Introduction
p. 7-22
Texte intégral
Le paysage politique
1L’empire islamique ne connaissait, jusqu’au début du xe siècle, qu’un seul califat, celui des Abbassides sunnites, censé régner sur l’ensemble de la communauté musulmane à partir de Bagdad, même si l’unité de cet immense territoire, qui s’étendait de la Transoxiane à la péninsule Ibérique, était déjà bien entamée. Dès 756, une première division importante était apparue avec la création de l’émirat de Cordoue par un survivant de la dynastie des Omeyyades (660-750) détrônée, quelques années auparavant, par les Abbassides. Au ixe siècle, des pouvoirs régionaux s’étaient affirmés en de nombreuses parties de l’empire : les Idrissides (789-974) au Maghreb occidental, les Aghlabides (800-909) en Ifrīqiya, les Samanides (809-899) en Transoxiane et en Iran oriental, les Tahirides (821-873) puis les Saffarides (867-910) dans le Khurasan, les Toulounides (868-905) puis les Ikhshidides (935-969) en Égypte ; mais aucun de ces pouvoirs n’avait osé prétendre au califat, pas même la dynastie chiite des Idrissides qui se réclamait de la lignée de ‘Alī, gendre et cousin du Prophète.
2L’apparition de deux autres califats, au début du xe siècle, marqua donc un tournant important, car, pour la première fois, trois califes, deux sunnites et un chiite, revendiquèrent simultanément l’héritage du Prophète et la souveraineté suprême. Le califat chiite fatimide, qui apparut en 909, en Ifrīqiya (Tunisie actuelle), se réclamait de la descendance du Prophète par sa fille Fāṭima (d’où leur nom) et son cousin ‘Alī. Il appartenait à la branche ismaïlienne du chiisme qui prétendait que la direction de la communauté aurait dû revenir au fils d’Ismā‘ īl (m. 755), Muḥammad, considéré comme le septième imam* dans la descendance d’al-Ḥasan fils de ‘ Alī. Selon cette doctrine, Muḥammad était caché mais devait revenir à la fin des temps, en tant que mahdī* pour rétablir le règne de la justice. En fondant la dynastie fatimide (909-1171), ‘Ubayd Allāh prétendit être ce mahdī et prit le titre de calife. En 969, le califat fatimide conquit l’Égypte où il fonda sa nouvelle capitale, Le Caire. Au faîte de sa puissance, au début du xie siècle, il dominait un vaste empire qui allait de l’Ifrīqiya à la Syrie du Nord. Les villes saintes de La Mekke et Médine, elles-mêmes, reconnurent sa suzeraineté. À sa tête, le calife, représentant de Dieu sur terre, y détenait tous les pouvoirs, politiques et religieux ; infaillible par nature, il définissait le dogme et interprétait le message divin. Face à ce nouvel empire à visées hégémoniques, l’émir de Cordoue réagit en se proclamant lui-même calife, en 929, et ne cessa, tout au long des décennies suivantes, d’encourager diverses formes de résistances aux Fatimides en Afrique du Nord.
3À Bagdad même, le calife abbasside ne sut pas résister à la montée des pouvoirs militaires et dut accepter, en 936, de remettre la plupart de ses prérogatives militaires et politiques à un « grand émir ». À partir de 945, une famille d’origine iranienne accapara cette fonction et fonda la dynastie des grands émirs bouyides (945-1055) qui gouverna l’Irak et une partie de l’Iran durant plus d’un siècle. Une forme originale de gouvernement s’établit alors, en Irak et en Iran, avec un pouvoir politico-militaire exercé par des émirs chiites qui reconnaissaient néanmoins l’autorité morale et religieuse d’un calife sunnite.
4Le xie siècle fut, dans le monde musulman, celui de l’affirmation des pouvoirs de « peuples nouveaux », turcs et berbères en particulier. Jusque-là, la plupart des dynasties qui avaient exercé le pouvoir était d’origine arabe (les califats notamment) ou iranienne, les Iraniens ayant joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’empire abbasside. Si les Turcs, originaires d’Asie centrale, étaient déjà connus du monde musulman - ils furent nombreux dans l’armée califale dès le ixe siècle et les gouverneurs toulounides et ikhshidides en Égypte étaient eux-mêmes d’origine turque - jamais encore ils n’avaient fondé d’empire. La première grande dynastie turque fut celle des Ghaznévides (977-1186) qui apparut à la fin du xe siècle dans l’est de l’Iran et dans l’actuel Afghanistan, avant de s’étendre en Inde, aux xie et xiie siècles. Ce furent toutefois les Seljoukides (1055-1194 en Iran et en Irak), de la tribu des Oghuz, qui donnèrent à l’expansion turque sa plus grande ampleur. Convertis à l’islam vers la fin du xe siècle, ces guerriers turcs quittèrent les régions situées entre la mer d’Aral et la Volga où ils étaient installés, pour s’étendre en Transoxiane puis au Khurasan. Après avoir battu les Ghaznévides, en 1040, à la bataille de Dandānqān, au nord du Khurasan, Tchaghrī Beg et Ṭughril Beg, les deux petits-fils de Seljūq, éponyme de la dynastie, se partagèrent les territoires. Il fut décidé que Tchaghrī Beg conserverait le Khurasan et les territoires environnants tandis que Tughril Beg régnerait sur les territoires à conquérir. Ce dernier, se posant en défenseur résolu du sunnisme, fit son entrée, en 1055, à Bagdad où le calife lui réserva un très bon accueil, désireux qu’il était de se débarrasser de la tutelle des Bouyides chiites. En 1058, le calife conféra à Ṭughril Beg le titre de sultan, à charge pour lui de conquérir les territoires situés à l’ouest de l’Irak et de mettre fin à la dynastie des Fatimides. Son successeur Alp Arslān (1063-1072) étendit la domination des Seljoukides sur l’Arménie et la Géorgie. La victoire écrasante qu’il remporta, en 1071, à Mantzikert, sur l’empereur byzantin, lui ouvrit les portes de l’Anatolie, qui entra ainsi pour la première fois sous domination musulmane. En fait, la conquête de cette région fut surtout l’œuvre de l’un de ses cousins qui fonda la dynastie des Seljoukides de Rūm (1077-1307), du nom donné, en arabe, aux Byzantins. La Syrie-Palestine entra, elle aussi, sous domination seljoukide entre 1071 et 1086.
5Les rapports qui s’établirent entre les califes de Bagdad et les souverains seljoukides d’Iran et d’Irak furent déterminants dans l’évolution de la conception et de l’exercice du pouvoir en Orient. En les investissant du titre souverain de sultan, les califes déléguaient aux Turcs la plus grande partie de leurs pouvoirs politiques et militaires. Ils gardaient, en revanche, leurs pouvoirs religieux qu’ils partageaient avec les savants en sciences religieuses, les oulémas. En réalité, la séparation des pouvoirs ne fut jamais totale. Bien qu’inférieurs sur le plan militaire, les califes se considéraient, par leur lignée et leur position de successeurs du Prophète, bien supérieurs aux sultans, et rechignaient à accepter leur tutelle. À plusieurs reprises, au cours du xiie siècle, ils tentèrent de regagner du pouvoir politique. Profitant du déclin de la dynastie seljoukide, le calife al-Nāṣir li-Dīn Allāh (1180-1225) parvint même à redonner au califat un peu de son lustre d’antan.
