Le saint, sa Vie, sa relique : l’exemple du bienheureux David de Thessalonique
p. 85-100
Texte intégral
1Malgré les vicissitudes de son histoire, Thessalonique n’a pas oublié les saints qui jadis firent sa gloire et tant de fois la protégèrent, intercédant, de leur vivant comme après leur mort, pour elle et ses habitants ; elle le montra, en consacrant en 1921 à la mémoire du bienheureux David1 l’ancien katholikon, transformé en mosquée (Murad-Djami) sous la domination turque, du monastère du Christ Sauveur (encore dénommé Tou Latomou), « situé dans la ville haute, en contrebas du couvent des Vlatades »2. Elle fit plus encore un demi-siècle plus tard, et réinstalla en grande pompe les précieux restes du bienheureux dans le katholikon du monastère Sainte-Théodora3.
2Le dossier hagiographique de ce personnage est bien connu4. Il suffira d’en rappeler les principales entrées, ainsi que les questions qu’elles soulèvent : Jean Moschos est le premier à mentionner, dans son Pré spirituel, l’existence de David5. Pendant le règne de l’empereur Tibère (578-582), l’auteur visita, en compagnie de Sophrone le Sophiste, les monastères d’Égypte. Dans celui du Lithazomène, à Alexandrie, le Thessalonicien Palladios, interrogé par les voyageurs sur la naissance de sa vocation, leur raconta le prodige dont il avait été témoin dans sa jeunesse : David, un solitaire venu de Mésopotamie, vivait reclus depuis environ soixante-dix ans hors les murs de Thessalonique, à une distance de trois stades, lorsque des soldats, qui montaient la garde sur les remparts pour prévenir l’attaque des barbares qui menaçaient la ville, remarquèrent, une nuit, que la cellule de l’ermite s’embrasait. Ils crurent que les ennemis y avaient mis le feu, mais se rendirent compte, le lendemain, que la cellule et son occupant n’avaient subi aucun dommage. Cet événement extraordinaire se reproduisit chaque soir jusqu’à la mort de David. Toute la ville en fut informée ; les spectateurs affluèrent et Palladios, bien des fois témoin de ce prodige, embrassa l’état monastique.
3L’extrait du Pré permet d’établir une datation à peu près sûre : si l’on estime que Palladios, déjà fort âgé lors de sa rencontre avec les deux amis, était moine depuis environ 40-50 ans, David a dû mourir pendant le règne de l’empereur Justinien vers 530-540. Puisqu’il demeura reclus pendant soixante-dix ans, il est probable qu’il soit venu de Mésopotamie jusqu’en Macédoine au début du règne de Léon Ier (457-474).
4Or, bien que l’œuvre de Jean Moschos connût très tôt une grande diffusion, les Bollandistes, qui reconnurent dans ce passage le David des textes liturgiques célébré le 26 juin, remarquèrent que certaines données ne concordaient pas absolument avec ce qu’ils savaient par ailleurs du personnage ; ils présumèrent alors qu’il devait exister une Vie du saint6.
5De fait, lorsqu’en 1882, le philologue allemand Valentin Rose fit l’acquisition, pour la Bibliothèque royale de Berlin, d’un manuscrit des discours d’Éphrem le Syrien, il y découvrit divers autres textes, dont une Vie de saint David de Thessalonique, qu’il édita en 18877. En voici l’essentiel :
§ 1. Introduction.
§ 2-3. Le saint se rend dans le monastère thessalonicien des saints martyrs Théodore et Mercure, où il pratique ascèse et humilité. Réflexions sur les Saintes Écritures.
§ 4-5. David veut imiter son illustre homonyme : il lui faut accomplir un séjour de trois années dans un arbre, préalable à l’acquisition des vertus nécessaires au service divin. Développement de la comparaison entre les deux David.
§ 6-9. Séjour de David dans un amandier : il supporte avec constance la fureur des éléments ; éloge et comparaison rhétorique des vertus de l’arbre et du saint homme (§ 7) ; le solitaire, en dépit des protestations de ses disciples, reste ferme dans sa décision (§ 8) ; les trois ans révolus, un ange sanctionne le succès de son épreuve et lui enjoint de vivre désormais dans un kellion. Annonce d’une mission à accomplir (§ 9).
§ 10-12. Une procession de clercs, présidée par l’archevêque de Thessalonique, Dorothée, mène David en sa cellule. Il reçoit le don de chasser les démons et guérir les malades (§ 10). Deux exemples de miracles accomplis par le saint : guérison d’un possédé (§ 11) et d’une aveugle (§12).
§ 13-17. La mission politique de David à la cour de l’empereur Justinien : David est choisi comme ambassadeur par tous les Thessaloniciens pour demander le transfert du siège de la préfecture du prétoire d’Illyricum de Sirmium à Thessalonique (§ 13).
Le saint connaît d’avance l’intention de l’archevêque, venu avec clercs et laïcs l’engager à se conformer à leur décision. Il prédit sa propre mort au retour de la mission (§ 14).
David sort de sa cellule ; après de longues années de réclusion, son aspect est plus que jamais radieux (§ 15). À Constantinople, il rencontre tout d’abord l’impératrice Théodora, qui le reçoit « comme un ange de Dieu ». Éloge de Théodora (§ 16).
David accomplit un miracle en présence de l’empereur et du sénat : il fait brûler de l’encens sur des charbons ardents qu’il tient dans ses mains. Justinien, frappé d’admiration à sa vue, répond favorablement à sa requête (§ 17).
§ 18-19. Mort du saint, dans un âge fort avancé, au retour de sa mission (§ 18), et déposition de sa relique (§ 19).
§ 20-21. La mémoire de David continua à être célébrée chaque année au monastère.
Cent cinquante ans après la mort du saint, l’higoumène Dèmètrios désira prélever une parcelle de la relique. Il en fut empêché par un incident miraculeux, mais Sergios, son successeur et futur archevêque de Thessalonique, put constater l’intégrité du corps auquel il choisit de soustraire un peu de barbe et de cheveux. Cent quatre-vingts ans après la mort du saint, le biographe écrivit sa Vie, d’après les informations qu’il reçut au monastère. Intervention de l’auteur. Doxologie.
6Si la découverte et la publication de la Vie ont permis de relancer l’intérêt de la critique pour ce personnage, les grandes lignes de son existence n’en étaient pas moins déjà connues depuis longtemps. David fut inscrit au calendrier liturgique de Constantinople (26 juin) au plus tard dans la seconde moitié du ixe siècle, puisque Joseph l’Hymnographe (816-886) rédigea pour lui deux canons8. La Vie anonyme paraît en être l’unique source9. Mais il en va autrement d’une Vie abrégée contenue dans un ménologe anonyme compilé sous Michel IV Paphlagôn (1034-1041)10. Raymond-Joseph Loenertz y a relevé trois données absentes de la Vie ancienne11 : David est né en Orient ; ses parents étaient nobles ; dès son enfance, il poursuivait la perfection chrétienne. L’abréviateur aurait opéré sur un texte différent de la Vie ancienne, dans lequel ces trois éléments se trouvaient contenus. On les retrouve dans les notices des synaxaires grecs12. Tous dépendraient alors d’une « métaphrase perdue », postérieure au canon de Joseph l’Hymnographe, dont elle aurait intégré en partie le vocabulaire poétique13. Kônstantinos Manafès est revenu sur la question : selon lui, si synaxaires et ménologe eurent bien Joseph pour source principale, ils ont directement tiré du Pré spirituel leur information sur l’origine orientale de David, les autres données n’étant rien d’autre que des topoi hagiographiques14.
7Quoi qu’il en soit, les Vies abrégées ont le mérite de fournir un lien entre les deux plus anciennes pièces narratives de ce dossier. Chose étrange en effet, le David de la Vie anonyme coïncide difficilement avec celui du Pré spirituel15 : Jean Moschos ne dit mot du séjour dans l’arbre, ni de la mission auprès de l’empereur Justinien, et son David paraît n’avoir jamais quitté sa cellule durant soixante-dix ans, jusqu’à sa mort. Du reste, l’emplacement de cette dernière (à trois stades hors les murs de Thessalonique) est en désaccord avec l’anonyme (dans la ville). Et pourtant, la concordance topographique (Thessalonique) et chronologique (le Pré place la mort de David sous le règne de l’empereur Justinien, or c’est bien à la cour de cet empereur que le saint se rend en ambassade) quasi parfaite entre les deux récits plaide en faveur d’une commune identification. D’autre part, l’existence du solitaire se rattache fortement, dans les deux textes, au contexte des invasions barbares qui menacent sinon la métropole macédonienne elle-même (Pré spirituel), du moins les provinces septentrionales de l’Illyricum (Vie ancienne)16. On a même pu reconnaître, dans la Vie, un écho du récit du moine Palladios : tous les Thessaloniciens pouvaient constater, au cours de la nuit, l’embrasement de la cellule du vieux solitaire (δι’ὅλων τῶν θυρίδων τῆς κέλλης τοῦ ἐγκλείστου πῦρ ἐξήρχετο). Or, le possédé que guérit David est témoin d’un semblable prodige : πῦρ γὰρ ἐξέρχεται ἐκ τῆς κέλλης σου καὶ κατακαίει με (VD, 11, p. 29-30). Enfin, et surtout, dans le Pré spirituel, un second personnage entre en scène : il s’agit, toujours d’après Palladios, d’un Mésopotamien, dénommé Adolas, qui vint à Thessalonique avec David (μετὰ τοῦ ἀββᾶ Δαβίδ17). Il choisit de s’enfermer dans le tronc d’un platane à proximité de la ville18. Une telle coïncidence ne saurait être fortuite, et presque tous les commentateurs ont mis cette distorsion au compte de la distance temporelle séparant l’existence du saint de la rédaction de sa Vie.
