Chapitre 4. Díaz-Creelman, de l’entretien à l’événement
p. 123-145
Texte intégral
1Au sein de cet espace public porfirien, dont les normes implicites excluent l’existence d’une opposition au régime, formellement organisée, la presse indépendante constitue un lieu à partir duquel (de façon, certes, très codifiée) les anti-porfiristes croyaient et comptaient pouvoir infléchir un certain nombre de choses, notamment l’éloignement d’une immense majorité de la population vis-à-vis du politique. Le renouvellement d’un système qui n’a pas trouvé de solution consensuelle à la disparition physique, inéluctable, de l’homme qui en est le point d’articulation majeur, est à l’origine des inquiétudes et des espoirs qui, à la fin du porfiriat, traversent les milieux politiques. Inquiétudes, espoirs se manifestent par la voie de la presse, contribuant ainsi à l’élargissement d’un espace d’opposition à la dictature. C’est sur la brèche que cette presse ouvre dans un espace politique porfirien clairement délimité et balisé, saisissant le moindre signal fourni par le système lui-même, que naît, ensuite, l’opposition politique ouverte à la dictature.
1. Commenter l’entretien
2Cet « événement » se produit au mois de mars 1908, et déclenche les espoirs de tous les acteurs politiques mexicains : le Pearson’s Magazine publie à New York un entretien de Porfirio Díaz avec le journaliste américain James Creelman. Dans cet entretien, le dictateur affirmait qu’il était prêt à quitter le pouvoir et qu’il verrait avec plaisir la formation dans le pays d’un parti d’opposition2. Les propos de Díaz ont sans doute surpris l’ensemble de la classe politique mexicaine, mais ils ont surtout soulevé de nombreux espoirs.
3Traditionnellement, l’entretien Díaz-Creelman est présenté comme un antécédent de la révolution, voire comme l’origine directe d’un militantisme politique organisé et non clandestin. Cette interprétation confère aux paroles du dictateur un pouvoir créateur extraordinaire (Díaz ayant suggéré l’éventualité de la création d’un parti politique, voilà qu’immédiatement le parti se crée), qui s’accorde bien avec l’image de son pouvoir illimité, mais qu’il convient d’examiner de plus près, si l’on tient à rendre à d’autres acteurs leur part d’initiative.
4Les raisons qu’eut Díaz, en son for intérieur, d’accepter un tel entretien restent toujours inconnues et, par conséquent, toutes sortes de spéculations sont possibles autour de ce qui constitue vraisemblablement l’acte le plus commenté de toute la vie de cet homme. D’aucuns ont voulu l’expliquer par une pression du gouvernement de Roosevelt, provoquée par le besoin des capitalistes nord-américains d’être rassurés sur la stabilité de leur voisin du sud et la sécurité de leurs investissements pour les années à venir et notamment le prochain mandat présidentiel. C’est l’explication qu’avance Luis Manuel Rojas, politicien originaire du Jalisco, corraliste, une vingtaine d’années après la publication de l’entretien3. Mais la plupart des hommes politiques contemporains de Díaz qui ont écrit sur le sujet, restent plutôt stupéfaits des déclarations du dictateur qu’ils arrivent à qualifier de « suicidaires »4. Cependant, le plus important n’est pas tellement de connaître les raisons personnelles d’un tel acte de Díaz, mais plutôt d’analyser sa portée sur la vie politique du pays et, en particulier, sur l’état du Jalisco ; se demander dans quelle mesure il constitue un événement historique.
5La première conséquence de cet entretien fut d’ouvrir un débat fondamental sur la pertinence de la création des partis politiques et de la succession présidentielle elle-même. S’il ne fait aucun doute que de telles déclarations ont été commentées dans le privé, la presse reste un témoin de premier ordre dont l’attitude traduit les diverses positions de la classe politique, qui se partagent entre l’enthousiasme, la prudence et le scepticisme.
6La deuxième conséquence d’envergure des déclarations de Díaz à Creelman, fut celle de déclencher, presque instantanément, le premier acte de la succession.
1.1. Le débat sur la succession au Jalisco
7Les premières réactions aux déclarations présidentielles sont rapides, enthousiastes et propositionnelles. Ainsi, le 21 mars 1908, la presse libérale locale rendait-elle compte d’une initiative de la franc-maçonnerie de l’état de Veracruz, qui prenait à la lettre les déclarations de Díaz et proposait ouvertement des candidatures :
« Patria, organe distingué de la franc-maçonnerie de Veracruz, avec la franchise qui le caractérise, a osé, suite aux déclarations attribuées au Général Díaz, lancer dans la capitale même de la République, la candidature des citoyens Teodoro A. Dehesa et Salvador Díaz Mirón, respectivement pour Président de la République et Gouverneur de l’état de Veracruz5. »
8Puisque la presse de Veracruz lançait ouvertement la candidature de son gouverneur, Jalisco Libre, en annonçant la nouvelle, ne manquait pas de signaler qu’un mouvement avait aussi lieu autour d’une personnalité originaire de l’état et qui avait de nombreux partisans, le général Bernardo Reyes. Il ne s’agissait pas, loin de là, du lancement de la candidature de Reyes, mais d’un rappel, timide, de l’existence de ses partisans dans l’état et de leur mobilisation :
« Nous savons aussi que quelques partisans de Monsieur le Général Don Bernardo Reyes se préparent à défendre sa candidature au moment le plus opportun, en fondant dans cette ville un journal6. »
9L’ouverture du débat s’opère donc du côté d’un journal libéral indépendant, modéré dans sa critique du régime, qui se garde pour l’instant d’émettre une opinion propre, mais qui se fait l’écho de l’enthousiasme et de plusieurs propositions parues dans la presse d’autres états. C’est ainsi qu’au mois d’avril son public pouvait connaître la position du célèbre Diario del Hogar, qui présentait sept candidatures avec ce commentaire :
« Vu l’importance du cas et compte tenu du fait que le moment suprême est proche, la nécessité s’impose d’arriver à un accord national et de montrer des candidats qui offrent toutes sortes de garanties aux diverses classes sociales qui forment la Nation7. »
10Le transfert du pouvoir était à tel point souhaité par certains, qu’il était qualifié de « moment suprême », ce qui donne une idée des espoirs que cet événement, si longtemps attendu, soulevait.
1.2. Silence, prudence, scepticisme
11Malgré ces interventions du Jalisco Libre, les journaux locaux restent plutôt silencieux ; il faudra attendre le mois de juin pour que l’ensemble de la presse commence à s’occuper de la question. Mais, déjà, la donne n’est plus la même : le dictateur a très probablement fait marche arrière dans le privé et une partie de la presse, en particulier l’officieuse, parle de l’affaire sur un ton très éloigné de celui du journal de Cipriano C. Covarrubias.
12De son côté, El Regional, le quotidien catholique, se montrait sceptique et essayait de se démarquer de ses collègues en se détournant de la question avec prudence. Il s’agit, ici encore, de la reproduction de l’opinion exprimée par un journal de Mexico, El Popular, et non pas d’un article original. L’argumentation reposait sur le caractère inopportun de la question même (il était trop tôt pour s’intéresser à la succession présidentielle) et, partant, sur la parfaite inutilité des opinions émises par la presse :
« Lancer des candidatures à la Présidence, surtout lorsqu’on ne connaît pas encore la volonté populaire, et que le moment n’est pas encore venu, semblerait puéril si au fond il n’y avait pas un autre mobile, qui en l’espèce est de discuter des personnalités pour les élever ou les dénigrer8. »
13Il s’agissait ensuite de démontrer que, jusqu’à présent, c’était une affaire restreinte à laquelle le peuple — qu’on se garde bien de définir9 — ne participait pas.
