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Religion et diplomatie au Quai d’Orsay d’Aristide Briand (1921-1922 ; 1925-1932)

p. 45-68


Texte intégral

1La réflexion proposée vise à montrer pourquoi, comment et en quoi Aristide Briand fit de l’outil religieux l’un des instruments privilégiés de sa politique diplomatique au cours de ses deux « moments Quai d’Orsay » de l’entre-deux-guerres (1921-1922 et 1925-1932). Au fondement du cadre et des principes de la politique diplomatique d’Aristide Briand, on trouve d’abord l’apaisement religieux, présenté comme un état d’esprit dominant le tempérament – et d’une certaine manière la culture politique – du ministre français des Affaires étrangères. Puis il s’agit de voir comment la décision politique, en matière diplomatique, fut largement influencée par la politique laïque que Briand élabora en France dès 1905. Comment et en quoi l’instrument religieux fut-il mis au service de la diplomatie, sous la magistrature politique d’Aristide Briand, de 1921 à 1922 (7e cabinet) ? Cela passe par l’étude de l’influence de la religion catholique dans les entourages de la décision politique au Quai d’Orsay, mais aussi par « l’impératif majoritaire », fondement du fonctionnement du régime, sans lequel aucun accord diplomatique ne peut être ratifié. Ici, la logique parlementaire prend le pas sur la diplomatie. C’est alors qu’est abordée plus précisément encore l’utilisation de l’outil religieux dans les politiques diplomatiques à travers ce que les archives Briand, notamment, nous livrent de neuf : le problème de l’occupation de la Rhénanie, via le rôle de l’évêque aumônier général Paul Rémond, qui se définit comme un « auxiliaire du gouvernement » ; le rétablissement de l’ambassade auprès du Saint-Siège et la question liée des « diocésaines », solution – tardive – apportée au contentieux né de la séparation des Églises et de l’État. Enfin, la même problématique de l’« instrumentalisation » ou de l’utilisation du religieux à des fins diplomatiques est reprise pour la période 1925-1932 où, sans discontinuer, Briand fut ministre des Affaires étrangères et, à quatre reprises encore, président du Conseil. Dans une période où la « mystique de la paix » dominait, où le ministre lui-même fut surnommé « pèlerin de la paix » et reçut le prix Nobel éponyme, le religieux était parfois difficilement séparable de la politique de paix. L’accent est mis ici sur les influences aux natures diverses que le religieux a entraînées sur la décision diplomatique française – à la SDN, à Locarno, lors de l’Entente internationale de l’Acier, lors du plan Briand d’Union fédérale européenne, par exemple. En contrepoint, la réception des politiques diplomatiques par les différents acteurs du religieux témoigne de l’imbrication des sphères temporelle et spirituelle. À l’image des propos du comte de Saint-Aulaire, selon lequel « la spécialité de la diplomatie, si elle existe, l’apparente plutôt à une religion qu’à un métier1 ». Là encore, l’organisation du cabinet du Ministre et le rôle des majorités parlementaires sont au fondement de la dynamique suscitée par Briand.

Sous le septième cabinet Briand (1921-1922)

L’apaisement religieux, un état d’esprit

2Il est vrai que diplomatie et religion eurent des « affinités électives2 ». Il s’agit là d’un héritage culturel antérieur au xxe siècle. Chez le Briand de 1921, le moment « séparation » et l’influence de la laïcité française sur la décision politique furent considérables. « Si Briand a fait la séparation, la séparation a fait Briand. » Rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l’État (1903-1905), il setait opposé notamment à la suppression des relations avec le Saint-Siège (1904). On a par ailleurs beaucoup sous-estimé la piété de Briand, reçue de son éducation dans la France de l’Ouest, et surestimé un anticléricalisme qui n’était que le ciment commun des républicains. Briand fit preuve, pourtant, d’un caractère libéral et réformiste, après les premières années d’un engagement dans les milieux proches de l’anarcho-syndicalisme. Pour s’en convaincre, la lecture du rapport parlementaire de Briand sur la séparation est édifiante : « Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou dans le doute sur leur exacte interprétation, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur3. » L’équilibre juridique et politique de la loi du 9 décembre 1905 en fut conséquence : « La République assure la liberté de conscience ; elle garantit le libre exercice du culte » (article 1er).

3Ministre des Cultes pendant cinq ans (1906-1911), Aristide Briand se révéla d’une habileté redoutable. II suscita notamment des négociations officieuses avec le Vatican, dans cette période, pour régler le fonctionnement de l’exercice du culte, que la querelle des Inventaires avait bloqué : les lois de 1907 et de 1908 en traduisirent le caractère souple4. On observa alors la constitution progressive d’un caractère véritablement libéral de la législation cultuelle5, à la suite de ces tensions et du rejet par Rome des cultuelles, nées de la loi de 1905. Plus avant, l’État entra en discussion, tout à fait officieusement, avec certains prélats, pour aboutir à une application optimale de la loi de 1905 : Mgr Fuzet (Rouen) et Mgr Lacroix (Tarentaise)6, Mgr Petit (Besançon) ou Mgr Chapon (Nice) sont les interlocuteurs précieux d’acteurs politiques – Briand ou Jaurès – que l’on qualifia de « socialistes papalins » (Georges Clemenceau). Dans ce même objectif, il faut évoquer aussi le rôle et l’influence des parlementaires catholiques, relais politiques considérables entre la France et le Saint-Siège : l’abbé Lemire ou Denys Cochin, qui favorisèrent le rapprochement ou, a contrario, Henri-Constant Groussau et ses entourages, qui renforcèrent les divisions. Ce fut bien ici la première tentative, par les réseaux parlementaires et religieux, d’user de l’outil religieux au service de la diplomatie.

4La question de l’apaisement politique, à partir du règlement de la question laïque, fut l’astringent de la politique et du tempérament d’Aristide Briand7. On le rencontra dans de nombreux domaines constitutifs de la vie politique. Et en particulier, dans le traitement de la question sociale – Briand s’intéressa, dans le cadre de la démocratie sociale qu’il proposa, à l’évolution des Semaines sociales de France, très liées au monde catholique – avant que l’apaisement ne gagnât un domaine auquel il finit par s’identifier : la diplomatie. Partout dans son expression, comme dans ses discours, l’apaisement ou la pacification se colorait d’un champ lexical qui empruntait progressivement au vocabulaire du religieux8. À la veille des élections de 1914, il finit par traduire cette modération dans un mouvement politique, la Fédération des gauches, structure centriste d’essence parlementaire dans laquelle figurait un grand nombre de catholiques qui avaient rejoint l’ancien rapporteur de la séparation dans la politique de l’apaisement. Au pacificateur, devenu aux yeux de Barrés « le monstre de souplesse », les humanistes d’inspiration chrétienne s’adressèrent avec intérêt9. À l’image de ce parlementaire chevronné qui, vis-à-vis de la politique du Briand d’avant 1914, avait déclaré : « Je suis le patient sur qui on opère et à qui on n’arrachera ni un cri, ni une plainte10. »

5À la suite de la politique laïque, ministre des Affaires étrangères de la Grande Guerre d’octobre 1915 à mars 1917, Briand utilisa la religion comme outil diplomatique, pour la deuxième fois. Adepte d’une application souple de la loi de 1905, il œuvra pour faire admettre la construction de mosquées en Afrique du Nord, en dérogeant à la loi de 1905 qui avait supprimé le budget des cultes. De multiples contacts officieux avec Benoît XV – via son collègue et ami Denys Cochin – en portaient le témoignage. Briand fit d’ailleurs de ce parlementaire catholique un ministre d’État de son gouvernement d’Union sacrée. Après-guerre, le chef de gouvernement le plus durable du premier conflit mondial soutint la présence de la France à la canonisation de Jeanne d’Arc où le gouvernement français fut représenté par le diplomate Gabriel Hanotaux, le 10 mai 1920. On connaît aussi le poids de l’argument religieux dans l’échec de Clemenceau à l’élection présidentielle de 192011.

6Aussi, lorsqu’il retrouva la présidence du Conseil, en janvier 1921, l’apaisement représentait-il pour lui un véritable état d’esprit. Il le dit à la Chambre des députés, dans son discours sur la République du 21 octobre 1921 :

La République, ce n’est pas un mot. Comme la paix, c’est une atmosphère, c’est tout un ensemble de choses, qu’on n’a pas seulement sur les lèvres, qui résulte des actes qu’on accomplit. Je dirais même que c’est un état d’esprit qui exclut certaines choses. La République, c’est un État tel que le gouvernement se résigne à avoir des adversaires, que l’homme d’État, quelle que soit la partie où le suffrage universel l’a pris pour le porter aux lourdes responsabilités du pouvoir, oublie dès lors ses convenances et celle de ses amis12...

7À l’épreuve de la mise en pratique : les hommes, la méthode et la diplomatie parlementaire

8Directement concernées, les équipes d’Aristide Briand et l’administration du Quai d’Orsay révèlent l’influence du religieux au service de la diplomatie. Plusieurs personnalités, dès le retour de Briand au ministère des Affaires étrangères, en 1921, en étaient représentatives : le conseiller pour les affaires religieuses, Louis Canet ; le chargé d’affaires à Rome, Jean Doulcet, avant le rétablissement des relations diplomatiques avec le Vatican. Tous deux étaient des catholiques de tendance gallicane. Leur religion personnelle semblait avoir joué un rôle important13 aux postes clefs où ils se trouvaient ou s’étaient trouvés.

