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Le Service des œuvres du Quai d’Orsay et les acteurs religieux de la diplomatie française dans l’entre-deux-guerres

p. 69-80


Texte intégral

1Dans un article paru en 2010, Anastassios Anastassiadis défendait de façon convaincante la thèse d’une sortie des acteurs religieux, dans l’entre-deux-guerres, du jeu des diplomaties culturelles des grandes puissances occidentales en Europe du Sud-Est, et tout particulièrement en Grèce1. Il y voyait deux raisons principales : l’adaptation des diplomaties aux nouvelles conditions des relations internationales, impliquant une diversification de leur action culturelle au détriment des formes traditionnelles privilégiées par les missions religieuses, et la réaction des populations locales, de plus en plus hostiles à une présence étrangère, perçue, dans le cadre de la construction d’une culture nationale, comme relevant d’une logique impérialiste. La question vaut tout particulièrement d’être à nouveau posée pour la France, mais à l’échelle cette fois de l’ensemble du champ d’action de sa diplomatie culturelle ; peut-on parler, pour cette dernière, d’une sécularisation, voire d’une séparation des Églises et de la diplomatie, qui se serait opérée de façon progressive, moins soudaine et moins polémique que celle de 1905, mais non moins efficace ? Au cœur du processus figure un acteur institutionnel, le Service des œuvres françaises à l’étranger (SOFE), chargé au Quai d’Orsay de coordonner au lendemain de la Grande Guerre l’action culturelle de la France sur les cinq continents2. Le SOFE n’est certes pas le seul service, au sein du ministère, à se préoccuper des questions religieuses – il suffit de rappeler le rôle bien connu et l’influence de Louis Canet, conseiller technique pour les affaires religieuses, dont le poste est créé en 1921 au moment de la reprise des relations diplomatiques avec le Saint-Siège3 – mais c’est lui qui incarne et qui représente le mieux l’ambition de la diplomatie française en matière culturelle dans cette période cruciale de l’entre-deux-guerres ; sa position stratégique, les moyens dont il dispose et ses capacités d’innovation en font tout naturellement l’instrument-clé d’une action qui se veut désormais ambitieuse et rationnelle.

Le Service des œuvres et la diplomatie religieuse

2Le SOFE est créé par décret le 15 janvier 1920. Il résulte de la fusion du Bureau des écoles et des œuvres et de plusieurs services du temps de guerre, issus du Haut-Commissariat à la propagande4. Avec la sous-direction des relations commerciales et le Service français de la Société des nations (SFSdN), tous deux créés dès 1919, le SOFE répond à une prise de conscience, de la part du Quai d’Orsay, et particulièrement de son secrétaire général, Philippe Berthelot, de l’évolution profonde des relations internationales au lendemain de la Grande Guerre, de l’extension du champ et de l’objet de la diplomatie, et de la nécessité d’adapter les structures, de renouveler les pratiques et de diversifier les acteurs du jeu diplomatique5. Notons toutefois que les questions culturelles restent malgré tout quelque peu sous-estimées par les agents du Quai d’Orsay, contrairement aux affaires économiques et financières et aux questions multilatérales, puisque le SOFE demeure durant tout l’entre-deux-guerres un simple service, alors que les relations commerciales bénéficient dès l’origine du cadre d’une sous-direction et que le SFSdN, en 1934, est également hissé au rang d’une sous-direction. Il faut attendre 1945 pour voir la naissance d’une grande direction générale des relations culturelles6.

3Le SOFE est constitué de quatre, puis, dès 1923, de trois sections7 : la section universitaire et des écoles, de loin la plus importante et la plus richement dotée ; la section littéraire et artistique, la plus brillante, que dirige Paul Morand durant les premières années ; la section des œuvres diverses, la plus novatrice, qui traite du tourisme et des compétitions sportives internationales, et qui assure la liaison avec des associations telles que l’Alliance française, la Mission laïque, l’Alliance israélite universelle, le Comité catholique des amitiés françaises à l’étranger ou son homologue protestant. À cette logique sectorielle se superpose une approche plus traditionnellement géographique, chaque section étant subdivisée en cinq aires d’étendue très inégale : Europe, Orient, Syrie-Liban, Extrême-Orient, Amérique. On notera la faveur dont bénéficient les seuls Liban et Syrie, qui s’explique évidemment par le nombre et l’importance des établissements religieux présents de longue date dans la région.

4La politique générale du SOFE est clairement définie en janvier 1931 par Fernand Pila, alors directeur du Service :

Celle-ci a sans doute pour but général de développer aussi largement que possible l’influence morale et intellectuelle de la France dans le monde, en utilisant ou en suscitant à cet effet toutes les occasions profitables. Mais elle doit aussi s’appliquer plus spécialement à servir les fins occasionnelles de notre diplomatie, sur les directions de laquelle il faut qu’elle cherche à modeler son action8.

