Exhumer les dossiers polémiques à l’époque de Charles VI : une intuition, un chantier
Exhuming Political Cases from the Reign of Charles VI: An Intuition, a Path Forward
p. 29-37
Résumés
Par son appétence pour la littérature politique du règne de Charles VI et par sa fréquentation des sources manuscrites, Nicole Pons s’est très tôt intéressée aux polémiques. De nombreux articles inscrivent, par leur titre et les vocables employés, ses études dans le champ de l’histoire des controverses : libelles, controverses, polémistes, dossiers polémiques, débats politiques… Son intuition fut surtout de s’intéresser aux dossiers polémiques qui portaient les textes. Cette intuition fait écho au chantier qui pourrait être ouvert concernant les dossiers polémiques de l’époque du Grand Schisme.
In her taste for the political literature of the reign of Charles VI and in her familiarity with the manuscript sources, Nicole Pons was very early interested in the debates of this period. Numerous articles of hers, by their titles and key words, place her studies in the field of the history of these controversies: lampoons, controversies, polemicists, polemical cases, political debates… She was especially interested in the polemical dossiers which included texts. This focus indicates the path that subsequent research can take concerning the polemical files of the time of the Great Schism.
Texte intégral
1Par son appétence pour la littérature politique du règne de Charles VI et par sa fréquentation des sources manuscrites, Nicole Pons s’est très tôt intéressée aux polémiques. Dès ses travaux sur Jean de Montreuil, dans les années 1970, regroupés sous le titre L’œuvre historique et polémique, elle a suivi le fil de la polémologie sur l’espace chronologique de la guerre de Cent Ans1. Dès son premier livre en 1975, intitulé Célibat et nature, une controverse médiévale, et jusque dans les années 2010, elle est restée sensible aux débats, politiques surtout, de l’époque de Charles VI2. De nombreux articles inscrivent, par leur titre et les vocables employés, ses études dans le champ de l’histoire des controverses : libelles, controverses, polémistes, dossiers polémiques, débats politiques3… Elle s’est penchée, au sein de cette littérature politique et polémologique, sur quelques thèmes de choix : la littérature de propagande de guerre, le sentiment national voire nationaliste, l’historiographie des premiers humanistes français.
2En 1995, Nicole Pons publie un article, dans le cadre d’un colloque international du CNRS organisé en l’honneur de Gilbert Ouy en 1992, intitulé « À l’origine des dossiers polémiques : une initiative publique ou une démarche privée ?4 ». Cet article, en apparence anodin, porte en lui une profonde intuition, dont je n’ai pas connaissance qu’elle ait été creusée depuis. En quelques pages, Nicole Pons signale une source passée inaperçue parce que noyée dans les recueils factices qui gisent dans les fonds des bibliothèques. Non contente de s’attacher aux traités politiques, aux traités polémiques et aux traités de propagande de l’époque de Charles VI, Nicole Pons s’intéresse à leur support, ce qu’elle nomme des « dossiers polémiques ». De fait, les œuvres sont transmises dans des ensembles à coloration anti-anglaise plus ou moins forte. Ce sont des recueils qui portent les traités. La médiéviste s’attache surtout à étudier la manière dont les manuscrits sont composés : « La nature des recueils et les ensembles dans lesquels les textes sont copiés peuvent en effet nous renseigner sur les motivations des auteurs et des copistes5. » En posant la question de l’origine de ces recueils, à savoir initiatives publiques ou démarches privées, Nicole Pons énonce plus fondamentalement une démarche : elle met en lien un état archivistique des sources – encore inexploitées – avec des traités aujourd’hui bien connus, voire édités. Or, derrière l’histoire purement intellectuelle de cette littérature polémique, en nous signalant leur support archivistique, Nicole Pons suggère une piste pour appréhender la circulation des textes et leurs milieux de production, les motivations des auteurs et leurs pratiques de travail, les réseaux et notamment les milieux du pouvoir dont ils ressortissent. Elle pointe donc, dans une assez classique pratique de la codicologie, un champ d’études pourtant inédit, qui consisterait à s’intéresser à ces dossiers de traités en tant qu’objets matériels comme à de véritables témoignages d’une conscience nationale qui s’aiguise et s’affirme au fil du xve siècle6.
