Chapitre VIII. Un empereur proche de ses sujets : chronologie et sens des voyages impériaux dans les provinces
p. 361-393
Texte intégral
1La figure de l’Empereur byzantin est souvent associée dans les sources à sa capitale, Constantinople. À partir de la conquête de cette ville en 1261, le premier empereur de la dynastie des Paléologues, Michel VIII, exerça sur elle une forte emprise. Il y entreprit de restaurer palais et églises, y acquit de nombreux biens fonciers et distribua les postes de l’administration municipale à ses parents et à ses proches. Il s’agissait ainsi de renouer fermement avec une tradition millénaire qui, depuis Constantin Ier jusqu’en 1204, avait fait de Constantinople à la fois le lieu de résidence et le siège du pouvoir des empereurs romains. En dépit de quelques déplacements temporaires de la cour en Asie Mineure, en Thrace ainsi qu’en Macédoine, Constantinople demeura effectivement à partir de 1261 et jusqu’à la fin de l’histoire byzantine l’épicentre de l’autorité impériale.
2Par ailleurs, le caractère sacré que les Byzantins attribuaient à la « Majesté » de l’Empereur avait contribué au fil des siècles à faire de lui une figure lointaine, presque dérobée aux regards de ses sujets. Certes, le peuple de Constantinople voyait son souverain lors des grands spectacles de l’Hippodrome ou à l’occasion d’imposantes cérémonies publiques, telles ces processions qui se déroulaient dans les principaux sanctuaires de la ville. Toutefois, les descriptions de la vie de cour dont nous disposons montrent que la communication directe entre l’empereur et son peuple demeurait somme toute très limitée.1
3Si, à Constantinople même, l’Empereur demeurait assez éloigné de son peuple, les habitants des provinces avaient encore moins de chance d’apercevoir leur souverain. À l’exception de quelques empereurs qui prirent en personne la tête de leurs armées, la plupart d’entre eux ne s’éloignèrent guère de la capitale ou de sa proche banlieue. Pour un Byzantin des provinces, l’empereur de Constantinople était donc une figure lointaine dont le reflet ne lui parvenait qu’à travers sa représentation sur les monnaies. Cette distance entre les habitants des provinces et l’Empereur avait sans doute favorisé durant les siècles précédant 1204 l’affaiblissement de l’autorité publique dans les provinces.
4L’arrivée des Paléologues sur le trône entraîna quelques changements en la matière. Certes, les souverains de cette dynastie continuèrent à résider régulièrement à Constantinople, mais ils essayèrent d’exercer une emprise plus directe sur les provinces en accordant à certains de leurs enfants le gouvernement d’une ville et de sa région. Par exemple, sous le règne d’Andronic II, son fils aîné, Michel IX, qui avait alors le rang de co-empereur, fut chargé du gouvernement de l’Asie Mineure.
5Un autre fils d’Andronic II, le despote Dèmètrios Palaiologos, reçut quant à lui l’administration de Thessalonique et de sa région. Exceptionnellement, les empereurs déplaçaient aussi toute la cour dans une ville de province afin de renforcer leur autorité dans une région particulièrement menacée par l’ennemi. Ce fut par exemple le cas sous Andronic II qui, à la fin du xiiie siècle, s’installa durant quelque temps à Lopadion et à Nymphée afin de conjurer la menace turque en Anatolie.
6Son successeur, l’empereur Andronic III (1328-1341), passa quant à lui l’essentiel de son règne en dehors de la capitale, à combattre les ennemis de l’Empire. Après sa mort, le contexte politique de la deuxième guerre civile obligea aussi les deux empereurs rivaux à se déplacer fréquemment. Ce fut sans doute précisément au cours du règne de Jean V (1354-1391) que se produisit une transformation de grande importance, qui vit ce souverain s’impliquer beaucoup plus directement dans les affaires internes de ses territoires provinciaux. Les sources mentionnent des séjours répétés de Jean V dans les provinces, lors desquels il se chargea directement de la défense militaire du territoire mais aussi de la nomination des gouverneurs ainsi que de la mise à jour du cadastre. L’action de Jean V fut poursuivie par ses successeurs, Manuel II, Jean VIII et Constantin XI à l’époque où ce dernier n’était encore que despote. Ils entreprirent également de fréquents voyages afin d’administrer personnellement les dernières provinces qui restaient à l’Empire. Ce mode de gouvernement des derniers souverains byzantins contribua non seulement à consolider leur autorité dans les campagnes, mais également à mieux gérer les maigres ressources que conservait l’État.
7Il est difficile de ne pas évoquer à ce propos une conversation devenue célèbre dans l’historiographie entre l’historien Géôrgios Sphrantzès et l’empereur Manuel II, au sujet du problème de l’Union des Églises. Manuel II remarquait : « L’empereur mon fils [Jean VIII] est un souverain capable, mais il n’est pas de notre temps, parce qu’il voit et pense de grandes choses, qui auraient été utiles à l’époque heureuse de nos ancêtres. Aujourd’hui, vu l’état des choses, ce n’est pas d’un empereur dont notre État a besoin, mais d’un administrateur. Et j’ai peur que ses idées et ses projets n’entraînent la chute de cette maison2. » En dépit des interprétations variées qui ont pu être données des mots que Sphrantzès prête à Manuel II, ils reflètent incontestablement le profond changement qui s’était opéré dans la conception du pouvoir impérial. Le rétrécissement de l’Empire et l’amenuisement de ses ressources ne permettaient plus la réalisation de projets trop ambitieux. Manuel II estimait que celui qui était appelé à lui succéder devait être conscient de ce fait et éviter par conséquent de s’investir dans une politique de grand style pour se contenter au contraire d’administrer au mieux les ressources financières dont il disposait.
8Du fait de ce changement de mentalité durant le dernier siècle d’histoire byzantine, l’Empire en vint désormais à être envisagé pratiquement comme le patrimoine propre de la dynastie impériale, un peu comme s’il s’agissait d’un grand domaine foncier. Dans ce contexte, l’empereur dut abandonner sa position de souverain distant trônant au-dessus de ses sujets pour adopter le rôle d’une sorte de régisseur de son empire.
1. Les déplacements de l’empereur Jean V dans l’Empire
9En dépit de l’image pusillanime que l’historiographie moderne tend à donner de lui, Jean V fut, comme l’avait été son père Andronic III, un empereur guerrier qui n’hésita pas à prendre la tête de ses armées. Toutefois, lors de ses séjours dans les provinces, il prit aussi en charge des questions relevant de l’administration locale.
10Afin de mieux saisir les conséquences de son mode nouveau d’emprise sur le territoire, il convient d’aborder son action sous trois angles différents : les campagnes militaires, la nomination des gouverneurs provinciaux et la mise à jour du cadastre.
Les campagnes militaires de Jean V
11Jean V entreprit plusieurs campagnes pour consolider les frontières de l’Empire. On les a étudiées dans les chapitres précédents et il suffit ici simplement d’en rappeler la chronologie : en 1364, il livra une guerre contre les Bulgares à propos des ports de la côte de la mer Noire3 ; un an plus tard, durant l’été 1365, il affronta le Serbe Jovan Uglješa. Enfin, durant les années 1374-1375, Jean V conduisit une campagne en Macédoine afin de recouvrer les territoires qui avaient été enlevés à l’Empire par les Serbes4.
12Outre ces trois campagnes principales, Jean V mena d’autres opérations militaires contre certains « ennemis internes ». En 1355, au début de son règne personnel, il quitta Constantinople afin de combattre en Thrace le fils de Jean VI, Matthaios Kantakouzènos5. À cette époque, il séjourna aussi à Ainos et dans l’île de Lemnos, dans le but de s’y ravitailler et de se procurer de l’argent. Quelques années plus tard, au printemps 1373, il eut à combattre son propre fils Andronikos dans la région proche de Constantinople. Lors de cette campagne, Jean V dut faire appel au souverain ottoman Murad afin de venir à bout du prince héritier. En contrepartie de l’aide turque, l’empereur se rendit en Anatolie durant les mois d’été de la même année pour collaborer avec Murad dans la guerre que ce dernier conduisit contre son propre fils, le prince Saudji6.
13Une fois restauré, après la fin du règne d’Andronic IV (1376-1379), Jean V ne semble plus avoir quitté Constantinople. Du reste, il aurait été affligé à cette époque d’une grave maladie qui l’empêchait même de recevoir les ambassadeurs étrangers7. Il s’agissait peut-être d’attaques de goutte, une maladie qui frappa aussi ses descendants. Durant ces années de la fin du règne de Jean V, ses enfants, Manouèl et Théodôros, furent chargés de diriger chacun une des provinces de l’Empire8.
Un séjour impérial à Thessalonique en 1368-1369 ? La question de la nomination du despote Manouèl Palaiologos au poste de gouverneur de cette ville
14Plusieurs sources suggèrent un séjour de l’empereur Jean V à Thessalonique durant l’hiver 1368-1369, juste avant son départ pour l’Italie9. Certes, aucune source ne mentionne explicitement le passage de l’empereur dans cette ville, mais le fait que plusieurs membres de la suite qui l’accompagna en Italie soient attestés à cette époque en Macédoine peut être un indice de la présence du souverain lui-même dans la région. Ce possible séjour de l’empereur dans la capitale de la Macédoine coïnciderait avec la date de la nomination du despote Manouèl Palaiologos au poste de gouverneur de cette ville10.
15Auparavant, Thessalonique était dirigée par le mégas domestikos Alexios Laskaris Atouémès Métochitès, qui avait lui-même succédé au mégas stratopédarchès Géôrgios Synadènos Astras, mort vers l’automne 136511. Métochitès semble s’être retiré de la vie politique précisément peu de temps avant mai 136912. À cette époque, sont attestés à Thessalonique plusieurs familiers (oikeioi) de l’empereur Jean V ; ils souscrivent alors comme témoins un acte de vente établi en mars 136813. Un de ces personnages, l’aristocrate kyr Alexios Laskaris Hyaléas, est sans doute la même personne que le mégas hétaireiarchès Alexios Laskaris qui accompagna Jean V en Italie14.
16La date exacte du départ de Jean V pour l’Italie demeure quant à elle difficile à déterminer15. En 1367, l’empereur avait envoyé une grande ambassade auprès du pape pour traiter des questions relatives à l’Union des Églises. Cette ambassade était arrivée en Italie vers la fin de l’été et dut repartir vers décembre 1367 pour l’Empire, mais elle s’arrêta ensuite quelque temps à Venise en raison de la peste16. Elle était sans doute arrivée à Constantinople en janvier ou février 1368. Vers cette date, Kydônès écrivit à l’archevêque de Thèbes, Simôn Atoumanos, lui faisant part de l’invitation à se rendre à Rome au mois de mai prochain (1368), que le pape avait adressée à l’empereur par l’intermédiaire de ces ambassadeurs17.
17On est certain que Kydônès envoya cette lettre à l’archevêque Simôn Atoumanos avant le mois d’avril 1368, parce que l’érudit n’y fait aucune allusion à la condamnation de son frère Prochoros par le patriarche Philothéos Kokkinos, survenue à cette dernière date18. Rappelons que Prochoros, moine à Lavra, était l’une des figures les plus importantes de l’antipalamisme et donc un ennemi acharné du chef de l’Église byzantine. Il se peut d’ailleurs que la date de la condamnation de Prochoros constitue un terminus ante quem pour la date de départ de l’empereur pour l’Italie, car le patriarche Philothéos pourrait avoir profité du départ de Kydônès et de Jean V vers Rome pour agir contre ses ennemis au sein de l’Église. On sait en effet que, durant l’absence de l’empereur, le patriarche entreprit de nombreuses persécutions contre les catholiques et les opposants aux doctrines de Palamas à Constantinople19. Si la suite impériale est partie de la capitale de l’Empire avant avril 1368, il se peut qu’elle soit arrivée en Macédoine dès le mois de mars 1368, comme semble l’impliquer la présence de Laskaris Hyaléas à Thessalonique à cette époque.
18Une autre lettre de Kydônès, adressée depuis Rome au despote Manouèl Palaiologos, vers la fin 1370, évoque la présence de ce dernier à Thessalonique lors du départ de la suite impériale vers l’Italie et suggère donc le rôle de l’empereur Jean V dans la nomination de son fils au poste de gouverneur de cette ville. Un passage de cette lettre dit qu’au moment de son départ pour l’Italie, Kydônès tournant le regard une dernière fois vers sa ville natale, c’est-à-dire Thessalonique, vit le despote Manouèl arriver sur le port lors du départ du bateau, ce qui provoqua en lui une forte émotion20.
« Ayant reçu l’ordre de l’Empereur… » : le recensement des provinces
19À Byzance, la plupart des actes de recensement commencent par l’expression « ayant reçu l’ordre de l’Empereur de procéder à la péréquation et à la vérification du thème de… »21 ou par d’autres phrases semblables22. Cela signifie que c’était le souverain qui, en général, ordonnait la mise à jour du cadastre et l’attribution des revenus fiscaux d’une région. Un praktikon de janvier 1104 donne quelques détails sur ce processus. Il agit d’un acte délivré par le sébastos Iôannès Komnènos au sujet des biens du monastère athonite d’Iviron situés en Macédoine23. À cette époque, l’empereur Alexis Ier avait pris certaines mesures de type fiscal qui avaient entraîné des changements dans le régime de terres. C’est pourquoi il avait envoyé en Macédoine son neveu, le sébastos Iôannès, afin que ce dernier mît à jour le cadastre concernant les biens des monastères de l’Athos24.
20À partir du milieu du xive siècle, les praktika débutent aussi par cette même expression qui fait allusion à l’ordre de l’empereur de procéder au recensement des biens fonciers dans une région déterminée. Or, la documentation montre qu’à cette époque l’ordre de mise à jour du cadastre était délivré par l’empereur en personne lorsque celui-ci se trouvait dans la région qui faisait l’objet du recensement. Pour le règne de Jean V, par exemple, cinq recensements me sont connus : quatre pour l’île de Lemnos, en 1354-1355, en 1361, en 1368 et en 1387 ; et un pour la Macédoine, en 1375-1376. Dans trois cas, on peut constater la présence de l’empereur dans la région.
21On connaît l’existence de deux actes de recensement pour Lemnos délivrés au cours des années 1354-1355 ; l’un d’eux est conservé, il s’agit d’un praktikon pour le monastère de Lavra daté d’octobre 135525, l’autre est simplement mentionné dans un chrysobulle de mai 1354 en faveur du monastère de Philothéou26. Aucun de ces actes ne mentionne la présence de l’empereur dans l’île à cette époque. Cependant, Grègoras dit que, lorsque, au début du printemps 1354, Jean V partit de Thessalonique pour rencontrer son rival Jean VI sur l’île de Ténédos, il se rendit d’abord à Lemnos où il retrouva Grègorios, patriarche d’Alexandrie27. Ce fut donc à cette époque qu’il dut délivrer le chrysobulle de mai 1354 en faveur de Philothéou. Par cet acte, l’empereur confirma aux moines la possession de divers biens sis à Lemnos qu’ils avaient reçus en vertu d’un acte de recensement délivré par l’oncle de l’empereur, Iôannès Laskaris Bryennios.
22Laskaris Bryennios est précisément l’un des auteurs du praktikon d’octobre 1355 en faveur de Lavra. Certes, l’état de conservation du document ne permet pas de déchiffrer les signatures – on va y revenir –, mais cet acte et ses auteurs sont mentionnés par ailleurs dans un praktikon de 1361 relatif aux biens de Lavra à Lemnos. Ce praktikon précise que le monastère avait été mis auparavant en possession par Laskaris Bryennios d’une terre sise près du château de Kontéas, en vertu d’une ordonnance impériale (prostagma) datant du mois d’avril de la septième indiction28. On notera que cette indiction correspond à l’an 1354 et qu’elle coïncide donc avec la date du séjour de Jean V à Lemnos et avec celle du chrysobulle pour Philothéou qui mentionne Bryennios (mai 1354). De plus, la topographie montre que la terre de Kontéas, mentionnée dans l’acte de 1361, est située au lieu-dit Platy Pègadin, dont le praktikon d’octobre 1355 donne justement la description29.