8La composition de ce texte, plus ou moins cent quatre-vingts ans après la mort de David – elle survint à l’issue de son entrevue avec le couple impérial, Justinien (527-565) et Théodora (morte en 548) –, se situe entre (527+ 180) 707 et (548+ 180) 728 environ. L’auteur, qui interpelle régulièrement ses φιλόχριστοι ἀδελφοί, pourrait être un membre de la communauté monastique des Reclus (τῶν Ἀπροΐτων), qui conservait le corps du saint et célébrait sa mémoire19. Il reste que c’est là, préciset-il, qu’il a puisé ses connaissances, d’après la seule tradition orale. Un passage a surtout retenu la critique : alerté par l’irruption des Avars dans la région – ils étaient sur le point de franchir le Danube –, le préfet d’lllyricum, basé à Sirmium, chargea l’archevêque de Thessalonique, Aristide, d’avertir l’empereur et de l’engager à transférer le siège de la préfecture du prétoire à Thessalonique. La mission fut confiée à David, qui s’en acquitta avec brio (καὶ λοιπὸν ἡ ἐπαρχότης μετῆλθεν ἀπὸ τοῦ Σερμίου ἐν ταύτῃ τῇ τῶν Θεσσαλονικέων πόλει [VD, 20, p. 35]). La valeur historique de l’épisode a été discutée : dans sa novelle XI (14 avril 535), Justinien manifestait son désir de voir le siège de la préfecture transféré de Thessalonique à Justiniana Prima20. L’auteur n’aurait-il pas confondu cette dernière avec Sirmium (où résidait le préfet d’Illyricum avant de se déplacer à Thessalonique en 441/442) ? La mention anachronique des Avars pourrait aussi s’expliquer par la distance temporelle séparant l’auteur de son sujet21. La question, qui mériterait un réexamen complet, reste ouverte. Cependant, dans un article récent, Paolo Odorico a repris le dossier, et adopté un point de vue intéressant : l’hagiographe a peut-être « délibérément choisi de manipuler des renseignements historiques dont il disposait, pour construire la figure du saint protecteur de la ville, en lui attribuant le mérite d’un beau geste en faveur de Thessalonique dont il serait le garant qui en assure le succès et le développement »22. Il reste que l’enjeu principal du monastère demeurait la possession de la relique. Or, si l’on comprend aisément que la Vie s’efforce de justifier un culte ancien dans ses murs, le lecteur ne peut qu’être frappé par la place exceptionnelle du corps, aussi bien vivant que mort, dans la « construction » de la sainteté du personnage.
9David s’était donc retiré au monastère des saints martyrs Théodore et Mercure, autrement dit τῶν Κουκουλιατῶν23, dans la partie septentrionale de la ville, près du mur où se trouvait la poterne des Reclus. Pour mortifier son corps et accéder à la vie éternelle, il s’établit dans un amandier situé à droite de l’église du monastère. Un souvenir de l’Adolas du Pré, qui s’enferma dans le tronc d’un platane (ἐνέκλεισεν αὑτὸν […] εἰς πυθμένα πλατάνου)24 ? C’est probable, d’autant que l’origine orientale de David, dont font état certaines sources, pourrait conforter ce choix de vie, l’élévation et les souffrances endurées l’apparentant aux stylites25. Cependant, l’épisode est avant tout chargé d’une valeur symbolique : de même que le roi David avait obtenu, après trois ans d’instantes prières, les vertus royales (χρηστότης καὶ παιδεία καὶ σύνεσις [VD, 4, p. 27]) propres au service de Dieu, de même, ce nouveau David s’installa pour une durée semblable dans un arbre, détaché des choses terrestres et au plus près du Seigneur, afin que ce dernier se révèle à lui (ἀποκαλύψῃ μοι [ibid.]) et, considérant à quel point il avait tué en lui toutes passions humaines, lui accorde les vertus monastiques (σύνεσιν καὶ ταπείνωσιν [ibid.]) propres au service divin. Comme le premier David triomphant de Goliath, sans autre arme que trois pierres, symboles de la Trinité, le nouveau David vainquit le diable en se crucifiant (ἑαυτὸν σταυρώσας [VD, 5, p. 27]) dans l’arbre26. Tout l’accent est mis sur l’impassibilité du corps de l’ascète, son rayonnement, sa beauté (οὐδὲ τὸ ἀγγελοειδὲς αὐτοῦ πρόσωπον ἠλλοιώθη, ἀλλὰ δίκην ῥόδου ἦν τοῖς ὁρῶσιν αὐτόν, ἡλιακὰς ἀκτῖνας ἐκπέμπον [VD, 6, p. 28]). De fait, Dieu prit soin de son serviteur, et quand il vit les tourments qu’il affrontait avec foi, constance et fermeté d’âme, il lui donna le pouvoir de les endurer (ἐδωρήσατο αὐτῷ ὑπομονήν ; ὡς ἀδάμας ὑπέμεινεν [VD, 6 et 7, p. 28]).
10Ce premier épisode, qui fit de David tout à la fois un ange terrestre et un homme céleste (ὦ ἐπίγειε ἄγγελε καὶ οὐράνιε ἄνθρωπε [VD, 7, p. 28]), contient en germe tout le reste de l’histoire : par son sacrifice, David avait d’ores et déjà pris place parmi les élus et gagné le Royaume éternel, mais sa récompense – il l’apprit dans une vision – se trouvait différée : δεῖ γάρ σε καὶ ἑτέραν οἰκονομίαν πληρῶσαι καὶ οὕτως δέξασθαι παράκλησιν (VD, 9, p. 29). Il s’enferma donc dans une cellule, occupé à louer la gloire du Seigneur ; il avait, en outre, reçu la grâce de chasser les démons et guérir les malades. Toute la ville le prenait pour un ange de Dieu (εἶχε δὲ αὐτὸν πᾶσα ἡ πόλις ὡς ἄγγελον θεοῦ [VD, 12, p. 30]). Or, lorsqu’il sortit de sa cellule – la gloire du saint ne pouvait rester secrète –, tous purent constater que son corps s’était comme transfiguré.
Καὶ ἦν, ἀγαπητοί, ἰδεῖν αὐτὸν τότε ὥσπερ ἄλλον Ἀβραὰμ πεπολιωμένον. ἦν γὰρ αὐξηθεῖσα ἡ κόμη τῆς ἁγίας αὐτοῦ κεφαλῆς ὡς φθάνειν μέχρι τῆς ὀσφύος αὐτοῦ, καὶ ὁ πώγων αὐτοῦ μέχρι τῶν ποδῶν αὐτοῦ, τὸ δὲ ἅγιον αὐτοῦ πρόσωπον καθάπερ ἡλιακὰς ἀκτῖνας ἀπέπεμπεν. (VD, 15, p. 32)
On pouvait alors, mes chers frères, lui voir la tête blanchie comme un autre Abraham : sa chevelure avait tant poussé sur sa sainte tête qu’elle lui descendait jusqu’aux reins et sa barbe jusqu’aux pieds ; quant à son saint visage, il répandait des rayons tel un soleil.