3Que l’entreprise ne soit pas aisée, nul n’en disconviendra. Comment tout d’abord démêler ces recueils d’autres recueils factices aussi abondants que méconnus dans la masse des manuscrits encore inexploités et laissés de côté par les chercheurs ? Les dépouillements semblent décourageants et l’exhaustivité impossible. De plus, le départ doit être effectué entre les manuscrits du xve siècle et leurs copies plus tardives des xvie et xviie siècles dont il est difficile de discerner entre les pièces originales et les motivations, érudites ou autres, des compilateurs modernes7. Aussi Nicole Pons procède-t-elle par sonde. Neuf recueils sont examinés, regroupés en trois catégories. Elle s’appuie pour le premier exemple, le « recueil de Charles V », sur le travail de Françoise Autrand8. Commande royale, le recueil constitué par Gérard II de Montaigu s’avère une sorte de manuel aisément maniable et transportable « où était consigné ce que le roi estimait important pour souligner les deux idées-forces de sa politique : la souveraineté nationale et la prééminence de la couronne de France9 ». Un deuxième ensemble, les recueils diplomatiques, s’intéressant au contentieux franco-anglais, ont été bien étudiés par Peter Lewis10. L’objectif de ces recueils, donné par une sorte de « circulaire interne11 », aurait été d’établir les droits que le roi possède contre son adversaire anglais, en son royaume et également « touchant le fait de l’église galicane12 ». Enfin, un troisième ensemble, de deux autres recueils diplomatiques, prouve que ces recueils étaient encore constitués d’une autre finalité. Il s’agit de Paris, BnF, nouv. acq. fr. 6215 et 6224, ne concernant que le contentieux franco-anglais. Ils transmettent notamment des mémorandums diplomatiques rédigés pour le parti français (1369 et 1390) : ce sont sur ces deux mémorandums que s’appuient les traités contre les prétentions des rois d’Angleterre. Mais ces traités nous transmettent aussi des documents émanant de la chancellerie anglaise. Bref, il semblerait ici que l’on ait affaire à une initiative personnelle de documentation de la part d’un personnage haut placé, vraisemblablement dans le milieu de la Chambre des comptes, et bien renseigné puisqu’il dispose de pièces qui ont dû connaître une diffusion très restreinte13.
4Nicole Pons ne se contente pas de cerner la pratique de ces recueils, leurs différentes motivations et leurs milieux d’appartenance, elle met en lien l’histoire des pratiques codicologiques et archivistiques avec l’histoire intellectuelle et socio-culturelle de l’époque de Charles VI. Pour le dire autrement, elle met en lien le recueil et les traités ou libelles qui y sont consignés. Ainsi, s’éclaire la conception partisane de ces œuvres, rédigées dans des contextes archivistiques et politiques, dont on essaie de retracer la diffusion, laquelle participe de la propagande de guerre14.
5Trois dossiers en lien avec des traités polémiques sont étudiés. Il s’agit de celui de Juvénal des Ursins qui composa, à la demande de Charles VII, son Traité compendieux destiné à fournir une sorte de mémorandum de travail au moment où, vers 1445-1446, des négociations étaient envisagées entre Henri VI et Charles VII15. Le deuxième est celui de Jean de Montreuil, qui utilise les recueils comme un rassemblement de notes à usage personnel, à partir desquels il écrit la première version de son Traité contre les prétentions des rois d’Angleterre ou Traité contre les Anglais. Enfin, l’auteur de Pour vraye connaissance avoir, établit lui aussi de son propre chef un dossier diplomatique vers 1471. Sorte de manuscrit de travail, ce recueil contient les mêmes pièces que celui utilisé par Montreuil, le manuscrit bruxellois. Les recueils jouent donc des fonctions différentes par rapport aux traités politiques qui en sont issus et qu’ils contiennent : pièces justificatives sur lesquelles l’auteur appuie son argumentation ; matériel de travail resté dans les papiers des auteurs ; pièces d’archives beaucoup plus personnelles qui signalent l’extrême confidentialité dont jouissent les auteurs souvent très officiels et partant, qui appartiennent aux milieux du pouvoir. À partir de ce matériau, Nicole Pons conclut à l’état d’esprit nationaliste des grands corps d’État auxquels appartiennent les auteurs de ces compilations ainsi qu’à la motivation partisane qui les meut.