23Il n’est pas étonnant qu’entre le séjour de l’empereur Jean V à Lemnos, en avril-mai 1354, et la date du praktikon de Lavra, en octobre 1355, plus d’un an se soit écoulé. On verra que cet intervalle est tout à fait normal, apparaît lors d’autres recensements ultérieurs et doit s’expliquer simplement en raison du temps nécessaire pour procéder à l’enregistrement par écrit de tous les biens fonciers et de tous les parèques de la région.
24Le rôle de Laskaris Bryennios dans le recensement de Lemnos de 1354-1355 ne semble pas faire de doute, toutefois l’identification des autres fonctionnaires qui intervinrent dans cette opération demeure plus problématique. On a dit que le mauvais état de conservation du praktikon d’octobre 1355 pour Lavra empêchait de lire les noms des signataires30. C’est grâce au minutieux travail d’édition des auteurs du volume des Archives de l’Athos que l’on peut néanmoins déchiffrer le patronyme « Laskaris » dans l’une des signatures. On serait certes tenté de proposer l’identification avec ce même Laskaris Bryennios, mais à l’acte est apposé un sceau qui porte le nom d’un certain Manouèl Laskaris, qui pourrait aussi bien être l’un des auteurs de ce praktikon et celui qui aurait signé « Laskaris »31. Faute d’autres renseignements, on peut postuler que Iôannès Bryennios Laskaris et Manouèl Laskaris furent les deux recenseurs qui établirent ensemble le praktikon de 1355. Il pourrait s’agir de deux parents, car on retrouve souvent plusieurs membres d’une même famille dans un collège de recenseurs, les fonctions de l’administration étant du reste parfois transmises de père en fils.
25Au verso de ce praktikon pour Lavra figurent une liste de parèques ainsi que les signatures de deux autres agents du fisc : un certain Dèmètrios Palaiologos et un mégas droungarios anonyme. Comme l’ont suggéré les éditeurs de l’acte, ces mentions dorsales sont certainement une adjonction postérieure visant à mettre à jour le contenu du praktikon32.
26Les archives de Lavra ont également conservé un praktikon daté de 1361 et délivré par le mégas stratopédarchès Géôrgios Synadènos Astras au sujet des biens du monastère situés à Lemnos33. Toutefois, il ne s’agit pas là d’un recensement : Astras déclare simplement avoir agi à la demande des moines et « au nom de l’empereur »34, mais il ne mentionne aucun ordre impérial lui enjoignant de procéder à la vérification de la rente fiscale de chaque propriétaire. Astras aura simplement délivré ce praktikon pour le monastère de Lavra en tant que gouverneur de l’île.
27Un an plus tard, le 4 juillet 1362, Jean V promulgua deux chrysobulles relatifs aux biens des Athonites à Lemnos qui pourraient cette fois témoigner de la présence du souverain dans l’île. Le contenu de ces actes est presque identique : l’empereur ordonnait à Astras de procéder à la mise en possession de plusieurs domaines en faveur de Vatopédi et de Lavra35. Or, nous savons par la correspondance de Kydônès qu’à cette époque l’empereur, le patriarche et une partie de la cour impériale avaient quitté Constantinople en raison de la peste et qu’ils s’étaient réfugiés sur une île « loin de la capitale », dont Kydônès ne livre pas le nom36. La coïncidence entre la date du départ de la cour et celle des deux chrysobulles pour Lavra et Vatopédi rend vraisemblable la possibilité d’un séjour de Jean V à Lemnos à cette époque, mais la preuve définitive manque.
28Vassiliki Kravari a démontré que le recensement de Lemnos entrepris par un certain Manouèl Trichas, mentionné par plusieurs documents de la fin du xive siècle et de la première moitié du xve, eut lieu en 1368. Un praktikon conservé dans les archives de Vatopédi, simplement daté du mois de juillet de la sixième indiction, semble avoir été délivré à cette occasion37. L’acte précise que son auteur avait reçu de l’empereur l’ordre de procéder au recensement. On ne possède aucun témoignage qui fasse allusion à un voyage de Jean V à Lemnos en 1368, mais on a vu que l’empereur s’était probablement rendu en Macédoine à cette époque, avant de partir pour l’Italie. Si tel fut bien le cas, il n’est pas impossible que Jean V ait d’abord fait escale dans cette île et ait ordonné alors la mise à jour du cadastre. Cette hypothèse est confortée par le fait que lors du voyage de retour à Constantinople en 1371, l’empereur passa effectivement quelques mois à Lemnos avant de regagner sa capitale. Kydônès dit que Jean V s’y attarda bien trop, alors qu’à Constantinople on attendait avec impatience son arrivée38. Le récit de la Vita du patriarche bulgare Euthymios de Tirnovo suggère en outre qu’en 1371 l’empereur s’était arrêté à Lemnos pour des questions financières39. S’agissait-il de collecter les impôts prélevés à la suite du recensement ordonné en 1368 ?
29Quelques années plus tard, en 1375 et 1376, le mégas chartoularios Laskaris Métochitès déclare dans un autre acte avoir reçu de l’empereur l’ordre de procéder au recensement de la terre de Stylarion (Chalcidique occidentale) et des paysans qui résidaient dans le village de Saint-Mamas, propriété de Vatopédi40. Or, on a vu qu’un an plus tôt Jean V s’était rendu dans cette région pour en entreprendre la reconquête41.
30Enfin, trois praktika témoignent d’un recensement général de Lemnos entre 1387 et 1388 : l’un en faveur de Vatopédi, de juin 138742, un autre pour le Pantokratôr, d’avril 138843, et un dernier pour Philothéou, non daté mais que l’on peut faire remonter à la même époque44. Le collège chargé de ce recensement était formé par Phôkas Sébastopoulos, qui signe seul l’acte pour Vatopédi, et par Iôannès Prinkèps Cheilas, qui signe avec Sébastopoulos l’acte du Pantokratôr. Le praktikon de Philothéou ne porte pas de signatures parce qu’il s’agit d’une simple copie.
31Il est difficile de préciser le contexte dans lequel se produisit ce recensement. Aucune source ne témoigne d’un séjour de l’empereur Jean V à Lemnos à cette date et même si nous savons que son fils, Manuel II, fut envoyé dans cette île après avoir perdu Thessalonique au profit des Ottomans, la date du premier praktikon, juin 1387, est trop haute pour que Manuel ait pu ordonner ce recensement, car son arrivée dans l’île doit remonter seulement à la fin de 1387 ou au début de 138845.
32En dépit des lacunes documentaires, le croisement de la chronologie des voyages de l’empereur Jean V avec les dates des actes de recensement conservés dans les archives de l’Athos révèle bien en définitive une implication directe du souverain dans les tâches de l’administration fiscale de plusieurs régions de l’Empire. Cette tendance se poursuit durant le règne de son fils Manuel II, pour lequel on a conservé davantage de sources.
2. Les voyages de l’empereur Manuel II
33Durant son règne (1391-1425), Manuel II entreprit trois voyages, lors desquels il ordonna de procéder au recensement de plusieurs provinces. Il convient néanmoins de souligner que ces trois voyages ne se produisirent pas dans des circonstances réellement comparables. Le premier fut accompli par l’empereur entre la fin de l’été 1393 et l’hiver 1393-1394, dans des conditions que rendaient particulièrement difficiles ses mauvais rapports avec le souverain ottoman Bayezid Ier. Les deux autres voyages furent réalisés au cours de la première moitié du xve siècle, dans un contexte politique nettement plus appaisé. Au cours de ces deux derniers voyages, Manuel II entreprit une véritable tournée d’inspection dans plusieurs régions de l’Empire : les îles du nord de l’Égée, la Macédoine (y compris le Mont Athos) et le Péloponnèse. Ce fut l’occasion pour l’empereur de consolider son autorité, d’assurer la défense des territoires et de collecter des impôts et des revenus.
34Outre ces trois voyages, qui sont bien attestés, il se pourrait également que Manuel II se soit rendu à Lemnos au cours de l’année 1396, au beau milieu du siège de Constantinople, pour des raisons financières. Toutefois, comme on va le voir, les sources ne sont pas tout à fait concluantes sur ce point. Enfin, l’empereur se rendit aussi à Thessalonique après la mort de son neveu Jean VII, durant l’hiver 1408-1409, pour installer son fils le despote Andronikos Palaiologos à la tête de cette ville et de sa région. À cette occasion, il s’occupa aussi de questions fiscales.
Le voyage de Manuel II à Serrès au cours de l’hiver 1393-1394 : un recensement de l’île de Lemnos et la question d’un retour à Lemnos en 1396
35Un acte fiscal daté du 28 novembre 1394 met le monastère du Pantokratôr en possession de plusieurs biens situés dans l’île de Lemnos46. L’acte fut établi par un collège de trois recenseurs, Phôkas Sébastopoulos, déjà mentionné, Alexios Iagoupès et Géôrgios Théologitès. Tous trois déclarent avoir agi sur l’ordre de l’empereur Manuel II qui, s’étant « récemment rendu dans l’île »47, leur avait ordonné de procéder au recensement de « toute l’île »48.
36Il s’agit là de la seule mention d’un séjour de Manuel II à Lemnos à cette époque. Toutefois, elle suffit à faire penser que deux chrysobulles de cet empereur, datés respectivement d’août 139349 et de janvier 139450, et confirmant les droits de possession des moines du Pantokratôr sur leurs biens à Lemnos, en Macédoine et à Thasos, sont sans doute à mettre en rapport avec ce voyage. Le laps de temps entre les dates de ces deux chrysobulles (août 1393-janvier 1394) ne signifie pas que l’empereur ait séjourné tant de temps dans l’île, mais il peut s’expliquer par le contexte politique.
37À cette époque, Bayezid Ier avait convoqué ses vassaux, dont l’empereur byzantin, pour une réunion dans la ville de Serrès, au cours de laquelle il se livra à une démonstration de force dans le but de les terroriser51. La date de cette rencontre n’est pas encore parfaitement établie, car les sources qui l’évoquent – l’Oraison funèbre rédigée par Manuel II en l’honneur de son frère Théodôros et la chronique de Chalkokondylès – ne fournissent aucun élément permettant de la préciser. Sur la base de la chronologie de quelques autres événements de l’époque, Loenertz a proposé de placer cette réunion aux alentours de l’hiver 1393-139452. À mon avis, les dates de ces deux chrysobulles (août 1393-janvier 1394) marquent les limites chronologiques extrêmes du voyage de Manuel II à Serrès. L’empereur serait arrivé à Lemnos à la fin de l’été 1393 et il aurait été de retour dans cette île, revenant de Serrès, en janvier 1394, avant de regagner sa capitale, dans laquelle il se trouvait en avril de la même année53.
38À cette époque, la voie maritime était devenue pour les Byzantins le moyen le plus rapide et le plus sûr pour se rendre de Constantinople en Macédoine, car l’essentiel de l’arrière-pays était déjà aux mains des Ottomans. Sur cette route maritime, l’île de Lemnos constituait une halte habituelle54. De plus, un passage de l’Oraison funèbre confirme que Manuel II avait bien employé des navires pour se rendre en Macédoine. Cette source précise en effet que Bayezid Ier avait ordonné la mutilation « des marins » qui accompagnaient l’empereur byzantin à Serrès55.
39Il convient enfin de signaler deux autres indices qui suggèrent un séjour de Manuel II à Lemnos à cette époque : d’une part le fait que les deux chrysobulles délivrés par Manuel II en 1393 et 1394 comportent certaines « anomalies diplomatiques » pourrait s’expliquer si ces actes avaient été rédigés loin de la chancellerie impériale56 ; d’autre part, l’offre de vente de Lemnos que Manuel II fit à la république de Venise en juillet 139457 est peut-être intervenue après une visite de l’île et l’évalution directe de ses capacités de résistance aux attaques de l’ennemi.
40Le fait que, deux ans plus tard, en janvier 1396, Manuel II ait délivré un nouveau chrysobulle relatif aux biens du Pantokratôr à Lemnos pourrait indiquer un retour du souverain dans l’île à cette époque58. Cet acte comporte en effet les mêmes anomalies diplomatiques que les chrysobulles de 1393 et 1394. D’autres sources contemporaines peuvent aussi suggérer la présence de l’empereur à Lemnos : un acte d’avril 1396 déclare que le patriarche Antônios IV avait reçu l’ordre de l’empereur d’enquêter sur une affaire qui avait eu lieu à Lemnos59. En avril 1397, le sénat de Venise répondait à l’empereur au sujet d’une nouvelle offre de vente de Lemnos et d’Imbros60. Enfin, rappelons qu’au début 1396, la pression des troupes ottomanes sur Constantinople s’était considérablement relâchée, en raison de l’avancée des troupes croisées par le Danube, ce qui aurait pu permettre au souverain byzantin de quitter momentanément la capitale et d’effectuer un bref séjour dans cette île du nord de l’Égée61.
Une première tournée d’inspection de l’Empire : le voyage de 1406-1407
41Après la récupération d’un nombre important de territoires au début du xve siècle, l’empereur Manuel II entreprit deux longues tournées d’inspection dans plusieurs provinces de l’Empire. Le premier de ces voyages eut lieu dans les années 1406-1407, mais il est resté peu connu des historiens62. Le second, mieux attesté, date des années 1414-1415. Lors de ces deux voyages, l’empereur consolida l’appareil défensif des campagnes, ordonna la mise à jour du cadastre et profita également de son passage pour soumettre une rébellion dans le Péloponnèse. De plus, le souverain mit aussi ses séjours à profit pour résoudre quelques conflits juridiques, car il était à chaque fois accompagné par deux juges généraux des Romains.
42Lors de son premier voyage, l’empereur dut quitter Constantinople vers la fin de l’été 140663 : le 20 octobre, il se trouvait déjà à Lemnos, comme le montre un acte des archives de l’Athos. Il s’agit d’un prostagma que Manuel II délivra, à la demande de sa femme Hélénè Dragasès et du cousin de celle-ci, le despote serbe Stefan Lazarević, en faveur du monastère de Saint-Pantéléèmôn, par lequel il accordait aux moines de ce couvent une parcelle de terre située dans l’île64. Un passage de l’acte indique explicitement que Manuel II se trouvait à l’époque à Lemnos puisqu’il emploie l’adverbe αὐτόθι, c’est-à-dire « ici même », en faisant allusion à l’endroit où était située la terre donnée aux moines65.
43En plus de cette donation à Saint-Pantéléèmôn, l’empereur profita aussi de son séjour à Lemnos pour ordonner le recensement de l’île. L’acte de juin 1407, par lequel trois recenseurs du fisc mettaient le monastère de Saint-Pantéléèmôn en possession de la terre donnée par Manuel II, parle en effet d’un recensement général de la région66. Il s’agit là de la seule mention à ce sujet, car aucun autre praktikon ou acte de mise en possession n’a été conservé pour la période.