5Il s’agit bien de mener le combat de la culture, de la langue et de la pensée françaises, mais dans le cadre d’une politique de puissance, au service d’une diplomatie conçue comme un tout. Dès 1920, une note émanant du SOFE propose « [d’organiser la] publicité (au sens légitime du mot) de la Société France » et de mener « une action de propagande à l’étranger » qui revête toutes les formes propres à favoriser le rayonnement national – ou soft power, dirait-on aujourd’hui. Même si le terme est à l’époque dénué de toute connotation péjorative – on parle ainsi de propagande scolaire ou médicale –, la confusion qui subsiste durant tout l’entre-deux-guerres entre action culturelle et propagande affichée, et perçue comme telle, n’ira pas sur place sans engendrer, nous y reviendrons, un certain nombre de difficultés, notamment de la part de congrégations faisant preuve d’un prosélytisme trop ouvertement déclaré.

6Au sein du SOFE, la dimension religieuse relève essentiellement d’un héritage, celui du Bureau des écoles et des œuvres, petite structure créée dès 1909 au Quai d’Orsay, dans l’objectif, encore traditionnel et très réducteur, de « centraliser toutes les questions dans lesquelles est appelée à s’exercer la mission éducatrice et charitable de la France à l’étranger, établissements et œuvres de bienfaisance9 ». La continuité entre le Bureau des écoles et le SOFE est rappelée par la reprise, dans la dénomination de celui-ci, du terme « œuvres » qui met l’accent sur les origines religieuses de la diplomatie culturelle de la France. On sait combien, parmi ces écoles et ces œuvres à l’étranger – hôpitaux, dispensaires, asiles, orphelinats, etc. –, les établissements religieux sont nombreux, importants et souvent prestigieux, que ce soit en Orient, Levant et Extrême-Orient, où ils sont parfois implantés de longue date, mais aussi, depuis l’exil des congrégations non autorisées après 1902, en Espagne, en Italie ou sur le continent américain10. Cette dimension, du moins en apparence, sort renforcée de la guerre – d’autant que le rétablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège en 1921 va dans le sens d’un rapprochement entre acteurs étatiques et religieux ; plus que jamais, ces derniers semblent indispensables à la diplomatie culturelle telle que le Quai d’Orsay souhaite la pratiquer, principalement en Syrie et au Liban, désormais placés sous tutelle française. Dans le cadre juridique et la logique du régime mandataire, la France doit en effet fournir chaque année devant la SDN le bilan de son œuvre « civilisatrice » et a tout intérêt, pour investir l’éducation, la médecine et la santé, à s’appuyer en un premier temps sur les établissements existants11. Il s’agit d’abord, notamment dans l’ancien Empire ottoman où les missions françaises avaient dû quitter la place dès les premiers temps du conflit, de reconstruire une influence mise à mal durant la guerre et de profiter de la faiblesse, toute passagère, de la concurrence allemande, voire italienne, pour renforcer la présence de la France là où elle était déjà conséquente avant 1914 et si possible pour conquérir de nouvelles aires d’influence. C’est par exemple l’argument qu’avance Paul Claudel qui, nommé ambassadeur de France à Tokyo, déplore le manque de missionnaires français et s’empresse de réclamer au SOFE une augmentation des crédits alloués aux établissements catholiques implantés au Japon12 ; les convictions personnelles de Claudel peuvent certes également jouer, mais on peut estimer qu’en l’espèce les intérêts du diplomate soucieux de l’influence de son pays l’emportent sur celles du catholique défenseur de la foi13. C’est également l’argument qu’avancent, dans un autre registre, Maurice Barrés et les partisans de l’impérialisme français au Levant pour exiger du gouvernement qu’il soutienne les missions catholiques françaises en Palestine afin de profiter dans la région de l’éviction de l’Allemagne et de l’inertie provisoire de l’influence britannique en matière religieuse14.

7Rappelons aussi que la politique allemande de la France, jusqu’en 1924 et l’approbation du plan Dawes, est très contestée dans les pays neutres et au sein même de ses alliés. Il paraît naturel de chercher à s’appuyer sur les associations religieuses pour défendre ses positions dans les pays où elles sont attaquées et où les Églises ont conservé une forte influence sur les populations. Le SOFE met ainsi en valeur, en 1922, l’appui du Comité protestant de propagande française à l’étranger :

L’action du comité protestant est importante, elle répond à un besoin pressant de combattre dans les pays de religion protestante la propagande allemande qui ne se lasse point d’attaquer notre pays et d’accumuler mensonge sur mensonge notamment sur les responsabilités de la guerre, le prétendu impérialisme français et l’exagération de nos revendications pour les dommages subis15.

8Il s’agit surtout de « garder le contact » avec la Fédération des Églises protestantes américaines, mais aussi, si possible, d’agir aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, où la propagande allemande bénéficie d’une forte audience, voire en Grande-Bretagne16. Dans le même ordre d’idées, en pleine crise de la Ruhr, au plus fort de l’isolement diplomatique de la France, Poincaré se tourne vers Mgr Baudrillart, président du Comité catholique des amitiés françaises à l’étranger – en outre membre comme lui de l’Académie française – pour aider à la diffusion en Amérique latine de brochures sur le traité de Versailles, l’Allemagne et les réparations17.