6Démarche personnelle ou commande politique ? La question posée en titre d’article par Nicole Pons n’est finalement pas le plus intéressant du propos. Ce que l’on retiendra est plutôt l’attention portée à un type de documentation, abondante et méconnue, les dossiers polémiques, dont l’approche articulée entre étude codicologique et étude doctrinale devrait permettre de décupler les résultats d’une analyse sociologique de la production culturelle à l’époque de Charles VI, par la reconstitution des réseaux, des milieux de production et de travail, des sphères du pouvoir et de leurs motivations, enfin de la progressive construction d’un sentiment national au fil des événements diplomatiques eux-mêmes. L’étude éclairerait également les liens entre les grands corps d’État, notamment le Parlement, et les implications polémiques dans la politique.
Un chantier
7Il se trouve que ce type de documents, les recueils de dossiers ou dossiers polémiques, sont à la même époque une des sources les plus intéressantes – quoique difficiles d’accès – pour aborder la période du Grand Schisme et la manière dont les grands prélats du temps polémiquent et réfléchissent. Jacques Monfrin avait, dans ses premières années, esquissé une étude de ces dossiers dans son mémoire inédit de l’École française de Rome en 1950. Le titre, mal référencé dans les bibliographies actuelles – et pour cause, le mémoire est perdu – ne s’intitule pas « Les dossiers sur le schisme et la bibliothèque de Benoît XIII » mais « Benoît XIII et les politiques religieuses au temps du Grand Schisme (dossiers sur le schisme)16 ». On aurait pu penser qu’il en avait repris la substance dans l’introduction à La Bibliothèque pontificale à Avignon et à Peñiscola pendant le Grand Schisme d’Occident et sa dispersion, mais il n’en est rien17. Hélène Millet a évoqué ces recueils à plusieurs reprises dans ses articles et a souligné leur importance18. En 2011, Annick Brabant, spécialiste du Grand Schisme pour la Normandie, a évoqué le sujet dans un article des Mélanges de l’École française de Rome-Moyen Âge : « Documenter le Grand Schisme d’Occident. Étude sur les recueils de deux intellectuels normands, Simon du Bosc et Simon de Plumetot19. » De manière non exhaustive et souvent fautive, l’article a néanmoins le mérite d’épingler les plus connus de ces recueils : ceux de Simon du Bosc, c’est-à-dire les trois manuscrits de Rouen, cotés BM 1355, 1356 et 1357 ; ceux de Simon de Plumetot, huit en tout20.
8C’est peut-être Michael Seidlmayer qui, en 1940 et 1941, dans deux articles programmatiques, a le plus approché la complexité de ces recueils, du moins ceux conservés dans les fonds de l’Archivio Segreto Vaticano21. À partir de la liste établie par Francesco Rovira en 1404, un an après la mort de Martin de Zalba, évêque de Pampelune et éminence grise de Benoît XIII, Michael Seidlmayer retrouve la série des 24 volumes du cardinal de Zalba, c’est-à-dire 24 dossiers sur le schisme conservés dans l’Armarium LIV de l’Archivio, dits Libri de scismate, pour les distinguer des volumes conservés à la Bibliothèque nationale de France à Paris, dits Tractatus de scismate. Les volumes sont abondamment annotés de la main de Martin de Zalba, une écriture difficile à lire, voire illisible. Notons également la série du fonds Barberini à la BAV, qui aurait plutôt appartenu à Benoît XIII : il s’agit des sept volumes Vatican, BAV, Barb. 870 à 876.