44Le manque de sources rend difficile de reconstituer avec précision la chronologie du voyage impérial. Toutefois, deux autres actes athonites, datés de la période 1406-1407, fournissent des indices qui peuvent nous aider à reconstituer les autres étapes de cette tournée dans la région du nord de l’Égée. Le premier est un chrysobulle daté de juin 1406, c’est-à-dire quelques mois avant l’acte de Saint-Pantéléèmôn, que l’empereur délivra en faveur de l’ensemble de la communauté monastique de l’Athos. Il s’agit d’un acte ayant valeur de typikon, par lequel il prescrit les nouvelles règles qui devaient régir la vie des moines de la Sainte Montagne67. Un document de cette importance pourrait suggérer l’existence à cette époque d’une rencontre entre le souverain et le prôtos, qui était le plus haut représentant de la communauté monastique68. Or ce dernier est en effet attesté à Karyes, la capitale de l’Athos à cette époque, par deux actes qui datent d’avril et d’août 140669. L’hypothèse d’un séjour de l’empereur à l’Athos à cette date est également renforcée par la proximité géographique entre la presqu’île monastique et l’île de Lemnos, dans laquelle on a vu qu’il se trouvait assurément au mois d’octobre 1406.
45Un autre acte, cette fois un peu plus tardif, de juin 1407, pourrait témoigner du passage de l’empereur dans l’île d’Imbros, située elle aussi à proximité de Lemnos. Cet acte est une décision de deux juges généraux des Romains, Géôrgios Oinaiôtès et Eustathios, métropolite de Berroia, concernant un litige qui opposait le monastère de Lavra à la métropole d’Imbros au sujet de la possession d’une icône70. Certes, l’acte ne mentionne pas l’empereur Manuel II, mais d’autres sources contemporaines montrent que ces deux juges étaient partis de Constantinople à cette époque et avaient accompagné l’empereur Manuel II dans un voyage jusqu’au Péloponnèse. Paul Lemerle est d’un avis différent quant à la présence de ces deux juges généraux dans l’île d’Imbros, car il pense que l’affaire fut jugée dans la capitale de l’Empire71. Toutefois, on verra dans les pages qui suivent que les juges généraux des Romains avaient l’habitude de se déplacer pour juger les affaires locales et accompagnaient souvent les empereurs byzantins dans leurs déplacements.
46La source qui permet de prouver que ces juges généraux suivaient Manuel II dans ses déplacements est la correspondance de l’érudit Iôannès Chortasménos (ca 1370-1436/7). Vers 1407 (pour la date, voir infra), Chortasménos adressa plusieurs lettres à un médecin appelé Dèmètrios Pépagôménos qui se trouvait à l’époque dans le Péloponnèse en qualité de secrétaire auprès de l’empereur Manuel II. D’après ces lettres, Pépagôménos était accompagné par Eustathios, métropolite de Berroia, l’un des deux juges généraux des Romains qui délivrèrent l’acte de Lavra de juin 1407. Chortasménos dit que Pépagôménos et Eustathios s’étaient rendus jusqu’à Athènes, peut-être en mission diplomatique72. La présence d’Eustathios de Berroia dans le Péloponnèse vers 1407 impliquerait sans doute aussi celle de l’autre juge général des Romains, Géôrgios Oinaiôtès.
47Comme c’est le cas de la plupart des correspondances byzantines, les lettres de Chortasménos ne sont pas datées, ce qui rend difficile leur utilisation par l’historien. Sur ce point, le travail d’édition et de commentaire conduit par Herbert Hunger, par ailleurs souvent très utile, n’aide pas beaucoup parce qu’il comporte de nombreuses erreurs concernant la chronologie générale. Hunger a en effet daté ces lettres à Pépagôménos de la période 1415-1416, c’est-à-dire du temps du deuxième voyage de Manuel II dans le Péloponnèse, mais les arguments sur lesquels il appuie son raisonnement ne sont guère concluants73. On peut surtout lui reprocher de ne pas avoir entrepris une étude codicologique du manuscrit qui contient la correspondance de l’érudit (Vindob. Suppl. gr. 75), d’autant plus que la partie qui nous concerne est de la main même de Chortasménos. Ce travail a été réalisé et publié, quelques années après l’édition de la correspondance, par Paul Canart et Giancarlo Prato, dans un ouvrage dirigé précisément par Hunger74. D’après cette étude, le relevé des filigranes montre que les folios correspondant aux lettres envoyées à Pépagôménos datent de la période 1403-140875. On notera également que la dernière pièce de cette correspondance est un « bulletin de santé » (aux ff. 270r-v) qui porte la date de 140776, ce qui peut fournir un terminus ante quem, plus ou moins précis, pour la date d’achèvement de cette partie du manuscrit.
48La prosopographie ne s’oppose pas à cette datation plus haute des lettres de Chortasménos, contrairement à ce qu’avait écrit Hunger, puisque Dèmètrios Pépagôménos, le destinataire des lettres, n’est pas nécessairement la même personne que l’homonyme qui est attesté un quart de siècle plus tard comme correspondant de Bessarion et de Iôannès Eugénikos. Il n’est pas non plus l’auteur de la monodie en l’honneur de Cleofa (en grec Kléopè) Malatesta, épouse du despote Théodôros [II] Palaiologos, disparue en 143377. En revanche, il doit certainement être identifié à un Pépagôménos mentionné par Mazaris dans le Voyage aux Enfers, qui est qualifié de médecin et mourut avant 141478.
49Outre la correspondance de Chortasménos, l’arrivée de Manuel II au Péloponnèse est attestée par d’autres sources. Une chronique brève dit que l’empereur s’était rendu dans la ville de Corinthe durant l’année byzantine 6916, c’est-à-dire entre septembre 1407 et août 140879, ce qui fournit encore un autre repère chronologique. Les autres sources (la plupart narratives) disent simplement que l’empereur s’est rendu dans le Péloponnèse avant son voyage de 1414, mais elles ne fournissent pas d’indications précises quant à la chronologie80.
50Le retour de l’empereur à Constantinople peut être daté grâce à un acte du 23 octobre 1407, un sauf-conduit adressé au roi d’Aragon, Martin Ier, en faveur de l’ambassadeur byzantin Manouèl Chrysolôras, qui témoigne de la présence de l’empereur Manuel II dans la capitale de l’Empire. L’acte fut datum in Constantinopoli die XXIII octubri prime indictione81.
Reconstitution hypothétique du voyage de Manuel II en 1406-1407
Juin | 1406 | Mont Athos |
Octobre | 1406 | île de Lemnos |
Juin | 1407 | île d’Imbros |
Juillet-octobre | 1407 | Péloponnèse |
Octobre | 1407 | retour à Constantinople |
51L’arrivée de Manuel II dans le Péloponnèse aurait donc suivi d’à peine quelques mois la mort de son frère, le despote Théodôros, en juin 1407. Il se peut d’ailleurs que l’empereur ait décidé de se rendre au Péloponnèse de manière inopinée, juste après avoir appris la nouvelle du décès de son frère82. Quoi qu’il en soit, la présence de Manuel II dans cette région permit d’assurer, outre le règlement de la question de la succession de Théodôros83, la consolidation de l’autorité impériale après une victoire sur les archontes locaux qui s’étaient à nouveau révoltés84. Manuel dut également consacrer quelques efforts à la reconstruction de l’Hexamilion85 et, à ce sujet, il demanda à Venise de contribuer financièrement aux travaux ad factum Clausure et Eximiglia, pro securitate principatus et paesii Amoree. Lors d’une ambassade qu’il dépêcha auprès des autorités vénitiennes depuis le Péloponnèse, il sollicita des Italiens la restitution du port de Nauplie et de la forteresse d’Astrakè86. La réponse du sénat vénitien fut, bien évidemment, négative87.
Le séjour de Manuel II à Thessalonique durant l’hiver 1408-1409
52En septembre 1408 mourut l’empereur Jean VII, neveu de Manuel II, qui gouvernait Thessalonique et sa région depuis 140388. Quelques mois plus tard, Manuel voyagea jusqu’en Macédoine pour installer son propre fils, le despote Andronikos Palaiologos, à la tête de cette région. Comme ce dernier était à l’époque encore mineur, Manuel II chargea en outre son serviteur Dèmètrios Laskaris Léontarès de la tutelle89.
53Manuel II profita de son séjour à Thessalonique durant l’hiver 1408-1409 pour régler des questions relatives au statut fiscal de la Macédoine90. Rappelons que pendant le règne de Jean VII (1403-1408), cette région avait bénéficié d’une certaine autonomie à l’égard de Constantinople. Manuel ordonna donc la mise à jour du cadastre et enjoignit au collège formé par Paulos Gazès et Géôrgios Prinkèps de procéder à un nouveau recensement de la région91. À cette époque, il délivra aussi un nouvel acte pour tous les monastères de l’Athos, dans lequel il stipulait les conditions fiscales s’appliquant aux biens des moines92. Dans cet important document, daté de décembre 1408, l’empereur rappelait les circonstances qui l’avaient contraint à prendre des mesures extraordinaires, comme la confiscation de la moitié des biens monastiques et/ou le prélèvement de certaines taxes nouvelles. Manuel faisait observer aux moines que la situation politique ne s’était guère améliorée, ce qui avait obligé l’État à prolonger la durée de ces mesures, pour la sécurité de tous93. Il consentit néanmoins à leur accorder quelques franchises et privilèges et il promulgua quelques ordonnances en faveur de certains monastères94.
Une deuxième tournée d’inspection de l’Empire : le voyage de 1414-1416
54Le 25 juillet 1414, Manuel II quitta Constantinople à la tête d’une flotte composée d’un grand navire de guerre et de cinq trières. L’objectif de cette expédition était de reprendre l’île de Thasos qui était tombée au pouvoir du Génois Giorgio Gattilusio. L’empereur mit le siège devant la forteresse de Thasos et, après quelques mois de blocus, réussit à s’en emparer95.
55De l’époque de la campagne de Thasos datent deux chrysobulles délivrés par Manuel II en faveur du monastère de Vatopédi96. Par le premier, l’empereur accordait à ce monastère la possession d’un domaine pris sur la terre impériale de Chaoulè à Lemnos97. Par le second, il prenait des dispositions relatives à l’héritage de l’aristocrate Andronikos Philanthrôpènos, serviteur impérial, qui était mort alors qu’il se rendait à l’Athos pour s’y faire moine98. Dans les deux cas, l’empereur avait réussi à collecter de l’argent pour renflouer le trésor impérial (bestiarion) « qui se trouvait dans le besoin en raison des dépenses nécessaires à l’armement des navires de guerre avec lesquels Ma Majesté est venue à Thasos, afin de restituer cette île à l’Empire99 ». En échange de la terre de Chaoulè, les moines de Vatopédi avaient fait un don (kaniskion) à l’État et, dans le cas de l’héritage de Philanthrôpènos, l’empereur avait ordonné que le fisc gardât un tiers de la fortune de cet aristocrate100.
56Un passage du texte du Voyage aux Enfers, rédigé par Mazaris vers la même époque, pourrait être aussi lié à la question du financement de la campagne de Thasos. Mazaris dit qu’un certain « Raoul Myrmex » avait été persuadé par son beau-père un certain « Misaèl Mouskaranos » d’acquérir « la fierté des Romains, c’est-à-dire l’île de Thasos »101. Le sens de ce passage est obscur, car Mazaris cache l’identité de ses personnages sous des pseudonymes. Toutefois, il peut signifier que ce « Raoul Myrmex », peut-être un individu appelé en réalité Raoul Myrminkès, contribua financièrement aux frais occasionnés par la guerre de Thasos. Quant à « Misaèl Mouskaranos », peut-être Michaèl Skaranos, il est inconnu par ailleurs102. Mais il occupait un poste important de l’administration fiscale, car il est qualifié de ὁ τοῦς λογισμοὺς τῶν ῾Ρωμαίων, c’est-à-dire « celui qui est responsable de la supervision des comptes de l’Empire »103. Dans un autre passage de Mazaris, Mouskaranos apparaît mêlé à une affaire relative à un transport de bois vers l’Égypte104.
57À la même époque, Manuel II semble avoir ordonné le recensement de l’île de Lemnos. On a conservé un praktikon d’août 1415 relatif aux biens de l’église de la Zôodochos Pègè, propriété de Lavra à Lemnos105. Les archives de Lavra contiennent aussi une copie moderne d’un autre praktikon établi à la même époque en faveur du métoque lavriote de la Kakabiôtissa de Lemnos106. Les auteurs de ces actes déclarent avoir procédé au recensement de toute l’île de Lemnos en exécution d’un ordre de l’empereur107. Ce recensement est également évoqué dans un praktikon ultérieur, délivré en faveur de Vatopédi en 1442108. L’un des recenseurs, le hiéromoine Iôasaph, appartenait au puissant monastère constantinopolitain des Xanthopouloi, et il accompagna l’empereur dans son voyage jusqu’à Thasos. En janvier 1415, il délivra un acte par lequel il mettait le monastère de Vatopédi en possession de la terre de Chaoulè109. Iôasaph déclare avoir agi conformément à un ordre de l’empereur et s’être rendu sur place, dans la région de Chaoulè, accompagné de Michaèl Palaiologos, katholikè képhalè de Lemnos110.
58Après avoir restauré l’autorité impériale sur Thasos et ordonné le recensement de Lemnos, Manuel II s’en alla à Thessalonique, où son fils le despote Andronikos Palaiologos résidait en tant que gouverneur111. Durant son séjour en Macédoine, l’empereur s’occupa à nouveau de questions relatives au statut fiscal de la région. Les archives de l’Athos ont conservé plusieurs actes qu’il délivra à cette époque, accordant aux moines de nouvelles franchises et des privilèges. Dans cette documentation, il convient d’attirer plus particulièrement l’attention sur un acte qui porte la date du 10 décembre 1414 et qui appartient donc à l’époque du séjour de Manuel à Thessalonique. Il s’agit d’une décision judiciaire (sékrétikon gramma) délivrée dans cette ville par deux juges généraux des Romains, Géôrgios Gémistos (le philosophe Pléthon) et un mégas skeuophylax anonyme que l’on peut identifier aisément au fonctionnaire patriarcal Iôannès Syropoulos. L’acte évoque aussi l’intervention dans le cadre du procès de deux « illustres archontes », le familier de l’empereur Iôannès Kananos et le « neveu » (anepsios) de l’empereur Dèmètrios Kantakouzènos112, deux aristocrates qui appartenaient à la suite impériale.
59Le procès présidé par ces deux juges généraux des Romains eut donc lieu à l’époque du séjour de Manuel II à Thessalonique. On a déjà dit que ces hauts fonctionnaires de la justice impériale accompagnaient le souverain lors de ses tournées dans l’Empire et constituaient une sorte de tribunal itinérant qui faisait office de cour d’appel. Pléthon est en effet attesté un peu plus tard, dans le Péloponnèse, précisément à l’époque de l’arrivée de l’empereur dans cette région113.
60Entre la fin de l’hiver et le début du printemps 1415, Manuel II quitta la Macédoine pour se rendre au Péloponnèse114. C’était, on l’a vu, la deuxième fois depuis le début de son règne que l’empereur visitait cette partie de l’Empire, qui en constituait à l’époque la province la plus étendue. Depuis la mort de son frère Théodôros, un fils de Manuel II, nommé aussi Théodôros, avait gouverné la région, bien qu’il n’eût atteint sa majorité que vers 1410115.
61On sait que durant son deuxième séjour dans le Péloponnèse, Manuel II s’occupa des travaux de reconstruction de la muraille de l’Hexamilion et de la répression des archontes locaux toujours prompts à s’agiter116. Ce fut peut-être aussi à cette époque que l’empereur acheva la composition de l’Oraison funèbre à la mémoire de son frère défunt, qui fut déclamée à Mistra un an plus tard, en 1417. Après avoir passé l’hiver 1415-1416 dans le Péloponnèse, Manuel II rentra finalement à Constantinople117, où il devait ensuite demeurer jusqu’à sa mort en 1425.
