Chapitre 4. Les institutions judiciaires du Proche-Orient avant l’Islam
p. 385-454
Texte intégral
1Que l’on accepte ou non comme historique le récit des conquêtes que produisit la tradition islamique, un fait demeure : l’empire à la tête duquel se trouvait un Commandeur des croyants (amīr al-mu’minīn) se réclamant de l’Islam fit tomber l’antique frontière entre les empires romain et perse. À l’est, le pouvoir sassanide s’effondra pour ne jamais se relever ; à l’ouest, les Byzantins perdirent la plupart de leurs territoires, ne gardant plus qu’une partie de la Méditerranée orientale et septentrionale. Le centre nerveux de l’Islam ne demeura pas longtemps en Arabie centrale. La tradition historiographique musulmane suggère qu’avant même le départ du chef de la communauté musulmane pour l’Irak, vers le milieu des années 650, la majeure partie des élites arabes qui façonnèrent le visage du nouvel empire avait émigré vers le nord, en territoire conquis. Le contexte institutionnel de l’apparition de l’Islam est donc, avant tout, celui des empires qui se partageaient le Proche-Orient à la veille des conquêtes, et dont l’influence était prégnante jusqu’au sein de la péninsule Arabique5.
2Les empires byzantin et sassanide avaient développé au cours des siècles des systèmes étatiques de résolution des conflits, reposant sur le principe de l’adjudication : des autorités étaient instituées par le pouvoir politique pour trancher les litiges, et leur parole était contraignante. Cependant, même au sein de ces empires, l’État n’avait pas le monopole de la justice. À côté d’institutions arbitrales séculières inégalement documentées, des justices religieuses étaient reconnues par le pouvoir et parfois privilégiées par les plaideurs. Le présent chapitre entend faire le point sur le fonctionnement des principales institutions judiciaire au Proche-Orient à la veille des conquêtes. Il s’agit non seulement d’en décrire les procédures, afin de permettre plus loin la comparaison avec celles des tribunaux musulmans, mais aussi d’en comprendre la place dans les sociétés proche-orientales : à qui les divers modes d’adjudication s’adressaient-ils ? Dans quelle mesure s’articulaient-ils les uns aux autres ? Peut-on évaluer le degré de structuration des institutions communautaires autour d’un droit religieux ?
1. LES INSTITUTIONS JUDICIAIRES IMPÉRIALES
1.1. La justice dans l’Empire romain d’Orient
1.1.1. La justice séculière étatique
3Dans l’Empire romain de l’Antiquité tardive, l’empereur était considéré comme le juge suprême. Son autorité judiciaire était déléguée à des iudices (sing. iudex), qui exerçaient les fonctions de gouverneurs de province, de praesides, de proconsuls ou encore de consulares. Depuis la réforme de Dioclétien (r. 284-305), ces iudices avaient pour principale tâche de présider le tribunal de premier ressort. Ils pouvaient prêter leur pouvoir à des juges délégués6. En Égypte, la plus haute juridiction était ainsi celle du gouverneur, qui nommait en son absence un epanorthotes, et pouvait aussi déléguer ses fonctions judiciaires au strategos7. Au ive siècle, une hiérarchie entre les diverses instances fut introduite8. Au niveau local, le principal juge délégué était le defensor civitatis (grec syndikos ou ekdikos), qui traitait les affaires mineures, tandis que les cas les plus graves étaient transférés au gouverneur9. Tout jugement pouvait faire l’objet d’une procédure en appel devant un juge plus élevé, jusqu’à l’empereur lui-même10. Le iudex était compétent en matière civile comme criminelle. Chaque tribunal était composé d’un unique iudex11, qui néanmoins s’appuyait en grande partie sur l’expertise d’un consilium de juristes expérimentés12.
4Un procès débutait par la convocation du défendeur à l’initiative du demandeur. Dans la procédure en usage au ve siècle, ce dernier rédigeait lui-même une citation à comparaître à l’intention de son adversaire sous la forme d’une litis denuntiatio qui devait être visée et enregistrée par le juge. La litis denuntiatio était ensuite portée au défendeur par un agent du tribunal. Le défendeur rédigeait une contradictio ou un libellus contradictorius dans lequel il déclarait son intention de réfuter l’accusation et entreprenait peut-être d’organiser sa défense13. Une autre procédure permettait au demandeur d’envoyer directement une pétition à l’empereur ; en réponse, l’autorité impériale envoyait un rescrit détaillant le point juridique et référant le litige à un juge compétent14. L’émission de l’édit gouvernoral ou du rescrit impérial ouvrait la voie à la rédaction d’une litis contestatio, dans laquelle l’objet du litige était établi et soumis au juge15.
5À partir du ve siècle, une procédure par libelle se développa, peu différente de la précédente, mais accentuant le rôle de l’autorité publique. Le demandeur adressait sa pétition (libellus conventionis) décrivant le défendeur et l’objet du litige au bureau du gouverneur16. La citation à comparaître n’était pas rédigée par le demandeur mais par le juge17. Seule cette procédure par libelle subsiste dans le droit de Justinien au vie siècle18.
6Jusqu’au ve siècle, l’audience devait avoir lieu dans les quatre mois suivant l’établissement de la litis contestatio19. Au vie siècle, avec la généralisation de la procédure par libelle, ce délai fut étendu à un an20. Le procès ne pouvait néanmoins s’ouvrir que dix (puis vingt) jours après le dépôt de la plainte, afin de laisser le temps à l’adversaire d’organiser sa défense21. L’audience réunissait les plaideurs et leurs avocats – dont l’éloquence orientait souvent l’issue du procès – autour du juge22 ; dans l’Antiquité tardive les débats n’avaient plus lieu en public, mais dans un secretarium, salle où n’accédaient que le juge et ses assistants, les parties et leurs avocats23.
7Selon le droit romain, la charge de la preuve incombait au demandeur (actori incumbit probatio)24. Les prétentions des parties pouvaient être étayées par plusieurs types de preuve. Le témoignage oral demeurait essentiel dans l’Antiquité tardive. Plus d’un témoin devait en principe être produit – donc deux au minimum en théorie ; en pratique, Justinien en exigeait cinq pour prouver l’exécution d’un contrat écrit ou en l’absence d’écrit25. Constantin avait songé un moment réduire ce nombre en autorisant la déposition isolée d’un évêque, mais généralisa finalement le principe testis unus, testis nullus26. Le témoignage de parents par le sang ou par alliance était rejeté, tout comme celui des esclaves, des hérétiques et des apostats27. Le statut social du témoin était considéré comme révélateur de la fiabilité de sa parole : selon une loi de 334, le témoignage des notables (honestiores) devait être privilégié. La personnalité et la position financière du témoin devaient être examinées par le juge – un pauvre étant plus susceptible d’être acheté28. L’étroite relation entre position sociale et fiabilité du témoin est une des particularités de la justice romaine, insiste Jill Harries29. Enfin, le témoin prêtait serment et déposait sur ce qu’il avait vu ou entendu30.
8La preuve écrite jouit par ailleurs d’une importance croissante, au point d’être souvent privilégiée par rapport aux témoignages31. Les documents privés originaux, pour peu qu’ils soient certifiés par les signatures d’au moins trois témoins, en vinrent à acquérir une valeur probatoire plus forte que le témoignage. Les documents notariés et les archives publiques pouvaient également être produits à l’audience. Les accusations de fraude et de forgerie allaient bon train et des experts en écritures pouvaient être convoqués pour authentifier des documents ; ils devaient alors témoigner sous serment32.
9Le serment prit une place grandissante dans la procédure. Alors que son caractère probatoire était considéré comme mineur en droit romain classique, les juges pouvaient, à l’époque de Justinien (vie siècle), le proposer à l’un des plaideurs, soit pour compléter une preuve insuffisante (serment supplétoire), soit pour servir de preuve à part entière (serment décisoire). Un plaideur à qui le serment avait été déféré pouvait refuser de le prêter et le référer à son adversaire ; si ce dernier refusait à son tour de jurer, le juge rendait son verdict contre lui33. La prestation du serment avait lieu soit au tribunal, soit dans la maison d’une des parties en touchant les Évangiles, soit dans un oratoire34. Le juge demeurait néanmoins libre de considérer le serment comme probant et il semble que ce type de preuve soit demeuré secondaire35. De manière générale, le juge se prononçait sur la base de son intime conviction, sans être lié par aucune preuve (absence de système des preuves légales). L’aveu du défendeur faisait toutefois exception, car il entraînait automatiquement la condamnation36.
10Des minutes de l’audience étaient rédigées, incluant l’ensemble des arguments avancés par les plaideurs et des points juridiques en débat. Ces minutes pouvaient être produites devant une cour supérieure en cas d’appel. En effet la partie perdante pouvait, dans les trois jours qui suivaient le verdict, déposer un recours devant un tribunal de premier ressort (gouverneur) ou devant l’empereur et ses représentants (préfets prétoriens, préfets de Rome et Constantinople)37. Le juge devait lire son verdict aux parties et avait dix jours pour leur fournir une copie de son jugement38. De manière exceptionnelle, le juge pouvait refuser de statuer lui-même sur l’affaire et la renvoyer devant l’empereur (procédure de relatio)39.
11Les sources documentaires coptes, non datées mais remontant sans doute, pour une partie d’entre elles, aux vie et viie siècles, offrent un éclairage sur la mise en pratique de ces procédures en Égypte. Plusieurs ostraca consignent ainsi des témoignages, montrant l’importance de ce type de preuve chez les chrétiens de cette province40. D’autres enregistrent des serments, sans que le contexte (judiciaire ou extrajudiciaire) ne puisse être déterminé41. Un parchemin copte, non daté, offre un point de vue plus clair sur la procédure. Ce document se présente comme un rescrit judiciaire, envoyé à un juge (un pagarque ?) qui a manifestement sollicité les instructions de son supérieur (le duc de Thébaïde ?) à propos de deux litiges fonciers entre un homme et une femme. Après avoir résumé les affirmations contraires des deux plaignants, l’auteur de la lettre définit la charge de la preuve : la femme, qui est en possession de la maison dont son adversaire revendique une partie, devra produire deux ou trois témoins fiables du contrat de vente qu’elle dit avoir en sa possession. Ils affirmeront que l’acte a été établi alors que l’adversaire de la femme était présent au village, sans qu’il prenne la peine de contester la transaction en justice. Si elle ne peut produire les témoins, elle sera appelée à prêter serment concernant le prix qu’elle prétend avoir payé pour la maison, auquel cas son adversaire devra lui payer sa part et la maison sera partagée entre les deux plaideurs. Dans la seconde affaire, qui oppose les mêmes plaignants à propos d’une terre – l’homme affirmant que leurs parents se sont accordés sur son partage, la femme prétendant le contraire –, l’auteur de la lettre demande que l’homme produise deux ou trois témoins fiables du contrat écrit ; s’il ne peut les produire, la femme devra être conduite à l’église où elle jurera que nul accord n’a été conclu42. Selon la grille de lecture proposée par les juristes musulmans, la procédure pourrait se résumer de la façon suivante : dans le premier cas, la charge de produire des témoins incombe au défendeur, ainsi que le serment en cas d’échec du témoignage ; dans le second, la charge d’apporter une preuve testimoniale (et/ou documentaire) incombe au demandeur, le serment au défendeur.
1.1.2. L’arbitrage
12La justice étatique était onéreuse – les parties devaient payer à chaque étape du procès – et beaucoup préféraient s’en remettre à des institutions parallèles. La médiation de personnes privées échappait au domaine du judiciaire, aucune sentence n’étant rendue et le tiers n’agissant qu’en vue d’accorder les parties sur un moyen terme. L’arbitrage, en revanche, était une forme courante d’adjudication : les parties en conflit s’accordaient sur la personne d’un arbitre et s’engageaient à respecter sa sentence. La décision arbitrale pouvait par ailleurs être mise à exécution par l’autorité étatique43. La procédure devant un arbitre était elle aussi réglementée par le droit romain. Les plaideurs devaient tout d’abord rédiger un document, le compromissum, dans lequel l’objet du litige était décrit ainsi que ses acteurs, l’identité du ou des arbitres et les délais accordés à ce(s) dernier(s) pour se prononcer. Les parties acceptaient d’avance la sentence comme contraignante et s’engageaient à la respecter sous peine de devoir payer une amende fixée au préalable44. Une fois les parties d’accord sur les modalités de l’arbitrage, l’arbitre convoquait le défendeur45. La procédure s’inspirait ensuite de celle suivie devant le iudex ; les mêmes catégories de preuves étaient utilisées et les plaideurs se faisaient souvent assister d’avocats, la principale différence étant que l’arbitre n’était pas tenu de se conformer au droit romain46. La sentence de l’arbitre était rédigée sous la forme d’un accord entre les parties, nommé dialysis47. À la différence du procès devant un iudex, la sentence arbitrale ne pouvait faire l’objet d’aucun recours en appel48.
13Les arbitres étaient généralement choisis parmi les hommes les plus éminents de la communauté. Dans la Palaestina Tertia du vie siècle, un papyrus de Petra mentionne ainsi un arbitrage rendu par le phylarque ǧafnide/ġassānide Abū Karib (en grec, Abou Cherebos) à propos d’une vigne en litige49. En Égypte, un dossier de papyrus coptes et grecs en provenance d’Edfou permet de retracer les étapes d’un long conflit qui se termina vraisemblablement par l’arbitrage de deux illustres notables en 64650. Avec la christianisation de l’Empire romain, nombre de plaideurs décidaient de s’adresser à des saints hommes parés d’une autorité ascétique reconnue51. Certains soumettaient également leurs litiges à des ecclésiastiques, notamment aux évêques52 : le même papyrus de Petra fait état d’un arbitrage rendu par deux hommes, dont un clerc53. C’est que le rôle judiciaire de l’Église se vit très tôt reconnu par l’État romain, comme nous le verrons plus loin.
1.2. Les institutions judiciaires sassanides
1.2.1. Les acteurs de la justice
14La justice sassanide était indissociable du zoroastrisme : l’alliance des rois de la dynastie avec les prêtres de cette ancienne religion leur garantissait la légitimité qui leur faisait défaut lors de leur avènement en 224 ap. J.-C., et en retour le clergé zoroastrien fut associé au pouvoir54. La production du droit était en grande partie contrôlée par le clergé et la plupart des juges officiels étaient des prêtres55.
15Le système judiciaire se caractérisait par une forte structure hiérarchique. Le juge suprême de l’Empire sassanide était le roi des rois, qui semble avoir présidé des procès criminels – cas d’apostasie, de haute trahison56. Il était secondé par le mōbedān mōbed (ou magupatān magupat), grand prêtre zoroastrien, qui jugeait sans même recevoir les plaideurs et dont le jugement était considéré comme infaillible57. Un autre personnage mal connu portait le titre de « juge de l’empire » (shahrdādwar ou dādwar ī dādwarān) ; il était manifestement chargé de superviser l’ensemble des juges secondaires58. Si d’autres hauts fonctionnaires étaient investis de pouvoirs judiciaires59, la justice dans les provinces se trouvait surtout aux mains de dādwar-s organisés selon une stricte hiérarchie. Les dādwar-s ī mas (grands juges/juges seniors) disposaient d’une autorité supérieure aux dādwar-s ī kas (petits juges/juges juniors) et pouvaient être saisis en appel contre les décisions de ces derniers60. Dans certains cas, le procès pouvait être conduit par deux juges, qui soit jugeaient de concert, soit prenaient chacun parti pour un des plaideurs, agissant alors à la fois comme juges et avocats61.
16Les prêtres des provinces, appelés mōbed-s (syr. mōhpaṭā), pouvaient être investis de prérogatives judiciaires – ce qui apparaît notamment dans les sources du ve siècle62. Ils avaient à ce titre le pouvoir de réviser les jugements des dādwar-s63. Vers la fin de l’époque sassanide, les prêtres du feu (hērpat ou ḥirbāḏ) se virent également reconnaître un pouvoir juridictionnel important64. Dans les villages éloignés de la juridiction des dādwar-s, la justice était sans doute rendue, au quotidien, par des dēhkān65. Il semble enfin que des juges militaires (spāh dādwar) aient officié au sein de l’armée66. Cette justice étatique, administrée par des représentants de l’administration sassanide, est le mode de gestion des conflits le mieux documenté. En parallèle, d’autres personnages, portant les titres de dādwar ī pasēmār (juge du défendeur) et de dādwar ī pēšēmārān (juge du demandeur) purent jouer un rôle d’arbitres choisis par consentement mutuel des plaideurs67.
