Chapitre 7. Le catholicisme social dans l’arène politique
p. 229-269
Texte intégral
1. Les efforts du catholicisme social au Jalisco
1.1. 1909, l’année des projets
1Les dernières années de la dictature porfirienne ont connu un réveil politique vigoureux face à l’épuisement du régime instauré par Díaz. De nouveaux acteurs ont donné vie à des projets politiques différents, élaborant des propositions de sortie à la crise politique de la succession présidentielle et, dans certains cas, aux problèmes sociaux de l’époque. Il s’agit, principalement, du reyisme, de l’antiréélectionnisme et du catholicisme socio-politique1. A partir de 1909, ces projets ont pris la forme de mouvements politiques, aux présences plus ou moins marquées selon les régions, chacun d’entre eux visant cependant à acquérir une dimension nationale.
2Comme on l’a vu, la vie politique au Jalisco, depuis la fin 1908, est dominée par la présence du mouvement reyiste, qui concentre la majorité des efforts politiques de cette période. Que ce soit pour le construire ou pour le persécuter, pour le désirer ou le craindre, le reyisme structure les mouvements de la plupart des acteurs politiques.
3On ne saurait dire, cependant — citant ce qui est devenu un lieu commun —, que todo Jalisco era reyista [« tout Jalisco était reyiste »], expression qui ne fait que reprendre littéralement le discours des reyistes eux-mêmes, puisque tout au moins les deux projets politiques d’envergure nationale mentionnés ci-dessus coexistent avec le reyisme. Le premier, l’antiréélectionnisme, clair et explicite, suit les lignes du mouvement national. Jusqu’au mois d’octobre 1909 — date du départ de Reyes pour l’étranger —, il est plutôt effacé par l’ombre du reyisme. Une fois ce dernier démantelé, ses prises de position explicites — origine probable de son succès très relatif jusqu’alors — le placent en situation de relais du mouvement politique libéral et lui assurent de nombreux adhérents et sympathisants2.
4Le second projet, d’inspiration catholique, est à première vue plus difficile à classer comme un mouvement politique, cette dimension étant voilée derrière celle d’« action sociale ». A la différence des deux autres, le mouvement catholique n’est pas, par définition, politique. Il acquiert sa dimension politique grâce au projet d’une avant-garde interne à tendances politisantes, comme une conséquence de sa dialectique interne, lorsque ce projet s’imposera en son sein.
5Ce mouvement est mal connu de l’historiographie régionale — et récemment encore il en était de même dans l’historiographie plus générale — qui n’en tient compte que d’une manière réductrice ou alors seulement pour les années 1911-1914, lorsque la persévérance de certains militants aboutit à la formation d’un parti politique. Or, pour ce mouvement, l’année 1909 fut tout aussi cruciale que pour le reyisme ; c’est l’année de son positionnement en tant qu’option politique.
6Le mouvement catholique plonge ses racines dans la doctrine sociale de l’Église et dans le mouvement international né avec ce que l’on appelle « l’action sociale catholique ». Cette doctrine redéfinit la relation entre les catholiques et la société, en essayant de résoudre ce qui fut appelé « la question sociale » — à savoir les problèmes de la société moderne, l’inégalité, la déchristianisation, la perte de la moralité, dont le libéralisme est tenu pour responsable. Le catholicisme essaie ainsi de faire face à la restructuration des relations entre l’état et l’Église (et donc de la place de l’Église dans la société, dans le temporel), que le libéralisme accomplissait dans plusieurs pays — autant en Europe qu’en Amérique —, et de contrer la poussée du socialisme et de l’anarchisme, conçus comme des dérivés du libéralisme. L’époque et l’espace abordés ici se comprennent mal si on ignore cela3.
7Les principes de cette nouvelle orientation se trouvent d’abord dans les Encycliques de Léon XIII Quod Apostolici Muneris (du 28 décembre 1879) et, particulièrement, dans Rerum Novarum (du 1er mai 1891) qui « va, pour des décennies, servir de référence privilégiée au catholicisme social et aux partis qui s’en réclament »4 ; puis dans divers documents émis par Pie X, notamment son Motu Proprio du 18 décembre 1903, concernant l’action catholique, en particulier l’action catholique italienne5.
8Il convient de signaler l’importance de cette nouvelle attitude de Rome vis-à-vis de la confrontation de l’Église au modernisme et au libéralisme : d’une condamnation passive, l’Église passe aux propositions mobilisatrices. L’importance de ce changement de position ne saurait être trop rappelée en ce qui concerne l’histoire mexicaine.
1.2. Le catholicisme social mexicain au début du xxe siècle
9Si la compréhension des débuts du catholicisme social mexicain passe obligatoirement par celle de l’histoire générale du catholicisme, elle passe aussi par celle des rapports entre l’Église catholique et l’état mexicain. Il faut ainsi tenir compte de ce que Jean Meyer qualifie d’ « anticléricalisme d’état »6 tout autant que de l’anti-libéralisme intransigeant de l’Église qui s’est souvent traduit, pendant le xixe siècle, par l’appui à des mouvements hostiles aux gouvernements libéraux.
10La plupart des historiens ayant traité la question s’accordent pour signaler un assouplissement des rapports entre l’Église et l’état à l’avènement de Porfirio Díaz au pouvoir et l’acceptation par la hiérarchie de l’Église catholique d’accords tacites avec le gouvernement de Díaz qui assurèrent à ce dernier son concours à la conservation de la paix et de l’ordre public. Ces accords portaient sur la non-application des lois de Réforme en échange de la non belligérance de l’Église. Une telle entente a souvent été interprétée comme supposant l’abandon par l’Église du champ politique, abandon souvent identifié à l’inaction 7.
11Cette interprétation provient d’abord des versions et des témoignages de certains militants catholiques acquis à la démocratie chrétienne à la fin du porfiriat (comme Eduardo J. Correa). Elle est ensuite reprise — et remaniée — par l’historiographie de la révolution triomphante, notamment par Alfonso Toro, dans une interprétation qui recourt au vieil argument des militants catholiques — la connivence de la hiérarchie catholique avec l’état — pour prononcer une double condamnation : celle de l’Église catholique et celle du régime porfirien et de Porfirio Díaz en particulier. On ne saurait par ailleurs négliger le fait que cette interprétation de Toro s’élabore en 1927, dans un moment de grande tension entre l’état mexicain et l’Église : la veille de l’explosion du conflit armé connu de nos jours comme la cristiada. Ainsi Toro, visant la justification de l’anticléricalisme à outrance des auteurs de la Constitution de 1917, essaie-t-il par exemple de démontrer la collaboration du clergé avec le porfirisme depuis la « révolution de Tuxtepec »8.
12Plus récemment cette entente a été rappelée dans des termes moins passionnels par des historiens s’intéressant aux régions9 ainsi que dans des études d’ensemble10.
13Comme ces différentes études le montrent, ces accords ont bénéficié aussi bien à l’état qui, pendant le porfiriat, n’a plus eu à se soucier d’oppositions politiques cautionnées par l’Église, qu’à l’Église, qui expérimenta un redressement sans précédents depuis la période coloniale11, avec la constitution d’un nombre considérable d’évêchés et d’archevêchés, ainsi que la fondation de nouveaux diocèses et séminaires12.
14La conciliation avec l’Église et l’établissement d’un modus vivendi, est ainsi un des éléments qui permettent le mieux d’apprécier les différences régionales et de mesurer par là même le degré de centralisation des politiques porfiriennes.
15Au Jalisco, d’une manière générale, les autorités civiles et ecclésiastiques développent un modus vivendi qui se caractérise par la non-agression et la cordialité. Tout au long du porfiriat, la haine et l’intolérance mutuelles affichées pendant les temps de la Réforme — et même avant celle-ci —13 semblent avoir laissé place à d’assez bonnes relations : les événements religieux d’importance comptent souvent avec la présence des autorités civiles aux côtés des ecclésiastiques. On peut ainsi voir, à la fin du xixe siècle, le gouverneur Luis del Carmen Curiel assister aux obsèques de l’archevêque Pedro Loza y Par-davé14 ; et le chef politique de Ciudad Guzmán présider, en 1907, avec le père Silviano Carrillo, la soirée littéraire du Xe anniversaire de la Unión Católica de Obreros15. Par ailleurs, ces événements au Jalisco ont quelques antécédents, antérieurs au porfiriat, comme cette inauguration, en 1869, du Lycée du père Guerra, à Lagos de Moreno, où l’ayuntamiento de la ville se fit représenter par le libéral Camilo Anaya16. L’histoire de l’état n’enregistre aucun cas comparable à celui de Próspero Cahuantzi, gouverneur de Tlaxcala, envoyé devant le Grand Jury du Congrès National pour avoir participé aux obsèques d’un évêque à Puebla17.
16Il est par ailleurs indéniable qu’à la fin du porfiriat une partie de la hiérarchie catholique est étroitement liée à Porfirio Díaz et défend même les lignes politiques du régime (les grands exemples en sont Eulogio Gillow, Próspero Maria Alarcón, Atenógenes Silva)18. On pourrait presque parler d’une génération de cette hiérarchie qui admettrait le qualificatif de « porfiriste ».
17Pour certains auteurs, c’est à partir de l’encyclique Rerum Novarum (1891) que les milieux catholiques commencent à s’agiter et à désirer rompre avec cet immobilisme19. Or, même si le message de l’encyclique est arrivé au Mexique avec une relative rapidité, on est toutefois obligé de signaler le décalage qui existe entre la parution du document et ses répercussions dans le milieu mexicain. En effet, il se produit, avec cette encyclique, un phénomène comparable à celui suscité par l’entretien Díaz-Creelman20 : les études sur le catholicisme social mexicain accordent peu d’importance à ce décalage et font de la publication de Rerum Novarum le moment de naissance du catholicisme social au Mexique, de la même façon que l’on a tendance à faire du moment de la publication du célèbre entretien celui de la naissance d’une forte agitation politique et d’une opposition organisée au régime de Díaz.
18Mais, compte tenu des progrès des moyens de communication et des échanges culturels intenses avec l’Europe à l’époque, c’est au type de rapports entre une partie de la hiérarchie et l’état porfirien, ainsi qu’au traditionalisme de certains évêques, qu’est imputable sans doute le décalage existant entre l’arrivée des idées de Rerum Novarum au Mexique et les premiers essais institutionnels d’application de la doctrine sociale dont elle est porteuse. Par ailleurs, aussi bien les études récentes que les témoignages de l’époque ont montré l’absence d’unanimité parmi les évêques et archevêques dans la manière de suivre les enseignements de Léon XIII sur la « question sociale », phénomène qui est commun à l’ensemble du monde catholique21.
19Ainsi, quant à la diffusion de la doctrine, c’est lors du Primer Concilio Provincial, célébré à Guadalajara en décembre 1896, que l’évêque du Colima, Atenógenes Silva, expose les grandes lignes de la « question sociale », inspirées des enseignements de Léon XIII22. Quant à l’action, les premières initiatives éparses qui reprennent l’esprit des enseignements du pape, naissent six ans après la promulgation de Rerum Novarum, en 1897. Il s’agit de la Unión Católica de Obreros, fondée par le P. Silviano Carrillo à Ciudad Guzmán23 et de la Sociedad Católica de Artesanos, établie à Chihuahua la même année et qui fonctionne encore à la fin du porfiriat24.
20Toutefois, ces exemples — qui par ailleurs devraient se multiplier avec le développement des historiographies régionales — restent des initiatives isolées, non inscrites dans une stratégie d’ensemble de l’Église elle-même ni dans un mouvement catholique aux aspirations plus globales. Il faudra attendre pour cela que le Vatican organise, en 1899, le concile plénier des évêques latino-américains25.
21Par ailleurs, ce n’est qu’avec les nouvelles générations d’ecclésiastiques formés au Colegio Piolatinoamericano à Rome26, que la hiérarchie passe de la domination de dignitaires libéraux ou traditionalistes, d’abord à une confrontation des forces et à un relatif partage du territoire et du pouvoir, ensuite à une hégémonie des évêques engagés dans l’action sociale, voire dans la démocratie chrétienne — en particulier avec l’ascension de José Mora y del Río.
22Ce n’est, finalement, qu’au tournant du xxe siècle, que l’on verra se cristalliser des initiatives comprenant l’ensemble du pays et marquant en quelque sorte les débuts du nouveau mouvement catholique mexicain : les congrès catholiques.
23Mais, là encore, le poids des rapports entre l’Église catholique mexicaine et l’état porfirien demeure très important et entrave les premiers pas du mouvement catholique. De cela témoignent en particulier les avatars du projet de fondation d’un parti confessionnel ; projet formulé dès le début du siècle, mais qui ne sera réalisé qu’à la chute du régime de Díaz27.
1.3. Les congrès catholiques
24Les catholiques mexicains organisés se sont ainsi incorporés, avec un décalage relativement court, au courant international qui prêchait la recherche d’une solution à la « question sociale » par la voie de l’action.
25Une bonne partie de leurs efforts se résume dans l’organisation régulière de réunions nationales. En effet, entre 1903 et 1909, il y eut quatre Congrès Catholiques (Puebla en 1903, Morelia en 1904, Guadalajara en 1906 et Oaxaca en 1909) ; trois Congrès Agricoles (Tulancingo en 1904 et en 1905 ; puis Zamora en 1906) et une Semaine Sociale-Agricole (Léon, 1908)28.
26Il faut se garder de voir dans ces assemblées le résultat d’une Église catholique unifiée, au sein de laquelle les laïcs et les clercs ne faisaient plus qu’un. Au contraire, des divergences importantes, recoupant celles du catholicisme international, existaient dès avant les congrès qui s’y sont manifestés et qui allaient s’approfondir et se confronter tout au long de cette période29.
27Parmi ces différences, une des plus importantes était celle opposant le « thomisme rénové »30 des évêques éduqués au Colegio Piolatinoamericano de Rome, au traditionalisme de certains de leurs homologues31. Les hommes qui animèrent le catholicisme social et socio-politique étaient en particulier liés aux néo-thomistes, et surtout, dans la période et dans la région ici étudiées, à un homme en pleine ascension, Mora y del Río32.
28Des diverses réunions nationales, deux sont d’une importance particulière pour l’objet de cette étude : le troisième Congrès Catholique National, qui eut lieu à Guadalajara, puis le quatrième, à Oaxaca, où naquit une initiative politique très importante, à savoir la création des operarios guadalupanos, organisation de type inédit qui conduit à la formation du Parti Catholique National et dont le Jalisco fut un des foyers les plus forts33.
29En effet, le troisième congrès à Guadalajara et l’implication des militants locaux dans son organisation, marquent un jalon important pour l’ensemble du catholicisme social dans l’état, en faisant de la ville, pendant quelques jours, le centre du catholicisme social mexicain34.
2. La presse
2.1. Une nouvelle orientation
30L’attitude du Vatican envers la presse connaît, elle aussi, un changement profond sous le pontificat de Léon XIII, qui encouragea les catholiques à se servir de la liberté de la presse plutôt que de se borner à la condamner35. La presse devint ainsi un des instruments de prédilection de l’action sociale catholique.
31Ici encore, on ne saurait soustraire le Mexique à un contexte plus vaste, celui du mouvement catholique international, même s’il observe des temps particuliers qui sont en rapport avec sa situation interne. Ainsi, si l’ensemble des élites porfiriennes a sans cesse cherché à « se mettre à l’heure européenne », les catholiques militants qui en faisaient partie n’ont pas été en reste dans ce mouvement et, de la même façon qu’une partie de l’élite libérale au pouvoir suivait attentivement l’évolution du positivisme, les premiers ont suivi de près l’évolution de la doctrine sociale de l’Église, commençant par les enseignements de Léon XIII et allant jusqu’à bien connaître les variantes dans la pratique de leurs confrères européens, en particulier allemands, français, espagnols, italiens et belges.