9Le diplomate Maurice Paléologue dit du premier d’entre eux : « Il vivait beaucoup sur lui-même, comme il pratiquait assidûment la vie intérieure, ses opinions étaient toujours le fruit d’une longue méditation. [...] On le croyait timide quand il n’était que réservé14. » Le choix du second par Alexandre Millerand pour le poste de l’ambassade près le Saint-Siège fut justifié ainsi : « Il y fallait une qualité particulière, qualité indispensable : il fallait que par son caractère privé, par ses vertus privées, le porte-parole de la République française inspirât une pleine confiance à la Cour Vaticane, où la rupture querelleuse de 1905 entretenait des suspicions trop légitimes. Or Jean Doulcet, dont le loyalisme envers les institutions de son pays s’était toujours hautement affirmé, y joignait une piété rare qui, en plus de ses mobiles et de ses ferments intérieurs, s’appuyait sur une forte connaissance des questions théologiques15. » Au sein de son nouveau gouvernement, Briand demanda à son sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil, Théodore Tissier, ancien directeur de ses cabinets d’avant-guerre, de suivre officiellement et en personne les questions religieuses, et d’entretenir les réseaux parlementaires en ce sens. À compter de 1925, le neveu de Briand, Charles Billiau, secrétaire particulier du ministre, sera chargé de ces missions délicates, ce qui attestait de l’importance des questions religieuses dans la gouvernance du « pèlerin de la paix ». Le choix des hommes et de leur profil adéquat ne fut d’ailleurs pas le seul cas des entourages. Il concernait également le corps diplomatique nommé par le nouveau ministre, à l’exemple de Charles-Célestin Jonnart, ambassadeur extraordinaire, puis ambassadeur près le Saint-Siège, symbole des élus de l’apaisement « briandiste16 ». Il en est de même du haut-représentant de la France, Paul Tirard.

10La méthode accompagnait le choix des hommes. Pour Briand, c’était l’impératif majoritaire. Si la politique diplomatique utilisait l’outil religieux, elle le fit simultanément dans le cadre de la diplomatie parlementaire. Chez Briand, plus que chez quiconque, cela a été dit et répété : « Messieurs, pour vivre, il nous faut une majorité17 ! » Le ministre des Affaires étrangères, qui est aussi le chef du gouvernement, le rappelle à la représentation nationale, dès la constitution de son septième cabinet : « Messieurs, il faut qu’on prenne une figure politique. L’heure est donc particulièrement délicate. À cette heure, les soucis de politique extérieure doivent dominer – je vous les ai dits – mais les soucis de politique intérieure, vous n’avez pas le droit de les négliger18. »« Si je n’ai pas la majorité correspondante, [...] je laisserai à d’autres le soin de représenter mon pays dans les assemblées internationales. J’ai pris ma part de responsabilités, je vous ai soumis mes actes19. »

11En amont, Briand souhaitait mettre fin aux majorités d’Union sacrée, aux majorités « cohues », et ne voulait plus que les parlementaires apportassent aux gouvernements une « confiance dans la nuit » (Laurent Bonnevay)20. À ces majorités d’Union sacrée, héritées de la Grande Guerre, il préférait les majorités qu’il avait suscitées à la Belle Époque, caractérisées par la « codécision » du Parlement et du Gouvernement sur l’ensemble des sujets de la vie politique française21. En 1921, ce choix – l’association des députés et des sénateurs à la décision politique – avait la faveur des parlementaires, qui le faisaient primer sur le programme politique lui-même. Ce « transformisme parlementaire », qui ne jurait que par la constitution d’une « diagonale rhétorique22 », démontre que, progressivement, le Parlement prenait le pas – ou donnait le « la »– sur la diplomatie23. Parmi les agents de cette diplomatie parlementaire, on trouvait de nombreux catholiques conduits par le député de la Seine, le fondateur du Sillon, Marc Sangnier, à la tête du mouvement Jeune République. Fort de l’association d’une plus large partie des parlementaires à sa politique, Briand pouvait, en aval, espérer une ratification plus forte de sa politique diplomatique, qui bientôt se traduirait par un assouplissement de l’application du traité de Versailles. Ce fut la démarche du « donnant-donnant ». Par là, le président du Conseil et ministre des Affaires étrangères fit valider sa politique extérieure qui consistait à donner toute sa place à l’outil religieux dans la diplomatie.

Le problème rhénan et l’œuvre de Mgr Rémond

12La sortie de guerre, le problème rhénan et l’œuvre de Mgr Rémond, aumônier général et « auxiliaire du gouvernement », illustrèrent la solidité des liens, dans une forme de superposition, unissant diplomatie et religion. Ici, l’objectif du gouvernement visait à l’acceptation, par les populations vaincues, de l’occupation rhénane. Le traité de Versailles avait réservé à la France une zone d’occupation temporaire sur la rive gauche du Rhin. D’où la nécessité, pour le gouvernement français, d’y nommer des aumôniers et un évêque, dans le but de répondre aux nécessités des troupes d’occupation certes, mais aussi des Rhénans et de la population allemande. Le conseiller pour les affaires religieuses au Quai d’Orsay, Louis Canet, observait, dans un rapport rédigé en 1920, que cinq Rhénans sur sept appartenaient à la confession catholique : « Il ne suit pas de là qu’il suffirait de gagner le clergé pour faire dominer l’influence française sur toute la rive gauche du Rhin, mais il s’ensuit qu’on n’y saurait servir la cause de la France sans le consentement catholique, c’est-à-dire contre la volonté du clergé24. » Rapidement, le gouvernement français se fixa deux objectifs corrélés : se rapprocher des populations rhénanes, très opposées à l’occupant, en les éloignant de l’influence prussienne et protestante, et nouer de bonnes relations avec le clergé local. Pour ce faire, les intentions du Quai d’Orsay, qui visaient aussi à convaincre le pape et le clergé rhénan de la bonne volonté française, se fixèrent sur la désignation d’un évêque français, aumônier général de l’armée du Rhin, qui établirait le lien entre les occupants et les autorités locales. Tout ceci en lien avec la volonté de la majorité parlementaire du moment – les élus du Bloc national – de rétablir les relations avec le Saint-Siège. Après plusieurs mois de discussion, la Curie accepta enfin de créer une charge d’évêque, aumônier général en Rhénanie, grâce, notamment, à l’insistance des diplomates français.

13Le profil du prélat recherché était bien précis, car les qualités requises n’étaient pas négociables, vu les enjeux : diplomatie, dynamisme, expérience militaire, connaissance de la langue allemande et de la région rhénane font nécessité. Plusieurs noms circulèrent, dans les milieux politiques, comme dans les sphères diplomatiques, plus précisément de celles-ci vers ceux-là. On parla du chanoine Umbricht, seul prêtre commandeur de la Légion d’honneur, du chanoine Hogard, des pères Thellier de Poncheville et Cabanel. Aristide Briand appréciait et soutenait, dans un premier temps, l’abbé Hemmer. Mais il fut décidé de nommer le chanoine Paul Rémond25, l’ecclésiastique le plus haut gradé de la Première Guerre mondiale, au poste de commandant d’une compagnie de mitrailleuses. Paul Tirard, haut-commissaire de la France en Rhénanie, le soutenait activement, de même que Jean Doulcet, représentant de la France au Vatican comme chargé d’affaires, ainsi que Louis Canet. Aristide Briand reçut ces recommandations avec attention et décida de soutenir cette candidature exceptionnelle ayant fait très vite l’unanimité des décideurs concernés. Sa nomination fut publiée au Journal officiel le 14 mai 1921, le sacre épiscopal organisé dans la cathédrale de Besançon par Mgr Humbrecht, le 29 mai 1921, en présence de personnalités politiques, représentants du gouvernement, de l’armée, de l’université, du barreau. Mgr Rémond était nommé évêque in partibus infidelium, avec le titre de titulaire de Clisma.

14Très vite, son action dépassa le cadre de sa mission épiscopale et s’apparenta à celle d’un véritable auxiliaire du gouvernement, tant il est vrai que la région dont il avait la charge était large, avec autorité sur huit évêchés allemands, soit sur une quarantaine de paroisses et 52 prêtres et, plus largement, sur la Rhénanie, la Sarre et une partie du Palatinat, soit 27 aumôniers et environ 50 000 fidèles. Rapidement, Mgr Rémond élargit sa mission au-delà de la seule réponse aux besoins religieux de la population qui consistent à confesser, à instruire au catéchisme, à effectuer les enquêtes relatives aux mariages, à développer et coordonner la vie paroissiale, à assurer les offices du dimanche et les grandes solennités de l’année liturgique26. À plusieurs égards, son action fut, en effet, politique. Son zèle dans les fonctions épiscopales compta beaucoup dans sa popularité grandissante. Il déléguait peu, ce qui le conduisait à présider de multiples cérémonies et à assister à de très nombreuses prises d’armes, réceptions et autres audiences avec le monde civil, religieux et politique.

15Le gouvernement s’en satisfit officieusement. Paul Tirard, haut-commissaire de la République dans les provinces du Rhin, se félicita de cette nomination, en raison de la clarté de l’information et du compte rendu de son action ultra-rhénane que Mgr Rémond transmettait à l’administration et aux membres du gouvernement. Tous ses rapports attestaient la proximité des pouvoirs civil et militaire avec le pouvoir religieux. On y rencontre, par exemple, les impressions enregistrées par Mgr Rémond à la suite de ses entrevues avec les prélats allemands ou avec les représentants du Saint-Siège. Dans ces conditions, Louis Canet devint très vite l’interlocuteur privilégié et, d’après ce que nous révèle la correspondance entre les deux hommes, l’ami de l’aumônier général du Rhin. Quelques mois seulement après sa nomination, Louis Canet était invité à se rendre à Mayence, où Mgr Rémond résidait et où lui était offerte une « hospitalité épiscopale et militaire27 ». Le but de ces rencontres : discuter d’une manière approfondie de la situation en Rhénanie. Des entrevues, largement politiques, étaient ainsi disséquées. Paul Rémond répugnait à vexer le clergé rhénan et, dans un certain sens, il a mis beaucoup d’énergie à le séduire. À titre d’exemple, on peut citer sa grande réserve à réquisitionner les églises pour le besoin du culte, renonçant à y placer des statues de Jeanne d’Arc, sainte trop guerrière pour être offerte à la vue des vaincus28. Très souvent il se préoccupa des populations touchées et affaiblies à la suite d’événements divers, des catastrophes minières aux conséquences des dévaluations du mark. Il établit des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul et il demanda aux prêtres de France de secourir leurs confrères d’outre-Rhin.