9Toutes ces raisons conjuguées expliquent les subventions élevées dont bénéficient immédiatement après la guerre, de la part du Quai d’Orsay, les associations religieuses : 300 000 francs pour le Comité catholique en 1921, 100 000 pour le Comité protestant, 235000 en 1920 pour les établissements dépendant de l’Alliance Israélite universelle18. Il en va de même de celles allouées aux écoles et aux « œuvres » à caractère confessionnel : pour l’ensemble des établissements situés dans l’ancien Empire ottoman, les crédits sont ainsi relevés de 2,6 à 4,5 millions de francs entre 1920 et 1921 ; à la même date, ils passent à 3,2 millions pour l’Extrême-Orient – 2,4 pour les écoles et 650 000 pour les hôpitaux – dont 90 % pour la seule Chine19. Il faut dire que lycées, collèges et écoles primaires tenus par les Jésuites, les Lazaristes, les Maristes, les Filles de la Charité et autres congrégations, notamment au Levant, bénéficient dans l’ensemble d’une excellente réputation, bien meilleure que celles relevant de l’instruction publique, et qu’ils continuent d’attirer de nombreux élèves, d’ailleurs de toutes confessions, durant tout l’entre-deux-guerres20. Jérôme Bocquet dénombre ainsi, en 1934, pour la seule Syrie, 1096 écoles privées et 84 455 élèves (72,6 % de chrétiens et 24,2 % de musulmans), contre 339 écoles « officielles » et 39 407 élèves (95 % de musulmans et 3 % de chrétiens)21. Ajoutons, bien entendu, que le système des subventions permet également au gouvernement d’exercer sur ceux qui en bénéficient un contrôle indirect particulièrement efficace22. Rien ne semble donc devoir altérer une situation depuis longtemps soigneusement établie et où chaque partie trouve son compte.

La mesure d’un déclin

10Le montant des subventions allouées aux associations et aux établissements religieux reste un bon indice de l’intérêt que le Quai d’Orsay continue, tout au long des années 1920 et 1930, de porter à leur action. On remarque d’abord que le budget du SOFE, en francs courants, est multiplié par 21 entre 1919 et 1939, ce qui s’explique évidemment en raison de l’inflation, soit légèrement moins que l’ensemble des sommes dont dispose le ministère. On constate ensuite qu’au sein même du SOFE, la section universitaire et des écoles continue d’absorber environ 85 % du budget du Service, alors que celle des œuvres diverses se contente d’environ 10 %, dont la moitié est portée au crédit d’associations privées, confessionnelles et laïques, supposées œuvrer au rayonnement de la France à l’étranger – il reste donc seulement 5 % pour la section littéraire et artistique23. S’il y a baisse, durant la période, des subventions dispensées aux établissements religieux, on ne peut donc l’imputer à une réduction globale du budget du SOFE, ni à une nouvelle répartition de ces crédits, au sein même du Service, qui serait moins favorable aux sections accordant ces subventions.

11Or, le constat est sans appel. Les sommes versées chaque année aux associations à caractère religieux chutent de façon brusque et drastique. Le Comité protestant de propagande française à l’étranger, qui recevait 100 000 francs en 1920, n’en reçoit plus que 50 000 en 1923, 35 000 en 1925 et 40 000 en 1929 ; le Comité catholique, qui touchait 300 000 francs en 1920, voit cette somme se réduire comme peau de chagrin : 270 000 en 1921 et 1922, 220 000 en 1923, 160 000 en 1924, 100 000 en 1925 ainsi que les années suivantes. Les protestations de Mgr Baudrillart n’y changent rien. Les raisons invoquées par le SOFE, chaque année et quel que soit l’interlocuteur, sont systématiquement les mêmes – à tel point que la même lettre, au mot près, fait parfois double ou triple usage : restrictions budgétaires et contraction des marges de manœuvre, « toute allocation nouvelle étant nécessairement prélevée sur les crédits destinés à d’autres œuvres d’une incontestable utilité24 ». Les congrégations ne sont pas mieux loties. Dans une lettre adressée à Pila, en 1931, le haut-commissaire français, Ponsot, se plaint de la réduction des subventions accordées aux établissements scolaires de Syrie et du Liban – passées de 2,8 millions de francs en 1930 à 2,65 millions. Pour l’ensemble des écoles maronites, la somme a chuté depuis 1926 de 402 000 francs à 166 000, sans que les subsides versés par les États de Syrie ne viennent compenser cette perte, et ce alors que les effectifs se maintiennent dans ces établissements. Les missions les plus éprouvées, poursuit Ponsot, sont celles qui entretiennent le plus d’écoles de village (Jésuites, Lazaristes, Capucins, Filles de la Charité) : « La déception sera grande pour nos missions qui s’efforcent non seulement de maintenir, mais encore de développer leur action en comptant sur notre appui25. » Le haut-commissaire conclut en évoquant les propagandes britannique et italienne, qui ne manquent pas de profiter de cette situation pour se rapprocher des maronites, et en demandant si l’on ne pourrait pas solliciter le ministère de l’Instruction publique pour soulager le SOFE. Le déficit est de façon très incomplète compensé en faisant appel au produit des Jeux et du Pari mutuel, dont une partie est affectée au crédit des associations ; aux 36,5 millions de francs dont dispose le SOFE en 1930 viennent ainsi s’ajouter 8 millions, soit 18 % du total, issus des gains du Pari mutuel26. Aussi voit-on chaque année ordres missionnaires, congrégations et établissements religieux de Chine, de Syrie, de Grèce ou d’Égypte s’adresser au SOFE pour espérer en bénéficier, sans manifester de scrupules excessifs quant aux origines peu catholiques de cette manne... Mais ces ressources ponctuelles, délivrées au coup par coup, sans aucune garantie de reconduction, ne peuvent subvenir dans la durée aux difficultés financières rencontrées par ces institutions27.