17Les juges disposaient d’un sceau leur permettant de certifier les documents qu’ils émettaient ; d’après le Livre des mille jugements, ils devaient le retourner à l’autorité délégante au moment de leur révocation68. La justice sassanide employait un personnel subalterne, notamment des scribes (dibīr) chargés de tenir les minutes du tribunal et de rédiger les documents produits par ce dernier. Plusieurs scribes semblaient attachés à chaque juge : un décret datant du règne de Khosrō Ier (r. 531-579) limite leur nombre à quatre par tribunal69. Le Livre des mille jugements mentionne aussi le parēzvān/frēzwān, officier probablement chargé de mener enquête sur certaines plaintes et de préparer des procès70. Il devait vérifier l’identification des plaideurs et des sceaux, ce qui fit l’objet de controverses : tandis que certains juristes sassanides déclaraient que seul le juge était compétent pour identifier les personnes, et qu’il devait donc mener lui-même l’enquête sur les plaideurs, d’autres acceptaient que le parēzvān joue un rôle en la matière mais le tenaient pour responsable – sur sa liberté – en cas d’erreur71. Le rad, juge intervenant dans les litiges réglés par ordalie, pouvait être assisté d’un war-salār, chargé d’appliquer l’épreuve ordonnée par le juge72. Le Livre des mille jugements évoque enfin la personne du geôlier (zēndānpān), dont on ignore la relation exacte qu’il entretenait avec l’appareil judiciaire. Il semble qu’il jouissait d’une autorité importante, et qu’il était habilité à identifier, dans sa prison, les détenus et leurs condamnations respectives73.
1.2.2. Procédures
18Les procédures suivies par l’administration judiciaire sassanide sont surtout connues grâce au Livre des mille jugements (Madīyān ī hazār dādestān), recueil juridique zoroastrien composé au début du viie siècle74, traduit en allemand et analysé par Maria Macuch75. Comme le reste du droit zoroastrien, celui des procédures semble avoir reposé sur deux fondements : le chāshtag, ou doctrine juridique dominante, produite par des « écoles » sur lesquelles nous sommes mal informés76 ; le kardag, qui correspondrait selon János Jany à la « coutume » des tribunaux, susceptible de combler des vides dans la doctrine dominante77. Dans la mesure où le Livre des mille jugements repose simultanément sur ces deux sources, au demeurant mal connues, nous ne les distinguerons pas dans l’analyse des procédures qui suit.
19Un procès s’ouvrait lorsqu’un demandeur (pēšēmāl) déposait une plainte contre un défendeur (pasēmāl)78. Lors d’une audience préliminaire, le tribunal enregistrait par écrit les déclarations des plaideurs. Le juge fixait alors une date pour le procès – un an au plus après l’audience préliminaire79. Celui-ci commençait le matin du jour déterminé et un jugement devait être rendu avant le soir80. Le refus de comparaître était considéré comme une obstruction à la justice et passible d’une condamnation à verser une amende ou un gage (conservé jusqu’à la fin du procès) de valeur égale à l’objet du litige. Toute autre entrave au bon déroulement de l’audience pouvait faire l’objet d’une condamnation ; au bout de trois obstructions par le même plaideur, le juge rendait un verdict définitif en faveur de son adversaire81. Le Livre des mille jugements recommande par ailleurs de faire décapiter tout individu accusé de crime passible de la peine de mort qui ne répondrait pas à la convocation du tribunal82.
20Les parties comparaissaient en personne ou étaient représentées par un ou deux fondés de pouvoir légalement mandatés (appelés yādag-gōw ou dastwar)83. Le mandataire devait prouver la légalité de sa délégation en produisant devant le juge un mandat écrit84. À défaut, sa représentation du plaideur était limitée : il ne pouvait prêter serment en son nom, à moins de jurer au préalable qu’il agissait bien en tant que fondé de pouvoir du plaignant85. Il semble que le demandeur ne pouvait recourir à un mandataire sans l’accord du défendeur ; selon le Livre des mille jugements, ce consentement devait être entériné par le juge86. Un mandataire pouvait lui-même témoigner en faveur de son client87.
21Les plaideurs se tenaient tous deux à une distance de trois pas du juge88. Lors de l’audience préliminaire, une fois l’identité détaillée des plaideurs établie89, le demandeur exposait sa plainte et le défendeur sa défense. Les déclarations des deux parties étaient couchées par écrit dans un procès-verbal (sakhwan nāmag) validé par l’apposition des sceaux de chaque plaideur90. Si le défendeur modifiait ses déclarations au cours du procès – notamment en faveur d’une version moins crédible –, le juge pouvait le condamner sur-le-champ91.
22Le juge devait ensuite déterminer la partie à laquelle revenait la charge de la preuve. Il n’y avait pas de principe général : les formules employées par les parties dans le contrat faisant l’objet du procès déterminaient laquelle devait prouver ses droits. Dans bien des cas – notamment lors de litiges relatifs à la propriété –, il incombait au défendeur de prouver que les affirmations de son adversaire étaient infondées92.
23Les principales preuves légales étaient le témoignage et la preuve écrite. La preuve testimoniale requérait la déposition de trois personnes au minimum93. Les officiers de l’État témoignant dans leur domaine de spécialité, ou encore le mōbedān mōbed, faisaient exception à cette règle et pouvaient déposer seuls94. Les documents portant les sceaux de témoins ou de fonctionnaires avaient en outre valeur de preuve, et le juge établissait leur validité par un examen scrupuleux des sceaux. Les écrits certifiés par le sceau d’un fonctionnaire apparaissaient comme de meilleures preuves que ceux portant les cachets de simples témoins95. Les juristes sassanides étaient divisés quant à la capacité des femmes à témoigner : la coutume des tribunaux (kardag) n’y était pas favorable, pas plus qu’au témoignage des mineurs et des esclaves. En revanche le droit civil acceptait celui des femmes libres et disposant d’elles-mêmes, y compris en faveur de leur mari si elles n’avaient pas d’intérêt dans le procès96.
24Deux autres modes de preuve étaient utilisés : le serment – lié à une procédure d’ordalie – et la preuve circonstancielle. Selon les cas, le serment pouvait se voir déféré au demandeur ou au défendeur97 – normalement à la partie considérée comme la plus fiable98. Un rituel accompagnait la prestation de serment : le plaideur jurait dans un lieu qui y était spécifiquement dédié, à une date précise du mois, sous le regard d’un officier affecté au contrôle de cette procédure (le war-salār). Celle-ci pouvait s’accompagner d’une ordalie supervisée non par un juge ou un mōbed, mais par un rat : dans certains cas, la partie à laquelle était déféré le serment (pour jurer de l’exactitude ou de l’inexactitude d’une situation) subissait une épreuve physique – entrer dans le feu, recevoir du cuivre en fusion sur la poitrine (ordalie chaude), boire du soufre ou être immergé dans un fleuve (ordalie froide) – après l’avoir prononcé99. L’ordalie jouait un rôle décisif en cas de suspicion de crime100. L’absorption d’un liquide sulfureux par les parties pouvait aussi servir à les départager101. Les modalités d’application de l’ordalie dépendaient de la position sociale du plaideur ; les individus jouissant d’une bonne réputation y échappaient102. Le serment donnait lieu à la rédaction d’un document scellé, attestant que la procédure avait respecté les règles103. Le plaideur qui refusait de jurer se rendait coupable d’obstruction et se voyait frappé d’une condamnation provisoire104.
25Les preuves circonstancielles jouaient pour leur part un rôle important en matière pénale – apostasie, hérésie, haute trahison, mais aussi vol, brigandage et assassinat. Même en matière civile, le juge devait prendre les circonstances en considération avant de rendre son jugement.
26À tout moment du procès, le demandeur avait le droit de demander une suspension d’audience, soumise au consentement du défendeur. Tant que le juge n’avait pas rendu son verdict, les parties demeuraient libres de conclure un accord à l’amiable qui mettait alors fin au procès. Un défendeur ne pouvait intenter lui-même une action en justice contre un tiers tant que son procès n’était pas terminé105.
27Le jugement était couché par écrit106, tandis que les minutes scellées étaient placées dans des archives (dīwān)107. Tous les documents émis par le tribunal avaient par la suite valeur de preuve108. Les parties pouvaient soit se déclarer satisfaites du verdict, soit faire appel de ce dernier devant l’autorité supérieure – sauf pour les jugements concernant de faibles sommes, dont on ne pouvait faire appel109. La justice était payante et, afin d’obtenir une copie du jugement, les parties devaient verser au tribunal une somme proportionnelle à la valeur de l’objet en litige – entre 22 et 30 % de son prix, mais avec un plafond de deux ou trois drachmes110.
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28Les institutions judiciaires sassanides, en théorie conçues pour résoudre les litiges des zoroastriens – qui devaient s’adresser à elles même pour les délits mineurs111 –, n’étaient néanmoins pas fermées aux autres communautés. Les tribunaux étatiques avaient compétence sur les litiges entre membres de groupes religieux différents112. Les chrétiens et les juifs de l’Empire sassanide reconnaissaient leur autorité et y recouraient, comme en témoignent tant la littérature hagiographique syriaque que le fameux Livre des mille jugements113. Au vie siècle, le synode d’Išoʿyahb reprochait à certains chrétiens de comploter entre eux et de recourir à des tribunaux « étrangers » (bēt dīnō nūkrōyō) afin de perdre leurs prochains114. En appeler aux institutions sassanides n’était pourtant pas la seule option pour les chrétiens de l’Empire perse. Notant que depuis le iiie siècle, au moins, les évêques étaient incités à intervenir dans les conflits qui menaçaient l’unité de leur communauté, Richard Payne insiste sur le rôle de médiateurs qui leur incombait auprès de leurs ouailles115. Malgré l’absence d’informations avant le vie siècle, nous verrons que les représentants du clergé furent rapidement saisis comme arbitres de contentieux entre chrétiens, comme dans l’Empire romain. L’existence de tribunaux au sein des communautés juives de l’Empire sassanide est encore mieux attestée.
2. LA JUSTICE DES COMMUNAUTÉS JUIVES DU PROCHE-ORIENT
29Dans l’histoire du judaïsme, la période tardo-antique qui précède l’émergence de l’Islam est qualifiée d’époque talmudique. Elle se subdivise elle-même en trois sous-périodes : celle dite des Tana’im (« récitants »), du ier au iiie siècle de notre ère ; celle des Amora’im (« expositeurs »), du iiie au ve siècle ; celle, enfin, des Savora’im (« raisonneurs ») au ve siècle. Les deux premières sous-périodes virent l’élaboration des sources de la littérature rabbinique classique – la Mishna et les deux Talmuds de Jérusalem et de Babylone, ce dernier achevant d’être constitué autour du vie siècle116. Au moment de l’apparition de l’Islam, des communautés juives étaient réparties dans tout le Proche-Orient, depuis l’Égypte jusqu’au Yémen, en passant par l’Arabie centrale117. Les principales sources sont néanmoins concentrées dans deux provinces : la Palestine, en territoire romain puis byzantin ; la Babylonie (Irak), en territoire perse. C’est dans les communautés juives de ces deux régions que furent élaborés les textes normatifs au fondement de la culture rabbinique, réunis dans leurs Talmuds respectifs. Ces sources étant écrites en araméen mélangé à de l’hébreu, et leur lecture, même en traduction, nécessitant un haut degré d’expertise, nous nous appuierons ici avant tout sur les études élaborées à partir de ces matériaux. Il convient néanmoins de signaler que la reconstitution historique des principaux aspects de la vie et des institutions des juifs après la destruction du second Temple repose surtout, si ce n’est en totalité, sur ces deux Talmuds, qui sont des sources hautement problématiques. Non seulement les textes dont ils sont constitués demeurent difficiles à dater avec précision, mais leur portée dépend de la place que les rabbins occupaient dans les sociétés juives dites talmudiques. Or, comme le souligne Seth Schwartz, cette question demeure jusqu’ici irrésolue : nulle source ne permet de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’autorités juridiques largement reconnues, bénéficiant de positions institutionnelles, ou si au contraire les rabbins des premiers siècles de notre ère constituaient des figures marginales du judaïsme, aspirant à une autorité qu’elles ne se virent pas reconnue pendant l’Antiquité118. Les développements qui suivent sont donc avant tout théoriques : ils synthétisent l’image, peu historicisée, que les Talmuds de Jérusalem et de Babylone offrent du fonctionnement des tribunaux juifs et des normes que les rabbins voulaient y voir appliquées.
2.1. Les autorités judiciaires
2.1.1. Dans l’Empire byzantin
30Les codifications successives du droit romain dans l’Antiquité tardive définirent la place des tribunaux des principaux groupes monothéistes de l’Empire. Les juifs de Palestine et de la diaspora possédaient leurs propres institutions, qui pendant des siècles fonctionnèrent parallèlement au système judiciaire étatique romain, sans que leur existence ne soit remise en cause. Depuis l’édit de Caracalla en 212, cependant, les juifs de l’Empire étaient devenus citoyens et relevaient en théorie de la juridiction romaine. En 398, une constitution de l’empereur d’Orient Arcadius, reprise dans le Code Théodosien, vint en théorie restreindre les compétences civiles des tribunaux juifs : ces derniers ne pouvaient plus contraindre les parties à comparaître, mais celles-ci devaient se présenter de leur plein gré. La justice des juifs était ainsi assimilée à l’arbitrage, dont elle suivait les procédures. Afin que la sentence rendue soit exécutoire, les plaideurs devaient au préalable avoir signé un compromissum. En 529, puis 539, Justinien légiféra à son tour sur le sujet : les juifs n’étaient pas obligés de prêter serment lors de la signature du compromissum, à la différence des autres arbitrages, ni de s’engager de manière expresse à appliquer la sentence. De fait, les tribunaux juifs continuèrent de fonctionner librement119.
31Jusqu’au ier siècle de notre ère, les juifs disposaient d’une haute cour de justice, le « Sanhedrin Gedolah », composée de 71 juges qui siégeaient dans le temple à Jérusalem. Cette cour n’était pas qu’un tribunal mais disposait aussi de pouvoirs législatifs et administratifs. Après la destruction du second Temple en 70 ap. J.-C., le Sanhedrin fut transféré à Jabneh120, au sud de Jaffa, où il demeura le principal tribunal et le centre religieux des juifs de Palestine pendant près de deux siècles. Au ive siècle – voire dès le iiie –, le patriarche (nasi), président du Sanhedrin, déléguait son pouvoir judiciaire à des rabbins et, peut-être à des élites laïques. Vers le milieu du iiie siècle, l’institution perdit de son rayonnement en raison de l’influence croissante des autorités juives de Babylonie, et disparut au début du ve siècle121.
32Les autorités talmudiques considéraient qu’un tribunal, appelé bet din (héb., « maison de justice »), devait être implanté dans chaque communauté. Les villages de moins de 120 habitants ne devaient avoir qu’un bet din de trois juges (dayyan-s). Dans les localités plus grandes, la cour devait être composée de 23 juges et portait le nom de « Sanhedrin Kettanah122 ». La justice des communautés juives devait être collégiale : un minimum de trois juges devait être réuni à l’audience123, placée sous la présidence du av bet din, le « père du tribunal »124.
33Au-delà de cette vision théorique, Hayim Lapin a récemment mis en évidence une évolution des tribunaux rabbiniques de Palestine entre le iie et le ive siècle. À l’époque des Tana’im, la « justice » juive semble s’être limitée à des formes non contraignantes de consultations juridiques, le plus souvent en matière rituelle, destinées aux seuls membres les plus pieux de la communauté125. Sous les Amora’im, en revanche, le champ d’action de la juridiction rabbinique, destinée à une plus grande variété de fidèles, s’élargit à un plus grand nombre d’affaires – dettes, propriétés, ventes, successions, etc.126. Le Talmud de Jérusalem laisse penser que la justice rabbinique fonctionnait comme une institution arbitrale, à l’instar de ce que préconisait le droit romain : les « juges », qui n’étaient pas toujours trois mais pouvaient siéger par paires, voire de manière isolée, ne pouvaient agir qu’avec le consentement des parties127.