9Pour ma part, j’ai étudié le manuscrit parisien BnF, lat. 1464322. Ce recueil, vraisemblablement compilé, corrigé et annoté par Guillaume de Longueil et non pas par Jean Gerson, comme l’a autrefois pensé Gilbert Ouy23, serait le fruit d’une vision ecclésiologique particulière du schisme, celle des universitaires parisiens de type cessionniste et surtout le reflet d’un milieu, celui du parlement de Paris, dont Guillaume de Longueil est, par son frère, un proche. Pour ne prendre que ce seul exemple, nous retrouvons quelques traits que Nicole Pons a évoqués de son côté pour les recueils polémiques. Tout d’abord, il s’agit d’un recueil colportant des traités ecclésiologiques et polémiques majeurs, du premier temps du schisme notamment (Henri de Langenstein, Conrad de Gelnhausen, Giovanni da Legnano, Jacques de Sèves, Pierre Bohier, Honoré Bonet, Bernard Alamand), mais aussi du second âge (G. Ronacensis, Cardinal de la Grange…). Le compilateur amasse même plusieurs versions d’un même texte : c’est ainsi que nous avons trois collations du De fletu Ecclesie de Giovanni da Legnano. Ensuite, les pièces sont annotées pour être travaillées, critiquées, contestées ou méditées. Ainsi le correcteur-annotateur commente abondamment l’épître d’Oxford, réponse à l’épître de Paris. Transparaissent dans ces marges densément remplies, l’animosité anti-anglaise de leur auteur, le ton virulent, la plume acerbe et le style enlevé des cessionnistes du temps. Le recueil contient aussi de nombreux documents officiels (lettres de l’université de Paris à d’autres universités, lettres diplomatiques des papes avignonnais, lettres aux cardinaux, au roi de France, au roi de Castille, aux ambassadeurs divers…). Le recueil fonctionne par dossiers, le décompte et le repérage des cahiers le montrent bien. Ainsi nous avons un dossier autour des Novem quaestiones présentes dans le volume et l’ensemble de l’offensive cessionniste de l’Université autour du serment du conclave, fin août 1395. La très centrale Epistola parisiensis y figure ainsi que le mémoire de Pierre le Roy, destiné à rallier l’Angleterre et qui lui aussi appartient à cette série, de même que les Considérations sur le serment et le parjure du pape, en réponse aux attaques des Novem quaestiones, sans compter les Requeste Universitatis et les Narratio et gravamina ou encore la Prima appelatio contre Benoît XIII. Le volume s’avère ainsi non seulement un manuel qui rassemble les pièces importantes pour les débats des années 1395-1396, mais aussi le lieu même d’élaboration d’une réplique et d’une offensive, voire d’une contre-offensive dans les polémiques ecclésiologiques contre Benoît XIII et ses canonistes, dans les années de la rupture diplomatique avec la politique royale et l’université de Paris. Redisons-le, à la suite des remarques de Nicole Pons pour ses propres traités, les recueils de dossiers polémiques rassemblent des pièces des deux parties en présence, toutes méditées par les controversistes du temps. Concluons également que ce recueil, proche des milieux du pouvoir, en l’occurrence parlementaire, reflète par sa facture, son agencement et ses annotations, une conception de l’ecclésiologie partagée par l’université de Paris d’une part, mais aussi le monde parlementaire, d’autre part, dont on sait par ailleurs la collusion.
10Il va sans dire que de nombreux autres recueils nous renseigneraient encore, par leur étude codicologique approfondie, par leur attribution et par la connaissance de leur circulation, sur les réseaux des prélats et les appartenances des polémistes du temps, ainsi que sur la progression des représentations ecclésiologiques et des évolutions doctrinales qui y sont perceptibles. Les recueils ont d’ailleurs des liens entre eux, comme le Paris, BnF, lat. 14643, qui est éclairé par l’autre ensemble de dossiers conservés dans un manuscrit similaire, le Paris, BnF, lat. 14644, dont Simon de Plumetot était également le propriétaire. Il est plus ponctuellement éclairé par la série des dix volumes de la Bibliothèque nationale de Paris, dits Tractatus de scismate, cotés latin 1462 à 1481, selon l’agencement suivant :
Paris, BnF, latin 1462 | Tome I | Numérisé sur Gallica |
Paris, BnF, latin 1472 | Tome II | Numérisé sur Gallica |
Paris, BnF, latin 1479 | Tome III | Numérisé sur Gallica |
Paris, BnF, latin 1469 | Tome IV | Numérisé sur Gallica |
Paris, BnF, latin 1470 | Tome V | / |
Paris, BnF, latin 1471 | Tome VI | / |
Paris, BnF, latin 1478 | Tome VII | Numérisé sur Gallica |
Paris, BnF, latin 1475 | Tome VIII | / |
Paris, BnF, latin 1481 | Tome IX | Numérisé sur Gallica |
Paris, BnF, latin 1480 | Tome X | Numérisé sur Gallica |
11De même, le Rouen, BM, 1355, peut faire écho à certains textes. De son côté, le ms. Paris, Bibl. Mazarine 1689 multiplie les copies des textes de Martin de Zalba et vient appuyer, d’une part, le texte de ce dernier contenu dans Grenoble, BM, 988, d’autre part, celui de Paris, BnF, lat. 1475. En effet, dans le recueil de Grenoble, BM, 988, c’est la vision pontificaliste qui domine et les commandes d’une réfutation faites par Benoît XIII à neuf canonistes circulent dans ce seul recueil comme un manuel et un manifeste.