16Ce tempérament et cette politique portèrent leurs fruits. D’abord auprès de l’épiscopat allemand, qui invita le prélat français à plusieurs cérémonies religieuses, à l’image des services célébrés à la mort du pape Benoît XV ou aux obsèques de l’évêque de Trêves. En 1928, l’évêque de Mayence demanda à Mgr Rémond de consacrer l’un des autels de la cathédrale restaurée. Par là, les contacts avec le Saint-Siège se multiplièrent presque spontanément, notamment avec la Curie, lors de la présence à Rome de Paul Rémond, mais plusieurs fois, et directement, avec Benoît XV, puis son successeur Pie XI, ainsi qu’avec les cardinaux Gasparri, de Laï, Merry del Val et Mgr Cerretti, nonce à Paris. En Allemagne, Mgr Rémond rencontra régulièrement, lors de longues discussions, Mgr Pacelli, le futur Pie XII, alors nonce à Berlin. À tous, il communiquait un message clair, toujours le même : la France voulait accorder son aide aux catholiques rhénans, en renonçant notamment aux dissentiments anciens, et surtout en suscitant la construction de la paix. En réponse à cet esprit de conciliation, les Français souhaitaient d’abord que le clergé allemand fît preuve de bonne volonté et restât politiquement neutre. « Avec les Allemands, rien ne sert d’être aimable, il faut être courtois, mais très ferme et placer son poing sur la table », déclarait Paul Rémond.

17Finalement, Mgr Pacelli comprit que le « désarmement moral » devait précéder le désarmement matériel. Allant plus loin, le nonce fit l’éloge de la politique d’Aristide Briand qui, en France, venait de réconcilier l’Église et l’État, en rétablissant les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège. Mgr Rémond réussit donc à faire approuver la politique religieuse de la France en Rhénanie par le pape qui transmit cette approbation aux évêques allemands. La nouvelle fut transmise en personne par Mgr Rémond au président de la République, Alexandre Millerand, et au président du Conseil, Aristide Briand. Si le succès fut politique, il fut d’abord diplomatique. Le docteur Dorten, l’un des chefs du mouvement séparatiste rhénan, reconnut que la France avait eu la chance de posséder, en la personne de l’aumônier général, « un champion aussi fervent qu’habile29 ». Raymond Poincaré, qui remplaça Briand à la tête du gouvernement fin janvier 1922, envoya à Mgr Rémond ses « remerciements pour le zèle et la bonne grâce qu’il a apportés dans l’accomplissement de sa récente mission et la satisfaction qu’[il] éprouve des remarquables résultats obtenus30 ». À la tribune du Sénat, il ajouta : « Mgr Rémond a su exercer une influence bienfaisante sur une partie de l’épiscopat et sur une grande partie du clergé des territoires occupés ; tout récemment encore, il a montré à un délégué envoyé dans la Ruhr par le Saint-Siège toute l’enormité des calomnies dirigées contre nous par l’Allemagne31. » Poincaré fait ici allusion aux graves événements qui allaient conduire à l’occupation de la Ruhr. Sur ce plan-là, le succès ne serait pas au rendez-vous. Avec le nouveau président du Conseil, l’outil religieux serait mis sous l’éteignoir32.

Le rétablissement de l’ambassade près le Vatican et la question liée des « diocésaines »

18Dans le même temps où le gouvernement était confronté à l’occupation de la Rhénanie, la question sur le rétablissement de l’ambassade au Vatican se posait. Si, en 1921, le Saint-Siège n’est plus – ou n’est pas encore – redevenu un État pleinement souverain, il n’en demeurait pas moins un acteur important de la vie internationale. Dès la fin du premier conflit mondial, les principaux États européens décidèrent de renouer leurs relations diplomatiques avec lui. Dans le cadre de la politique internationaliste du Vatican, voulue par Benoît XV et mise en musique par le secrétaire d’État Pietro Gasparri de 1914 à 1930, le Saint-Siège était perçu comme un outil religieux à part entière dans la diplomatie mondiale. Rétablir le dialogue avec le Vatican était une façon aussi de renforcer la diplomatie française, premier objectif du gouvernement. C’est ce que rappelle l’exposé des motifs du projet de loi visant à voter les crédits pour une ambassade près le Saint-Siège, déposé le 11 mars 1920, à l’initiative du président Millerand : « La République n’en est que plus libre d’adopter une résolution qui lui recommande le souci de nos intérêts généraux dans le monde33. » C’est aussi ce que le briandiste Anatole de Monzie a appelé la « diplomatie de la présence34 ». Le deuxième objectif de la diplomatie française, c’était d’appliquer complètement, plus de quinze ans après le vote de la loi de 1905, la laïcité française, c’est-à-dire de faire admettre définitivement la séparation aux catholiques qui s’étalent élevés contre la loi en refusant de constituer des associations cultuelles pour faire fonctionner le culte, et pour lesquelles les lois de 1907 et 1908 ont dû être votées et appliquées. Deux conditions, donc, pour aboutir à la reconnaissance de la laïcité : l’ambassade doit être rétablie et le pape doit reconnaître au moins le principe de la loi de séparation – ou du moins faire un pas en ce sens. Ainsi, si le rétablissement de l’ambassade près le Saint-Siège apparaissait comme un objet avant tout diplomatique, il visait aussi à régler des questions de politique intérieure. Dans ce scénario, Briand – ministre des Affaires étrangères, intervint, de près ou de loin, dès le départ, et usa de l’instrument religieux. Dès son retour au pouvoir en 1921, il reprit le dossier, bloqué sous le gouvernement précédent de Georges Leygues, en raison notamment de l’obstruction d’un Sénat majoritairement radical et qui, en matière d’anticléricalisme, était un bastion conservateur ; le vote des crédits nécessaires au rétablissement de l’ambassade était ainsi sans cesse repoussé. Le nouveau président du Conseil jeta toutes ses forces dans la bataille pour l’obtenir.

19Ces deux objectifs diplomatiques – rétablissement de l’ambassade et règlement du contentieux de la séparation –, Briand allait les atteindre en les conjuguant. Denys Cochin, ancien député et ancien ministre de Briand, un ami aussi, réussit sa mission auprès de Benoît XV : le Saint-Père se prononcerait pour une acceptation d’associations cultuelles adaptées si les relations avec le Saint-Siège étaient rétablies. Cochin ne cacha d’ailleurs pas sa joie à Briand : « Mon cœur de vieux cardinal vert se réjouit. C’est aussi mon cœur d’ami de Briand. J’espère avoir contribué à faire connaître là-bas le vrai esprit des auteurs de la loi, à dissiper le violent préjugé. Ceci est l’œuvre de Ceretti que vous avez conquis, comme ancien rapporteur de la loi de séparation. Il aurait dit : "Nous avons eu le vote de la Chambre sans condition. Faisons une avance pour le Sénat". M. Doulcet mérite certainement des éloges35. » Briand se réjouit aussi de ce succès, mais il savait qu’il devait faire vite. Car il souhaitait que Ceretti fût nommé à Paris au poste de nonce apostolique avant que la réorganisation de la Curie, à Rome, ne l’appelât à d’autres fonctions. Louis Canet informa le chef du gouvernement en des termes clairs : « Le moment me semble venu de conclure ; à attendre davantage, nous perdrions les derniers atouts qui nous restent36. »

20Briand, parlementaire dans l’âme, ne pouvait bousculer le choix des sénateurs, qui résistaient encore au rétablissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Mais il savait aussi que la prudence et les scrupules qui allaient avec le desserviraient, s’ils étaient poussés trop loin. Ainsi, comme à son habitude, fit-il la part des choses, usant de son discernement bien connu, non sans suggérer un choix clair. En attendant le blanc-seing définitif venu du palais du Luxembourg, il nomma le 16 mai 1921 un ambassadeur au Vatican, mais un ambassadeur extraordinaire dont les fonctions officielles ne nécessitaient pas le vote de crédits par le Parlement tant qu’elles demeuraient exceptionnelles. Briand précisa, dans un télégramme à Doulcet, le 6 mai : « Il ne s’agit pas d’un envoyé spécial, uniquement chargé du règlement d’une affaire donnée, mais d’un envoyé extraordinaire, qualifié pour s’occuper de l’ensemble des affaires. »

21Denys Cochin, pressenti, refusa ; l’équilibre laïque de la République s’en trouverait touché, selon l’ancien député : « J’ai combattu 1905. J’ai refusé de passer l’éponge sur le passé. C’est pourquoi je ne suis pas député. Si je suis renvoyé auprès du pape, on croira que j’y vais pour ranimer des luttes éteintes. Ce à quoi le pape tout le premier ne songe pas37. » Briand opta donc pour Charles-Célestin Jonnart, député du Pas-de-Calais. « Promis aux grandes fonctions, plus qu’aux grands rôles », l’ancien gouverneur général de l’Algérie était l’homme des missions délicates. Président, en 1918-1919, de la commission des Réparations de la Chambre, titulaire du portefeuille des régions libérées, il avait un profil modéré et de fortes recommandations parmi les catholiques et, notamment, venant de Mgr Julien, évêque d’Arras, l’un des prélats français les plus progressistes. La présence de Jonnart à Rome devait donc lever les dernières oppositions au vote des crédits pour l’ambassade. Il allait suffire à Briand, de retour de la conférence de Washington, de convaincre les sénateurs. En 1921, à la suite d’une interpellation du député Hery, par 174 voix contre 129, soit avec une majorité de 145 suffrages, le Sénat accepta enfin de donner à la France une représentation diplomatique permanente, délibérément suspendue en 1904. Dans la discussion parlementaire, Briand prit soin de rappeler que depuis la Révolution, un ambassadeur avait été envoyé auprès du pape et que ni Gambetta, ni Ferry, ni Gobet n’avaient souhaité la rupture des relations avec le Saint-Siège. Dans la foulée, Mgr Ceretti devint officiellement le nonce apostolique et rejoignit Paris.