6L’empire seljoukide ne tarda pas à se morceler. Les querelles de succession, au sein de la famille régnante, favorisa l’émergence, en Syrie-Palestine et en Haute-Mésopotamie, de pouvoirs émiraux plus ou moins autonomes. Désunis, ceux-ci ne furent pas en mesure de résister aux premiers croisés qui fondèrent quatre États latins, dans la région, entre 1098 et 1109 (Édesse, Antioche, Jérusalem et Tripoli). Les premières victoires musulmanes contre les croisés ne furent remportées ni par le sultan seljoukide ni par le calife de Bagdad, trop occupés à régler leurs dissensions internes, mais par des émirs turcs au service des Seljoukides qui utilisèrent habilement le jihad pour obtenir l’adhésion des populations et consolider leur pouvoir. Ainsi régnèrent les Bourides à Damas (1104-1154) et les Zenguides (1127-1222) en Haute-Mésopotamie, à Alep puis à Damas, deux petites dynasties dont les principales institutions étaient empruntées aux Seljoukides. La dynastie kurde des Ayyoubides (1174-1260), fondée par Saladin, qui leur succéda en Égypte, en Syrie et partiellement en Haute-Mésopotamie, instaura une sorte de confédération familiale au sein de laquelle les princes des grandes villes syriennes et mésopotamiennes reconnaissaient la suzeraineté du chef de famille installé au Caire
7La politique de recrutement massif d’esclaves (mamlouks) militaires turcs par l’avant-dernier sultan ayyoubide d’Égypte, al-Ṣāliḥ Ayyūb (1240-1249), amena des bouleversements décisifs. D’une part ces mamlouks renforcèrent l’armée qui fut ainsi capable de résister à la croisade de Louis IX (1249-1250), mais, d’autre part, ils renversèrent la dynastie de leurs maîtres pour s’emparer du pouvoir en 1250 en Égypte. Les victoires qu’ils remportèrent sur les Mongols, à partir de 1260, puis sur les Arméniens de Cilicie et sur les Francs, entre 1260 et 1291, montrèrent qu’ils étaient les seuls à pouvoir défendre l’Islam. L’installation au Caire, par le sultan Baybars (1260-1277), d’un calife abbasside fantoche acheva de donner aux Mamlouks (1250-1516-17) la légitimité dont ils avaient besoin pour imposer leur autorité aux populations musulmanes.
8Le système politique qu’ils mirent en place, fondé sur l’esclavage militaire – l’autorité et les hautes fonctions de l’État étant détenues par d’anciens esclaves affranchis – fut particulièrement original. En privilégiant les liens des frères d’armes plutôt que les liens du sang, en reconstruisant une famille autour de leur maître, en renouvelant sans cesse leurs rangs par l’apport de nouveaux esclaves, les Mamlouks turcs puis circassiens créèrent de nouvelles solidarités, fondèrent un État puissamment militarisé et démontrèrent leur forte capacité d’assimilation et de régénération. Mais, au début du xvie siècle, tandis qu’une série de difficultés politiques et économiques s’abattaient sur eux, leur cavalerie, qui avait fait leur gloire durant plus de deux siècles, ne fit pas le poids face à l’artillerie ottomane. Dans les années qui suivirent, les Ottomans, qui avaient déjà mis fin à l’empire byzantin et conquis une grande partie des Balkans, étendirent leur domination sur l’ensemble des « provinces » arabes, excepté le Maghreb extrême, créant un empire qui parvint à se maintenir, jusqu’au début du xxe siècle.
9Alors que l’Orient était gouverné par les Turcs, l’Occident musulman entrait sous la domination des Berbères. En 1031, le califat omeyyade disparaissait au profit de pouvoirs autonomes, d’origine berbère, arabe ou esclavonne, connus sous le nom de royaumes des Taïfas. Ceux-ci ne purent résister bien longtemps aux progrès de la Reconquista chrétienne. La prise de Tolède, en 1085, poussa les Almoravides (1040-1147), installés depuis peu au Maghreb extrême, à venir au secours des musulmans d’al-Andalus. Dès 1086, ces « gens du ribāṭ » (al-Murābiṭūn en arabe, d’où Almoravides), Berbères originaires du Sahara occidental et animés par un fort esprit de jihad, traversèrent le détroit de Gibraltar. Ils remportèrent la victoire d’al-Zallāqa qui freina, pour un temps, l’avancée chrétienne et leur permit de régner sur un vaste territoire qui s’étendait d’al-Andalus au Maghreb central.
10Toutefois, dès 1124, naissait à Tinmel, au sud de Marrakech, un nouveau courant politique et religieux. Dans cette région du Sous, souvent marquée par un désir d’indépendance face au pouvoir central, surgit un personnage d’origine berbère, nommé Ibn Tūmart autour duquel s’organisa une communauté désignée sous le nom d’al-Muwaḥḥidūn (partisans de l’unicité divine) d’où le nom d’Almohades (1130-1269). Leur doctrine, sorte de synthèse des courants théologiques antérieurs, insistait, en effet, sur le respect absolu de l’unicité divine, mais se rattachait aussi au courant du « Mahdisme » que les Fatimides avaient propagé dès le xe siècle. Tout en se réclamant du sunnisme, l’idéologie almohade comportait un volet messianique qui n’était pas sans rappeler l’idéologie ismaïlienne des Fatimides. Ibn Tūmart fut présenté comme le sauveur infaillible et « bien guidé » (al-mahdī) que toute la communauté musulmane attendait et qui allait instaurer la justice et la vérité dans ce bas-monde. Son mouvement prônait, en outre, une morale très rigoureuse qui s’opposait au laxisme dont les Almoravides étaient accusés. Les Almohades s’emparèrent de Marrakech, en 1147, et fondèrent un califat qui étendit sa domination sur l’ensemble du Maghreb et d’al-Andalus.
11Après avoir remporté quelques succès contre la Reconquista, les Almohades durent néanmoins s’incliner, en 1212, à la bataille de Las Navas de Tolosa et se replier sur le Maghreb. Quelques décennies plus tard, ils durent, là aussi, céder leur place aux Mérinides qui s’emparèrent de Marrakech en 1269.
12Du xiiie au xve siècle, trois dynasties d’origine berbère se partagèrent le Maghreb. Les Hafsides (1228-1526) exercèrent leur domination de la Tripolitaine à Alger ; se posant en héritiers des Almohades ils proclamèrent un califat à l’époque même où, en Orient, le califat abbasside disparaissait de la scène politique sous les coups des Mongols (1258). Les Mérinides (1258-1465) régnèrent sur le Maroc et, temporairement, sur une grande partie du Maghreb ; ardents combattants du jihad contre les chrétiens de la péninsule Ibérique, ils encouragèrent aussi le commerce et furent de grands bâtisseurs. La petite dynastie des Abdelwadides (1236-1504), quant à elle, gouverna le Maghreb central avec Tlemcen pour capitale et arriva à se maintenir en jouant de la rivalité de ses puissants voisins, musulmans ou chrétiens d’al-Andalus et du Maghreb.