12Plus grave encore, on constate, même s’il s’agit plus d’un faisceau d’indices que d’aveux explicites, une certaine prise de distance, de la part des diplomates, à l’égard de l’action des œuvres religieuses, qui va de l’indifférence croissante à la critique parfois acérée, notamment quant aux demandes jugées excessives de ces institutions ou à l’usage qui est fait des subventions. Cela va, par exemple, de Pila qui s’indigne que le collège maronite de la Sagesse de Beyrouth réclame deux licenciés ès lettres et ès sciences, qui feraient leur service militaire à cette occasion, et approuve le directeur de l’Office des universités qui estime que deux instituteurs feraient l’affaire28, à l’ironie mordante du consul de France à Jérusalem, Doire, qui dénonce en 1928 « l’œuvre de pure magnificence » entreprise par la directrice de l’hôpital des Filles de la charité de Nazareth, qui souhaite construire pour son établissement une église « dans cette insignifiante bourgade de Nazareth où il y a autant d’églises, écoles ou hôpitaux que d’habitants29 ». Le même Doire n’avait d’ailleurs pas hésité l’année précédente à dire clairement son opinion à Beaumarchais, alors directeur des Affaires politiques et commerciales au Quai d’Orsay – qui d’ailleurs lui répond en l’approuvant :

Les communautés en Palestine ont trop la manie de la bâtisse. Et pourtant, elles sont toutes installées dans des immeubles tous plus imposants les uns que les autres. Aussi ne puis-je sans regret leur voir allouer si libéralement tant d’argent pour des constructions d’une utilité parfois relative, alors que le consulat général de France à Jérusalem est, comme Votre Excellence ne l’ignore pas, menacé de se retrouver très prochainement sans toit30.

13De façon tout aussi significative, on voit Jean Marx, directeur du SOFE dans les années 1930, devoir très régulièrement, par circulaire, rappeler aux chefs de poste des légations et consulats d’Orient, du Levant et d’Amérique latine d’afficher publiquement le soutien du Quai d’Orsay aux congrégations enseignantes et d’assister aux manifestations qu’elles organisent :

L’arrivée du représentant de la France, soit dans les fêtes scolaires, soit au cours d’exercices ou de classes, est un précieux stimulant pour ces religieux. Ils se sentent en même temps dirigés et guidés et les indications que vous leur donnerez, soit pour s’adapter aux conditions locales, soit pour développer plus efficacement l’enseignement du français, seront d’une portée considérable31.

14Qu’on ait besoin de le rappeler montre que l’usage de telles pratiques, pourtant courantes avant 1914 et encore dans les années 1920, tendait à se perdre. L’objectif est aussi de garder le contrôle de ces œuvres et, dans les pays gagnés par le nationalisme, d’éviter qu’elles ne se replient sur elles-mêmes ou qu’elles n’aillent se placer sous la protection des autorités locales.

Les raisons d’une séparation

15Le désamour tient d’abord aux profondes mutations que connaît la diplomatie culturelle durant l’entre-deux-guerres. L’évolution même du SOFE témoigne d’une diversification des actions et d’une professionnalisation des pratiques très significatives de l’importance nouvelle que prend alors ce type de diplomatie. Après une période (jusqu’au milieu des années 1920), où le Service est tenu par des diplomates qui, tel Paul Morand, conçoivent un peu leur mission en dilettante32, ceux-ci cèdent petit à petit la place à des universitaires, qui finissent par imprimer leur marque33. Dès 1927, seul Pila, le chef du Service, est un diplomate de carrière et de formation. Avec Jean Marx, professeur à l’École pratique des hautes études et spécialiste de littérature médiévale, qui lui succède en 1933 et qui reste à la tête du SOFE jusqu’en 1940, la mutation est achevée. La diplomatie culturelle est devenue au Quai d’Orsay une affaire d’experts ; l’accent n’est plus seulement mis, de façon traditionnelle, sur la diffusion de la langue et du livre français, mais s’est chargé d’une dimension universitaire, artistique et scientifique qui implique le recours à des formes d’action renouvelées. Lorsque Pila dresse le bilan de l’activité du SOFE pour 1930, il insiste sur la fondation en Europe de plusieurs instituts français, sur la diffusion de films, d’émissions de radio, sur les conférences et congrès internationaux, sur l’importance des compétitions sportives, du tourisme et des œuvres philanthropiques pour œuvrer au rayonnement du « génie français », mais il passe très vite sur les écoles et les institutions religieuses, comme s’il s’agissait d’un héritage vivant de ses acquis, se maintenant par inertie, mais sur lequel il serait illusoire de vouloir construire l’avenir, face à la concurrence de pays autrement dynamiques, tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie34. Sans doute aussi ces acteurs religieux ont-ils eux-mêmes du mal à faire évoluer un modèle qui fonctionnait avant-guerre – écoles, hôpitaux, orphelinats –, mais qui n’est plus totalement adapté au monde moderne. La diversification, par ailleurs, touche également les aires où cette diplomatie nouvelle trouve à s’exercer. Ainsi, au sein de la première section du SOFE, celle des écoles, les trois zones qui, tout au long de la période bénéficient des crédits les plus importants restent Syrie-Liban, Orient et Europe. Mais les rapports de force changent : la zone Syrie-Liban occupe la première place jusqu’en 1929 (37 % du budget du SOFE à cette date), la deuxième jusqu’en 1937 (21 % du budget cette année-là), la troisième ensuite. L’évolution se fait essentiellement au profit de l’Europe, qui devient la priorité du Service dès 1929, et où les acteurs religieux sont moins omniprésents qu’en Orient ou dans les États mandataires35.