22Ce fut une tardive victoire de l’apaisement, et de Briand lui-même, son obstiné théoricien. La fortune de cette politique permettrait, certes moins rapidement qu’il ne l’eût souhaité, l’obtention d’un accord définitif sur l’application de la séparation des Églises et de l’État, levant ainsi un contentieux vieux de seize ans. A l’automne 1921, le président du Conseil prit connaissance d’une note sur les projets en cours de statuts d’associations diocésaines dont les avancées avaient été impulsées par Maurice Colrat, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, l’abbé Renaud, attaché de nonciature, et Mgr Chapon. Ce dernier, évêque de Nice – fonctions qui seraient celles de Mgr Rémond à compter de 1930 – qui avait précisément travaillé à un projet d’association cultuelle pour son diocèse, était tout disposé à suggérer son extension à l’ensemble des diocèses français. Le 9 novembre, à la suite de ces réunions, une note fut remise au nonce par le gouvernement français d’Aristide Briand sur le projet de statuts-types qui semblait convenir à tout le monde. Il s’agirait de faire passer les associations prévues par la loi de 1905 du cadre paroissial au cadre diocésain, c’est-à-dire sous l’autorité de l’évêque, garantie par l’article 4 de ladite loi. Maurice Colrat chargea Louis Canet et Léon Noël d’en préparer l’adaptation aux lois françaises. Par ces entremises multiples relevant du religieux, l’Église de France obtenait un gage de stabilité. Et la République, une relation officielle, retrouvée et durable, avec un Saint-Siège qui, en 1929, redeviendrait un État, en vertu des accords de Latran. Aristide Briand ne signera pas lui-même l’accord définitif, dit accord sur les diocésaines, puisque le dernier dispositif fut transmis au gouvernement Poincaré, qui lui succéda, le 7 mai 1923. Quelques mois plus tard, le 18 janvier 1924, par l’encyclique Maximam Gravissimamque, Pie XI, successeur de Benoît XV, reconnaissait la légitimité des associations diocésaines et invitait les évêques de France à les organiser dans leurs diocèses. La boucle était bouclée. Dix-neuf années après les protestants et les juifs, les catholiques acceptaient – sans le dire clairement toutefois – les conditions d’application de la loi de séparation.

L’affirmation du principe de la « diplomatie religieuse » à la fin des années 1920

23Enfin, la même problématique de l’« instrumentalisation » ou de l’utilisation du religieux dans un but diplomatique est reprise et renforcée pour la période 1925- 1932 où, sans discontinuer, Briand est ministre des Affaires étrangères et, à quatre reprises encore, président du Conseil. Dans une période où la « mystique de la paix » domine, où le ministre lui-même est surnommé le « pèlerin de la paix », le religieux est parfois difficilement séparable des initiatives faites en faveur de la paix. La mutation des années 1920, vers ce qu’on a appelé « le second ralliement », montre l’évolution de la perception de la laïcité française, du côté républicain comme du côté laïc. On n’insistera jamais assez sur l’importance que revêt l’acceptation de la laïcité par les catholiques, depuis 1919 et plus encore après 1925. Dans une lettre à Barrés, Jacques Piou, ancien chef des catholiques ralliés à la Chambre de la Belle Époque, déclara : « Le fait de la laïcité de l’État doit se concilier avec les droits et les libertés de tous les citoyens à quelque croyance qu’ils appartiennent38 », formule qui a fondé le Bloc national et qui a été acceptée par l’archevêque de Paris, le cardinal Amette. Denys Cochin, l’émissaire du gouvernement à Rome, et que Briand avait installé au cœur des missions diplomatiques secrètes, dirait plus tard : « Quant à l’État laïque, qui le conteste ? [...] C’est en somme une pensée catholique. [...] Rendez à César39. » Une laïcité respectueuse de Dieu et des religions s’installait progressivement, quelles que fussent les critiques à son égard.

Le trio Berthelot-Briand-Leger et le cabinet du Ministre

24On comprend dès lors que la politique anticléricale du Cartel des gauches n’ait pas fonctionné. L’approche libérale de la laïcité et l’utilisation ou l’invocation du religieux dans la politique diplomatique représentaient, désormais, plus qu’un état d’esprit, celui que portait déjà Briand en 1921. Cet état d’esprit devint une atmosphère. Ceci conduit à faire la distinction entre le laïcisme – qui ne marche pas – et la laïcité. Vidée de son contenu militant, la laïcité était définie comme la « garantie légale de la liberté ».

25À titre d’exemple, à son retour au Quai d’Orsay, en 1925, Briand fut conduit à défendre le rétablissement des crédits de l’ambassade près le Saint-Siège que le Cartel des gauches avait décidé, un temps, de suspendre. En effet, l’ambassade resta fermée entre le 22 février et le 20 avril 1925, sous le gouvernement Herriot. Les crédits, que les gauches avaient refusé de voter, furent rétablis en avril 1925 par le nouveau ministre. Comme en 1921, Briand fit valoir que l’influence du Saint-Siège sur les masses catholiques justifiait la présence d’un représentant auprès du pape. Dans ce sens, le directeur des Affaires politiques et commerciales, Jules Laroche, qui lui avait fait présider la cérémonie de confirmation de l’une de ses filles, s’arrangea pour que, l’année d’après, le nonce Ceretti devînt cardinal. Briand chargea Laroche d’annoncer que le gouvernement lui décernait le titre de grand-croix de la Légion d’honneur. Pour l’anecdote, peu après eut lieu à l’Élysée la remise de la barrette au nouveau prince de l’Église, avec Berthelot et Briand. Le président Doumergue étant protestant, Mgr Ceretti la prit lui-même et la posa sur sa tête.

26Dans cette définition de la politique diplomatique d’après Cartel, Jean Doulcet, ambassadeur auprès du Saint-Siège de 1923 à 1928, fut la carte maîtresse d’Aristide Briand. On connaît son influence lors du septième cabinet Briand. Choisi aussi pour son profil, il était l’homme d’une piété rare, doté d’une très bonne connaissance des questions théologiques. Il était décrit comme courageux et vigilant, avec le souci constant de l’intérêt national, comme le rappelle Maurice Paléologue à son propos : « Bonus miles Christi, bonus miles Galliae40. » On évoquait souvent « la gratitude de l’Église à l’égard du pieux ambassadeur qui aimait – comme on le sait – consacrer à Dieu les prémices de ses journées laborieuses. [...]. Il avait l’image même du croyant, ferme en sa foi et sûr de son destin éternel41. » Ultime témoignage, le jour de ses obsèques, le 12 février 1928, jour anniversaire du couronnement du pape Pie XI, des prêtres célébreront le saint sacrifice à l’intention du défunt. « La France et l’Église perdent en Jean Doulcet un ambassadeur difficilement remplaçable42 », car « Jean Doulcet aura pu rendre à lui-même la justice qu’il avait bien servi la France et l’Église » (Maurice Paléologue).

27Dans plusieurs cercles de pensée, il convenait de développer l’union nécessaire des forces spirituelles et la place ainsi que le rôle de l’Église dans les démocraties. Dans ce cadre-là, comment Briand allait-il procéder ? Au-delà de Jean Doulcet, la question des entourages est ici centrale. Le trio Berthelot-Leger-Briand peut être expliqué ainsi. D’après la typologie que René Rémond, Isabel Boussard et Aline Coutrot ont dressée des collaborateurs de cabinets ministériels43, les membres de l’entourage de Briand ont toujours été des « chiens », en raison de la fidélité portée d’abord à l’homme qu’ils servaient, plus qu’au ministère qu’ils rejoignaient. Quitte d’ailleurs à accompagner le ministre tout au long de son cursus honorum, quelle que fût son affectation au gouvernement. Outre sa fidélité, Briand appréciait Berthelot pour ses qualités de synthèse et d’excellent connaisseur des rouages du Quai d’Orsay. Le 10 avril 1925, il le rappelait auprès de lui, après sa mise à l’écart, due au scandale de la Banque industrielle de Chine44 ; de l’aveu du ministre, le secrétaire général du Quai d’Orsay était devenu irremplaçable : « En dix minutes, il me résume une situation que d’autres mettent trois heures à embrouiller45. »

28Comment comprendre, dans ce cas, la nomination de Leger comme directeur de cabinet, alors que, par ailleurs, on n’observe que peu de changements dans l’administration ? C’est que Briand avait besoin de Leger contre Berthelot qui, peu sensible au mysticisme qui accompagnait désormais, et de plus en plus, la politique de la paix, restait attaché au système des alliances et à la signature des traités plus qu’aux envolées lyriques du chef de la diplomatie française. Pour Berthelot, la sécurité de la France n’aurait su être garantie que par des accords et des alliances réalistes. Il était ici en ferme opposition avec Briand. Il ne croyait pas à Locarno, tant le mysticisme déployé au bord du lac Léman était éloigné de son pragmatisme et même de son caractère. Au détour de la conférence, il confia : « Le grand défaut des hommes politiques, c’est que la réalité n’existe pas pour eux46. »

29Certes, Leger, ancien protégé de Paul Claudel pour lequel le catholicisme était en lien avec sa vocation diplomatique – et réputé proche des francs-maçons47, ne ressemblait pas trait pour trait à Briand. Mais il le comprenait mot pour mot. Et s’attachait à mettre en musique cette mystique de la paix, en passant outre Berthelot, sur plusieurs grands dossiers. « Il pratiquait la diplomatie comme une ascèse48 », adorait l’Atlantique et la navigation en solitaire. En cela, il ressemblait à Briand. Et même si, pas plus que lui, il n’était pratiquant, le directeur de cabinet et son ministre partageaient tous les deux une forme de piété. On retrouve l’opposition de ces deux comportements – celui de Leger face à celui de Berthelot – dans les propos de Briand, le 16 février 1926, lorsque, à la Chambre des députés, le ministre des Affaires étrangères prit la parole sur le projet de ratification des accords de Locarno : « Se connaît-on quand on se contente de discuter diplomatiquement, à travers l’espace ? La vie est-elle seulement dans un papier, si bien rédigé soit-il ? N’est-elle pas dans l’homme, dans son regard, dans tout ce qui émane de lui49 ? »