Tableau récapitulatif du second voyage de Manuel II, 1414-1416
juillet-septembre 1414 | Thasos-Lemnos |
septembre 1414-février/mars 1415 | Macédoine (Thessalonique) |
mars 1415-mars 1416 | Péloponnèse |
3. Le gouvernement des provinces après 1416
62Même si, durant ses années comme co-empereur de son père, Jean VIII entreprit plusieurs voyages en Macédoine et dans le Péloponnèse, le système que nous avons décrit et qui avait été mis en place par Jean V et repris par Manuel II changea alors de nature. À partir de la décennie 1410-1420 et au fur et à mesure que les enfants de Manuel II atteignaient leur majorité, les provinces confiées à chacun d’eux obtinrent davantage d’autonomie.
63Le titre de despote, qui a fait l’objet d’un long débat historiographique, semble avoir changé de signification du fait même de cette évolution. À partir de cette époque, il sert à qualifier le gouverneur d’un territoire. En outre, dans les sources de la période, le terme « despotat » (despotaton) est souvent utilisé pour désigner une province de l’Empire.
64Il ne faut pas en déduire pour autant que l’autorité centrale ait connu alors un déclin du fait de ces évolutions internes118. Dans ce système, qui perdura jusqu’à la disparition de Byzance, l’empereur de Constantinople demeurait au centre de l’exercice du pouvoir. Son autorité ne fut jamais contestée. En dépit des confrontations qui opposèrent entre eux les fils de Manuel II pour le contrôle du territoire, il n’y eut jamais de tentatives séparatistes d’une région à l’égard de l’ensemble que continuait à constituer l’Empire. Par exemple, l’expression « Ma Majesté » (ἡ βασιλεία μου) employée par les despotes à cette époque, ne suppose pas de leur part une forme de contestation de l’Empereur, mais au contraire la reconnaissance de son autorité, car ils agissaient précisément en son nom, en tant que représentants du pouvoir central.
Les voyages de l’empereur Jean VIII en Macédoine et dans le Péloponnèse : 1416-1418 et 1427-1428
65Vers la fin de l’année 1416, le co-empereur et héritier au trône Jean VIII se rendit en hâte à Thessalonique en raison du blocus de la ville par Mehmed Ier119.
66On a déjà vu que le conflit était lié à la révolte du « faux » Mustapha, prétendant au trône ottoman soutenu par les Byzantins. La présence de Jean VIII dans la capitale de la Macédoine contribua en effet à mettre un terme à la menace ennemie et à passer un accord avec Mehmed Ier, en vertu duquel le rebelle Mustapha restait au pouvoir des Byzantins120.
67Jean VIII profita aussi de son séjour à Thessalonique pour résoudre quelques questions relatives au gouvernement de la région. Isidôros de Kiev, auteur d’un panégyrique dédié à cet empereur, dit que celui-ci « s’était occupé de toutes les choses concernant cette ville et qu’il les avaient laissées bien disposées ». D’après cet auteur, Jean VIII aurait en outre confirmé l’autorité de son frère Andronikos à la tête de cette province121. Durant son séjour à Thessalonique, il délivra aussi plusieurs actes en faveur des monastères de l’Athos122.
68Au début de l’année 1417, Jean VIII se rendit, de manière semble-t-il inopinée, dans le Péloponnèse123. Là-bas, il entreprit, aux côtés de son frère le despote Théodôros, une campagne militaire contre la principauté franque d’Achaïe, qui occupait encore la partie ouest et nord-ouest de la péninsule. Au terme de cette campagne, les Byzantins avaient conquis plusieurs territoires importants, notamment la ville de Kalamata et sa région124. Outre cette expédition armée, Jean VIII poursuivit également l’action entreprise par son père durant ses voyages de 1407 et de 1415-1416. Le prince héritier réagit énergiquement contre les tentatives d’opposition à l’autorité de Constantinople qui s’étaient manifestées dans la région et redoubla d’efforts dans les travaux de fortification de l’Hexamilion. La réponse du sénat vénitien du 11 juin 1418 aux demandes de son ambassadeur auprès de la république témoigne de la forte pression fiscale que l’empereur avait alors imposée à la population paysanne du Péloponnèse, en raison des travaux de l’Hexamilion. Ce document parle en particulier de la fuite de paysans byzantins vers les possessions vénitiennes, afin d’échapper aux nouvelles taxes125. Peu de temps après, au début du mois de septembre, Jean VIII retournait à Constantinople. À cette époque, un autre de ses frères, plus jeune, le despote Thômas Palaiologos, fut envoyé dans le Péloponnèse pour assister Théôdoros dans le gouvernement de cette région.
69Le deuxième voyage de Jean VIII dans le Péloponnèse fut entrepris au mois de novembre 1427, alors qu’il était désormais seul empereur126. À cette époque, la Macédoine se trouvait déjà aux mains des Ottomans et Thessalonique était passée sous le contrôle des Vénitiens. Le Péloponnèse était donc non seulement la province la plus étendue de l’Empire, mais aussi la région où les Byzantins avaient le plus de chances d’obtenir quelques avantages nouveaux.
70Jean VIII, accompagné de ses frères Théodôros, Thômas et Kônstantinos (futur empereur Constantin XI), pénétra dans les territoires de la principauté d’Achaïe. Ils mirent le siège devant la ville de Clarentza et vainquirent la flotte de Carlo Tocco dans l’archipel des Échinades, à l’entrée du golfe de Corinthe. Clarentza tomba le 1er mai 1428 et Patras l’année suivante, entre juin 1429 et juillet 1430 (après un assaut manqué le 1er juillet 1428)127. Les derniers territoires latins du Péloponnèse, hormis les possessions vénitiennes, furent finalement occupés par les Byzantins durant l’année 1432.
71Jean VIII quitta la péninsule vers la fin de 1428 ou au début 1429. Durant les derniers mois de son séjour au Péloponnèse, l’empereur délivra plusieurs actes se rapportant à la situation interne de la région. En octobre 1428, il confirma ainsi par chrysobulle un argyrobulle de son frère Théodôros accordant à Géôrgios Gémistos Pléthon la possession de quelques villages128. Vers la même date, il délivra un autre chrysobulle en faveur de la métropole de Monemvasie, reconnaissant ses droits sur les évêchés de Zéména, Rhéonte, Maïna, Coron et Modon129. Le contenu de ces actes témoigne de l’autorité incontestable du souverain sur la région130.
72De retour à Constantinople, Jean VIII s’arrêta peut-être à l’Athos, car il existe un prostagma délivré par cet empereur en juin 1429 relatif à la fusion entre deux couvents de la Sainte Montagne. Il est vrai que Paul Lemerle, éditeur de cet acte dans la collection des Archives de l’Athos, propose de le dater de juin 1428131, mais en réalité cette date est totalement exclue parce que, à cette époque, Jean VIII se trouvait encore au Péloponnèse, et dirigeait la campagne militaire contre la principauté d’Achaïe. Cette méprise de Lemerle s’explique une fois encore par le mauvais état de conservation du document, qui comporte le long des plis de nombreux trous et déchirures en affectant la lecture132. En ce qui concerne les éléments de datation, les deux derniers chiffres de l’an du monde sont effacés et le ménologe, qui porte le nom du mois et le chiffre de l’indiction, n’est conservé qu’en partie. Il est possible d’interpréter le chiffre de l’indiction, ainsi que l’a fait Lemerle, comme un 6 (ς) qui correspondrait à l’année 1428, ou bien, ainsi que l’a fait Dölger, comme un 7 (ζ) qui correspondrait à l’année 1429. Les deux interprétations sont recevables du point de vue paléographique, mais le contexte historique impose la seconde lecture133.
73Le passage de Jean VIII par l’Athos et la région environnante fut peut-être aussi l’occasion de la cession de l’île de Samothrace à la famille génoise des Gattilusio, qui gouvernait déjà Lesbos et la ville portuaire d’Ainos. Une inscription atteste en effet la présence des Génois à Samothrace dès 1431134.
74Un dernier élément pourrait être mis en rapport avec le voyage de retour de l’empereur Jean VIII à Constantinople en 1429. Il s’agit de l’installation du despote Dèmètrios Palaiologos, le fils puîné de Manuel II, à la tête de l’île de Lemnos135.
Le gouvernement du despote Andronikos Palaiologos à Thessalonique (1416-1423)
75En septembre 1408, à la mort de l’empereur Jean VII, Manuel II avait accordé le gouvernement de Thessalonique et de sa région à son fils le despote Andronikos136. Étant donné que celui-ci n’était à l’époque qu’un enfant de huit ans137, Manuel II avait chargé son homme de confiance, Dèmètrios Laskaris Leontarès, d’assumer la régence en son nom. En 1416, Andronikos atteignit sa majorité, ce qui lui donnait le droit de prendre les rênes du pouvoir dans la région138. À cette époque, il effectua un voyage à Constantinople, « pour aller saluer » son père et être officiellement investi par lui de l’autorité nécessaire pour administrer effectivement la province de Macédoine139. À son retour à Thessalonique, vers l’automne 1416, Andronikos était accompagné de son frère aîné, le co-empereur Jean VIII, qui séjourna en Macédoine durant les derniers mois de cette année et y dirigea les pourparlers avec l’Ottoman Mehmed Ier qui avait mis le siège devant la ville140. Le conflit apaisé et son frère parti pour le Péloponnèse, Andronikos resta seul à la tête de la région141.
76La documentation athonite reflète bien l’autorité nouvelle d’Andronikos à Thessalonique et en Macédoine à partir de 1416. Durant ces années, les dernières de la domination byzantine dans la région, le despote délivra plusieurs ordonnances (horismoi) en faveur des monastères de l’Athos, leur accordant de nouvelles donations ou ordonnant la redistribution de revenus fiscaux142. Les documents d’archives témoignent également de plusieurs recensements de la région durant cette période. Un acte de septembre 1418 signale par exemple que ce fut le despote qui ordonna aux agents du fisc de procéder à la mise à jour du cadastre dans le thème de Thessalonique143. À cette époque, les monastères subirent aussi quelques confiscations en raison des menaces extérieures qui pesaient sur la région144.
77En effet, en 1423, après avoir occupé l’arrière-pays, à l’exception de la presqu’île de Kassandreia, les Ottomans mirent à nouveau le siège devant Thessalonique. Les rigueurs du blocus et les divisions internes obligèrent finalement le despote à remettre la ville aux Latins afin d’éviter qu’elle ne tombât aux mains des Turcs145. La domination vénitienne sur Thessalonique et Kassandreia dura ensuite sept ans : le 29 mars 1430, les Ottomans réussirent finalement à percer les défenses de la ville146.
L’évolution de l’île de Lemnos dans le deuxième quart du xve siècle
78Après la perte de la Macédoine au début des années 1420, Lemnos devint, du point de vue de l’exploitation agricole, le plus important territoire byzantin situé à proximité de Constantinople. Depuis un demi-siècle, l’île avait été gouvernée par des personnages haut placés de l’administration impériale. Après la première prise de Thessalonique en 1387, Lemnos fut jusqu’à 1390 le lieu de résidence du coempereur Manuel II. Manuel partagea le pouvoir dans l’île avec un autre membre de la famille impériale, un certain Théodôros Palaiologos, oncle de l’empereur. Au début du xve siècle, Lemnos demeura entre les mains d’aristocrates proches parents des souverains. Un acte de janvier 1415 parle par exemple du katholikè képhalè de Lemnos Michaèl Palaiologos, qui est qualifié de gambros (parent par alliance) de l’empereur Manuel II147. Cette emprise croissante de la famille impériale élargie sur l’île fut une conséquence de l’importance stratégique acquise par ce territoire à la fin de l’histoire byzantine.
79À la fin des années 1420, l’empereur Jean VIII accorda le gouvernement de l’île à son frère le despote Dèmètrios Palaiologos. La date exacte de cette nomination reste incertaine. Ivan Djurić pense qu’il faut la faire remonter jusqu’en 1425/1426, mais aucune source ne permet de corroborer son hypothèse. L’acte le plus ancien qui témoigne de la présence du despote à Lemnos date seulement de décembre 1429. Il s’agit d’un horismos confirmant les exemptions fiscales dont le monastère de Lavra jouissait dans l’île148. Un autre horismos délivré par ce despote en faveur de Dionysiou et daté d’août 1430 dit que Dèmètrios était « récemment » (artiôs) arrivé à Lemnos149. Même si cet adverbe ne permet pas de situer très exactement l’installation du despote, car il peut se référer à un laps de temps plus ou moins long, il est certain qu’elle ne doit pas remonter très au-delà de 1430. L’année 1429 apparaît donc comme la date la plus probable de la nomination de Dèmètrios au poste de gouverneur de Lemnos150. De plus, cette date coïncide avec le voyage de retour de Jean VIII du Péloponnèse, lors duquel il pourrait s’être arrêté dans l’île151.
80Un autre élément en faveur de cette datation est l’existence d’un recensement de Lemnos ordonné par le despote fin 1429 ou début 1430. En effet, la prise en charge du gouvernement de Lemnos dut être suivie de la mise à jour du cadastre. Ce recensement est seulement attesté par un praktikon délivré au monastère de Dionysiou au mois de mai 1430, qui dit qu’il fut ordonné par « le bienheureux despote »152. Il porte la signature du serviteur du despote, Andronikos Sphrantzès Sébastopoulos153. Ce recensement de 1430 doit être le même que celui auquel fait allusion un praktikon de Vatopédi de 1442 comme « le recensement précédent », mais cet acte dit qu’il fut entrepris par les recenseurs Iôannès Tzyrakès Bryennios et Manouèl Palaiologos Sébastopoulos, et ne mentionne pas Andronikos Sphrantzès Sébastopoulos154. Cette absence est peut-être simplement due à un oubli de l’auteur de l’acte de 1442. Toutefois, il convient de signaler que l’acte de Dionysiou de 1430, qui porte la signature d’Andronikos Sphrantzès Sébastopoulos, est simplement une copie du praktikon original perdu et qu’il pourrait donc s’agir plutôt d’une faute du copiste, qui aurait lu le nom Sébastopoulos dans la signature de l’un des recenseurs et aurait inventé le reste de son identité, peut-être à partir d’un autre acte conservé dans les archives de ce monastère.
81À la même époque, le 30 mai 1430, un autre serviteur du despote, un certain Dèmètrios Diplobatatzès, fit donation au monastère de Vatopédi de plusieurs maisons situées dans le kastron de Kotzinos155. L’acte est aussi signé par quelques serviteurs de Dèmètrios et par un officier de la métropole de Lemnos, le sakellarios Théodôros Karystènos156. Il s’agit de la première mention de cette île comme métropole, ce qui pourrait signifier que la promotion ecclésiastique de Lemnos fut aussi une conséquence de l’arrivée de Dèmètrios et, peut-être, est à mettre en rapport avec un bref séjour de l’empereur Jean VIII dans la région à cette époque157.
82En mars 1436, le despote Dèmètrios se trouvait à Constantinople pour épouser Zôè Paraspondylè, fille d’un puissant magnat du Péloponnèse. Cette union était sans doute motivée par le projet d’un transfert prochain de Dèmètrios en Morée158. Il se peut qu’à cette époque, le mégas stratopédarchès Dèmètrios Palaiologos Métochitès ait déjà remplacé le frère de l’empereur dans l’administration de Lemnos159 ; toutefois, il n’est formellement attesté comme katholikè képhalè de l’île qu’en 1442160.
83Durant l’année 1442, Lemnos fit l’objet d’un nouveau recensement, le dernier de l’histoire byzantine. On a conservé deux praktika de cette époque : un acte pour Vatopédi, daté de juin 1442161, et un autre pour le Pantokratôr de septembre 1442162. Cette chronologie coïncide avec une attaque que subit l’île lors d’un nouveau conflit entre l’Empire byzantin et les Turcs, provoqué par les ambitions de Dèmètrios Palaiologos qui voulait s’emparer de Constantinople avec l’aide du sultan Murad II. Lemnos fut l’un des champs de bataille de ce conflit. La défense de l’île fut dirigée par le despote Kônstantinos Palaiologos, futur empereur Constantin XI. Les deux praktika datés de 1442 furent délivrés « suivant un ordre impérial » : pourrait-il faire allusion à l’autorité de Kônstantinos ?