2.1.2. Dans l’Empire sassanide
34Dans l’Irak et l’Iran sassanides, les juifs constituaient une forte minorité au sein de la population rurale araméophone, notamment autour de l’ancienne Babylone – dans ce que les Arabes appelèrent le Sawād. Les habitants de Pumbedita, Nehardea, Mahoza, Kutha, Sura et Neresh appartenaient en partie à la communauté rabbinique, et de petits groupes étaient installés dans d’autres villes comme Ḥīra ou Ninive128. Les tribunaux juifs bénéficièrent de la reconnaissance officielle du pouvoir au terme d’un accord entre le roi Shapur ier (r. 241-272) et Samuel, le directeur de l’académie de Nehardea129, et leur autorité fut ainsi garantie par l’État130. Pendant les quatre siècles qui suivirent, les autorités juives continuèrent de se voir reconnaître un rôle légitime dans l’administration de leur communauté. En échange, elles s’engageaient à respecter la loi sassanide relative aux affaires de l’État, en particulier les règles régissant la propriété foncière et les impôts. « La loi du royaume est la loi », affirme ainsi un célèbre adage attribué au juge Samuel, importante autorité du début de la période sassanide131. Des tribunaux rabbiniques étaient implantés dans les principales villes de Babylonie132. Ils traitaient avant tout les affaires de statut personnel comme les mariages, les divorces, les successions, ainsi que les transactions commerciales, les transferts de propriété et diverses formes de litiges133. Ils assumaient aussi d’autres fonctions : ils recevaient les œuvres charitables et les redistribuaient, assuraient un enseignement élémentaire, supervisaient la réparation de murs, ou encore collectaient la rançon de captifs134.
35La plus haute autorité judiciaire des juifs de Babylonie était l’exilarque (héb. rosh golah, aram. resh galuta) qui, depuis la fin de l’époque parthe, appartenait à une famille aristocratique supposée descendre de David135. L’exilarque tenait ton titre en vertu d’une transmission héréditaire, mais sa succession devait être entérinée par le pouvoir sassanide, auprès duquel il représentait sa communauté. Il était chargé de percevoir les impôts dont ses ouailles étaient redevables, de superviser les marchés, de maintenir l’ordre et d’administrer la justice. Selon la vision que reflètent les strates tardives du Talmud, l’exilarque se trouvait au sommet de la hiérarchie judiciaire juive : il nommait les juges des tribunaux rabbiniques de Babylonie, qui rendaient la justice en son nom136. À partir de la fin du ive siècle, les juges devaient en théorie avoir été formés dans les écoles rabbiniques et ordonnés rabbins. En pratique, il semble que l’exilarque nommait aussi des juges non reconnus par les institutions rabbiniques137. Geoffrey Herman remarque en outre l’existence de cours arbitrales, dont les juges n’étaient pas désignés par l’exilarque, et dont l’autorité dérivait du seul consentement des justiciables. Ces tribunaux non supervisés par l’exilarque étaient probablement majoritaires en Babylonie138. L’exilarque possédait enfin son propre tribunal, où un des savants de sa suite siégeait aussi comme juge (aram. dayyana de-bava, « juge de la porte »)139. Sa juridiction s’étendait aux affaires criminelles – y compris les homicides –, et il pouvait prononcer des châtiments corporels, bien que les autorités sassanides eussent en général elles-mêmes appliqué les condamnations à mort140.
2.2. Les procédures
2.2.1. L’audience
36Un procès ne pouvait en principe s’ouvrir qu’en présence du demandeur et du défendeur, à moins que ce dernier n’eût reconnu par écrit le bien-fondé de l’accusation et que son aveu ne fût confirmé par des témoins141. En l’absence d’un tel document, la convocation du défendeur au tribunal devait suivre la plainte du demandeur. Cette citation à comparaître pouvait être transmise par oral ou par écrit, et éventuellement proposer une date alternative pour l’audience142.
37Les parties devaient se tenir debout devant les juges et n’avaient le droit de s’asseoir que de manière exceptionnelle, avec leur permission. Le Talmud insiste sur l’égalité stricte des parties : si l’un des plaideurs était habillé plus richement que l’autre, on devait lui enjoindre de revenir devant le tribunal après avoir revêtu un habit plus modeste. Les juges devaient traiter les adversaires de manière égale, et permettre à l’un ce qu’ils accordaient à l’autre – comme la possibilité de s’asseoir. Ils n’avaient pas le droit d’aider une partie aux dépens de l’autre. Néanmoins, ils devaient assister les plaideurs idiots ou incapables, pour des raisons intellectuelles ou émotionnelles, de s’exprimer au prétoire143. Toute insulte à un juge ou à la cour pouvait être punie de flagellation, voire d’excommunication144.
38Lorsque les parties se présentaient au tribunal, elles devaient tout d’abord être incitées à résoudre leur dispute par le biais d’un compromis ou d’un accord à l’amiable. Si cette suggestion n’aboutissait pas, les juges devaient leur demander si elles insistaient pour qu’il y ait adjudication – auquel cas un jugement viendrait définir un gagnant et un perdant du procès –, ou si elles leur conféraient le pouvoir d’élaborer eux-mêmes un compromis145. En cas de procédure pénale, tout fait ou circonstance suscitant le doute concernant la culpabilité du prévenu pouvait justifier l’ajournement de l’audience146.
39La charge de la preuve revenait à l’initiateur de la procédure, c’est-à-dire au demandeur. Cette règle reposait sur la présomption (héb. ḥazakah) que le défendeur était le propriétaire légitime de l’objet du litige : tant qu’il n’était pas établi que cette propriété était infondée, le statu quo était respecté. Néanmoins cette présomption ne tenait qu’à condition que le défendeur prétendît bien avoir des droits sur l’objet du litige ; dans le cas contraire, la charge de la preuve se renversait et il lui revenait de prouver qu’il avait le droit de garder l’objet disputé147.
40D’autres présomptions orientaient la procédure. Celle, tout d’abord, de crédibilité, selon laquelle une partie ou un témoin ayant une connaissance approfondie du cas n’avait pas de raison de le déformer. Néanmoins, un individu dont les déclarations se révélaient fausses sur un point ne pouvait plus être cru quant à d’autres aspects de la même affaire. Les juges devaient par ailleurs présumer qu’une personne se comportait de manière raisonnable, même en dépit d’apparences contraires148. Ces diverses présomptions pouvaient être prises en considération par les juges, qui pouvaient aussi tenir compte de la réputation d’un des plaideurs ou de la rumeur publique, notamment en cas de litige matrimonial149.
2.2.2. Les preuves
41En l’absence de présomptions suffisantes, des preuves étaient réclamées aux plaideurs, relevant de trois catégories : le témoignage, la preuve documentaire et le serment150. Le tribunal pouvait allouer aux plaideurs jusqu’à trente jours pour produire celles qui appartenaient aux deux premiers types151.
• Témoignages
42Un minimum de deux témoins était requis pour que leur déposition ait valeur de preuve. Si le demandeur n’en produisait qu’un, cela suffisait pour que le tribunal réclamât au défendeur de jurer que la revendication de son adversaire était infondée. Il existait toutefois des exceptions à cette règle : la seule parole d’un dépositaire ayant toujours en sa possession le dépôt en litige prouvait à laquelle des deux parties il appartenait. De même, en matière rituelle, un témoignage unique était en principe probant152.
43Seuls les hommes étaient habilités à témoigner, le Talmud suggérant que la place d’une femme n’était pas au tribunal153. Le témoignage des garçons de moins de treize ans était irrecevable. Entre treize et vingt ans, ils pouvaient déposer au sujet d’objets mobiliers, mais non de biens immobiliers. Ce n’est qu’à partir de vingt ans que leur déposition était pleinement acceptée. Un homme convaincu de faux témoignage ne pouvait plus être témoin, même s’il avait réparé les dommages occasionnés par sa déclaration mensongère154. D’autres pouvaient être exclus d’office en raison des soupçons pesant sur leur moralité, tels les joueurs, les parieurs et les escrocs, ainsi que toute personne coupable d’une offense monétaire155. Les parents ne pouvaient témoigner contre leurs enfants, ni les enfants contre leurs parents156. Le père d’un plaideur, son frère, son oncle, son beaufrère, son beau-père, son fils et son gendre étaient tous disqualifiés, de même que toute personne soupçonnée de pouvoir tirer bénéfice de sa déposition. Certains acceptaient néanmoins le témoignage du petit-fils pour son grand-père157. Deux personnes apparentées ne pouvaient témoigner dans une même affaire. Un défendeur pouvait produire des témoins pour disqualifier ceux de son adversaire, en attestant leur immoralité158. Mais nul n’avait le droit de se récuser de lui-même pour éviter de témoigner159.
44Les témoins ne déposaient pas sous serment160. Une interprétation littérale du Deutéronome 13 : 15 imposait néanmoins de les soumettre à un triple examen. La ḥakīra (enquête) déterminait le temps et le lieu de l’événement. Lors de la derishah (investigation), les faits étaient étudiés ; enfin, la bedikah (interrogatoire), optionnelle, prenait la forme d’un contre-interrogatoire relatif aux circonstances du témoignage161. En pratique, aux siècles qui précédèrent l’apparition de l’Islam, ces règles furent abandonnées pour les procès civils, afin de ne pas entraver le recouvrement des droits matériels, et ne furent plus appliquées qu’en cas de procès au pénal, lorsque la vie de l’accusé était en jeu. Dans une telle procédure criminelle, les témoins devaient être prévenus de leur lourde responsabilité, et chacun devait être entendu séparément. Les déclarations étaient confrontées l’une avec l’autre et devaient concorder en tout point162. Les témoins devaient par ailleurs avoir assisté en même temps aux événements objets de leurs dépositions163. Ils n’avaient pas le droit d’avancer un argument pour la défense de l’accusé ou en sa faveur164.
• Documents
45Conformément à la Bible, le Talmud considérait les documents (sheṭar) comme une preuve valide devant un tribunal. Les circonstances de leur rédaction étaient toutefois prises en compte. Pour se voir reconnaître une valeur probatoire, une reconnaissance de dette devait ainsi avoir été écrite à la requête du débiteur ou avec son accord. Un acte rédigé sur la seule initiative des témoins n’avait pas de poids juridique165.
46Dans le droit biblique, un acte est présumé authentique à la simple vue de la signature des témoins. À l’époque talmudique, en revanche, cette confiance de principe n’était plus de mise. Le plaideur qui produisait un acte devait prouver l’authenticité des signatures, soit en les comparant à celles portées par d’autres actes établis comme authentiques, soit en les faisant reconnaître par les signataires devant le tribunal, soit en appelant d’autres personnes familiarisées avec leur écriture166. Il n’était pas nécessaire, en revanche, de conduire une enquête sur les témoins signataires167. Une fois les signatures authentifiées, le tribunal annexait au document un certificat de validation (henpek/hanpek ou asharta)168.
47Le Talmud prescrit de surcroît une mise en page des actes juridiques ne laissant pas de place aux additions frauduleuses, et toute infraction aux règles afférentes les rendait irrecevables169. Nombre de documents émis par un tribunal non juif pouvaient être produits comme preuve devant une cour juive, notamment les reconnaissances de dette et les actes de vente. Néanmoins plusieurs catégories étaient rejetées, comme les actes de divorce, d’affranchissement et de donation, qui allaient au-delà de la simple preuve pour produire en eux-mêmes un effet juridique170.
• Serments
48Le serment chez les juifs consistait à prendre Dieu, ou un équivalent sacré – comme le roi dans l’ancien Israël – à témoin de ses paroles. En désacralisant le nom de Dieu, le parjure mettait son âme en péril. La prestation de serment est encouragée par la Bible et vue de manière positive par les juifs depuis l’Antiquité171. À l’époque talmudique, il pouvait servir de preuve dans les procès civils, et non dans les affaires pénales. Mais il ne s’agissait que d’un mode de preuve subsidiaire, seulement admis en l’absence d’autres preuves suffisantes. Un jugement rendu sur la base d’un serment pouvait être abrogé si l’on témoignait de son caractère mensonger. Tout le monde ne pouvait pas prêter serment : il ne devait pas être réclamé aux individus suspectés d’être des menteurs, comme les joueurs, les parieurs et les usuriers, ni aux coupables de parjures antérieurs, ni aux témoins disqualifiés. Les enfants mineurs, les sourds, les idiots et les fous ne pouvaient pas non plus jurer172.
49À l’origine, le serment était purgatoire : il était déféré au défendeur afin que celui-ci se disculpe. Dès l’époque talmudique, cependant, un type de serment confirmatoire prêté par le demandeur fut aussi admis dans des cas spécifiques173. Il ne pouvait en principe être réclamé que dans des procès portant sur des biens mobiliers174. Le droit talmudique définissait plusieurs catégories de serments judiciaires.
- Le serment du Pentateuque (héb. shevu’a ha-torah) était prêté par le défendeur s’il niait l’accusation dans son ensemble et si le demandeur n’amenait qu’un unique témoin ; le défendeur jurait alors ne rien devoir. S’il admettait le bienfondé d’une partie de l’accusation, il était condamné à rendre cette partie au demandeur, mais devait jurer qu’il ne devait rien de plus. Enfin, un dépositaire auquel le propriétaire du dépôt intentait un procès pouvait prêter serment à l’appui de ses dénégations175. Le refus de jurer par le défendeur entraînait sa condamnation176. En revanche, le Talmud n’autorisait pas le débiteur à prêter serment de son insolvabilité177.
- Le serment mishnaïque (héb. shevu’a mi-divrei soferim) était déféré au demandeur dans des cas précis, lorsqu’il était établi que le défendeur devait quelque chose mais que le chiffre dû ne pouvait être prouvé. Un travailleur revendiquant des gages avait ainsi le droit de prêter serment concernant le montant qu’il affirmait lui être dû. Un boutiquier qui prétendait avoir avancé de l’argent ou des biens à un tiers sur la requête du défendeur, sans pouvoir le prouver et sans que le défendeur nie, pouvait jurer de la somme qui lui était due. Si un propriétaire foncier prouvait que le défendeur avait pénétré dans son domaine les mains vides et qu’il en était reparti avec du bétail, la quantité de bétail était fixée sur la base de son serment. Un créancier qui avait prouvé l’existence d’une dette mais admettait l’avoir en partie recouverte devait jurer qu’on lui devait bien la somme restante. Ce type de serment s’appliquait aussi en cas de blessure : s’il était prouvé ou admis que le demandeur était sain de corps lorsqu’il avait rencontré le défendeur et qu’il était blessé lors de leur séparation, le demandeur pouvait jurer que l’auteur de la blessure était le défendeur. Enfin, si un défendeur suspecté d’être un menteur invétéré se voyait dénier le droit de jurer, le serment pouvait être référé au demandeur178.
- Le serment postmishnaïque (héb. shevu’a hesset) correspond à une évolution des procédures à partir du iiie siècle ap. J.-C. Jusque-là, le défendeur n’avait à jurer que si le demandeur amenait un début de preuve. Les juristes du Talmud en vinrent néanmoins à élaborer une règle de présomption selon laquelle un plaignant ne présentait pas, a priori, de revendication infondée ou vexatoire. Dès lors, un demandeur qui ne produisait aucune preuve eut le droit de réclamer le serment du défendeur. Si le défendeur refusait de jurer tout en persistant dans sa dénégation, il pouvait référer le serment au demandeur. Ce dernier remportait le procès s’il s’exécutait, et le perdait dans le cas contraire. De même, un demandeur qui avait le droit de prêter le serment mishnaïque pouvait y renoncer et demander de le référer au défendeur sous sa forme postmishnaïque179.
50Dans tous les cas, le tribunal, avant de déférer le serment, avertissait le jureur de la gravité de son acte et de la punition divine réservée au parjure. À l’origine, tout serment devait être prononcé en hébreu, mais dans le courant de la période talmudique, l’usage de la langue vernaculaire fut accepté. Les serments du Pentateuque et mishnaïque étaient prêtés en tenant le rouleau de la Torah et en invoquant Dieu. Le serment postmishnaïque était prononcé sans tenir le rouleau et sans mention du nom divin180. Si un défendeur se dérobait au serment mishnaïque ou postmishnaïque, une excommunication (ḥerem) de trente jours pouvait être formulée à son encontre, et il pouvait aussi se voir infliger des coups de fouet181.