11Constantinople même fut témoin de ce miracle, puisque les événements contraignirent – ou plutôt était-ce là la diposition divine (καὶ τοῦτο ἐκ θείας οἰκονομίας ἦν [VD, 13, p. 31]) déjà annoncée – ce « nouvel Abraham »27 à se rendre à la cour au nom de sa cité et à y rencontrer l’empereur, à l’instar du « divin Sabas ». L’anonyme s’est sans doute inspiré d’un extrait de la Vie de Sabas par Cyrille de Scythopolis28, mais la structure inversée (Théodora puis Justinien), et la différence de tonalité demeurent très frappantes. Voici d’abord le récit de l’entrevue de Sabas avec les souverains :
Τοῦ δὲ πατριάρχου γράμματα τῷ βασιλεῖ προαποστείλαντος τὴν τοῦ θείου Σάβα παρουσίαν μηνύοντα ὁ θεοφύλακτος ἡμῶν βασιλεὺς περιχαρὴς γεγονὼς τοὺς βασιλικοὺς ἀπέστειλεν δρόμωνας εἰς συνάντησιν αὐτοῦ· μεθ’ὧν ἐξῆλθον οἱ περὶ τὸν πατριάρχην Ἐπιφάνιον καὶ τὸν πάπαν Εὐσέβιον καὶ τὸν ἐπίσκοπον Ἐφέσου Ὑπάτιον ἀπαντῆσαι αὐτῷ. οἵτινες λαβόντες εἰσήγαγον τῷ βασιλεῖ, ὁ δὲ θεὸς τὴν ἑπομένην τῷ δούλῳ αὐτοῦ χάριν τῷ βασιλεῖ ἐφανέρωσεν ὥσπερ καὶ πάλαι ἐπὶ Ἀναστασίου. τούτου γὰρ μετὰ τῶν μνημονευθέντων ἀρχιερέων εἰς τὰ βασίλεια εἰσερχομένου καὶ ἔνδον τοῦ βήλου γεγονότος διήνοιξεν ὁ θεὸς τοὺς ὀφθαλμοὺς τοῦ βασιλέως καὶ θεωρεῖ θείαν τινὰ χάριν φωτοειδῆ ἐξαστράπτουσαν καὶ τύπον ἔχουσαν στεφάνου ἐπὶ τῆς τοῦ πρεσβύτου κεφαλῆς ἀκτῖνας ἡλιακὰς ἐκπέμπουσαν. καὶ προσδραμὼν προσεκύνησεν αὐτῷ καὶ μετὰ χαρᾶς καὶ δακρύων τὴν θείαν αὐτοῦ κατεφίλησεν κεφαλὴν καὶ εὐλογηθεὶς παρ’αὐτοῦ ἐδέξατο ἐκ χειρὸς αὐτοῦ τὰς ἀπὸ Παλαιστίνης δεήσεις καὶ ἔπεισεν αὐτὸν εἰσελθεῖν καὶ τὴν αὐγούσταν Θεοδώραν εὐλογῆσαι. καὶ ὁ μὲν γέρων εἰσῆλθεν· ἡ δὲ αὐγούστα δεξαμένη αὐτὸν μετὰ χαρᾶς καὶ προσκυνήσασα παρεκάλει αὐτὸν λέγουσα· εὖξαι ὑπὲρ ἐμοῦ, πάτερ, ἵνα χαρίσηταί μοι ὁ θεὸς καρπὸν κοιλίας. καὶ λέγει ὁ γέρων· ὁ θεὸς ὁ πάντων δεσπότης φυλάξει τὴν βασιλείαν ὑμῶν. καὶ λέγει πάλιν ἡ αὐγούστα· εὖξαι, πάτερ, ἵνα δώῃ μοι ὁ θεὸς τέκνον. ἀπεκρίθη καὶ εἶπεν· ὁ θεὸς τῆς δόξης ἐν εὐσεβείᾳ καὶ νίκῃ τὴν βασιλείαν ὑμῶν διατηρήσει. ἐλυπήθη δὲ ἡ αὐγούστα ὅτι οὐκ ἐπένευσεν τῇ αἰτήσει αὐτῆς. αὐτοῦ οὖν ἀπ’αὐτῆς ἐξελθόντος οἱ μετ’αὐτοῦ ὄντες πατέρες διεκρίνοντο πρὸς αὐτὸν λέγοντες·
τί ὅτι ἐλύπησας τὴν αὐγούσταν μὴ κατὰ τὴν αὐτῆς εὐξάμενος αἴτησιν ; καὶ λέγει αὐτοῖς ὁ γέρων· πιστεύσατέ μοι, πατέρες, ὅτι οὐ μὴ ἐξέλθῃ ἐκ τῆς κοιλίας ἐκείνης καρπός, ἵνα μὴ τῶν Σευήρου θηλάσῃ δογμάτων καὶ χείρω Ἀναστασίου ταράξῃ τὴν ἐκκλησίαν.
Le patriarche avait écrit d’avance à l’empereur pour lui annoncer la venue du divin Sabas. Notre empereur protégé de Dieu en fut enchanté et il envoya les galères impériales à la rencontre du saint. Avec eux étaient sortis de la ville, à sa rencontre, le patriarche Épiphane, le papas Eusèbe et l’évêque d’Éphèse Hypatios. Ils le prirent et l’introduisirent chez l’empereur, et, comme jadis sous le règne d’Anastase, Dieu fit éclater aux yeux de l’empereur les grâces extraordinaires attachées à son serviteur. En effet, quand, accompagné desdits pontifes, Sabas fut entré au palais et parvenu à l’intérieur du voile, Dieu ouvrit les yeux de l’empereur, et il voit une sorte d’auréole divine lumineuse en forme de couronne qui resplendissait sur la tête du vieillard, projetant des rayons comme un soleil. Aussitôt il court au saint, le salue et, avec joie et larmes, baise cette tête divine. Lorsqu’il eut été béni par Sabas et qu’il eut reçu de ses mains la pétition des Palestiniens, il l’invita à pénétrer dans les appartements pour bénir l’Augusta Théodora. Le vieillard y pénétra, l’Augusta l’accueillit avec joie, et, après l’avoir salué, lui fit cette demande : « Prie pour moi, père, afin que Dieu accorde un fruit à mon sein. » Le vieillard lui dit : « Dieu, souverain Maître de toutes choses, veillera sur votre empire. » Mais l’Augusta insista : « Prie, père, que Dieu me donne un enfant. » Le vieillard répondit : « Le Dieu de la gloire conservera votre empire dans la piété et la victoire. » L’Augusta fut fâchée de ce qu’il n’avait pas acquiescé à sa demande. Quand donc il l’eut quittée, les pères qui l’accompagnaient furent pris de doutes et lui dirent : « Pourquoi as-tu chagriné l’Augusta en ne priant pas comme elle le demandait ? » Le vieillard leur dit : « Croyezmoi, mes pères, il ne sortira pas de fruit de son sein, de peur qu’il n’allaite l’Église des doctrines de Sévère et ne lui cause pires troubles qu’Anastase.29 »
12Voici maintenant comment notre hagiographe présente la venue de David à la cour :
Καὶ εὐθέως κατάδηλον ἐγένετο εἰς πᾶσαν τὴν πόλιν περὶ τοῦ ὁσίου Δαβίδ, καὶ γνοῦσα ἡ θεοφιλεστάτη Θεοδώρα στέλλει κουβικουλαρίους καὶ εἰσδέχεται αὐτόν, κατ’ἰδίαν ἑτοιμάσασα δωμάτιον ἄξιον τοῦ ἁγίου. ὁ δὲ βασιλεὺς Ἰουστινιανὸς οὐκ ἦν παραυτὰ ἐν τῷ παλατίῳ. εἰς πρόκενσον30 γὰρ ἦν ἐξεληλυθώς. ὡς οὖν ἐδέξατο τὸν ὅσιον ἡ Θεοδώρα, θεασαμένη τὸν ἀγγελοειδῆ αὐτοῦ χαρακτῆρα καὶ τὸ λαμπρὸν τῆς πολιᾶς, ἐξέστη ἡ διάνοια αὐτῆς καὶ προσεκύνησεν προσπεσοῦσα αὐτὸν εὐχὴν αἰτοῦσα λαβεῖν. τοῦ δὲ ὁσίου ἐπευξαμένου τῷ τε βασιλεῖ καὶ τῇ αὐγούστῃ καὶ ὑπὲρ παντὸς τοῦ κόσμου, πάντες οἱ παρόντες ἐξέστησαν ἐπὶ τῇ θέᾳ τοῦ ὁσίου. ἡ οὖν αὐγοῦστα ὥσπερ ἄγγελον θεοῦ δεξαμένη, οὕτω φιλοφρόνως ἐδεξιοῦτο τὸν ὅσιον, πρὸ τῶν ἁγίων αὐτοῦ κυλινδουμένη ποδῶν, καὶ ἦν ἀγαλλιῶσα τῷ πνεύματι καὶ εὐχαριστοῦσα τῷ θεῷ τῷ καταξιώσαντι αὐτὴν τοιοῦτον δέξασθαι πατέρα. καὶ τί εἴπω ἢ πῶς ἐπαινέσω τὴν φιλόχριστον ταύτην βασιλίδα; (VD, 16, p. 33)
À l’instant même toute la ville fut informée avec précision à propos du bienheureux David, et, mise au courant, Théodora, très aimée de Dieu, lui envoie des chambellans et le fait introduire ; elle avait fait préparer, à l’écart, une petite chambre digne du saint. L’empereur Justinien n’était pas à ce moment au palais ; il était parti assister à une procession. Quand donc elle accueillit le bienheureux, Théodora, ayant vu son aspect angélique et la blancheur éclatante de ses cheveux, perdit la raison et tomba prosternée à ses genoux, lui demandant de recevoir sa prière. Alors que le bienheureux faisait des vœux pour l’empereur et l’Augusta, et pour le monde entier, tous les assistants furent frappés de stupeur à la vue du bienheureux. Aussi l’Augusta, après l’avoir reçu comme un ange de Dieu, salua chaleureusement le bienheureux tout en se roulant à ses saints pieds ; elle se réjouissait en son esprit et rendait grâces à Dieu qui l’avait jugée digne de recevoir un tel père. Mais que dire ou comment louer cette impératrice aimant le Christ31 ?