13En al-Andalus, la dernière dynastie musulmane fut celle des Nasrides (1237-1492). D’origine arabe, elle revendiqua l’héritage des Omeyyades et, malgré ses dimensions modestes, réussit à développer une vie de cour brillante, comme en témoigne le raffinement du palais de l’Alhambra à Grenade. Affaiblie par des dissensions internes à la fin du xve siècle, elle ne put résister aux attaques du royaume castillan qui mit ainsi fin à la domination islamique dans la péninsule Ibérique.
Gouverner en Islam
14L’étude du politique en Islam a connu, ces dernières années, un important renouvellement historiographique. La genèse de l’État, la pensée politique, les discours de légitimation, les réinterprétations du passé, l’imaginaire politique, les rites et les symboles de la souveraineté, ont nourri de nombreuses recherches. Des sujets tels que la naissance et l’évolution du califat, la notion d’imamat, les rapports entre droit et politique, religion et pouvoir, gouvernement et société, ont également suscité de fructueux débats.
15Le monde islamique fut en permanence partagé entre la vision idéale d’une communauté musulmane unifiée et les divisions religieuses et politiques bien réelles sur le terrain. À la tête de l’empire né des conquêtes du premier siècle de l’hégire, des hommes furent désignés pour prendre la succession du Prophète, qui furent appelés « califes », « Émirs des croyants » ou « imams ». Mais, très vite, sunnites et chiites développèrent des modèles concurrents ; des pouvoirs autonomes émergèrent en de nombreuses régions, créant – nous l’avons vu – des formes de gouvernement différentes. Le modèle du califat unique disparut, laissant place, du xe au xiiie siècle, à deux, voire trois califats concurrents, qui durent cohabiter avec un nouveau type de pouvoir, essentiellement militaire, celui des émirs, des princes et des sultans. On a souvent considéré que l’apparition de ces pouvoirs régionaux était le signe de la décomposition et de l’effritement de l’État central. On a tendance aujourd’hui à les étudier plutôt sous l’angle de l’émergence de modèles politiques diversifiés. La délégation apparaît, en effet, inhérente au pouvoir impérial centralisé. Délégations de pouvoir et affirmation de l’autorité centrale ne sont donc pas toujours antinomiques.
16Un système politique fondé sur la délégation eut pour conséquence directe une hiérarchisation des pouvoirs. Celle-ci s’exprimait aussi bien dans la titulature des souverains que dans la monnaie ou le cérémonial. Au sommet de la pyramide, se trouvait le calife qui bénéficiait de sa position privilégiée dans la lignée du Prophète. Même si le calife abbasside de Bagdad, à partir du milieu du xe siècle, ne détenait plus l’essentiel du pouvoir politique et militaire, il continuait d’apparaître comme la seule autorité apte à légitimer le pouvoir des princes et des sultans. Sa caution restait donc essentielle, au point qu’après sa disparition en 1258, sous les coups des Mongols, les Mamlouks éprouvèrent le besoin de rétablir un califat au Caire, dépourvu de tout pouvoir, mais essentiel pour garantir leur légitimité.
17La délégation de pouvoirs soulève également la question des relations entre délégants et délégués, au sein des sociétés musulmanes, c’est-à-dire entre la tête de l’État et les élites militaires, civiles et religieuses. Ces milieux sont aujourd’hui de plus en plus étudiés « en réseaux » afin de faire ressortir les liens qui les unissaient : liens d’autorité, de collaboration, de service, d’amitié, liens matrimoniaux… Les souverains prenaient soin d’établir autour d’eux un réseau de solidarités dont faisaient partie leurs proches, leur émirs, leurs conseillers, les membres des grandes familles de notables et parfois quelques riches marchands qui leur servaient de banquiers. Mais il arrivait aussi que ces relations soient conflictuelles et poussent le pouvoir, selon les cas, à prendre les armes (contre un émir ou un prince rebelle), à négocier, ou à réprimer avec une plus ou moins grande sévérité.
18Les pouvoirs, quels qu’ils fussent, dirigeaient des sociétés pluriconfessionnelles et multiethniques. Malgré leur statut d’infériorité, les juifs et les chrétiens, en de nombreuses régions, restèrent nombreux et continuèrent de jouer un rôle important dans la vie administrative, culturelle, scientifique et économique, au moins jusqu’au xiiie siècle. Arabes, Iraniens, Turcs, Kurdes, Berbères, Noirs africains, d’origines et de langues différentes, se côtoyaient et pouvaient espérer prendre le pouvoir non seulement en tant qu’individus mais aussi en tant que groupes ou familles. Il y eut des dynasties arabes, turques, iraniennes, kurdes et berbères. Il y eut même des califes berbères, les Almohades, qui se dotèrent d’une généalogie alide – tout en restant sunnites - pour asseoir leur légitimité.
19Ni les divisions politiques ni la grande diversité des populations, si caractéristiques du monde islamique médiéval, n’excluaient une certaine unité, favorisée par la diffusion de la langue arabe et la domination de la religion musulmane. Les héritages historiques divers furent assimilés et réinterprétés par les sociétés islamiques, fournissant, au-delà des différences, des références et des règles de conduite politiques, institutionnelles, culturelles et linguistiques communes. C’est la raison pour laquelle, d’al-Andalus jusqu’à l’Iran, l’expression « gouverner en Islam » peut faire sens.
20D’un bout à l’autre du monde musulman, les fondements du pouvoir, tels que les définissent les auteurs médiévaux, restaient les mêmes et reposaient sur la force militaire, c’est-à-dire l’armée, la fiscalité pour assurer les revenus de l’État, et la justice sans laquelle le souverain ne saurait gouverner. La maxime attribuée à Chosroès Ier (531-579), que les Arabes appellent Kisrā Anūshirwān, est souvent évoquée dans les traités de gouvernement et Miroirs des princes pour définir le gouvernement :
« Le monde est un jardin dont la clôture est l’État ; l’État est un gouvernement dont la tête est le prince ; le prince est un berger qui est assisté par l’armée ; l’armée est faite d’auxiliaires entretenus par l’argent ; l’argent est le moyen de subsistance fourni par les sujets ; les sujets sont les esclaves qu’asservit la justice ; la justice est le lien par lequel se maintient l’équilibre du monde
1. »
21Gouverner en Islam au Moyen Âge c’était donc d’abord guider les musulmans dans la voie d’Allâh, autrement dit veiller au respect de la loi religieuse et parfois même l’élaborer. Dans le monde sunnite, depuis le ixe siècle, ce furent les oulémas qui définirent la loi religieuse, tandis que le calife était chargé de son application, ce qui n’empêcha nullement le développement d’une certaine sacralité autour de sa personne, qui se manifestait notamment dans le cérémonial. Dans le monde chiite, le caractère sacré des imams est encore plus accentué. Désignés dans la descendance de ‘Alī, ils sont guidés par Dieu, déclarés infaillibles et donc maîtres de la définition et de l’interprétation de la loi divine. C’est toute la question centrale, mais complexe, des rapports entre pouvoir et religion qui est ainsi posée, sur laquelle les juristes et théologiens médiévaux ne s’accordaient pas toujours.