16On note aussi, de la part du Quai d’Orsay, la volonté assez nettement marquée, qui s’accroît à partir de 1924 mais qui était déjà sensible avant cette date, de briser la primauté des acteurs religieux en matière d’enseignement du français à l’étranger, surtout dans les régions où ceux-ci exercent le plus clairement leur influence. Priorité est ainsi donnée à l’Alliance française et surtout à la Mission laïque, fondée en 1902 au plus fort de la politique anticléricale pour directement concurrencer les écoles congréganistes, notamment en Méditerranée orientale36. En 1922, 20 % des crédits accordés par le SOFE aux établissements scolaires en Égypte vont aux trois lycées de la Mission laïque, dont les effectifs cumulés dépassent 2 300 élèves (Le Caire, Alexandrie et le collège du Daher), dans le but de développer l’enseignement du français auprès de populations musulmanes de plus en plus anglophones37. En 1930, la Mission obtient 1,525 million de francs pour ses établissements d’Égypte et de Perse, 1,440 pour ceux de Syrie et du Liban, et 430 000 francs pour ceux de Salonique, soit, en cette période de crise, un total supérieur à ce qu’elle demandait38 ! Encore en mars 1940, il lui est alloué 3,4 millions pour ces mêmes écoles, auxquels s’ajoute 1,9 million pour financer l’achèvement des lycées du Caire, de Damas et d’Alep39. La question de l’enseignement laïque en pays musulman n’est d’ailleurs pas simple et provoque des analyses contradictoires : tandis qu’un rapport de 1925 sur l’instruction publique à Damas soutient que de nombreuses familles musulmanes qui envoient leurs enfants dans les écoles chrétiennes préféreraient de beaucoup avoir à leur disposition une institution laïque, Ponsot estime au contraire que l’éducation laïque n’est pas comprise des populations musulmanes, pour lesquelles par nature on ne peut dissocier l’enseignement de la foi religieuse, quelle qu’elle soit40.

17Autre acteur essentiel, confessionnel cette fois, mais non chrétien, l’Alliance israélite universelle (AIU) et les 168 écoles qu’elle entretient en 1914, réparties sur le pourtour de la Méditerranée41. Elle aussi continue, durant tout l’entre-deux-guerres, de bénéficier de subventions élevées de la part du SOFE. Son président Sylvain Lévi, par ailleurs célèbre indologue et premier directeur de la maison franco-japonaise de Tokyo, n’hésite pas ainsi à solliciter en 1931 le doublement de ces subsides, pourtant déjà importants, de 500 000 à un million de francs ; il obtient 700 000 francs grâce à l’argent des Jeux et du Pari mutuel et, après avoir renouvelé sa demande l’année suivante, 850 000 francs pour 193242. L’AIU reçoit encore un million en mars 1940 pour le bon fonctionnement de ses établissements d’Orient et d’Afrique du Nord, et l’on sait que même sous le régime de Vichy, le SOFE continuera de subvenir à ses besoins, au nom du maintien de l’influence française à l’étranger, particulièrement face à la concurrence britannique43. La presse d’extrême-droite ne manque évidemment pas de remarquer que le fils de Sylvain Lévi, Daniel, est diplomate – il est chef de section à la sous-direction Europe lorsqu’il est frappé en 1940 par le statut des juifs –, ni que Jean Marx, le directeur du SOFE, est lui-même de confession juive – il se convertit au catholicisme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais ce qui compte, pour Marx comme pour Claudel et pour l’ensemble du corps diplomatique, hors de toute conviction religieuse personnelle, c’est d’abord le rayonnement de l’influence française44. De ce point de vue, tous reconnaissent la qualité des écoles tenues par l’AIU : le rapport annuel du SOFE pour 1932 souligne ainsi qu’en Palestine, « l’admirable Alliance Israélite est dans l’obligation de refuser des élèves faute de place dans ses écoles qui ont tant fait pour le développement de la culture française45 ». Comme l’écrit Catherine Nicault :

La logique est clairement cumulative et non exclusiviste, au service de la diffusion de la langue française et d’un rayonnement culturel placé toujours haut dans l’échelle des missions de la diplomatie française. Dans cette optique, si l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation, il en va exactement de même pour l’antisémitisme46.

