Conclusion de la troisième partie
p. 411-412
Texte intégral
1À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’aspect stratégique de la région est de nouveau affirmé, et les autorités militaires retrouvent une place de premier ordre dans la définition de la politique à adopter dans la région. Le contexte géopolitique se crispe, autour des menées italiennes dans le Fezzan, puis de l’indépendance de la Libye, de l’indépendance annoncée des pays anglophones et surtout du début des difficultés françaises en Algérie, transformant cette région sous-administrée, jugée jusque-là comme une conquête inutile, en verrou des possessions françaises en Afrique. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les autorités coloniales civiles et militaires réinvestissent ce territoire, le parcourent de long en large, comptent, répertorient et classifient l’ensemble de sa population, et construisent un appareil de surveillance et de renseignement. Le contrôle colonial se développe, mais loin d’encadrer complètement la vie des administrés, il est plutôt concentré sur la surveillance de dangers imaginaires. Plus la guerre d’Algérie devient la préoccupation première des autorités françaises, plus le territoire du Niger devient une zone qu’il est nécessaire de maîtriser.
2Mais cette volonté de contrôle se réalise dans un contexte de transformation du régime colonial, qui voit la coercition interdite et la vie politique autorisée. L’élection de Djibo Bakary à la tête du Conseil de gouvernement – alors que celui-ci cumule les positions dérangeantes pour les autorités françaises – syndicaliste, ayant des sympathies communistes, proche des leaders ghanéen et guinéen – dans un contexte de dégradation de la situation algérienne, aboutit à la radicalisation de la position française. Il ne peut plus être question d’abandonner ce territoire stratégique à quelqu’un qui ne saurait être un interlocuteur. La campagne du référendum est l’occasion pour les autorités françaises d’utiliser l’ambiguïté du cadre colonial, qui voit l’administration territoriale conduire la consultation électorale, pour organiser l’éviction de Djibo Bakary et l’arrivée au pouvoir d’interlocuteurs considérés comme valables. Le premier gouvernement de la République du Niger et le président Diori Hamani, arrivés au pouvoir grâce au soutien de l’autorité coloniale, se trouvent alors dans une position inconfortable. L’indépendance formelle n’introduit pas de changement radical dans l’exercice de l’autorité politique ou dans la perception du territoire.
3Au-delà des processus généraux de l’accession à l’indépendance, la passation de pouvoir apparaît ici comme un phénomène complexe dans lequel s’imbriquent différentes chronologies, différents débats, différentes pratiques du pouvoir et différents type d’acteurs aux intérêts parfois divergents. Lorsque la passation de pouvoir s’amorce, les autorités coloniales locales et métropolitaines veulent s’assurer que ceux qui prendront leur suite sauront, eux aussi, assurer la sécurité du territoire et des intérêts français dans la région. Ainsi l’ancienne puissance coloniale souhaite que le Niger conserve la configuration qui lui a été donnée et qu’il reste dans la zone d’influence française. Le premier gouvernement nigérien cherche quant à lui à se réapproprier et à réinventer son territoire et la gestion de celui-ci. Mais les discours coloniaux et les modes de gestion militaires du territoire qui avaient marqué profondément la vie politique nigérienne ne tardent pas à refaire surface.
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