« Nous n’avons pas encore vu le peuple, ne disons pas soutenir, mais ne serait-ce que lancer une seule candidature10. »
14S’occuper de la question, c’était vouloir soumettre à la « discussion nationale » des personnalités qui ne s’étaient pas encore déclarées, alors que pour El Regional la presse ne devait intervenir qu’après que tous les acteurs du jeu politique se fussent prononcés :
« Lorsque les candidats à la Présidence surgiront franchement, la presse aura alors le droit de manifester son opinion librement ; mais aujourd’hui quoi que l’on dise on brodera dans le vide11. »
15Dès lors qu’il faut être prudent, les journalistes ne doivent pas être des agitateurs politiques, des bâtisseurs d’opinion ; ils ne doivent pas anticiper les faits ni participer à cette lutte.
1.3. Accélérateurs et freins
16Le reste de la presse, cependant, semble plutôt convaincu d’avoir un rôle à jouer dans la définition de cette situation et affiche ainsi ses points de vue soit en faveur de la continuité, soit enthousiasmé par l’idée d’un renouvellement et même, dans certains cas, les journalistes assument une position bien plus radicale : l’important ce ne sont pas les candidats en eux-mêmes, mais l’abandon du pouvoir par Díaz, qui paraît indispensable. Tel est l’avis du journal de Francisco L. Navarro, La Libertad, qui, le 3 juin 1908 — le lendemain de la publication par El Regional de l’article qui vient d’être cité —, dans le 4e d’une série d’articles consacrés à Limantour — ministres des finances — et à la crise, écrivait :
« Nous croyons que la solution radicale, s’il y en a une qui soit aux mains du gouvernement, pour éviter la crise qui menace de nous détruire, est que, en ces moments solennels, M. le Général Díaz démontre au monde entier qu’il peut laisser le Gouvernement de la République dans d’autres mains, sans qu’il n’y ait aucun bouleversement dans le pays, ni que la marche des affaires en soit gênée12. »
17La personnalité du candidat n’a pas, aux yeux de La Libertad, une importance majeure, mais c’est plutôt l’acte de Díaz et la solidité des institutions qui comptent :
« Cette démonstration est à ce point convaincante, que le pays, nous en sommes sûrs, ferait à peine cas de la personnalité qui occuperait la présidence par intérim, puisque l’important pour la patrie, et sans doute pour M. le Général Díaz lui-même, est une séparation rapide entre sa personne et le pouvoir, nécessité dont nous avons déjà démontré le bien-fondé. Si l’on veut, ce remplaçant serait aidé dans son travail, par Monsieur le Général Díaz selon une idée que lui-même a suggérée13»
18Francisco L. Navarro est le premier à prendre position sur un terrain, la succession présidentielle, dont l’opinion du Jalisco doit se saisir.
19La défense de la continuité ne tardera pas à se manifester et, dans les mêmes jours, l’opinion de l’officieux Correo de Jalisco, vient compléter le tableau des positions prises par les différents milieux politiques de l’état. S’exprimant le 4 juin 1908 au sujet de l’entretien Díaz-Creelman, le journal commence par constater que cet entretien
« a ouvert l’espace pour qu’en plusieurs endroits de la république on commence les travaux journalistiques destinés à la lutte politique pour le renouvellement du Président14 ».
20El Correo de Jalisco accepte ainsi tacitement cette fonction assignée à la presse, opinion qui diffère essentiellement de celle exprimée par El Regional, dont l’avis était que les journalistes devaient attendre la déclaration des candidatures avant de se manifester.
21El Correo de Jalisco entrait ainsi tardivement mais pleinement dans la discussion des candidatures et estimait que le Mexique avait besoin d’élire
« un citoyen qui puisse être comparé au Général Díaz ; autrement nous régresserions, puisque tout faux pas se répercutera à l’étranger15 ».
22Une fois cette prémisse établie, le journal — qui considérait la continuité de la politique porfirienne comme une « garantie nationale » — continuait son raisonnement en développant l’argument suivant :
« La Nation a marché avec une précision chronométrique depuis plus de trente ans, grâce à la sage direction de l’Illustre Homme d’état qui nous gouverne16. »
23Une première conclusion était ensuite avancée, qui invitait le public à ne pas courir de risques : « pourquoi faire des expériences ? ». Cependant, puisque le dictateur lui-même avait affirmé à Creelman que le peuple était prêt à exercer ses droits, El Correo de Jalisco reprenait l’argument « Nous appuyons l’idée que le peuple exerce tous ses droits [...] » pour le retourner rhétoriquement dans le sens de son propos de fond :
« Nous n’éprouvons pas d’embarras à proposer à tous les Jaliscienses que, le moment venu, ils imposent leur volonté à l’homme qui a prouvé être Grand Lutteur, Grand Pacificateur, Grand Homme d’état [...]. Il faut imposer la volonté nationale à Monsieur le Général Don Porfirio Díaz [...]17. »
24Díaz est ainsi présenté comme un être irremplaçable, auquel le destin du pays est intimement lié ; le destin de la patrie et celui de sa personne sont presque assimilés. En ce sens, l’incitation à ne pas chercher à changer l’état des choses était renforcée par un argument d’ordre moral : « Ce serait attenter à la Patrie. » C’est tout juste si on ne prédit pas la disparition du Mexique à la mort du dictateur. Ce qu’on prévoit c’est le chaos de la nation si elle s’écarte de la direction de Díaz ; le registre est bien celui de la tragédie classique.
25C’est ainsi que dans les premiers jours du mois de juin 1908 les camps sont définis, et les différentes positions de la classe politique de l’état transparaissent dans les pages de la presse : il y a ceux qui attendent impatiemment un changement politique et une ouverture de l’espace de participation (La Libertad), en considérant, de surcroît, que c’est la seule solution possible à la crise que le pays traverse.
26A l’extrême opposé, il y a ceux qui désirent prolonger le plus possible l’ordre des choses (El Correo de Jalisco), et considèrent qu’un changement ne peut être que nuisible au pays.
27Il y a, enfin, ceux qui font un effort pour se tenir autant que possible en marge du débat (El Regional). Cette non-prise de position de la presse catholique en est une, et s’explique en partie par la relative prudence que la presse confessionnelle était censée observer par rapport aux sujets politiques. Cependant, les raisons sont plutôt probablement liées aux hésitations du camp catholique — hiérarchie institutionnelle et laïcs — vis-à-vis de la possibilité de participer au jeu politique d’une manière ouverte18.
2. Fabriquer l’événement
2.1. Le peuple absent
28Un volet essentiel du débat autour de la succession présidentielle reste l’hypothèse de la naissance des partis, autour de laquelle s’expriment des interprétations divergentes à propos de la structure de la société mexicaine, de sa capacité d’exercice des droits civiques, de sa « maturité » (pour reprendre l’idée de Díaz), par rapport à l’enjeu du moment.
29La presse officieuse se montre totalement pessimiste :
« [...] les dits partis politiques n’apparaîtront jamais et ils ne peuvent pas apparaître, car il n’y a pas d’éléments susceptibles de les former. Cette carence d’éléments, la majorité en est consciente19 ».
30Dans un discours à nouveau quelque peu fataliste, El Correo de Jalisco explique quelles sont, à son avis, les raisons de cette impossibilité et propose en passant sa théorie sur les composantes de la société mexicaine, « divisée en trois couches sociales »20. Il existe selon le journal, « l’aristocratie ou classe riche », qui ne prend jamais parti en politique,
« de peur de mettre en danger le bien-être de ses intérêts, et si elle a des convictions et des sympathies pour quelque personnalité ou cause, elle se garde bien de les manifester pour ne pas s’attirer des inimitiés du parti contraire, si celui-ci obtenait le triomphe21 ».