13Ici, l’enthousiasme de l’impératrice est à la mesure, ou plutôt à la démesure, du serviteur de Dieu. Apparition céleste, David est un messager de Dieu, non des hommes. De fait, dans l’affaire qui concerne sa patrie et justifie sa présence à la cour, il se borne à transmettre les documents que l’archevêque lui a remis. Toute discussion est d’ailleurs inutile, puisque, comme prévu, Justinien est prêt à tout accorder, sans examen. La rencontre avec l’empereur est donc, comme il se doit, centrée sur un miracle de David, qui témoigne à nouveau de l’impassibilité, de la sainteté de son corps : il encensa l’empereur et le sénat à mains nues, sans en être brûlé. Ce prodige emplit l’assistance d’une profonde admiration. L’épisode des charbons ardents devait d’ailleurs durablement marquer les esprits, puisque, dans le « Synaxaire » de Jean Akatzios ou Akatzès32 – on ignore à quelle époque vécut ce personnage originaire de Constantinople, mais certains indices suggèrent une rédaction tardive de sa Vie33 –, un miracle similaire est mis en rapport avec « le grand David de Thessalonique » (δέχεται μὲν τοὺς ἄνθρακας ἡμμένους ἐπὶ χειρός, ἐπιτίθησι δὲ τὸ θυμίαμα καὶ κατὰ τὸν ἀπὸ Θεσσαλονίκης μέγαν Δαυὶδ οἰκείᾳ χειρὶ τὴν τοῦ θυμιάματος χρείαν ὑπὲρ φύσιν ἐπλήρωσεν). En terminant sa relation du séjour de David à la cour, l’anonyme insiste une dernière fois sur le corps de l’ascète, image glorieuse du Royaume des Cieux et préfiguration de la Résurrection à venir :
Τότε οὖν ὁ φιλόχριστος βασιλεὺς Ἰουστινιανός θεασάμενος τὸ ἀβρααμιαῖον σχῆμα τοῦ ὁσίου καὶ τὸ ἀγγελοειδὲς πρόσωπον καὶ τὸ παράδοξον ὃ ἐποίησεν θυμιῶν ἐφ’ὥρας ἱκανὰς καὶ ἐν ταῖς ἁγίαις αὐτοῦ χερσὶν κατέχων τὸ πῦρ καὶ μὴ βλαπτόμενος ὑπ’αὐτοῦ, ἐθαύμαζε λίαν. καὶ ἀναστὰς ἀπὸ τοῦ θρόνου αὐτοῦ καὶ αὐτὸς ὡς ἀσπαζόμενος ἐδέχετο αὐτὸν καὶ πᾶσα ἡ θεοφιλὴς σύγκλητος ἐξέστη ἐπὶ τῇ θέᾳ τοῦ ὁσίου Δαβίδ. ἦν γὰρ, φιλόχριστοι, ὡς προεῖπον, ἡ κόμη τῆς κεφαλῆς αὐτοῦ μέχρι τῆς ὀσφύος αὐτοῦ, καὶ ὁ πώγων αὐτοῦ μέχρι τῶν ἀστραγάλων τῶν ποδῶν αὐτοῦ πεπολιωμένος ὡς τοῦ Ἀβραάμ (VD, 17, p. 34).
Alors l’empereur Justinien qui aimait le Christ, quand il vit que le bienheureux avait l’apparence d’Abraham, qu’il vit son visage angélique et le prodige qu’il accomplit en faisant brûler de l’encens, de longues heures durant, tenant le feu dans ses saintes mains sans en être blessé, était dans une profonde admiration. S’étant levé de son trône, il vint en personne l’embrasser, et tout le sénat aimé de Dieu fut frappé d’étonnement à la vue du bienheureux David. Car, ô vous qui aimez le Christ, comme je l’ai dit précédemment, sa chevelure lui arrivait aux reins et sa barbe aux talons, blanchies comme celles d’Abraham.
14L’apparence physique de David, telle que décrite dans la Vie34, a inspiré les peintres35. Au début du xviiie siècle, dans son manuel de peinture, Denys de Phourna36, dont les sources ne remontent pas à plus de deux cents ans, écrit : Ὁ ἅγιος Δαβὶδ ὁ ἐν Θεσσαλονίκῃ γέρων μακρυμάλλης, ἔχων τὰ γένεια μακρὰ ἔως τοὺς πόδας. Ἰουνίου κϛʹ. Un certain nombre de représentations suivent ce modèle, par exemple au mont Athos (Protaton et Chilandar37) ou aux Saints-Anargyres de Kastoria38. David est encore souvent représenté assis dans un arbre, généralement un livre à la main (ἀναγινώσκων τε τὰς θείας γραφὰς καὶ διημερεύων καὶ διανυκτερεύων [VD, 3, p. 26]), ainsi à Saint-Nicolas de Balinesti, en Moldavie39, dans le narthex de l’église du Prophète Élie à Thessalonique40 ou dans l’ancien katholikon du monastère de la Transfiguration aux Météores41. Il est parfois figuré en stylite, par exemple à Chilandar, Studenica42 ou Moldovitsa en Roumanie43. Quelques images sont néanmoins plus inattendues, ainsi dans le parekklésion de Karije Djami, à Constantinople, David, dans une posture inhabituelle, barbe relativement courte, surplombe un nid de feuillage44. Cette représentation stylisée a peu d’équivalents dans l’iconographie du saint45. Andréas Xyngopoulos a attiré l’attention sur un relief de marbre46, découvert en janvier 1944 à Thessalonique. Le chercheur l’attribua d’abord au xiiie siècle, puis aux alentours de 90047. Il s’agit d’un saint orant, de face. La chevelure est courte ; de même la barbe, taillée en pointe. Une inscription permet de lire : ὁ ὅσιος πατὴρ ἡμῶν Δαβὶδ ὁ θαυματουργός. On s’écarte des représentations connues de David, presque toutes postérieures au xive siècle. Selon le chercheur, le modèle du relief serait issu de l’image de culte du monastère des saints Théodore et Mercure, où se trouvait le tombeau de David. Après la désolation des lieux et le départ de la relique, l’ancienne image aurait disparu au profit d’un nouveau type – il devait s’imposer à l’époque des Paléologues –, combinant les deux principaux épisodes de la Vie ancienne48 (le séjour dans l’arbre et la « transfiguration » du saint)49.
15Quoi qu’il en soit, en insistant sur le corps mortifié puis glorifié du saint, déjà marqué du sceau de l’au-delà, corps « incorporel », l’anonyme prépare la dernière étape et le couronnement de son récit : le devenir de ce même corps post mortem, du corps-relique50. Car, fait notable, David retourne mort dans sa patrie, mort dans son monastère ; faut-il y voir une discrète allusion à une translation « historique », depuis un ermitage hors les murs juqu’au monastère urbain ? David savait – outre la vision de l’ange, le saint avait reçu le don de prescience – qu’il ne rentrerait pas vivant dans sa patrie, et il l’avait annoncé à l’archevêque Aristide, représentant de la cité, précisant même le lieu exact de son décès, à vingt-six stades du monastère. Et cette mort est bien celle d’un saint : sur le point de rendre l’esprit, David donna ses dernières instructions à ses disciples, leur prescrivant d’inhumer sa dépouille (τὸ σκήνωμα [VD, 18, p. 34]) dans le monastère où il résidait. Alors se produisit un signe divin irréfutable : pendant un long moment, en dépit de la violence du vent, le navire qui le ramenait demeura immobile, dans un parfum indicible et un concert de voix invisibles. David était bien mort en odeur de sainteté et son âme était accueillie et emportée par les anges. Puis le navire reprit sa course, mais au lieu d’aller mouiller au port, se rendit à l’ouest de la ville, un endroit déjà sanctifié par les corps (σώματα [VD, 19, p. 35]) des saints martyrs Théodule et Agathopode51. L’archevêque vint révérer la relique (τὸ λείψανον [ibid.]), et, selon les lois de l’adventus, la ville tout entière sortit pour l’accueillir. Alors, sur l’ordre d’Aristide, les moines la portèrent solennellement jusqu’au monastère. Là, on creusa une fosse (γενομένου διορύγματος [ibid.]) pour la déposer, dans un cercueil de bois (θήκην ἐκ ξύλων τετραγώνων [ibid.]).