30Leger ne semblait pas, au départ, un adepte de l’outil religieux. Il va cependant, et très vite, approuver la démarche mystique du « pèlerin » Briand dans laquelle il vit une manière efficace de colmater les brèches du traité de Versailles. Il accepta la mission de mettre en musique la politique fondée sur l’« esprit de Genève », jusqu’à rédiger pour Briand, quelques années plus tard, le plan Briand d’Union fédérale européenne. Soucieux, comme Berthelot, de bonnes relations avec la Grande-Bretagne, il considérait qu’une paix durable passait par l’entente avec l’Allemagne, ce qui supposait des concessions. D’où une meilleure perception de l’idée d’Union européenne par Leger que par Berthelot. En cela au moins, le directeur de cabinet du ministre fut un chef d’orchestre, quand Berthelot restait un « directeur de conscience50 ». Par ailleurs, il semblait que Leger fût également bien plus conscient que Berthelot des obligations majoritaires, peaufinées sans cesse par Briand. Tout ceci explique que Leger, tout en restant directeur de cabinet du ministre, devînt rapidement directeur du département Asie du Quai d’Orsay, ministre plénipotentiaire et directeur adjoint des Affaires politiques et commerciales. Briand, quant à lui, naviguait entre compromis et intransigeance, et semblait mettre en place la politique du discernement en matière diplomatique51. Il maîtrisait les dossiers dans les grandes lignes grâce à Berthelot, déclinait sa politique du « pèlerin » grâce à Leger, en utilisant l’outil religieux. Et gardait un œil sur l’impératif majoritaire, en grand expert du régime qu’il était. Cette complémentarité entre les trois hommes contribuait à fixer un but identique : « Gagner de vitesse les événements, aller rapidement, assez largement et assez clairement, pour influencer à temps l’orientation du peuple allemand », « assurer à la France sa sécurité par le renforcement de ses alliances, enfin établir les bases nouvelles d’un équilibre européen ».

31Au-delà du rôle de Berthelot et de Leger, le cabinet du ministre rassemblait un certain nombre de personnalités adeptes du principe de la « diplomatie religieuse », en raison de leur formation, de leur culture et de leur expérience. Louis Hermitte, ministre plénipotentiaire, en était l’homme-clef. Il était passé par l’ambassade auprès du Saint-Siège. Après l’élection de Deschanel à la présidence de la République, en 1920, Hermitte avait été recommandé par Briand auprès du nouveau chef de l’État pour le poste de secrétaire général civil de la présidence de la République. Raymond Brugère fut l’un des autres acteurs de la « diplomatie religieuse ». Depuis mai 1919, en poste au ministère, il était à la tête de la Direction des relations commerciales. Détaché auprès du Commissaire général en Alsace-Lorraine, il était chef-adjoint du cabinet du ministre. Amé Leroy, consul de première classe, jouait, lui aussi, un rôle essentiel dans ce dispositif briandiste, puisqu’il prit en charge, au cabinet, les relations avec le Parlement et la Société des Nations. Il mit un point d’honneur à tisser et à entretenir les réseaux briandistes en ce sens52. À côté de ces conseillers techniques, on trouvait des hommes plus en lien avec les affaires privées du ministre, dont Charles Billiau, son neveu, officiellement chef de son secrétariat particulier à partir de 1925, avec la mission spéciale – mais non exclusive – de veiller à ce domaine, de plus en plus « réservé », des affaires religieuses.

32Cinq hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay au moins, par leur éducation, leur culture ou leur expérience, ont contribué à mettre en musique, de manière harmonieuse, le principe de la diplomatie religieuse. Jules Laroche, directeur des Affaires politiques depuis 1920, était en place depuis 1918. Il avait été l’un des principaux négociateurs du traité de Versailles comme président de la commission de révision des traités de 1919 à la conférence de la paix. Il fut remercié en 1925 par Berthelot qui souhaita prendre en charge la direction des Affaires politiques, mais fut rappelé presque aussitôt, avant d’être nommé en 1926 ambassadeur en Pologne. Il observait d’excellentes relations avec l’épiscopat, notamment avec Mgr Ceretti, nonce à Paris, qui présida la confirmation de l’une de ses filles. Charles Corbin, sous-directeur Europe, avait été élevé chez les Jésuites du collège Stanislas. Bon connaisseur des affaires économiques et de la Grande-Bretagne, il s’occupait de la presse au cabinet de Briand. Jacques Seydoux53, sous-directeur des Affaires politiques, chargé des questions économiques, était lui aussi une pièce maîtresse du dispositif briandiste, avec un œil sur la définition des priorités économiques et financières, nécessitées par le jeu des relations internationales, notamment s’agissant des réparations allemandes et des dettes de guerre. Ces équipes, qui n’hésitèrent pas à faire appel à l’instrument religieux dans la décision diplomatique, comprenaient aussi deux autres diplomates du Quai, les protestants Henri Fromageot, jurisconsulte du ministère, futur juge à la Cour permanente de justice internationale, qui s’occupa de la négociation du Pacte rhénan, et René Massigli, spécialiste des questions relatives à la SDN54.

L’impératif majoritaire est devenu l’évidence majoritaire

33Avec le retour de Briand au Quai d’Orsay, en avril 1925, le phénomène majoritaire restauré en 1921 sous son septième cabinet se réorganisa autour des thèmes de la sécurité collective et de la pacification. À cet égard, de Locarno à la conférence de La Haye, le contrat majoritaire – notion de partage du pouvoir ou d’association à la politique – était respecté et renforcé, faisant évoluer les majorités parlementaires, de simples majorités électorales à de vraies majorités de gouvernement55. Pour ceux qui avaient combattu « la politique du chien crevé au fil de l’eau56 », comme Tardieu, la politique de Briand devenait « incontournable57 », selon les propos du même orateur. Avec Poincaré, Tardieu conservera d’ailleurs Briand au Quai d’Orsay jusqu’en 1932. « Artiste de la politique », grand « transformiste parlementaire » et auteur d’une politique diplomatique qui avait le soutien de la population, Briand était devenu lui-même essentiel à la vie politique en France. L’évidence majoritaire ressort de l’étude des scrutins de politique étrangère. Par le caractère mystique de la politique et l’association du religieux à la décision diplomatique, Briand ralliait ainsi des socialistes – qui se préparent à en faire leur candidat aux élections présidentielles de 1931 – aux élus du centre droit. Ces derniers d’ailleurs qui, avec les socialistes, s’organisent. Ces démocrates-chrétiens du Parti démocrate populaire (PDP), structure née en 1924, furent unanimes à le soutenir. Les humanistes d’inspiration chrétienne avaient déclaré, quelque temps plus tôt, par l’intermédiaire de Marc Sangnier, député de la Seine : « C’est la politique qu’on attendait58. » Il en fut de même de Robert Cornilleau, dont l’analyse devait sans doute à l’influence indirecte du père Laberthonnière et à la réflexion de Don Sturzo, fondateur en Italie, en 1919, du Parti populaire italien (PPI), parti aconfessionnel. À la Chambre, le 26 janvier 1925, le démocrate populaire Paul Simon déclara : « Dans un pays comme la France, divisé au point de vue religieux et philosophique, [...] l’État doit être laïque. [...] La laïcité doit être respectueuse de toutes les forces religieuses et morales59. »

34À compter de 1925, les majorités parlementaires de ratification ne cessèrent de s’élargir. Les accords de Locarno furent ratifiés à la Chambre le 26 février 1926 par 413 voix contre 71. La majorité sénatoriale de ratification de ces accords fut encore plus large, avec 272 voix contre 71. Habile dans le dosage politique du pacte, Briand était parvenu à équilibrer les diverses velléités qui opposaient ceux qui souhaitaient imposer une entente avec les États de l’Europe centrale et ceux qui tenaient à l’idéal de paix internationale. Les accords provisoires sur les dettes françaises envers la Grande-Bretagne et les États-Unis furent adoptés par 339 voix contre 175. Le pacte « Briand-Kellogg » était un vrai succès majoritaire, même s’il est encore perçu aujourd’hui comme « un magnifique coup d’épée dans l’eau60 ». Briand insista sur la constance de sa ligne de conduite qui toujours fut de faire entrer dans les faits le protocole de Genève relatif aux principes de sécurité, d’arbitrage, de désarmement et de défense de la SDN. Le 26 février 1929, rappelant que les votes à la SDN s’obtenaient à l’unanimité des 52 délégués, il parvenait à rallier la Chambre à sa presque unanimité. Seuls les onze députés communistes et le député d’extrême droite Xavier Vallat votaient contre. La Chambre haute ratifiait le pacte à l’unanimité. La ratification du plan Young rassemblait, lui, 442 voix contre 30, le 26 juillet 1929. Le 29 juillet 1929, l’ordre du jour de confiance du onzième cabinet Briand était adopté par 326 voix contre 136. Les parlementaires socialistes rejoignaient alors la majorité briandiste, après de nombreuses années d’opposition à cette dernière. Les modifications du plan Young, à la suite de la seconde conférence de La Haye sur les réparations des 3-20 janvier 1930, furent acceptées par 527 voix contre 38. Enfin, dernier succès majoritaire, et non des moindres, l’adoption des crédits du ministère des Affaires étrangères pour l’année 1931 était obtenue par 551 voix contre 1461. Le 8 mai 1931, Briand fut applaudi par l’extrême gauche, la gauche et le centre réunis, lors du débat sur « l’Anschluss économique », appelé aussi projet d’Union douanière germano-autrichien : 419 voix contre 43. Dans tous les cas, l’outil religieux dans la diplomatie était présenté comme l’« ourlet62 » des majorités parlementaires.