22Gouverner, c’était aussi défendre et protéger les territoires de l’Islam (Dār al-Islām), c’est-à-dire mener le jihad contre les non-musulmans du territoire de la guerre (Dār al-ḥarb). Pour cela, il fallait constituer et entretenir une armée, parfois une flotte, dans un contexte de forte pression extérieure (Byzantins, chrétiens du Nord de l’Espagne, Francs, Arméniens, Mongols…). La diplomatie – domaine par excellence du souverain – était le corollaire du jihad et permettait de négocier entre États, de conclure des trêves, d’échanger des prisonniers.
23Assurer le bien-être des populations faisait également partie des obligations de l’État, d’où l’importance accordée à la justice (celle du souverain nommée siyāsa ou justice des maẓālim*, et celle, religieuse, déléguée au cadi). Organiser l’administration et la fiscalité sous l’autorité du vizir, assurer l’ordre et la police, faciliter les communications (poste, routes) et conduire les grands travaux, en particulier les fortifications et les infrastructures hydrauliques, sont autant d’aspects de l’exercice du pouvoir soulignés par nos textes. L’État se devait, de même, d’assurer la prospérité économique, ce qui le poussait à encourager le commerce et à signer des traités avec des puissances étrangères. Un commerce qui était aussi une source de revenus importante pour le pouvoir, grâce aux innombrables taxes prélevées sur la circulation, la vente et l’achat des marchandises.
24Pour comprendre la façon dont le monde islamique fut gouverné, on ne saurait se passer de l’étude des acteurs et des lieux de pouvoir. Originaires des marges de l’empire ou nés en son sein, des groupes (tribaux, ethniques, religieux, sociaux) émergèrent dont il est intéressant d’observer l’ascension et le destin politique. Le cas des esclaves, partis de rien pour atteindre le sommet de l’État, est particulièrement fascinant. Celui des tribus guerrières, unies par un fort esprit de corps (‘aṣabiyya) et venues des confins de l’empire pour renverser l’ordre établi et s’emparer du pouvoir, a été théorisé par Ibn Khaldūn. De ces sociétés, surgirent aussi des personnalités, califes, sultans, princes, émirs ou vizirs, qui marquèrent la vie politique de leur temps. Les textes nous permettent de les approcher, de suivre leur ascension, d’expliquer leurs succès ou leurs échecs, et parfois de saisir l’image qu’ils voulurent donner d’eux-mêmes. Les lieux du pouvoir, enfin, étaient situés dans les villes, sièges de la vie administrative et politique. Cités califales (Bagdad, Le Caire, Cordoue, Marrakech), capitales régionales ou « villes des cavaliers » (xie-xve siècle) pour reprendre l’expression de Jean-Claude Garcin2, leur étendue, leur rôle politique et leur évolution furent évidemment très divers. Mais, partout où le pouvoir s’installa, son emprise se fit sentir, dans la topographie comme dans l’architecture urbaines, par la construction de fortifications, palais, citadelles, hippodromes et divers monuments religieux. Le Caire mamlouk en est sans doute l’illustration la plus frappante.
Textes et documents
25Les sources qui nous permettent de suivre l’évolution des pouvoirs en Islam, du xe au xve siècle, sont très nombreuses et de nature diverse. Sources narratives et littéraires essentiellement, mais aussi documentaires, archéologiques, épigraphiques, numismatiques et iconographiques. L’historien du monde islamique médiéval n’a pas fini d’en découvrir car, malgré les avancées très importantes de ces vingt dernières années, nombreux sont encore les manuscrits inédits et les sites archéologiques – qui nous livrent, outre des données architecturales et topographiques, de nombreux documents inscrits – non fouillés.
26Le genre historique le plus répandu depuis le xe siècle, dans le monde islamique médiéval, est celui des chroniques ou annales rapportant les événements chronologiquement, année par année. Pour les périodes qu’ils n’avaient pas connues, les auteurs compilaient ou recopiaient les ouvrages de leurs prédécesseurs, en indiquant ou non, l’origine de leurs sources. L’intérêt qu’ils présentent, dans ce cas, est lié à la conservation ou à la perte de ces textes anciens. Pour les époques dont ils furent contemporains, les historiens fournissent, le plus souvent, des informations originales tirées de leur expérience personnelle ou de documents auxquels ils eurent accès (correspondances, actes de chancellerie, listes de revenus, testaments politiques, etc.).
27Parmi ces chroniques, les histoires dites universelles couvraient essentiellement l’histoire du monde musulman, des origines jusqu’à l’époque de l’auteur. L’initiateur du genre fut le grand exégète du Coran et historien irakien al-Ṭabarī (m. 923) dont l’Histoire [Ta’rīkh] fut abondamment recopiée par ses successeurs3. Parmi ceux-ci, l’un des plus importants est Ibn al-Athīr (m. 1233). Son Histoire universelle [al-Kāmil fī l-ta’rīkh] est l’œuvre historique la plus achevée de son époque et la plus remarquable par son ampleur de vue, car même si son récit privilégie l’Orient, il ne néglige pas pour autant l’Occident musulman4. Outre les nombreuses informations sur des événements dont il fut le témoin, il conserve aussi, même s’il ne le signale pas souvent, des sources plus anciennes aujourd’hui perdues. L’histoire, selon Ibn al-Athīr, aurait pour principale fonction de servir de guide aux gouvernants qui, constatant les effets néfastes de la conduite des tyrans, s’en écarteront pour adopter celle des bons souverains. D’où son insistance, par exemple, sur l’unité des princes ayyoubides au début du xiiie siècle, principale raison, selon lui, de la prospérité de leurs États. L’Histoire d’Ibn al-Athīr fut utilisée par nombre d’auteurs postérieurs. Parmi eux, l’historien et traditionniste Ibn Kathīr (m. 1373) dont le témoignage est particulièrement important pour la vie politique, religieuse, sociale et culturelle de Damas au xive siècle, une ville où il vécut toute sa vie durant. Les ouvrages de ces deux auteurs figurent parmi les sources d’al-‘Aynī (m. 1451) auteur lui aussi d’une chronique universelle. Ce juriste et traditionniste syrien, établi au Caire, parlant le turc aussi bien que l’arabe, réussit mieux que tout autre à faire le lien entre les émirs et les sultans, dont il était très proche, et les milieux savants.