32Ces deux éléments (participation aux rythmes internationaux et ajustement aux temps des dynamiques internes) s’apprécient parfaitement dans l’évolution de la presse catholique mexicaine pendant le porfiriat. La presse catholique des premiers temps du régime est celle, ennemie du libéralisme, peu nombreuse mais bien présente, qui avait fustigé les régimes précédents. Elle adresse ses attaques à la doctrine libérale en général, et à la franc-maçonnerie et à l’école laïque en particulier. Lorsque Porfirio Díaz arrive au pouvoir, le combat de la presse catholique contre le libéralisme est vieux de plusieurs années. En effet, tout particulièrement depuis le triomphe du libéralisme juarista et la promulgation des Lois de Réforme, une lutte avait lieu contre ses symboles majeurs : l’école laïque et la franc-maçonnerie, car les conservateurs, vaincus militairement et politiquement, exprimaient leur opposition au régime dans la presse catholique. Pendant le porfiriat, les grands représentants de cette presse au niveau national étaient : La Voz de México (1870-1909) ; El Tiempo (1883-1912) ; El Pais (1899-1914)36.
33Or, dans les dernières années du régime, aux yeux de certains catholiques, cette presse ne remplissait plus sa mission, elle avait dévié son chemin et, d’une certaine manière, corrompu ses formes :
« A propos de presse : je parlais voici quelques jours avec le P. Bulnes de l’immoralité qui règne même dans la presse catholique, qui la rend, de ce fait, presque anticatholique, à rapporter [comme elle le fait] les crimes à sensation37. »
34Cette constatation permettait à certains de se plonger dans la nostalgie d’un temps passé où les combattants étaient dignes de ce nom :
« [Le Père] a ajouté que depuis la mort de Flores Alatorre, il n’y avait plus eu de journalisme véritablement catholique38 »
35Au tournant du xxe siècle et avec l’organisation de l’action sociale catholique, cette opposition se renouvela et changea de méthodes et de tactiques. Ce changement va s’avérer profond : de nouveaux acteurs entrent en scène, une idéologie et un programme nouveaux les animent ; pour certains de ces nouveaux militants catholiques, il s’agit entre autres de se démarquer du stigmate de leur parenté avec les conservateurs.
36Le catholicisme social bouleversa ainsi radicalement le rapport traditionnel que la presse confessionnelle mexicaine entretenait avec le politique : peu à peu, l’opposition purement idéologique catholicisme-libéralisme, céda en partie la place à une analyse plus fine des conjonctures politiques, non dépourvue pour autant, loin de là, d’un engagement idéologique. En raison de l’interdiction de participation à la vie politique dont le catholicisme est l’objet dans ses rapports avec l’état mexicain libéral, la presse est un des premiers objectifs de la nouvelle action, puisqu’elle est considérée comme un outil primordial pour l’approche du public et la conquête de l’opinion.
37Ainsi, à partir du premier Congrès Catholique on accorde à la presse une place de première importance. Les résultats de ce premier Congrès ont nettement favorisé le quotidien El Pais, le journal de J. Trinidad Sánchez Santos39. Graduellement, les militants catholiques passent de la simple constatation de l’inactivité ou de l’absence de la presse catholique à des actions concrètes : création de nouveaux journaux, rénovation des publications anciennes. On peut ainsi parler d’un renouveau de la presse catholique dans tout le pays et d’une accélération effective de son rythme de travail40, à commencer par une révision du rôle de la presse qui paraît avoir lieu dans les plus hautes sphères du catholicisme.
38Ainsi, à partir de la réalisation des premiers congrès catholiques nationaux, une nouvelle orientation se profile : il s’agit de faire de la presse un instrument de changement social41. Les pionniers de ce nouveau journalisme catholique au Mexique sont J. Trinidad Sánchez Santos (à Mexico) et Antonio de P. Moreno (à la Villa de Guadalupe), qui ne tarderont pas à être rejoints par Silvestre Terrazas (à Chihuahua) et Eduardo J. Correa (à Aguascalientes, puis à Guadalajara et finalement à Mexico). Par ailleurs, dans la mesure où ce nouveau journalisme est nourri par la doctrine sociale de Léon XIII et par les échos de celle-ci au Mexique au début du xxe siècle, des essais avaient accompagné les premières expériences d’organisation ouvrière42.
39Dès 1903, les Congrès catholiques avaient mis l’accent sur l’importance du rôle à accomplir par la presse confessionnelle en particulier pour contrer l’action de celle que fut appelée la « presse impie ». Toutefois, entre les appels à prendre une nouvelle voie et l’engagement effectif dans cette nouvelle orientation, le décalage est de quelques années et on ne voit apparaître la nouvelle presse que vers la fin de la dictature, en particulier à partir de 1909. Non seulement la préparation — théorique et technique — du renouvellement a demandé du temps, mais tout se passe comme si, finalement, les moyens de mise en pratique de ces nouvelles orientations n’avaient été trouvés qu’en pleine crise de succession présidentielle... Simple coïncidence ? sans doute pas, dans la mesure où ces catholiques sont aussi — en premier lieu peut-être — des Mexicains, et que cette crise a suscité chez eux, comme chez d’autres, un profond espoir d’ouverture politique et dégagé de nouveaux horizons. Dans ce sens le phénomène est profondément politique.
40L’année 1909 témoigne ainsi d’une accélération générale des nouveaux courants du catholicisme, que ce soit dans la presse ou dans le mouvement social. En effet, l’examen de la presse catholique pendant cette année montre déjà de plusieurs façons un changement profond dans le rapport des catholiques au politique, qui se traduit particulièrement dans leur décision d’agir dans ce domaine, et dont ils s’étaient tenus à l’écart jusqu’alors.
41La presse nous livre aujourd’hui maints aspects de cette nouvelle réalité, les mêmes ou presque qu’elle livrait à l’époque au lecteur et qu’il convient d’étudier car ils révèlent, pour partie, l’image que ces nouveaux acteurs voulaient laisser d’eux-mêmes et leurs stratégies d’approche du public. Le cas du Jalisco permet de suivre de près cette évolution et d’en reconstruire les différentes phases.
2.2. Jalisco, le renouveau de la presse catholique
42Comme dans les autres volets de l’action sociale, vers la fin du porfiriat deux éléments convergent dans l’impulsion de cette entreprise et contribuent à sa réalisation progressive : l’arrivée de José de Jesus Ortiz à l’archevêché et l’action des laïcs.
43Partisan décidé de l’action sociale catholique, Ortiz appuya décidément une nouvelle orientation de la presse. Ainsi, notamment, le commencement en 1904 d’une nouvelle étape du bulletin ecclésiastique — la publication officielle de l’archevêché —, dont l’artisan fut le P. Miguel M. de la Mora, doit lui être attribué. Le bulletin ne visait pas le grand public, mais il atteignait sans doute une partie importante — sinon la totalité — du clergé de l’archidiocèse et il était probablement lu par les militants laïcs. Il s’agissait, avec cette nouvelle série du bulletin, à la fois de contribuer à une nouvelle image de l’Église et de briser son identification avec l’obscurantisme.
44Le prélat attachait par ailleurs une grande importance à la diffusion de la presse catholique, et c’est dans ce cadre que doit être comprise la recommandation de la lecture de El Regional (en avril 1905, moins d’un an après sa création)43, dans la mesure où cette publication venait remplir un vide, puisque, lors de son apparition, il n’y avait plus de quotidien catholique édité à Guadalajara.
« Nous devons travailler sans repos jusqu’à obtenir que le journal catholique, approuvé et béni par l’Autorité compétente, parvienne entre les mains de tous les fidèles et pénètre dans tous les foyers [...]44. »
45La lecture de la presse catholique est placée symboliquement à un très haut niveau parmi les « œuvres de zèle », à peine en-dessous de l’école. Mais ce zèle ne doit pas s’arrêter à la lecture et à l’encouragement de la « bonne presse », il doit s’exercer aussi vis-à-vis de la « mauvaise » :
« Le moment venu, nous devons aussi rappeler aux fidèles leur devoir strict de refuser tout soutien direct ou indirect au journal impie, s’ils ne veulent pas se rendre complices de l’œuvre de perdition qu’il effectue ou essaie d’effectuer45. »
46L’Archevêque énumérait ensuite les sortes d’aides directes et indirectes que l’on pouvait prêter au journal impie : directement en collaborant à ses pages, en l’achetant ou le recommandant ou en vantant ses qualités, ne serait-ce que littéraires ; indirectement, en critiquant la presse catholique ou en lui refusant son soutien46.
47A partir de la restructuration en 1904 du Boletín Eclesiástico, le renouveau est marqué par quelques événements : création de El Regional en 1904 et de La Luz de Occidente en 1906 — à Ciudad Guzmán —47, pour atteindre son point culminant en 1909 avec la création de La Chispa et le changement de direction de El Regional, puis la naissance en 1910 de Restauración — l’organe des operarios guadalupanos.
48Même si toutes ces publications s’inscrivent dans la lignée du catholicisme social, il y a parmi elles des différences sensibles, qui méritent d’être exposées. La plus importante d’entre elles, le quotidien El Regional, peut être considéré, pour la période qui va de sa fondation à son changement de propriétaire (1909), comme un journal catholique dans lequel se mêlent une opposition traditionnelle au libéralisme et une doctrine sociale toujours orthodoxe.
49El Regional de cette première époque diffuse les idées du catholicisme social et suit les progrès du mouvement catholique international (France, Espagne, Allemagne, Belgique et, dans une moindre mesure, Argentine)48. Toutefois, les idées qu’il prend la peine de reproduire plus largement sont plutôt conservatrices ; un exemple majeur en est la reproduction de nombreux articles d’Albert de Mun49. En effet, il est significatif que El Regional reproduise, parmi la masse d’opinions catholiques françaises sur la séparation des Eglises et de l’état en France, celle d’un conservateur comme Mun, opinion qui, d’ailleurs, n’était pas majoritaire en France même50. Les cas allemand, belge et espagnol sont par ailleurs cités fréquemment comme prototypes de ce que la presse catholique doit être ; le cas français est lui aussi suivi avec attention, quoique souvent en guise de contre-exemple.
2.3. La croisade contre la « presse impie »
50Les signes les plus clairs de cette revitalisation des milieux catholiques apparaissent en 1909, sous la forme d’une croisade contre la presse qu’on appelait la « presse impie ». Ce combat avait été mis à l’ordre du jour particulièrement à partir du premier Congrès catholique. A la fin du porfiriat, les efforts d’hommes comme J. Trinidad Sánchez Santos (avec son journal El País, édité dans la capitale et sans doute à l’époque le journal catholique le plus diffusé et connu au Mexique), Antonio de P. Moreno à la Villa de Guadalupe (D.F.), avec El Centinela Católico, ou Silvestre Terrazas à Chihuahua, avec El Correo de Chihuahua, continuent à porter sur un renouveau de la presse catholique en tant qu’instrument de combat contre le « fléau » du libéralisme51 et, plus précisément, contre la « presse impie ». Ces efforts vont entre autres se concrétiser par la création d’une association et d’un congrès de journalistes catholiques en décembre 190952.
51A Guadalajara, les premières actions d’éclat ne viennent pas au départ directement de la presse catholique, mais de groupes de la société civile, probablement liés à l’archevêché.
52Un événement survenu au début de l’année donne bien une idée de l’éveil et de la capacité de mobilisation que le mouvement catholique était en train d’acquérir, sous la forme d’une réponse vaste et énergique aux provocations d’une certaine presse libérale. Que s’est-il passé ?
« L’Archidiocèse de Guadalajara, qui s’est toujours distingué par sa catholicité à toute épreuve, par sa piété proverbiale et par l’enthousiasme religieux de ses enfants, n’a pu cependant échapper à l’impulsion terrible que le torrent des coutumes contemporaines lui a imprimé, disons mieux, qu’il l’a jeté dans ces désastres vers lesquels il a poussé toutes les nations53 »
53Tels sont les mots par lesquels le chantre de la Cathédrale de Guadalajara, Luis Silva, résumait, lors d’une cérémonie expiatoire organisée à Mexico, l’enjeu difficile face auquel la modernité plaçait les catholiques — même les plus fervents — et qui était à l’origine d’une série d’injures faites à rencontre de la religion, dans ce fief de la catholicité qu’était, pourtant, l’archidiocèse de Guadalajara.
54En effet, le 17 janvier 1909, un tract avait été distribué sur la Plaza de Armas de Guadalajara, qui portait le titre de La reina de los cielos y el papa pío diez. Cette feuille provocatrice fut qualifiée d’ « immonde » à cause de son contenu jugé offensant pour la religion, le pape et les membres du clergé en général, et souleva de nombreuses protestations, dont la première fut celle des « dames catholiques de Guadalajara », qui condamnaient le contenu du tract et suppliaient le gouverneur de l’état de réprimer « l’insolence et le dévergondage de la presse impie »54.
55La réaction ne fut pas immédiate, puisque plus d’un mois s’est écoulé entre la distribution de la « feuille immonde » et la publication des premières protestations, ce qui suggère que l’organisation d’une action concertée a pris place entre temps. Un deuxième élément suggère cette concertation : le jour même de la publication de cette protestation, une manifestation publique d’expiation avait lieu dans Guadalajara, réunissant des milliers de personnes55. Elle avait été probablement organisée en accord avec les operarios guadalupanos, récemment créés56.
56Bientôt les pétitions se multiplient, émanant le plus souvent de femmes qui souscrivent au texte des « dames catholiques », en y joignant parfois des propositions concrètes de ce que nous appellerions de nos jours « actions civiques » : ne rien acheter aux magasins qui passent des annonces dans les journaux « impies », par exemple57. Cette proposition allait plus loin que les recommandations mêmes de l’archevêque, tout en s’inscrivant dans la même logique qui visait à identifier quels étaient les appuis « directs » et « indirects » à la presse « impie » et à les lui ôter58.
57Au cours des mois suivants, les signatures de soutien à cette protestation se multiplient59 et, en avril, des hommes commencent à se joindre à la démarche60.
58Une partie de ces pétitions précède la publication, le 27 février, d’une lettre pastorale de l’archevêque de Guadalajara au sujet « des horribles blasphèmes de la presse impie » et qui réprouve « l’audace téméraire de cette presse » 61. Les dispositions de cette lettre pastorale visent les catholiques qui collaboreraient par quelque moyen que ce soit à l’existence de cette presse. Il ne s’agit pas d’une légère réprimande, mais de mesures répressives fortes, comme l’excommunication pour les lecteurs de l’hebdomadaire tapatío El Despertador62.
59La mobilisation atteint aussi les rues : à la fin du mois ce sont les associations ouvrières des paroisses de San José et de San Felipe qui défilent. Invitées par le P. Antonio Correa, elles se réunissent « en protestation contre les impiétés de la presse dissidente »63.
60Nul doute qu’une telle initiative de prise pacifique de la rue n’aurait jamais pu avoir lieu sans le consentement de l’archevêque Ortiz. Non seulement elle était organisée par le P. Correa qui lui était très proche, mais, un mois plus tard, ce dernier était promu à la tête de la paroisse du Sagrario64.
61C’est dans le contexte de cette croisade contre la « presse impie », à la fin du mois de février, qu’apparaît La Chispa65, dont le premier numéro annonce déjà le ton combatif :
« Dieu et la Patrie, l’Église et la Société, seront les objets sacrés que La Chispa défendra de toutes ses forces66. »
62On retrouve ici les associations, caractéristiques du discours conservateur depuis le XIXe, entre Dieu-Patrie, Église-Société, doublées de l’idée que la franc-maçonnerie sème la désunion dans la Patrie en s’attaquant à sa religion majoritaire, la livrant par là même au protestantisme.
63Ainsi La Chispa, explicite-t-elle son combat-mission, dans une formule qui ressemble fort à une déclaration de guerre :
« La Chispa ne laissera jamais en paix les journaux qui attaquent la foi et les bonnes mœurs67. »
64La Chispa s’engage cependant dans un combat qui se veut non politique contre la « mauvaise presse ». Ces premières déclarations sont alors bien assorties de la prévention de rigueur :
« La Chispa n’a rien à voir avec la politique, mais elle se propose de conserver aux autorités civiles tout le respect qu’elles méritent, et même de louer les actes qui profiteraient à la société, sans pour autant se traîner aux pieds des gouvernants par le biais d’une vulgaire adulation68. »
65La Chispa est donc bien entrée en guerre et elle a des ennemis bien définis, qu’elle nomme : El Kaskabel, El Despertador (celui même dont la lecture venait d’être interdite par Ortiz) et La Gaceta.
66Il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur l’identité de ces ennemis : ce sont tous des journaux libéraux, mais non pas, loin de là, toute la presse libérale. Il s’agit, officiellement, de la presse considérée comme blasphématoire ; cependant, l’ennemi qui se profile rapidement au premier plan c’est plutôt La Gaceta.