12Dire donc que le chantier est immense, c’est encore peu dire. Il faudrait d’abord collationner tous les recueils De schismate, à Paris, à l’Archivio et ailleurs (Rouen, Grenoble…) pour faire un premier état des lieux du fonds archivistique et du corpus. Il faudrait ensuite esquisser une prosopographie des acteurs identifiés : Benoît XIII, Martin de Zalba, Simon du Bosc, Simon de Plumetot, Guillaume de Longueil et d’autres. À partir d’eux, retrouver les correspondances, les réseaux et les milieux comme Hélène Millet l’a suggéré pour Guillaume de Longueil par exemple ou pour Martin de Zalba. Il faudrait bien sûr procéder à des études codicologiques, paléographiques et d’histoire des bibliothèques pour chacun de ces volumes avec la plus grande minutie, le comptage des cahiers étant décisif, puisqu’il s’agit de documents assemblés dont on retrouve l’indépendance matérielle de départ par la facture différente des cahiers. Il faudrait bien sûr regarder de près les annotations des marges, souvent celles du propriétaire-correcteur. Il faudrait assurément établir les textes et les traités qui circulent dans ces manuscrits en spécifiant leur genre (diplomatique ou doctrinal) et le nombre des copies du traité. Il faudrait envisager les correspondances entre ces recueils. Michael Seidlmayer avait repéré qu’entre le volume 15 de l’Arm. LIV et le volume 17, il y avait un lien de continuité puisqu’il s’agit d’un même volume (fol. 1 à 72 du vol. 15 et fol. 65 à la fin du volume 17)24. Enfin, il faudrait spécifier les finalités de ces recueils : notes de travail, commandes politiques, manuels faciles à transporter ou à utiliser, dossiers de compilations pour utiliser comme des pièces justificatives, dossiers de pièces rares, etc.
13Peut-on enfin imaginer croiser les pratiques de ces recueils ecclésiologiques avec les recueils de littérature politique, tant il est vrai que les hommes circulent d’un milieu à un autre et sont finalement les mêmes, officiers et prélats tout à la fois, hommes de cour et théoriciens des pouvoirs ensemble ? Peut-on, en collaboration avec d’autres chercheurs dans une équipe internationale de travail, dresser une chronologie de ces pratiques de travail et des caractères communs ? Peut-on voir des spécificités selon les milieux du pouvoir qui les produisent – je pense au parlement de Paris ? Autant de questions, de pistes, de chantiers ouverts dont l’intuition suggérée dans l’article de Nicole Pons n’a pas fini de prouver sa force.
Notes de bas de page
1 Jean de Montreuil, Opera, vol. II : L’œuvre historique et polémique, Turin, G. Giappichelli, 1975 ; vol. III : Textes divers. Appendices et Tables, Paris, Éditions Cemi, 1981 ; vol. IV : Monsteroliana, Paris, Éditions Cemi, 1986 (éditions en collaboration avec Ezio Ornato et Gilbert Ouy).
2 Nicole Pons, Célibat et nature, une controverse médiévale. À propos d’un traité du début du XVe siècle, Paris, CNRS, 1975.
3 N. Pons, « La guerre de Cent Ans vue par quelques polémistes français du xve siècle », dans Philippe Contamine, Charles Giry-Deloibon et Maurice Hugh Keen (éd.), Guerre et société en France, en Angleterre et en Bourgogne, XIVe-XVe siècles, Villeneuve d’Ascq, Presses de l’université Lille III, 1991, p. 143-169 ; Ead., « Pour ce que manifestation de Vérité. Un thème du débat politique sous Charles VI », dans Dominique Boutet et Jacques Verger (éd.), Penser le pouvoir au Moyen Âge (VIIIe-XVe siècle). Études d’histoire et de littérature offertes à Françoise Autrand, Paris, ENS Éditions, 2000, p. 343-363 ; Ead., « À l’origine des dossiers polémiques : une initiative publique ou une démarche privée ? », dans Monique Ornato et Nicole Pons (éd.), Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle. Actes du colloque international du CNRS organisé en l’honneur de Gilbert Ouy (Paris, mai 1992), Louvain-la-Neuve, FIDEM, 1995, p. 361-377.
4 Nicole Pons, « À l’origine des dossiers polémiques : une initiative publique ou une démarche privée ? », dans Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle…, op. cit., p. 361-377.
