserand, 19 janvier 1909, Correspondance politique et commerciale. 1897-1918, États-Unis (159CPCOM), dossier 4, ff. 44-45.

20 AMAE, « Comptabilité, sous-série : Immeubles. 1681-1945 » (750SUP), dossier 1280 : « Écoles et œuvres françaises en Amérique (1909-1918) ».

21 AMAE, 417Q01 : sur ces 2 millions de francs (désormais le chapitre 39 du budget), 40 000 sont engagés pour les œuvres françaises au Canada – c’est-à-dire moins que pour Haïti (45 000), le Mexique (50 000), le Brésil (350 000) et les États-Unis (425000).

22 Catherine Pomeyrols, Les intellectuels québécois : formation et engagements (1919-1939), Paris, L’Harmattan, 1996 ; Florian Michel, La pensée catholique en Amérique du Nord, Paris, Desclée de Brouwer, 2010.

23 Philippe Prévost, La France et le Canada. D’une après-guerre à l’autre (1918-1944), Paris, Saint-Boniface, Blé (Soleil), 1994 ; Id., La France et les nominations épiscopales au Canada de 1921 à 1940. Un combat pour la francophonie, Paris, Saint-Boniface, Blé (Soleil), 1995.

24 AMAE, « Comptabilité, sous-série : Immeubles. 1681-1945 » (750SUP), dossier 275-1 : « Notices sur les immeubles français à l’étranger ».

25 Florian Michel, « Diplomatie comparée, religion et transferts culturels au Canada français dans le premier xxe siècle », Études d’histoire religieuse, Ottawa, 80, 2014, p. 23-41.

26 Gérard Fabre, « L’institut scientifique franco-canadien pendant et au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sous la présidence de Gilson et Montpetit », Bulletin d’histoire politique, 20, 2011, « 50 ans d’échanges culturels France-Québec 1910-1960 », p. 84-97. Voir aussi sur ce point, F. Michel, « Diplomatie comparée... », art. cité, 2014.

27 AMAE, « Fonds du conseiller ecclésiastique », 1947-1987, 21921NVA-49, lettre de François de Laboulaye, chargé d’affaires à l’ambassade de France à Ottawa, 10 juillet 1953, 3 pages, au sujet de la nomination à Ottawa de Mgr Lemieux, ancien évêque de Gravelbourg en 1944 : « À Gravelbourg, sans jamais, vis-à-vis des Canadiens anglais, marquer la moindre aigreur, Mgr Lemieux s’est employé à souligner l’importance pour le Canada tout entier de respecter les traditions et la langue des deux groupes ethniques qui le composent. Dans cette action, le service culturel et le service d’information de l’Ambassade, de même que le Consul de France à Winnipeg, ont apporté toute l’aide en leur pouvoir à Mgr Lemieux. Celui-ci est demeuré pour la France et ses représentants un ami loyal et éclairé. »

28 La bibliographie sur les missions oblates au Canada est considérable. Voir notamment Gaston Carrière, Histoire documentaire de la congrégation des missionnaires Oblats de Marie Immaculée dans l’est du Canada, Ottawa, université d’Ottawa, 12 volumes, 1957-1975 ; Claude Champagne, Les débuts de la mission dans le Nord-Ouest canadien. Mission et Église chez Mgr Vital Grandin, o.m.i. (1829-1902), Ottawa, université d’Ottawa, 1983 ; Donat Levasseur, Histoire des missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Essai de synthèse, vol. 1,1815-1898, vol. 2,1898-1985, Montréal, Maison Provinciale, 1983 ; Id., Les Oblats de Marie Immaculée dans l’Ouest et le nord du Canada, 1845-1967. Esquisse historique, Edmonton, The University of Alberta Press, 1995.

29 AMAE, Correspondance commerciale et consulaire, Consulat de Vancouver, 1896-1901, microfilm P16312, tome 1 (1896-1897) et tome 2 (1897-1901).

30 AMAE, Correspondance commerciale et consulaire, Consulat de Vancouver, 1896-1901, microfilm P16312, tome 2 (1897-1901) : ff. 214-256 : « Rapport d’ensemble sur la Colombie britannique », 22 mars 1900.