28D’autres auteurs eurent pour ambition de faire l’histoire d’une dynastie, d’une ville ou d’une région. Certains ouvrages furent parfois même des commandes de souverains soucieux d’immortaliser leur règne ou leur dynastie. Ainsi al-Bundārī (m. 1245) pour les Seljoukides, ou al-Khazrajī (m. 1409) pour les Rassoulides (1229-1454).
29L’un des grands historiens de l’Occident musulman est Ibn Ḥayyān (m. 1076). Son histoire du califat de Cordoue intitulée al-Muqtabis [celui qui acquiert de la connaissance] est certes une compilation de sources antérieures5, mais son intérêt tient au fait qu’elle conserve nombre de sources disparues. Son autre ouvrage, intitulé al-Matīn [ce qui est solide], retrace les événements de son époque. Il est aujourd’hui perdu, mais de larges extraits en sont conservés dans l’œuvre de son admirateur, poète et homme de lettres, Ibn Bassām (m. 1148).
30En Orient, l’œuvre du sermonnaire et historien hanbalite Ibn al-Jawzī (m. 1201) est essentielle pour retracer l’histoire de l’Irak et du califat de 871 à 1179. Sa Chronique bien ordonnée [al-Muntaẓam] comprend, outre les événements de chaque année, les nécrologies des personnalités décédées – un genre littéraire qui ne va cesser de se développer dans les siècles suivants. Cet ouvrage fourmille d’informations sur les rapports entre califes, émirs et sultans ainsi que sur la vie urbaine et la société irakienne, de Bagdad en particulier. Son petit-fils Sibṭ Ibn al-Jawzī (m. 1256) rédigea à son tour une histoire universelle intitulée Le Miroir du temps [Mir’āt al-zamān]6. On y retrouve de larges extraits de l’histoire de son grand-père, des passages empruntés à d’autres sources aujourd’hui perdues, ainsi que son témoignage personnel sur toute la première moitié du xiiie siècle. À peu près à la même époque, en Égypte, le fonctionnaire Ibn al-Ṭuwayr (m. 1221), rédigeait une histoire des dynasties fatimide et ayyoubide, dans laquelle il fournissait de nombreuses informations sur l’administration et le cérémonial fatimides. Cet ouvrage a disparu, mais nous est connu par de nombreux extraits conservés dans des sources postérieures.
31Quiconque s’intéresse à l’histoire de l’Égypte commence par lire al-Maqrīzī (m. 1442), principal historien de cette région au Moyen Âge. Son témoignage est précieux, non seulement sur la dynastie mamlouke dont il était contemporain, mais aussi – grâce aux sources qu’il conserve – sur les dynasties fatimide et ayyoubide. Ses nombreux ouvrages (chroniques, topographie historique, dictionnaire biographique) contiennent une multitude d’informations sur les événements politiques et militaires, les fêtes, le cérémonial, les grands travaux, le développement urbain, la justice, la fiscalité, les non-musulmans, les tribus arabes, etc.7. Parmi les successeurs d’al-Maqrīzī, un auteur comme Ibn Iyās (m. v. 1524) dans sa grande histoire de l’Égypte, fait une description détaillée de la vie au Caire, en particulier à la cour mamlouke, vers la fin du Moyen Âge8.
32Bien d’autres villes et régions du monde islamique eurent leurs historiens. Parmi les plus célèbres, on peut citer al-Khaṭīb al-Baghdādī (m. 1071) pour Bagdad9, Ibn ‘Asākir (m. 1176) pour Damas10, Ibn al-‘Adīm (m. 1262) pour Alep11, tous absents de ce recueil. Nous avons préféré, en effet, présenter ici les ouvrages moins connus d’al-Khazrajī (m. 1409) pour le Yémen à l’époque rassoulide et du cadi malikite al-Fāsī (m. 1429) pour l’histoire des milieux religieux et du pèlerinage à La Mekke. Les chrétiens n’étaient nullement exclus de ce milieu d’historiens. L’ouvrage du copte al-Mufaḍḍal b. Abī l-Faḍā’il (m. après 1358), auteur d’une histoire des sultans mamlouks de 1260 à 1340, est là pour nous le rappeler12.
33Parmi tous ces historiens, Ibn Khaldūn (m. 1406), né à Tunis dans une famille originaire d’al-Andalus, se détache incontestablement par l’originalité, l’ampleur et la modernité de sa réflexion. Dans son histoire universelle intitulée Le Livre des exemples (Kitāb al-‘Ibar) et l’introduction (Muqaddima) qui la précède, souvent appelée Prolégomènes en français, Ibn Khaldūn ne se contente pas de rapporter les événements, mais entreprend d’expliquer la naissance, le développement et le déclin des dynasties13. Pour caractériser les sociétés, il fait appel à des considérations à la fois historiques, anthropologiques, sociologiques, culturelles et linguistiques et propose donc une véritable théorie de l’histoire.
34Le genre biographique connut également un grand succès en pays d’Islam : biographies de sultans et de personnalités respectées, en milieu musulman, ou de patriarches, en milieu chrétien14. Dans le cas des hagiographies ou des panégyriques de souverains, il n’est pas toujours aisé de faire la part entre l’idéalisation du saint ou la flatterie du courtisan et la réalité historique. Ces sources n’en demeurent pas moins importantes par ce qu’elles nous apprennent sur l’histoire des mentalités, les représentations et les modèles de gouvernement. Ainsi la vie du cheikh d’Almeria, à l’époque nasride, telle qu’elle nous est rapportée par son disciple Aḥmad al-Qashtālī (m. ap. 1271)15 nous aide à comprendre les liens que le souverain nasride tenta de nouer avec les milieux soufis pour asseoir son autorité, une question qui est aussi au cœur de l’ouvrage postérieur d’al-Sharjī (m. 1488), destiné à faire l’éloge des saints yéménites.
35Les dictionnaires biographiques, qu’ils soient généralistes ou consacrés à une catégorie de personnalités (soufis, oulémas, cadis, médecins, grammairiens, personnages ayant un lien avec une ville ou une région donnée, etc.) fourmillent d’informations, non seulement sur les gouvernants dont les biographies sont retracées, mais aussi sur les rapports entre le pouvoir et les élites urbaines. Le dictionnaire des personnalités de la péninsule Ibérique d’Ibn Bassām (m. 1148), des médecins d’Ibn Abī Uṣaybi‘a (m. 1270), des oulémas et dirigeants du Yémen d’al-Janadī (m. 1331), des sultans et grands émirs mamlouks d’Ibn Taghrī Birdī (m. 1412)16, ou encore des cadis égyptiens d’Ibn Ḥajar al-‘Asqalānī (m. 1449), apportent, chacun à leur façon, des informations sur le bon gouvernement, les oppositions au pouvoir, les rivalités entre milieux religieux et milieux intellectuels ouverts aux sciences rationnelles, les carrières des élites civiles ou militaires.