84Les Byzantins résistèrent aux assauts ottomans qui provoquèrent néanmoins beaucoup de dégâts, et un accord fut conclu peu après septembre 1442 avec Murad II. La trêve entre Dèmètrios et son frère l’empereur Jean VIII intervint un peu plus tard, en juin 1443, lorsque Dèmètrios fut à nouveau investi du gouvernement de Lemnos163. Il y demeura jusqu’à 1449, après la mort de Jean VIII, date à laquelle il reçut finalement une partie du Péloponnèse164. L’identité du dernier gouverneur de Lemnos avant la chute de Constantinople en mai 1453 ne nous est pas connue. D’après Kritoboulos d’Imbros, il se mit à la tête d’une délégation qui se rendit auprès de Mehmed II après la prise de la capitale impériale. Plusieurs auteurs ont suggéré qu’il pourrait s’agir d’un certain Géôrgios Diplobatatzès qui est mentionné comme l’un des hommes les plus puissants de l’île après 1453.
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85Décrire et analyser les déplacements des souverains byzantins à l’intérieur de l’Empire permet de démontrer l’implication constante de ceux-ci dans le gouvernement des provinces. La mise à profit de la documentation athonite, ainsi que des informations contenues dans les correspondances des auteurs contemporains et dans les chroniques, autorise l’établissement d’une chronologie assez précise de ces déplacements. Elle a permis de constater par exemple que lors de chaque recensement, les agents du fisc avaient reçu leurs ordres directement du souverain qui se trouvait alors sur place.
86Plus largement, les sources montrent que les derniers empereurs byzantins quittaient Constantinople plus fréquemment que leurs ancêtres pour diriger une campagne militaire, pour ordonner la mise à jour du cadastre ou pour installer l’un de leurs enfants à la tête d’une province. C’était alors qu’ils délivraient des actes en faveur des institutions ecclésiastiques ou des propriétaires fonciers locaux. Toutefois, au-delà de la reconstitution de la chronologie, l’impact de cette présence effective de l’empereur sur les habitants des provinces est difficile à estimer. On a déjà dit que seule la population de Constantinople avait l’habitude de voir apparaître son souverain en public et que, dans les autres régions de l’Empire, sa présence était un événement beaucoup moins ordinaire. À partir du milieu du xive siècle, les fréquents séjours des souverains dans les provinces durent néanmoins changer la perception que les habitants de ces régions avaient du pouvoir impérial. En dépit d’un contexte par ailleurs peu favorable, cela dut sans aucun doute renforcer considérablement son autorité et son aura.
87Les différents séjours des souverains dans les provinces eurent aussi des conséquences non négligeables sur les rapports du pouvoir impérial avec les archontes locaux. La distribution de dons et de charges permettait à l’empereur de s’assurer le soutien de l’aristocratie autochtone et de conjurer ses velléités de contestation. Par exemple, dans une lettre adressée au mégas domestikos Dèmètrios Palaiologos à Thessalonique en 1374-1375, lors d’un séjour de l’empereur Jean V, Kydônès parle des nombreux cadeaux que le souverain avait offerts aux notables de la ville165. L’empereur raffermissait ainsi la loyauté et l’obéissance des personnages les plus puissants de la région, qui étaient souvent placés aux postes les plus élevés de l’administration locale.
Notes de bas de page
1 Dagron, Empereur et prêtre, p. 113 : « Pourquoi tant de précautions et de barrières réelles ou symboliques ? Par prudence, sans doute, mais aussi pour signifier que les déplacements de l’empereur font se rencontrer des mondes qui sont et doivent rester étrangers les uns aux autres. »
2 Sphrantzès XXIII § 7, p. 8218-24.
3 Voir supra, p. 128-132.
4 Pour la guerre contre Uglješa en 1365, voir supra, p. 142-146 ; pour la campagne en Macédoine en 1374-1375, voir supra, p. 230-236.
5 Voir Kantakouzènos IV § 42 ; III, p. 309-314. À cette époque, le patriarche Kallistos Ier aurait délivré l’acte Docheiariou no 31, une lettre adressée à l’empereur Jean V : voir le commentaire d’Oikonomidès, ibid., p. 198.
6 Sur les révoltes d’Andronic IV et du prince ottoman Saudji, voir supra, p. 228 et 230-231.
7 Voir par exemple la lettre de Kydônès L377/T365, dans laquelle l’ancien mésazôn rapporte qu’il a été convoqué dans les appartements privés de l’empereur et qu’il s’y est entretenu longuement avec le souverain, alors que ce dernier était cloué au lit par une crise de goutte (cité par Matschke, Das spätbyzantinische Konstantinopel, p. 51-52). Dans ses instructions à l’ambassadeur Andrea Gradenigo (15 février 1375), le sénat vénitien avertit quia dominus imperator Constantinopolis pro maiori parte anni est multum gravatus de persona, et propter dictam causam recusare posset quod noster ambaxiator, quando erit in Constantinopoli, iret ad presentiam suam, sed vellet, quod compareret ad presentiam filii sui coronati [Manuel II], et quod ei faceret reverentiam solitam (ASV, Senato, Misti, reg. 34, fol. 164r ; voir aussi Thiriet, Régestes, t. 1, no 552, p. 136-137, sans mention de la maladie).
8 Après la période de son règne à Thessalonique comme empereur indépendant (1382-1387), Manuel II fut envoyé par son père à Lemnos (cf. supra, p. 281). Les circonstances du séjour de Manuel dans cette île restent difficiles à déterminer. Jean V voulait certes éloigner son fils de la capitale, en raison de sa responsabilité dans la perte de Thessalonique, mais il se peut que Manuel ait aussi rempli les fonctions de gouverneur de Lemnos à cette époque. On a vu, par exemple, qu’il était chargé d’envoyer à Constantinople le surplus de la production agricole de l’île (cf. supra, p. 346). Quant à Théodôros, il reçut en 1382 le commandement du Péloponnèse, qu’il détint jusqu’à sa mort en 1407.
9 En 1369-1371, Jean V entreprit un voyage en Italie afin de renforcer les liens entre l’Empire et les puissances occidentales : cf. supra, p. 223, n. 480.
10 Rappelons que le chrysobulle rédigé par Kydônès en faveur de Manouèl lors de sa proclamation comme co-empereur en septembre 1373 dit que Jean V avait nommé son fils au poste de gouverneur de Thessalonique juste avant le voyage en Italie : Tinnefeld, Vier Prooimien, p. 181140-142 (ἔδει γὰρ Θεσσαλονίκῃ καὶ Μακεδόσι μεῖναί τινα κυβερνήτην ὑπὸ τῶν βαρβάρων χειμαζομένοις).
11 Alexios Laskaris Métochitès, déjà gouverneur de Thessalonique en 1349-1350 (PLP 17977), doit être identifié à Alexios Atouémes [Métochitès], oncle de l’empereur Jean V (PLP 1640), d’après les actes Vatopédi II nos 129 et 130. Sur la mort d’Astras en 1365, voir supra, p. 142, n. 97.
12 En mai 1369, Métochitès se rendit à l’Athos et passa un accord avec les moines de Vatopédi pour se retirer dans ce monastère : Métochitès obtint trois pensions viagères et un kellion, l’ancienne hôtellerie (παλαιὸν ἀρχονταρίκιον) de Vatopédi, dans laquelle il voulait vivre accompagné de deux serviteurs (Vatopédi II, no 129). Un mois plus tard, en juin 1369, Métochitès fit une nouvelle donation pour acquérir une quatrième pension viagère dans le monastère (Vatopédi II, no 130). À cette époque, Métochitès était de retour à Thessalonique. On ne sait donc pas à quelle date il se retira définitivement à l’Athos, mais ses transactions avec Vatopédi montrent qu’il était alors sur le point de quitter la vie publique.
13 Il s’agit de l’acte Pantocrator, no 7 (mars 1368), par lequel l’aristocrate Maria Laskarina vendit au mégas stratopédarchès Alexios un terrain situé près de Christoupolis. La signature de Nikolaos Synadènos, sakelliou de la métropole de Thessalonique, suggère que l’acte fut établi dans la capitale de Macédoine.
14 Le mégas hétaireiarchès Alexios Laskaris signa comme témoin l’acte de conversion au catholicisme de l’empereur Jean V en octobre 1369 (cf. Dölger, Regesten V, no 3122 ; Halecki, Un empereur, p. 225). Il s’agit peut-être de la même personne que le diermèneutès Alexios Laskaris, attesté à Constantinople en 1349 : MM III, p. 119 ; voir aussi PLP 14526 qui propose le même rapprochement.
15 Jean V et sa suite arrivèrent en Italie (Naples) le 7 août 1369. En fonction de cette date, A. A. Vasiliev, Il viaggio di Giovanni V Paleologo in Italia e l’unione di Roma, SBN 3, 1931, p. 153-192, ici p. 174, considère que l’empereur était parti de Constantinople au mois d’avril 1369, mais il ne fournit aucune preuve à l’appui de cette hypothèse.
16 Le 7 octobre 1367, le pape Urbain V reçut les ambassadeurs byzantins à Viterbe. Le 16 octobre, ils se rendirent à Rome, où de longues conversations eurent lieu. De novembre 1367 datent les bulles du pape adressées à l’empereur et à d’autres personnes de la cour impériale. Ce fut à cette date que les ambassadeurs quittèrent Rome et ils arrivèrent peu après à Venise où sévissait la peste. Plusieurs périrent dans la cité de la lagune. Les survivants durent partir pour Constantinople vers décembre 1367 ou, au plus tard, en janvier 1368. Sur cette ambassade, voir Halecki, Un empereur, p. 159-163, et plus récemment Perria, Due documenti.
17 Kydônès, Correspondance I, L103/T69.
18 L’acte de la condamnation de Prochoros Kydônès est édité dans PG 151, col. 693-715. Voir aussi Tinnefeld, Demetrios Kydones. Briefe, t. 1/1, p. 240 et n. 47 (avec bibliographie).
19 Sur l’attitude du patriarche Philothéos Kokkinos envers les catholiques et les antipalamites à cette époque, voir supra, p. 235.
20 Kydônès, Correspondance I, no 23, p. 524-9 : ὅσην ἡμῖν τὸ τῆς σῆς ὄψεως πόρρω γενέσθαι τότ᾽ἀθυμίαν ἐνῆκε, τοσαύτην τὰ σὰ γράμματα φανέντα νῦν ἐνέθηκεν ἡδονήν […] καὶ πυκνὰ μετὰ τοῦ δακρύειν πρὸς τὴν πατρίδα καὶ σὲ τοὺ ὀφθαλμοὺς ἕως ἐξῆν ἐκινοῦμεν, μέχρις οὗ, τοῦ λιμένος ἁψάμενος, ἡμῖν μὲν λύπης ἤγειρας χειμῶνα καὶ κύματα, τὸ δ᾽ἡμέτερον ἀγαθὸν σαυτὸν ἄλλοις δέδωκας ἀπολαύειν. Tinnefeld, Demetrios Kydones. Briefe t. 1/2, no 83, a interprété cette lettre différemment et considère que l’action se passe à Constantinople, lors du départ de Manouèl pour Thessalonique, avant le voyage impérial en Italie. Il n’y a pas cependant de doutes sur le fait que le terme « patrie » désigne toujours chez Kydônès la ville de Thessalonique. S’il s’agissait de Constantinople, l’auteur aurait employé d’autres expressions, par exemple « la grande ville » ou simplement « la ville ».
21 Voir par exemple l’acte Vatopédi I, no 30 (praktikon de janvier 1301), l. 1 : θείω καὶ προσκυνητῶ προστάγματι τὴν τοῦ θέματος Θεσσαλονίκης ἀπογραφὴν καὶ ἐξίσωσιν ποιήσασθαι ὁρισθεὶς…
22 Voir par exemple l’acte Iviron III, no 74 (praktikon de janvier 1316), l.1-2 : ἐπεὶ ὡρίσθην παρὰ τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως ἀναθεωρῆσαι καὶ ἀποκαταστῆσαι τὰ ἐν τῶ θέματι Βολεροῦ καὶ Μοσυνοπόλεως, Σερρῶν καὶ Στρυμμόνος…
23 Iviron II, no 52.
24 L’acte dit qu’en 1101, le sébastos Iôannès Komnènos, qui se trouvait à l’époque à Nicopolis, avait reçu une ordonnance de son oncle l’empereur par l’intermédiaire du kathigoumène du monastère d’Iviron (cf. Iviron II, no 52, l. 1-2). Plus loin, l’acte reprend les termes du mandement délivré par l’empereur et ordonnant à son neveu de procéder au recensement des biens d’Iviron : « Ma Majesté ordonne à mon neveu le sébastos kyr Iôannès, en partant pour le commandement dont il a été investi, de se rendre sur place, d’y délimiter les terrains laissés au monastère en fonction de ses impôts et des donations impériales, d’y placer des bornes apparentes… » (ibid., l. 150-153).
25 Lavra III, no 136.
26 Philothéou, no 10. Cet acte comporte une anomalie : il porte l’an du monde 6863 (= [mai] 1355) qui ne concorde pas avec l’indiction 7 (= [mai] 1354). Il s’agit sans doute d’une faute du scribe. Il faut privilégier la date de l’indiction, à laquelle les Byzantins étaient beaucoup plus habitués. Il n’y a pas de raison de penser que cet acte est un faux comme l’ont écrit les éditeurs de Lavra III, p. 60 ; la signature de l’empereur est identique à celle figurant sur d’autres actes de Jean V (voir les remarques de V. Kravari dans Phil. Suppl., p. 272 et 326, qui accepte l’authenticité de l’acte).
27 Grègoras XXVIII § 8 ; III, p. 18710-13.
28 Lavra III, no 139, l. 67-68 : παρεδόθη καὶ ἑτέρα γῆ ἐν τῆ αἠτῆ τοποθεσία δια θείου καὶ προσκυνητοῦ προστάγματος ἀπολυθέντος πρὸς Λάσκαρις τὸν Βρυέννιον κατὰ μῆνα Ἀπρίλλιον τῆς ζης ἰνδικτιῶνος.
29 Cf. le commentaire de Lavra IV, p. 144, n. 521 : « Ce domaine, remis à Lavra par Laskaris Bryennios en vertu d’un prostagma daté d’avril indiction 7 (1354), doit être Platy Pègadin, décrit par ce même recenseur dans son praktikon no 136, l. 68-73. »
30 Lavra III, no 136, l. 160-161. Les signatures sont précédées de la mention : οἱ δοῦλοι τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως…
31 Les éditeurs de Lavra III, p. 60, ont écrit que Laskaris Bryennios était le nom complet de Manouèl Laskaris et que Iôannès serait une méprise de la personne qui aurait fabriqué le « faux » chrysobulle de mai 1354 en faveur de Philothéou. Toutefois, V. Kravari a démontré que l’acte de Philothéou était un document authentique (Phil. Suppl., p. 272 et 326) et que Iôannès Laskaris Bryennios était le nom du recenseur qui a établi le praktikon de 1355 en faveur de Lavra. Elle n’a cependant pas expliqué l’existence d’un sceau portant le nom de Manouèl Laskaris sur l’acte de Lavra.
32 Lavra III, no 136, l. 164-171 (verso). Les éditeurs de l’acte considèrent que les deux signataires du verso pourraient être les mêmes personnes que ceux mentionnés au recto : Dèmètrios Palaiologos serait le collègue de Manouèl Laskaris, et mégas droungarios serait le titre de ce dernier. Toutefois, rien de cela n’est sûr et il faudrait se demander alors pourquoi Manouèl Laskaris aurait signé le recto de son nom de famille et le verso simplement de son titre.