31Il y a, à l’extrême opposé,
« la classe inférieure [...] qui constitue la plus grande majorité [...] ; chez celle-ci, ce sont le manque d’instruction et la carence d’éducation civique qui la font s’abstenir de participer à l’affaire ; elle ne lit pas, ne réfléchit pas, ne se préoccupe pas des hommes qui la gouvernent [...]. Elle n’a servi et ne continuera à servir que de mannequin aux caciques22 ».
32Après une telle description, la conclusion sur un éventuel rôle politique de cette classe ne surprend personne :
« Il ne faut pas compter avec celle-ci, parce qu’elle est d’une nullité complète, incapable de comprendre même ses droits les plus élémentaires23. »
33La différence entre cette conception et celle de la presse libérale indépendante n’est pas dans la perception qu’elles ont, toutes les deux, des travailleurs comme une masse plongée dans l’ignorance et le vice, mais plutôt dans la possibilité ou l’impossibilité d’un changement. L’immobilité dans laquelle El Correo de Jalisco classe cette couche de la société diffère profondément de la position défendue par la presse indépendante — citée ci-dessus — qui entend l’aider précisément à palier une prétendue carence d’éducation civique.
34Ainsi, aux yeux de El Correo de Jalisco, pour ce qui est de la formation des partis politiques, « il ne reste que la classe moyenne ». On se souviendra par ailleurs du rôle de première importance qu’un journal comme Jalisco Libre attribue à cette même classe, en la considérant comme
« celle qui travaille le plus, celle qui se lance dans le vaste champ des opérations, celle qui bouge sans cesse, celle qui produit le plus et aussi celle qui consomme le plus24 ».
35Or, pour l’éditorialiste de El Correo de Jalisco, la classe moyenne n’est que
« pusillanime, timorée et lâche, elle n’ose rien ni ne se résout à rien25 »,
36car trop dépendante du système bureaucratique.
37La société dans son ensemble est ainsi jugée inapte à l’exercice de la citoyenneté. Le manque d’initiative des différentes classes sociales s’aggrave par l’absence de candidatures, car personne ne confirme qu’il se présentera, plongeant dans le ridicule ceux qui avaient lancé des noms. L’article se termine sur un ton triomphal par une profession de foi porfirienne :
« D’où on déduit, à notre grand plaisir et à celui de nos convictions, qu’en l’absence de peuple et de candidats, des partis politiques ne peuvent exister ; et ces partis n’existant pas, le Général Díaz ne sera pas destitué26. »
38Dans une telle conception, l’absence de candidatures ouvertes « prouve » l’absence d’un peuple capable de se donner un gouvernement ; la société existante a toujours besoin de la tutelle de Díaz.
39Étrange assimilation, par ailleurs, que celle de l’existence hypothétique des partis avec une destitution, tout aussi hypothétique, de Díaz, alors que du moins dans les opinions exprimées en public, nul ne parle de le destituer mais (en reprenant les propos tenus par lui-même) d’un acte volontaire de sa part pour se retirer du pouvoir et ouvrir la voie à la démocratie ; sauf que, précisément, ce n’est pas de démocratie qu’il s’agit dans l’opinion de El Correo de Jalisco :
« Et, dans le cas où il [Díaz] s’obstinerait à se retirer, personne mieux que lui ne pourra désigner avec grande exactitude et tact, l’individu le plus indiqué pour lui succéder27. »
40Et de mettre en évidence ce qui, à ses yeux, n’est qu’une incapacité de la société civile à s’organiser et constituerait une absence de réponse claire à l’incitation de Díaz :
« Quoi de plus ? le Général Díaz lui-même a prôné la formation de partis politiques et ceux-ci apparemment ne peuvent pas non plus s’organiser. A qui la faute28 ? »
41Pour d’autres journaux, la question de la formation des partis d’opposition n’est pas impossible, mais délicate. Ainsi, Jalisco Libre laisse bien transparaître sa crainte de voir le pays déchiré entre les différentes tendances dont Díaz avait bien réussi à obtenir un certain consensus et une sorte de trêve29 :
« Vu notre situation actuelle, modelée par le centralisme, nous ne croyons pas réalisable, en ce moment, la formation d’un parti homogène qui focaliserait les aspirations nationales, en dehors du grand parti porfiriste30. »
42Le grand danger, aux yeux de l’auteur, serait « l’irruption de bannières, qui compromettraient la paix et la tranquillité du pays »31. Bien entendu, ce « grand parti porfiriste » n’est pas un parti politique structuré, mais il comprend hypothétiquement tous les partisans de Porfirio Díaz, selon l’acception du terme au xixe siècle.
2.2. Díaz, la patrie, la volonté populaire
43Pour toute la presse entrée de plain pied dans le débat — la presse libérale, en somme — les questions soulevées par les déclarations du dictateur ouvrent clairement la réflexion sur les rapports entre Díaz, la patrie et la volonté populaire. S’il est clair qu’il existe un courant progressiste pour lequel il s’agit de trois entités distinctes, il est tout aussi clair que la confusion des trois caractérise le discours d’une autre partie de cette presse libérale, désireuse quant à elle de maintenir le status quo porfirien et représentante des tendances réélectionnistes.
44Le réélectionnisme n’entre dans le débat sur la transition présidentielle qu’en juin 1908, et il le fait depuis deux espaces différents : non seulement, comme on pouvait s’y attendre, il se fait fort d’intervenir dans les pages de El Correo de Jalisco, mais il prend également l’espace, jusqu’alors moins conventionnel, de Jalisco Libre.
45Ce journal qui, aux mois de mars et d’avril, présentait à ses lecteurs les propositions de candidatures lancées par Patria et par El Diario del Hogar, reproduit en juin un article de El Progreso Colimense, intitulé « Le maintien au pouvoir de Monsieur le Général Díaz est une nécessité nationale »32 dont l’argumentation reposait pratiquement sur le même registre que celle de El Correo de Jalisco. Ainsi, cette nécessité correspondait-elle au maintien de la paix et à une identification de celle-ci avec la permanence de Díaz au pouvoir. L’apparition d’une organisation politique d’opposition est perçue comme un élément perturbateur de la pax porfiriana, donc de « l’ordre et du progrès » :
« La retraite du Général Díaz de la scène politique, tout autant que la formation d’un parti d’opposition, produiraient de sérieuses et profondes perturbations sur la marche de paix et de progrès que poursuit la République33. »
46Dans cet article, tout comme pour El Correo de Jalisco34, le salut de la patrie est assimilé à la continuité politique ; puisque c’est le dictateur qui incarne le bien-être même de la patrie, sa permanence au pouvoir constitue la solution patriotique par excellence :
« Tant qu’existera le “Grand Mexicain” comme on le nomme avec justesse, nous n’estimons pas patriotique, ni raisonnable, ni convenable, qu’une candidature vienne altérer l’enviable paix qui règne dans tous les domaines de la république35. »
47L’apparition d’une telle candidature, dans l’esprit du journal, déchaînerait « des ambitions jusqu’aujourd’hui réprimées et sacrifiées sur l’autel de la félicité publique »36, et viendrait briser la paix porfirienne qui reposait sur une entente et une renonciation aux aspirations personnelles au pouvoir.
48L’article déploie ensuite le même genre de rhétorique que celle utilisée par El Correo de Jalisco pour parler de l’exercice par le peuple de ses droits civiques, dans le seul sens « patriotique » concevable, celui qui imposait à Díaz de rester au pouvoir :
« Monsieur le Général Díaz est parfaitement dans son droit de ne pas accepter d’être candidat aux prochaines élections présidentielles ; mais le droit individuel d’un homme [sic], réputé comme caudillo d’un peuple qui marche à grands pas vers l’accomplissement d’un grand destin [...] doit céder le pas au droit collectif de ce peuple, d’exiger de son caudillo qu’il reste à son poste [...]37 »
49La logique poussée à l’extrême, ce n’est même pas une question d’exercice des droits civiques, mais d’accomplissement d’un devoir patriotique :
« C’est un devoir de patriotisme que de soutenir à la présidence l’homme qui a rendu de si éminents services à sa Patrie, et de l’empêcher de laisser encore inachevée son œuvre titanesque, qui porte en son sein l’affermissement d’un régime de consolidation de la nation [...]38. »
50D’où il ressort que toute attitude ou opinion contraire, qui prônerait la formation des partis ou simplement le besoin que Díaz quitte le pouvoir, ne peut être que « anti-patriotique et mal intentionnée »39.