2.2.3. Le jugement
51Après avoir entendu les parties et examiné les preuves, les juges se retiraient pour délibérer. Selon l’ancienne coutume de Jérusalem, la discussion devait avoir lieu en privé, mais une tradition talmudique affirme que les étudiants des juges pouvaient assister aux délibérations et y participer. En cas de procédure civile, le juge le plus âgé, ou le président du tribunal, commençait par exposer son opinion sur l’affaire. Tout juge avait le droit de changer d’avis au cours de la discussion. Un juge qui ne parvenait pas à se décider devait le faire savoir : il était alors considéré comme absent et deux autres juges étaient ajoutés au tribunal182. Le verdict pouvait être rendu à l’unanimité (dans l’idéal) ou à la majorité. Tout jugement devait être prononcé le jour même de l’audition des plaideurs, et les parties pouvaient réclamer une copie écrite du jugement183. Ce dernier pouvait plus tard être révisé par la même cour si une erreur de droit était avérée, ou si de nouvelles preuves étaient produites. Le procès ne pouvait néanmoins être rouvert si le tribunal avait au préalable fixé une limite de temps pour l’apport de nouvelles preuves et si celle-ci était dépassée, ni dans le cas où la partie avait expressément déclaré n’avoir aucune preuve additionnelle184.
52Lors d’une procédure pénale, le plus jeune juge lançait le débat. Les délibérations avaient sans doute lieu devant l’accusé, qui était d’abord invité à prendre la parole pour sa défense. Un juge qui commençait par se prononcer en faveur du prévenu ne pouvait plus changer d’avis. Chaque juge devait émettre son opinion sur la base de ses connaissances et de son intime conviction. L’accusé était condamné si une majorité se dégageait à son encontre. En revanche, l’unanimité des juges bloquait toute condamnation : le verdict était alors ajourné jusqu’à ce qu’un des juges se prononce en faveur de l’acquittement. Si les délibérations n’étaient pas arrivées à leur terme en fin de journée, elles s’interrompaient pour ne reprendre que le lendemain matin. En théorie, lors d’une condamnation à mort, la sentence devait être annoncée publiquement sur le chemin de l’exécution, et les noms des témoins mentionnés : quiconque avait quelque chose à dire pour la défense du condamné était appelé à se manifester185. Mais en pratique, dans les territoires sassanides, il semble que la juridiction juive ne couvrait pas la peine capitale, domaine réservé de l’État186.
53Au-delà de ces règles, communes aux Talmuds de Jérusalem et de Babylone, les juges palestiniens et irakiens appréhendaient leur rôle de manière différente. Leur devoir de justice et leur responsabilité devant Dieu prêtaient en effet à interprétation. Les juges palestiniens, tels que les évoque le Talmud de Jérusalem, craignaient tant de commettre une erreur qu’ils préféraient souvent s’abstenir de rendre un jugement et privilégiaient le compromis entre les plaideurs187. De leur côté, les juges babyloniens se montraient plus attachés au concept d’adjudication, qui supposait l’émission d’un jugement. La nécessité d’atteindre un verdict juste les incita donc à s’affranchir, si nécessaire, des règles de procédure ordinaires : ils pouvaient à l’occasion renverser la charge de la preuve, approfondir les enquêtes sur les témoins, user de châtiments discrétionnaires, etc.188. Le juge babylonien pouvait par ailleurs s’appuyer sur sa connaissance subjective d’une affaire si les preuves contredisaient son intuition : sa décision devait refléter la vérité telle qu’il la percevait189. Les Babyloniens considéraient, enfin, que la collégialité du tribunal limitait la responsabilité individuelle des juges devant Dieu190. Ces visions divergentes du rôle des juges rabbiniques eurent sans doute des conséquences sur l’administration de la justice juive telle qu’on la voit fonctionner dans les documents de la Geniza à partir du ive/ xe siècle : peut-être influencé, selon Goitein, par le Talmud de Jérusalem et les pratiques palestiniennes, le tribunal de Fusṭāṭ évitait de rendre ses décisions sous forme de jugements officiels, auxquels il préférait la reconnaissance écrite de ses devoirs par la partie perdante – ce qui maintenait l’apparence d’un compromis entre les plaideurs191.
3. JUSTICE ET PROCÉDURES DANS LA CHRÉTIENTÉ SYRIAQUE
54Les communautés chrétiennes des deux empires qui se partageaient le Proche-Orient avant l’Islam étaient fort diverses, tant par leurs affiliations théologiques que par leurs langues liturgiques. Les chalcédoniens côtoyaient des anti-chalcédoniens qualifiés de monophysites ou de diophysites. Si le grec demeurait la langue des élites religieuses de l’Empire byzantin, le copte et le syriaque, plus proches des langues parlées au quotidien par les fidèles, étaient privilégiés par certaines communautés192, tandis que du côté sassanide, le syriaque l’emportait probablement sur l’usage du pehlvi.
55Au sein de cette diversité linguistique, la langue syriaque apparaît comme le principal facteur d’unité. Forme écrite du dialecte araméen de la région d’Édesse, le syriaque s’était imposé à la veille de l’Islam comme la langue liturgique et intellectuelle d’une grande partie des communautés chrétiennes d’Orient. Contrairement au grec et au copte, qui n’étaient pratiqués que dans l’Empire byzantin, et au pehlvi des Sassanides, le syriaque s’était répandu de part et d’autre de la frontière. Il représentait la langue principale de l’Église syro-occidentale (aussi qualifiée de jacobite ou de miaphysite, et appelée monophysite par ses adversaires), majoritairement présente en Syrie et, à un moindre degré, en Mésopotamie ; celle également de l’Église syro-orientale (qualifiée de nestorienne par ses adversaires193), majoritaire en Mésopotamie, en Irak et en Iran194. Les sources syriaques, notamment canoniques, offrent ainsi une perspective transrégionale sur la justice chrétienne avant l’émergence de l’Islam.
3.1. Les sources juridiques syriaques : remarques méthodologiques générales
56Le recours aux sources juridiques chrétiennes, jusqu’ici peu exploitées par les historiens, soulève des questions méthodologiques qu’il convient d’évoquer brièvement. Le droit ecclésiastique repose pour l’essentiel sur trois types d’autorité : scripturaire (les Écritures), canonique (les règles édictées par les conciles/synodes) et patristique (les textes des Pères de l’Église). L’autorité scripturaire ne nous intéresse qu’en ce qu’elle peut être invoquée par les sources ecclésiastiques composées au cours de la période étudiée. Les textes canoniques sont en revanche plus pertinents pour notre objet d’étude. La tradition ecclésiastique réunit dans des synodicon-s les actes et canons des principaux synodes (appelés « conciles » lorsqu’ils apparurent œcuméniques) des Églises orientales (synodes syro-orientaux, syro-occidentaux, melkites, etc.). D’autres sources utiles à notre propos relèvent quant à elles de l’autorité patristique. C’est le cas d’un droit ecclésiastique élaboré hors conciles/synodes durant l’Antiquité, dont une partie fut adaptée en syriaque pour les besoins des communautés orientales. L’époque patristique étant considérée comme close avec Jean Damascène (m. 749 ?), il est difficile de considérer les œuvres plus tardives – notamment chez les nestoriens – comme relevant d’une telle autorité. Les traités juridiques qui furent rédigés (par des clercs) pour compléter les actes des synodes et/ou offrir des instruments de référence plus utilisables constituent quoi qu’il en soit un type de source essentiel. L’historien dispose en outre de documents de la pratique, constitués de réponses ad hoc à des questions juridiques ou judiciaires, qui furent conservés et compilés à des époques généralement inconnues pour servir de référence.
57Le premier problème, évident au vu de cette énumération, est celui de la datation. Certains des recueils dont nous disposons aujourd’hui, et qui réunissent souvent plusieurs de ces catégories, furent compilés à des périodes difficiles à déterminer avec exactitude, même lorsque les manuscrits peuvent être datés d’après leurs colophons ou selon des critères paléographiques/codicologiques. Dans le cas des synodicon-s, les historiens en sont souvent réduits à s’appuyer sur la datation de la matière même des textes, et à supposer que la compilation est intervenue peu après le dernier synode mentionné.
58La seconde difficulté tient à la structure de cette littérature canonique, notamment celle des collections synodales. Ces recueils fonctionnent par accumulation : les actes des synodes y sont reproduits, par ordre chronologique, sans que l’on connaisse les modalités d’utilisation de la matière juridique par les lecteurs. À quel(s) synode(s) ces derniers étaient-ils supposés se référer en priorité ? Un canon pouvait-il en abroger un autre ? Dans quelle mesure le lecteur pouvait-il opérer un libre choix dans ce que ces collections lui proposaient ? Bref, le droit canonique oriental fonctionnait-il par stratification (chaque strate ayant virtuellement la même valeur que la précédente), ou au contraire par élimination (seule la strate supérieure faisant autorité) ? La question est d’autant plus problématique que les recueils de synodes furent tous compilés à la période islamique. Cet aspect cumulatif du droit canonique entraverait particulièrement le travail de celui qui chercherait à comprendre les usages de ces recueils. L’historien des débuts de l’Islam peut en revanche considérer les décisions canoniques promulguées à chaque période comme représentatives d’une étape historique de la pensée juridique195.
59Enfin, comme toute source juridique, le droit canonique est le produit d’une théorisation dont la portée est difficile à évaluer. Les synodes orientaux furent réunis afin de discuter des problèmes et d’édicter des normes supposées les résoudre. De même, les auteurs de traités canoniques proposent des réponses à des problèmes spécifiques, ou apportent une réflexion ad hoc. Dans quelle mesure ces modèles idéaux furent-ils appliqués dans la réalité ? Nombre de normes furent sans doute édictées, ou répétées, précisément parce que le quotidien obéissait à d’autres règles. Même les documents promulgués par des ecclésiastiques dans le cadre de procédures judiciaires ne permettent pas de préjuger de leur application fidèle par les destinataires. L’historien demeure tributaire d’une élaboration juridique que les autres sources chrétiennes (chroniques, hagiographies) ne permettent que rarement de compléter en raison du peu d’intérêt qu’elles portent aux affaires judiciaires. C’est donc avant tout à l’évolution de la théorie que cette section, ainsi que celles traitant de la justice ecclésiastique en terre d’Islam, sera consacrée.
60Nous examinerons successivement l’évolution des systèmes judiciaires syrooccidental et syro-oriental, aux traditions canoniques distinctes. Par souci de clarté, nous qualifierons parfois les adeptes de ces Églises de « jacobites » et de « nestoriens », en sachant que ces dénominations sont utilisées de manière conventionnelle et ne prétendent pas décrire leurs positions théologiques196.
3.2. La justice de l’Église syro-occidentale
3.2.1. L’episcopalis audientia dans l’Empire romano-byzantin
61Les évêques de l’Empire romain rendaient la justice dans le cadre de l’episcopalis audientia (tribunal épiscopal)197. Cette juridiction ecclésiastique fut reconnue par les autorités impériales en plusieurs étapes. En 318, l’empereur Constantin (r. 306-337) émit un bref édit par lequel il ordonnait aux juges séculiers d’admettre le transfert d’une affaire devant l’évêque si l’une des parties le désirait ; sa sentence serait considérée comme contraignante198. En 333, Constantin précisa que le jugement de l’évêque était définitif et ne pouvait faire l’objet d’aucune procédure en appel199 ; les gouverneurs de provinces et l’armée se voyaient ordonner d’exécuter ses décisions200.
62Pour Constantin, l’évêque avait apparemment compétence quel que soit le type d’affaire, à condition qu’une partie souhaite la lui déférer (et même si l’adversaire s’y opposait)201. Selon Jill Harries, il est probable que la législation constantinienne eut peu d’effets : on ne trouve pas de procès entre chrétiens et païens devant l’évêque dans les décennies qui suivent, et les évêques continuèrent plus probablement à servir d’arbitres202. En 398, l’empereur d’Orient Arcadius (r. 395-408) semblait d’ailleurs plus mitigé : certes, les tribunaux épiscopaux étaient ouverts à tous, mais le recours à cette instance devait avoir lieu sur décision des deux parties ; l’espiscopalis audientia fut plus clairement assimilée à une institution d’arbitrage, par la mention d’un compromissum devant être établi par les plaideurs203. L’empereur d’Occident, Honorius (r. 395-423), distinguait pour sa part les affaires ecclésiastiques, entrant dans les compétences de l’episcopalis audientia, et les litiges séculiers, relevant des tribunaux ordinaires204. En d’autres termes, la juridiction de l’évêque n’était pas placée sur le même rang que les tribunaux séculiers : le recours à l’episcopalis audientia relevait d’une démarche personnelle, nécessitait l’accord des parties, et la décision de l’évêque, bien que contraignante, n’était qu’un arbitrage205. Dès 376, une loi de Gratien (r. 367-383) était venue préciser que les cas criminels tombaient sous le coup de la juridiction séculière206. En 452, la novelle XXXV de Valentinien III (r. 424-455) confirma la nature arbitrale de la cour épiscopale : qu’une des parties refuse de soumettre le litige à l’évêque, et ce dernier perdait sa compétence au profit d’un tribunal séculier, même lorsqu’un des plaideurs était clerc207.
63Le droit romain laisse donc planer le doute quant à la place qu’occupait la justice épiscopale dans l’Antiquité tardive208. Celle-ci se précisa toutefois au vie siècle. Justinien (r. 527-565) renforça l’episcopalis audientia et en fit une des expressions de la justice de l’État romain ; il autorisa notamment les ecclésiastiques à tenir audience dans les villes dépourvues de magistrats, et leur ordonna d’entendre certains litiges lorsque la neutralité des juges provinciaux ne semblait pas respectée209. Les décisions des juges ecclésiastiques étaient désormais passibles d’un recours devant l’empereur, ce qui intégrait l’episcopalis audientia dans la hiérarchie judiciaire impériale210. Notons par ailleurs que la christianisation de l’Empire aboutit à la multiplication des diocèses. Sous le règne de Justinien, la Palestine comptait une cinquantaine d’évêques, et à la fin du vie siècle la Syrie en avait plus de 70211. Cela signifie que certaines régions disposaient d’un maillage épiscopal assez serré pour que le recours à l’évêque soit envisageable par tout un chacun.
64Au-delà des ambiguïtés touchant la compétence des évêques et le statut de leur parole, l’organisation de leurs audiences est connue dans ses grandes lignes. Des exemples pris dans différentes provinces de l’Empire romain tardif montrent que l’évêque rendait tantôt la justice dans le palais épiscopal (episcopeion), tantôt sous le porche d’une église212. Le demandeur produisait une déclaration écrite (libelle) dans laquelle il exposait sa plainte213. La charge de la preuve incombait en principe au demandeur, mais pouvait en certaines circonstances être imposée au défendeur214. « Les témoins devaient avoir au moins quatorze ans, ne pas être de la maison de l’accusateur, offrir des garanties de moralité215. » La parole des ennemis, des témoins subornés, des excommuniés et des hérétiques devait être rejetée ; le faux témoignage était puni d’excommunication. En revanche, un individu était tenu de témoigner s’il savait quelque chose. Le serment pouvait être utilisé comme dans la procédure romaine216.
65Selon Caroline Humfress, les procédures de l’episcopalis audientia correspondaient, aux ive et ve siècles, à une adaptation directe du droit romain tardif, notamment pour ce qui concerne la convocation du défendeur au tribunal, la capacité des témoins et l’évaluation des preuves217. Dans certains cas, un demandeur pouvait même entamer un procès par l’envoi à l’empereur d’une supplicatio comportant une demande de protection ; celui-ci répondait par un rescrit, confiant à un concile la résolution de l’affaire par une forme de délégation impériale218. La justice de l’évêque était en grande partie calquée sur celle des autorités séculières : des notarii étaient vraisemblablement employés pour mettre par écrit et enregistrer les sentences épiscopales, et ces dernières étaient peut-être déposées dans les archives de la cité – en plus de leur conservation dans les registres épiscopaux219.