67Nous n’avons pas affaire à n’importe quelle publication libérale, mais au journal le plus officieux de l’état, assimilé par ses contemporains au célèbre El Impartial de Mexico, quoique non ouvertement subventionné. Il paraît donc un peu naïf de croire qu’effectivement le journal n’a rien à voir avec la politique.
68Dans ce cas, cependant, les absences sont encore plus significatives : des journaux libéraux indépendants comme La Libertad ou Jalisco Libre, ou bien encore El Correo de Jalisco, ne sont pas attaqués. Non pas que les journaux libéraux indépendants soient plus « pieux » que La Gaceta, mais il est vrai que, dans l’ensemble, ils se gardent bien d’aborder les sujets religieux.
69La Chispa s’éloigne ainsi, dans la pratique, d’une des définitions de la catégorie « presse impie », encore présente à l’époque dans les milieux catholiques mexicains, qui l’identifie à l’ensemble de la presse libérale. Selon cette formulation, la presse libérale est impie par principe et celle qui n’adresse pas des attaques directes à l’Église et à la religion catholiques est tout autant, sinon plus dangereuse, que celle qui se pose en ennemie déclarée69.
70Il est vrai, par ailleurs, que ces publications n’étaient pas provocatrices vis-à-vis du catholicisme. Ces journaux libéraux ont dépassé le stade du vieux combat contre les conservateurs et la religion ; leur combat se situe ailleurs, à l’intérieur même du libéralisme et, dans leurs pages, sont autant visés la « corruption » du libéralisme que le régime qui s’épuise. On ne saurait donc les trouver « blasphématoires »... Ils ne s’occupent ni de religion ni d’Église. La laïcité n’est pas, à la fin du porfiriat, la question politique fondamentale ; la religion n’est plus ce « discriminant paradigmatique » (pour reprendre les termes de Franck Lafage70) qu’elle fut jusqu’aux temps de la Réforme71.
71En affichant sa volonté de s’inscrire dans le combat anti-libéral, à l’écart de la politique, La Chispa s’auto-esquissait un profil très traditionnel. Elle témoigne à sa façon de la diversité de voies que le catholicisme militant pouvait emprunter et elle ne représente pas une rupture avec le journalisme catholique d’opposition présent depuis la Réforme.
72En matière de rupture, l’événement le plus significatif est le changement de direction et de ligne éditoriale du quotidien El Regional, jusqu’alors dirigé par son propriétaire-fondateur Daniel R. Acosta et qui, début mai 1909, passe aux mains d’Eduardo J. Correa, avocat et journaliste originaire de l’état voisin d’Aguas-calientes72.
73Le changement qui s’annonçait était radical : le journal se moderniserait autant du point de vue des techniques utilisées dans sa production que des services proposés au public. Notamment, il élargirait son service télégraphique — une des grandes nouveautés du journalisme de l’époque —, et son prix se réduirait de moitié : un centime au lieu de deux par numéro73. La volonté d’atteindre un public de plus en plus large est ici explicite.
74Dans la pratique, à l’arrivée de Correa, le changement de El Regional va au-delà de tout ce qui avait été annoncé : les sujets abordés s’orientent de plus en plus vers le politique. L’élément qui nous donne la mesure de ce changement d’orientation est le rapport entre le journal et le mouvement reyiste. En effet, alors qu’il est en plein essor, dans les pages de El Regional, jusqu’à l’arrivée de Correa, le reyisme est inexistant. C’est dire qu’entre janvier et début mai 1909, aucune mention n’est faite ni du reyisme, ni de ses organisations, ni de ses acteurs ; si aucune autre trace du passé ne nous était parvenue, le reyisme n’aurait pas existé pendant ces mois de gestation.
75Cela ne peut que partiellement s’expliquer par une distance du journal vis-à-vis de la politique : s’il est vrai que, avant Correa, d’une manière générale El Regional se tenait à l’écart des questions nettement politiques — quoique en abordant des questions idéologiques directement liées au politique74 —, il est vrai aussi qu’en 1909 le journal ne peut plus se soustraire entièrement à la politisation croissante du pays ; il abandonne alors son attitude « neutre » pour donner des nouvelles du mouvement réélectionniste75.
76En ce sens, El Regional de ces premiers mois de 1909 semble plus officieux que La Gaceta de Guadalajara et encore plus que El Correo de Jalisco. Dans ces derniers, les différents mouvements politiques existent, loués ou vitupérés — tout autant que dans la presse reyiste. Or El Regional tombe, en la matière, dans le piège de son neutralisme et de son respect invétéré des autorités constituées. En effet, il prend le mouvement réélectionniste comme l’expression de la continuité gouvernementale et comme la seule politique existante. Pour lui le corralisme est le seul mouvement politique digne d’être mentionné et par conséquent le seul dont on trouve trace dans ses pages76.
77L’arrivée de Correa est, dans ce contexte, hautement significative : le jour même où son nom apparaît en première page le signalant comme directeur, le reyisme fait la Une du journal77. Pendant tout le mois de mai le journal suivra, sans commentaires, les affaires reyistes, particulièrement celle des officiers « déportés »78. Significatif, toutefois, le fait que Correa reproduise pendant ce même mois et, fréquemment, les opinions de Mexico Nuevo, le principal journal reyiste de Mexico. Graduellement, alors, le reyisme gagne du terrain dans le quotidien catholique qui commence à rendre compte des réunions du parti Independiente79 — comme il avait déjà annoncé la formation du Club Democrático —, puis de l’arrestation du lieutenant Rubén Morales80 et de la fondation, à Mexico, du Club Soberanía Popular81. Par ailleurs, la prise en main du quotidien catholique par Correa fut bien accueillie par certains reyistes ; ainsi sa modernisation fut saluée dans les pages de La Libertad82.
78Les premières prises de position politique de El Regional se rapprochent de celles de La Libertad ; un exemple remarquable en est le jugement sur le Club Central du Partido Democrático. La condamnation de cette organisation reposait simultanément sur le fait qu’elle affichait des principes anti-catholiques, et sur le fait que ses membres n’étaient pas indépendants du pouvoir, qu’ils occupaient des charges publiques et particulièrement des sièges à la Chambre Nationale des Députés83 C’est sur ce dernier point que l’argumentation rejoint remarquablement celle du journal de Navarro, analysée précédemment84.
79Au fur et à mesure que le reyisme acquiert de l’importance dans les pages du journal, une vision différente de la conjoncture politique locale se profile, d’abord discrètement puis franchement ; l’opinion de Correa devient moins implicite, tout un gardant son apparente neutralité (mais le contenu même de la neutralité a changé : elle ne signifie plus omission mais discrétion ; ce qui est, dans les deux cas, loin de signifier l’impartialité qu’elle devrait sous-tendre). Ainsi, par exemple, lorsque les corralistes sont attendus pour leur meeting avorté85, El Regional note :
80« Comme dans cette ville [Guadalajara], la candidature de M. Corral est vue avec quelque répugnance, plusieurs groupes se sont préparés afin de faire un accueil peu amène aux orateurs réélectionnistes [...]86. »
81Cependant, si l’attitude de Correa est plutôt discrète à l’égard du reyisme, on ne peut pas en dire autant de ses correspondants dans les villes et villages de l’intérieur de l’état, dont le ton de sympathie pour le reyisme met à mal le non-engagement du journal catholique ; tel ce correspondant à Tequila qui rapportait que
« dans la population sensée [de Tequila] l’idée du Reyisme a surgi, de façon virile et enthousiaste, car il s’agit, en premier lieu, d’un Général plein de mérites et en second lieu, d’un jalisciense d’une immense valeur civique87 ».
82On ne peut affirmer de Correa qu’il fut reyiste ; on peut sentir ses sympathies pour les mouvements indépendants et imaginer les liens et les projets qui le rapprochaient de gens comme Francisco L. Navarro, directeur de La Libertad. On sait par ses mémoires qu’il fut un madériste convaincu et on peut imaginer qu’il ne fut pas forcément attiré par la figure du général Reyes, tout en l’ayant peut-être été par le mouvement reyiste local et même national. Sous sa direction, et à force d’appuyer, quoique discrètement, les mouvements indépendants, El Regional devint un journal d’opposition politique au régime por-firien. On peut dire qu’il changea les modalités de son opposition au régime : si auparavant il avait été surtout un adversaire idéologique — très modéré par ailleurs sur le plan pratique —, il devint un opposant politique à part entière, bien que timide au départ.
83C’est El Regional qui permet de confirmer la répression croissante du reyisme : retrait par la police des affiches de la Liga de Estudiantes de Guadalajara en faveur du tandem Díaz-Reyes88, expulsion des étudiants des écoles supérieures89, destitution de plusieurs médecins de leurs charges de professeurs de l’École de Médecine et à l’Hôpital Civil à cause de leur filiation reyiste, ainsi que l’expulsion de tous les élèves internes — hormis deux, corralistes — de cette dernière institution pour la même raison90.
84C’est également par El Regional que l’on connaît mieux les méthodes corralistes d’action et la répulsion de la population vis-à-vis de ces méthodes, dans des détails que la presse reyiste elle-même ne fournit pas. C’est le cas de cette réunion réélectionniste dans le quartier de Analco, pour laquelle de nombreuses personnes avaient été convoquées à la Plaza de Gallos par un employé de la police. Le journal affirmait :
« Il ne manque pas des personnes qui, selon les données que nous avons, se sont abstenues d’assister à ce Club politique, les unes faute de temps, d’autres parce qu’elles ne voulaient pas se mêler de politique et d’autres encore par manque de sympathies envers les idées que le dit Club poursuit91. »
85Mais le rapport au reyisme n’est qu’une manifestation de ce changement d’attitude face au politique et l’évidence de la naissance d’une nouvelle presse catholique. Il y a des rubriques où cette nouvelle attitude est posée de manière théorique, explicite et large : les éditoriaux. En effet, la ligne éditoriale de El Regional va, elle aussi, beaucoup changer sous la nouvelle direction.
86Après ce que l’on peut considérer comme une période d’essai, où la vie politique, locale et nationale, constitue une partie essentielle des pages informatives du journal, exempte toutefois d’un quelconque commentaire, viennent les prises de position franches. Non seulement il commence à y avoir des opinions particulières sur des questions politiques, mais on voit encore apparaître de nouveaux sujets ; ainsi, dans l’éditorial du 20 juin 1909, se profile pour la première fois le thème de l’action sociale catholique.
« Avant toute autre chose il nous faut des journaux ; des journaux modernes, vigoureux et indépendants, qui ne soient pas au service d’intérêts personnels et qui aillent partout, qui envahissent toutes les classes sociales, qui émeuvent les cœurs, qui impriment de la vigueur aux cerveaux et qui fortifient les volontés92. »
87Tout cela cadre bien avec le moment de la prise en main du journal par Correa et l’objectif, clairement énoncé, d’atteindre — de conquérir pourrait-on dire — un public très vaste ; « [des journaux] qui aillent partout, qui envahissent toutes les classes sociales ». La formule est sans équivoque et l’expression rappelle, dans des termes plus ambitieux et vigoureux, les mots de l’archevêque Ortiz en 1905, lorsqu’il souhaitait que la presse catholique « parvienne aux mains de tous les fidèles et pénètre dans tous les foyers [...] »93. L’ensemble de ces actions a pour objet de sortir la population d’une léthargie prolongée, assimilée à un affaiblissement moral des catholiques. La presse catholique accomplit ainsi — ou doit accomplir — selon Correa, un rôle d’aiguillon. Ce discours n’est pas sans rappeler celui tenu par les libéraux antiporfiristes concernant le réveil de l’esprit citoyen endormi, sacrifié sur l’autel de la paix porfirienne. Cependant, le discours catholique, à l’inverse du libéral, préfère au terme de « citoyens » celui de « catholiques ». Ainsi, dans ce même éditorial du 20 juin 1909, Correa reproduit les termes d’un article de son confrère La Esperanza, qui incitait clairement à l’action :
« La loi n’est pas si mauvaise qu’elle empêche la sociabilité catholique. Il y a plus de garanties, plus de liberté, surtout sous le régime de tolérance, qu’on ne le dit et qu’on ne le publie. Il y a des articles dans la Charte Fondamentale dont les catholiques devraient profiter pour leurs fins religieuses [...]. D’où vient cette sorte de catholicisme opportuniste en usage de nos jours ? Du manque d’union et de cohésion des catholiques. C’est pourquoi nous ne voyons ici rien de semblable aux organisations allemandes, françaises ou anglaises94. »
88A partir de là, l’engagement de El Regional sur la voie des mouvements en faveur de la démocratie devient de plus en plus clair ; le journal, sans devenir partisan, prend peu à peu position contre toute candidature imposée. C’est ainsi que les mouvements d’opposition comme le reyisme ou le ferrelisme (soutenant la candidature indépendante de José Ferrel au gouvernement du Sinaloa) prennent une place de plus en plus importante.
89Si, dans le cas du reyisme, le mode d’emploi implicite de l’espace public porfirien (préconisant souvent une opinion non explicite) est encore respecté — et cela peut-être en raison de la force du mouvement dans l’état et donc de la crainte d’une réaction hostile du gouvernement d’Ahumada —, dans le cas du ferrelisme, mouvement actif dans l’état du Sinaloa, la position de El Regional est très nette dans sa condamnation de la candidature de Diego Redo, imposée par le gouvernement central, et de la répression subie par l’opposition. La place que le ferrelisme prend dans les colonnes de El Regional s’accroît de jour en jour, et le mouvement contre la candidature imposée de Redo est suivi avec le plus grand intérêt.
90Le suivi des progrès du ferrelisme débute le 20 juin, avec la reproduction des déclarations de José Ferrel contre l’appui du gouvernement au candidat Diego Redo95. Par la suite, à mesure que la situation s’échauffe, les gros titres rendront compte de la conjoncture délicate que traverse le Sinaloa : le 16 juillet, ils notent qu’une « révolution » menace l’état à cause de l’inquiétude des ferrelistes ; deux jours plus tard, est affirmé sans ambages : « Tout Mazatlán est anti-corraliste »96.A la veille des élections, un article rend compte de l’emprisonnement — qualifié de « honteux » — de multiples membres des clubs ferrelistes97. Quelques gros titres du mois d’août illustrent encore mieux la prise de position du journal par rapport au ferrelisme : « Triomphe de José Ferrel au Sinaloa »98, « Ferrel continue de triompher »99. Enfin le 14 août, un article nous apprend de quelle façon on commence officiellement à déclarer, « contre la vérité des faits », le triomphe de Redo100. Le journal suivra encore les tentatives des ferrelistes de redresser leur situation en demandant l’annulation des élections101, avant d’annoncer, laconiquement, la déclaration officielle faisant de Diego Redo le nouveau gouverneur du Sinaloa102. Que le journal soit devenu un opposant déclaré à la politique de Díaz, cela semble évident.
91Parallèlement, on trouve régulièrement des références au madérisme. Le journal suit en effet attentivement les déplacements et la campagne de Madero103 de même que son état de santé104, et ses actions politiques, comme l’invitation faite aux reyistes pour rejoindre l’antiréélectionnisme105.
92Mais, si le journal établit un nouveau rapport avec les faits politiques extérieurs, et s’il s’inscrit de plus en plus dans les files de l’opposition, très vite on comprend qu’il a, et qu’il affirme, sa ligne politique particulière. En effet, au milieu de toutes ces nouvelles concernant le reyisme, le ferrelisme et l’antiréélectionnisme, El Regional ne laissera jamais le lecteur oublier sa filiation catholique et son adhésion au catholicisme social. Plus exactement, son changement par rapport à la politique d’une manière générale découle de son engagement en faveur du catholicisme social et c’est à partir de ce dernier qu’il doit être compris.
3. Les Operarios Guadalupanos
93Au début de l’année 1909, la naissance d’une nouvelle organisation vient marquer un tournant d’importance majeure dans les rapports entre les militants catholiques et la politique. Son étude est essentielle pour la compréhension de la vie politique de la fin du porfiriat : il s’agit des operarios guadalupanos.