Diplomatie et religion à l’heure de la SDN et de l’« Esprit de Locarno »

35La Société des Nations, l’idée de paix développée dans les années 1920, le désarmement et l’arbitrage, voici des notions dont le caractère est largement emprunté au christianisme. On observe d’ailleurs un champ lexical relevant du mysticisme, voire du religieux. Le religieux comme outil diplomatique fut presque consubstantiel à la politique de pacification qui marqua les années 1925-1932. À titre d’exemple, les débuts de la Société des Nations avaient pris des allures de « grand-messe », selon Berthelot. Briand n’était plus appelé que par les qualificatifs de « pèlerin », d’« apôtre laïque » ; sa politique de « mission », elle, prenait des allures de « réconciliation » et d’« apostolat laïque » au service de la paix.

36L’idée des États-Unis d’Europe s’inspirait certes de Victor Hugo, mais aussi de l’abbé de Saint-Pierre qui avait proposé un « projet de paix perpétuelle ». Briand le rappela dans son discours du 20 avril 1925, alors qu’il revenait au pouvoir63. L’Europe, conçue comme un remède à la guerre – Penser la paix, c’était construire l’Europe – allait dans ce sens. À plusieurs égards, le prêtre et l’ambassadeur remplissaient le même office, celui de la paix. Le rôle des prélats et de l’Église dans le soutien à l’idée de paix et à la SDN était avéré : pour l’évêque d’Arras, Mgr Julien, l’un des principaux soutiens à la politique de Briand au sein de l’épiscopat, la paix était « un rêve purement catholique64 ». Dès 1895, il estimait qu’« en tout progrès, il y a toujours une grande utopie ». Dans les années 1920, il incarnait une conscience morale sur ces questions dans l’épiscopat, d’autant que Jonnart qu’il connaissait bien, car implanté comme lui dans le Pas-de-Calais, avait été ambassadeur auprès du Saint-Siège jusqu’en 1923. Le prélat parlait de « l’harmonie préétablie entre la Société des Nations et la Société chrétienne65 ».

37On peut dire la même chose des autres avocats de la SDN, « voix de l’Église », que le gouvernement invita à s’exprimer : outre les cardinaux de l’Entente républicaine démocratique, Bourne, Gibbons, Mercier et Amette, et à côté de Mgr Julien, la figure de Marius Besson, l’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg dans lequel s’établit la nouvelle organisation. Les catholiques apportaient leur soutien à cette « tentative généreuse » qui s’appuyait « inconsciemment et implicitement sur pas mal de principes fondamentaux qui sont les nôtres66 ». C’est dans cet esprit et sous sa protection, qu’allait être fondée, le mois suivant à Paris, l’Union catholique d’études internationales (UCEI), sorte de lobby catholique auprès de la SDN. « L’organisation de Mgr Besson », surnom apporté à la structure nouvelle à Rome, serait mêlée à la tentative, restée sans lendemain, de promouvoir l’établissement de relations diplomatiques stables entre la SDN et le Saint-Siège. D’autres catholiques francophones jouèrent un rôle d’intermédiaire essentiel durant ces années : l’aristocrate fribourgeois Gonzague de Reynold, le jésuite Yves de La Brière, professeur à l’Institut catholique de Paris, titulaire de la chaire de droit des gens créée en 1920, rédacteur de la revue Études, auteur de nombreux ouvrages sur le droit et la morale internationale, le chanoine Eugène Beaupin, secrétaire de l’UCE167. Les Jésuites aussi, d’abord critiques, approuvèrent la politique de la SDN dans La Civilta cattolica, « projet digne d’être soutenu et encouragé par les catholiques », suite du projet élaboré au xixe siècle par le jésuite Taparelli d’Azeglio. Le moment Briand au Quai d’Orsay fut aussi le temps de la création d’un Centre catholique d’informations internationales (1928) et la tenue des Semaines catholiques internationales de Genève (1929-1932) sur la question de la paix et du désarmement.

38Le moment Locarno – conférence (1925) et ratification (1926) – fut l’incarnation de cette idée de paix dans un mysticisme qui trouvait ici une forme d’apogée, au fondement du rapprochement franco-allemand68. À la tribune de la Chambre des députés, à la veille de la ratification des accords de Locarno, Briand s écrit : « Arrière les canons, arrière les mitrailleuses, arrière les voiles de deuils ! Place à la délibération, place à la paix69. » Pour son gouvernement, il s’agissait d’un nouvel esprit des relations internationales : « Ce n’est pas par une accumulation de forces qu’il veut rendre la guerre impossible, mais par des liens d’une entraide mutuelle et de la solidarité humaine J’y vois le commencement d’une œuvre magnifique : rénover l’Europe, lui donner son vrai caractère dans une Union générale, en y appelant tous les peuples, chacun suivant son génie propre, pour assurer définitivement la paix70 », ajoutait le pèlerin de la paix. À son retour de Locarno, alors que l’Allemagne s’apprêtait à entrer dans la Société des Nations, à l’heure où ses frontières occidentales firent l’objet de sa reconnaissance, Aristide Briand apparut à Hélène Vacaresco « sûr d’avoir découvert la terre promise71 ». Le ministre opposait aux critiques « la vibrante liturgie d’un nouveau prophète ». Briand prenait alors des « airs de messie », même s’« il gard (ait) la tête froide » (Berthelot). Le Vatican réagit très positivement à la paix de Locarno. L’entrée de l’Allemagne dans la SDN, en application des dispositions des accords d’octobre 1925, fut pour beaucoup dans ce positionnement net du Vatican à l’égard de la SDN. On y vit une forme de continuité avec la pensée du pape Benoît XV. Les Jésuites de la Civilta cattolica, renforcèrent ici leur soutien : « Ce n’est pas encore le langage élevé du pape, mais ce n’est plus désormais le langage vil de la psychose de guerre et puis de la victoire, qui voulait la vengeance inexorable jusqu’à "l’écrasement" des nations rivales72. » Le nonce à Paris, Mgr Cerretti, se fit le porte-parole du pape, lorsqu’il s’exprima en ces mots, le 1er janvier 1926, dans ses vœux au président de la République : « L’œuvre magnifique de Locarno ». Alfred Baudrillart, recteur de l’Institut catholique de Paris, à la suite d’une conversation avec Jean Doulcet, le 25 septembre 1926, déclara que « la politique de Briand à l’égard de l’Allemagne enchant (ait) le pape73 ». On notait, régulièrement, le soutien empressé et constant du Vatican aux initiatives d’Aristide Briand en faveur de la paix et du désarmement. « Ce serait un véritable malheur si M. Briand devait se retirer74 », confiait le cardinal Gasparri à un diplomate français en poste à Rome, en septembre 1929.

39Diplomatie et religion se conjuguèrent aussi lors des conséquences des accords de Locarno, notamment au moment des initiatives nouvelles apportées par la jeune Europe. Mgr Julien rappela que la morale chrétienne et le message évangélique constituaient l’autre versant de la « doctrine de paix ». Une formule du prélat était d’ailleurs explicite : « Espérons que l’Évangile finisse par être entendu des Nations. Peuples, soyez unis, hommes, soyez humains75. » En 1924, au congrès des catholiques du Nord, il n’a pas hésité à revendiquer l’antériorité du christianisme dans l’idée de paix et à dénoncer la frilosité des croyants sur ce point :

Quand on appartient à la Société sans frontières des catholiques réunis dans l’unité du corps mystique de Notre-Seigneur, quand on a des frères dans la foi chez tous les peuples, on ne devrait pas s’effrayer d’entendre passer dans l’air des paroles prophétiques, prédisant la paix universelle, et la vraie « internationale » sous l’égide de la Nouvelle Société des Nations. Hélas ! Ceux qui font les prophètes aujourd’hui ne prophétisent plus au nom de notre Dieu, mais c’est à nous tout de même qu’ils ont emprunté leur rêve, car leur rêve est proprement catholique. Si c’est une utopie, elle fut la nôtre avant d’être la leur. [...] Ceux qui ont en charge d’empêcher l’esprit de l’Évangile de disparaître de la Vieille Europe peuvent avoir de bonnes raisons de préférer l’esprit de Locarno76.

40Le prélat rappelait les paroles tenues par Benoît XV en août 1917, qui soulignait la nécessité pour la papauté de rompre l’isolement diplomatique qui affectait le Saint-Siège :

En tenant le pape à l’écart de la politique internationale, les États ont créé la situation singulière d’une Europe faisant encore profession de christianisme, mais se comportant dans les choses de la paix comme si Jésus-Christ n’était pas venu proclamer la loi de justice et de fraternité. [...] L’Église est donc disposée à prêter l’appui de son influence, de sa théologie et de ses institutions à l’œuvre de l’organisation internationale de la paix77.

41En insistant sur l’action diplomatique de la papauté, Mgr Julien rejoignait ainsi l’une des principales préoccupations de Charles Jonnart, ambassadeur près le Saint-Siège, qui fit du maintien des liens avec celui-ci, non seulement un facteur indispensable dans l’apaisement religieux et politique en France, mais aussi un facteur essentiel du maintien de la paix.

Diplomatie et religion après Locarno

42Avec la concrétisation de l’amitié franco-allemande, on trouve à nouveau l’outil religieux au service de la diplomatie. La création du « Comité franco-allemand » d’information et de documentation le montre et, plus concrètement, l’Entente internationale de l’Acier (1926) le prouve. Selon le témoignage de l’ambassadeur Wladimir d’Ormesson, c’est sans hésitation que les promoteurs du Comité franco-allemand d’information et de documentation (CFAID), fondé en 1926 dans le but notamment de corriger les informations déformées dans les journaux et pouvant exacerber les passions, firent appel au religieux. Émile Mayrisch, industriel luxembourgeois, patron du trust sidérurgique l’ARBED, fit se rencontrer des personnalités françaises et allemandes, issues de différents milieux. Gide, Romains, Jaspers, Rathenau, Henri De Man, Louise Weiss, Einstein78. Avec son gendre Pierre Viénot et l’industriel allemand Arnold Rechberg, Mayrisch créa le Comité franco-allemand d’information et de documentation, soutenu par la démocratie chrétienne, cette « Internationale blanche » qui se formait, avec le Français Marc Sangnier et l’Allemand Konrad Adenauer. Des intellectuels catholiques allemands et français se réunirent aussi autour du Zentrum allemand ou de la revue Germania. Les partis démocrates-chrétiens se regroupèrent à ce moment-là : Zentrum, PDP, PPI, Ligue des travailleurs chrétiens belges. Aristide Briand favorisait ces initiatives via son cabinet et son neveu. Il soutint les initiatives du président des Semaines sociales de France, le professeur d’économie politique Eugène Duthoit, doyen de la faculté de droit de l’Université catholique de Lille79, qui travaillait à un rapport sur les relations entre la doctrine de l’Église et l’organisation de la vie internationale.