2.3. L’impossible successeur
51Il est certain que la vie politique mexicaine a été dominée, à partir de la diffusion de la conférence Creelman, en mars 1908, par des rumeurs, la plupart d’entre elles engendrées par cette même conférence. Il était question, le plus souvent, de la vérité ou fausseté des déclarations présidentielles, ou bien de l’identité d’un éventuel successeur. Le premier point fut éclairci lorsque, au début du mois de juillet, la nouvelle se répand que Díaz vient d’accepter un nouveau mandat lors d’une conversation privée40. Le véritable enjeu se trouvait dans le deuxième point.
« Où est le successeur ? qui est celui qui doit occuper le poste41 ? »
52En ces mots de El Correo de Jalisco, se résume une préoccupation centrale d’une partie de la classe politique mexicaine, attachée à la continuité du fonctionnement porfirien, étroitement liée à l’absence d’un successeur clairement préparé par Porfirio Díaz. El Correo de Jalisco signalait ensuite une situation qui expliquait, de fait, dans une large mesure, cette absence de partis :
« Il n’a pas encore surgi celui qui, faisant preuve de caractère et de patriotisme, acceptera une bonne fois pour toutes et franchement, face à la Nation entière, d’être candidat à la Présidence de la République42. »
53Le journal relève ainsi un fait capital : la classe politique se tient encore dans l’attente de nouveaux propos du dictateur et les candidats potentiels n’osent pas, de leur propre initiative, assumer publiquement une candidature qui risquerait de les placer en porte à faux vis-à-vis du système. El Correo de Jalisco remarque bien aussi cette tension — même s’il ne lui accorde pas d’importance en tant que telle — due au fait que ces candidats potentiels existent bel et bien :
« Certainement, ces hommes de valeur ne manquent pas, mais eux-mêmes évitent de se singulariser et montrent ainsi que le moment n’est pas encore venu de disputer le pouvoir à Monsieur Díaz, puisqu’ils auraient à lutter contre la volonté populaire43. »
54La volonté populaire est assimilée, ici encore, à la permanence de Díaz au pouvoir. Et le départ de Díaz, en conséquence, laisserait la nation désemparée :
« Si Monsieur le Général Díaz quittait le pouvoir [...] la présidence serait occupée par l’anonyme que le sort nous réserverait, sans que l’on ait rien prévu44. »
55Raison pour laquelle sa permanence s’imposait, afin de « préparer consciemment le futur politique du pays et donner lieu à la présentation de ces hommes »45. El Correo de Jalisco cherchait ainsi à légitimer la continuité, en plaçant la succession dans le domaine de l’impossible.
2.4. Héros, renard, Sphinx
« La résolution de Monsieur le Général Díaz est vraiment grandiose ; plus encore : elle est digne d’un héros de l’antiquité46. »
56C’est avec ces mots, que El Diario del Hogar (dont les propos sont reproduits par Jalisco Libre) faisait, non sans ironie, l’éloge de la décision prise par le dictateur. A plusieurs mois de distance de la diffusion de l’entretien Díaz-Creelman, Filomeno Mata « ignorait », dans son commentaire, les mois de polémique et de rumeurs, ainsi que les déclarations de « marche arrière » attribuées à Díaz :
« Abandonner volontairement un pouvoir absolu et rendre, confiant, par pur patriotisme, les libertés et les droits à tout un peuple, est en réalité un fait qui a peu de précédents dans les annales de l’humanité47. »
57Si les partisans de la continuité tâchaient constamment de désarmer les enthousiastes de l’ouverture, ceux-ci, ou du moins une partie d’entre eux, ne se faisaient pas d’illusion sur la sincérité des déclarations de Díaz à James Creelman. C’est dans cet esprit que Mata, par l’intermédiaire de El Diario del Hogar, avait adressé au dictateur une lettre dans laquelle il lui demandait de « manifester ce qu’il y avait de vérité » dans la rumeur « qu’il s’était enfin résolu à se séparer du pouvoir, en publiant un manifeste à la Nation »48. A Guadalajara — où la presse libérale indépendante suit de près les éditoriaux de El Diario del Hogar — c’est le quotidien La Libertad qui publie la lettre de Díaz à Mata, où le dictateur élude la réponse et qualifie l’affaire comme étant « de celles qui, à mon avis, ne doivent pas être traitées dès maintenant »49.
58L’éditorial de La Libertad se montre lucide au sujet du maintien de Díaz au pouvoir et, à propos du prétendu manifeste à la nation, tient à rappeler l’origine théorique du pouvoir de Díaz, dans la nation elle-même :
« Collègues, soyez convaincus que cette manifestation serait en trop, du moins tant que la nation en masse n’aura pas offert au Président de lui renouveler le pouvoir pour un mandat de plus50. »
59Une fois, dans le discours, la souveraineté rendue à la nation, La Libertad ajoute son avis : « ce qui spontanément n’aura pas lieu »51, avant d’exposer, sur le même ton de franchise, un scénario probable :
« Il n’est bien sûr pas difficile que la farce de toujours se répète et que les groupes d’adulateurs commencent à fonctionner en simulant des rencontres partisanes et des enthousiasmes qui n’existent pas52. »
60Cependant, La Libertad tenait aussi à souligner la part de Díaz dans le processus et donc sa responsabilité :
« Mais il est aussi clair que s’ils agissent par consigne, c’est que le Général Díaz veut continuer à garder le pouvoir et qu’il continuera et il n’y aura pas de manifeste53. »
61Dans le cas où ces promoteurs agiraient selon leur propre convenance,
« le Général Díaz, qui est astucieux comme le renard pour éviter le ridicule, ne le fera pas maintenant, [...] et pour la même raison il n’y aura pas de manifeste54. »
62Le dictateur joue sans doute avec l’imprécision de la situation, et sans doute aussi la presse essaie-t-elle d’exercer sur le public une certaine influence. C’est Díaz lui-même qui allait mettre fin à ces spéculations ; à la fin du mois d’octobre, il redéfinit les limites de la polémique sur la succession. La Libertad rend compte de ce fait dans les termes suivants, à la fin de l’article qui vient d’être cité :
« Ayant écrit les lignes précédentes, la nouvelle nous est parvenue qu’enfin le Sphinx a parlé et dévoilé le mystère [...]. Le Général Díaz a déclaré [...] qu’il ne quittera pas la chaise adorée55 »
63Le discours libéral d’opposition sur Porfirio Díaz a eu des glissements significatifs ; il n’est plus le héros de l’antiquité, faisant un geste louable, mais un Sphinx autoritaire décidé à ne pas abandonner le pouvoir. Si Francisco L. Navarro n’avait pas jusque là caché ses idées, le ton de son journal devient de plus en plus agressif et le traitement réservé au dictateur est de moins en moins cérémonieux et respectueux d’un protocole implicite. Un élément reste inchangé, c’est l’incitation du public à agir, car il s’agit avant tout de ne pas abandonner la lutte (no hay peor lucha que la que no se hace).