31 Mgr Émile Grouard, Souvenirs de mes soixante ans d’apostolat dans l’Athabaska-Mackenzie, Lyon, Œuvre apostolique de Marie Immaculée, 1925, p. 429.

32 AMAE, Service des œuvres françaises, 417Q0417, lettre de Paul Suzor au ministre des Affaires étrangères au sujet du consulat de Vancouver, 29 janvier 1935 : « À la veille de mon départ pour le Canada, où j’étais chargé d’organiser notre nouveau consulat de l’Ouest, le chef du Service des œuvres [alors Ferdinand Pila] m’avait convoqué pour me dire que, si importante que fût à Vancouver, porte ouverte sur l’orient, la question économique, celle des groupements de notre race dans cette région présentait pour nous un intérêt véritablement national, parce que c’était d’elle que dépendaient la survivance et l’avenir de notre langue sur ce continent, et il m’avait prié d’y donner toute mon attention. Je me suis attaché à suivre ces directives et le vaste champ des œuvres françaises a pris aujourd’hui, dans cette moitié du Dominion, une ampleur et un intérêt qui méritent notre sollicitude. »

33 AMAE, « Papiers Suzor », appréciation de Charles Arsène-Henry, 26 février 1932 : « M. Suzor est un excellent agent qui se donne le plus grand mal et réussit fort bien. [...] M. Suzor est très apprécié du clergé canadien français qui constitue dans l’Ouest notre meilleur appui. »

34 AMAE, « Papiers Suzor », lettre de Paul Suzor au MAE, 2 juillet 1929.

35 « Grouard-McLennan », Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, Letouzey et Ané, 1988, tome 22, p. 402-403

36 Archives nationales, base Léonore, dossier « Gabriel Joseph Breynat », 19800035/7/817, p. 16.

37 Archives nationales, base Léonore, dossier « Émile Grouard », LH/1210/46, p. 5.

38 AMAE, SOFE, 420Q05, lettre de Louis Canet à Jean Marx, 26 mars 1930.

39 Sur ce point, lire notamment les rapports que Paul Suzor rédige au sujet de son voyage au-delà du cercle polaire, en juillet 1934, AMAE, SOFE, 417Q0417 ; CADN, Vancouver, 14.

40 Lire Élisabeth de Miribel, La Liberté souffre violence, Paris, Plon, 1981 et la contribution dans ce volume de M. Thomas Vaisset.

41 Lire ainsi, à titre d’exemple, le « prêche » de Francisque Gay, lorsqu’il reçoit un doctorat honoris causa en droit de l’université d’Ottawa, tenue par les Oblats, le lundi 18 octobre 1948, allocation publiée dans la Revue de l’université d’Ottawa, janvier-mars 1949, p. 47-53 : « La force, dont ils [les étudiants] auront besoin pour soutenir la dignité de leur vocation, ils la puiseront aux sources éternelles de la foi, de la charité, de la vie chrétienne. »

42 AMAE, « Papiers Canet », 49, 25 avril 1944.

43 AMAE, « Papiers Canet », 49, lettre du 13 octobre 1931 adressée à l’ambassadeur de France auprès du Saint-Siège.

44 AMAE, « Papiers Canet », 49, lettre du consul de France à la Nouvelle-Orléans, 19 décembre 1927.

45 AMAE, « Papiers Canet », 49,19 novembre 1931.

46 AMAE, « Papiers Canet », 49, 6 novembre 1929.

47 CADN, Ottawa, 66, lettre de Paul Claudel, 24 avril 1928, « Longue tournée dans les États du Sud (Géorgie, Floride, Louisiane, Tennessee) ».

48 CADN, Ottawa, 66 : lettre de Paul Claudel, 22 avril 1929, « Voyage chez les Franco-Américains (Nouvelle-Angleterre) ».