5 N. Pons, « À l’origine des dossiers polémiques… », art. cité, p. 361.
6 Ibid., p. 377.
7 Ibid., p. 362.
8 Françoise Autrand et Philippe Contamine, « Les livres des hommes de pouvoir : de la pratique à la culture écrite », dans Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle…, op. cit., p. 193-204. Voir aussi André Artonne, « Le recueil des traités de la France composé par ordre de Charles V », dans Mélanges Clovis Brunel, 2 vol., Paris, École nationale des chartes, 1955, I, p. 53-63.
9 N. Pons, « À l’origine des dossiers polémiques… », art. cité, p. 363.
10 Peter Lewis, « War Propaganda and Historiography in Fifteenth-century France and England », Transactions of the Royal Historical Society, 5th Series, 15, 1965, p. 1-21.
11 N. Pons, « À l’origine des dossiers polémiques… », art. cité, p. 364.
12 Ibid.
13 Ibid., p. 366.
14 Ibid., p. 368.
15 Ibid., p. 369.
16 Voir le livre sur l’histoire de l’École française de Rome, dirigé par Michel Gras, qui comporte une annexe avec les intitulés des mémoires des membres, M. Gras, À l’École de toute l’Italie : pour une Histoire de l’École française de Rome, Rome, École française de Rome, 2010, p. 391 et suiv.
17 La Bibliothèque pontificale à Avignon et à Peñiscola pendant le Grand Schisme d’Occident et sa dispersion : inventaires et concordances, M.-H. Henriette Jullien de Pommerol et Jacques Monfrin (éd.), 2 vol., Rome, École française de Rome, 1991.
18 Voir, entre autres articles, Hélène Millet, « Le cardinal Martin de Zalba (m. 1403) face aux prophéties du Grand Schisme d’Occident », dans L’Église du Grand Schisme, 1378-1417, Paris, Picard, 2009, p. 198-219, notamment p. 198-199.
19 Annick Brabant, « Documenter le Grand Schisme d’Occident. Étude sur les recueils de deux intellectuels normands, Simon du Bosc et Simon de Plumetot », Mélanges de l’École française de Rome-Moyen Âge, 123/2, 2011, p. 597-610.
20 Il s’agit de Paris, BnF, lat. 14617 ; lat. 14643 ; lat. 14457 ; lat. 14669 ; lat. 14575 ; fr. 23428 et du manuscrit Vatican, BAV, Ottob. Lat. 3081.
21 Michael Seidlmayer, « Die Libri de Schismate und die spanischen Zeugenverhöre », dans Die Anfänge des grossen Abendländischen Schismas, Münster, Aschendorff, 1940, p. 197-228 et Id., « Die spanischen Libri de Schismate des Vatikanischen Archivs », Gesammelte Aufsätze zur Kulturgeschichte Spaniens, 8, 1941, p. 200-262.
22 Voir B. Sère, Les débats d’opinion à l’heure du Grand Schisme. Ecclésiologie et politique, Turnhout, Brepols, 2016, notamment p. 69-93.
23 Voir, entre autres, G. Ouy, « Gerson et l’Angleterre : à propos d’un texte polémique retrouvé du Chancelier de Paris contre l’Université d’Oxford, 1396 », dans A. H. T. Levi (dir.), Humanism in France at the End of the Middle Ages and the Early Renaissance, Manchester, 1970, p. 43-81.
24 M. Seidlmayer, « Die Libri de Schismate… », art. cité.
Auteur
Bénédicte Sère, maître de conférences-HDR en histoire du Moyen Âge à l’université de Paris Ouest Nanterre. Spécialiste d’histoire culturelle (anthropologie scolastique, histoire des émotions, exégèses), elle a soutenu une Habilitation à diriger des recherches sur le Grand Schisme, l’ecclésiologie et l’art des polémiques. Elle a publié, entre autres : Penser l’amitié au Moyen Âge. Étude historique des commentaires sur les livres VIII et IX de l’Éthique à Nicomaque (xiiie-xve siècle), Turnhout, Brepols, 2007. En collaboration avec Nelly Labère, Les 100 mots du Moyen Âge, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2010. En collaboration avec Jörg Wettlaufer (dir.), Shame between punishment and penance. The social usages of shame in the Middle Ages and Early Modern Times, Florence, SISMEL, Micrologus, 2013. Les débats d’opinion à l’heure du Grand Schisme, Turnhout, Brepols, 2017.
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