3. Investir le champ politique
3.1. L’état comme intermédiaire : centraliser, unifier
64Vers la fin de l’année 1908, les positions restent en général les mêmes qu’au mois de juin (quand apparurent des réactions dans l’ensemble de la presse à l’entretien Díaz-Creelman). Elles deviennent toutefois de plus en plus claires : les partisans de la continuité le demeurent, toujours plus acharnés, et ceux qui comptent sur un changement politique ne désarment pas non plus. Ceux qui hésitaient, quant à eux, ne paraissent pas avoir défini davantage leur position.
65La presse est le seul espace où, pour l’heure, les positions s’affichent, et ce jusqu’à la première quinzaine de décembre, lorsque la cloche officielle sonne à nouveau. Cette fois, c’est le gouverneur de l’état, Miguel Ahumada, qui donne le ton et ouvre l’espace aux organisations politiques, de la même façon que la publication de l’entretien Díaz-Creelman avait ouvert l’espace au débat journalistique. On voit bien ici le fonctionnement du système : le geste du gouverneur ne vient qu’après les nouvelles déclarations de Díaz et, bien entendu, entièrement dans le sens de celles-ci. En effet, lors d’une réunion solennelle le gouverneur de l’état procède à l’installation d’une instance destinée à gérer l’ensemble des activités politiques de l’état, concernant la succession présidentielle :
« Une Junte Centrale qui soit comme le noyau dirigeant des autres juntes ou clubs qui s’organiseront dans toutes les localités importantes du Jalisco56. »
66Ce faisant, il prend la tête des travaux d’organisation politique de l’état, se joignant par là au mouvement réélectionniste national, et créant un mécanisme qui permet de disqualifier les tentatives marginales d’organisation.
67Ahumada, qui entend ainsi focaliser les inquiétudes politiques de l’état, convoque, de la manière la plus traditionnelle, les notables de Guadalajara :
« A cet effet [...] se sont réunis dans le Grand Théâtre Degollado, le soir du premier de ce mois, les citoyens les plus en vue de l’ordre intellectuel et politique, des centres industriels et de la presse57. »
68Jalisco Libre, que nous avons vu hésiter depuis le mois de mars entre un camp et un autre, sans émettre une opinion propre, mais reproduisant toujours celle d’autrui, embrasse ouvertement la position du gouvernement de l’état dont il fait l’éloge le 13 décembre 1908 :
« L’état du Jalisco ne pouvait pas rester en retrait du mouvement régénérateur qui s’est étendu à travers toute la République afin que, lors des prochaines élections à la Présidence et à la Vice-présidence, le peuple assume l’attitude qui lui correspond dans les élections58 .»
69Le peuple dont on attendait qu’il assume ses droits civiques n’était autre que la classe moyenne, que Díaz jugeait « apte à s’organiser en partis politiques et même en parti de juste et saine opposition »59. L’issue de la réunion ne réserve pas de surprise :
« Il fut accordé [...] que pour la présidence, il n’y avait de candidat possible que le même glorieux caudillo fondateur du Mexique moderne60. »
70Mais il est vrai que Díaz lui-même, en rendant public son désir de rester au pouvoir, avait redéfini l’enjeu, qui se trouvait désormais dans la lutte pour la vice-présidence. A cette question, d’autant plus délicate que le dictateur ne s’est pas encore prononcé, la réunion convoquée par Ahumada ne fournit évidemment pas de réponse mais, tout simplement, elle ratifie publiquement que le point d’attention et de lutte politique sera dorénavant la vice-présidence.
« S’il y a quelque désaccord, et il doit y en avoir, pour que de ce premier essai dans les sereines joutes démocratiques sorte fulgurante, splendide, la véritable expression de la volonté populaire, ce sera dans l’élection du Vice-président61. »
3.2. Les indépendants
71Une fois que le gouvernement de l’état émet le signal de la constitution d’une Junte, les milieux politiques locaux osent afficher ouvertement leurs initiatives d’organisation.
72La plus remarquable d’entre elles est la constitution, en décembre même, du Partido Independiente qui, dès sa naissance, lance les candidatures de Porfirio Díaz à la présidence et du général Bernardo Reyes à la vice-présidence. Ce parti est, particulièrement, le fruit du travail du journal La Libertad, et les dimensions qu’il a acquises reflètent, dans une large mesure, l’étendue de l’influence idéologique du quotidien de Francisco L. Navarro. Il convient toutefois de souligner d’emblée que La Libertad ne devient pas l’organe du parti Independiente, mais qu’elle en est plutôt la créatrice.
73La nouvelle organisation se tisse autour de l’ingénieur Ambrosio Ulloa, qui entrait apparemment pour la première fois en politique (il ne fait pas partie des cercles politiques porfiriens, n’occupe aucun poste public ni ne paraît apparenté à ce milieu de manière directe). Il ne s’agit sans doute pas d’un inconnu parmi les élites locales, puisqu’il est, à l’époque, actif au moins au sein de deux groupes professionnels : les ingénieurs et les boulangers. On peut supposer en conséquence que, au moment de la constitution du parti, Ulloa exerçait un ascendant sur son milieu professionnel. Mais il ne fait aucun doute que son rôle à la tête de la naissante organisation l’amena au sommet de son prestige personnel : le 30 décembre 1908 il est élu président de la Sociedad Jalisciense de Ingenieros62. A la même époque, il était aussi gérant de la Sociedad Mutualista de Panaderos S.A.L. Tout comme Ulloa, le reste des fondateurs du parti sont des hommes non liés au pouvoir, de profession libérale, ingénieurs, médecins, commerçants ; il n’y a — en principe — ni fonctionnaires de haut niveau, ni militaires ni, surtout pas, ce qu’on appelait à l’époque des « autorités politiques », c’est à dire : chefs, directeurs, sous-directeurs et commissaires politiques.
74La plate-forme du parti est rédigée par Ulloa le 7 décembre, quoique publiée seulement le 2 janvier suivant63. L’Independiente, qui peut se vanter d’être le premier parti à se constituer dans la République après l’entretien Díaz-Creelman64, n’est pas un simple parti régional : il naît avec des prétentions nationales. La convocation est ainsi ouverte à tous les citoyens mexicains, plus particulièrement à ceux qui n’ont pas d’engagements avec le gouvernement ; La Libertad pouvait bien affirmer :
« Nous, les Jaliscienses, nous avons été les premiers dans le pays, à convoquer tous les mexicains, et plus spécialement ceux qui n’ont ni liens ni engagements avec le gouvernement, pour qu’ils forment le grand groupement indépendant, qui travaillera pour le seul bien de la patrie65. »
75Le nouveau parti avait pour objectif principal celui, ambitieux, de
« écarter tout obstacle de fait ou de droit, pour que les pratiques démocratiques soient effectives dans la République ; et que l’on arrive, graduellement, au gouvernement réel coordonné, juste et rationnel du peuple par le peuple66 ».
76C’est en accord avec ce principe, que le parti avait décidé, pragmatiquement, d’appuyer la candidature de Porfirio Díaz à la Présidence, même si cela pouvait paraître paradoxal, car le maintien de Díaz au pouvoir avait à ses yeux la fonction de garantir une transition pacifique vers un régime démocratique. La Libertad expliquera quelques jours plus tard ce paradoxe en parlant des « circonstances très spéciales » qui avaient obligé certains, « afin d’atteindre un idéal patriotique », à proposer la réélection de Díaz,
« pour qu’il reste au pouvoir un peu plus de temps, en attendant que les pratiques démocratiques soient effectives ou qu’elles soient proches de l’être67 ».
77D’autre part, les organisateurs du nouveau parti, désirant promouvoir les pratiques démocratiques à l’intérieur de celui-ci, ne proposaient pas une plateforme de gouvernement toute prête, car celle-ci devait être adoptée par la convention politique générale du parti (article 2). En même temps, une stratégie de développement avait été décidée et les statuts proposaient une structure territoriale qui prévoyait l’extension de l’organisation à l’ensemble du pays, fondée sur des
« groupements généraux dans chaque état et Territoire de la République et des Groupements locaux dans chaque localité de celle-ci, le Parti étant constitué par l’ensemble de ces groupements » (article 3).