36Par ailleurs, en Orient comme en Occident musulman, on vit naître et se développer une abondante littérature géographique et des récits de voyage. Dictionnaires de villes et de régions, relations de voyages ou de pèlerinages, recueils d’itinéraires, descriptions topographiques, tous ces ouvrages rassemblent des informations sur les données naturelles, les routes, les populations, les activités économiques et religieuses, la topographie urbaine, les aspects ethnographiques, les us et coutumes. Ils nous renseignent aussi sur l’entourage des princes (Nāṣir-i-Khusraw au xie siècle17), la fiscalité commerciale (Ibn al-Mujāwir, dans la première moitié du xiiie siècle18), la politique de défense des souverains (al-Ḥimyarī, au début du xive siècle19), les modèles de bon gouvernement (Ibn Baṭṭūṭā, au xive siècle20), la justice, le cérémonial, les grands travaux princiers ou encore la carrière et les fondations des émirs (al-Maqrīzī, au xve siècle21).
37La littérature juridico-religieuse n’est pas moins importante. Les traités de gouvernement et les Miroirs des princes qui définissent l’image du souverain idéal et le comportement qu’il doit observer dans sa vie personnelle et publique, tels ceux d’Abū Hilāl al-‘Askarī (m. v. 1010)22 ou d’al-Māwardī (m. 1058)23 présentés ici, permettent de percevoir les qualités attendues d’un bon souverain, les rapports entre sultans et califes, les droits et devoirs du prince. Les Fatimides, de leur côté, produisirent une littérature spécifique, destinée à légitimer leur dynastie en l’inscrivant dans la lignée de ‘Alī et Fāṭima, comme en témoigne par exemple l’œuvre d’al-Qāḍī al-Nu‘mān (m. 973)24 ou encore les sermons du propagandiste Ḥātim b. Ibrāhīm al-Ḥāmidī (m. 1199)25.
38Quant aux recueils de fatwas* (nawāzil en Occident), qui conservent les réponses des juristes aux questions juridiques qui leur étaient posées, on y trouve des informations extrêmement variées sur tous les aspects de la vie quotidienne, politique, sociale ou économique. Les questions-réponses, présentées ici, soulignent les relations qui s’établirent parfois entre le centre politique et la périphérie (Abū ‘Imrān al-Fāsī, m. 1038), le pouvoir du souverain et celui des tribus (al-Māzūnī, m. 147826) ou encore le recours des dhimmī-s* à la justice du souverain (Ibn Sahl, m. 1096). Les traités de ḥisba définissant les attributions du muḥtasib* en matière de police des marchés et des mœurs entrent également dans cette catégorie d’ouvrages juridiques qui permettent de savoir comment les représentants du pouvoir exerçaient leur contrôle sur les activités quotidiennes des milieux urbains27.
39D’autres traités fiscaux ou militaires, ainsi que de vastes encyclopédies, nous renseignent sur des sujets aussi divers que les pratiques administratives, les chancelleries, la correspondance officielle, la diplomatie, le cérémonial, le système fiscal, les grands travaux princiers, le jihad, l’organisation des armées et la tactique militaire, la poste ou encore les décrets en faveur des marchands. En témoignent, entre autres, dans le domaine de la cavalerie, les traités de furūsiyya*, cette littérature à qui Ibn Akhī Ḥizām donna ses lettres de noblesse dès le ixe siècle abbasside et qui s’épanouit, à l’époque mamlouke, en réponse à la demande de l’élite militaire28. Les grandes encyclopédies fleurirent aussi aux xive et xve siècles, telles celles d’al-Nuwayrī (1333), d’al-‘Umarī (m. 1349)29 et d’al-Qalqashandī (m. 1418)30, pour ne citer que les plus célèbres. Plus rares étaient les ouvrages consacrés entièrement à l’étiquette califale tels que celui de Hilāl Ibn al-Muḥassin al-Ṣābi’ (m. 1056)31. Son témoignage sur la cour abbasside n’en est que plus précieux. De même, la correspondance de l’Ustādh Jawdhar (m. 973) avec les califes fatimides al-Mahdī (909-934), al-Manṣūr (946-953) et al-Mu‘izz (953-975), réunie par le secrétaire de Jawdhar, nous apporte de très précieuses informations sur l’entourage des califes, l’armée et l’administration fatimides32.
40Peu nombreux à nous être parvenus également sont les ouvrages centrés autour d’une expérience personnelle (autobiographies, mémoires ou journal quotidien). L’autobiographie d’Usāma Ibn Munqidh (m. 1188), plusieurs fois traduite en français et en anglais, est sans doute la mieux connue33. Elle conserve quelques anecdotes pittoresques et reflète très bien le mode de vie d’un émir syrien du xiie siècle. Dans un genre différent, nous avons préféré retenir ici le journal partiellement conservé d’Ibn al-Bannā’ (m. 1079)34, dans lequel ce juriste hanbalite notait ses observations personnelles, car il apporte des indications précieuses sur la vie politique, religieuse et sociale de Bagdad. À peu près à la même époque, le récit du dernier roi ziride de Grenade, ‘Abd Allāh (1073-1090), essayant de justifier sa chute, représente le témoignage assez exceptionnel d’un souverain faisant part de sa propre expérience35.
41La poésie et les belles-lettres contiennent, elles aussi, des informations historiques intéressantes. Ainsi les panégyriques des poètes ‘Arqala (m. 1171-72) et ‘Umāra (m. 1174)36 laissent-ils percevoir les figures modèles auxquelles pouvait être comparé un souverain, Saladin en l’occurrence. Kalīla wa-Dimna, recueil de fables d’origine indienne, adaptées en arabe par Ibn al-Muqaffa‘ au viiie siècle37, participait à l’éducation morale et politique des princes et remportait toujours, plusieurs siècles après, un grand succès. Une littérature beaucoup plus populaire et longtemps transmise par oral, illustrée ici par le Roman de Baybars (Sīrat Baybars)38, nous permet aussi de mieux comprendre l’image du souverain-héros véhiculée par l’imaginaire oriental à la fin du Moyen Âge.
42Beaucoup moins nombreux que les sources narratives à nous être parvenus, les archives (fiscales, administratives, religieuses, juridiques, diplomatiques) et les documents de la pratique (écrits concernant la vie quotidienne) existent néanmoins. Qu’ils aient été préservés par des institutions religieuses (mosquées, monastères, synagogues), retrouvés lors de fouilles archéologiques, ou recopiés dans des recueils administratifs, encyclopédies et divers ouvrages historiques ou littéraires, ils nous livrent des informations, certes dispersées ou parcellaires, qui ont l’avantage cependant d’être plus « objectives » que les sources littéraires et en prise avec la vie quotidienne. L’intérêt que l’historien leur porte n’est pas nouveau. Les traités commerciaux notamment entre les États musulmans et les villes italiennes, catalanes et provençales, ont attiré depuis longtemps l’attention des chercheurs, même si un grand nombre d’entre eux n’ont encore jamais fait l’objet d’une traduction française ; on pourrait dire la même chose des pétitions adressées à la justice du souverain par des individus ou des acteurs sociaux, ainsi que des procédures qui leur étaient appliquées. Depuis les années 1980, les actes de waqfs, indiquant la situation et les revenus des biens inaliénables affectés aux fondations pieuses ou d’utilité publique, ont fait l’objet de nombreuses publications39. Ces quinze dernières années, la papyrologie islamique s’est elle aussi considérablement développée, mais les milliers de fragments, retrouvés en Égypte surtout, concernent essentiellement les premiers siècles de l’Islam. L’archéologie, l’épigraphie, l’iconographie et la numismatique, en revanche, nous apportent un grand nombre d’informations sur les fondations royales, les grands travaux, la représentation du souverain et les symboles de la royauté, entre le xe et le xve siècle, comme on pourra le constater au travers des quelques exemples présentés dans ce recueil.