16Or l’histoire ne s’arrête pas là : cent cinquante ans plus tard, Dèmètrios, higoumène des Reclus, un homme plein de vertu, souhaita prélever une partie de la relique (λαβεῖν τι μέρος ἐκ τοῦ ἁγίου αὐτοῦ λειψάνου [VD, 20, p. 35]) du saint ermite, dont la mémoire continuait d’être célébrée au monastère, depuis le jour de la déposition. Mais dès que l’on se mit à creuser, la dalle (ἡ πλάξ [ibid.]) éclata en morceaux ; frappés d’effroi, les fouilleurs renoncèrent à leur entreprise. Et l’anonyme, ici, de prendre la parole : David, sans doute, ne voulait-il pas que l’on prélevât une parcelle de sa relique (δοκεῖ οὖν μοι διὰ τοῦτο μὴ ἐπιδοῦναι ἑαυτὸν τὸν ὅσιον, ἵνα μὴ σκυλθῇ μέρος τι τοῦ ἁγίου αὐτοῦ λειψάνου [ibid.]). Mais l’idée avait fait son chemin, et, nourri du même désir, Sergios, le disciple et successeur de Dèmètrios, passait souvent la nuit en prière dans le tombeau du saint afin d’obtenir son assentiment (συχνοτέρως ἐπετέλει παννυχίδας ἐν τῷ τάφῳ αὐτοῦ τοῦ ὁσίου, δυσωπῶν τὸν ὅσιον ὅπως ἐπινεύσῃ εἰς τὸ λαβεῖν αὐτόν τι τῶν λειψάνων αὐτοῦ [VD, 20, p. 36]). Sergios était un homme remarquable : sa vertu et ses qualités lui valurent encore d’occuper, par la grâce de Dieu, le siège archiépiscopal de Thessalonique52. Aussi, quand il eut l’assurance que sa requête avait été acceptée, il fit dégager le lieu et descendit oindre la relique. Constatant son excellent état de préservation, il ne préleva qu’un peu de barbe et de cheveux :
καὶ πληροφορηθεὶς ὁ αὐτὸς ἁγιώτατος ἀρχιεπίσκοπος Σέργιος ὅτι ἐπένευσεν ὁ ἅγιος, ἐκέλευσε τοῖς μαθηταῖς γενέσθαι τὸ ὄρυγμα. ὡς οὖν περιεκάθηραν τὸν τόπον τῆς θήκης ὅπου ἔκειτο τὸ τίμιον λείψανον, κατῆλθεν ὁ ἁγιώτατος ἀρχιεπίσκοπος Σέργιος καὶ ἐμύρισε τὸ τίμιον λείψανον τοῦ ὁσίου Δαβίδ. καὶ θεασάμενος αὐτὸν σῶον καὶ ἀκέραιον μένοντα, οὐκ ἐτόλμησεν ἕτερόν τι ἐξ αὐτοῦ λαβεῖν εἰ μὴ μόνον ἐκ τοῦ πώγωνος καὶ ἐκ τῆς κόμης τῆς κεφαλῆς αὐτοῦ, πρὸς πίστιν καὶ σωτηρίαν πολλῶν ψυχῶν. (ibid.)
Ce très saint archevêque Sergios, pleinement convaincu que le saint avait donné son accord, ordonna à ses disciples de creuser. Quand ils eurent dégagé les abords du cercueil où gisait la précieuse relique, le très saint archevêque Sergios descendit et répandit de l’huile parfumée sur la précieuse relique du bienheureux David. Mais comme il avait vu qu’elle demeurait intacte et entière, il n’en osa rien distraire d’autre qu’un peu de la barbe et de la chevelure, pour la foi et le salut de nombreuses âmes.
17Ce choix, outre qu’il permettait de respecter l’intégrité du corps, n’était pas indifférent, puisque barbe et cheveux constituaient précisément les marques distinctives de la sainteté de David ; du moins, la Vie s’était-elle efforcée de le montrer.
18Ce passage fait écho au cinquième Miracle de saint Dèmètrios (recueil de l’archevêque Jean) : parce qu’ils les avaient cachés par mesure de protection, les Thessaloniciens ignoraient où se trouvaient exactement les corps de leurs martyrs53. Aussi, à l’empereur Maurice lui réclamant une relique de Dèmètrios, Eusèbe, l’archevêque de la cité, rappela la foi toute spirituelle des habitants – ici, nul besoin, comme ailleurs, de voir et toucher les corps saints – et la nécessité de garder ignoré le lieu des reliques (τὰ δὲ τῶν μαρτύρων λείψανα κατακρύψαι δεῖν ᾠήθησαν, οὕτως ὡς μηδενὶ τῶν πάντων τὸν τόπον γινώσκεσθαι, πλὴν ἐκείνων αὐτῶν τῶν τῆς ἁγίας κοινωνησάντων ταφῆς54). Or, jadis, l’empereur Justinien avait manifesté ce même désir. On avait alors, en toute solennité, fait creuser, dans l’église du saint, à l’endroit où l’on pensait découvrir ses reliques (ἔν τινι τοῦ πανσέπτου αὐτοῦ ναοῦδιορύξαντες τόπῳ, ἐν ᾧ καὶ τὸ πανάγιον εὑρίσκειν ᾤοντο λείψανον55), mais un signe divin effroyable (du feu et une voix menaçante) avait arrêté les fouilleurs, qui ramassèrent, par piété et en guise de preuve, une poussière en laquelle se mêlait l’odeur du feu à un parfum indicible. L’archevêque la déposa dans le skevophylakion de la Grande Église, tandis qu’il en envoyait une partie à Justinien, qui la reçut comme le corps du martyr (ὡς αὐτὸ τοῦ μάρτυρος τὸ σῶμα δεξάμενος56). Eusèbe adressait maintenant à Maurice des eulogies faites de la même poussière, car, après l’avertissement divin, toute entreprise eût été aussi insensée que dangereuse.
19David n’était pas un martyr et le lieu de sa sépulture n’avait, semble-t-il, jamais été oublié, pourtant, à l’instar de Dèmètrios, un miracle empêcha d’accéder au corps, ou plutôt le corps ne se laissa approcher – ce qui était nécessaire à la reconnaissance de sa parfaite conservation – que pour y prélever de ces seules reliques corporelles qui n’entamaient pas le corps : poils de barbe et cheveux, symboles de l’ascétisme et de la vie monastique, celles-là précisément que distribuaient parfois les moines de leur vivant en guise d’eulogies. Mais l’auteur de la Vie avait créé ou enregistré une nouvelle tradition selon laquelle ces reliques de substitution valaient autant, voire plus, que le corps lui-même : de même que la poussière du tombeau de Dèmètrios était imprégnée de l’odeur du feu miraculeux et du parfum de la relique, de même les poils et les cheveux de David témoignaient-ils du miracle de la glorification sur terre du corps du saint ascète, un de ceux qui n’œuvrent pas pour leur gloire icibas, mais pour la félicité dans l’au-delà (αὐτοῖς γὰρ τοῖς ἁγίοις ὁ κατὰ κόσμον ἔπαινος οὐ πρόσεστιν, ὑπερκοσμίως βιοτεύσασι τὰ τῆς ἐκεῖθεν μακαριότητος57 [VD, 1, p. 26]).
20Plus d’un siècle après la rédaction de la Vie, les reliques de David étaient encore accessibles et renommées pour leur vertu thaumaturgique. C’est ce que nous apprend la Vie de saint Grégoire le Décapolite († 20 nov. 842) : lorsqu’une vipère piqua le moine Pierre, Grégoire ordonna au malheureux d’approcher la châsse de David (τῇ σορῷ Δαβεὶδ τοῦ ὁσίου προσέγγιζε58), avant de se rendre à sa prière et de le guérir lui-même. Les sources grecques se font ensuite plus discrètes sur le destin du monastère et des reliques. Seul Jean Caméniate rapporte, au xe siècle, l’existence d’un quartier dénommé Saint-David, situé dans la partie septentrionale de la ville, non loin de l’Acropole59. Pourtant, le saint ermite devait encore, et pour longtemps, faire parler de lui… en Occident60. Le corps y fut sans doute transféré sous l’Empire latin des Montferrat (1204-1222) ; il est, en tout cas, mentionné, en 1236, dans l’inventaire des reliques de Pavie (a). David reposait en l’église San Pietro in Ciel d’Oro, aux côtés du roi lombard Liutprand (712-744), d’Augustin et de Boèce. On l’y oublia, puis on l’y retrouva, le 24 juillet 1504, comme l’indique son procèsverbal d’invention (b).