3.2.2. La justice des clercs jacobites
66Au-delà du tableau général qu’il est possible de dresser des pratiques judiciaires ecclésiastiques dans l’Empire romain, il convient d’observer de plus près le rôle de l’Église syro-occidentale, la mieux documentée pour la Syrie des derniers siècles de la domination byzantine. À partir de la fin du ve siècle, et surtout au vie siècle, une partie de l’Église syrienne se distingua par son adoption progressive d’une théologie anti-chalcédonienne de tendance miaphysite. L’œuvre missionnaire de Jacques Baradée (m. 578) – et de manière secondaire celle de Théodore d’Arabie –, à partir de 542, entraîna la conversion d’une grande partie de la Syrie à ce courant, notamment dans les campagnes araméophones. Les villes grecques de la côte demeurèrent quant à elles majoritairement chalcédoniennes. Sur ordre de l’impératrice Théodora, qui répondait en cela à la demande du Ǧafnide/Ġassānide Arethas (al-Ḥāriṯ b. Ǧabala), les deux prédicateurs furent respectivement ordonnés métropolites miaphysites d’Édesse et de Bosra. Ils ordonnèrent à leur tour des évêques concurrents de ceux de l’Église impériale, jetant les bases d’une nouvelle communauté qui paracheva sa transformation en Église « jacobite » (appellation polémique, donnée par ses adversaires) au viie siècle, quand l’autorité byzantine s’effaça de Syrie220.
67L’Église de Syrie évoqua très tôt sa manière de concevoir son rôle judiciaire, dans une littérature religieuse attribuée aux plus anciennes autorités de l’Église. La Didascalia apostolorum, texte pseudo-apostolique à l’origine composé en grec dans la Syrie-Palestine du iiie siècle et traduit en syriaque dans les années 300-330221, évoque, sur un ton polémique et avec quelques détails, une episcopalis audientia active dans la résolution des conflits entre laïcs. Des extraits de cette Didascalia relatifs à l’art de juger furent plus tard intégrés dans le seul grand recueil juridique syro-occidental connu222, ce qui témoigne de la valeur qui fut reconnue à ce texte jusqu’à l’époque islamique. D’autres sources pseudo-apostoliques, comme les Canons des apôtres qui furent ensuite traduits en arabe et intégrés au droit des Églises melkite et syro-occidentale, sont pour leur part beaucoup moins prolixes quant au fonctionnement de cette justice223.
68La littérature synodale vint, dans un second temps, compléter cette première réflexion sur la justice ecclésiastique et, dans une certaine mesure, en redéfinir les enjeux. La portée de ces sources canoniques déborde la simple Église syro-occidentale, car elles incorporent la traduction en syriaque des conciles œcuméniques et des synodes orientaux qui se réunirent entre 325 (Nicée) et 451 (Chalcédoine). Tout comme pour la Didascalia, cette intégration témoigne néanmoins de l’appropriation d’une partie de cette réglementation par l’Église syro-occidentale, sanctionnée dans un Synodicon rassemblé plus tard et dédié au droit de l’Église syro-occidentale en général224.
69L’Église syro-occidentale conserva par ailleurs les lettres de certaines de ses autorités les plus éminentes, qui permettent de restituer une partie du fonctionnement de la justice ecclésiastique. Ce corpus épistolaire est pour l’essentiel représenté par les missives de Sévère d’Antioche (patriarche de 512 à 518), étudiées par Frédéric Alpi225. Actif avant la formation d’une Église syro-occidentale, Sévère assimilait son œuvre à celle de l’Église impériale. Néanmoins anti-chalcédonien, il devint plus tard l’une des principales autorités de l’Église syro-occidentale et une partie de sa correspondance fut traduite en syriaque au viie siècle. Si sa pratique ne peut donc être considérée comme représentative du fonctionnement historique de la justice syro-occidentale, elle acquit au sein de cette Église une valeur exemplaire qui put inspirer les pratiques postérieures. C’est donc en tant qu’elle participa d’une autorité patristique au sein de l’Église syro-occidentale que nous nous permettrons d’y faire référence.
70Il nous faut pour l’heure exclure un quatrième type de source, le droit syroromain provincial. Comme nous le verrons plus en détail, rien ne permet en effet d’affirmer que le fameux Livre de droit syro-romain servit de référence aux autorités ecclésiastiques syro-occidentales (ni syro-orientales) avant l’Islam.
• Les autorités judiciaires de l’Église syro-occidentale
71L’Église syro-occidentale s’interrogea de manière précoce sur l’organisation de la justice. À une époque où l’episcopalis audientia s’ancrait résolument dans la législation romaine226, la Didascalia apostolorum insiste sur le rôle judiciaire du clergé. Dans sa version syriaque du début du ive siècle, évêques et diacres (mšamšōnē) sont invités à entendre les accusations portées à l’encontre de « frères »227. Un peu plus loin, c’est à « l’évêque, avec les prêtres » (apīsqūpō ʿam qašīšē) de rendre la justice228, ce qui suggère la composition de tribunaux collégiaux, l’évêque étant accompagné d’assesseurs229.
72De leur côté, le 15e canon du synode d’Antioche in Encæniis (341) et le 4e canon du concile de Constantinople (381) insistent sur la nécessité de faire examiner les accusations portées contre un évêque par l’assemblée synodale de sa province230. Les évêques réunis doivent alors rendre une décision unanime231. Plus tard, le 9e canon du concile de Chalcédoine (451) prescrit que toute dispute entre clercs soit portée devant leur évêque ou bien, si l’évêque l’ordonne, devant un arbitre choisi par les parties232.
73La Didascalia ne disqualifie pas la justice temporelle : les autorités judiciaires païennes, insiste-t-elle, font preuve en matière criminelle d’une prudence modèle233. La reconnaissance d’une telle exemplarité rejoint les conclusions de Caroline Humphress à propos de l’impact des pratiques judiciaires séculières sur le développement de la juridiction ecclésiastique234. Pour autant, dès le ive siècle, l’Église est érigée en institution judiciaire privilégiée : les autorités ecclésiastiques sont invitées à ne pas laisser leurs ouailles solliciter le jugement d’un juge païen – c’est-à-dire romain235. Au ve siècle, le 9e canon du concile de Chalcédoine insista sur la nécessité de s’adresser à l’évêque, en particulier lorsque le litige opposait des clercs, qui « ne devaient pas courir [porter leur cause] devant un tribunal séculier236 ».
74La correspondance de Sévère, patriarche d’Antioche de 512 à 518, permet d’approcher le fonctionnement pratique de cette justice ecclésiastique. En tant qu’évêque, le patriarche d’Antioche jouissait d’un pouvoir judiciaire de première instance. Il examinait des causes civiles, comme celle d’Antonin de Béroia, qui revendiquait une propriété pour son Église. Le patriarche pouvait aussi se substituer à un évêque absent de sa juridiction et faisait alors venir à lui les plaideurs pour entendre leur cas. Un autre cas montre qu’il pouvait dessaisir d’une affaire un évêque se dérobant à son devoir de justice237.
75Le synode provincial réuni autour du métropolite constituait, depuis le ive siècle, une instance juridictionnelle hiérarchiquement plus élevée que celle de l’évêque, et susceptible de revoir les jugements de ce dernier. Sévère d’Antioche développa pour sa part une institution supérieure : celle du synode général du diocèse d’Orient, qui réunissait tous les six mois les évêques d’une demi-douzaine de provinces autour du patriarche238. Selon Sévère, la juridiction synodale devait éviter aux clercs délinquants de comparaître devant la justice civile impériale, susceptible de prononcer des condamnations plus lourdes239. « Le synode patriarcal siège […] comme tribunal disciplinaire de première instance240 », écrit Frédéric Alpi, qui mentionne plusieurs citations à comparaître incluses ou mentionnées dans la correspondance de Sévère d’Antioche : pratiques usuraires, simonie, faux en écriture font ainsi l’objet de procès devant le synode. Mais conformément aux canons de Nicée (325), d’Antioche (330) et de Constantinople (381), le synode assumait également le rôle d’une juridiction d’appel : il était possible d’y recourir contre un verdict prononcé par un tribunal épiscopal241. En théorie, ce synode patriarcal ne faisait que compléter les synodes provinciaux ; en pratique, Sévère s’en servait parfois de manière concurrente, son jugement s’y substituant à celui du métropolite242.
76Il apparaît enfin que, même dans le cadre d’affaires impliquant des membres du clergé, Sévère pouvait s’associer à des autorités laïques. Quand éclata le scandale du moine Pélage, soupçonné d’avoir transformé un couvent en foyer chalcédonien, le patriarche se rapprocha du comte d’Orient avec lequel il constitua une commission d’enquête chargée d’interroger le moine. Celle-ci ne constituait pas un véritable tribunal, comme le souligne Frédéric Alpi243, mais la collaboration entre ecclésiastiques et laïcs montre qu’en certains cas particulièrement problématiques une alliance entre ces deux pôles d’autorité était envisageable.
• Statut de la justice ecclésiastique
77Comme l’ont constaté nombre de spécialistes de l’Antiquité tardive, le statut de la « justice » ecclésiastique est peu clair. La législation constantinienne donnait aux évêques des pouvoirs équivalents, si ce n’est supérieurs, à ceux de juges étatiques244. Jill Harries souligne pourtant que, dans un texte comme les Constitutions apostoliques – qui incluent les Canons des apôtres –, la « justice » ecclésiastique est décrite dans un vocabulaire moins judiciaire que médical : l’évêque apparaît comme le médecin de ses ouailles245. En tant que tel, il lui revient avant tout d’agir en médiateur et de réconcilier les parties en conflit246. Les peines prononcées sont par ailleurs limitées – relégation pour les clercs, pénitence ou excommunication pour les laïcs – et n’ont d’effet qu’en vertu de l’importance que leur accordent les chrétiens247. Il en va de même pour la correspondance de Sévère d’Antioche, dans laquelle seules des causes disciplinaires impliquant des clercs ont laissé des traces248.
78Les sources syriaques confirment le statut ambigu de la justice ecclésiastique. Cette dernière n’est qu’un pis-aller : dans un monde parfait tel que le conçoit l’Église, les chrétiens ne devraient pas se montrer injustes les uns envers les autres et jamais ils ne devraient en arriver au procès. Il est, néanmoins, des circonstances où la comparution au tribunal est inévitable, et la sévérité du jugement devrait, en théorie, avoir une valeur dissuasive et persuader les autres fidèles de régler leurs conflits sans recourir à l’autorité249. Conformément à l’Évangile de Matthieu (5 : 9), l’idéal de l’Église est avant tout d’éduquer les masses et de rétablir la concorde sans passer par la voie judiciaire, par le seul biais de l’admonestation250. Les juges auxquels s’adresse la Didascalia sont incités à intervenir comme médiateurs (« faiseurs de paix ») entre les parties avant de se résoudre à jouer le rôle de juge251. Si rendre un jugement s’avère malgré tout nécessaire, il doit être rendu « de manière prudente » (zhīrōīt)252.
79La parole du « juge » ecclésiastique est également ambiguë :
Tout d’abord, rendez vos jugements253 le lundi, de sorte que, si par hasard quelqu’un s’élevait contre vos verdicts, vous ayez du temps avant la fin de la semaine. Vous pourrez ainsi arranger l’affaire, rétablir la paix entre ceux qui se disputent, et les réconcilier le dimanche254.
80Le « jugement » ou « verdict » (dīnō), dans ce contexte, n’est pas présenté comme un acte d’autorité tranchant dans le vif. La Didascalia conçoit que ce « jugement » puisse susciter des contestations. De surcroît, l’important est, à nouveau, le retour à la concorde et la réconciliation des plaideurs255, qui doit symboliquement être atteinte pour le dimanche. Sur un plan rhétorique, tout se passe donc comme si le jugement n’était qu’une étape vers la réconciliation.
81Est-ce à dire que la parole du juge n’avait pas de réelle autorité ? Que, loin d’être un « jugement », il ne s’agissait que d’une « proposition », une solution envisagée dans le cadre d’une médiation ? Claudia Rapp remarque que la position sociale de l’évêque au sein de sa communauté, comme le fait qu’il était élu à vie, durent favoriser l’observation de ses jugements256. L’évocation par la Didascalia d’oppositions à la parole du juge suggère par ailleurs que celle-ci était supposée faire autorité, et que le reste de la semaine devait être employé soit à persuader le perdant du bien-fondé de la sentence, soit à trouver une solution alternative qui éviterait de devoir appliquer le jugement.
82L’autorité revendiquée par le juge dans l’énoncé de son verdict transparaît enfin dans la sanction prévue à l’encontre des réfractaires : le condamné qui refuse de se soumettre et d’appliquer le jugement doit être exclu de la communauté jusqu’à ce qu’il fasse acte de contrition257. Sanction bien faible, diront certains. Ce serait néanmoins oublier que l’exclusion du groupe et de la foi compromet immédiatement la survie sociale de l’individu et, à terme, son salut éternel258. Pour une société où la religion est un ciment « liant » les hommes entre eux et à Dieu, rares sont les châtiments aussi sévères que l’excommunication259. C’est donc bien un authentique procès qu’il est demandé à l’évêque et à ses subordonnés d’organiser, tout en sachant que le retour à la conciliation demeure possible260.
83Comme le souligne Jill Harries, l’évêque n’était ni un iudex tenu d’appliquer le droit romain, ni un arbitre tel que celui-ci définissait ses fonctions – les plaideurs n’eurent pas toujours besoin de rédiger un compromissum avant de s’adresser à lui, ni de s’engager à verser une pénalité en cas de non-respect de sa sentence261. Il n’était pas non plus un simple médiateur puisqu’il jouissait d’un pouvoir d’adjudication. Parce qu’elle relevait simultanément du droit romain et de pratiques chrétiennes préconstantiniennes, l’episcopalis audientia échappait en grande partie aux catégorisations du droit romain262. L’action judiciaire de l’évêque correspondait alternativement – y compris au cours d’une même affaire – à une forme de justice étatique, à un arbitrage et à une médiation/conciliation263.
3.2.3. Les procédures de l’Église syro-occidentale avant l’Islam
• Étapes du procès
84Le lieu où l’évêque exerçait sa justice n’est pas précisé dans les sources syriaques, et seules quelques indices glanés dans d’autres textes tardo-antiques permettent d’avancer des hypothèses à ce sujet. Claudia Rapp propose que la grande salle rectangulaire, parfois fermée par une abside, que l’on trouve dans tous les complexes épiscopaux de l’Antiquité tardive, devait notamment servir à l’exercice de la justice264. D’autres lieux pouvaient néanmoins être utilisés si l’on se fie à la rare documentation disponible ; ainsi un papyrus égyptien du ive siècle fait-il état d’une audience dans l’atrium situé à l’entrée d’une église265. La version arabe, remaniée, d’une vie de saint copte, évoque l’audition d’une affaire « à l’intérieur de l’église, devant l’autel266 ». Selon la correspondance de Sévère d’Antioche, lorsque le synode siège en cour de justice, « on place les saints Évangiles au milieu267 ». Le même auteur signale que la salle du tribunal possédait une antichambre où les prévenus attendaient assis leur tour de comparaître268.
85La procédure disciplinaire mise en œuvre au début du vie siècle dans le cadre du synode patriarcal de Sévère d’Antioche permettait la convocation du défendeur. Des huissiers ecclésiastiques remettaient des citations à comparaître aux supérieurs des clercs incriminés, qui pouvaient en certains cas être conduits devant le tribunal sous la contrainte physique269. L’Octateuque de Clément, à l’origine rédigé en grec et peut-être traduit en syriaque par Jacques d’Édesse (m. 708)270, prescrit que l’évêque contre qui sont portées des accusations soit convoqué par les évêques, peut-être par écrit ; s’il refuse de se présenter, « on l’appellera une seconde fois en lui envoyant deux évêques ». S’il ne se présente toujours pas à la troisième convocation – à nouveau par le biais de deux évêques –, il peut être condamné par contumace271.
86Il est plus difficile d’établir dans quelle mesure le tribunal épiscopal ordinaire pouvait user de contrainte. Selon la Didascalia, un procès ne devait avoir lieu qu’en cas d’échec de la conciliation. Lors de la venue de plaideurs, le juge devait commencer par les admonester et tenter de les réconcilier272. La correspondance de Sévère d’Antioche fait ainsi état d’une formule de conciliation adressée par le patriarche à des clercs et à l’évêque auquel un conflit les oppose273. Les procès, nous l’avons vu plus haut, devaient si possible avoir lieu le lundi, afin que les tensions retombassent pendant le reste de la semaine et que la concorde fût rétablie le dimanche274. Le juge recevait les plaideurs assis275. Les parties en litige devaient être présentes toutes deux à l’audience (litt. « au jugement », akḥadō b-dīnō) et se tenir debout (nqūmūn) devant le juge276. Après les avoir écoutées « de manière droite » (trīṣōīt), sans montrer aucune partialité envers l’un des plaideurs (d-lō mesab b-apē)277, le juge devait rendre une sentence (gzōrdīnō)278. À Antioche, Sévère semblait délivrer copies de ses jugements aux plaideurs279. L’Enseignement de l’apôtre Addai, un court recueil de canons syriaques provenant peut-être d’un modèle grec du ive siècle280, préconise que les juges qui se montrent iniques ne soient plus autorisés à rendre la justice281.