18Dans le cas de la Palestine, le Quai d’Orsay a également tout intérêt à s’appuyer sur l’AIU, qui privilégie la diffusion du français et peut revendiquer 3 000 élèves en 1930, pour contrer le sionisme, qui cherche à hébraïser l’enseignement47. La réaction des acteurs locaux qui souhaitent s’émanciper de l’influence française et mettre en place une culture nationale est en effet la dernière raison qui joue en défaveur d’une présence religieuse française perçue comme alliant le prosélytisme à l’impérialisme culturel. Sur ce point, le SOFE a tout à fait conscience des dangers de la propagande et met ses agents en garde contre toute action qui apparaîtrait comme telle aux yeux des populations. Le SOFE, précise Pila, « s’astreint à rechercher toujours, non pas seulement l’acquiescement de principe, mais encore, quand cela est possible, la participation positive, et même la contribution financière des pays intéressés48 ». C’est également dans cette optique que Ponsot demande et obtient une révision de l’arrêté de 1924 sur les conditions d’ouverture et de fermeture des écoles privées en Syrie et au Liban, afin de transférer ces compétences aux autorités locales pour qu’on cesse d’accuser le Haut-Commissariat de mener par ce biais une politique impérialiste49. Aussi le Quai d’Orsay, à plusieurs reprises, s elève-t-il contre certains ordres religieux particulièrement conservateurs qui se font les propagateurs d’une culture étrangère et dont l’enseignement heurte de front les convictions de plus en plus affirmées des populations autochtones. C’est notamment le cas, en Syrie, des Lazaristes, qui tolèrent mal les chrétiens orientaux et perçoivent en général comme hostile le monde musulman ; concevant leur mission comme participant directement de la grandeur de la France et de son rayonnement dans tout le Moyen-Orient, ils comprennent mal qu’on leur reproche désormais le passéisme de leurs méthodes et que le ministère de l’Instruction publique leur demande d’introduire systématiquement l’arabe dans leur enseignement ou de retirer tel manuel d’histoire contenant des phrases injurieuses pour les musulmans50. Plus largement, c’est toute la politique lancée par Jouvenel lors de son passage au Haut-Commissariat en 1926-1928, visant à développer les écoles officielles et publiques sur le modèle adopté par les Britanniques en Irak, qui ne passe pas auprès des congrégations religieuses. Les diplomates, cela dit, ne vont pas toujours au bout de leur logique et restent partagés sur la façon de tenir compte des facteurs locaux ; ils restent très attachés, dans leur majorité, à ce que le français demeure la langue d’enseignement des écoles implantées en Orient, quelles qu’elles soient, et comprennent mal la nouvelle configuration politique qui s’installe en Palestine. Dans cette dernière région, ce n’est que dans les années 1930 et par réaction, parce qu’elle comprend la nécessité de faire face à l’influence grandissante des autres puissances européennes, que la France consent à prendre en compte le facteur sioniste, jusqu’alors perçu comme hostile, et à réorienter sa politique culturelle, en fondant en 1935 le Centre laïque de culture française de Jérusalem ou en obtenant en 1938 qu’un enseignement de français soit dispensé à l’université hébraïque de Jérusalem ; le fantasme d’une Terre sainte catholique qui s’appuierait sur le judaïsme francophone des écoles de l’AIU est définitivement enterré51.

19Le retrait des acteurs religieux de la diplomatie culturelle française durant l’entre-deux-guerres est donc certain, même s’il est loin d’être achevé à la fin de la période. Il se fait de façon progressive et continue, sans s’expliquer par des évolutions de politique intérieure. Il faut plutôt mettre en avant les évolutions profondes de cette diplomatie, la volonté, de la part des agents du SOFE, de diversifier leur champ d’action et leurs pratiques, de se défaire d’une image considérée comme trop passéiste, et l’incapacité, de la part de ces acteurs religieux, à renouveler leurs méthodes et à s’émanciper du politique.

Notes de bas de page

1 Anastassios Anastassiadis, « Finis Graecia ! L’inexorable sortie des acteurs religieux du domaine de la diplomatie culturelle. Le Sud-Est européen dans l’entre-deux-guerres », dans Anne Dulphy, Robert Frank, Marie-Anne Matard-Bonucci, Pascal Ory (dir.), Les relations culturelles internationales au xxe siècle. De la diplomatie culturelle à l’acculturation, Bruxelles, PIE-Peter Lang (Enjeux internationaux), 2010, p. 49-57.

2 Colette Barbier de Bonnay, Le Service des œuvres françaises à l’étranger du ministère des Affaires étrangères entre les deux guerres mondiales, mémoire de maîtrise sous la direction de Jean-Baptiste Duroselle, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1983.

3 Bruno Neveu, « Louis Canet et le service de conseiller technique pour les affaires religieuses au ministère des Affaires étrangères, 1921-1946 », Revue d’histoire diplomatique, 2, 1968, p. 1-47.

4 D’autres organismes de propagande, comme la Maison de la presse, sont également regroupés pour donner naissance au Service de presse et d’information.