94Le Cercle d’Études de Notre Dame de Guadalupe, nom officiel que portait l’association, apparaît aujourd’hui, grâce aux plus récentes recherches, comme une organisation restreinte issue d’un groupe de six hommes réunis hors des instances officielles à Oaxaca, en janvier 1909, lors du quatrième Congrès Catholique National106. Ce Cercle est le produit de l’évolution d’un courant démocrate chrétien à l’intérieur du catholicisme mexicain et, dans cette mesure, il est aussi une manifestation des dissensions internes de ce dernier et des divergences exprimées lors des multiples réunions nationales au cours des années précédentes. Ces différences sont surtout celles opposant les militants conservateurs, partisans de la continuité avec le modus vivendi porfirien, à ceux, peu nombreux, acquis aux principes de la démocratie chrétienne et voulant imprimer au mouvement catholique social un tour novateur. Entre les deux extrêmes, toute une gamme de nuances dont la plus importante et la plus nombreuse est celle des catholiques sociaux, partisans d’une action sociale menée à l’écart de la politique.
95Déjà dans leur document fondateur, les operarios établissaient les statuts de leur organisation, en eux-mêmes assez explicites sur le caractère et les objectifs de la nouvelle organisation. En premier lieu, « La piété chrétienne ».
96Ensuite, les fondateurs se plaçaient sous l’autorité morale du plus grand animateur du catholicisme social, Léon XIII, ainsi que de Pie X, chef de l’Église catholique au moment de la fondation du cercle :
« Nos études auront pour idéal la façon de mettre en pratique la démocratie chrétienne, telle qu’elle fut bénie par S.S. Léon XIII, dans le but, défini par Pie X, de restaurer tout en Christ107. »
97D’autre part, dès la fondation, il est clair qu’un des buts est de former un réseau solide : chaque membre doit, une fois par mois — le 12, jour de la vierge de Guadalupe, « rendre compte au président et à cinq autres membres [...] des études et travaux personnels qu’il aura faits »108, et assister — ou être dûment représenté — aux assemblées générales annuelles. Enfin, le lien et la conscience d’appartenance au groupe étaient renforcés par l’adoption d’une devise, Per crucem ad lucem O.G. [operario guadalupano], que tous les membres s’engageaient à utiliser dans leur correspondance109.
98Le réseau national — au moins sans aucun doute dans sa phase initiale — est structuré en suivant des liens qui existaient auparavant, soit d’amitié soit d’échange intellectuel. Aussi bien au niveau national que dans l’état du Jalisco, les relations personnelles de l’avocat Miguel Palomar y Vizcarra semblent avoir été fondamentales pour la constitution du réseau110.
99Ce noyau initial donnera naissance à un mouvement qui s’étendra notamment aux états de Jalisco, Puebla, Hidalgo, Michoacán, Zacatecas, Aguascalientes, au Territoire de Tepic et au Distrito Federal, ainsi qu’à ceux de Chihuahua, Coahuila, Durango, Guanajuato, México, Nuevo León, Oaxaca, Querétaro, San Luis Potosí, Sonora, Tamaulipas et Veracruz, quoique dans ces derniers avec beaucoup moins de force. Ainsi, les operarios guadalupanos étaient représentés dans vingt des trente deux états de la fédération.
100Jalisco fut celui qui donna au mouvement le plus de force : des 335 membres que l’organisation réunit entre 1909 et 1912, 80 provenaient du Jalisco, soit 24 % du total. L’état qui le suit de plus près est Puebla qui comptait 33 operarios.
101Les operarios guadalupanos sont tous des membres des élites, laïcs ou religieux, ayant pour la plupart une formation professionnelle de haut niveau (médecins, ingénieurs, avocats), illustrant ainsi comment, en ce sens, le mouvement catholique de la fin du porfiriat a été fort traditionaliste : les cloisonnements de classe sociale et de genre ont été soigneusement maintenus. Les critères pour le recrutement des membres furent définis lors de la première réunion annuelle des operarios, en ces termes :
« [Que] les candidats soient des catholiques de terrain, de principes orthodoxes, dotés d’une sensibilité à la question sociale et qu’ils soient au moins aptes à acquérir les connaissances indispensables à l’action sociale catholique111. »
102L’importance accordée au choix des candidats est également explicite dans l’acte de constitution d’un centre d’operarios guadalupanos à Guadalajara :
« Dans la mesure où la prospérité d’une œuvre ou d’une institution dépend plus de la qualité de ceux qui la constituent que de leur nombre, on veillera à l’augmentation du nombre des associés, mais sans précipitation et en prenant soin de les élire parmi des personnes qui fassent preuve de persévérance112. »
103Structure non-institutionnelle, mais non pas marginale : les rapports étroits du Cercle avec un haut membre du clergé mexicain de l’époque, l’évêque Mora y del Río, lui confèrent un aval solide et constituent un élément clé pour la compréhension de son histoire. La carrière de Mora y del Río, en pleine ascension à l’époque, sera en effet déterminante pour le développement des operarios. Ces derniers seront, quant à eux, le bras droit de l’homme qui deviendra, en 1908, l’archevêque de Mexico.
104Une des preuves les plus patentes de cette collaboration et de la confiance que Mora avait dans le Cercle, est le fait qu’il confia très vite aux operarios l’organisation et développement des « semaines sociales »113. Créées par Mora y del Río en réaction à ce qui devait lui paraître un enlisement des congrès catholiques et agricoles en matière sociale, ces réunions annuelles, sous son seul contrôle, étaient entièrement dédiées à l’étude de la « question sociale ». Voilà qui explique aussi pourquoi l’élection d’un archevêque successeur de Alarcón au siège de Mexico en 1908, était si importante aux yeux des operarios, dont la vie est étroitement liée à Mora y del Río114. Par ailleurs, pour l’organisation de leurs réunions annuelles, les operarios s’accordaient avec le calendrier des semaines sociales115 Cela indique bien de quel côté se situaient les operarios guadalupanos.
3.1. Un symbole de rupture
105Le Cercle d’Études de Notre Dame de Guadalupe représente une rupture, aussi bien vis-à-vis du contexte international de l’époque, que par rapport au contexte mexicain en particulier. En ce qui concerne le contexte international, le groupe — né en pleine crise moderniste116—jongle avec une question très délicate : la démocratie chrétienne. La démocratie chrétienne s’inscrit, certes, dans le prolongement de l’idée de l’action sociale, — elle avait d’ailleurs été définie par Léon XIII dès l’encyclique Graves de Communi (190l) —, mais plusieurs groupes de militants, en particulier laïcs, ont poussé le concept beaucoup plus loin, en lui donnant d’abord un contenu essentiellement politique, puis en créant des mouvements qui tendaient à s’émanciper du contrôle de l’Église. Tel est la problématique que sous-tend l’expression « démocratie chrétienne » dans les premières années du xxe siècle117. Si déjà du temps de Léon XIII, le mouvement démocrate-chrétien, formé par une minorité d’avant-garde au sein du catholicisme, était vu avec suspicion (en particulier dans les milieux ecclésiastiques) du fait de sa tendance à l’autonomie118, cette situation s’aggrave avec le décès du « pape ouvrier », en juillet 1903, et l’avènement de Pie X, « figure emblématique dans la catholicité de l’intransigeance romaine et des milieux intégristes contemporains »119.
106En effet, à peine arrivé au Vatican, Pie X avait tenu à rappeler ce que devait être la démocratie chrétienne, ce qu’elle était aux yeux de l’Église, en l’identifiant à l’action populaire chrétienne (Motu Proprio, XII120) et en la distinguant emphatiquement de la « démocratie sociale » :
« [...] Cette démocratie chrétienne doit évidemment être comprise, dans le sens autorisé déjà déclaré, lequel, entièrement différent de celui de la démocratie sociale, a pour base les principes de la foi et de la morale catholiques, surtout, celui de ne léser en aucune façon la propriété privée121. »
107Mais surtout en apportant la précision suivante :
« Par ailleurs, la Démocratie chrétienne ne doit jamais s’immiscer en politique, ni ne devra jamais servir les partis ni les aspirations politiques ; ceci n’est pas son champ [...]122. »
108Et enfin :
« XIV. — Afin d’accomplir son devoir, la Démocratie chrétienne est dans l’obligation stricte de se soumettre à l’autorité ecclésiastique [...]123. »
109Le Motu Proprio établissait ainsi l’Ordonnance Fondamentale de l’Action Populaire Chrétienne en dix-neuf règles d’action.
110On ne saurait sous-estimer le fait que, si le Vatican se préoccupait de redéfinir ce que devait être la démocratie chrétienne, c’est bien qu’il éprouvait le besoin de rappeler à l’ordre des mouvements qui s’en réclamaient. Il n’est donc pas inutile de revenir ici sur le contexte européen dans lequel se développent plusieurs mouvements à dominante laïque qui prennent de plus en plus d’ampleur et qui affirment avec force leur tendance démocratique. Ceci n’est pas sans rappeler la ligne adoptée par Le Sillon, en France, et qui mènera à sa condamnation en 1910124.
111Il convient donc en premier lieu de tenir compte de la polysémie de l’expression « démocratie chrétienne » ainsi que du caractère ambigu de son usage à l’époque. Le choix de l’expression était risqué, dans la mesure où il restait toujours à savoir s’il s’agissait d’une forme plus ou moins orthodoxe de la démocratie chrétienne.
112Il est encore nécessaire de préciser qu’au Mexique, au sein des groupes les plus engagés, la discussion n’était pas close et que le concept ne faisait pas l’unanimité. C’est ce qui arrive aux operarios guadalupanos, organisation qui se définit dès le départ comme ayant pour référence la démocratie chrétienne et au sein de laquelle on trouvera, au fur et à mesure des conjonctures, des différences essentielles dans la conception fondamentale. Pourtant, la démocratie chrétienne dont se réclamaient les operarios, essayait de s’identifier totalement à la définition orthodoxe, en se référant très clairement à la démocratie chrétienne, « telle qu’elle fut bénie par S.S. Léon XIII »125.
113Cependant, les différents essais de concrétiser cet idéal révèlent plusieurs façons d’appréhender cette « démocratie chrétienne ». Notamment lorsqu’il fallut assumer une attitude face aux événements nationaux liés à la crise de la succession présidentielle de 1910. La différence la plus importante sera celle opposant les partisans d’un engagement dans la lutte électorale à ceux qui sont hostiles à une telle éventualité et qui estiment que le temps n’est pas encore venu pour ce genre d’action.
114D’autre part, le Cercle représente aussi un moment de rupture vis-à-vis du mouvement catholique mexicain, car il finit par se placer à la tête du courant favorable à une participation politique affichée, même si en son sein le débat reste ouvert126. Le cadre des rapports entre l’Église catholique et l’état porfirien, on l’a vu, ne prévoyait pas de place pour une telle orientation.
115Pendant le porfiriat, dans l’abandon de la politique confessionnelle et la résignation à la participation individuelle, il y a certes des réminiscences des conflits interminables du xixe et une acceptation de la part des catholiques du lien historique symbolique les unissant aux conservateurs ; mais il y a aussi bien des éléments qui rappellent la conjoncture précise que vit le catholicisme au niveau international.
116A plus d’un titre, les catholiques mexicains ont dû identifier leur situation à celle de leurs confrères italiens, touchés par le non expedit127, même si les différences avec le cas italien sont toutefois importantes. En effet, l’interdiction faite aux Italiens émane directement du Pape et est explicite, tandis que celle qui frappe les Mexicains émane de l’état libéral (donc d’un gouvernement dont ils reconnaissent l’autorité politique et administrative, mais non pas morale) et elle est en quelque sorte implicite et indirecte, dans la mesure où elle est due à la relégation du religieux dans la sphère du privé.
117Par ailleurs, même si, dans ce cas, l’interdiction ne se présentait pas sous la forme d’un document pontifical, c’est la hiérarchie mexicaine — suivant, semble-t-il, les désirs de Porfirio Díaz — qui a repoussé la formation d’un parti politique catholique depuis le début du siècle, ainsi que la plupart des auteurs s’accordent à le dire128.
118Si les Lois de Réforme ne sont pas vraiment appliquées, elles ont toutefois un effet indéniable, avec la non-constitution soit d’un groupe politique qui se revendiquerait conservateur ou héritier des conservateurs du xixe, soit d’un groupe qui proclamerait haut et fort ses liens avec le catholicisme, qu’il soit ou non conservateur. La majorité de la société semble avoir entériné et intégré cette séparation catholicisme-politique. C’est pourquoi, au niveau des élites, la décision du retour à la politique sous la bannière confessionnelle est avant tout une démarche intellectuelle. En ce sens, cette élite catholique progressiste que sont les operarios guadalupanos, emploiera une bonne partie de ses efforts à essayer de défaire le lien symbolique unissant systématiquement catholicisme et conservatisme.
119Ainsi, lorsqu’en 1905 le non expedit tend à perdre de son caractère impérieux, et que Pie X non seulement autorise mais demande aux catholiques italiens de participer aux élections législatives, les Mexicains ont pu y voir un signe qui leur était également adressé. C’est bien pourquoi le Boletín eclesiástico accompagne la publication de cette encyclique d’un large commentaire de la rédaction 129.
120Cependant, la situation demeurait très délicate pour les démocrates-chrétiens ; l’auteur dudit commentaire ne se trompait pas lorsqu’il terminait en notant que, même si toute l’encyclique concernait l’action catholique et qu’en faisant référence au Motu proprio de 1903 le pape parlait d’action populaire chrétienne,
« avec tout ça, pas une seule fois n’est nommée [...] la démocratie chrétienne. Nous ne prétendons en tirer aucune conclusion ; nous nous limitons à consigner le fait 130 ».
121Voilà une série de raisons qui expliquent en partie le choix de la discrétion comme méthode d’action de la part du Cercle. En effet, lorsque l’on essaie de suivre les traces des operarios guadalupanos en dehors de leur correspondance privée — dans la presse, par exemple — on se heurte à un problème majeur, à savoir, l’extrême discrétion dont ils ont entouré toutes leurs actions. En effet, de la lecture au jour le jour de la presse de l’époque — qu’elle soit catholique ou libérale, officieuse ou indépendante 131 —, il ressort qu’aucune ligne ne concerne ouvertement les operarios guadalupanos 132 ! Non pas que la presse ait ignoré délibérément cette association, mais bien plutôt qu’elle lui était inconnue, à moins qu’elle n’ait respecté une consigne d’extrême discrétion. Si cela ne saurait être le cas de la presse libérale, qui n’avait aucune raison de respecter ce silence, il en va autrement de El Regional, le quotidien catholique le plus diffusé à l’époque133.
122La discrétion était ainsi une préoccupation majeure des operarios, et ce à tous les niveaux. En matière de recrutement, par exemple, elle est explicite. Ainsi, en va-t-il de Miguel Palomar y Vizcarra — premier membre dans la région de Guadalajara —, lorsqu’il accepte d’adhérer au Cercle. Dans la lettre que lui adresse le président José Refugio Galindo, on peut lire :
« Nous, les Obreros Guadalupanos, devons être des propagandistes actifs, je vous prie donc d’inviter quelques personnes de toute confiance, en tant que discrets et bons catholiques, à appartenir à notre cercle134. »
123Cette préoccupation eut des retombées importantes, jusqu’au point d’amener les operarios guadalupanos à se poser la question de savoir s’ils devaient ou non agir comme une société secrète. Ainsi, un de leurs premiers accords stipule que, contrairement aux Caballeros de Colón, récemment organisés, les operarios guadalupanos n’agiront pas dans le secret ; cependant, l’existence d’un noyau d’élite restera inconnue du public135.
124On peut estimer que l’organisation agit dans le secret tout en ayant décidé le contraire. Elle a, en effet, des niveaux d’action différents et l’action sociale proprement dite est affichée sans que jamais on ne parle du cercle qui la promeut. Les journaux nous apprennent ainsi, par exemple, la constitution d’organisations ouvrières — mutuelles, cercles d’études etc. — sans nous révéler le lien qui les unit au sommet. C’est, parfois, la correspondance privée des operarios qui nous dévoile ce lien. Ainsi, par exemple, lorsqu’à l’initiative du centre des operarios guadalupanos de Guadalajara, s’organise une protestation contre la présentation d’un char allégorique nommé La Reforma, dans les fêtes du centenaire de l’indépendance 136, Palomar se félicitait-il de la discrétion avec laquelle tout avait été mis en place.