78Les différents éléments de cette structure devaient tenir des conventions régulièrement, dont le calendrier serait en rapport avec celui des élections aux différents niveaux de la structure politique de l’état (commissaires politiques, ayuntamientos, Congrès de l’état et gouverneur). Qui plus est, le nouveau parti faisait son début dans la vie publique avec un calendrier politique précis : lors de la publication même de ces statuts, Ambrosio Ulloa annonçait qu’une première grande convention était prévue pour l’année suivante — en janvier 1910 —, en préparation de laquelle tous les organismes dans les états devraient réaliser leur propre convention locale le 18 juillet 190968. Le parti souhaitait, manifestement, tenir compte, d’ores et déjà, des échéances politiques du pays.
79On voit donc parfaitement, dans ce premier document public du Partido Independiente, que ses fondateurs comptaient mobiliser des adhérents dans l’ensemble du pays ; ainsi l’organisation ne peut être aisément qualifiée de parti local, d’autant plus que les premières adhésions attestent l’écho que l’initiative eut dans plusieurs états de la République.
80Effectivement, lorsqu’elle commence à rendre publics ses premiers travaux, l’organisation compte déjà plus de six cents adhérents, ce qui permet de penser qu’elle se préparait depuis un certain temps, probablement depuis la publication de l’entretien Díaz-Creelman, en mars 190869.
81Le nouveau parti s’inscrivait dans un projet à long terme, contrairement aux organisations politiques courantes à la fin de la dictature, pour la plupart des clubs formés de manière conjoncturelle, qui n’étaient que des éléments de la scénographie électorale porfirienne70. Ceci est clair dans les articles 10 et 11 des statuts, qui concernent la procédure que le parti devrait observer dans le futur pour la sélection des candidats à soutenir. Ces deux articles restaient pour le moment inobservés, car les indépendants lançaient, sans attendre leur avis et sans avoir effectué de congrès, la formule Díaz-Reyes. Dans un article transitoire, le document expliquait les raisons de cette situation exceptionnelle tout en accentuant le caractère institutionnel du parti, qui n’était pas créé en fonction de ces personnalités, ni ne s’arrêterait devant un refus de leur part :
« Pour cette seule fois, le Parti politique independiente déclare que, son candidat à la Présidence étant M. le Général de Division D. Porfirio Díaz et à la Vice-présidence M. le Général de Division D. Bernardo Reyes, ils ne sont pas soumis à l’article onze qui concerne leur accord préalable [...] et que, si lesdits messieurs refusaient la candidature, la convention qui demeurera réunie à ce seul objet, procédera à la désignation d’autres candidats, entièrement assujettie dès lors aux statuts susmentionnés71. »
82Le mouvement des indépendants est un mouvement auquel adhérent en premier lieu des professionnels et des commerçants connus. En publiant les noms des premiers adhérents au parti, La Libertad proposait une curieuse explicitation des liens d’influence politique de ces notables avec le reste de la population.
« On verra que ce sont toutes des personnes cultivées, aussi bien des professionnels que des [membres des] principales affaires de toutes les localités de l’état ; on peut donc dire avec raison que derrière chacune d’entre elles il y a des milliers d’individus qui sont de la même opinion72. »
83On peut mesurer le rôle de La Libertad dans l’expansion du mouvement des indépendants à travers les adhésions obtenues dans d’autres états : celles-ci coïncident souvent avec les souscriptions et les lecteurs du journal de Francisco L. Navarro. Tel est particulièrement le cas de la région de Cananea (Sonora) où la lecture de La Libertad semble être courante dans les milieux miniers, comme l’attestent le courrier des lecteurs ainsi que le fait qu’il y ait un correspondant du journal73 et une souscription.
84Ainsi, le premier groupe d’adhérents de ce centre minier au P.I. est fondé le 29 décembre74. Ce fait suppose déjà la lecture de La Libertad, puisqu’il ne semble pas que le Partido Independiente ait eu aucun autre moyen de propagande en dehors du journal. Quelques mois plus tard, le courrier des lecteurs de La Libertad reproduit la lettre d’un lecteur de Cananea, ce qui confirme la présence du journal dans cette région : en plus de rapporter les abus dont les travailleurs des mines sont l’objet, elle rapporte comment un souscripteur de La Libertad a été obligé d’annuler son abonnement, intimidé par les menaces d’un dénommé D. Pablo Rubio, commissaire et
« un des plus acharnés ennemis de ses compatriotes [...] qui, pour la même raison, affirme et jure qu’il ne lui convient pas de recevoir ce journal car il est nocif à la société75 ».
85L’ancien lecteur de La Libertad — dans la conception dudit Rubio — n’avait qu’à s’abonner à El Imparcial76.
86Malgré la répression qu’exercent les autorités, la présence de La Libertad à Cananea s’est vraisemblablement accrue au courant de l’année 1909. Le quotidien « couvre » de plus en plus les événements de la région, et de là il s’introduit dans d’autres localités du Sonora (un des états où le reyisme était fort) comme Navojoa77 et Guaymas78 et d’une manière générale dans l’ensemble de cet État79.
87L’exemple qui vient d’être cité montre la capacité de cette élite tapatía concentrée dans le naissant Partido Independiente, ainsi qu’autour de Francisco L. Navarro et de son quotidien La Libertad, à atteindre, par son influence, des régions éloignées et même la population mexicaine au-delà de la frontière nord (à Tucson, Arizona80). Il faut attribuer cette extension à la solidité du travail journalistique de Navarro, de même qu’à la promptitude de la constitution du Parti. D’autre part, comme en témoignent les termes mêmes de l’appel à rejoindre le nouveau parti, la base des adhérents visés est particulièrement large : la seule condition requise pour devenir membre concerne l’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Il est indéniable, enfin, que ce succès est étroitement lié à un phénomène d’opinion plus vaste, le reyisme, car le parti Independiente a incontestablement capitalisé ce mouvement d’opinion qui le dépassait largement du point de vue de son ampleur. Il est difficile d’établir la part qui revient à La Libertad et celle qui revient au reyisme en lui-même dans le succès de ce parti. On peut toutefois dire que bien des reyistes ont trouvé dans l’organisation la meilleure voie d’expression, et fait confiance à un parti qui comptait avec le soutien moral de Francisco L. Navarro.
3.3. Dans le sillage du Partido Democrático
88Un mouvement engendré à Mexico va venir court-circuiter quelque peu l’élan des indépendants ; il s’agit de la formation du Partido Democrático, qui a absorbé une partie des reyistes, même dans l’état du Jalisco. Ce mouvement est né à Mexico, en janvier 1909. Il a connu trois appellations différentes : d’abord, Club Organizador del Partido Democrático, puis Club Central del Partido Democrático, enfin Partido Democrático. Il s’est constitué autour de certaines personnalités — Manuel Calero, Jesús Urueta, Diódoro Batalla —, membres éminents de la classe politique de la capitale. Ce parti ne proposait pas de candidats pour l’instant, mais envisageait de faire une tournée de propagande à travers le pays, dans le but de recruter des adhérents.
89La naissance de cette nouvelle organisation a sans doute limité l’expansion du Partido Independiente, notamment vers l’extérieur de l’état. Cependant, la solidité de son implantation au Jalisco ne semble pas être mise en question par l’apparition d’une section locale du Partido Democrático qui ne fut jamais aussi forte — loin s’en faut — que l’organisation dirigée par Ulloa.