33 Lavra III, no 139.
34 Ibid., l.7-8 : ἀπὸ τῆς πρὸς ἐμὲ ἐλεημοσύνης τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως.
35 Vatopédi II, no 117, et Lavra III, no 141.
36 Voir Kydônès, Correspondance I, no 109 (lettre à Kônstantinos Asanès), et le commentaire de Tinnefeld, Demetrios Kydones. Briefe, t. 1/1, no 47, en particulier p. 281. À la même époque, Iôannès Kantakouzènos (ex-empereur Jean VI) avait quitté Constantinople pour le Péloponnèse, que gouvernait son fils Manouèl Kantakouzènos : cf. Nicol, Kantakouzenos, p. 87, n. 129.
37 C’est lors d’une communication inédite présentée au séminaire de Jacques Lefort à l’École Pratique des Hautes Études, que Vasiliki Kravari a prouvé la datation de ce recensement. On trouvera un résumé des conclusions de cette communication dans Vatopédi II, p. 335-336. L’acte de Manouèl Trichas a été édité ibid., no 128.
38 Kydônès, Correspondance I, L28/T75 (lettre au mégas domestikos Dèmètrios Palaiologos).
39 Voir Tinnefeld, Demetrios Kydones. Briefe, t. 1/1, p. 26, n. 136 (avec bibliographie).
40 Voir les actes Vatopedi II nos 147 et 148.
41 Un autre argument plaide en faveur d’un recensement général de la Macédoine à cette époque : la mise en œuvre du décret de « pronoïarisation » de la moitié des biens monastiques (cf. supra, chap. V. 3).
42 Vatopédi III, no 165. Cet acte s’ouvre par une phrase qui indique que ce praktikon fut délivré dans le cadre d’un recensement général de l’île : « En faisant, sur l’ordre de l’empereur, le recensement de l’île de Lemnos, protégée par Dieu, et en remettant à chacun, archontes, archontopouloi, soldats, monastères et églises, parèques et autres, ce à quoi il a droit, j’ai trouvé que le monastère impérial de la Vierge sis à l’Athos et dit de Vatopédi détient dans l’île… » (θείω καὶ προσκυνητῶ ὁρισμῶ τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως τὴν ἀπογραφικὴν ἐξίσωσιν καὶ ἀποκατάστασιν ποιούμενος ἐν τῆ θεοσώστω νήσω Λήμνω καὶ ἀποκαθιστῶν καὶ ἐξισάζων τοὺς ἐν αὐτῆ ἄρχοντας, ἀρχοντόπουλα, στρατιώτας, θεία καὶ ἱερὰ μοναστήρια καὶ ἁγίους ναούς, παροίκους καὶ λοιποὺς ἅπαντας ἕκαστον εἰς τὸ οἰκεῖον δίκαιον, μετὰ τῶν ἄλλων εὗρον καὶ τὴν κατὰ τὸ ἄγιον ὄρος τὸν Ἄθω διακειμένην σεβασμίαν καὶ ἁγίαν βασιλικὴν μονὴν τὴν εἰς ὄνομα τιμωμένην τῆς ὑπεράγνου δεσποίνης ἡμῶν Θεοτόκου καὶ ἐπωνομαζομένην τοῦ Βατοπεδίου κεκτημένην καὶ κατέχουσαν ἐν τῆ τοιαύτη νήσω…, l. 1-4). Ce praktikon mentionne un acte de recensement délivré en faveur de Vatopédi par un collège constitué par les recenseurs Rômanakès, Cheilas et Disypatos (ibid., l. 23-24). Ce document fut établi après le recensement de Manouèl Trichas en 1368 et avant celui de Sébastopoulos-Cheilas en 1387-1388. Il pourrait donc témoigner d’un autre recensement général de l’île.
43 Pantocrator, no 12.
44 Phil. Suppl., no 7. Pour la datation de cet acte, voir supra, p. 172, n. 240.
45 Cf. Barker, Manuel II, p. 65.
46 Pantocrator, no 20.
47 Ibid., l.21 : καὶ νῦν δὲ τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως ἐπιδημήσαντος ἐν τῆ νήσω.
48 Ibid., l. 25-26 : ἔχοντας μὲν θεῖον ὁρισμὸν τῆς ἁγίας βασιλείας αὐτοῦ τηρῆσαι τὴν ἀπογραφικὴν ἐξίσωσιν τοῦ ὅλου νησίου.
49 Ibid., no 15.
50 Ibid., no 16.
51 Sur cet épisode, voir supra, p. 286.
52 Loenertz, Pour l’histoire du Péloponnèse, p. 174.
53 Barker, Manuel II, p. 123-124.
54 Par exemple, quelques décennies plus tard, en novembre 1437, l’empereur Jean VIII et sa suite s’arrêtèrent à Lemnos, alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre en Italie afin de participer au concile de Ferrare-Florence : Syropoulos, p. 542.
55 Manuel II, Oraison funèbre, p. 14115-19 : ἦν ταυτί · καὶ ὁ Αἰθίοψ τὴν ψυχὴν οὐκ ἐδύνατο τὴν μελανίαν ἀπονίψασθαι, ἀλλὰ πρῶτον ἐξεμέσας τὴν ὀργὴν δι᾽ὧν εἰς τοὺς ἡμετέρους ἐξύβρισεν, ἐκκόψας μὲν ὀφθαλμοὺς ἐκ τοῦ ναυτικοῦ, ἀποκόψας δὲ χεῖρας καὶ πολλά τισι τῶν ἐν τέλει ἐπαγαγὼν εἰς αἰσχύνην.
56 Il s’agit d’une part des trois logoi du texte qui sont écrits de la main de l’empereur (identiques à la fin du mot Palaiologos de la signature) et d’autre part du mot kratos qui ne figure pas comme il se devrait au début de la dernière ligne : cf. Pantocrator, p. 121 et 126 (rubrique « diplomatique »). Ces anomalies ne permettent pas de mettre en doute l’authenticité de ces actes. Pour un cas semblable, voir Ch. Kraus, Die kaiserlichen Privilegienurkunden für Patmos (1321-1331), BZ 91, 1998, p. 359-378, qui explique ainsi les « anomalies diplomatiques » de deux chrysobulles délivrés par Andronic III : cet empereur n’avait pas une véritable chancellerie avant d’occuper le trône de son grand-père et il se déplaçait constamment.
57 ASV, Senato, Secreta Consilii Rogatorum, E, fol. 93v ; voir aussi Thiriet, Régestes, t. 1, no 860, p. 203-204.
58 Pantocrator, no 21.
59 MM II, no 503, p. 267-269 ; voir aussi Darrouzès, Regestes VI, no 3023, p. 285-286.
60 ASV, Senato, Secreta Consilium rogatorum, reg. E, fol. 146r-147v ; voir aussi Thiriet, Régestes, t. 1, no 932, p. 218. À cette époque, Manuel II ordonna l’érection d’Imbros en archevêché (MM II, no 508, p. 272-273). Darrouzès, Regestes VI, no 3034, p. 297, a noté que « la création de l’archevêché était peut-être une précaution pour assurer une présence de la hiérarchie orthodoxe », au cas où l’île aurait finalement été cédée aux Vénitiens.
61 Sur les phases du siège de Constantinople par les Ottomans, voir supra, p. 287-290.
62 L’historiographie parle certes d’un voyage de l’empereur Manuel II dans le Péloponnèse avant son périple de 1414-1415, mais elle hésite à le dater de la fin 1407 (Loenertz, Djurić) ou de la seconde moitié de 1408 (Barker). Les deux chronologies sont en fait erronées.
63 L’empereur dut attendre le renouvellement de la trêve avec Venise pour quitter sa capitale. Il signa le traité le 22 mai 1406 in magnificate civitate nostra Constantinopolitana, in palatio nostro Dei custodito, in quo ad presens habitamus, in camera nostra cubicularia (Diplomatarium II, p. 301-302).
64 Saint-Pantéléèmôn, no 16.
65 Ibid., p. 4-5 : καὶ ὐξίωσαν καὶ παρεκάλεσαν με καὶ οἱ δύο [c’est-à-dire Hélénè Dragasès et Stefan Lazarević] ἵνα εὐεργετήσω πρὸς αὐτὸ καὶ ἔχη αὐτόθι εἰς τὴν Λῆμνον γῆν ζευγαρίων τριῶν. Les éditeurs de l’acte, P. Lemerle et G. Dagron, ont traduit l’adverbe αὐτόθι par « auprès des recenseurs », rejetant la possibilité qu’il trahisse la présence de Manuel II dans l’île : « [L’expression] ne doit pas être comprise comme indiquant qu’en octobre 1406 Manuel II se trouve à Lemnos (où il avait autrefois résidé comme exilé), mais plutôt au sens de κοντὰ σὲ σᾶς, στὴ περιοχή σας (les fonctionnaires à qui l’acte s’adresse) » (ibid., p. 119). L’adverbe αὐτόθι peut certes signifier « là-bas » (voir par exemple Vatopédi III, no 173), mais cette acception n’est pas habituelle. Dans le cas de l’acte de Saint-Pantéléèmôn, il n’y a pas de raisons pour préférer ce sens rare du terme à celui, plus fréquent, d’« ici même ».
66 Saint-Pantéléèmôn, no 17, l.9 : διὰ τὸ εὑρίσκεσθαι ἡμᾶς εἰς πᾶσαν τὴν ἀπογραφικὴν ἐξισότητα καὶ ἀποκατάστασιν τοῦ νησίου τοῦδε παντός.
67 Prôtaton, no 13.
68 À la différence des autres typika pour le Mont Athos, cet acte de Manuel II est qualifié de chrysobulle et contient les éléments caractéristiques de ce type d’acte, à savoir l’écriture à l’encre rouge de plusieurs termes de récognition : les logoi, la date et la signature impériale.
69 Vatopédi III, nos 193 (avril 1406) et 195 (août 1406). Ce dernier acte atteste également la présence au Prôtaton à cette époque de l’higoumène et du prohigoumène de Vatopédi (ibid., l. 25-26).
70 Lavra III, no 160.
71 Lemerle, Le tribunal impérial, p. 314.
72 Chortasménos, nos 43, 44, 47 et 48. Sur Dèmètrios Pépagôménos, voir infra, n. 78.
73 Voir Chortasménos, p. 113-117.
74 P. Canart, G. Prato, Les recueils organisés par Jean Chortasmenos et le problème de ses autographes, dans Studien zum Patriarchatsregister von Konstantinopel, éd. H. Hunger, Vienne 1981, p. 115-178.
75 Les filigranes de la partie IX (fol. 175-302) du Vind. suppl. gr. 75, dans laquelle est contenue la correspondance de Chortasménos, orientent vers une date aux alentours de 1408. Les lettres adressées à Pépagôménos sont copiées aux folios 257v-260v et celles adressées à Manuel II « au Péloponnèse » aux folios 260v-261v. L’examen du manuscrit révèle deux types de filigranes pour cette partie : Vi 15 (tête de cerf de profil) et Vi 4 (ciseaux). Vi 15 est identique au filigrane U 5, repéré dans le cod. Vat. Urb. gr. 80, un autre recueil organisé par Chortasménos. Selon Canart et Prato, ce filigrane « serait de 1403 » (ibid., p. 153). Vi 4 apparaît aussi sur les folios 21-28 du Vind. suppl. gr. 75, contenant une copie inachevée des cycles solaire et lunaire d’Isaak Argyros. Selon Canart et Prato, Vi 4 est très proche de U 11 (employé dans le Vat. Urb. gr. 80 aux fol. 30-35), qui est identique à Harlfinger ciseaux 7, datable de 1404 : Canart, Prato, Les recueils organisés par Jean Chortasménos (cité note précédente), p. 120-121 et 137. De plus, les autres filigranes de cette partie du Vind. suppl. gr. 75 correspondant aux lettres et aux discours de Chortasménos favorisent une chronologie antérieure à 1410 : le filigrane Vi 16 (tour), repéré aux fol. 289-294, 295-302 en partie et 298-299, est attesté en 1408 (ibid. p. 153). Le filigrane Vi 13 (tenaille ou pince), repéré aux fol. 175-182, qui contiennent la monodie sur Théodôros Antiochitès et une partie du discours en forme de lettre à Atouémès, est très proche de G. Piccard, Wasserzeichen Werkzeug und Waffen. t. 1, Stuttgart 1980, p. 246-247, attesté à Venise en 1405 (cf. aussi Canart, Prato, Les recueils organisés par Jean Chortasménos, op. cit., p. 124).
76 Chortasménos, no 52, p. 208-209.
77 Voir G. Schmalzbauer, Eine unedierte Monodie auf Kleope Palaiologina von Demetrios Pepagomenos, JÖB 20, 1971, p. 223-240.
78 Mazaris, p. 3426 (ὁ καλὸς κἀγαθὸς Πεπαγωμένος ἐκεῖνος) et 3822 (à propos de son fils aîné, surnomé Sauromatès). Sur Dèmètrios Pépagôménos dans Mazaris, voir R. Walther, Zur Hadesfahrt des Mazaris, JÖB 25, 1976, p. 195-206, ici p. 205 (avec bibliographie). Ce Dèmètrios Pépagôménos est sans doute le copiste du cod. Par. gr. 2256, contenant des œuvres médicales : Repertorium der griechischen Kopisten 800-1600. II, Handschriften aus Bibliotheken Frankreichs und Nachträge zu den Bibliotheken Großbritanniens, éd. E. Gamillscheg, D. Harlfinger et H. Hunger, Vienne 1989 (Veröffentlichungen der Kommission für Byzantinistik 3/2), no 133.
79 Schreiner, Kleinchroniken I, no 33/24. Schreiner date le séjour de Manuel II à Corinthe de « ca. Nov. 1407 » (ibid. II, p. 387-388), parce qu’il pense que l’empereur a quitté Constantinople vers la fin octobre 1407, en raison d’un acte du 23 octobre de la même année qui atteste sa présence dans la capitale (voir n. 81). Ce point de vue est partagé par la plupart des historiens qui considèrent que le séjour dans le Péloponnèse doit dater de l’hiver 14071408 (voir par exemple la notice de Loenertz, Joseph Bryennios, p. 24, n. 2). Outre l’acte du 23 octobre, ils s’appuient aussi sur le contenu de deux documents vénitiens du début décembre 1407 qui semblent indiquer que l’empereur se trouvait à cette date dans le Péloponnèse (sur le contenu de ces deux actes, voir infra, n. 87). Ils concernent la demande présentée au sénat par un ambassadeur byzantin afin que l’empereur puisse rentrer à Constantinople depuis le Péloponnèse à bord d’un navire vénitien. Cette requête implique certes que Manuel II avait envoyé cet ambassadeur lorsqu’il se trouvait dans le Péloponnèse (ce qui est confirmé par le reste du contenu de ces deux documents qui touchent des questions relatives aux affaires internes de cette région). Toutefois, il faut prendre en compte le temps nécessaire pour que l’ambassadeur arrive à Venise et pour que les membres du sénat délivrent leur réponse. En réalité, ces deux décisions du sénat prises début décembre 1407 suggèrent que l’empereur Manuel II dut dépêcher son ambassadeur au moins un mois auparavant, voire plus tôt encore. Dans ces circonstances, il est impossible que Manuel soit parti de Constantinople après le 23 octobre 1407, car il faut compter aussi une quinzaine de jours pour faire le voyage entre la capitale de l’Empire et le Péloponnèse. Une autre explication s’impose donc : peu de temps après avoir envoyé cette ambassade à Venise, l’empereur aura trouvé un autre moyen de transport pour rentrer à Constantinople, mais l’ambassadeur n’en était pas encore informé lorsqu’il présenta sa requête au sénat.