125En août 1910, Palomar insistait encore pour que le Cercle demeure fidèle à ce choix de discrétion : la question s’était posée au sujet d’une proposition faite afin que tous les operarios portent un signe distinctif. Palomar répondait par la négative,
« [puisque] nous sommes encore très peu nombreux dans la République, puisqu’il y a parmi nous nombre de prêtres qui se refuseront à l’utiliser et, principalement, pour la raison que je vous ai indiquée, pour ne pas publier dans Restauración Social la liste de tous les OO. GG. [operarios guadalupanos] 137 ».
3.2. Histoire et religion : les symboles d’une mission politique
126Il est clair que pour les operarios guadalupanos — de la même façon que pour une bonne partie de la classe politique porfirienne —, la conjoncture de la succession présidentielle de 1910 est perçue comme un moment charnière ; il y a chez eux une pleine conscience de vivre un moment de transition, qui s’accompagne de la conviction d’avoir une mission à accomplir. Cette conjoncture est perçue, en outre, comme un moment de réaction catholique ; le président Galindo, qui commente la campagne montée à Guadalajara « contre la presse impie », le formule dans ces termes :
« Si vous ajoutez à cet événement le grand enthousiasme de la grande majorité du peuple de Oaxaca et la frénésie avec laquelle fut accueilli Monsieur le nouvel Archevêque de Mexico [Mora y del Río], vous verrez comme moi que se produit actuellement une réaction catholique dans toute la nation et que nous n’avons qu’à travailler pour nous unir avec tous ces éléments, pour le bien de la patrie, conformément aux principes de la démocratie chrétienne138. »
127Pour certains, comme Galindo, il s’agissait d’une mission géographiquement vaste, comprenant l’ensemble de l’Amérique latine ; ainsi parlait-il du « destin providentiel du Mexique »139. Dans le cadre même d’une telle mission, le rôle de leur Cercle devait être celui de rassembleur d’efforts :
« L’existence d’un cercle qui vous paraît concurrent du nôtre [allusion probable aux Caballeros de Colón] m’a fait plaisir ; puisque je souhaite amener nos travaux à nous faire devenir le lien qui unisse en un seul faisceau sinon tous, du moins un grand nombre des travaux catholiques-sociaux de notre patrie [...]140. »
128Cette entreprise envisage de dépasser vers le sud les frontières mexicaines et est placée sous la protection et le symbole de la vierge de Guadalupe :
« Dans la mesure où la vérité guadalupana est un élément puissant pour encourager l’esprit national, et signifie l’union des deux races, la conquérante et la conquise, sous l’influence bénéfique du catholicisme, union qui est à l’origine des actuelles nations latino-américaines, les 00. GG. [operarios guadalupanos] doivent lutter pour que la Vierge du Tepeyac soit proclamée protectrice de l’Amérique latine141. »
129Mais, au-delà du religieux, quel était le sens de cette « vocation providentielle » de la nation mexicaine ? « Obtenir l’union avec les nations latino-américaines, afin de contrer l’ambition absorbante [...] des anglo-saxons du nord142. » Aspiration qui est le propre du registre discursif employé par l’ensemble de l’opposition au régime de Díaz et plus particulièrement à la politique des científicos.
130Les voies étaient doubles pour obtenir cette union : la dévotion à la vierge de Guadalupe et « le soutien, l’entretien et l’expansion de la langue de Cervantes »143 Sans doute, dans une telle optique, ont-ils essayé d’étendre leur réseau vers d’autres pays d’Amérique latine, ce en quoi ils n’ont pas obtenu un grand succès, même s’ils ont réussi à recruter des membres correspondants dans plusieurs pays (notamment au Venezuela et en Colombie).
131La figure d’Agustin de Iturbide144 est un autre symbole, plus difficilement extensible à l’ensemble de l’Amérique latine, mais auquel les operarios guadalupanos étaient également très attachés : ils s’attellent à réhabiliter sa mémoire en tant que « Père de la Patrie ». Les moyens proposés pour mener à bien cette entreprise furent des articles dans la presse, la mobilisation pour l’érection d’un monument à partir d’une souscription publique lancée par les journaux catholiques, la publication et la large diffusion d’une biographie ainsi que la célébration du 27 septembre 1910145.
132Cette entreprise est loin d’être une idée originale du Cercle, puisqu’elle fait partie du débat historique et identitaire mexicain depuis pratiquement l’exécution d’Iturbide. Dans cette querelle, que son utilisation au service des passions politiques avait particulièrement exacerbée, il importait d’imposer à l’ensemble du pays une version particulière de l’histoire et du moment fondateur de la nation indépendante, à travers une figure de Père de la Patrie, à choisir — en général de manière exclusive — entre Miguel Hidalgo et Agustín de Iturbide146. Traditionnellement, les conservateurs ont été « iturbidistes » et les libéraux « hidalguistes », sans que cette division recoupe celle entre catholiques et non catholiques, puisque il y eut bien des catholiques libéraux (comme Agustín Rivera), hidalguistes farouches ou du moins enthousiastes.
133Les operarios guadalupanos se situent à cet égard dans la lignée historiographique et identitaire conservatrices147, sans que cela autorise à les ranger sans précaution du côté des mouvements conservateurs de cette fin du porfi-riat. C’est ainsi que leur combat pour la réhabilitation de la mémoire d’Iturbide doit plutôt être lu dans le cadre d’un anti-libéralisme certes, sous bien des aspects, traditionaliste, mais pas forcément conservateur. En défendant la mémoire d’Iturbide, ils croyaient accomplir un devoir historique et patriotique et reprenaient tout l’imaginaire traditionnel lié à ce thème, notamment l’image de la « nation parricide ».
134Le plus enthousiaste animateur de ce combat chez les operarios fut Antonio de P. Moreno, mais il est clair qu’il s’agit d’un sujet qui intéressait plusieurs d’entre eux, bien avant la fondation du Cercle et que, de surcroît, il y avait plusieurs façons d’être iturbidiste148.
135Ainsi, par un effort d’« élévation » de deux figures, la vierge de Guadalupe, que l’on cherche à élever au rang de patronne de l’Amérique latine, et Agustin de Iturbide, que l’on cherche à faire reconnaître et officialiser comme « Père de la Patrie », les operarios guadalupanos visent, à travers ces deux emblèmes, l’un religieux, l’autre civique, à influencer le processus de création des symboles de la nation.
3.3. Comment le social devient politique
136Les objectifs politiques des operarios guadalupanos ne font pas de doute lorsqu’on consulte leur correspondance privée. Rien de plus clair que cette lettre de Antonio de P. Moreno à Palomar :
« En faisant référence à votre question à propos de Partis, je vous dirai, sous réserve, que, je Vous suppose informé par notre Président, Monsieur le Docteur Galindo, de l’objet de Notre Association d’Études Sociologiques, laquelle ne se limite pas à cela, mais comporte une autre fin : former des groupes partout, les initier petit à petit aux affaires politiques, élections etc., afin qu’à un moment donné, nous comptions avec des éléments catholiques suffisants pour participer à l’élection des gouvernants, députés et à ce qui sera nécessaire et bénéfique à Dieu et à La Patrie149. »
137Ces hommes sont donc rassemblés en partie par leur conviction de vivre une conjoncture particulière ; c’est l’éveil d’un catholicisme longtemps plongé dans la léthargie :
« Nous assistons vraiment à une situation que j’attendais depuis un certain temps, et de ces pressentiments en passe de se réaliser, est née à Oaxaca comme je vous l’ai dit, notre petite société150. »
138Il est intéressant de prêter attention à la façon dont cette question du parti est posée, début juillet 1909. Du point de vue du contexte, le reyisme est alors à son zénith, particulièrement dans Jalisco, où il constitue un pôle d’attraction très puissant, et où le madérisme commence à prendre forme. Pendant ce temps, les militants catholiques n’ont pas encore un avis arrêté sur la question politique. Leur seule certitude est qu’il faut participer, qu’il est temps d’agir et que le moment est unique : « c’est maintenant ou jamais que nous devons travailler pour l’avenir »151.
139Mais l’absence d’un programme et d’une stratégie est à cette date assez claire ; en plein juillet 1909, des choix politiques importants sont loin encore d’avoir été effectués :
« Quel doit être notre candidat à la Vice-présidence ? [...] Reyes, représente, est soutenu par la franc-maçonnerie, [...] Corral, est très proche des protestants [...] Appuyer le candidat du Général Diaz quel qu’il soit ? Ecco il problema152. »
140Comment expliquer que les catholiques soient à ce point en retrait des grands rendez-vous politiques contrairement aux autres forces du pays ? Les réponses à cette question sont sans doute multiples. Il est nécessaire, en premier lieu, de poser la question par rapport à la difficulté que représente un passage du social au politique.
141Pour le comprendre, il faut tenir compte du changement de conception concernant les rapports de ces hommes au politique, qui est pour partie affaire de générations153 Il est vrai que la non participation politique des catholiques en tant que tels était un principe entériné en quelque sorte par l’ensemble de la société porfirienne. Voilà qui explique l’insistance — aussi bien dans la presse que dans la correspondance privée — sur le fait que le temps est venu de sortir de la léthargie. Moment de rupture à cet égard que l’année 1909.
142Question aussi du poids pris par les laïcs dans l’action catholique : l’apparition des operarios guadalupanos en janvier 1909, marque le passage à un type d’organisation qui renforce la présence des laïcs dans l’action catholique. Sans oublier l’existence des Conférences de Saint Vincent de Paul, organisation dans laquelle, déjà, le rôle des laïcs était fondamental, il faut souligner les nouvelles formes d’apostolat laïc introduites par les operarios guadalupanos154. En effet, jusque-là, l’action catholique avait surtout été l’affaire des Semaines Sociales et des Congrès organisés et contrôlés par l’Église. Chez les operarios guadalupanos, bien qu’il y ait une participation importante d’ecclésiastiques, et bien que les décisions soient prises en accord avec Mora y del Río, on peut estimer que la direction est assurée de manière non institutionnelle. Il n’y a pas, à proprement parler, une subordination des operarios aux autorités de l’Église de manière traditionnelle, selon la structure institutionnelle par diocèses ou archidiocèses.
143Par ailleurs, le cercle associe à ses projets les évêques et archevêques lorsque cela est possible — et souhaitable —, mais n’en dépend pas directement. C’est ce qui arrive dans l’archidiocèse de Guadalajara, où il ne semble pas que Ortiz ait réprouvé les actions des operarios, même s’il ne les a pas particulièrement soutenues. L’action sociale était déjà un des points forts de sa gestion, et il n’avait pas attendu l’apparition du Cercle pour l’entreprendre. Aussi en avait-il une conception différente. Il semblerait plutôt qu’au moment de l’apparition du Cercle, l’archevêque fut déjà quelque peu en retrait, sans doute du fait de son âge. Il est probable par ailleurs, que les liens de l’organisation avec Mora y del Río aient poussé Ortiz à la réserve, s’agissant de la clientèle d’un autre évêque et non pas de la sienne propre. Les operarios guadalupanos entretiennent donc des rapports privilégiés avec Mora y del Río ; rapports qui sont loin d’être ceux d’un évêque avec ses ouailles, et qui constituent plutôt un autre type de lien traditionnel, celui du clientélisme politique.
144Les operarios guadalupanos apparaissent ainsi comme un groupe de pression associé à l’archevêque de Mexico. On ne saurait cependant sous-estimer leur degré d’autonomie et d’initiative : bien qu’ils aient eu les sympathies de Mora dès le départ, l’initiative de la création du Cercle ne revient pas directement à l’évêque même si elle correspond à un groupe qui lui est très proche. Si tel avait été le cas, la réunion de création aurait eu lieu sur « son » territoire — de la même façon que les semaines sociales se tenaient à León et que, plus tard, le centre Ketteler serait créé au palais archiépiscopal de Mexico — et non pas en un lieu que l’acte de fondation du Centre ne prend même pas la peine de consigner. Et si la proximité semble se resserrer au cours du temps et de l’évolution de l’organisation, il serait erroné de dire que les operarios guadalupanos n’ont été que des instruments de Mora y del Río. Au-delà de ces considérations, le projet du Cercle d’Études de Notre Dame de Guadalupe a une vie propre et ne dépend pas, dans son fonctionnement, de l’évêque, même si, souvent, il en attend la sanction.
145Quant à leur positionnement difficile par rapport au candidat à la Vice-présidence, il nous révèle les différentes possibilités qui s’offraient aux operarios, et rompt finalement avec les catégories préconçues que l’on aurait pu avoir à leur égard en les considérant en tant que catholiques, comme des antagonistes irréconciliables des libéraux ; ou en les inscrivant dans une ligne de continuité ininterrompue et sans nuances avec les conservateurs du xixe.
146On n’est pas peu surpris d’apprendre, par exemple, les sympathies de Palomar y Vizcarra pour Reyes155. Cela s’explique cependant si on tient compte de son origine régionale : les élites du Jalisco sont en bonne partie reyistes et le reyisme représente, à ce moment, à leurs yeux, l’espoir d’une ouverture politique. Les militants catholiques n’ont pas leur propre candidat à la Vice-présidence, mais ils ont leurs sympathies politiques.
147La correspondance nous permet de voir que d’autres membres avaient aussi des inquiétudes du même ordre, sans que l’on puisse — faute de sources plus complètes — savoir exactement quelles étaient leurs convictions personnelles.
« M. l’Ingénieur J. T. Figueroa sonde mon avis en matière de politique ; [...] je vous prie de vous entretenir avec lui ; ceci ne fera pas partie du programme écrit, mais du programme confidentiel et pratique156. »
148Par ailleurs, très rapidement on s’aperçoit que les membres sont de plus en plus absorbés par les activités politiques.
149Cependant, cette entrée en politique ne se fait pas sans difficultés, car les operarios guadalupanos ne sont pas tous d’accord sur ce point. Il y a même des oppositions de premier ordre, comme celle du président de l’organisation lui-même, J. Refugio Galindo, qui estime que le moment n’est pas venu de participer au combat électoral :
« Certains parmi nos plus respectables camarades auraient vu avec plaisir que nous, les catholiques mexicains, nous prenions partie dans la lutte électorale. J’ai le regret de ne pas partager leur avis [...]157. »
150En revanche, il est d’avis qu’il faut, par tous les moyens légaux, prendre possession, humainement, de l’administration publique, en amenant aux postes publics — des plus humbles jusqu’aux plus élevés — des personnes qui partagent leurs idées158.
151Galindo inscrivait ce projet dans la ligne tracée par la démocratie chrétienne en rappelant qu’elle était l’idéal suprême de l’association159. Et nous voilà revenus à la polysémie du terme, révélatrice de l’état embryonnaire d’élaboration d’un projet commun des operarios guadalupanos.
3.4. Les operarios guadalupanos dans le Jalisco
152Les operarios guadalupanos du Jalisco ont eu un poids incontestable sur l’ensemble du mouvement. Quantitativement, c’est un fait indéniable — les chiffres en ont été donnés ci-dessus —, la plus grande concentration d’operarios se trouve au Jalisco. Qualitativement, aussi : dans la direction du mouvement, depuis le début, le poids du centre de Guadalajara — fort de l’implantation de l’organisation dans la ville même et dans le reste de l’état — ne fera que s’accroître.
153Le leader du mouvement dans l’état est l’avocat Miguel Palomar y Viz-carra. Nul doute que sa personnalité ait été essentielle à ce développement du cercle surtout dans la région de Guadalajara. Toutefois, le dynamisme du noyau fondateur des operarios dans Jalisco a lui aussi joué un rôle important.
154Le soin de construire un centre operarios à Guadalajara et sa région avait été confié à Palomar par le président de l’association José Refugio Galindo, à peine un mois après la fondation du Cercle, en février 1909 : « Puisse votre propagande s’étendre à toutes les villes importantes des alentours de Guadalajara »160. Galindo suggérait l’intégration au Cercle du P. Loweree161, dont Palomar obtint l’adhésion, en même temps que celle de l’ingénieur José Tomás Figueroa, l’une des figures centrales du groupe culturel El Ateneo Jalisciense162. Se joindrait bientôt à ces fondateurs le nom du P. Miguel M. de la Mora163, l’artisan de la rénovation du bulletin ecclésiastique de l’archevêché de Guadalajara, qu’il dirigea entre 1904 et 1906. Ces quatre hommes peuvent être considérés comme les introducteurs du cercle dans la région.
155A partir de juillet, il faut également compter avec trois autres laïcs : Luis B. de la Mora, et les ingénieurs Félix Araiza et Nicolás Leaño164. Officiellement, cependant, la fondation formelle du Centre d’operarios guadalupanos de Guadalajara n’eut lieu que le 12 septembre 1909. Le nom de Gilberto Ramos figure déjà parmi les fondateurs165.