(a) Item per medium archae regis liutprandi iacent corpora beati et sancti leuprandi abbatis dicti monasterii et corpus sancti dauit heremite, et est in muro apud archam regis suprascripti61.
(b) Nota quod die 24 Iulii anni 1504 fuerunt repertae in quodam muro apud arcam seu sepulcrum Regis Lyutprandi existentis in ecclesia sancti Petri in coelo aureo, in quadam capsa lignea verata de ferro infrascriptae reliquiae, videlicet : Ossa et cineres sanctorum Dauit eremitae… ac sancti Lyutprandi62.
21Par la suite, les reliques changèrent, par deux fois (en 1809 et 1904), dans Pavie, de lieu de résidence. Mais, chose extraordinaire, au cours de tous ces « voyages », le corps était resté entier. C’est donc intègre qu’il a regagné sa patrie, en 1978, obtenant peut-être enfin le repos tant désiré et mérité, jusqu’au jour de la Résurrection…
Notes de bas de page
1 P. Bazoche, David, eremita a Tessalonica, santo, dans Bibliotheca Sanctorum. 4, Ciro-Erifrido, Rome 1964, p. 515-516 ; The Ashgate Research Companion to Byzantine Hagiography. 1, Periods and Places, éd. S. Efthymiadis, Farnham 2011, p. 98, 131, 187.
2 E. N. Tsigaridas, Οι τοιχογραφίες της μονής Λατόμου Θεσσαλονίκης και η βυζαντινή ζωγραφική του 12ου αιώνα, Thessalonique 1986, p. 175 ; Id., Latomou Monastery (The Church of Hosios David), Thessalonique 1988 ; J.-M. Spieser, Thessalonique et ses monuments du ive au vie siècle, Rome 1984 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome 254), p. 157 et suiv. Bien que très ancien, ce monastère n’a sans doute aucun lien historique avec David.
3 Pantéléèmon, métropolite de Thessalonique, Ἡ ἐπανακομιδὴ τῶν ἱερῶν λειψάνων τοῦ ὁσίου Δαυὶδ εἰς τὴν Θεσσαλονίκην (17 ᾿Ιουλίου 1978), Thessalonique 1979.
4 Il a été réuni par R.-J. Loenertz, Saint David de Thessalonique. Sa Vie, son culte, ses reliques, ses images, REB 11 (Mélanges Martin Jugie), 1953, p. 205-223.
5 PG 87/3, col. 2921-2924, cap. 69. Cet extrait porte le no 492y dans la BHG.
6 Cf. dans les AASS Iunii (V, 1709 ; VII, 1867), la notice de D. Papebroch, au 26 juin.
7 V. Rose, Leben des heiligen David von Thessalonike, Berlin 1887. C’est le no 493 dans la BHG. Une nouvelle édition a été faite par E. E. Délidèmos, Ὁ ὅσιος Δαυὶδ ὁ ἐν Θεσσαλονίκῃ, dans Pantéléèmon, ῾Η ἐπανακομιδή (cité n. 3), p. 25-36 [cité désormais VD].
8 Un acrostiche lui en garantit l’attribution. Cf. Ménées, V, Rome 1899, p. 368-372 ; PG 105, col. 1133 ; K. A. Manafès, Ανέκδοτος κανών Ιωσήφ του Υμνογράφου εις Όσιον Δαυίδ Θεσσαλονίκης, EEBS 53, 2007-2009, p. 541-584. Loenertz, Saint David (cité n. 4), p. 214-218, retrace encore les grandes étapes de l’introduction du culte de David en Occident, jusqu’à son insertion en 1583, par César Baronius, dans son édition du Martyrologe romain.
9 On aura cependant du mal à reconnaître, dans la Vie ancienne, la mention de l’Hymnographe selon laquelle David aurait apaisé la colère la plus violente qu’ait jamais manifestée l’empereur envers son peuple : Canon, cant. 9, trop. 3, p. 372 : Σοῦ προφητικώτατα * θεωρήσας, Ὅσιε Δαυῒδ, * τὴν ἔξοδον προφωνεῖς * ταύτην τοῖς λαοῖς, * ἡνίκα στελλόμενος * τὴν κατ’αὐτῶν ἔστησας, σοφὲ, * τοῦ βασιλεύοντος * σφοδροτάτην ἀγανάκτησιν. A. Vasiliev, Life of David of Thessalonica, Traditio 4, 1946, p. 115-147, ici p. 130, croit pouvoir en déduire que l’irritation du souverain était dirigée contre les Thessaloniciens. Il est toutefois difficile de déceler un lien entre cette information et la mission à caractère politico-administratif de David auprès de Justinien.
10 B. Latyšev, Menologii anonymi Byzantini saeculi x quae superstunt fasciculus alter, menses Iunium, Iulium, Augustum continens, 2 vol., Saint-Pétersbourg 1911-1913, t. 2, p. 103-104. Elle porte le no 493e dans la BHG.
11 Loenertz, Saint David (cité n. 4), p. 210.
12 Syn. CP, col. 771 ; Menologium Graecorum, 3 vol., Urbin 1727, t. 3, p. 144 ; PG 117, col. 512-513.
13 Sur la base des mêmes observations, B. Latyšev, O žitijah prepodobnago Davida Solunskago, Zapiski imperatorskago Odesskago Obščestva istorii i drevnostej 30, 1912, p. 216-231, postulait une Vie antérieure au canon, sans doute de la première moitié du ixe siècle et source commune à ce dernier et aux Vies abrégées. En 1970, B. Laourdas, Ἀνέκδοτον ἐγκώμιον εἰς τὸν ὅσιον Δαβίδ, Μακεδονικά 10, 1970, p. 243-256, a édité un Éloge de saint David de Thessalonique (BHG 493d) conservé dans deux manuscrits (xiiie et xviie s.) du monastère Dionysiou, au mont Athos. L’auteur (anonyme), qui suit globalement la Vie, aurait eu sous les yeux une autre source, disparue. Les informations qu’il fournit diffèrent des trois données relevées plus haut. Ce sont, par exemple, des précisions sur l’emplacement de l’arbre ou encore David désigné comme higoumène du monastère des saints martyrs Théodore et Mercure. En revanche, selon Vasiliev, Life of David (cité n. 9), p. 131-132, l’Éloge (BHG 493m) composé au xve siècle par Macaire Macrès (éd. Latyšev, O žitijah, op. cit., sous le nom de Manuel Paléologue ; A. Argyriou, Μακαρίου τοῦ Μακρῆ συγγράμματα, Thessalonique 1996 [Βυζαντινὰ κείμενα καὶ μελέται 25], p. 85-100), suit entièrement la Vie ancienne, remodelée selon les goûts littéraires du temps.
14 Manafès, Ανέκδοτος κανών (cité n. 8), p. 548-555.
15 La Vie ancienne offre si peu de points communs avec le récit de Jean Moschos que P. Lemerle, Les plus anciens recueils des miracles de saint Démétrius, 2 vol., Paris 1979-1981 (Le Monde byzantin), t. 2, p. 81, n. 100bis, a pu mettre en doute leur parenté : « Il ne serait pas moins dangereux, dans l’état présent de la recherche sur la Vie de saint David de Thessalonique, de mettre en relation, comme il semblerait pourtant naturel de le faire, ces deux chapitres du Pré spirituel avec cette Vie, dont nous avons déjà dit ailleurs que d’autres données nous semblaient suspectes. » Voir encore, Id., Invasions et migrations dans les Balkans depuis la fin de l’époque romaine jusqu’au viiie siècle, RH 211, 1954, p. 265-308 (repris dans Id., Essais sur le monde de Byzance, Londres 1980 [Variorium Collected Studies Series 115], no I), ici p. 269.
16 N. Moutsopoulos, Monasteries outside the Walls of Thessaloniki during the Period of Slav Raids, Cyrillomethodianum 11, 1987, p. 129-194 (= Ἄρθρα καὶ Μελετήματα, 1959-1989, Thessalonique 1990 [Ανάλεκτα Βλατάδων 51]), spécialement p. 129-132.
17 H. Delehaye, Les saints stylites, Bruxelles/Paris 1923 (Subs. Hag. 14), p. cxxvi, semble considérer qu’Adolas vint non pas avec, mais après (μετά) David. Lemerle, Démétrius (cité n. 15), hésite entre les deux traductions.
18 Il se signale encore par un miracle.
19 Vasiliev, Life of David (cité n. 9), p. 128, repère dans l’expression ἐν ταύτῃ τῇ τῶν Θεσσαλο-νικέων πόλει (VD, 13, p. 31 ; 20, p. 35) un indice révélateur de l’origine thessalonicienne de l’auteur. On notera de même la grande précision des indications topographiques dont il parsème son récit.