87Si la Didascalia insiste sur le fait d’entendre les deux parties ensemble282, le cœur de la procédure semblait constitué d’une « enquête » (ʿūqōbō) destinée à découvrir la vérité sur l’affaire283.
• Enquête sur les plaideurs
88L’Église syro-occidentale recommandait tout d’abord de s’enquérir de la fiabilité des plaideurs284. Au ive siècle, la version syriaque de la Didascalia apostolorum le demandait aux clercs (évêques et diacres) chargés d’examiner les accusations portées contre des chrétiens, sans que la personne faisant l’objet d’une enquête soit clairement définie. Un passage recommande de commencer par le défendeur et d’estimer sa conduite285, un autre demande d’enquêter plutôt en priorité sur « celui qui accuse » (le demandeur) et de déterminer s’il fait lui-même l’objet de plaintes, afin d’évaluer sa crédibilité286. Dans ce deuxième cas, l’enquête de moralité menée sur le demandeur paraît déterminante :
Recueillez tout d’abord des informations sur le demandeur [litt. « celui qui accuse »] ; voyez si des accusations ont aussi été portées contre lui, ou si par hasard il a également porté des accusations contre d’autres personnes ; [vérifiez] que sa plainte n’est pas consécutive à quelque inimitié antérieure, à une dispute (ḥeryōnō) ou à la jalousie. [Informezvous] de ses mœurs (dūbōraw). S’il se montre humble et peu colérique, et s’il ne calomnie pas autrui ; s’il aime les veuves, les pauvres et les étrangers, et s’il n’aime pas les profits impurs ; si c’est un homme calme, amical avec tout un chacun et appréciant tout le monde ; s’il se montre miséricordieux (mraḥmōnō) et s’il a le cœur sur la main ; s’il n’est ni gourmand, ni avide, ni injuste (ʿōlūbō), ni alcoolique, ni intempérant (asūṭō), ni paresseux – car le cœur pervers ourdit le mal et de tout temps sème le trouble dans la ville – ; s’il n’a commis aucune des abominations de ce monde, comme l’adultère (gūrō), la fornication (zōnyūtō) ou d’autres encore. Si, donc, le demandeur se trouve innocent de toutes ces choses, il apparaît déjà clairement qu’il est digne de foi (mhaymnō) et que sa plainte est fondée (šarīrō)287.
89Si, en revanche, le demandeur s’avère connu pour ses mauvaises mœurs, on doit penser que sa plainte n’est pas fondée et qu’il s’appuie sur de faux témoignages (sōhdūtō dagōlōtō), auquel cas il sera lui-même puni et rejeté de la communauté288. De même, l’enquête sur le défendeur, sur ses mœurs et sur les accusations précédemment portées contre lui permet d’estimer la valeur de l’accusation : s’il s’est déjà rendu coupable de méfaits, « il est vraisemblable (dōmyō) que l’accusation (maršūtō) portée contre lui est aussi fondée289 ».
90L’examen minutieux de la personnalité et des mœurs des plaideurs représentait ainsi une étape essentielle du procès : les conclusions de l’enquête constituaient autant de présomptions de l’innocence de l’un ou de la culpabilité de l’autre. L’accusation étant avant tout une parole, il convenait de déterminer laquelle, des deux parties, était la plus crédible et donc proche de la vérité. La valeur de ces présomptions n’est pas parfaitement claire. Il est possible qu’elles aient parfois été suffisantes pour qu’un jugement soit rendu : « C’est pourquoi vous devez enquêter avec soin sur ces choses, de sorte qu’avec la plus grande prudence, vous puissiez, en confiance, rendre une sentence décisive290. » La littérature conciliaire confirme la nécessité d’enquêter sur le demandeur, en particulier lorsque l’accusation touche un ecclésiastique291. Le concile de Constantinople, en 381, propose toutefois une exception à cette règle : si un individu accuse un évêque d’un préjudice direct, résultant d’une interaction personnelle, seuls les faits doivent être examinés et la moralité du demandeur ne doit pas être prise en compte292. Il apparaît ainsi que, dans bien des cas, une telle enquête était insuffisante : au-delà des mots de l’accusation, le procès portait sur des faits dont il pouvait être demandé d’apporter la preuve.
• Les preuves
91La littérature ecclésiastique syro-occidentale est avare en informations sur les preuves quant à l’objet même du litige. Le principal mode évoqué est le témoignage. Le nombre de témoins nécessaire pour donner une valeur probatoire à leurs dépositions est de « deux ou trois », en conformité avec le Deutéronome (XIX, 15) et l’Évangile de Matthieu (Matth. 18 : 16) qui sont généralement cités à l’appui293. Malgré cette imprécision, qui laisse la possibilité d’accepter seulement deux témoins, la Didascalia suggère que le nombre de trois doit plutôt être retenu pour des raisons théologiques – un parallèle étant établi entre le témoignage des hommes et la Trinité294. La déposition d’un seul individu n’avait pas valeur de preuve295 : si l’on en croit la version arabe des Canons des apôtres, malgré le caractère tardif de leur traduction, même le témoignage d’un évêque n’était pas valable s’il était isolé296. Tout en usant d’arguments théologiques afin de se démarquer du modèle impérial, l’Église ne se distinguait pratiquement pas du droit romain relatif au nombre des témoins297. Tout témoignage n’était pas acceptable : celui des païens à l’encontre des chrétiens devait être rejeté298, tout comme celui des hérétiques299. Une constitution de 412 oblige enfin l’accusateur d’un clerc à prouver ses dires devant le tribunal épiscopal par le biais d’écrits et de témoins300.
92Telles sont les rares données offertes par les sources canoniques syro-occidentales à propos des preuves. Faut-il en conclure que le témoignage était le seul type de preuve accepté ? Ou que l’Église recourait, dans sa pratique judiciaire, à d’autres catégories sanctionnées par le droit romain ? L’historien pourrait être tenté de compléter ces données par le Livre de droit syro-romain, une collection de constitutions des ive et ve siècles (principalement de Constantin, Théodose et Léon) dont une traduction syriaque exista peut-être dès le vie siècle301. Il n’existe néanmoins aucune preuve textuelle, à notre connaissance, permettant d’établir que la hiérarchie cléricale reprit dès l’époque antéislamique des procédures codifiées par le droit romain ou par le droit syro-romain302. Bien au contraire, Nallino souligne que les règles exposées dans le Livre de droit syro-romain s’infiltrèrent très peu dans le droit canonique oriental ; l’hypothèse d’une utilisation ancienne de l’ouvrage par l’Église est par ailleurs contredite par les premiers juristes chrétiens d’époque islamique, qui constatent l’inexistence dans leurs communautés d’une tradition juridique écrite303.
93Les documents de la pratique manquent pour appréhender le fonctionnement historique de la preuve dans le domaine syro-occidental. En Égypte, qui peut ici service de comparaison, le témoignage devant un évêque est attesté par plusieurs ostraca304. Le seul document judiciaire issu de l’espace syrien laisse supposer que d’autres formes de preuves étaient utilisées. Le papyrus P. Petra inv. 83, datant probablement de 574305, enregistre l’arbitrage qui eut lieu à Sadaqa, ancienne garnison romaine située à 25 km de Petra, suite à un litige foncier entre particuliers. Un des deux arbitres était un ecclésiastique, l’archidiacre Theodoros fils d’Alpheios306, et bien que l’acte d’arbitrage soit rédigé en grec, il est probable que les procédures suivies reflètent aussi celles de l’Église syro-occidentale, que les Ǧafnides/Ġassānides avaient largement contribué à faire éclore307. Si le document n’offre pas de description complète des procédures suivies, il apparaît néanmoins qu’à deux reprises, l’un et l’autre des plaideurs, placés en position de défendeurs, en viennent à jurer308. Un des deux serments, pour le moins, est prêté « dans la sainte chapelle du saint et illustre martyre Kyrikos, ici à Zadakatha309 ». Par ailleurs chacune des parties produit à l’audience des preuves documentaires de ses prétentions310.
• Compétence juridictionnelle
94La conception de sa compétence juridictionnelle par l’Église syro-occidentale transparaît de manière différente dans la Didascalia apostolorum et dans les sources synodales. La Didascalia prescrit des règles générales qui semblent s’appliquer à la résolution de tous types de conflits, notamment aux litiges entre laïcs. Cette vision de la justice ecclésiastique correspond à l’image, autrement connue par le droit romain, d’une episcopalis audientia ouverte à tous et tenue sur une base régulière. La littérature synodale offre une image quelque peu différente : les canons cités par le Synodicon occidental évoquent pour l’essentiel une justice destinée aux ecclésiastiques : ils envisagent avant tout les cas où un membre du clergé (en particulier un évêque) serait mis en accusation, soit par un laïc soit par un autre ecclésiastique311.
95Une telle différence de traitement ne peut que prêter à spéculations. Faut-il penser que l’Église syro-occidentale, à partir de la fin du ive siècle, n’envisageait plus l’episcopalis audientia que pour la résolution de litiges impliquant des clercs ? Doit-on proposer, au contraire, que cette différence ne fait que refléter l’évolution de problématiques internes à l’Église ? Peut-on croire que, tandis que l’episcopalis audientia continuait de fonctionner sans accroc pour les laïcs, les accusations visant de hauts membres du clergé se multiplièrent, dans un contexte de définition de l’orthodoxie et de rivalités entre Églises312 ? Pouvait-on craindre que des accusations calomnieuses soient portées en raison de divergences théologiques ? Certains canons le suggèrent : ainsi le 4e canon du concile de Constantinople (481), statuant qu’en cas d’accusation contre un évêque devant le synode, les accusateurs devront s’engager par écrit à recevoir un châtiment identique à celui encouru par l’accusé si leur accusation se voyait dénuée de tout fondement313. Les rivalités au sein de la hiérarchie ecclésiastique influencèrent aussi le traitement réservé à la justice par le droit canonique. Parfois le problème principal consistait à définir l’autorité juridictionnelle compétente sur certains évêques. Ainsi, alors qu’à la veille de l’Islam le métropolite de Takrīt prenait, en Irak, le titre de catholicos (il fut appelé maphrien à partir du xie siècle) et se proclamait représentant direct du patriarche d’Antioche314, un synode fut-il rassemblé au monastère de Mār Mattai afin de définir les rapports entre le métropolite résidant dans ce couvent et celui de Takrīt315. Les canons édictés vers l’an 629316 interdisaient notamment au « catholicos » de juger un évêque sans le consentement du métropolite de Mār Mattai (17e canon)317 ; il ne pouvait par ailleurs faire passer en jugement ce même métropolite, ni seul ni en synode (9e canon)318. Le principal problème abordé dans les conciles et autres synodes n’était pas la manière de rendre la justice, mais bien les risques liés à la mise en accusation des plus hautes autorités de l’Église. Cela pourrait dès lors avoir eu pour effet de grossir artificiellement la question des procès impliquant un clerc.
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96Les sources canoniques syro-occidentales offrent l’image d’une justice ecclésiastique qui, avant l’Islam, s’inscrivait dans le cadre plus large de la justice romano-byzantine. Conformément au droit romain postconstantinien, l’évêque et ses représentants se voyaient officiellement reconnaître le droit de tenir audience et de trancher les conflits entre justiciables. Selon les circonstances et l’identité des plaideurs, ils agissaient comme juges (ayant compétence dès qu’une partie le saisissait) ou comme arbitres (n’ayant compétence qu’en vertu de l’accord des deux parties), sans jamais renoncer à l’idéal chrétien de la conciliation. Le peu de chose connu sur les procédures suivies dans le cadre de l’episcopalis audientia montre que celles-ci reposaient sur le même socle conceptuel que le droit romain : la recherche de la vérité passait avant tout par l’établissement de la fiabilité du locuteur. Dans la procédure romaine, les témoins étaient le principal objet des investigations (afin, notamment, d’évaluer le degré de crédibilité découlant de leur statut social) ; dans la procédure ecclésiastique, l’enquête changeait partiellement de cible pour centrer son attention sur la personnalité des plaideurs – en particulier le demandeur. La procédure était accusatoire, étant initiée par la plainte d’une partie à l’encontre d’une autre ; elle intégrait, malgré cela, un important volet inquisitorial – l’enquête s’avérant nécessaire pour établir la fiabilité des parties ou de leurs témoins. L’importance de ce volet inquisitorial transparaît jusque dans un poème de l’évêque Jacques de Saroug (m. 521), quand il compare Dieu à un juge « qui, à travers ses questions, mène enquête sur le litige319 ».
97Plusieurs interrogations restent jusqu’ici sans réponse tranchée. Le droit de la preuve était à peine ébauché dans les textes canoniques syro-occidental antérieur à l’Islam. Les ecclésiastiques jouissaient-ils en ce domaine d’une large capacité d’appréciation ? Ou s’inspiraient-ils du droit romain sans qu’aucune régulation conciliaire n’ait été ressentie comme nécessaire ? Si cette seconde hypothèse semble la plus vraisemblable, elle reste difficile à prouver. Par ailleurs, le domaine de compétences réelles de l’episcopalis audientia à la veille de l’Islam demeure flou. Dans un empire largement christianisé, les plaideurs pouvaient trouver des juges chrétiens autres que leurs évêques. Comme le pense Jill Harries, la simplicité du système judiciaire épiscopal et son moindre coût encouragèrent certainement les plaideurs à saisir les autorités ecclésiastiques320. La littérature canonique offre pourtant l’image d’une justice ecclésiastique avant tout destinée aux clercs, et il reste malaisé de savoir dans quelle mesure les laïcs recouraient régulièrement à l’episcopalis audientia321.
3.3. Justice et procédures dans la chrétienté syro-orientale sous les Sassanides
98Le système judiciaire de l’Église syro-orientale est avant tout connu grâce aux sources canoniques. La principale, le Synodicon orientale, est un recueil des synodes nestoriens qui se tinrent jusqu’au viiie siècle – le dernier consigné étant celui de Ḥnānīšoʿ II en 775. La collection de ces canons synodaux, qui avaient entre-temps été conservés et lus à intervalles réguliers, fut probablement l’œuvre du catholicos Timothée Ier dans le dernier quart du viiie siècle322.
99La littérature pseudo-apostolique semble ici devoir être écartée : Jean Dauvillier propose que la version syriaque de la Didascalia apostolorum pourrait avoir circulé en Mésopotamie, mais remarque qu’elle ne fut pas retenue parmi les sources du droit canonique syro-oriental323. Bien que Walter Selb observe quelques traces de réception de la Didascalia dans le synode de Yahballāhā en 419324, ce texte ne semble pas pouvoir être considéré comme représentatif des pratiques en vigueur sous les Sassanides.