80 Quatre sources narratives parlent de ce voyage de Manuel II dans le Péloponnèse : 1) la chronique de Chalkokondylès I, p. 202-203 (sur ce passage, voir Schreiner, Chronologische Untersuchungen, p. 291) ; 2) une lettre de Manuel II au futur patriarche Euthymios : Manuel II, Lettres, no 51, p. 145-147 ; 3) le panégyrique d’Isidôros de Kiev en l’honneur des empereurs Manuel II et Jean VIII : LPP III, p. 164 ; et 4) deux lettres de Iôsèph Bryennios datant de la période 1407-1408 (d’après l’étude codicologique du manuscrit), mais qui parlent simplement d’une absence prolongée de l’empereur de la capitale : Loenertz, Joseph Bryennios, nos 12 et 14, p. 24-25.
81 Cet acte est édité par Cirac Estopañan, La unión, p. 115-116, pl. X, fig. 13. Voir aussi O. Kresten, Correctiunculae zu Auslandsschrieben byzantinischer Kaiser des 15. Jahrhunderts, Römische historische Mitteilungen 41, 1999, p. 267-312.
82 Pour la date de la mort du despote Théodôros, voir Schreiner, Kleinchroniken II, p. 387. Le contenu du panégyrique rédigé par le métropolite Isidôros de Kiev en l’honneur des empereurs Manuel II et Jean VIII pourrait suggérer que la descente de l’empereur dans le Péloponnèse ne fut décidée qu’à la dernière minute, après l’annonce du décès de son frère, vers juin 1407. Toutefois, le style extrêmement rhétorique de ce texte ne permet pas d’en tirer des conclusions définitives. Cette source dit aussi que ce fut à cette occasion que l’empereur composa l’Oraison funèbre à la mémoire de son frère : LPP III, p. 16423-33.
83 À la mort de son frère Théodôros, Manuel II désigne son propre fils le despote Théodôros pour lui succéder à la tête du Péloponnèse. Barker, Manuel II, p. 273, pense que Manuel avait envoyé son fils Théodôros dans le Péloponnèse dès 1405, en raison du contenu d’un acte vénitien de la même année d’après lequel l’empereur aurait sollicité des Vénitiens le moyen de se rendre, lui et sa famille, dans ses possessions du Péloponnèse. Cette analyse de l’acte est néanmoins inexacte. Elle est due au mauvais résumé fourni par Thiriet, Régestes, t. 2, no 1176, p. 71. La consultation de l’original conservé à l’ASV, Senato, Misti, reg. 46, fol. 166r-166v, permet de constater que l’acte ne parle pas d’un voyage de la famille impériale en Morée, mais simplement de la possibilité de chercher refuge dans les possessions vénitiennes du Péloponnèse dans l’éventualité où Constantinople tomberait aux mains de Tamerlan. Cela dit, je crois juste l’intuition de Barker lorsqu’il suggère de dater de 1405 l’arrivée du despote Théodôros dans le Péloponnèse. Cet événement pourrait être lié à l’octroi d’un chrysobulle en faveur de la métropole de Monemvasie, accordant à celle-ci le village d’Hélikobounon, avec sa tour et son territoire (MM V, p. 168-170 ; voir aussi Kalligas, Byzantine Monemvasia, p. 159-160). De plus, Chalkokondylès dit que le jeune Théodôros avait été éduqué par son oncle, le gouverneur du Péloponnèse, avant que ce dernier ne meure (Chalkokondylès I, p. 20223-24).
84 Voir la lettre de Manuel II au futur patriarche Euthymios : Manuel II, Lettres, no 51, p. 144-147, dans laquelle l’empereur fait allusion aux conflits internes dans le Péloponnèse (τὸ πρὸς ἀλλήλους διαμάχεσθαι, ibid., p. 14711-12).
85 Sur la construction de l’Hexamilion, voir supra, p. 349-352.
86 On a déjà parlé de cette ambassade byzantine à Venise fin 1407, à propos de laquelle on conserve deux actes vénitiens du début décembre 1407 contenant la réponse du sénat (voir note suivante). Cette ambassade fut envoyée par Manuel II depuis le Péloponnèse, d’après moi avant la fin octobre 1407 (je rappelle que le 23 octobre Manuel est attesté à Constantinople : cf. supra). La plupart des historiens ont considéré que l’ambassadeur en question, dont les actes taisent le nom, était Manouèl Chrysolôras, mais celui-ci – on l’a vu – était parti de Constantinople après le 23 octobre.
87 Il s’agit de deux délibérations du sénat, la première du 8 décembre 1407 est une réponse ordinaire : ASV, Senato, Misti, reg. 47, fol. 155r (éd. Iorga, Notes et extraits, t. 1, p. 159160 ; voir aussi Thiriet, Régestes, t. 2, no 1290, p. 74-75). La seconde est une délibération secrète du 13 décembre 1407, autorisant l’empereur Manuel à embarquer sur l’un des navires de la république pour rentrer à Constantinople : ASV, Senato, Secreta, registro 3, fol. 84r ; édition partielle par Iorga, Notes et extraits, t. 1, p. 160 ; voir aussi Thiriet, Régestes, t. 2, no 1291, p. 75, qui donne un résumé inexact du contenu de l’acte.
88 Cf. supra, p. 324-327.
89 Barker, Manuel II, p. 275, n. 132, considère que l’empereur s’était directement rendu en Macédoine depuis le Péloponnèse. Barker date le début du voyage au Péloponnèse de la fin de l’été 1408, car le 20 juillet 1408 Manuel II est attesté à Constantinople. Il croit qu’après avoir séjourné quelques mois dans le Péloponnèse, il se serait rendu à Thessalonique, dès qu’il reçut la nouvelle de la mort de Jean VII. Cette hypothèse est néanmoins peu convaincante, comme l’a montré Djurić, Le crépuscule, p. 132, n. 1.
90 I. Polemis a daté un encomium anonyme en l’honneur de Manuel II, qu’il a attribué à Makarios Makrès, de la période du séjour de ce souverain à Thessalonique. Cet encomium dit que l’empereur avait délivré Thessalonique des dangers qui pesaient sur la ville : cf. Polemis, Two Praises, p. 700.
91 On a conservé trois praktika qui datent de cette époque : Vatopédi III, no 200 (avril 1409), Lavra III, no 161 (avril 1409), et Docheiariou, no 53 (mai 1409), ainsi qu’un acte fiscal, Dionysiou, no 11 (juillet 1409).
92 Vatopédi III, no 199.
93 Le contenu de cet acte a déjà été évoqué, en particulier à propos du décret de « pronoïarisation » des biens monastiques. Sur les autres mesures fiscales entreprises par l’État byzantin à cette époque en Macédoine, voir infra, chap. XI. 4.
94 Voir Docheiariou, no 52.
95 Sur cette expédition, voir les deux lettres que l’empereur Manuel II adressa à Giorgio Gattilusio : Manuel II, Lettres, nos 58 et 59, p. 164-167 ; voir aussi Barker, Manuel II, p. 299, n. 11. Giorgio Gattilusio n’était pas le fils bâtard de Francesco II, seigneur de Lesbos (13841403), comme on l’a longtemps cru, mais celui de son père, Francesco Ier (1355-1384) : Th. Ganchou, Valentina Doria, épouse de Francesco II Gattilusio seigneur de l’île de Mytilène (1384-1403), et sa parenté. Le Lesbian puzzle résolu, Nuova rivista storica 88, 2004, p. 619-686, ici p. 675-676 et n. 166 (avec bibliographie antérieure). La date de l’occupation de Thasos par Giorgio Gattilusio n’est pas connue, mais elle doit avoir eu lieu peu avant 1414.
96 L’élévation de Thasos au rang d’archevêché autocéphale est peut-être à mettre en rapport avec ce séjour de l’empereur dans l’île : J. Darrouzès, Notitiae episcopatum ecclesiae Constantinopolitanae. Texte critique, introduction et notes, Paris 1981 (Géographie ecclésiastique de l’Empire byzantin 1), p. 188 ; voir aussi H.-G. Beck, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich, Munich 1959, p. 178.
97 Vatopédi III, no 202.
98 Ibid., no 203. L’aristocrate Andronikos Philanthrôpènos peut être identifié à Andronikos Tarchaneiôtès Philanthrôpènos, attesté comme sénateur à Constantinople entre 1397 et 1409 (PLP 29754). L’acte de 1414 dit que sa fortune avait été acquise grâce à la « générosité » de l’empereur (l. 2-3, εὑρέθη δὲ αὐτῶ βίος ὃν ἐκτήσατο ἀπό τε προμηθείας καὶ ὑπηρετημάτων καὶ εὐεργεσιῶν ὧν εἶχε παρὰ τῆς βασιλείας ἡμῶν).
99 Vatopédi III, no 202, l. 8-10 : εἰσενεγκὼν ὑπὲρ τούτου καὶ κανίσχιον ἀπὸ τοῦ βίου ἐκείνου [κυροῦ Μίρξα] εἰς τὸ θεοφρούρητον βεστιάρειον τῆς βασιλείας μου, ἐν χρεία ἐξόδων ἀναγκαίων καθεστηκὸς διὰ τὸ γεγονὸς ἁρμάτωμα τῶν κατέργων μεθ᾽ὧν ἤλθομεν εἰς τὴν Θάσον ἐπὶ τῶ ταήτην ἐπανακαλέσασθαι καὶ ἀποκαταστῆσαι ὑπὸ τὴν βασιλείαν ἡμῶν. Ce « Mirxa » est Mrška Zarković, seigneur de Berat et de Valona, et « cousin » (exadelphos) de l’empereur Manuel II. À son propos, voir PLP 19877, et O. J. Schmitt, Das venezianische Albanien (1392-1479), Munich 2001, p. 266-267.
100 Andronikos Philanthrôpènos était décédé sans héritier. En vertu d’une novelle de l’empereur Andronic II (cf. Dölger, Regesten V, no 2295 : mai 1306), lorsqu’une personne mourait intestat et sans héritier, un tiers de sa fortune revenait au fisc (cette pratique était appelée abiôtikion), un tiers à l’Église et un tiers aux parents du défunt (cf. ODB, s.v. abiotikion [M. Bartusis], t. 1, p. 4-5, et Docheiariou, p. 117-118). Par cet acte, Manuel II confirma l’acquisition d’un tiers de la fortune du défunt aux moines de Vatopédi, le versement d’un tiers aux parents et le prélèvement du tiers par le fisc (bestiarion).
101 Mazaris, p. 4825-28 : αὐτός ἐστιν ὁ τὴν θρυλουμένην τῶν ῾Ρωμαίων νῆσον Θᾶσον ταῖς συμβουλαῖς καὶ πυκναῖς καὶ συνεχέσι γραφαῖς καταπείσας τὸν ἐκ θυγατρὸς κηδεστήν, δυστυχέστατον ῾Ραούλιον Μύρμηκα, ὥστε πρίασθαι.
102 Le rapprochement proposé par George Dennis avec le célèbre érudit byzantin Dèmètrios Skaranos (Manuel II, Lettres, p. LVII-LX) est irrecevable. La riche documentation conservée dans les archives italiennes concernant Dèmètrios Skaranos invalide cette identification, car de nombreux actes notariés témoignent de l’activité de Dèmètrios en Italie à la même époque : cf. Ganchou, Dèmètrios Kydônès, p. 483, n. 130. Les auteurs du PLP ont réuni sous l’entrée dédiée à Dèmètrios Skaranos (26035, Δημήτιος Σκαράνος) les information relatives à « Misaèl Mouskaranos », tout en exprimant des réserves à propos de cette identification : « Der zeitliche Rahmen seiner Tätigkeit in Kpl. bereitet Probleme : Kaiser Manuel II. bezeichnet ihn 1407/08, Mazaris ca. 1414 als λογιστής. Jedoch scheint es, daß Sk. diese Zeit hauptsächlich im Westen verbracht hat. » Voir aussi Jacoby, Byzantine Traders, p. 258, n. 44.
103 Mazaris, p. 4620-21.
104 Ibid., p. 46-48.
105 Lavra III, no 164.
106 Ibid., app. XVIII. Les éditeurs ont défini cet acte comme une « notice sur des possessions de Lavra à Lemnos ».
107 Ibid., no 164, l. 1-2 : θείω καὶ προσκυνητῶ ὁρισμῶ τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως τὴν ἀπογραφικὴν ἐξίσωσιν καὶ ἀποκατάστασιν πάντων τῶν ἐν τῆ θεοσώστω νήσω Λήμνω ποιούμενοι.
108 Vatopédi III, no 227, l. 6.
109 Ibid., no 205. Sur Iôasaph des Xanthopouloi, voir infra, p. 404-406.
110 Vatopédi III, no 205, l. 6-7 : κατὰ τὸν περὶ τούτου θεῖον ὁρισμὸν τῆς κραταιᾶς καὶ αγίας βασιλείας αυτοῦ τοπικῶς ἐκεῖσε παραγενόμενος μετὰ καὶ τοῦ περιποθήτου γαμβροῦ τοῦ κραταιοῦ καὶ αγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως καθολικῆς κεφαλῆς τῆς Λήμνου κῦρ Μιχαὴλ τοῦ Παλαιολόγου καὶ ἑτέρων ἀρχόντων. Iôasaph avait reçu l’ordre de l’empereur par écrit : ibid., l. 5 (πρός με θεῖος καὶ προσκυνητὸς ἔγγραφος ὁρισμὸς διοριζόμενος …).
111 Le 28 novembre 1414, Manuel II écrivit au roi Ferdinand Ier d’Aragon, l’informant de la reprise de Thasos ainsi que de son arrivée à Thessalonique : Barker, Manuel II, p. 300.
112 Vatopédi III, no 204, l. 4-6 : συνηγορούντων αὐτοῖς καὶ ἀρχόντων περιφανῶν, πρῶτον μὲν καὶ καταρκὰς τοῦ οἰκείου τῶ κραταιῶ καὶ ἁγίω ἡμῶν αὐθέντη καὶ βασιλεῖ κῦρ Ἰωάννου τοῦ Κανανοῦ, ὕστερον δὲ καὶ τοῦ περιποθήτου ἀνεψιοῦ τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως κῦρ Δημητρίου τοῦ Καντακουζηνοῦ. Iôannès Kananos pourrait être l’auteur du récit sur le siège de Constantinople par Murad II en 1422 (PLP 10891). Dèmètrios Kantakouzènos, « neveu » (anepsios) de l’empereur est peut-être un fils de Théodôros Palaiologos Kantakouzènos, « oncle » (theios) du même Manuel II (PLP 10966).
113 Woodhouse, Plethon, p. 100.
114 Fin février ou début mars 1415, durant son voyage de Thessalonique au Péloponnèse, l’empereur Manuel II s’était arrêté dans l’île d’Eubée, qui était sous domination vénitienne : voir la décision du sénat du 24 avril approuvant les dépenses effectuées par le baile de cette île lors de la visite impériale, éditée par Sathas, Documents inédits, t. 3, no 660, p. 110. Le 29 mars, Manuel arriva au port de Kenchreia, dans le golfe Saronique, à environ quatre kilomètres au sud de l’isthme de Corinthe : cf. Loenertz, Chronique moréote, no 25, p. 407 et 429-432 (pour le commentaire). Sur le voyage de Manuel au Péloponnèse, voir aussi J. Barker, On the Chronology of the Activities of Manuel II Palaeologus in the Peloponnesus in 1415, BZ 55, 1962, p. 39-55, et Id., Manuel II, p. 310 et suiv.
115 Théodôros naquit entre 1394 et 1399 selon Schreiner, Chronologische Untersuchungen, p. 288, et plus précisément en 1394/1395 selon Barker, Manuel II, p. 494. Pour des raisons qui seront exposées ailleurs, j’opte pour cette dernière date.