156Un des aspects les plus intéressants de ces premiers temps des operarios au Jalisco est leur association avec d’autres catholiques. Deux initiatives, auxquelles le nom de Luis B. de la Mora est étroitement lié, illustrent bien ce souci : la première est le projet de constitution de la Sociedad protectora de la buena prensa 166. Dans le deuxième cas, il s’agit de la réouverture de l’École Catholique de Jurisprudence à Guadalajara. Tant dans la presse que dans les communications officielles de cette École, aucune mention n’est faite des operarios guadalupanos ; c’est grâce à leur correspondance privée que l’on peut apprendre comment ils ont participé à cette action. A l’origine de l’initiative, Luis B. de la Mora (qui se révélera bientôt comme l’un des plus efficaces propagandistes du Cercle), qui réorganise la Sociedad Católica de Señores à Guadalajara, laquelle fera renaître son ancienne École de Jurisprudence167. Celle-ci ouvre ses portes au mois d’octobre, au premier étage de la maison de l’avocat Celedonio Padilla168. L’ouverture de l’école s’accompagne d’une lettre de l’archevêque Ortiz recommandant vivement aux catholiques en général et aux pères de famille en particulier le nouvel établissement169.
157Au-delà du fait qu’elle s’inscrit dans le programme catholique de lutte contre l’éducation laïque, cette réouverture d’une école professionnelle se produit dans un contexte bien spécifique, qui inclut toute la problématique politique du Jalisco à la fin de l’été 1909. Il est question du reyisme. En effet, comme on l’a vu, à la fin du mois de juin de cette année, la presque totalité des élèves des écoles supérieures (médecine, jurisprudence et ingénierie) ainsi qu’un bon nombre d’élèves du Lycée de l’état furent expulsés par ordre du gouverneur Ahumada, en raison de leur adhésion au mouvement reyiste. La mesure risquait même d’entraîner la fermeture des écoles professionnelles, brusquement dépourvues de leurs étudiants. Des sanctions touchèrent aussi les enseignants170. La réouverture d’une école professionnelle catholique ne peut qu’être liée à ce contexte précis et l’initiative mise en parallèle avec celle qu’avait eu plus tôt Ambrosio Ulloa, lorsqu’il chercha à assurer les cours pour les étudiants sanctionnés, dans les locaux de l’École Libre d’Ingénieurs.
158Lorsque au mois d’octobre l’École annonce son programme d’études, la composition du groupe de professeurs devant assurer les cours nous montre qu’ils n’ont pas été recrutés uniquement parmi les catholiques militants. Groupe très intéressant que celui des professeurs de l’École Catholique de Jurisprudence. Comme on pouvait s’y attendre, figure parmi eux Palomar y Vizcarra, à cette date, le seul operario faisant partie du corps d’enseignants de l’école, chose tout à fait normale, dans la mesure où il était le seul juriste parmi les membres du Cercle en ce moment. Parmi les 23 professeurs restants (y compris les adjoints) trois adhéreront aux operarios, mais seulement en 1911 : le docteur Miguel Gil y Landeros, Eduardo J. Correa et Ignacio Enríquez.
159Mais d’autres noms d’hommes engagés dans l’entreprise méritent que l’on s’y arrête : tout d’abord Celedonio Padilla, qui offre des locaux à l’institution, et assume à l’époque la direction du Partido Independiente, la principale force reyiste du Jalisco, pendant que son président, l’ingénieur Ambrosio Ulloa — accusé de sédition au lendemain des manifestations reyistes du mois de juillet — attend, en prison, les résultats d’une procédure judiciaire en cours depuis plus de deux mois171. Padilla figure, logiquement, parmi les défenseurs de Ulloa et, avec lui, un autre professeur de la nouvelle école de jurisprudence, membre éminent, lui aussi, de l’Independiente, David Gutiérrez Allende172. Aucune contradiction : Padilla est aussi un catholique social, qui avait participé à l’entreprise du quartier ouvrier de l’archevêque Ortiz, tout comme Nicolas Leaño et Miguel Palomar y Vizcarra173.
160Mais la présence des indépendants dans l’école ne s’arrête pas à Padilla et Gutiérrez Allende ; parmi les 24 hommes engagés dans l’entreprise, 8 sont des membres de ce parti174 ; il s’agit des avocats Cenobio González, Luis Robles Martínez, Gregorio González Covarrubias, José Figueroa, Ignacio Enriquez, Javier Verea et du docteur Adolfo Oliva.
161Pour finir, on n’oubliera pas de citer Eduardo J. Correa, directeur de El Regional, madériste convaincu, ni José Gutiérrez Hermosillo, personnalité indépendante. Tous ces hommes sont, par ailleurs, bien apprécies des élites tapatías.
162Toutes ces personnalités ont été nommées en raison de leurs capacités intellectuelles et professionnelles, mais il serait bien naïf de croire qu’aucune autre raison ne les réunit. En effet, encore une fois les absences sont parlantes : aucun membre des clubs réélectionnistes ne fait partie de l’école. L’élément qui semble unir tous ces hommes, réside dans le fait d’afficher une position politique indépendante du pouvoir.
163La première réunion annuelle du Cercle donne quelques pistes sur le poids de ce premier noyau d’operarios de Guadalajara au sein de l’organisation au niveau national : premier fait significatif, l’élection au poste de premier vice-président de Félix Araiza175. D’autre part, le bilan de cette réunion est suffisamment positif pour que les operarios guadalupanos se lancent dans l’élargissement du Cercle. C’est alors que Luis B. de la Mora se révèle un grand propagandiste. En effet, en décembre de 1909, ayant fait un voyage dans plusieurs états de la République, il y avait obtenu d’importantes adhésions (dans les villes de Monterrey, Saltillo, Torreón, Zacatecas, San Luis Potosí, Tampico, et Aguascalientes)176. Il est important de signaler les dimensions tout à fait nationales de cette entreprise : il est hors de question pour le Centre de Guadalajara de ne faire de la propagande que dans sa région ; l’exemple de la Mora est explicite, tout autant que celui de Palomar, qui poursuit son activité de promoteur des caisses Raiffeissen à travers tout le pays.
164Mais il y a aussi une dimension régionale à cette propagande, que le centre de Guadalajara n’a pas négligée. Bien plus, il en a tiré un grand profit politique, qui commence à porter ses fruits en juin 1910. C’est d’abord dans la région de Los Altos que le mouvement fait des adeptes, tout particulièrement à Arandas et à San Juan de los Lagos, mais aussi à Lagos de Moreno, San Julián, Teocaltiche et à Encarnación de Díaz. L’artisan de l’expansion des operarios guadalupanos dans Los Altos est l’avocat Francisco Medina de la Torre, qui adhère au cercle en juin 1910. A cette même époque, le mouvement s’étend aussi à Mascota, dans la région de la côte, où on notera en particulier la présence de Ireneo Quintero, iturbidiste convaincu et actif. En un seul mois, le Cercle enregistre dix-neuf nouvelles adhésions.
165Le groupe d’operarios qui gravite autour de Medina de la Torre s’avère dynamique : pendant toute l’année 1910, le centre de Arandas sera l’un des plus actifs ; la ville verra naître sa « société de la bonne presse » avec le projet de publier un journal qui reçoit l’autorisation de l’archevêque177 et c’est toujours Medina de la Torre qui s’apprête, en collaboration avec le curé David Ruiz Velazco, lui aussi operario guadalupano, à établir une caisse Raiffeissen178. A San Juan de los Lagos, le R Elizondo réussit à faire placer l’hôpital civil sous les soins des sœurs Josefinas 179. En août, une deuxième caisse rurale est fondée180. de même qu’une école catholique contrôlée par des religieuses181. Toujours dans la région de Los Altos, à Encarnación de Díaz, les operarios guadalupanos fondent une ligue guadalupana de protection des écoles catholiques182, A la même époque, les préparatifs d’ouverture d’une autre caisse rurale, à Atotonilco el Alto, sont aussi très avancés183.
166En somme, pendant l’année 1910 l’influence du centre d’operarios de Guadalajara se consolide. Preuve du poids qu’il acquiert au sein de l’organisation, lorsqu’au mois de juin on décide de créer un comité consultatif de la présidence, trois des huit membres qui le composent sont issus du groupe de Guadalajara : Félix Araiza, Miguel Palomar y Vizcarra et Luis B. de la Mora184.
167Après celle qu’on peut considérer comme l’étape de fondation (février-octobre 1909), avec un moment de croissance particulière au mois de juin 1909, vient un autre moment d’expansion pour les operarios, de plus longue durée, qui réaffirme la présence de l’association dans la plupart des villes où elle s’était implantée auparavant, et qui l’amène dans des régions de l’état d’où elle avait été, jusqu’alors, absente. Cette phase s’étend de novembre 1910 à décembre 1911 et correspond au point culminant des adhésions au Cercle (44). Cette vague touche en premier lieu Arandas où, en décembre 1910, se produisent cinq nouvelles adhésions ; puis, en début de l’année 1911, les operarios guadalupanos gagnent des adeptes à Ahualulco et Ciudad Guzmán (janvier), Autlán et Cocula (février), Unión de Tula (mars), Guadalajara et Ameca (mai). Cette troisième vague n’arrive que très tardivement à Colotlán, en novembre 1911. Finalement, une quatrième vague d’expansion, en 1912, touche en juin San José de los Reynoso et Mexticacán, pour atteindre La Barca au mois d’août. Cette même année le contingent de Guadalajara s’élargit aussi (juin-juillet). Au cœur de ce recrutement important, la fondation du Parti Catholique National (mai 1911), mais aussi, l’alliance politique avec le madérisme.
168C’est précisément au milieu de cette phase d’expansion, que les operarios guadalupanos affrontent un de leurs plus graves conflits internes, celui qui concerne leur définition par rapport au madérisme. En novembre 1910, le président du Cercle, J. Refugio Galindo, fait publier une condamnation des « désordres » des madéristes. Voilà l’étincelle qui met le feu aux poudres. Galindo, anti-madériste et, comme on l’a vu, plus conservateur que nombre des operarios, se heurte à des madéristes de la première heure ou à d’autres qui le sont devenus de manière conditionnelle. Nous pouvons classer dans ce dernier cas, globalement, le centre de Guadalajara, et l’épisode permet d’évaluer sa force et les progrès du madérisme à l’intérieur des operarios. Son anti-madé-risme coûtera à Galindo la direction du Cercle. En effet, lors de la troisième réunion annuelle (du 13 au 19 décembre 1911 à Mexico), l’ingénieur Félix Araiza est élu président des operarios guadalupanos. Nul doute : le centre de Guadalajara a retiré son soutien au docteur Galindo et c’est à présent un de ses hommes qui occupe la présidence du Cercle. La pomme de la discorde ? L’antiréelectionnisme. Madéristes les operarios de Jalisco ? Antiréélectionnistes mais non madéristes ? Opportunistes politiques ? L’analyse de leurs rapports avec le madérisme, apporte un certain nombre de réponses à ces questions. C’est elle qui permettra notamment d’analyser la recomposition des forces politiques de la fin du porfiriat.
Notes de bas de page
1 Ce dernier terme est de Manuel Ceballos Ramirez. Cf. M. Ceballos Ramírez, El Catolicismo social..., op. cit., p. 175.
2 Sur le développement et la trajectoire de l’antiréélectionnisme au Jalisco, cf. infra, chapitre 8.
3 Cf. R. Aubert, « L’Église catholique de la crise de 1848 à la première guerre mondiale », pp. 156-177, dans [d. et al. L’Église dans le monde moderne, t. 5 de la Nouvelle Histoire de l’église, Paris, Seuil, 1975.
4 « L’encyclique Rerum novarum en 1891 se situe dans le prolongement des condamnations de Pie IX que Léon XIII n’a nullement abandonnées. La nouveauté est que Léon XIII ne se borne pas à une condamnation négative. [...] avec Rerum novarum, le pape donne à l’Église une doctrine sociale. » J.-M. Mayeur, Des Partis catholiques à la Démocratie chrétienne. xixe.xxe siècles. Paris, Armand Colin, 1980, p. 53. Pour un bilan récent de la recherche en la matière, cf. Rerum Novarum. Écriture, contenu et réception d’une encyclique, actes du colloque de Rome (18-20 avril 1991), Rome, École Française de Rome, 1997.
5 II est évident, par ailleurs, que Pie X n’est pas un simple continuateur de l’œuvre de Léon XIII. Ainsi, s’il reprend les principes de l’action sociale (en insistant particulièrement sur le contrôle strict que la hiérarchie doit en avoir), il durcit les positions du Vatican par rapport à la naissante démocratie chrétienne.
6 Comme le montre Jean Meyer, en Amérique latine, l’anticléricalisme d’étal, à partir des années 1870, n’est pas une exclusivité mexicaine, mais une caractéristique commune à d’autres pays, comme le Venezuela, la Colombie ou la Bolivie. Cf. J. Meyer. Les chrétiens d’Amérique latine, xixe.xxe siècles, Paris, Des-clée, 1991, pp. 78-79, note 1.
7 . Cf. J. Meyer, Les chrétiens..., op. cit. pp. 85-86. Il faut préciser l’exception de Mariano Cuevas, historien jésuite, qui estime que les 19 premières années du porfiriat sont à tort tenues pour des années d’inaction, car ce sont des années — à son avis — de reconstruction de l’Église. M. Cuevas, Historia de la Iglesia en México. T. V, 1800-1910, Mexico, Editorial Patria, 1947, pp. 447 et suiv.
8 A. Toro, La Iglesia y el Estado en México. (Estudio sobre los conflictos entre el clero católico y los gobiernos mexicanos desde la independencia hasta nuestros días), Mexico, Publicaciones del Archivo General de la Nación, 1927. En particulier le chapitre XVI, pp. 347-360. De sa double condamnation Toro conclut de toute façon en insistant sur la trahison du clergé vis-à-vis du dictateur « malgré le fait que le Général Díaz ait fait au clergé toutes sortes de concessions compatibles avec les lumières du siècle, et même plus, ce dernier ne s’est jamais montré content mais plutôt frondeur, perfide et traître », p. 359. Il faut relever l’effort fait par Toro pour donner une seconde vie au libéralisme — trahi par Díaz, lui-même trahi à son tour par le clergé —, et pour inscrire ainsi la révolution dans la continuité du libéralisme pré-porfirien, vision qui constitue un des points dominants dans l’historiographie du xxe siècle sur la révolution. Cf. pour un exemple remarquable, A. Cordava, La ideología de la Revolución Mexicana. Formación del nuevo régimen, Mexico, IIS/UNAM-ERA, 1973. Sur la « révolution de Tuxtepec », cf. supra, p. 152, n. 9.
9 Cf. J. M. Muría (éd.), Historia de Jalisco, op. cit., t. IV, chap. VII, et du même auteur, « Iglesia y Estado... », op. cit. ; J. B. Williman, La Iglesia y el Estado en Veracruz, 1840-1940, Mexico, SEPSE-TENTAS, 1976.
10 Par exemple, J. Meyer, La cristiada. t. 2 : El conflicto entre la iglesia y el estado, 1926/1929, Mexico, Siglo xxi editores, deuxième édition, 1974 et Les chrétiens..., op. cit. ; F.-X. Guerra, México : del Antiguo Régimen..., op. cit. ; F. B. Pike , « Le catholicisme en Amérique latine », R. Aubert, et alii, L’Église dans le monde moderne, tome 5 de la Nouvelle Histoire de l’Église, Seuil, Paris, 1975, pp. 353-418. Ce dernier est assez réducteur, mais utile pour avoir un aperçu d’ensemble de la situation du catholicisme dans le sous-continent.
11 François-Xavier Guerra et Jean Meyer parlent de « reconquête catholique ».
12 Ici encore les interprétations historiographiques, pendant la première moitié de notre siècle, peuvent avoir été très chargées idéologiquement. On peut confronter, par exemple, les interprétations de Toro et de Cuevas.
13 Un bon exemple de cette intolérance est constitué par les persécutions que subit, de part et d’autre, l’historien Agustín Rivera, prêtre et libéral, avant l’arrivée de Porfirio Díaz au pouvoir. Cf. M. Azuela, op. cit. et A. Toro, dans la biographie de Rivera qui introduit l’édition de l’œuvre de celui-ci : Principios Críticos sobre el Virreinato de la Nueva España y Revolución de Independencia de México, Mexico, 1963, p. 10.