3.3.1. Les autorités judiciaires
• La juridiction de l’Église
100L’Église syro-orientale semble avoir toujours entretenu des liens assez lâches avec les autres Églises, notamment avec le patriarcat d’Antioche325. Son histoire connut un tournant majeur au début du ve siècle, lorsque le roi des rois sassanide Yazdgird Ier (r. 399-420) reconnut officiellement la hiérarchie ecclésiastique de Perse et lui accorda sa protection. Isaac, évêque de Séleucie-Ctésiphon (ar. al-Madā’in)326, entreprit alors d’unir l’Église de Perse. Il convoqua un synode en 410 – le « synode d’Isaac » – où il fut accepté comme chef de l’Église d’Orient327. L’évêque de Séleucie-Ctésiphon portait désormais le titre officiel de catholicos (ar. ǧāṯalīq)328. L’Église syro-orientale dont le synode d’Isaac jetait les bases se constitua une base dogmatique en adoptant « tous les canons régulateurs » apportés par Mārūtā – évêque de Mayperqaṭ (Martyropolis, ar. Mayāfariqīn) à la fin du ive et au début du ve siècle329 –, c’est-à-dire une collection canonique fondée sur le concile de Nicée et contenant sans doute les canons d’autres conciles330 : traduite en syriaque, cette collection « constitua le premier noyau du droit de l’Église chaldéenne331 ». Mais le synode d’Isaac ne se contenta pas d’assimiler une partie de la législation canonique antérieure, et adopta en outre 21 canons dont certains commencèrent à définir les contours d’une justice ecclésiastique332. Le 6e canon, en particulier, prescrivait que « deux fois par an les évêques s’assemblent, pour que, dans le synode de leur assemblée, toutes les querelles (ḥeryōnīn) et les accusations (ʿedlōyīn) prennent fin333 ». La fin de l’article suggère que tous les deux ans, le catholicos pourra trancher les disputes non résolues au cours d’une assemblée extraordinaire334. Par ailleurs, Mārūtā apporta 73 canons (les « Canons des 318 Pères ») dont certains tentent d’établir une hiérarchie judiciaire. Selon le canon 21, l’archidiacre (arkīdyaqōn), second après l’évêque, est en charge de la justice au quotidien : tout litige opposant un clerc à un autre clerc ou à un « étranger » doit lui être soumis335. Nul plaideur ne doit porter sa plainte directement devant l’évêque, afin que ce dernier ne puisse être accusé de prendre parti dans des conflits d’intérêts336.
101Le pouvoir « judiciaire » du catholicos fut affirmé plus clairement par le synode de Dādišoʿ337 en 424 :
Pour aucun motif on ne pourra penser ou dire que le catholicos de l’Orient peut être jugé par ceux qui sont au-dessous de lui, ou par un patriarche338 comme lui ; lui-même doit être le juge de tous ceux qui sont au-dessous de lui, et son propre jugement est réservé au Christ qui l’a choisi, élevé et placé à la tête de son Église ; car il a plu à sa Majesté infinie que son autorité souveraine soit perpétuée et honorée dans le principat de son Église. Donc, quiconque est inférieur au catholicos, est son disciple et son sujet, peut être appelé en jugement par le catholicos, et doit accepter volontiers toute sentence qui émane de celui-ci339.
102Le nestorien ʿAmr b. Mattā, vers le xive siècle, commentait l’œuvre législative de Dādišoʿ en insistant sur l’utilité de ses canons, qui « renforcèrent la religion et le droit de l’Église » (qawānīn mufīda fī tašyīd al-dīn wa-l-aḥkām al-šarʿiyya)340. N’en concluons pas trop vite que le catholicos était désormais l’autorité suprême, effective et incontestée des chrétiens syriaques orientaux : le synode de Dādišoʿ fut réuni dans un contexte de tensions extrêmes, alors que la primauté du catholicos faisait l’objet de contestations. Dādišoʿ avait auparavant été déposé par des évêques dissidents et emprisonnés par le roi des rois sassanide341. Le catholicos entendait consolider sa position et disqualifier l’opposition qui l’avait temporairement évincé. Proclamer son autorité judiciaire suprême devait surtout empêcher qu’il soit lui-même jugé et condamné342. Soulignons par ailleurs que l’autorité du catholicos est d’abord proclamée au sein de la hiérarchie ecclésiastique : rien n’indique que sa justice doit s’appliquer aux laïcs, ni même que le droit pénal esquissé par le synode de Dādišoʿ343 concerne d’autres catégories que les évêques et les prêtres.
103Les synodes de 410 et 424 marquèrent l’indépendance de l’Église syroorientale, désormais autocéphale344. Ce n’est que peu à peu, au cours des ve et vie siècles, que cette Église développa ses particularités théologiques, exégétiques et canoniques, se transformant en ce que ses adversaires qualifièrent d’Église « nestorienne345 » – alors que l’école d’Édesse puis de Nisibe, la plus influente dans l’Église syro-orientale, se réclamait principalement de Théodore de Mopsueste (m. 428)346. Parallèlement, l’Église syro-orientale continua de s’organiser.
• Un renforcement de la justice ecclésiastique au vie siècle
104Le vie siècle fut marqué par de nouvelles réflexions sur l’autorité judiciaire de l’Église. Le synode de Joseph, en 554347, évoque des jugements écrits qui ont été émis par des assemblées d’évêques, et accuse certains ecclésiastiques de s’y opposer348 ; il reproche par ailleurs à certains laïcs (bnay ʿōlmō) d’interférer dans les affaires de l’Église et de prétendre juger des ecclésiastiques349. L’assemblée des évêques, y est-il rappelé, constitue la principale autorité judiciaire350. La justice de l’Église, telle qu’elle transparaît dans les canons de ce synode, est destinée aux clercs : les peines mentionnées en cas de fornication, proportionnées au rang du coupable, touchent les clercs, les diacres, les prêtres et les évêques351, et les ecclésiastiques frappés par une interdiction de leurs supérieurs doivent demander à être jugés dans une assemblée générale d’évêques352.
105En 576, les canons du synode d’Ézéchiel règlementent à nouveau une justice qui concerne le milieu des ecclésiastiques353. Le synode envisage une hiérarchie judiciaire très structurée, à l’image de l’État sassanide354, dans laquelle chaque niveau de juridiction (prêtre, évêque, métropolite, catholicos) peut être appelé contre la sentence prononcée par une juridiction inférieure355. En 585, le synode d’Išoʿyahb356 vient rappeler certaines règles déjà exposées en 410 par Mārūtā : l’autorité compétente en matière de juridiction ecclésiastique est avant tout l’archidiacre, second de l’évêque. Il apparaît comme le principal juge du diocèse (éventuellement de manière collégiale, avec l’assistance des « chefs des églises », rīšay ʿi(d) tē) – l’évêque se réservant les affaires les plus graves seulement357.
106La justice ecclésiastique, telle qu’elle est réglementée par les canons synodaux, s’applique donc avant tout aux affaires internes de l’Église, régulièrement divisée par les querelles d’autorité et les schismes358. Pourtant la littérature hagiographique évoque aussi l’activité judiciaire de clercs auprès de la société laïque, comme en témoigne l’exemple de Mār Abbā (r. 539-561) – qui, au milieu du vie siècle, entreprit une importante réorganisation de l’Église syro-orientale359. Richard Payne estime que rien, dans les écrits de Mār Abbā, ne permet d’établir l’existence à son époque d’un système de tribunaux ecclésiastiques destinés aux laïcs360. La littérature hagiographique vient pourtant souligner, à plusieurs reprises, l’investissement de ce catholicos dans le domaine judiciaire. Un de ses biographes en langue syriaque affirme que Mār Abbā passait une partie de chaque après-midi à juger des procès et à dénouer des querelles entre fidèles361. Le mōbed de la province du Bēt-Aramāyē l’accusa d’avoir « laissé partir du tribunal un certain nombre de chrétiens qui avaient les uns contre les autres des procès avec un arrêté [scellé] du sceau du mōbedān mōbed, et il les a cassés par un arrêté. Et tous les procès qu’il nous revient de juger, il les juge pour eux362 ». Ce que l’anonyme de la Chronique de Séert glose en expliquant que les zoroastriens lui reprochaient « de changer les jugements de leurs juges » (li-taġyīri-hi aḥkām quḍāti-him) et « d’examiner seul leurs affaires, sans personne d’autre » (wa-tafarrudi-hi bi-l-naẓar bi-umūri-him dūna ġayri-him)363. Quel statut la justice d’un tel catholicos avait-elle ? Le droit canonique, nous l’avons vu, ne semblait pas la réglementer à cette époque. Pour peu que les sources ne projettent pas sur Mār Abbā des pratiques plus tardives, on peut supposer que celui-ci était pris comme arbitre de nombreuses disputes – sinon comme juge, suggère Florence Jullien –, et concurrençait ainsi les autorités sassanides364.
107L’existence de tribunaux ecclésiastiques ayant autorité sur les laïcs apparaît plus clairement dans les canons du synode d’Ézéchiel, en 576365. Celui-ci mentionne de manière explicite – pour la première fois dans le droit canonique de l’Église orientale –, la justice de simples prêtres (kōhnē) : ceux-ci sont invités à rendre une justice (maʿbad dīnō) équitable, et à n’accepter aucun présent en échange366. Au synode d’Išoʿyahb, en 585, le reproche adressé à certains chrétiens de recourir à des tribunaux « étrangers » afin de perdre leurs prochains367 signifie, en négatif, que le catholicos attendait d’eux qu’ils résolvent leurs disputes au sein même de l’Église, et non en interpellant des tribunaux sassanides. Si le synode d’Išoʿyahb ne précise pas le fonctionnement d’une éventuelle juridiction destinée aux laïcs, la judiciarisation de la société chrétienne transparaît néanmoins dans le 22e canon, qui condamne la manière dont certains prêtres monnayaient leurs services pour se faire avocats (snīgrē) dans des procès qui ne les concernaient pas368. Par ailleurs le 9e canon laisse entendre que des prêtres, agissant manifestement comme juges entre des laïcs, recouraient à l’anathème afin de contraindre les plaideurs à respecter leur parole369.
108L’autorité de l’évêque sur les laïcs se manifeste enfin dans ses fonctions administratives. À la fin du vie siècle, pour la première fois dans l’Église syro-orientale, l’évêque se voit confier la gestion des biens des orphelins : selon le synode d’Išoʿyahb en 585, leurs propriétés doivent être confiées, « avec le consentement [litt. la connaissance (īdaʿtō)] et l’ordre (pūqdōnō) de l’évêque, à un homme dont on témoigne qu’il est juste, intègre et fidèle, qui gardera les biens de ces enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent la majorité, et qui les leur rendra alors sans perte (ḥūsrōnō) ni [sans leur causer de] difficulté (šḥōqō)370 ». La supervision de ces biens par l’évêque, et leur administration par des hommes intègres nommés par ce dernier, devaient soustraire les orphelins à la convoitise de leurs beaux-pères (nouveaux époux de leurs mères), présumés enclins à dilapider leurs richesses371. Comme dans l’Église syro-occidentale, parallèlement au développement d’une justice ecclésiastique destinée aux laïcs, l’Église définissait une sphère administrative propre à l’évêque.
• Des juridictions secondaires
109Le catholicos et ses évêques n’étaient pas les seuls détenteurs d’un pouvoir judiciaire. Au sein des monastères, les abbés disposaient de pouvoirs disciplinaires importants. Mais c’est surtout dans une institution connue pour son rayonnement intellectuel que la juridiction non épiscopale apparaît le plus nettement : l’école de Nisibe. Principale académie de l’Église syro-orientale, celle-ci fut fondée à la fin du ve siècle après que l’empereur Zénon eut décidé, en 489, de fermer l’école des Perses à Édesse en raison de son attachement à une théologie dénoncée comme « nestorienne372 ». L’évêque Bar Ṣawmā accueillit à Nisibe le directeur de l’école d’Édesse, Mār Narsay, ainsi qu’une partie des professeurs et des étudiants. Les canons mis en place par Narsay et/ou Bar Ṣawma373, révisés en 496 avec le consentement de l’évêque Hōšeʿ (successeur de Bar Ṣawmā au siège de Nisibe374), réglementaient les fonctions et prérogatives des principaux membres de l’administration. Ils conféraient notamment au sous-directeur (ou majordome, rab baytō, choisi parmi les professeurs375) – assisté de conseillers vraisemblablement pris dans le corps enseignant376 – des prérogatives disciplinaires qui se rapprochaient, par certains aspects, d’un pouvoir de justice377. La seconde révision de ces statuts, par Abrāhām d-Bēt Rabban – directeur de l’école après 510378 –, évoque le « jugement » que le rab baytō pouvait passer à l’encontre de quiconque transgressait les règles de l’institution379. Bénéficiant d’une indépendance croissante, l’école obtint un privilège l’exemptant de la juridiction de l’évêque380.
110Les procédures appliquées dans cette école sont peu documentées. Les canons de Narsay évoquent des règles proches de celles adoptées par la juridiction ecclésiastique ordinaire. Ainsi recommandent-ils au directeur de ne pas rendre la justice sur la base de ses passions, mais uniquement d’après le témoignage de deux ou trois personnes381. L’étudiant qui accusait sans preuve un condisciple de méfait devait subir lui-même le châtiment encouru par l’accusé382. Il faut néanmoins souligner que l’étendue juridictionnelle de cette justice était limitée à l’extrême puisqu’elle ne dépassait pas l’enceinte de l’école.
3.3.2. Le droit des procédures
111Un procès oppose en principe deux individus ou deux groupes dont l’un est dans l’erreur (qu’il se trompe ou qu’il mente) et l’autre dans son bon droit ; le fonctionnement de la justice nécessite dès lors la mise en place de procédures permettant de distinguer le vrai du faux. À l’époque où le droit canonique concevait surtout la justice ecclésiastique comme destinée au règlement des affaires internes de l’Église, la littérature syro-orientale préserve peu de références aux procédures. C’est à peine si les « Canons des 318 pères » attribués à Mārūtā mentionnent le « bon témoignage » (sōhdūtō šapīrōtō) grâce auquel un clerc peut être condamné pour adultère383. Des allusions plus précises commencent à poindre à la fin du vie siècle, alors même que l’intervention de l’Église dans les querelles des laïcs semble peu à peu s’institutionnaliser. Le 12e canon du synode d’Ézéchiel (en 576) prescrit la démarche à suivre dans un type d’affaire qui, pour n’être pas de nature judiciaire stricto sensu, s’en rapproche néanmoins : le cas où un esclave s’enfuit de chez son maître pour entrer dans les ordres et gagner la protection de l’Église. Le synode d’Ézéchiel recommande que de tels esclaves prouvent, avant d’être ordonnés, qu’ils ont bien été affranchis comme ils le prétendent. Ils doivent produire des « écrits authentiques » (ktībē šarīrē) – leurs actes d’affranchissement –, ainsi que des « témoignages valides rendus par des hommes sincères » (men šarīrē sōhdwōtō šarīrōtō)384. Deux modes de preuve complémentaires sont ainsi définis : la preuve documentaire et le témoignage.
112Les règles relatives au témoignage ne sont pas explicitées dans le droit syrooriental antéislamique. L’importance de la preuve écrite transparaît en revanche dans le soin porté aux archives de l’Église : celle-ci, mentionne le synode d’Ézéchiel en 576, possède des archives (bēt arkē d-ʿi(d) tō) – dont le nom désigne également la bibliothèque d’une église ou d’un monastère385 – où les ecclésiastiques (ou les laïcs) achetant des biens pour l’Église se voient ordonner de déposer les documents attestant ces transactions386. Une trentaine d’années plus tard, en 605, le synode de Grégoire Ier387 rappelait cette prescription en insistant pour que « les actes ou copies des actes de donation de biens » aux monastères soient remis à l’évêque du diocèse, « munis de sceaux authentiques » (b-ḥōtmē d-šarīrē)388. Cette insistance sur la conservation d’actes authentifiés suppose qu’ils avaient valeur probatoire en cas de contestation. Même si l’Église envisageait vraisemblablement de défendre ses possessions devant des tribunaux extérieurs – ceux des Sassanides, où les documents jouaient un rôle essentiel –, il n’en demeure pas moins que la valeur de la preuve documentaire imprégna l’habitus de l’Église.
113Le serment (syr. mawmtō), nous l’avons vu, jouait un rôle important dans le système judiciaire sassanide. C’est sans doute la raison pour laquelle il est souvent mentionné par les synodes nestoriens – alors que l’Église syro-occidentale ne s’y intéresse guère avant l’Islam. L’Église syro-orientale en désapprouve généralement la pratique. Le serment est en effet condamné dans l’Évangile de Matthieu (5 : 34)389 et demeure mal considéré par la hiérarchie ecclésiastique. Dans une lettre adressée à Jacques, évêque de Darai/Dīrīn (une île du golfe Persique390) à la fin du vie siècle, le catholicos Išoʿyahb condamne le recours au serment, regardé comme un usage propre aux païens et aux infidèles391.