5 Maurice Vaïsse, « L’adaptation du Quai d’Orsay aux nouvelles conditions diplomatiques (1919-1939) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 35, 1985, p. 145-162. Voir aussi Michel Marbeau, « Un acteur des nouvelles relations multilatérales : le Service français de la Société des nations (1919-1940) », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 36, 1994, p. 11-20 ; Stanislas Jeannesson, « La sous-direction des relations commerciales du Quai d’Orsay et la reconstruction économique de l’Europe », dans Laurence Badel, Stanislas Jeannesson, Piers Ludlow (dir.), Les administrations nationales et la construction européenne. Une approche historique (1919-1975), Bruxelles, Peter Lang, 2005, p. 37-56.

6 De même, et bien que la question soit régulièrement évoquée dans les années 1920 et 1930, la fonction d’attaché culturel n’est créée qu’en 1945, alors que les attachés commerciaux et financiers voient respectivement le jour en 1906 et 1919.

7 Colette Barbier de Bonnay, Le Service des œuvres..., op. cit., p. 25-28. AMAE, La Courneuve, SOFE, vol. 1, note du 7 mars 1920, sans titre et non signée.

8 AMAE, SOFE, vol. 2, note de janvier 1931 (17 p.), dressant le bilan du SOFE pour l’année 1930.

9 Ibid., vol. 1, rapport du 10 octobre 1910 dressant le bilan des activités du Bureau pour l’année écoulée. Voir aussi Colette Barbier de Bonnay, Le Service des œuvres..., op. cit., p. 33-56.

10 Patrick Cabanel, Jean-Dominique Durand (dir.), Le grand exil des congrégations religieuses françaises, 1901-1914, Paris, Cerf, 2005.

11 Nadine Méouchy (dir.), France, Syrie et Liban 1918-1946. Les ambiguïtés et les dynamiques de la relation mandataire, Damas, Institut français d’études arabes de Damas, 2002, notamment Jean-David Mizrahi, « La France et sa politique de mandat en Syrie et au Liban (1920-1939) », p. 35-65.

12 AMAE, E-Asie 18-40, Japon, vol. 43, étude de Paul Claudel du 14 décembre 1921 sur les missions catholiques au Japon et dépêche datée du 17 mars 1922.

13 Paul Claudel, Correspondance diplomatique. Tokyo, 1921-1927, Paris, Gallimard, 1995, introduction de Lucile Garbagnati, p. 63-67.

14 Maurice Barrés, Une enquête aux pays du Levant, Paris, Plon, 1923, cité par Dominique Trimbur, « L’ambition culturelle française en Palestine dans l’entre-deux-guerres », dans Alain Dubosclard et al. (dir.), Entre rayonnement et réciprocité. Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 41-72.

15 AMAE, SOFE, vol. 59, note de la section des œuvres diverses, le 4 juin 1922.

16 Ibid., lettre de Fuzier, président du Comité protestant, à Giraudoux, directeur du SOFE, le 11 avril 1922.

17 Ibid., lettre de Baudrillart à Poincaré, le 12 juin 1923.

18 Ibid., vol. 1, projet de budget pour la section des œuvres diverses, 1921.

19 Ibid., répartition des crédits pour la section des écoles, 1921 ; projet de budget pour les œuvres françaises en Extrême-Orient, 1921.

20 Voir par exemple Centre des archives diplomatiques de Nantes [CADN], Syrie-Liban, Instruction publique, vol. 39, rapport du 27 mai 1926 sur l’instruction publique dans le vilayet d’Alep, ou le rapport annuel pour 1925 sur l’instruction publique dans l’État de Syrie.

21 Jérôme Bocquet, « Le collège Saint-Vincent, un agent de la présence française ? », dans Nadine Méouchy (dir.), France, Syrie et Liban, op. cit., p. 105-125 ; voir aussi, du même auteur, Missionnaires français en terre d’islam. Damas 1860-1914, Paris, Les Indes savantes, 2005 et La France, l’Église et le Baas : un siècle de présence française en Syrie, de 1918 à nos jours, Paris, Les Indes savantes, 2008.

22 Le Quai d’Orsay menace ainsi de supprimer les aides versées au Comité catholique après des propos tenus par Mgr Baudrillart le 1er juin 1925 lors d’une allocution à Notre-Dame des Victoires, propos jugés désobligeants à l’encontre du gouvernement (AMAE, SOFE, vol. 59, lettre de Louis Canet à Berthelot, secrétaire général du ministère).

23 Colette Barbier de Bonnay, Le Service des œuvres..., op. cit., p. 83-97.

24 AMAE, SOFE, vol. 59. Voir notamment une lettre de Corbin à Fuzier, qui demandait une subvention de 60 000 francs pour le Comité protestant, le 16 avril 1928, et une autre signée Berthelot adressée à Baudrillart qui, lui, réclamait 120 000 francs, le 27 avril 1928.

25 Ibid., vol. 174, lettres de Ponsot, le 1er mai 1931. Voir aussi une autre lettre de Ponsot au ministère, datée du 30 mai.

26 Ibid., vol. 2, note de Pila de janvier 1931 dressant le bilan du SOFE pour l’année 1930.

27 D’autant que seuls les établissements qui ont des projets de construction peuvent avoir accès au fonds des Jeux (voir Jérôme Bocquet, La France, l’Église et le Baas, op. cit., p. 97 et suiv. à propos du collège Saint-Vincent de Damas tenu par les Lazaristes).