Notes de bas de page
1 Al-Harawī, al-Tadhkira al-Harawiyya fī l-ḥiyal al-ḥarbiyya, éd. et trad. J. Sourdel-Thomine, « Les conseils du šayḫ al-Harawī à un prince ayyūbide », Bulletin d’études orientales, XVII, 1961-1962, p. 205-266 (notamment p. 219).
2 J.-C. Garcin, « Problématiques urbaines », dans J.-C. Garcin et al., États, sociétés et cultures du monde musulman médiéval ( xe- xve siècle), Paris, Nouvelle Clio, 1995-2000, 3 vol., t. 3, p. 93-109.
3 Le Ta’rīkh al-rusul wa-l-mulūk [Histoire des envoyés et des rois] a été entièrement traduit en anglais sous le titre The History of al-Ṭabarī. An annotated translation, Albany (SUNY Series in Near Eastern Studies), 1989-2007, 40 vol.
4 Les passages sur l’Occident musulman ont été traduits par A. Fagnan, Annales du Maghreb et de l’Espagne, Alger, 1898. D. S. Richards a traduit des extraits du Kāmil sur l’histoire des Seljoukides et le texte intégral des années 491-629/1097-1231 : D. S. Richards, The Annals of the Saljuq Turks. Selections from al-Kāmil fī l-Ta’rīkh of ‘Izz al-Dīn Ibn al-Athīr, Aldershot, Ashgate, 2002 et The Chronicle of Ibn al-Athīr for the Crusading Period from al-Kāmil fī’l-ta’rīkh, Aldershot, Ashgate, 2006-2008, 3 vol.
5 Trad. espagnoles de P. Chalmeta, F. Corriente, M. Subḥ, Kitāb al-Muqtabis V, Madrid, Instituto hispano-arabe de Cultura/université Mohamed V de Rabat, 1979 ; de M. J. Viguera Molins et F. Corriente, Crónica del califa ‘Abdarraḥmān an-Nāṣir entre los años 912 y 942 (al-Muqtabis V), Saragosse, Anubar Ediciones, 1981 ; et de E. García Gómez El califato de Córdoba en el « Muqtabis » de Ibn Hayyān : Anales palatinos del califa de Córdoba al-Hakam II, por ʻĪsā Ibn Ahmad al-Rāzī (360-364 H. = 971-975 J.-C.), Madrid, 1967.
6 Trad. partielle dans Recueil des historiens des croisades. Historiens orientaux, Paris, 1872-1906, 5 tomes en 6 vol., t. III, p. 513-570 [années 1097-1138].
7 Trad. partielle du Kitāb al-sulūk par E. Quatremère, Histoire des sultans mamlouks par Makrizi, Paris, 1837-1845, 4 parties en 2 vol. [années 648-708/1250-1309] ; trad. anglaise partielle de R. J. C. Broadhurst, A History of the Ayyūbid Sultans of Egypt, Boston, 1980 [années 567-648/1171-1250]. Pour la description topographique de l’Égypte (Khiṭaṭ), voir infra.
8 Trad. partielle de G. Wiet, Histoire des Mamlouks circassiens, IFAO, 1945, [années 872-928/1467-1522] et Journal d’un bourgeois du Caire, Paris, EPHE, 1955-1960, 2 vol.
9 Trad. de l’introduction sur la topographie de Bagdad par G. Salmon, L’introduction topographique à l’histoire de Baghdâd d’Aboû Bakr Ahmad ibn Thâbit al-Khatîb al-Baghdâdî, Paris, 1904, reprint Francfort, 1993.
10 Trad. de l’introduction topographique par N. Elisséeff, La Description de Damas d’Ibn ‘Asākir, Damas, Institut français de Damas, 1959.
11 Trad. partielle et pas toujours fidèle de E. Blochet, « L’Histoire d’Alep de Kamal al-Dîn, version française d’après le texte arabe » Revue de l’Orient latin, 3, 1895, p. 509-565 ; 4, 1896, p. 145-225 ; 5, 1897, p. 37-107 ; 6, 1898, p. 1-49.
12 Trad. partielle d’E. Blochet, Patrologia Orientalis, XII, 1919, p. 345-550, XIV, 1929, p. 375-672, XX, 1929, p. 3-270 [jusqu’en 716/1316].
13 Trad. d’A. Cheddadi, Le livre des exemples, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2002-2012, 2 vol.
14 Voir par exemple la trad. anglaise de l’Histoire des patriarches attribuée à Sawīrus b. al-Muqaffa‘, par A. Khater et O. H. E. Khs-Burmester, History of the Patriarchs of the Egyptian Church, Le Caire, 1970-1974, 4 vol.
15 Trad. espagnole de B. Boloix Gallardo, Prodigios del maestro sufí Abū Marwān al-Yuḥānisī de Almería, Madrid, Mandala Ediciones, 2010.
16 G. Wiet en a donné un résumé en français dans Les biographies du Manhal Safi, Le Caire, Mémoires présentés à l’Institut d’Égypte, XIX, 1932.
17 Trad. française de Ch. Schefer, Sefer-nameh. Relation de voyage de Nassiri Khosrau, Paris, 1881 et trad. anglaise de W. M. Thackston, Nāser-e Khosraw’s Book of Travels (Safarnāma), New York, 1986, rééd. Costa Mesa (Californie), Mazda Publishers, 2001.
18 Trad. anglaise de G. Rex Smith, A traveller in thirteenth-century Arabia. Ibn al-Mujāwir’s Tarīkh al-mustabṣir, Aldershot, Ashgate, 2008.
19 Trad. d’É. Lévi-Provençal, La péninsule Ibérique au Moyen Âge, Leyde, Brill, 1938.
20 Trad. de P. Charles-Dominique, Voyageurs arabes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1995, p. 371-1050.
21 Trad. partielles de P. Casanova, Histoire et description de la Citadelle du Caire, Paris, 1892 et Essai de reconstitution topographique de la ville d’al-Fustât ou Misr, Le Caire, 1919 ; P. Ravaisse, Essai sur l’histoire et sur la topographie du Caire d’après Makrîzî, Paris, 1886-1889, 2 vol. ; U. Bouriant, Description topographique et historique de l’Égypte, Paris, E. Leroux, 1895-1900, 2 vol. ; A. Raymond et G. Wiet, Les marchés du Caire. Traduction annotée du texte de Maqrîzî, Le Caire, Ifao, 1979.