14 J. M. Muria, « Iglesia y Estado... », op. cit., pp. 45-46.
15 R. Camacho, op. cit., p. 133.
16 M. Azuela, op. cit.. p. 32.
17 Même si Cahuantzi tut acquitté par le Grand Jury du Congrès, le fait même que le procès ait eu lieu est en lui-même significatif de la différence avec le Jalisco où, au vu des documents consultés à ce jour, aucun fonctionnaire mineur ou majeur ne semble avoir jamais été inquiété pour des faits similaires. Sur Cahuantzi, cf. D. Cosio Villegas, El Porfiriato. Vida política interior, 2e partie. Mexico, Hernies, 1972, p. 339. En revanche, le cas de Veracruz présente des similitudes avec celui de Jalisco, même s’il semble que le gouvernement soit ici allé plus loin dans le développement d’actions concertées. Cf. J. B. Wiliiman, op. cit., pp. 21-26.
18 Cf. M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social.... op. cit., p. 228. Cf. aussi E. J. Correa, El Partido Católico Nacional y sus directores. Explicación de su fracaso y deslinde de responsabilidades, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1991, pp. 60-67.
19 J. M. Muria, « Iglesia y Estado... », op. cit., pp. 45-46. Il faut encore mentionner la position de Jean Meyer. qui dit de la démocratie chrétienne qu’ « elle n’est pas née au Mexique du fait de Rerum Novarum. puisqu’elle est la continuation d’une vieille tradition antérieure à la séparation de l’Église et de l’état », Les chrétiens..., op. cit., p. 87. Il est cependant bien clair que cette encyclique symbolise une rupture dans les modalités de l’action et dans la conception même du rapport au social et au politique, et ce, non seulement pour le Mexique, mais pour l’ensemble du monde catholique.
20 Sur cet entretien, voir le chapitre 4.
21 On peut voir, par exemple, le tableau que dresse Correa de l’attitude des évêques vis-à-vis de la politisation du mouvement et de la création du PCN (cité par Ceballos Ramírez), ainsi que M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cit., J. B. Williman, op. cit., ou encore comparer avec ce qui s’est passé au Pérou, P. Garcia Jordan, Iglesia y Poder en el Perú contemporáneo 1821-1919. Archivos de Historia Andina 12, Centro de Estudios Regionales Andinos Bartolomé de las Casas, Cusco, s.d., en particulier les pp. 319 à 333.
22 M. Plasencia, op. cit., p. 40.
23 Cf. supra, chapitre 3, p. 105.
24 Cf. M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cit., p. 257.
25 F. B. Pike, op. cit., p. 381.
26 Cette institution, créée par Pie IX, fut placée sous la houlette de la Compagnie de Jésus. Cf. M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cit., p. 179.
27 Cf. F. Banegas Galvan, El por qué del Partido Católico Nacional, Mexico, ed. Jus, 1960 ; E. J. Correa, op. cit. ; J. Meyer, Les chrétiens.... op. cit.. p. 93.
28 Cf. M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social.... op. cit., p. 175. Ces réunions nationales constituaient une façon de se mettre à l’heure européenne : en France, par exemple, à partir de l’encyclique Il fermo proposito (1905), chaque année se tiennent des réunions du Congrès National de l’Union des Œuvres, ainsi que des Congrès diocésains. Cf. A. Encrevé, « La vie religieuse, 1815-1914 ». dans D. Bakjot, J.-P. Chaline et A. Encrevé, La France au xixe siècle, Paris, PUF, 1995, pp. 235-294.
29 M. Ceballos Ramírez, op. cit., pp. 175-251.
30 Ce mouvement philosophique s’inspirait de l’encyclique Aeterni patris ( 1879), par laquelle Léon XIII avait restauré le thomisme comme base de la philosophie chrétienne. A partir de ce moment, la philosophie de St. Thomas d’Aquin a été considérée comme la philosophie officielle de l’Église catholique et comme l’arme privilégiée dans la lutte contre le libéralisme.
31 Cf. M. Ceballos Ramírez. El catolicismo social.... op. cit., p. 175 et suiv. L’auteur explique comment ce conflit était un conflit générationnel — les néo-thomistes étaient opposés aux traditionnalistes (Próspero Maria Alarcón. par exemple) n’ayant pas été éduqués en Europe —, en même temps qu’un conflit d’écoles — opposant les même néo-thomistes à ceux qui avaient été formés en Europe aussi, mais à la Academia de Nobles Eclesiásticos, comme c’était le cas de Eulogio Gillow.
32 Mora y del Río est d’abord, en 1903, évoque de Tulancingo. puis de León, et devient archevêque de Mexico, en 1908, à la mort de Próspero Maria Alarcón. Les catholiques de l’ouest mexicain renforceront plus tard leurs liens avec Francisco Orozco y Jiménez, à partir de l’arrivée de ce dernier à l’archevêché de Guadalajara, en 1914, à la mort de José de Jesús Ortiz.
33 Non pas que les operarios guadalupanos aient été le seul antécédent du PCN, mais il ont été sans aucun doute un de ses piliers les plus solides et peut-être le plus structurant.
34 Cf. « Schema del 3er Congreso Católico Nacional Mexicano y 1° Eucaristico », Boletín Eclesiástico y Científico del Arzobispado de Guadalajara (dorénavant BECAG), Imprenta de « La Verdad », Guadalajara, t. II, 1905-1906, janvier 1906, pp. 709-711 ; de même que « Bases principales para la celebración del 3er Congreso Católico Nacional y 1° Eucaristico en la ciudad de Guadalajara », dans ibid., pp. 749-750.
35 Sur ce point, comme sur l’ensemble de la question du libéralisme, Léon XIII innova profondément en adoptant une attitude de proposition, sans pour autant cesser de condamner le libéralisme. Cf. R. Aubert, op. cit., en particulier le chapitre « L’Église romaine et le libéralisme », pp. 42-64 et aussi J.-M. Mayeur, op. cit. p. 56.
36 Cf. C. Dumas, « El discurso de oposición... », op. cit.
37 Francisco Traslosheros à Miguel Palomar y Vizcarra. Puebla. 29 octobre 1907. FMPV, c. 1, e. 3, doc. 208.
38 Ibid. Flores Alatorre avait été le directeur de El amigo de la verdad. Cf. aussi le discours de J. Trinidad Sánchez Santos au Premier Congrès de Journalistes Catholiques, le 12 décembre 1909 à la Villa de Guadalupe. Hidalgo. BECAG. t. VI, pp. 533-560 et 588-592.
39 M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cil., pp. 195 et 196. Selon l’auteur, les mesures prises « sanctionnaient [El Pais] comme l’instrument officiel du catholicisme social naissant » (p. 196).
40 Cf. D. Cosio Villegas, op. cil. pp. 629 et suiv.
41 Cette presse renouvelée rejoint pleinement les préoccupations des journalistes libéraux indépendants dont on a déjà vu quelques exemples.
42 C’est le cas de Ciudad Guzmán, où comme on l’a vu, le père Carrillo fonda l’Unión Católica Obrera et l’accompagna de son organe de presse.
43 El Regional avait été crée en juillet 1904. « Circular del gobierno eclesiástico del Arzobispado de Guadalajara », José de Jesús, archevêque de Guadalajara aux curés de l’archidiocèse, avril 1905. BECAG, t. II, pp. 37-39. Cf. supra, chapitre 3, p. 116.
44 Ibid. p. 38.
45 Ibid.
46 Ibid., pp. 38-39.
47 La Luz de Occidente, créée par le P. Silviano Carrillo, se substituait à La Unión Católica (publiée de 1897 à 1905 par le même Carrillo) ; elle sera publiée jusqu’en 1914.
48 La diffusion des mouvements sociaux européens — qui étaient cités comme modèles à suivre ou bien à éviter — était à l’époque un des thèmes courants dans la presse catholique.
49 La première référence — pour l’année 1909 — au comte de Mun apparaît le 23 février dans un éditorial sur l’importance de la presse catholique. Ensuite, des traductions de plusieurs de ses articles seront publiées : le 26 février c’est « El Estado Impío », publié originellement par Galous ; à partir du 4 août on commence à publier la traduction d’une série d’articles parus dans Le Figaro en octobre, novembre et décembre 1908, concernant la loi de séparation de l’Église et de l’état en France et ses conséquences matérielles pour les prêtres. Une autre série d’articles sous le titre « La conquista del Pueblo » est reproduite à partir du 6 août (le 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 17, 18, jusqu’au 19).
50 Cf. J.-M. Mayeur, La Séparation des Églises..., op. cit., en particulier pp. 79-90. Ph. Levillain, Albert de Mun. Catholicisme français et catholicisme romain du syllabus au ralliement, Rome, École Française de Rome, 1983.
51 Antonio de P. Moreno, dans une lettre à Miguel Palomar y Vizcarra datée du 31 mars 1909, lui parle déjà de ses activités journalistiques et du rôle qu’il attribue à la presse catholique. D’autre part. Terrazas faisait part à Palomar y Vizcarra, le 23 mars de la même année, de son projet de fondation d’une entreprise à capital majoritairement catholique qui ferait baisser les prix du papier. Les deux lettres sont dans FMPV, c. 40, e. 313.
52 Prévu originellement pour avoir lieu à Puebla au mois de septembre (El Regional, 2 septembre 1909), il se tiendra finalement à la Villa de Guadalupe (Distrito Federal) à partir du 12 décembre (El Regional, 5 et 11 décembre 1909). Sur l’association, on peut voir M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cit. pp. 342-349.
53 L. Silva, « Sermón predicado en el Templo Nacional Expiatorio de S. Felipe de Jesús, el día 21 de abril de 1909, por el Sr. Chantre de la Catedral de Guadalajara. Dr. D. Luis Silva en el solemne ejercicio vespertino de desagravios ». BECAG, t. VI, p. 177.
54 « Enérgica protesta que las damas católicas de Guadalajara publican contra una hoja inmunda denominada "la reina de los cielos y el papa pío diez" que vio la luz pública en esta ciudad el 17 de enero del corriente », El Regional, 20 février 1909. Malheureusement la feuille demeure introuvée jusqu’à présent.
55 El Regional, 21 février 1909.
56 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 18 mars 1909, et Antonio de P. Moreno à Miguel Palomar y Vizcarra, 31 mars 1909 ; les deux dans FMPV, c. 40, exp. 313.
57 El Regional, 24 février 1909.
58 Ortiz n’avait fait aucune mention explicite de l’appui que les commerçants donnaient à la presse, pourtant une de ses principales sources de financement.
59 El Regional, 27 février, 1er, 11, 17 et 31 mars 1909.
60 La protestation publiée le 8 avril est mixte et celle provenant de Poncitlán, et publiée le 10, est signée exclusivement par des hommes. Il n’est pas sans intérêt de se poser la question de l’utilité stratégique d’avoir des femmes à la tête de cette démarche.
61 El Regional, 27 février 1909.
62 Ibid. La lettre pastorale rappelait l’excommunication pour ceux qui liraient sans autorisation des œuvres interdites et contenait plusieurs dispositions visant les détenteurs de livres interdits — même s’ils ne les lisaient pas.
63 El Régional, 1er mars 1909. Selon le journal les manifestants étaient plus de trois mille, il est intéressant, par ailleurs, de souligner l’emploi du terme « dissidente » pour qualifier cette presse ennemie, qui confère à ce discours un ton nostalgique des temps où, l’Église étant associée au pouvoir temporel, toute parole écrite était censée se conformer à ses principes et, dans cette mesure, toute parole discordante était forcément dissidente ; qualificatif ô combien anachronique dans ce Mexique de la fin du portinai, où l’Église ne détient pas le contrôle de l’ensemble de la production intellectuelle !
64 Il faut remarquer, puisque le détail n’est pas sans importance, que le journal reyiste El Globo se réjouissait de la promotion du P. Correa : « La première paroisse de la ville c’est l’église du Sagrario [...] il faut en ce lieu un curé intelligent [...]. Monsieur l’Archevêque n’aurait pu procéder à une nomination plus heureuse que celle du père de San José, D. Antonio Correa ». La promotion du jeune Correa semble avoir été controversée, et probablement cette controverse se trouve à l’origine du commentaire du journal. El Globo, Il avril 1909.
65 La Chispa est apparue pour la première fois le 28 février 1909.
66 La Chispa, 28 février 1909.
67 Ibid.
68 Ibid.
69 Cette formulation n’est pas sans rappeler les idées du Sardá y Salvany des années 1880, diffusées particulièrement dans son livre El liberalismo es pecado (1884). En effet, avec l’auteur catalan, les intégristes espagnols, menant ce que R. Aubert qualifie de combat « d’arrière-garde », étaient arrivés à cette conclusion généralisatrice. Cf. F. Lafage, L’Espagne de la Contre-Révolution. Développement et déclin xviiie.xxe siècles, Paris, L’Harmattan, 1993, pp. 168-171, et R. Aubert, op. cit., p. 53.
70 F. Lafage, op. cit., p. 15.
71 Une fois la séparation officielle de l’Église et de l’état accomplie, le conflit qui se structurait autour de cet enjeu change obligatoirement de sens, sans que, pour autant, cela signifie sa disparition, comme le montre, pour le cas français, J.-M. Mayeur, La séparation des Églises..., op. cit., pp. 153 et suiv.
72 El Regional, 8 mai 1909.
73 Ibid.. 15 mai 1909. Le premier journal mexicain à se moderniser techniquement et à être produit industriellement fut El Impartial, de Rafael Reyes Spíndola, au début de siècle. Cf. A. Rodriguez Kuri, op. cit. La modernisation du journal catholique s’opérait sans doute sur la base de cet exemple et il comptait ainsi ravir son public au quotidien officieux.
74 Cf. supra, chapitre 3, pp. 120-121.
75 Voir, par exemple, les éditions du 3 et du 27 février, ainsi que du 1er et du 2 mars 1909.
76 Il faut tout de même préciser que ça ne va pas au-delà de la mention de ses activités et, comme à son habitude, le journal ne s’autorise aucun commentaire.
77 El Régional, 21 mai 1909.
78 Sur cette affaire, cf. le chapitre 6, pp. 197-199.
79 El Regional, 7 juin 1909.
80 Ibid., 9 juin 1909. Le journal n’explicite pas la filiation reyiste de Morales, qui est l’élément essentiel de ces mêmes informations fournies par ses collègues La Libertad et El Globo.
81 El Regional, 11 juin 1909.
82 La Libertad, 17 mai 1909.
83 El Regional, 11 juin 1909.
84 L’ensemble de l’argumentation est repris et élargi par El Regional dans son édition du 11 septembre. Il faut signaler que, en d’autres occasions, notamment à la fin du xixe (entre 1888 et 1892), les presses catholique et libérale indépendante avaient déjà coïncidé dans leur opposition au régime. Cf. D. Cosio Villegas, op. cit., pp. 629-638, et supra, chapitre 5.
85 Cf. pour cet épisode le chapitre 6, pp. 200-201.
86 El Regional, 12 juin 1909.
87 Ibid., 23 juin 1909.
88 Ibid., 12 juin 1909.
89 Ibid., 20 juin 1909. L’information fournie par ce journal confirme l’ampleur du mouvement reyiste dans les écoles professionnelles : El Regional explique dans cette note que l’on ignore toujours si les étudiants seront expulsés et, en conséquence, les écoles professionnelles fermées.
90 Ibid.. 27 juin 1909. Sur la répression du reyisme, cf. supra, chapitre 6.
91 El Regional, 20 juin 1909.
92 « La acción católico social », ibid., 20 juin 1909.
93 Cf. supra, p. 239.
94 El Regional, 20 juin 1909.
95 Ibid.
96 Le port internalional de Mazatlán, sur la côte Pacifique, est une ville tout autant sinon plus importante que la capitale de l’état, Culiacán. Les ferrelistes y étaient effectivement très forts, avec cinquante deux clubs organisés. El Regional, 18 juillet 1909.