43Les membres du CFAID, encouragés par Briand, firent appel, notamment, à Mgr Julien afin de donner aux valeurs spirituelles une place de choix au sein de cette institution visant à rapprocher les deux peuples. Le prélat avait la conviction née à la fois de l’épreuve de la guerre et de l’enseignement des Évangiles et des théologiens, que la paix véritable devait se fonder sur deux socles, respectivement l’affirmation de la morale chrétienne et le respect du droit dans une dimension humaniste. « Il distinguait une base juridique de la paix fondée sur le droit et les institutions du droit et une base morale fondée sur le sentiment de la fraternité humaine et sur la conscience80 : "Le sentiment ne peut rien sans le droit, mais le droit ne peut rien sans le sentiment81". » Quand on croit entendre Briand... Cette union entre le droit et la fraternité fut reprise dans le grand discours prononcé à Bierville en août 1926, rencontres du Sillon de Marc Sangnier82, et que Mgr Julien présentait dans le cadre de ses rencontres avec le Comité franco-allemand : « À quoi bon organiser une technique savante de la paix, si la paix n’est pas les besoins des âmes et l’aspiration des consciences, au sein même des peuples qui ont donné leur adhésion au pacte de Genève ? La paix du monde comme la paix des cités est un esprit, et l’esprit de la paix se propage, non point par des formules de droit pur, mais par la lumière des intelligences et par le contact des cœurs83. » Nouvelle illustration du mysticisme de la diplomatie française à la Briand contre la diplomatie classique à la Berthelot.

44L’acmé de la politique prophétique est représentée par l’idéalisme pacifique du ministre français, au fondement du pacte Briand-Kellogg (1928). Prix Nobel de la paix en 1926, Briand lança un message au peuple américain, au printemps 1927, pour le dixième anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis aux côtés des Alliés. La délégation américaine lui répondit en ces termes qui, à nouveau, empruntaient au lexique du religieux : « En souvenir de ce dixième anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis, la Légion américaine se prépare à faire un pieux pèlerinage en France. » Ce voyage est organisé en lien avec Paul Claudel, ambassadeur de la République française aux États-Unis et sensible à la démarche mystique. À la signature de ce pacte, à Paris, en août 1928, l’Osservatore romano titrait : « Ce n’est certes pas la fin de la guerre, mais c’est le début d’une prise de conscience : la guerre n’est plus seulement un méfait, elle devient un délit84. »

45Dernière manifestation d’ampleur de la politique briandiste des années 1920, la première tentative d’Union européenne, avec le plan d’Union fédérale européenne (1929-1930), fit appel aussi à la religion pour remplir ses buts diplomatiques. Où l’on voit, pour la première fois, Briand réfléchir à l’adhésion du Vatican à son projet. Le pape salua son discours du 5 septembre 1929 qui posait les fondements du plan, notamment avec la création d’une « sorte de lien fédéral » entre les peuples européens pour asseoir les fondements solides d’une future Union européenne. Ne faisant pas partie de la SDN, le Saint-Siège ne fut pas amené à se prononcer directement sur le plan français qui prévoyait de limiter l’adhésion « aux États européens membres de la Société », telle que l’expliquait le mémorandum du 17 mai 1930 rédigé par Alexis Léger85. Pourtant, la majorité des pays membres de la SDN estima « qu’aucun État européen ne devait être laissé à l’écart, soit qu’il adhér[ait] dès le début à l’Union, soit qu’il collabor[ait] avec elle plus ou moins étroitement86 ». Une telle formulation n’excluait pas a priori l’adhésion d’un État comme le Saint-Siège dont la « souveraineté internationale » venait d’être reconnue par le traité de Latran. Briand y réfléchit au Quai d’Orsay et soutint cette idée. Cette adhésion fut d’ailleurs envisagée par le comte Coudenhove-Kalergi dans un « projet de Pacte paneuropéen » présenté à Berlin en février 193087. Le projet n’aboutit pas ; la crise économique mondiale, qui s’abattit sur l’Europe au début de 1930, rendit l’initiative de Briand caduque. Mais le pape en réaffirmerait son bien-fondé, dans l’encyclique Quadragesimo anno, 15 mai 1931, et en ces termes : « Il convient aussi que les diverses nations, si étroitement solidaires et interdépendantes dans l’ordre économique, mettent en commun leurs réflexions et leurs efforts pour hâter, à la faveur d’engagements et d’institutions sagement conçues, l’avènement d’une bienfaisante et heureuse collaboration économique internationale88. » La désillusion papale, après 1933, sera à la mesure des espérances qu’avaient fait naître les initiatives briandistes de la seconde moitié des années 1920.

46En 1921, Denys Cochin s’interrogeait auprès de Briand sur son allant pour la question religieuse, alors qu’il venait de retrouver, avec la présidence du Conseil, la direction de la politique diplomatique de la France. Cette attention portée à ce qui touche à la foi, dans la conduite des affaires publiques et, singulièrement, dans le règlement de la politique étrangère du pays, poussa à la franchise l’ancien député catholique de la Seine et ancien ministre des gouvernements de guerre d’Aristide Briand. S’adressant au chef de la diplomatie française, il déclara : « C’est une tâche dont vous êtes digne, mais qui dépasse de beaucoup les talents du Quai d’Orsay89. » Au temps des « Années folles », par son action certainement, par son tempérament aussi, Aristide Briand parvint, en tout cas, à faire résonner l’écho des préoccupations religieuses dans les grands desseins de l’Europe naissante. On savait que l’homme politique avisé, ce « monstre de souplesse » (Maurice Barrés) qui, hier, rapporteur de la loi de séparation, venait de réconcilier l’État et le Saint-Siège, n’était pas adepte d’une quelconque doctrine politique. N’avait-il pas déclaré, à cet effet : « Moi, dans l’action, je n’aime pas les projets, car il faut faire les choses au moment où elles deviennent nécessaires. L’action est la seule doctrine de l’homme d’action. Les doctrines sont toutes inapplicables. Elles doivent servir de cadres, à condition de les connaître telles et d’être toujours prêt à les adapter aux circonstances90 » ? On pourrait trouver ici l’un des ressorts de son comportement instinctif, qui a su discerner « le sens des possibilités », « attribut essentiel de l’homme d’État et du diplomate91 ». Pèlerin ou prophète de la paix, il ne réussit finalement sa mission pacificatrice qu’en raison de la relation humaine qu’il avait su tisser avec les peuples, à commencer par les liens qui l’attachaient au sien. « Fonction pour ainsi dire spirituelle, soulignait Alexis Leger, et qu’il faudra bien lui restituer un jour, sous peine de fausser toute l’œuvre constructive des Libérateurs alliés92. » Et Briand d’avouer, à la fin de sa vie : « Après tout, où serait l’intérêt de la vie publique si l’idéal – si l’on veut la chimère – n’animait pas parfois l’activité des hommes ? Il suffit qu’un effort prenne sa source dans un sentiment généreux pour qu’il mérite d’être tenté au risque de ne pas complètement réussir93. » Du rétablissement de l’ambassade au Vatican aux conditions de l’occupation de la Rhénanie, des accords de Locarno au plan d’Union fédérale européenne, le ministre français des Affaires étrangères s’y attacha, avec optimisme et idéal, conscient des difficultés et des limites de son combat, guidé aussi par les réalités géopolitiques et interpellé par leurs contingences. Régulièrement, un sentiment profond émanait de son propos et de sa politique, comme une forme de piété indélébile à son être et à son action. Il avait réussi à en convaincre Alexis Leger qui déclarerait, quelque temps plus tard : « Pour avoir tout le fruit de la solidarité d’esprit et de cœur [des meneurs d’hommes], il faut encore faire droit, humainement, à ce je-ne-sais-quoi de plus intime qui suscite en chacun la ferveur et la foi94. »

Notes de bas de page

1 Comte de Saint-Aulaire, Confessions d’un vieux diplomate, Paris, Flammarion, 1953, p. 14.

2 Michael Löwy, « Le concept d’affinité élective en sciences sociales », Critique internationale, 1999, vol. 2, p. 42-50.

3 Christophe Bellon, « Notice historique », dans Jean-Louis Debré, Le rapport Briand, Paris, Assemblée nationale, 2005, p. 130.

4 Christophe Bellon, « La séparation des Églises et de l’État. De la genèse à l’application de la loi de 1905 », Historiens-Géographes, 391, 2005, p. 191-220.

5 Christophe Bellon, « Connaître la loi au temps de la République parlementaire. De l’élaboration à la publication des actes législatifs (IIIe et IVe Républiques) », dans Nicolas Warembourg, Boris Barnabé, Yann-Arzel Durelle-Marc, Christophe Bellon, Sylvie Humbert étal., L’Écho des lois. Du parchemin à Internet, Paris, La Documentation française, 2012, p. 107-131.

6 Christian Sorrel, Libéralisme et modernisme. Mgr Lacroix (1855-1922). Enquête sur un suspect, Paris, Cerf, 2003.

7 Christophe Bellon, La République apaisée. Aristide Briand et les leçons politiques de la laïcité (1902-1919), Paris, Cerf (Alpha), préface de Serge Berstein.