90Il faut préciser d’emblée que les deux organisations diffèrent dans leur composition, dans leurs principes et particulièrement dans leur démarche, même si elles convergent dans le but fondamental qu’elles affichent : la démocratisation du pays81.
91Une différence sur laquelle les acteurs eux-mêmes insistaient, est le fait que les indépendants est un mouvement né dans une capitale de province, tandis que l’organisation du Partido Democrático se fait à partir de la capitale de la République. Pour un état comme le Jalisco, avec une longue querelle contre l’état central, cela est essentiel.
92En effet, les membres des deux partis étaient recrutés différemment en principe, au caractère indépendant demandé par le parti de ce nom, correspondait, chez les « démocrates », un noyau fondateur composé de fonctionnaires publics de haut niveau, illustré par le fait que le vice-président de l’organisation, Manuel Calero, venait d’être nommé Subsecretario de Fomento. Ainsi, si l’un est un rassemblement de volontés, l’autre est un rassemblement de personnalités.
93D’autre part, leurs méthodes d’expansion sont différentes : ceux qui adhèrent au Partido Independiente le font par une lettre qui répond à un appel paru dans la presse, avec parfois le relais d’un correspondant-propagandiste ou militant. Il n’y a d’autre cérémonie que la publication dans le même journal de cette lettre d’adhésion. Les membres éminents du parti ne se déplacent pas pour une cérémonie d’inauguration formelle d’une nouvelle cellule ; tout se passe donc dans la presse et par la presse. Le Partido Democrático a, en revanche, une stratégie bien différente : fondé dans la capitale du pays, le parti envoie une délégation du centre à chaque création d’un noyau régional pour présider à une pompeuse cérémonie d’inauguration. C’est du moins, ce qui s’est passé à Guadalajara.
94Finalement, ces deux organisations sont — sur le territoire du Jalisco, mais c’est loin d’être le cas pour l’ensemble du pays, contrairement à ce qui est fréquemment affirmé82 — encadrées par ce mouvement vaste que fut le reyisme ; c’est de ce point de vue qu’elles seront analysées dans le prochain chapitre.
Conclusion
95L’année 1908 est ponctuée par deux événements qui dynamisent la vie politique du Jalisco : le premier, la publication au mois de mars des déclarations de Porfirio Díaz à James Creelman, a des répercussions nationales. Le second, aux conséquences bien plus limitées, est l’installation, au mois de décembre, par Miguel Ahumada, gouverneur de l’état, d’une Junte Centrale dont l’objectif est de concentrer et, partant, de contrôler, les travaux politiques des citoyens du Jalisco en vue de l’élection présidentielle de 1910.
96Événements qui fonctionnent surtout comme des signaux pour la classe politique, le premier a ouvert un espace que le second a prétendu, sans succès, restreindre. En effet, si ce que la presse a appelé « l’entretien Creelman » a ouvert un espace de discussion politique sans précédent dans la dictature, la fondation de la Junte Centrale a balisé un chemin pour la mobilisation politique, ouvrant par là même, paradoxalement, un espace aux organisations politiques nouvelles.
97Ces événements tirent de son engourdissement une classe politique qui demeure, néanmoins, largement conventionnelle et « faite » au fonctionnement du régime. On voit bien ce conventionnalisme dans la prudence avec laquelle elle parcourt l’ensemble de l’année 1908 : point de précipitation ni d’annonce prématurée de candidatures, même si l’on sait bien que des prises de position très claires — notamment le soutien au général Reyes — se développent dans le privé.
98Les élites du Jalisco font preuve de leur « conformation » au système porfirien, en agissant dans le respect pratiquement total des normes non écrites d’utilisation de l’espace public83 : elles attendent non seulement le signal de Díaz mais — et peut-être surtout — celui de l’autorité locale. Qu’elles aient été cependant prêtes à l’action et même, vraisemblablement, organisées, est lisible dans la rapidité avec laquelle les candidatures sont lancées une fois le signal émis ; 1909 sera l’année des organisations.
99La presse régionale exprime elle aussi, à sa manière, cette prudence, en apparaissant dans un premier temps comme se faisant uniquement l’écho de l’opinion nationale. La presse indépendante rattrapera largement ce retard à partir du moment où la donne politique sera plus claire, devenant de plus un plus un facteur de mobilisation et de changement et laissant, loin derrière elle, la presse officieuse avec son discours sur l’immobilité de la société.
100A partir de cet événement que représente la publication de l’entretien Díaz-Creelman, s’ouvre un débat sur la succession présidentielle qui dépasse les cercles libéraux porfiriens « habitués » à cette discussion. Naît ainsi un espace où l’opposition politique peut se construire. L’institutionnalisation de formes politiques indépendantes de l’état apparaît dès lors comme relevant du « possible », du « permis », de « l’envisageable ». Or, ce n’est pas tant l’entretien Díaz-Creelman lui-même, mais l’attribution de sens dont il fait l’objet de la part des acteurs, — par le biais, dans un premier temps, du débat ouvert dans les pages de la presse, dans un second temps, par la constitution d’espaces associatifs autonomes intéressés au politique —, qui est à l’origine de cet infléchissement du mode d’emploi porfirien de l’espace politique.
101En effet, si cet entretien est loin d’être la « cause » de la naissance des organisations militantes dans le pays84, cependant, en fournissant un cadre d’action aux inquiétudes des différents milieux politiques mexicains, il les a décidées à prendre un tour franchement politique.
102Ainsi, l’entretien Díaz-Creelman est, pour les contemporains, un événement dont la construction se prolonge sur plusieurs mois et dont la dimension la plus importante est celle que l’opinion en bâtit. Ces presque dix mois d’attente sont, en premier lieu, un temps de préparation pendant lequel l’opinion fait de l’entretien Díaz-Creelman un événement, et où, en second lieu, des réseaux se constituent ou se reconstituent dans l’ombre, en attendant de voir la portée véritable des propos de Díaz. Ainsi, les organisations qui se manifestent publiquement en décembre 1908, sont aussi le produit d’une agitation de l’opinion qui se nourrit des multiples interprétations du célèbre entretien. C’est à cette opinion qu’il convient ici de rendre toute sa place, car la tradition historio-graphique qui a consacré l’événement comme moment mythique et « cause essentielle »85, le réduit à sa dimension purement événementielle lui ôtant, par là même, toute la richesse que de multiples acteurs ont conféré à un processus de création de sens autour de cet événement.
Notes de bas de page
2 L’entretien est reproduit intégralement dans Documentos de la Revolución Mexicana, Biblioteca Enciclopédica Popular, n° 79, Mexico, Secretaría de Educación Pública, 1945, pp. 7-16, et dans A. matute, México en el siglo xix. Antología de fuentes e interpretaciones históricas, Mexico, UNAM, 1984, pp. 356- 361.
3 L. M. Rojas, La culpa de Henry Lane Wilson en el desastre de México. Mexico, editorial La Verdad, 1928.
4 C’est l’opinion de J. lopez portillo y rojas dans Elevación y caída de Porfirio Díaz (1921), Mexico, Porrúa, deuxième édition, 1975.
5 Jalisco Libre, 21 mars 1908.
6 Ibid., 21 mars 1908.
7 Ibid., 23 avril 1908.
8 El Regional, 2 juin 1908.
9 Dans le discours des élites de la fin du porfiriat, le mot peuple est fréquemment utilisé comme synonyme de classes moyennes, auxquelles on attribue un rôle majeur dans le développement de l’« ordre et progrès » de la nation. Mais le mot est aussi régulièrement associé aux classes laborieuses, notamment dans la presse indépendante. Très souvent, comme c’est le cas ici, transparaît dans le discours le choix d’une ambiguïté sur le contenu du mot, ce qui permet de jouer sur les deux registres.
10 El Regional, 2 juin 1908.
11 Ibid.
12 « Nuestro ministro de hacienda ante la crisis nacional. IV », La Libertad, 3 juin 1908.