22 Trad. de M. Tillier, Le livre des califes qui s’en remirent au jugement d’un cadi, Le Caire, Ifao, 2011.
23 Trad. d’E. Fagnan, Les statuts gouvernementaux ou Règles de droit public et administratif, Alger, 1915.
24 Voir la trad. anglaise de son Minhāj al-Farā’id par A. Cilardo, The Early History of Ismaili Jurisprudence. Law Under the Fatimids. A Critical Edition of the Arabic Text and English Translation of al-Qāḍī al-Nuʻmān’s Minhaj al-farāʼiḍ, Londres, I. B. Tauris, 2012.
25 Trad. anglaise dans W. Ivanow, Ismaili tradition concerning the Rise of the Fatimids, Calcutta, Oxford University Press, 1942, p. 305-312.
26 Trad. d’E. Voguet, Le monde rural du Maghreb central, xive- xve siècles. Réalités sociales et constructions juridiques d’après les « Nawāzil Māzūna », Paris, Publications de la Sorbonne, 2014.
27 Le traité d’Ibn Akhī Ḥizām a été traduit en allemand par M. Heide, Das Buch der Hippiatrie-Kitāb al-Bayṭara, Wiesbaden, Harrassowitz, 2008, 2 vol. Parmi les autres traités de ḥisba traduits, voir en particulier : Ibn ‘Abdūn [Séville, xiie siècle], Risāla fī l-qadā’wa-l-ḥisba, trad. É. Lévi-Provençal, Séville musulmane au début du xiie siècle. Le Traité d’Ibn ‘Abdûn sur la vie urbaine et les corps de métiers, Paris, 1947 ; al-Shayzarî [Syrie, xiie siècle], Nihāyat al-rutba fī talab al-ḥisba, trad. W. Behrnauer, « Mémoire sur les institutions de police chez les Arabes, les Persans et les Turcs », Journal asiatique, 5e série, XVI, 1860, p. 347-392 ; XVII, 1861, p. 5-76 ; trad. angl. R. P. Buckley, The Book of the Market Inspector, Oxford/New York, 1999 ; Ibn Taymiyya [Syrie, m. 1328], al-Ḥisba fī l-islām, trad. H. Laoust, « Le traité sur la ḥisba d’Ibn Taymiyya, texte et traduction », Revue des études islamiques, 52, 1984, p. 25-207.
28 Parmi les traités de furûsiyya traduits, voir al-Aqsarā’ī [Égypte, xive siècle], Nihāyat al-sūl wal-umniyya fī ta‘līm a‘māl al-furāsiyya, trad. partielle angl. G. Tantum, « Muslim Warfare : A Study of a Medieval Muslim Treatise on the Art of War », dans R. Elgood (éd.), Islamic Arms and Armours, Londres, 1979, p. 187-201 et trad. angl. D. Nicolle, « The Reality of Mamluk Warfare : Weapons, Armours and Tactics », Al-Masāq, 7/1, 1994, p. 77-110 ; al-Anṣārī [Égypte, xve siècle], Tafrīj al-kurūb fī tadbīr al-ḥurūb, trad. angl. T. Scanlon, A Muslim Manual of War Being Tafrīj al-kurub fi tadbīr al-ḥurūb, Le Caire, 1961, rééd. 2012 ; Ibn Hudhayl [al-Andalus, xive siècle], trad. L. Mercier, La parure des cavaliers et l’insigne des preux, Paris, 1924.
29 Trad. de la partie sur le Maghreb et l’Afrique par M. Gaudefroy-Demombynes, Masālik el abṣār fi mamālik el amṣār. L’Afrique moins l’Égypte, Paris, P. Geuthner, 1927.
30 Trad. partielle sur l’administration syrienne par M. Gaudefroy-Demombynes, La Syrie à l’époque des Mamelouks d’après les auteurs arabes, Paris, P. Geuthner, 1923.
31 Trad. anglaise d’E. A. Salem, Rusūm Dār al-Khilāfah. The Rules and Regulations of the ‘Abbāsid Court, Beyrouth, Lebanese Commission for the Translation of Great Works, 1977.
32 Trad. anglaise de H. Haji, Inside the Immaculate Portal. A History from Early Fatimid Archives. A New Edition and English Translation of Manṣūr al-‘Azīzī al-Jawdharī’s Biography of al-Ustādh Jawdhar, the Sīrat al-Ustādh Jawdhar, Londres/New York, I. B. Tauris, 2012.
33 Trad. d’A. Miquel, Des enseignements de la vie. Souvenirs d’un gentilhomme syrien du temps des croisades, Paris, Imprimerie nationale, 1983.
34 Trad. anglaise de G. Makdisi, « Autograph Diary of an Eleventh Century Historian of Baghdād », BSOAS, 18, 1956, p. 9-31 et 239-260 ; 19, 1957, p. 13-48, 281-303 et 426-443.
35 Trad. d’É. Lévi-Provençal, « Les “Mémoires” de ‘Abd Allāh, dernier roi zīride de Grenade », Al-Andalus, 3, 1935, p. 233-344 ; 4, 1936-1939, p. 29-146.
36 Trad. de H. Derenbourg, ‘Oumâra du Yémen, sa vie et son œuvre, Paris, E. Leroux, 1897-1909, 2 vol.
37 Trad. d’A. Miquel, Le livre de Kalila et Dimna, Paris, Klincksieck, 1980.
38 Trad. de G. Bohas et J. P. Guillaume, Roman de Baïbars, Arles/Paris, Sindbad/Actes Sud, 1985-1998, 10 vol.
39 Notre recueil n’en propose pas mais quelques exemples de waqfs émanant du pouvoir, traduits en français, peuvent être trouvés dans : Cl. Cahen, Y. Ragib, M. A. Taher, « L’achat et le waqf d’un grand domaine égyptien par le vizir Ṭalāī‘ b. Ruzzīk », Annales islamologiques, 14, 1978, p. 59-126 ; S. Denoix et al. (dir.), Le Khan al-Khalili et ses environs : un centre commercial et artisanal au Caire du xiiie au xxe siècle, Le Caire, Ifao, 1999, 2 vol. ; J. Loiseau, « Les investissements du sultan Šayḫ à Damas d’après son acte de waqf (823/1420). Édition commentée », Bulletin d’études orientales, 61, 2012, p. 163-189 ; S. M’Hamed, « Une waqfiyya sultanienne du Yémen. L’acte de fondation de la madrasa al-Ašrafiyya de Ta‘izz (803/1400) », dans S. Denoix (dir.), L’exercice du pouvoir à l’âge des sultanats, Annales islamologiques, 46, 2012, p. 255-272 ; pour l’Occident islamique, voir l’analyse des consultations juridiques compilées par al-Wansharīshī (m. 1508) dans V. Lagardère, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi‘yār d’al-Wanšarīsī, Madrid, Collection de la Casa De Velázquez, 1995.
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