28 AMAE, SOFE, vol. 174, lettre du directeur de l’Office à Pila, le 8 juillet 1931 et lettre de ce dernier à Ponsot.

29 Ibid., vol. 205, lettre de Doire à Pila, le 12 février 1928. Doire soutient quand même une demande de subvention de 100 000 francs, en précisant qu’elle doit être la dernière.

30 AMAE, SOFE, lettre de Doire à Beaumarchais, le 3 juin 1927, et réponse de celui-ci le 27 juin. La question de la construction d’un bâtiment digne de ce nom pour abriter le consulat général de Jérusalem est une vieille histoire qui remonte aux années 1900 ; l’objectif, en Palestine mandataire, est aussi de pouvoir rivaliser avec les services du Haut-Commissariat britannique. L’édifice est enfin inauguré en 1932 (voir Dominique Trimbur, « L’ambition culturelle française en Palestine », op. cit.).

31 Ibid., vol. 250, circulaire du 17 juillet 1934.

32 Ce n’est toutefois pas le cas de Giraudoux, qui dirige le Service jusqu’en 1924.

33 Stanislas Jeannesson, « Les écrivains diplomates, acteurs ou instruments d’une diplomatie culturelle ? Le Quai d’Orsay dans la première moitié du xxe siècle », dans Laurence Badel, Gilles Ferragu, Stanislas Jeannesson, Renaud Meltz (dir.), Les écrivains-diplomates. L’invention d’une tradition (xixe-xxie siècles), Paris, Armand Colin, 2012, p. 57-69.

34 AMAE, SOFE, vol. 2, note de Pila de janvier 1931. Dominique Trimbur souligne sur ce point une divergence de vues entre Louis Canet, le conseiller technique pour les affaires religieuses, représentant au Quai d’Orsay un certain classicisme, conservateur et gallican, considère que les missions demeurent des serviteurs essentiels de la France à l’étranger, et le SOFE qui incarne une conception plus moderne et renouvelée de la diplomatie culturelle (« L’ambition culturelle française en Palestine », op. cit.).

35 Colette Barbier de Bonnay, Le Service des œuvres, op. cit., p. 87 et suiv.

36 Les premières écoles de la Mission ouvrent au Liban en 1909. Voir Esther Moeller, « Clientélisme, concurrence ou coopération ? Les écoles de la Mission laïque française face aux écoles israélites au Liban entre 1909 et 1943 », dans Jérôme Bocquet (dir.), L’enseignement français en Méditerranée : les missionnaires et l’Alliance israélite universelle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 149-165.

37 Colette Barbier de Bonnay, Le Service des œuvres..., op. cit., p. 113-115.

38 AMAE, SOFE, vol. 197. La Mission demandait 1,445 million pour le Levant, 1,375 pour l’Égypte et la Perse et 575 000 francs pour Salonique.

39 Ibid., vol. 237.

40 Ibid., vol. 39, rapport du 11 mars 1925 et Colette barbier, Le Service des œuvres..., op. cit., p. 192, qui cite une dépêche de Ponsot du 6 mai 1933.

41 Catherine Nicault, « De la IIIe République au général de Gaulle en passant par Vichy : l’Alliance israélite universelle, un indispensable instrument de l’influence française au Levant », dans Jérôme Bocquet (dir.), L’enseignement français en Méditerranée, op. cit., p. 93-106.

42 AMAE, SOFE, vol. 197.

43 Ibid.., vol. 237 ; Laurent Grison, « Le Service des œuvres françaises à l’étranger et les Juifs sous Vichy », dans Alain Dubosclard étal, (dir.), Entre rayonnement et réciprocité..., op. cit., p. 74-84.

44 A contrario, le protestant Jacques Seydoux, alors directeur adjoint des affaires politiques et commerciales, refuse fermement en 1925 à Fuzier, président du Comité protestant de propagande française à l’étranger, l’augmentation qu’il réclame pour son association (AMAE, SOFE, vol. 59, lettre de Seydoux à Fuzier, le 25 juillet 1925).

45 AMAE, SOFE, vol. 228, rapport daté de décembre 1932.

46 Catherine Nicault, « De la IIIe République au général de Gaulle... », art. cité, p. 106.

47 Dominique Trimbur, « L’action culturelle française en Palestine », art. cité.

48 AMAE, SOFE, vol. 2, note de janvier 1931.

49 Ibid., vol. 174, lettre de Ponsot au ministère des Affaires étrangères, le 16 octobre 1930 et réponse de Laboulaye, le 31 octobre.

50 Jérôme Bocquet, « Le collège Saint-Vincent... », art. cité et La France, l’Église et le Baas, op. cit., p. 52-56.

51 Dominique Trimbur, « L’ambition culturelle de la France en Palestine », art. cité et « Une autre France ? Le renouvellement de la présence française en Palestine – l’exemple du Centre laïc de culture française de Jérusalem », dans Anne Dulphy, Robert Frank, Marie-Anne Matard-Bonucci, Pascal Ory (dir.), Les relations culturelles internationales au xxe siècle, op. cit., p. 347-363.

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