13 Ibid. Il faut noter que le journal propose un remplacement par intérim.
14 El Correo de Jalisco, 4 juin 1908.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Cf. M. Ceballos Ramirez, « Rerum Novarum » en México : cuarenta años entre la conciliación y la intransigencia (1891-1931) Mexico, Instituto Mexicano de Doctrina Social Cristiana, 1989.
19 El Correo de Jalisco. 16 juin 1908.
20 On se souviendra qu’un autre journal, Jalisco Libre, se référait à la société mexicaine comme étant constituée de quatre classes sociales. Cf. supra, chapitre 1, pp. 43-45.
21 Ibid., les italiques sont de l’original.
22 Ibid.
23 Ibid.
24 Jalisco Libre, 3 novembre 1907.
25 El Correo de Jalisco, 16 juin 1908.
26 Ibid., c’est moi qui souligne.
27 Ibid., 16 juin 1908.
28 Ibid., 11 août 1908.
29 Pendant ses trois décennies de gouvernement. Díaz avait réussi à bâtir sur cette trêve un pouvoir central aux limites à peine existantes ; en effet, grâce, entre autres, à la neutralisation des forces régionales, l’administration et le pouvoir centraux s’étaient considérablement renforcés. Cf. F.-X. guerra, op. cit., t. I, première partie : « Fiction et réalité d’un système politique ».
30 Jalisco Libre, 21 juin 1908.
31 Ibid.
32 Ibid.
33 Ibid.
34 Cf. supra, pp. 127-128.
35 Jalisco Libre, 21 juin 1908.
36 Ibid.
37 Ibid.
38 Ibid.
39 C’est en ces termes que El Correo de Jalisco rejette l’opinion de El Tiempo, journal catholique édité à Mexico, qui insistait sur le droit de Díaz de quitter le pouvoir en accusant ceux qui voulaient son maintien « d’être animés par des sentiments bâtards » et de vouloir surtout préserver une situation qui les favorisait. El Correo de Jalisco, 11 août 1908. El Correo profitait aussi de l’occasion pour reprendre sa vieille querelle avec la presse catholique.
40 Jalisco Libre. 5 juillet 1908, reproduisant une nouvelle de El Reproductor, de Orizaba, Veracruz.
41 El Correo de Jalisco, 11 août 1908.
42 Ibid.
43 Ibid.
44 Ibid.
45 Ibid.
46 Jalisco Libre, 20 octobre 1908.
47 Ibid.
48 La Libertad, 30 octobre 1908.
49 Ibid.
50 Ibid.
51 Ibid.
52 Ibid.
53 Ibid.
54 Ibid.
55 Ibid.
56 Jalisco Libre, 13 décembre 1908.
57 Ibid. Malheureusement, le journal ne donne pas leurs noms.
58 Jalisco Libre, 13 décembre 1908.
59 Ibid.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 La Libertad, 2 janvier 1909. Par la même occasion étaient élus vice-président Manuel García de Quevedo et secrétaire l’ingénieur José Tomás Figueroa ; ce dernier participe au mouvement catholique social à travers l’organisation des operarios guadalupanos, cf. infra, chapitre 7.
63 La Libertad, 2 janvier 1909.
64 Effectivement, le centre organisateur du parti Democrático, à Mexico, ne prend forme qu’au mois de février 1909. Cette affirmation ne tient pas compte du parti Liberal Mexicano, qui n’a pas attendu les mots de Díaz pour se constituer et qui s’inscrit dans une ligne politique entièrement différente de celle dont il est question dans ces pages.
65 La Libertad, 11 janvier 1909.
66 « Exposición de principios y Bases orgánicas del Partido Político Independiente », La Libertad, 2 janvier 1909. On peut consulter l’ensemble des statuts dans l’annexe 4.
67 « La cuestión política. Los científicos entran en campaña con las farsas inútiles de siempre », La Libertad, 12 février 1909. Cette argumentation se répète souvent dans les éditoriaux du journal.
68 La Libertad, 2 janvier 1909.
69 A partir du 5 janvier 1909, La Libertad publie la liste des membres du parti ayant adhéré avant le 15 décembre.
70 Il faut, bien entendu, exclure de cette généralisation le PLM des frères Flores Magón, organisation exceptionnelle en son temps, aussi bien par l’idéologie sur laquelle il s’appuyait que par le fait d’être un projet non conjoncturel avec une vision à long terme. Sur le PLM, cf. J. D. Cockroft, op. cit., ainsi que A. Knight, op. cit., pp. 44-47.
71 La Libertad. 5 janvier 1909. Les noms des premiers adhérents son publiés sur plusieurs numéros et ce texte les accompagne toujours.
72 Ibid.
73 Il ne s’agit pas d’un correspondant formel, mais de quelqu’un qui agit en tant que tel, écrivant régulièrement à Navarro et le tenant au courant des nouvelles de cette région.
74 Il s’agit d’un noyau de 47 personnes (Graciano Alcalá Gutiérrez, Rafael R. Navarro et 45 autres signatures), La Libertad, 12 janvier 1909.
75 La Libertad, 5 mars 1909. Correspondance de Cananea, Sonora, datée du 26 février.
76 Ibid.
77 Ainsi que l’atteste une correspondance publiée le 20 avril au sujet des liens entre Ramón Corral et les intérêts nord-américains.
78 Une lettre publiée le 18 juin et rédigée à Guaymas rapportait des adhésions à Reyes dans cette ville.
79 Le succès du P.I. dans Sonora, par le biais de La Libertad, est attesté par l’appel à l’union des reyistes autour du premier, lancé dans un article anonyme rédigé dans cet état et publié le 31 mai 1909.
80 Bien que faible, l’adhésion de cinq Mexicains habitant Tucson est significative.
81 Au sujet du Partido Democrático, cf. F.-X. Guerra, op. cit., t. II, pp. 96-105.
82 Sur le Partido Democrático, cf. infra. chapitre 6.
83 Sur les restrictions propres à l’espace public porfirien, voir le chapitre précédent.
84 François-Xavier Guerra avait mis en cause, il y a quelques années, la place accordée par l’historiographie traditionnelle à cet entretien, lu sans nuances comme la source de la mobilisation politique de la fin du porfiriat : « Tous les auteurs, cependant, qui s’occupent de ce thème, ceux de l’époque ou les contemporains convergent pour affirmer que l’entrevue avec le journaliste américain fut suivie d’une vague d’agitation politique. Or, il n’en est rien, et la chronologie est là pour le montrer : la parution de l’entrevue date de début mars 1908 ; et il faut attendre jusqu’à la fin décembre 1908, c’est-à-dire près de dix mois après, pour voir se constituer le premier groupement politique, le parti démocratique. », F.-X. guerra, Le Mexique. De l’Ancien Régime.... op. cit., t. 2, p. 95.
85 On ne va pas, dans le cadre de cette note, reprendre la liste exhaustive des ouvrages qui, se consacrant à la révolution mexicaine, s’ouvrent sur l’entretien Díaz-Creelman comme le déclencheur de la mobilisation politique. Cette quasi-unanimité est bien la preuve du caractère consensuel de la lecture historiographique de l’événement.
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Le laboratoire démocratique : le Mexique en révolution 1908-1913
Ce livre est cité par
- (2013) Collection Histoire Révolutions. DOI: 10.3917/bel.larre.2013.01.0236
- Tahar Chaouch, Malik. (2012) Religion, mouvements sociaux et démocratie : convergences et contradictions au Mexique. Politique et Sociétés, 30. DOI: 10.7202/1008311ar
- (2002) Librairie. Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 75. DOI: 10.3917/ving.075.0187
Le laboratoire démocratique : le Mexique en révolution 1908-1913
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