20 Corpus iuris civilis. 3, Novellae, éd. R. Schoell et W. Kroll, Berlin 19597, I, p. 94.
21 Lemerle, Démétrius (cité n. 15), t. 2, p. 51 : « Le peuple d’origine probablement mongole des Avars fait son entrée dans le monde byzantin avec l’ambassade qu’il envoie à Constantinople en 558 » ; Id., Invasions et migrations (cité n. 15), p. 288.
22 P. Odorico, La sainteté en concurrence : la construction de la Vie de saint David de Thessalonique, Νέα Ρώμη 4, 2007, p. 63-78, ici p. 71-72. On ne reviendra pas sur les problèmes historiques que pose ce texte, mais on peut penser que l’association d’un saint et d’un évêque au service de la cité prenait sens dans l’actualité du début du viiie siècle.
23 VD, 3, p. 26. Dans l’édition de V. Rose : Κουκουλλεώτων (ms. κουκουλλ///ώτων), par conjecture. Loenertz, Saint David (cité n. 4), p. 206, propose de lire Κουκουλλάτων (dérivé du grec κουκούλιον) : « monastère des encapuchonnés ».
24 C. P. Charalampidis, The Dendrites in Pre-Christian and Christian Historical-literary Tradition and Iconography, Rome 1995 (Studia archeologica 73) [éd. orig., Οἱ Δενδρίτες στὴν προχριστιανικὴ καὶ χριστιανικὴ ἱστορικοφιλολογικὴ παράδοση καὶ εἰκονογραφία, Thessalonique 1986], p. 73-74, mentionne plusieurs autres « dendrites » de ce type, tels l’anachorète Maron, au ive siècle, ou Luc le Stylite, au xe siècle. Vie de Luc le stylite, 8, éd. A. Vogt, An. Boll. 28, 1909, p. 21 : δένδρου ἐπιτυχὼν κορύφην [correction de l’éditeur ; mss. κούφην] ἔχοντος δυναμένην ἔνδον τοῦτου χωρεῖν. La correction proposée par A. Vogt n’a généralement pas été retenue ; cf. Delehaye, Les saints stylites (cité n. 17), p. 203.
25 Ibid., 28-16, p. 197 :… εἰς μήκιστον ὕψος ὅλους ἑαυτοὺς μετεωρίσαντες καλιάς τε πηξάμενοι καθάπερ ὄρνιθές τινες φιλέρημοι τῷ ἀέρι τε μέσον ἄστεγοι καὶ ἄσκευοι πτηνῶν δίκην ἐνδιαιτώμενοι, τὴν ἰσάγγελον ἐν σώματι πολιτείαν καὶ τὴν ὑπὲρ ἄνθρωπον διαγωγὴν ἐπὶ πλείστοις ἔτεσιν ὑπερφυῶς διήρκεσαν ἐξασκούμενοι. On peut comparer avec le canon de David, Kathisma : ὡράθης, μακάριε, * μετὰ σώματος Ἄγγελος· * καλιὰν δὲ πήξας * ὡς ὄρνις εὐκέλαδος * ἐν φυτῷ, εἰς ὕψος * τὸν νοῦν ἀνεπτέρωσας… Charalampidis, The Dendrites (cité n. 24), p. 67, développe la comparaison. Il rejette toutefois l’opinion volontiers répandue selon laquelle cette forme d’ascèse serait directement issue du stylitisme. Cf. Delehaye, Les saints stylites (cité n. 17), p. cxxiv : « Dans son poème sur les Moines, Georges, évêque des Arabes († 724), en fait [des dendrites] une catégorie à part : “Il y en a plusieurs qui ont fait leur refuge dans un arbre au feuillage ombreux, qui les nourrit de ses fruits et de ses feuilles ; plusieurs y sont montés pour y habiter tous les jours de leur vie, et ils sont projetés de tous côtés par la violence des vents.” »
26 Charalampidis, The Dendrites (cité n. 24), p. 73 : « It was on the tree, the symbol of the cross of Christ whose prototype was the tree of life planted on the middle of paradise, that the dendrite submitted to a “peaceful martyrdom,” of faith and devotion to God. »
27 VD, 17, p. 34 : Σήμερον γὰρ ἄγγελος ἐν σώματι παρεγένετο πρὸς τὸ κράτος σου. Ἐλθὲ, δέσποτα, καὶ θέασαι τὸν νέον Ἀβραὰμ ἀπὸ Θεσσαλονίκης παραγενάμενον. Odorico, La sainteté en concurrence (cité n. 22), p. 72 : « Notre auteur anonyme insiste à plusieurs reprises sur ce caractère de nouvel Abraham, donc de “père du peuple”. » La figure d’Abraham est également liée au sacrifice.
28 Particulièrement intéressante ici la remarque d’Olivier Delouis, selon laquelle l’hagiographe, dans un passage où il compare David avec les saints de l’Ancien Testament (VD, 3, p. 26-27), plagie la Vie de Kyriakos (BHG 463) par Cyrille de Scythopolis, éd. E. Schwartz, Leben des Euthymios, Leben des Sabas, Leben des Iohannes Hesychastes, Leben des Kyriakos, Leben des Theodosios, Leben des Theognios, Leben des Abramios, Leipzig 1939 (Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur 49.2), p. 223. Voir O. Delouis, La présence de l’Ancien Testament dans l’hagiographie byzantine aux viiie et ixe siècles, mémoire de DEA, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2000, p. 68-70. Je remercie l’auteur de m’en avoir fait part.
29 Cyrille de Scythopolis, Vie de Sabas (cité n. 28), 71, p. 173-174 ; trad. A.-J. Festugière, Les moines d’Orient. 3/2, Les moines de Palestine. Cyrille de Scythopolis, Vie de Saint Sabas, Paris 1962, p. 102-103.
30 Sur ce terme, voir Délidèmos, Ὁ ὅσιος Δαυίδ (cité n. 7), p. 42.
31 S’ensuit un véritable panégyrique de Théodora (VD, 16, p. 33). Cf. Vasiliev, Life of David (cité n. 9), p. 135 : « His enthusiastic panegyric of Theodora is the most unrestrained praise of the Empress which I have ever read. It is a striking contrast to the famous picture portrayed by Procopius in his Secret History… Were I not certain of the sincerity of the author of the Life, his mention of several wicked women like Jezabel, Herodias, Eudoxia as contrasts to Theodora’s virtues might seem to me a sort of disguised irony. In his boundless faith of the overwhelming spiritual power of his Saint, the author makes Theodora even “roll” at his feet in an outburst of religious devotion. »
32 F. Halkin, Vie (BHG 829) et « Synaxaire » (BHG 829e) de saint Jean Akatzios ou Akatzès, An. Boll. 101, 1983, p. 249-279 ; ibid., p. 253, n. 10 : « Le surnom Akatzios est expliqué par le nom de κατζίον donné à l’encensoir ou au brasier, par exemple dans les Scholies sur Clément d’Alexandrie, PG 9, col. 793A. » Le même miracle est mis au compte d’autres saints, comme Grégoire d’Agrigente (23 novembre) ou Bardas (16 mai).
33 Une allusion possible, dans la Vie, au tremblement de terre survenu en 1344 et à l’effondrement de Sainte-Sophie en 1346 permet de formuler l’hypothèse d’une rédaction dans la deuxième moitié du xive siècle. Le « Synaxaire » est probablement plus tardif encore.
34 D. Papachryssantou, La Vie ancienne de saint Pierre l’Athonite. Date, composition et valeur historique, An. Boll. 92, 1974, p. 19-61, ici p. 45, n. 2, a rapproché un passage de la Vie de Pierre l’Athonite (K. Lake, The Early Days of Monasticism on Mount Athos, Oxford 1909, p. 18-39, ici p. 31, l. 23-24 : καὶ τὰς τῆς κεφαλῆς τρίχας μέχρι τῆς μήτρας [« lapsus inqualifiable »] καθιεμένας ἔχων), composée vers 970-980, de la Vie de David, 15, p. 32 (texte grec cité p. 91).
35 Pour l’iconographie du saint : Vasiliev, Life of David (cité n. 9), p. 143-146 ; Loenertz, Saint David (cité n. 4), p. 219-220 ; Délidèmos, Ὁ ὅσιος Δαυίδ (cité n. 7), p. 51-55 ; Charalampidis, The Dendrites (cité n. 24), p. 83-87, pl. 13-14. Je n’ai pu consulter Id., Εικονογραφικές παραστάσεις του δενδρίτη οσίου Δαβίδ εν Θεσσαλονίκη, dans Μνήμη Μ. Ανδρονίκου, Thessalonique 1997, p. 399-405, mentionné par Odorico, La sainteté en concurrence (cité n. 22), p. 68, n. 12.