97 Ibid., 8 août 1909.
98 Ibid., 10 août 1909. Cette affirmation correspondait aux informations fournies par les ferrelistes eux-mêmes, et concernait en réalité le seul district du Mazatlán. Les termes du titre étaient donc tendancieux, puisque ces précisions n’étaient données que dans le corps de l’article. La prise de position était par-ailleurs extrêmement claire dans le texte, qui décrivait des irrégularités électorales : la non-admission de nombreuses personnes (« des localités entières » selon le journal) aux bureaux de vote, l’emprisonnement « d’une infinité de membres » des clubs ferrelistes, ou bien l’admission des enfants à voter à Culiacán et le fait que les peones et mozos des haciendas de Redo aient voté plusieurs fois. L’article dénonçait ainsi « une pression officielle particulièrement scandaleuse » en faveur de Redo.
99 Ibid., 11 août 1909.
100 Ibid., 14 août 1909.
101 Ibid., 17 août 1909.
102 Ibid., 26 août 1909.
103 Ibid., 27 et 29 juin, 14 octobre, 6 novembre, 22 décembre.
104 Le 18 septembre le journal titre sur la maladie de Madero, et le 2 octobre il fait état de son rétablissement.
105 El Regional, 7 août 1909.
106 Cf. M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cit., pp. 312-341, et l’acte de fondation du Círculo de estudios católico sociales de Santa María de Guadalupe, s.d., FMPV, c. 40, exp. 313. Le noyau fondateur était constitué par un clerc, le P. José María Soto, du séminaire de Morelia, Michoacán, et par quatre laïcs : Antonio de P. Moreno, résidant à la Villa de Guadalupe au Distrito Federal ; Francisco Villalon, avocat domicilié à Morelia ; Silvestre Terrazas, journaliste à Chihuahua ; et les docteurs Miguel Díaz Infante, de León, Guanajuato et José Refugio Galindo, de Tulancingo, Hidalgo — ce dernier, président du cercle.
107 Ibid. souligné dans le texte.
108 Ibid.
109 Ibid.
110 Né à Guadalajara en 1880, Miguel Palomar y Vizcarra peut être considéré comme le principal idéologue du mouvement social catholique mexicain de la première moitié du xxe siècle. Avant la formation des operarios guadalupanos, il s’était déjà distingué pour avoir proposé et mis en pratique des caisses d’épargne Raiffeissen, mais également par son travail de conseiller auprès des organisations ouvrières naissantes et sa participation aux congrès agricoles et catholiques. Fondateur du Parti Catholique Mexicain en 1911 et élu deux fois député au Congrès de l’étal du Jalisco, il inspira plusieurs lois cherchant à améliorer les conditions de travail et la qualité de vie des travailleurs. Après la décomposition du PCN, Palomar y Vizcarra n’abandonna pas sa cause et poursuivit la fondation d’organisations à vocation sociale et politique : il fut par la suite membre de la direction intellectuelle du mouvement cristero. De l’intensité de son travail témoigne sa correspondance personnelle, conservée en partie aux archives qui portent son nom au CESU-UNAM, ainsi que dans le fonds Francisco Traslosheros. au même endroit.
111 « Acuerdos del Círculo de Propagandistas Católico-Sociales de Santa María de Guadalupe », s.d., dactyl., FMPV, c. 40, exp. 314.
112 Document non signé (vraisemblablement rédigé par Palomar y Vizcarra), 2 septembre 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
113 « L’Illustrissime et Reverendissime M. Mora a accepté que nous les operarios guadalupanos soyons [...] les organisateurs de la Deuxième Semaine Catholique-Sociale ». Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos, 8 décembre 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
114 Un autre exemple nous est fourni par la constitution du centre d’operarios guadalupanos à Mexico. Elle est décidée au palais de l’archevêque à Mexico, et présidée par Mora y del Río — déjà à la tête de cet archidiocèse. Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos, 8 décembre 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
115 Voir l’exemple de l’organisation de la deuxième réunion, ibid.
116 Cf. R. Aubert, op. cit.. pp. 200-217.
117 « Surtout, Léon XIII invite nettement les catholiques, sauf en Italie où le non expedit [...] est renforcé, à être présents dans la vie politique et à user des institutions libérales ». J.-M. Mayeur, Des Partis catholiques..., op. cit.. p. 56. Cf. aussi R. Aubert, op. cit.
118 R. Aubert, op. cit.. p. 21.
119 F. Lafage, op. cit., p. 171.
120 Publié dans BECAG. t. I. 1904, pp. 6-13. Ce document résumait, précisait le pontife, les principes essentiels contenus dans divers documents de son prédécesseur : les encycliques Quoti Apostolici Muneris, du 28 décembre 1879, Rerum Novarum, du 15 mai 1891 et Graves de Communi, du 18 janvier 1901 ; et la Instrucción particular emanada de la Sagrada Congregación de Negocios Eclesiásticos Extraordinarios, du 27 janvier 1902.
121 Ibid. Les majuscules sont de l’original.
122 Ibid.
123 Ibid.
124 Sans oublier que, parallèlement aux mouvements démocratisants, se développaient à l’époque des mouvements anti-républicains (comme l’Action Française, de Charles Maurras) et intégristes (comme le Parti Intégriste de Ramón Nocedal, en Espagne) qui se réclamaient du catholicisme, et qui seraient eux aussi condamnés, le Parti Intégriste en 1906 et l’Action Française, bien plus tard, après la première guerre mondiale. Sur ces condamnations, cf. R. Aubert, op. cit., pp. 55-64.
125 Acte de fondation du Círculo de estudios católico sociales de Santa Maria de Guadalupe, s.d., FMPV, c. 40, exp. 313.
126 Il est évident que celle inquiétude n’est pas propre aux catholiques, mais un phénomène généralisé dans différents secteurs de la population. En ce sens, les militants catholiques suivent ce qui est une large tendance à la fin du porfiriat dans le but de réclamer l’exercice des droits politiques. Par ailleurs, au sein du monde catholique, d’autres militants travaillaient dans ce même sens, comme ceux qui fondèrent les différentes Círculos Católicos à Guadalajara, Puebla, Pachuca et Oaxaca. actifs déjà en 1903 (M. Ceballos Ramírez, El catolicismo social..., op. cit. p. 194) ; ou encore ceux qui, avec Fernández Somellera à leur lête, fondèrent en 1908 le Círculo Católico Nacional (J. Meyer, Les chrétiens..., op. cit., p. 93) et qui, d’ailleurs, convergeront tous dans la formation du PCN en 1911.
127 Le non expedit se référait à la participation des Italiens aux élections législatives et provenait de l’expression attentis omnibus circunstuntiis, non expedit (compte tenu de toutes les circonstances, cela ne convient pas), concernant ces dernières. Cette position avait été ratifiée puis durcie par Léon XIII et par Pie X jusqu’en 1905. date à laquelle ce dernier en assouplissait les termes, dans une encyclique aux évêques italiens. Cf. N. Noger, « La encíclica del 11 de junio á los obispos italianos », BECAG, t. II, 1905, pp. 293-301 et 321-328 et le texte même de l’encyclique dans ibid., pp. 193-202 et 225-232.
128 L’avis de Jean Meyer difiere : « Le PCN attend encore trois ans avant de voir le jour, car il semble que Rome et l’épiscopat soient tombés d’accord sur la nécessité de garder en réserve cette force politique », J. Meyer, Les chrétiens.... op. cit., p. 93.
129 N. Noger, op. cit.
130 Ibid., p. 328.
131 Ces deux divisions ne se recoupent évidemment pas, cf. supra, chapitre 3, pp. 117-122.
132 Il est question ici de la presse du Jalisco qui, à ce sujet, peut être considérée comme largement représentative de la presse nationale.
133 Malheureusement, il ne reste aucun exemplaire dans les collections d’archives publiques de l’organe des operarios guadalupanos. Restauración, publié à Guadalajara, depuis janvier 1910. Comme l’a constaté Manuel Ceballos Ramírez lui-même, il n’existe apparemment que de rares collections privées, difficilement accessibles. Il est ainsi difficile de savoir ce que le journal explicitait ou pas dans ses pages. Toutefois, l’absence d’allusions aux operarios ou bien à Restauración même, dans d’autres organes de presse, reste très significative d’une ligne d’action dans l’ensemble très discrète.
134 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 22 février 1909, FMPV. c. 40, exp. 313.
135 « Acuerdos del Círculo... ». Les Caballeros de Colón, organisation d’apostolat laïque récemment créée aux États-Unis, et introduite au Mexique en 1909, semble avoir été perçue par certains operarios comme concurrente. Selon les sources catholiques de l’époque, elle a eu à ses débuts un grand et rapide succès. El Regional, dans son édition du 3 mars 1909, disait que l’organisation, en peu de temps, s’était déjà étendue aux Philippines et au Canada et qu’elle comptait, selon son propre bulletin, 209570 adhérents. Il semble cependant qu’au Mexique l’organisation ait été vue avec suspicion précisément en raison de ses origines anglo-saxonnes. Cf. lettres signées « Luis » à Miguel Palomar y Vizcarra, n°s 256 (non datée), 274-275 (I" avril 1909) et 284 (du 9 mai 1909), FMPV, c. 1. exp. 4. En ce qui concerne les operarios guadalupanos, il ne pouvait qu’en être ainsi, si l’on considère leur programme de défense des référents identitaires hispaniques. Qui plus est, la politique expansionniste des États-Unis exacerbait à l’époque le nationalisme des élites anti-cienitíficas, dont les operarios guadalupanos faisaient partie.
136 « Protesta », signée Carlos F. de Landero et alii. Le texte est conservée dans FMPV, c. 40, exp. 314.
137 Miguel Palomar y Vizcarra à José Refugio Galindo, 20 août 1910, FMPV, c. 40, exp. 314.
138 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 18 mars 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
139 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 18 mai 1909, FMPV, c. 40, exp. 313. Plus tard, Palomar rédigeait une dissertation intitulée « La vocación providencial de la nación mexicana », sans doute diffusée à l’intérieur de l’organisation : José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 8 août 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
140 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 18 mai 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
141 « Acuerdos del Círculo... ». Ils eurent d’ailleurs gain de cause, et la vierge de Guadalupe fut proclamée patronne de l’Amérique latine.
142 Ibid.
143 Ibid.
144 Agustín de Iturbide, figure de la fin de la guerre d’indépendance, rejetée par les libéraux au profit de celle de Miguel Hidalgo (figure des débuts de la guerre) et revendiquée par les conservateurs notamment à partir de l’interprétation historiographique de Lucas Alamán. La préférence d’une figure sur l’autre se traduit dans les rites civiques, sous la forme du choix d’une date de commémoration de l’indépendance, le 15 septembre pour Hidalgo, le 27 du même mois pour Iturbide.
145 « Acuedos del Círculo... ».
146 Déjà à la fin du xixe, l’historien Agustín Rivera avait signalé — sans pour autant y échapper lui-même — ce phénomène, notamment dans son œuvre Principios Críticos sobre el Virreinato de la Nueva España y Revolución de Independencia de México. Mexico, Talleres Gráficos de la Nación, 1963.
147 La figure majeure de cette historiographie est Lucas Alamán.
148 Pour le cas de Palomar y Vizcarra, il avait lui-même rédigé un monologue sur Iturbide : Patriota y Munir. Cf. Antonio de P. Moreno à Miguel Palomar y Vizcarra, 1er juillet 1909, FMPV, c. 40, exp. 313. Ireneo Quintero, operario de Mascota, Jalisco, avait aussi travaillé sur la question et une étude lui était demandée en 1910 par le centre de Guadalajara afin de la publier dans Restauración. Cf. Ireneo Quintero à Miguel Palomar y Vizcarra, Mascota, Jalisco, 15 mars 1910, FMPV, e. 1, exp. 6, doc. 378.
149 Antonio de P. Moreno à Miguel Palomar y Vizcarra, 27 mai 1909, FMPV, c. 40, exp. 313, souligné dans l’original.
150 Antonio de P. Moreno à Miguel Palomar y Vizcarra, 1er juillet 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
151 Antonio de P. Moreno à Miguel Palomar y Vizcarra, 1er juillet 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
152 Ibid. Le texte fait allusion au fait que Corrai venait de poser, à Mexico, la première piene du bâtiment de l’association protestante Jóvenes cristianos.
153 M. Ceballos Ramirez, El catolicismo social... op. cit., le rôle des nouvelles générations dans « l’essor du catholicisme social et de la "démocratie chrétienne" » est aussi signalé par J.-M. Mayeur, La Séparation des Églises.... op. cit., p. 14.
154 Par ailleurs, les Conférences étaient restées dans une ligne plus « classique » : organisations pieuses, essentiellement consacrées à la charité.
155 Comme le laissent entendre les lettres d’Antonio de P. Moreno à Miguel Palomar y Vizcarra : « Soyez très discret pour travailler pour la candidature de Reyes. Ne nous forgeons pas d’illusions qui nous donnent après de tristes déceptions » (15 juillet 1909) et encore : « Continuez avec votre discrétion et prudence par rapport à vos sympathies du côté du Nuevo León, et n’adhérez pas à cela, ni n’en dites rien [...] » (20 juillet 1909), FMPV, c. 40, exp. 313.
156 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 24 juillet 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
157 Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos, 8 août 1909 FMPV, c. 40, exp. 313.
158 Ibid.
159 Ibid.
160 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 22 février 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
161 Dans cette missive, Galindo écrit par erreur Lawri ; on comprend bien par la suite qu’il s’agit de Loweree. José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 18 mars 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
162 Sur Figueroa et sur l’Ateneo, se reporter au chapitre 4.
163 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 18 avril 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
164 José Refugio Galindo à Miguel Palomar y Vizcarra, 22 juin 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
165 Acte de constitution du Centre d’operarios guadalupanos de Guadalajara, 12 septembre 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
166 « Acuerdos del Círculo... ».
167 Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos, 8 août 1909, FMPV, c. 40, exp. 313, et El Regional, 9 octobre 1909.
168 El Regional, 9 octobre 1909.
169 José de Jesús Ortiz, 8 octobre 1909, FMPV, c. 1, exp. 5, doc. 321.
170 Sur tous ces points cf. supra, chapitre 6.
171 Ulloa avait été fait prisonnier dans les premiers jours du mois d’août (« El Sr. Ing. y Lic. Ulloa es declarado bien preso », El Regional. 5 août 1909) et relâché, moyennant une caution de 9000 pesos, début octobre (ibid, 6 octobre 1909). M. Aldana Rendon, Del reyismo.... op. cit., p. 93.
172 Les autres membres de la défense sont Manuel Híjar et Manuel Cordero. El Régional. 5 août 1909.
173 Celedonio Padilla est aussi l’oncle de Benjamín Padilla. directeur de El Kaskubel. journal satirique accusé souvent de propos blasphématoires, El Regional, 2 juillet 1909.
174 Source : base de données obtenues à partir de l’étude du journal La Libertad. pour les mois de décembre 1908 à octobre 1909.
175 « Acuerdos del Circule-... ». Tomás Figueroa sera élu par la suite second vice-président, mais il démissionnera presqu’immédiatement de cette charge, proposant plutôt sa candidature à la gestion du bulletin. Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux opemrios guadalupanos, 8 décembre 1909, FMPV, c. 40, exp. 313.
176 Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos, 8 décembre 1909, FMPV, c. 40, exp. 313. Le choix de Monterrey n’est pas un hasard, mais le fruit probablement du désir d’évaluer les possibilités du mouvement sur un terrain qui était tenu à Guadalajara pour un fief du reyisme.
177 Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos, 12 juin 1910, FMPV, c. 40, exp. 314.
178 Ibid.
179 Ibid.
180 Miguel Palomar y Vizcarra à José Refugio Galindo, 10 août 1910, FMPV, c. 40, exp. 314.
181 « Acuerdos del Círculo... ».
182 Ibid.
183 Ibid.
184 La commission est nommée par Galindo en commun accord avec Mora y del Río. Lettre circulaire de José Refugio Galindo aux operarios guadalupanos. 12 juin 1910, FMPV, c. 40, exp. 314.
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Le laboratoire démocratique : le Mexique en révolution 1908-1913
Ce livre est cité par
- (2013) Collection Histoire Révolutions. DOI: 10.3917/bel.larre.2013.01.0236
- Tahar Chaouch, Malik. (2012) Religion, mouvements sociaux et démocratie : convergences et contradictions au Mexique. Politique et Sociétés, 30. DOI: 10.7202/1008311ar
- (2002) Librairie. Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 75. DOI: 10.3917/ving.075.0187
Le laboratoire démocratique : le Mexique en révolution 1908-1913
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