116 Sur les activités de Manuel II dans le Péloponnèse durant les années 1415-1416, voir la longue lettre que le souverain envoya à deux moines de l’Athos, nommés David et Damianos : Manuel II, Lettres, no 68, p. 206-218. Cette lettre a bénéficié du commentaire de plusieurs historiens : voir en particulier Loenertz, Épître, et Barker, Manuel II, p. 301-320. À cette époque, l’empereur avait dépêché une nouvelle ambassade à Venise afin de solliciter de l’aide dans la construction de l’Hexamilion : ibid., p. 314-316 (réf. aux sources).
117 Le 25 mars 1416, Manuel II adressa une nouvelle lettre au roi Ferdinand Ier d’Aragon, l’informant de son arrivée dans la capitale de l’Empire : Cirac Estopañan, La unión, p. 69-70
118 I. Djurić a par exemple écrit que l’empereur Jean VIII « vit très rapidement s’évanouir ses intentions premières […] d’agrandir quelque peu son pouvoir véritable au-delà des remparts de Constantinople […] Ayant finalement renoncé à de tels efforts, Jean VIII essaya par la suite de jouer au moins le rôle d’arbitre suprême, en aidant celui de ses frères qu’il jugeait le plus proche de la politique suivie par l’administration centrale de Constantinople et de lui-même » (Djurić, Le crépuscule, p. 249).
119 Sphrantzès emploie l’expression ἐν καιρῷ φθινοπώρου, soit « à l’automne » : Sphrantzès IV § 4, p. 1014. Sur la chronologie, voir Barker, Manuel II, p. 342, n. 82 (« December 1416 »), et Oikonomidès dans Dionysiou, p. 105, qui propose de dater l’arrivée de Jean VIII et la fin du siège avant décembre 1416.
120 Sur ce conflit, voir supra, p. 353.
121 LPP III (= panégyrique d’Isidôros de Kiev), p. 1745-9 : οὕτως οὖν βουλευσάμενος καὶ πράξας εὖ καὶ τὰ περὶ τὴν πόλιν ἐκείνην πάντα καὶ αὐτὴν εὖ διαθείς, τοῦ ἀδελφοῦ τῆς γνώμης ἐξαρτᾷ, ἐς δεσπότου τελοῦντος ἀξίωμα, καὶ τὴν ἀρχὴν ἐκείνης ἀνατίθησιν αὐτῷ καὶ πρὸ τούτου τήν δ᾽ἐμπεπιστευμένῳ καὶ ἄρχοντι. Sur cette question, voir aussi Djurić, Le crépuscule, p. 177-178.
122 Il s’agit d’un prostagma qui a été mal daté par Lemerle dans Kutlumus, no 47 [1432 ou plutôt 1447], et par Dölger, Schatzkammern, no 25 [1431]. Le mauvais état de conservation du document empêche de lire l’an du monde et seuls le chiffre de l’indiction et le nom du mois sont conservés. Toutefois, compte tenu du contexte historique, l’acte ne peut dater que de décembre 1416 : voir Estangüi Gómez, Un prostagma de Jean VIII.
123 LPP III (= panégyrique d’Isidôros de Kiev), p. 17410-13.
124 Pour les événements, voir Djurić, Le crépuscule, p. 180-184.
125 Sathas, Documents inédits, t. 3, no 731, p. 174-180 ; voir aussi Thiriet, Régestes, t. 2, no 1697.
126 Jean accosta au Péloponnèse le 26 décembre 1427 : Schreiner, Kleinchroniken I, chr. 32 §40 et chr. 42 § 6.
127 Les Byzantins prirent d’abord la ville de Patras en juin 1429 et plus tard sa forteresse, en juillet 1430 : voir Djurić, Le crépuscule, p. 260 et n. 2.
128 LPP III, p. 331-333.
129 Le chrysobulle a aujourd’hui disparu, mais une chronique brève donne un résumé de son contenu : Schreiner, Kleinchroniken I, p. 236. Voir aussi Dölger, Regesten V, no 3518.
130 Sur la base de ces deux actes, Djurić a nuancé sa propre thèse concernant la « décentralisation » byzantine et l’affaiblissement de l’autorité impériale : « Ces deux exemples […] témoignent bien des limites de l’autonomie dont disposaient les détenteurs des apanages. Même au xve siècle, ou du moins jusqu’à ce moment-là, ils ne pouvaient ni enfreindre les compétences d’arbitre suprême que le basileus exerçait sur les questions d’Église, ni non plus lui contester son droit inviolable de ne légitimer définitivement leurs actes qu’en délivrant des chrysobulles certifiés de sa main » (Djurić, Le crépuscule, p. 258).
131 Kutlumus, no 45.
132 Ibid., p. 157 (rubrique « description »).
133 Pour la datation de Dölger, voir Id., Mönchsland Athos, p. 61.
134 Cf. Asdracha, Bakirtzis, Inscriptions de Thrace, p. 271-273. Il convient d’évoquer rapidement ici la question de la cession des autres îles du nord de l’Égée sous souveraineté byzantine, à savoir Thasos, Lemnos et Imbros, aux Gattilusio avant la chute de Constantinople. Pour Lemnos, nous ne possédons aucune source qui suggérerait un changement d’autorité avant 1453. Thasos, reprise par Manuel II en 1414, semble en revanche être au pouvoir des Gattilusio en 1444-1445 : S. Dadaki, Ch. Giros, Peuplement et défense du littoral de Thasos au Moyen Âge, Castrum 7, 2001, p. 513-519, ici p. 519 (avec bibliographie). Pour Imbros, on croyait également tenir une preuve de la domination des Gattilusio sur l’île avant 1453, puisque C. Asdracha et Ch. Bakirtzis avaient publié une inscription qui attestait la présence dans cette île d’un mandataire des Gattilusio nommé Iôannès Laskaris Ronthakènos entre septembre 1452 et septembre 1453 (Asdracha, Inscriptions de Thrace orientale et Imbros, no 46, p. 282-284, pl. 118). En effet, Iôannès Ronthakènos est attesté comme gouverneur de l’île voisine de Samothrace pour le compte de Palamede Gattilusio, seigneur d’Ainos, entre 1444 et 1454/1455 (Asdracha, Bakirtzis, Inscriptions de Thrace, p. 279). Toutefois, l’examen de l’inscription d’Imbros révèle une erreur dans la transcription de la date par Asdracha : au lieu de lire l’année byzantine 6961, indiction 1 (septembre 1452-septembre 1453), il faut lire l’année 6964, indiction 4, qui correspond à la période de septembre 1455 à septembre 1456, c’est-à-dire trois ans environ après la chute de Constantinople. Cette lecture est d’ailleurs la même que celle des premiers éditeurs de l’inscription, I. Franze et C. Friedrich. Il convient également de rappeler un passage du chroniqueur Kritoboulos d’Imbros relatif à l’histoire de ces îles après la prise de Constantinople : « Dans ces mêmes jours [mai-juin 1453], arriva auprès du souverain [Mehmed II] une ambassade venant des îles, envoyée par Kritoboulos l’Imbriote, l’auteur de ce livre. Elle venait pour lui céder les îles de la mer Égée, Imbros, Lemnos et Thasos, soumises jusqu’ici à l’empereur Constantin [XI], car les archontes qu’il [l’empereur] y avait envoyés auparavant, ayant appris la prise de la Ville et la mort de leur maître [l’empereur], étaient désespérés et avaient fui » (Kritoboulos, p. 8528-862).
135 Il existe un prostagma de Jean VIII relatif à Lemnos qui date de 1429/1430, mais il n’est conservé qu’en traduction serbe : Sindik, Prostagma. Sur les conditions de l’installation de Dèmètrios à Lemnos, voir infra, p. 390.
136 Voir supra, p. 379-380. Rappelons que Jean VII était décédé sans postérité survivante.
137 Sur Andronikos Palaiologos, fils de Manuel II, voir PLP 21427.
138 Cf. B. Ferjančić, Despot Andronik Paleolog u Soluno, Zbornik Filozofskog Fakulteta 10/1 (= Mélanges V. Čubrilović), 1968, p. 227-235. Voir aussi l’opinion de Balfour, Symeon of Thessalonica, p. 128, n. 97: « By the end of the latter year (1416) Andronikos will have been 16, and might be expected to stand on his own feet. »
139 Ce voyage du despote Andronikos à Constantinople « pour aller saluer son père » (εἰς προσκύνησιν ἀπερχόμεθα τοῦ αὐθέντου μου τοῦ αγίου τοῦ βασιλέως τοῦ πατρός μου) est évoqué dans un horismos d’Andronikos en faveur de Vatopédi (Vatopédi III, no 213, l. 1-2). Pour la date du voyage, voir les remarques d’Oikonomidès dans Dionysiou, p. 105.
140 Sur le séjour de Jean VIII à Thessalonique en 1416, voir supra, p. 384-385.
141 Dèmètrios Léontarès, ancien tuteur d’Andronikos, semble être parti pour Constantinople, où il est attesté en octobre 1418 comme témoin du renouvellement de la trêve avec Venise : MM III, no 35, p. 162, et Diplomatarium II, p. 317, no 171.
142 Sur les actes délivrés par Andronikos comme gouverneur de Thessalonique et de Macédoine, voir Ferjančić, Despot Andronik (cité supra, n. 138). Ce dernier souligne que la plupart des actes sont postérieurs à 1416, ce qui conforte l’idée de la prise de pouvoir effective par Andronikos à cette époque. En fait, le seul acte antérieur à 1416 est un horismos d’avril 1409 (Lavra III, no 162). On notera qu’Andronikos parle dans ces actes de ἡ βασιλεία μου, c’est-à-dire « ma Majesté » : voir par exemple Vatopédi III, no 209 (décembre 1416), l.6. Voir aussi la remarque de Balfour, Symeon of Thessalonica, p. 191, n. 220: « The earliest known mention of him as Despot together with his father is dated to April 1409, when he was only eight or nine years old and can have been no more than titular Governor! »
143 Vatopédi III, no 211 (septembre 1418), l.5-6 : ὥρισε (τὸν αὐθέντην ἡμῶν τὸν πανευτυχέστατον δεσπότην) δὲ καὶ πρὸς ἡμᾶς, ποιουμένους τὴν ἀπογραφικὴν ἐξίσωσιν καὶ ἀποκατάστασιν τοῦ θέματος τῆς θεοσώστου ταύτης καὶ περιφανοῦς πόλεως Θεσσαλονίκης. Plus loin dans le texte, les recenseurs disent agir au nom de l’empereur Manuel II et de son fils Andronikos, ibid., l. 7-8: ἀπὸ τῆς πρὸς ἡμᾶς ἐλεημοσύνης τοῦ κραταιοῦ καὶ ἁγίου ἡμῶν αὐθέντου καὶ βασιλέως καὶ αὐτοῦ δὴ τούτου τοῦ περιποθήτου υἱοῦ αὐτοῦ καὶ αὐθέντου ἡμῶν τοῦ πανευτυχεστάτου δεσπότου.
144 Voir par exemple l’évolution du domaine de Lantzou, propriété de Vatopédi, durant la première moitié du xve siècle : supra, p. 334-336. En juin 1420, le despote Andronikos restituait à Vatopédi la moitié du village de Sôsiana, situé dans la région des Lacs, qui lui avait été confisquée auparavant (Vatopédi III, no 214).
145 Dans son récit, le métropolite Syméôn de Thessalonique, contemporain des événements, écrit qu’une partie de la population était favorable à une reddition de la ville aux Ottomans : Balfour, Symeon of Thessalonica, p. 5527-5626 et p. 157-158 (pour le commentaire). Il explique ensuite les conditions qui poussèrent le despote à quitter Thessalonique (ibid., p. 5627-5737), mais il ne parle pas explicitement de sa cession aux Vénitiens. Sur cette question, voir le commentaire de Balfour, ibid., p. 163-166.
146 Sur la domination vénitienne à Thessalonique, voir supra, p. 354, n. 1049. Le dernier assaut ottoman contre la ville est décrit par Iôannès Anagnostés : trad. Odorico, Thessalonique, p. 257-295.
147 Vatopédi III, no 205, l. 7. Sur la charge de katholikè képhalè, voir infra, p. 401.
148 Lavra III, no 167.
149 Dionysiou, no 26, l. 9 : ἀρτίως δὲ καταλαβούσης τῆς βασιλείας μου εἰς τὴν Λῆμνον.
150 Oikonomidès a écrit ibid., p. 153, que Dèmètrios « dut recevoir ce commandement [sur Lemnos] après que son frère aîné, Constantin, eut reçu le sien en Morée (1428) ».
151 Cf. supra, p. 386.
152 Dionysiou, no 25, l. 1-2 : τὴν ἀπογραφικὴν ἐξίσωσιν καὶ ἀποκατάστασιν πάντων τῶν ἐν τῆ νήσω Λήμνω ποιούμενοι ὁρισμῶ θείω τοῦ αὐθέντου ἡμῶν τοῦ πανευτυχεστάτου δεσπότου.
153 Ibid., l. 140.
154 Vatopédi III, no 227, l. 7, 53 et 73-74. Cet acte parle du recensement effectué par le collège Bryennios-Sébastopoulos après celui du hiéromoine Iôasaph (1415) et avant celui de 1442. Dans cet intervalle, le seul recensement dont nous ayons conservé trace est celui attesté par le praktikon de 1430 pour Dionysiou.
155 Vatopédi III, no 221.
156 Karystènos fut plus tard ambassadeur pour le compte de Jean VIII : PLP 11297.
157 Pour évoquer deux cas peut-être comparables, on a vu que l’île d’Imbros fut élevée au rang de métropole vers 1397 (supra, p. 373, n. 60) et Thasos à celui d’archevêché autocéphale en 1414 (supra, p. 380, n. 96).
158 Sphrantzès raconte qu’à cette époque le despote Théodôros était arrivé à Constantinople pour se faire reconnaître successeur de son frère Jean VIII. La partie du Péloponnèse gouvernée par Théodôros devait passer au despote Kônstantinos et le reste être divisé entre Thômas et Dèmètrios (Sphrantzès XXII § 7, p. 7616-27). Toutefois, un conflit éclata entre les frères et un nouveau partage du pouvoir dans l’Empire fut établi en conséquence (début 1437) : Théodôros et Thômas resteraient dans le Péloponnèse, Kônstantinos gouvernerait Constantinople en l’absence de Jean VIII qui devait assister au concile de Ferrare-Florence et Dèmètrios accompagnerait son frère l’empereur dans son voyage en Italie (ibid. XXII § 10-11, p. 787-20). Pour les événements, voir aussi Djurić, Le crépuscule, p. 312-314.
159 Sur Dèmètrios Palaiologos Métochitès, voir PLP 17981. En 1433, il fut envoyé comme ambassadeur au concile de Bâle. En octobre 1434, il était auprès du pape Eugène IV à Florence. Il dut rentrer à Constantinople début 1435. Sur cette chronologie, voir Laurent, Démétrius Paléologue Métochite, p. 204. Aucune source ne témoigne formellement de la présence de Métochitès à Lemnos dès 1435 comme l’affirme la notice du PLP.
160 Vatopédi III, no 227, l. 127-128.
161 Ibid.
162 Pantocrator, no 25.
163 Le traité de juin 1443 entre Dèmètrios et Jean VIII fut l’occasion d’une nouvelle redistribution des territoires au sein de la fratrie impériale : Théodôros reçut la côte de la mer de Marmara autour de Sélymbria et céda à Kônstantinos sa partie du Péloponnèse, que ce dernier partagea avec Thômas. Sur cette question, voir Djurić, Le crépuscule, p. 341-343.
164 Le transfert de Dèmètrios au Péloponnèse fut motivé par l’avènement de Constantin XI au trône impérial (1er novembre 1449).
165 Il s’agit de la lettre L168/T146, sur laquelle voir supra, p. 232.
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