8 Ibid.

9 Jacques Barrot, Christophe Bellon, De l’indignation à l’engagement. Foi et politique, Paris, Cerf, 2012, p. 43-48.

10 Annales de la Chambre des députés (ACD), séance du 3 juillet 1905.

11 Christophe Bellon, Aristide Briand, artiste de la politique, Paris, Perrin, à paraître.

12 ACD, séance du 21 octobre 1921.

13 Édouard Clavery, Jean Doulcet, ambassadeur de France (1865-1928), Paris, Laborey, 1932.

14 Maurice Paléologue, « Préface », dans Édouard Clavery, Jean Doulcet..., op. cit., ouvrage non paginé.

15 Édouard Clavery, Jean Doulcet..., op. cit., chapitre « La mission à Rome (1920-1921) ».

16 Philippe Castermans, « Autour de la paix : le dialogue Charles-Célestin Jonnart. Mgr Julien », dans Jacques Prévotat, Jean Vavasseur-Desperriers (dir.), Les « chrétiens modérés » en France et en Europe, 1870-1960, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 225-234.

17 Christophe Bellon, Briand. L’Européen, Paris, La Documentation française/Assemblée nationale, 2009.

18 ACD, séance du 21 octobre 1921.

19 Ibid.

20 ACD, séance du 12 janvier 1921.

21 Christophe Bellon, La République apaisée..., op. cit.

22 Nicolas Roussellier, Le parlement de l’éloquence. La souveraineté de la délibération au lendemain de la Grande Guerre, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.

23 Christophe Bellon, « Aristide Briand et l’Europe au Parlement des Années folles. Quand la délibération prend le pas sur la diplomatie (1919-1932) », Parlement(s). Revue d’histoire politique, HS 3, 2007, p. 41-53.

24 AMAE, Z Europe 103 (959-14), Rapport de Louis Canet, 7 mars 1920.

25 Paul Rémond était l’oncle de l’historien René Rémond (1918-2007).

26 Au terme de sa mission, en 1930, le bilan chiffré de l’action religieuse de Mgr Rémond : 6426 baptêmes, 2180 premières communions, 3000 confirmations, 662 mariages. Parmi les baptisés, se trouvaient 247 soldats ; 21 d’entre eux avaient abjuré le protestantisme, trois le judaïsme et deux l’islam. Le diocèse avait enregistré 42 vocations de prêtres et 23 vocations de moines ou de religieuses. Voir Ralph Schor, Monseigneur Rémond. Un évêque dans le siècle, Nice, Serre, 2001 [1984], p. 43.

27 AMAE, Papiers Canet, carton XXIII, lettre du 3 octobre 1921.

28 AMAE, Papiers Canet, carton XXIII, lettre du 18 octobre 1921.

29 J.-A. Dorten, La tragédie rhénane, Paris, Robert Laffont, 1945.

30 AMAE, Z Europe 103 (959-14), dépêche de Raymond Poincaré, 7 mars 1922.

31 Annales du Sénat (AS), séance du 19 juin 1923.

32 Christophe Bellon, Aristide Briand, artiste de la politique, op. cit.

33 Journal officiel [JO], documents parlementaires, 11 mars 1920.

34 Anatole de Monzie, Rome sans Canossa ou la diplomatie de la présence, Paris, Albin Michel, 1918.

35 Cité par Georges Suarez, Briand (1918-1923), Paris, Plon, 1941, tome 5, p. 139.

36 AN Paris, Archives privées Aristide Briand (APAB), vol. 13, F. 1-156.

37 Cité par Georges Suarez, Briand..., op. cit., p. 140.

38 Cité par Christophe Bellon, Briand. L’Européen, op. cit., p. 86.

39 AN, APAB, vol. 13, F. 20.

40 Maurice Paléologue, « Préface », Édouard Clavery, Jean Doulcet, op. cit.

41 Édouard Clavery, Jean Doulcet, op. cit., chapitre « L’ambassade près le Saint-Siège (1923-1928) ».

42 Ibid.

43 René Rémond, Isabel Boussard, Aline Coutrot (dir.), Quarante ans de cabinets ministériels, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), 1982.

44 AN, APAB, volume 5, F. 1 – 170.

45 AN, APAB, volume 7, F. 7.

46 Jean-Luc Barré, Philippe Berthelot. L’éminence grise (1866-1934), Paris, Plon, 1998.

47 Sur Alexis Leger, voir Renaud Meltz, Alexis Leger dit Saint-John Perse, Paris, Flammarion, 2008, p. 43-44.

48 Henriette Levillain, Saint-John Perse, Paris, Fayard, 2013, p. 246.

49 ACD, séance du 16 février 1926.

50 Jean-Luc Barré, Philippe Berthelot..., op. cit., p. 281-319.

51 Jacques Barrot, Christophe Bellon, op. cit., p. 43-46.

52 Christophe Bellon, « Les réseaux politiques et parlementaires du "briandisme" », dans Sylvie Guillaume (dir.), Penser et construire l’Europe, de 1919 à 1992, Paris, Ellipses, 2007, p. 102-110.

53 Stanislas Jeannesson, Jacques Seydoux diplomate (1870-1929), Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2012.

54 Raphaëlle Ulrich-Pier, René Massigli (1888-1988). Une vie de diplomate, Bruxelles, Peter Lang, 2006.

55 Christophe Bellon, « Aristide Briand et l’Europe au Parlement des Années folles... », art. cité, p. 50-52.

56 ACD, séance du 25 octobre 1921.

57 ACD, séance du 30 novembre 1926.

58 ACD, 2e séance du 25 octobre 1921.

59 ACD, séance du 26 janvier 1925.

60 Jacques Bariéty, « Aristide Briand », dans Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire historique de la vie politique française au xxe siècle, Paris, PUF, 2003, p. 158.

61 ACD, séance du 3 mars 1931.

62 Christophe Bellon, La République apaisée..., op. cit.

63 ACD, séance du 20 avril 1925.

64 François Gaquère, À Dieu va. Un grand évêque des Temps modernes, Mgr Eugène-Louis Julien, Arras, Œuvres missionnaires, 1971, p. 336.

65 Mgr Julien, « Une théorie catholique de la SDN », dans Mgr Julien, L’Évangile nécessaire à l’ordre international, Paris, Bloud et Gay, 1927, p. 75-108.

66 Cité par Philippe Chenaux, « Le Saint-Siège, l’Europe et la paix dans les années Vingt », Jacques Bariéty (dir.), Aristide Briand, la Société des Nations et l’Europe, 1919-1932, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007, p. 258.

67 Ibid., p. 259.

68 Voir Claude Carlier, Georges-Henri Soutou (dir.), Comment faire la paix, 1918-1925, Paris, Economica, 2001 ; Gaynor Johnson, Locarno revisited : European diplomacy, 1920-1929, Londres, Routledge, 2004 ; Zara Steiner, The Lights That Failed, 1919-1933, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; Peter Jackson, Beyond the Balance of Power, France and the Politics of National Security in the Era of the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

69 ACD, séance du 10 septembre 1926.

70 Ibid.

71 Sur Hélène Vacaresco, voir Bernard Oudin, Aristide Briand, Paris, Perrin, 2004, p. 517.

72 « Dalla Nota di Benedetto XV al Patto di Locarno per la pacificazione dei popoli », La Civilta cattolica, 76,1925, p. 390.

73 Alfred Baudrillart, Les carnets du cardinal Alfred Baudrillart (13 avril 1925-25 décembre 1928), Paris, Cerf, 2002, p. 480.

74 Yves Chiron, Pie XI (1857-1939), Paris, Perrin, 2004, p. 286.

75 Formule de Mgr Julien figurant sur le monument aux morts de la ville de Düsseldorf.

76 Archives diocésaines d’Arras, fonds 3Z9-564 (5), Papiers Mgr Julien.

77 Cité par Philippe Castermans, « Autour de la paix... », art. cité, p. 232.

78 Voir Éric Bussière, « La SDN, les cartels et l’organisation économique de l’Europe dans l’entre-deux-guerres », dans Dominique Barjot (dir.), Vues nouvelles sur les cartels internationaux (1880-1980), Caen, Lys, 1994 ; Charles Barthel, Bras de fer, les maîtres des forges luxembourgeois, entre les débuts difficiles de l’UEBL et le Locarno sidérurgique des cartels internationaux, 1918-1929, Luxembourg, Saint-Paul, 2006.

79 Christophe Bellon, « L’influence d’Eugène Duthoit sur une génération de militants », Actes de la journée d’études Victor et André Diligent, université catholique de Lille, 1er février 2013, Les lumières de Lille, 2014.

80 Philippe Castermans, « Autour de la paix... », art. cité, p. 230-231.

81 Archives diocésaines d’Arras, Fonds 3Z9-546, Papiers Mgr Julien.

82 Voir Olivier Prat, Marc Sangnier et la Paix : Bierville et les congrès démocratiques (1921- 1932), thèse de doctorat d’histoire, université Paris-Sorbonne, 2003.

83 Cité par Martine Delattre, Mgr Julien et la paix, mémoire de maîtrise, université de Lille III, 1988, p. 99.

84 L’Osservatore romano, 29 août 1928.

85 Christophe Bellon, « Le plan Briand d’Union fédérale européenne », dans Sylvie Guillaume (drt.), Penser et construire..., op. cit., p. 12-20.

86 Antoine Fleury et Lubor Jilek (eds.), Le plan Briand d’Union fédérale européenne, Documents, Genève, 1991, p. 63-64. Rapport du gouvernement français, septembre 1930.

87 Sur ce sujet, voir Anne-Marie Saint-Gille, La « Paneurope » : un débat d’idées dans l’entre-deux-guerres, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2003.

88 Encyclique Quadragesimo anno, 15 mai 1931.

89 Georges Suarez, Briand, op. cit., p. 139.

90 Christophe Bellon, Briand. L’Européen, op. cit., p. 79.

91 Saint-John Perse, Œuvres complètes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1972, p. 605.

92 Ibid.

93 Cité par Christophe Bellon, Briand. L’Européen, op. cit. p. 102.

94 Cité par Henriette Levillain, Saint-John Perse, op. cit., p. 246.

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