49 CADN, Ottawa, 66, lettre de Paul Claudel, 29 octobre 1930, « Voyage chez les Franco-Américains de Lewiston (Maine) ».

50 CADN, Ottawa, 66, lettre de Paul Claudel, 26 mars 1932, 11 p., « Relation de mon voyage dans l’Ouest », Ottawa, 66.

51 AMAE, « Papiers Canet », 49.

52 AMAE, « Papiers Canet », 49, 25 janvier 1934.

53 Voir notamment AMAE, SOFE, 263.

54 « Note de M. de La Boulaye, chef de la section d’information à l’étranger pour l’Amérique du Nord à la Présidence du Conseil. Paris, 11 mars 1940 », Documents diplomatiques français, 1940 (1er janvier-10 juillet), MAE, Commission de publication des documents diplomatiques français, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2004, p. 279-280, document n° 134.

55 Sur ce point, lire les publications d’Étienne Gilson du printemps 1940, « The French View of the War », America, 62, p. 452-456, « L’Europe et la paix », Revue trimestrielle canadienne, 26, p. 27-43. Lire également Lawrence Shook, Etienne Gilson, Toronto, PIMS, 1984, p. 238-242 : selon son biographe, Gilson se rend notamment au Canada et en Nouvelle-Angleterre (Boston, New Bedford, Worcester, Manchester, Woonsocket). On trouve un compte-rendu de la mission de Gilson dans les archives des Œuvres (AMAE, SOFE, 416).

56 AMAE, SOFE, 416, lettre de Jean Marx à Jacques Vernant, 18 octobre 1939 : « Mon cher directeur et ami, je suis heureux de vous faire savoir que M. Jacques Maritain, professeur à l’Institut catholique de Paris, qui jouit comme philosophe et comme écrivain politique d’une grande autorité aux États-Unis, a été invité par l’université de Toronto. [...] Vous savez quelle est la personnalité de Maritain et quel succès il a obtenu ces dernières années auprès de l’université de Chicago en particulier. Je sais aussi combien il avait intéressé le président Roosevelt. Il est évidemment un des conférenciers qu’il y a le plus d’intérêt à envoyer aux États-Unis, non seulement dans les milieux catholiques, souvent rebelles à notre influence, mais aussi dans tous les milieux, soit universitaire, soit religieux. » Voir également AMAE, SOFE, 425. Lire aussi le dossier « Jacques Maritain pendant la drôle de guerre », Cahiers Jacques Maritain, Kolbsheim, 59, décembre 2009.

57 AMAE, SOFE, 571.

58 Voir ainsi le rapport sur les activités du P. Ducattillon adressé par le consul de Boston à M. de Saint-Quentin ambassadeur aux États-Unis, 1er mai 1940, AMAE, SOFE, 571 : « Le R.P. Ducattillon, principal orateur, a fait une admirable conférence sur le catholicisme français en face de la guerre. Il a montré comment on ne pouvait comprendre notre pays sans connaître ce qu’il a appelé la "loi des contrastes” [...] Il a donné des exemples probants de la très grande liberté laissée en France aux congrégations en dépit du maintien des lois d’exception. S’attaquant hardiment à l’objection si grave soulevée par les milieux catholiques américains relativement à la mobilisation des prêtres comme combattants, il a montré par des exemples émouvants que le clergé s’était rapproché du peuple français parce qu’il avait partagé les épreuves des soldats dans les tranchées lors de la dernière guerre, et a exprimé la conviction que l’Église française bénéficierait largement de circonstances analogues dans la guerre actuelle. Cette conférence magistrale a remporté un immense succès et je serais très reconnaissant à votre excellence de bien vouloir examiner avec le R.P. Ducattillon la possibilité de le retenir aux États-Unis. En ce qui concerne ma circonscription, je désirerais très vivement organiser pour lui une tournée de conférences dans les groupes franco-américains que n’avait pu visiter M. Gilson, c’est-à-dire ceux du Vermont, du Maine, et de certaines parties du Massachusetts. » Lire enfin l’article « Ducattillon, Joseph-Vincent », Dictionnaire de la France libre, François Broche, Georges Caïtucoli, Jean-François Muracciole (dir.), Robert Laffont, Bouquins, 2010.

59 AMAE, SOFE, 425.

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