36 Denys de Phourna, Ἑρμηνεία τῆς ζωγραφικῆς τέχνης, éd. A. Papadopoulos-Kérameus, Saint-Pétersbourg 1909, p. 165 ; trad. par P. Hetherington, The Painter’s Manual, Londres 1974, p. 60 : « Saint David of Thessalonika, an old man with long hair and a beard down to his feet. June 26th. » Voir également, Ph. Kontoglou, Ἔκφρασις τῆς Ὀρθοδόξου Εἰκονογραφίας, Athènes 1960, t. 1, p. 332.
37 G. Millet, Monuments de l’Athos. 1, Les peintures, Paris 1927 (Monuments de l’art byzantin 5), pl. 45.1 (Protaton : début du xive siècle ?) et 104.3 (Chilandar : 1621).
38 A. Orlandos, Τὰ βυζαντινὰ μνημεῖα τῆς Καστοριᾶς, Ἀρχεῖον τῶν βυζαντινῶν μνημείων τῆς Ἑλλάδος 4, 1938, p. 50, 52. L’attribution de cette image à David de Thessalonique reste incertaine, cf. P.A. Underwood, The Kariye Djami, 3 vol., New York 1966 (Bollingen Series 70), t. 1, p. 258. On remarquera que, ici, la chevelure du saint ne dépasse pas ses épaules.
39 I. D. şTefănescu, L’évolution de la peinture religieuse en Bucovine et en Moldavie depuis les origines jusqu’au xixe siècle, Paris 1929 (Orient et Byzance. Études d’art médiéval 6), p. 15.
40 Milieu ou fin du xive siècle. Voir C. P. Charalampidis, Ἡ τοιχογραφία τοῦ ὁσίου Δαβὶδ τοῦ δενδρίτη στὸ ναὸ τοῦ Προφήτη Ἠλία Θεσσαλονίκης, Σερραϊκὰ Ἀνάλεκτα 2, 1993-1994, p. 53-56.
41 Fresque datée de 1484. Comme dans la Vie, David y figure dans un arbre, les pieds appuyés au tronc : καὶ ἔστησεν ἐπὶ δένδρον τοὺς πόδας μου (VD, 6, p. 28). Voir encore les manuels de peinture russes et les calendriers en images : cf. Loenertz, Saint David (cité n. 4), p. 220. Dans ces représentations, David tient généralement dans sa main un parchemin, cf. Kontoglou, Ἔκφρασις (cité n. 36), p. 332 ; on peut lire, sur le rouleau : Μοναχός ἐστιν ἀληθινῶς ὁ μηδὲν ἔχων ἐν τῷ παρόντι βίῳ εἰμὴ τὸν Χριστὸν μόνον.
42 xive siècle. G. Millet, La peinture du moyen âge en Yougoslavie (Serbie, Macédoine et Monténégro). 1er Fasc, Paris 1954, pl. 42.2.
43 xvie siècle ( ?). Ştefănescu, L’évolution (cité n. 39), pl. 55. David, la barbe longue, en haut d’un pilier, figure peut-être sur un sceau russe daté de 1159, cf. Vasiliev, Life of David (cité n. 9), p. 146.
44 À dater de 1320-1321. Cf. Underwood, The Kariye Djami (cité n. 38), t. 1, p. 258, t. 3, pl. 506-507.
45 L’artiste pourrait s’être inspiré des textes liturgiques. Cf. Ménées, Vesperae (cité n. 8), p. 367 : Καθάπερ ὄρνις εὐκέλαδος * ἐν ἀναβάσει φυτοῦ * καλιὰν, Πάτερ, ἔπηξας, * τῷ κρύει πηγνύμενος * καὶ τῷ θέρει φλεγόμενος… ; Orthros, kathisma, p. 368-369 :… καλιὰν δὲ πήξας * ὡς ὄρνις εὐκέλαδος * ἐν φυτῷ, εἰς ὕψος * τὸν νοῦν ἀνεπτέρωσας ; cant. 9, trop. 2, p. 371… ὡς ἀετὸς, Πάτερ, καλιὰν, * πρὸς τὰ οὐράνια * τὰς σὰς φρένας ἐξεπέτασας ; voir encore le Syn. CP. (cité n. 12), col. 771 : Καλιάν τε πηξάμενος ἐν ἀμυγδαλῆς φυτῷ, ὡς ὄρνις εὐκέλαδος… (recension longue)/ὡς ὄρνις γὰρ εὐκέλαδος καλιὰν ἐν ἀμυγδαλῆς φυτῷ πηξάμενος… (recension brève). L’expression devient dans la Vie abrégée BHG 493e (cité n. 10) : τὴν σκηνὴν πήγνυται.
46 Chronique des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce de 1943 à 1945, BCH 68-69, 1944-1445 [1946], p. 430.
47 A. Xyngopoulos, Ἀνάγλυφον τοῦ ὁσίου Δαβὶδ τοῦ ἐν Θεσσαλονίκῃ, Μακεδονικά 2, 1941-1952, p. 143-166.
48 Avec le temps, le succès de cette Vie ne s’est pas démenti ; au xve siècle, Macaire Macrès en écrivit une nouvelle version (cf. n. 13).
49 Le savant postulait un abandon du monastère au xe siècle, vraisemblablement après le pillage de la ville par les pirates sarrazins de Crète en 904. Sa démonstration est toutefois influencée par une datation erronée (1054) du départ de la relique pour l’Occident ; l’événement se produisit peut-être en 1222 (infra, n. 62). Selon Délidèmos, Ὁ ὅσιος Δαυίδ (cité n. 7), p. 55, le prototype de l’image à barbe courte doit avoir été élaboré, après la mort du saint, entre la disparition des derniers témoins et l’ouverture du tombeau (v. 685-690), où l’on aurait constaté « la véritable apparence » de David.
50 Sur ce thème, cf. M. Kaplan, De la dépouille à la relique : formation du culte des saints à Byzance du ve au viie siècle, dans Les reliques : objets, cultes, symboles. Actes du colloque international de l’Université du Littoral-Côte d’Opale (Boulogne-sur-Mer), 4-6 sept. 1997, éd. E. Bozóky et A.-M. Helvétius, Turnhout 2000 (Hagiologia. Études sur la sainteté en Occident 1), p. 21-38 ; voir encore Id., L’ensevelissement des saints : rituel de création des reliques et sanctification à Byzance à travers les sources hagiographiques (ve-xiie s.), TM 14, 2002, p. 319-332 (repris dans Id., Pouvoirs, Église et sainteté. Essais sur la société byzantine, Paris 2011 [Les classiques de la Sorbonne 3], p. 127-145).
51 Ils ont été inclus dans les ménologes orientaux et occidentaux, au 4 avril.
52 Vers 690 ( ?), cf. Lemerle, Démétrius (cité n. 15), t. 2, p. 29.
53 Délidèmos, Ὁ ὅσιος Δαυίδ (cité n. 7), p. 55, souligne à ce propos les relations entre Thessalonique et Rome.
54 Lermerle, Démétrius (cité n. 15), 5221-25, t. 1, p. 89. « Quant à la date de composition du Recueil de Jean dans l’état où nous le lisons, elle doit être placée dans les premières années du règne d’Héraclius [610-641] » (ibid., t. 2, p. 80).
55 Ibid., 531-2, t. 1, p. 90.
56 Ibid., 5312-13, t. 1, p. 90.
57 Noter la leçon de B (Berlinensis gr. fol. 57, xiie s.), manuscrit unique de l’édition de V. Rose (cité n. 7) : οὐ πρόσεστι ποθητὸς ὑπερκοσμίως βιοτεύσασι ἐπιποθοῦσι τὴν ἐκεῖθεν μακαριότητα, et la correction de l’éditeur : οὐ προσεπιπόθητος ὑπερκοσμίως βιοτεύσαντες ἐπιποθοῦσι τὴν ἐκεῖθεν μακαριότητα.
58 F. Dvornik, La Vie de Saint Grégoire le Décapolite et les Slaves Macédoniens au ixe siècle, Paris 1926, 21, p. 64. Grégoire eut pour disciple l’auteur du canon de David, Joseph l’Hymnographe.
59 Jean Caméniate, Sur la prise de Thessalonique, 39, éd. G. Böhlig, Ioannis Caminiatae De expugnatione Thessalonicae, Berlin 1973 (CFHB 4. Series Berolinensis), p. 36-37.
60 Sur le sort des reliques : Loenertz, Saint David (cité n. 4), p. 220-222.
61 G. Boni, R. Majocchi, Il catalogo Rodobaldino dei corpi santi di Pavia : studii e ricerche, Pavie 1901, p. 26.
62 Ibid. C’est à partir de ce texte que F.-G. Holweck, A Biographical Dictionary of the Saints, Saint-Louis/Londres 1926², p. 265, répandit une erreur, souvent reproduite : « His relics are said to rest in S. Peter’s church, Pavia, since 1054. »
Auteur
UMR 8167 Orient et Méditerranée
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