114Le droit canonique syro-oriental d’époque sassanide ne comporte pas d’indication sur la manière de recevoir les plaideurs. Il entreprend en revanche de théoriser la relation qu’entretiennent différentes instances judiciaires et évoque la mise en œuvre d’une procédure à distance, par voie de lettres. En 585, le synode d’Išoʿyahb prévoit que le catholicos, juge suprême dans son Église mais néanmoins éloigné de la plupart des tribunaux ecclésiastiques, puisse convoquer par lettre « l’accusé, les accusateurs et les évêques » qui seraient impliqués dans une affaire particulièrement obscure. Il reprendrait ainsi la haute main sur le procès. Il lui est aussi possible de déléguer, par écrit, l’examen de l’affaire à un métropolite, qu’il chargera de présider un tribunal collégial comprenant au moins trois évêques de sa province392.
4. EN MARGE DES EMPIRES : L’ARABIE ANTÉISLAMIQUE
4.1. Des ḥakam-s païens ?
115Force est de constater qu’on ne connaît rien, ou presque, du fonctionnement des institutions judiciaires en Arabie avant l’Islam. La documentation archéologique a certes conservé de rares traces, attestant notamment le rôle arbitral de certains phylarques393. Même pour le Yémen préislamique, dont les développements urbains et institutionnels furent bien supérieurs à ceux de l’Arabie centrale et septentrionale394, et qui a laissé quelques textes juridiques395, le fonctionnement du système judiciaire reste dans l’ombre. L’historien dispose donc pour l’essentiel de sources littéraires rédigées à l’époque islamique, évoquant l’existence de conseils tribaux susceptible de rendre la justice396, d’arbitres (ḥakam-s) pouvant pratiquer la divination397, etc. Leur utilisation pose encore plus de problèmes que les récits relatifs aux premiers temps de l’Islam. Le regard que les auteurs musulmans des iiie/ ixe et ive/ xe siècle portent sur les institutions de l’Arabie préislamique est en effet empreint d’idéologie : parce qu’elle est temps de l’« ignorance » (ǧāhiliyya) et de paganisme, l’ère préhégirienne devait contraster avec ce qui la suivit. Cela ne signifie pas, là encore, que les auteurs inventèrent de manière systématique. Mais le processus mémoriel qui aboutit à l’émergence d’un discours sur la période antéislamique répondit à des dynamiques d’oubli, de sélection des souvenirs, et de mises en exergue d’éléments distinctifs. Le tableau qui suit s’appuie avant tout sur cette vision musulmane de l’Arabie tardo-antique. Il convient donc de ne pas le considérer comme révélateur d’une histoire fidèle de ses institutions, mais plutôt comme une image partielle et orientée de certaines de ses traditions judiciaires.
116Certains récits relatifs aux tribus légendaires disparues, comme celle des Ṭasm dans la Yamāma, laissent entendre que leurs rois rendaient la justice398. L’historiographie contemporaine tend à considérer que les conseils tribaux des villes d’Arabie centrale jouaient un rôle judiciaire important. À La Mecque, le Dār al-nadwa – ancienne maison de Quṣayy –, près de la Kaʿba, servait au rassemblement du mala’(assemblée des principaux notables) de Qurayš399. Lieu de palabres et de décisions collectives, cet édifice est généralement considéré comme le siège d’une justice arbitrale400, ce que les textes n’indiquent pas de manière aussi claire.
117D’après les sources musulmanes classiques, les Arabes confiaient surtout la résolution de leurs litiges à des arbitres (ḥakam-s) que les parties devaient agréer. Des listes d’arbitres nous sont parvenues, comprenant surtout, comme le souligne Ǧawād ʿAlī, ceux des temps qui précèdent l’islam de peu401. Le choix des plaideurs tombait sur des personnages prestigieux, renommés pour leur sagesse402. Certains allèrent jusqu’à siéger de manière régulière à l’occasion de foires, par exemple403. « Ordinairement l’audience se tient en plein air404 », commente Émile Tyan à propos de ḥakam-s de cette époque, peu après avoir rappelé que les plus prestigieux arbitres œuvraient lors des célèbres foires de ʿUkāẓ, non loin de La Mecque405. C’est sans doute à cette occasion que l’arbitre Rabīʿa b. Muḫāšin al-Tamīmī siégeait « sur un trône (sarīr) de bois, sous une coupole (qubba) de bois406 ». Mais le plus souvent, les ḥakam-s de la période antéislamique avaient pour habitude de siéger à leur domicile407. Une maxime, « islamisée » par l’emploi qu’en aurait fait le calife ʿUmar lors d’un conflit qui l’opposait à Ubayy b. Kaʿb, affirme que « c’est dans sa maison que l’on vient trouver l’arbitre » (fī bayti-hi yu’tā l-ḥakam)408. Chez les lexicographes arabes, cet adage renvoie à une fable animalière préislamique dans laquelle une hyène et un renard en conflit à propos d’une datte vont s’en remettre à l’arbitrage d’un ours409.
118La procédure généralement suivie par les ḥakam-s « ordinaires » – par opposition aux devins que nous étudierons plus bas – ne peut être reconstituée dans le détail. L’on sait que les plaideurs s’engageaient à respecter la sentence en déposant une caution (otages, bétail) auprès de l’arbitre410. Ce gage pouvait faire l’objet d’un « pari », le perdant éventuel promettant de le remettre au gagnant411. Le ḥakam, qui pouvait accepter ou refuser d’examiner le litige, siégeait seul412. En revanche, les fondements de la décision arbitrale demeurent dans le flou. Certains modes de preuve sont évoqués, mais sans que leur utilisation ne soit décrite. Le poète Zuhayr b. Abī Sulmā dit ainsi :
Fa-inna l-ḥaqqa maqtuʿu-hu ṯalāṯun : yamīnun aw nifārun aw ǧilā’u
Il est trois manières d’établir le bon droit : un serment, une dispute, ou un éclaircissement413
119Le second calife, ʿUmar b. al-Ḫaṭṭāb, aurait glosé ce vers en substituant les termes « arbitrage » (muḥākama) et « preuve » (ḥuǧǧa) à « dispute » et « éclaircissement »414. Sadiq Kirazli voit dans ce vers une référence à la procédure selon laquelle un demandeur sans preuve pouvait demander à son adversaire de prêter serment415. De fait, la légende projette sur un célèbre ḥakam préislamique, Quss b. Sāʿida al-Iyādī, le fameux adage selon lequel « la preuve incombe au plaignant et le serment au défendeur416 ». Pourtant le vers de Zuhayr b. Abī Sulmā est loin d’être aussi descriptif. Le nifār, explique le commentateur kūfiote Ṯaʿlab (m. 291/904), correspond à la joute d’honneur arbitrée par un ḥakam. Quant au ǧilā’, il se rapporte à la « découverte de l’affaire, qui apparaît ainsi au grand jour417 ». Il ne s’agit donc pas d’une « preuve », comme Serjeant et Hoyland traduisent le terme, mais du procédé par lequel la vérité apparaît – ce qui peut inclure des méthodes de déduction ou la simple inspiration. L’expression « témoin honorable » (šāhid ʿadl) surgit quelques vers plus loin pour personnifier le ǧiwār (protection de l’étranger), ce qui suggère que le recours au témoignage pouvait effectivement servir de preuve. Mais le vers en lui-même ne dit pas grand-chose de la procédure.
120Un proverbe attribué au devin et ḥakam mecquois Wakīʿ b. Salama b. Zuhr pourrait faire référence à la procédure. « L’ordre après la démonstration » (alamr baʿd al-bayān)418, aurait-il recommandé sur son lit de mort. Bien que la terminologie puisse évoquer une maxime judiciaire enjoignant à ne pas rendre de jugement sans preuve, l’expression n’est pas expliquée par les auteurs arabes classiques et semble d’ailleurs peu usitée.
121Quelques rares récits évoquent la présentation de preuves. Lors d’un arbitrage relatif à une clause de mariage, devant le ḥakam de Naǧrān al-Afʿā b. al-Ḥuṣayn419, la partie demandeuse « établit/prouva (ṯabatū) la clause par-devers lui » selon les termes d’al-Balāḏurī, qui n’explique pas en quoi consistait cette preuve420. Deux catégories apparaissent ailleurs subrepticement : le témoignage et le serment. Lors du conflit qui opposa Hāšim b. ʿAbd al-Manāf et Umayya b. ʿAbd al-Šams, il est dit qu’un troisième homme les accompagna devant l’arbitre « en tant que témoin » (ka-l-šāhid)421. Il se pourrait néanmoins qu’Ibn Ḥabīb relise ici cette histoire à travers le filtre des procédures du ixe siècle. Par ailleurs, bien que l’homme soit allié, par sa fille, au clan de ʿAbd al-Šams422, il ne semble pas avoir pour mission de déposer en faveur d’un camp ou de l’autre, mais plutôt de témoigner de l’adjudication et de son résultat.
122Dans un ḫabar qui relève plus d’une ancienne mythologie arabe que de l’histoire préislamique, al-Balāḏurī relate que les fils de Nizār, en conflit à propos de la succession de leur père, allèrent trouver à Naǧrān le ḥakam al-Afʿā b. al-Ḥuṣayn. Ce dernier commença par entendre un litige entre les fils de Nizār et un étranger qui les accusait de receler son chameau. « [Les fils de Nizār] lui relatèrent l’affaire (al-qiṣṣa) et prêtèrent serment (ḥalafū) », puis le ḥakam se prononça en leur faveur423. Le serment est ici prononcé par les plaideurs, et il peut s’agir d’une preuve. Mais le récit est trop concis pour autoriser aucune certitude. Il pourrait aussi s’agir d’un engagement, de la part des plaideurs, à respecter la sentence arbitrale.
123Bref, si quelques indices suggèrent que le témoignage et le serment pouvaient servir de preuve auprès des ḥakam-s antéislamique, on ne peut déterminer ni les modalités ni l’historicité de ces pratiques – les récits les moins vagues ayant pu être contaminés par des grilles de lecture propres à l’Islam. Certains récits montrent d’ailleurs que d’autres types de preuve, relevant d’une logique différente, étaient pris en considération. Lors de conflits relatifs à une propriété, le ḥakam pouvait ainsi attribuer l’objet du litige au plaideur le plus honorable424 : le droit se confondait alors avec le mérite.
124C’est encore lorsqu’un arbitrage est confié à un devin (kāhin ou ṭāġūṭ) que la procédure apparaît le plus clairement, notamment dans le cas de joutes d’honneur (munāfara). Mais alors la procédure relève plus de la divination que de l’adjudication au sens juridique du terme. S’il s’agissait bien de départager des plaignants, les procédés conduisant à l’énonciation d’une sentence relevaient de l’irrationnel et non d’une recherche méthodique de la vérité. Ibn Ḥabīb relate plusieurs de ces joutes entre des groupes ou des individus, au terme desquels les parties décident de remettre à un arbitre le soin de déterminer le vainqueur425. Les adversaires vont le trouver et le mettent à l’épreuve en l’invitant à deviner la nature d’un objet qu’ils ont dissimulé au préalable, ainsi que le lieu de la cachette426. Lorsque l’arbitre a prouvé ses capacités divinatoires, les plaideurs lui soumettent l’objet de leur dispute et le devin rend sa sentence en prose rimée. Nulle preuve n’est apportée à l’appui des prétentions des parties, et les adversaires attendent simplement que le devin, guidé par sa connaissance des choses cachées, énonce une vérité ontologique427. La méthode suivie est contraire à ce qu’en vinrent plus tard à préconiser les juristes musulmans, qui insistèrent pour que le cadi rende son jugement conformément aux apparences (ẓāhir) telles qu’elles se dégagent des preuves, et non d’après une vérité cachée (bāṭin).
125Tel qu’il apparaît lors de procédures devant un devin, le serment n’est pas prêté par les plaideurs mais par l’arbitre. Avant de rendre sa sentence départageant Hāšim et Umayya, le devin jure « par la lune éblouissante, par l’astre éclatant, par le nuage chargé de pluie, par les oiseaux du ciel, par ce qui prend pour guide un signe voyageant428 ». Un autre devin dit qu’il « jure » (aḥlif) par divers éléments naturels avant d’identifier l’objet caché par les plaideurs, puis à nouveau lorsqu’il rend sa sentence sous forme versifiée429. Saṭīḥ, le kāhin des Banū Ḏi’b, prête également serment en guise d’introduction à sa sentence430, tout comme Salama b. Abī Ḥayya, le kāhin de Quḍāʿa qui départagea ʿAbd al-Muṭṭalib et Ǧundab à propos d’un point d’eau431. Ce ne sont pas les plaideurs qui jurent de leur bonne foi, mais l’arbitre qui invoque les dieux, comme pour s’engager à rendre une sentence juste.
126Signalons enfin un récit d’Ibn Hišām qui suggère une pratique marginale du jugement par ordalie. Au ve siècle, au Yémen, l’on croyait en « un feu qui jugeait les différends : il dévorait l’injuste et ne touchait pas à la victime432 ». Serjeant relève également une ordalie lorsque la mère du futur calife Muʿāwiya fut suspectée d’avoir été déshonorée433.
127Les exemples détaillés d’arbitrages manquent pour l’Arabie préislamique, et il est possible que la procédure ait varié selon la nature des litiges. Certains historiens proposent que le recours à des devins ne s’imposait qu’en l’absence de preuve434, mais cette explication implique que le serment (toujours mobilisable) ne pouvait servir de preuve – ce dont les indices précédemment exposés permettent de douter. En l’absence de toute conclusion sur les procédures suivies par les ḥakam-s ordinaires, force est de considérer les récits de munāfara devant des devins comme révélateurs d’une conception de la justice chez les anciens Arabes. Or celle-ci diffère structurellement de l’adjudication prônée par l’Islam classique : les plaideurs ne jouent qu’un rôle secondaire, l’arbitre ne leur demande ni arguments ni preuves, mais au contraire fonde sa sentence sur une inspiration légitime, permise par son contact avec le monde du divin435. L’intuition divinement guidée, ou la sagesse, étaient les principes essentiels d’une justice visant soit à départager, soit à réconcilier436. Tel est encore le fondement de l’action de Muḥammad avant qu’il ne devienne prophète. Lors de son fameux arbitrage relatif à la pose de la pierre angulaire de la Kaʿba, il trouve, dans sa grande sagesse, le moyen de faire participer de manière égale tous les clans en litige437 : la justice idéale consistait moins à trancher, à déterminer laquelle des deux parties était dans son droit, qu’à trouver un compromis satisfaisant pour tous – ce que le fiqh qualifiera de ṣulḥ438.
4.2. Le poids des cultures impériales
128Le ḥakam dont les sources musulmanes préservent le souvenir est une instance typique de l’Arabie païenne et tribale. Mais il est probable que d’autres formes de justice ou d’arbitrage se développèrent dans les royaumes du nord de l’Arabie/sud de la Syrie et de l’Irak – ceux des Ǧafnides (Ġassānides), des Naṣrides (Laḫmides) et des Ḥuǧrides (Kinda). Un papyrus de Petra consigne un acte d’arbitrage, conclu vers 574. La plainte semble avoir été transmise aux arbitres par écrit439 et les principales preuves amenées sont de nature documentaire440. Conformément au droit romain, les parties s’engagent à respecter la sentence arbitrale et, s’ils manquent à leur parole, à payer une pénalité441. À un moment incertain du procès, les deux plaideurs prêtent un serment appelé iusiurandum calumniae, par lequel ils jurent que leurs prétentions sont justifiées et ne relèvent pas de la pure chicanerie442. Le papyrus fait par ailleurs état d’un serment prononcé par le défendeur dans une église443. Dans l’ensemble, cet arbitrage est conforme à la procédure arbitrale prévue par le droit romain – même si dans la forme, l’accord écrit qui en résulte diffère du style généralement employé par les documents byzantins444. On ne connaît, hélas, que très peu de choses des institutions arbitrales « arabes » agissant dans la sphère d’influence byzantine, et probablement mâtinées de droit romain et/ou canonique. Le même papyrus de Petra fait référence à un arbitrage antérieur (ou une médiation ?), rendu par le phylarque Abū Karib dans la première moitié du vie siècle, mais n’apporte aucune précision sur la procédure qui avait alors été suivie.
129Il convient enfin de noter que la pénétration du judaïsme et du christianisme en Arabie avant l’Islam445, ainsi que l’influence perse sur certaines parties de la péninsule446, pourraient avoir orienté le développement des pratiques judiciaires. Dans l’Arabie orientale du vie siècle, les gouverneurs envoyés par les Sassanides exerçaient une justice dont les modalités sont peu connues447. L’oasis de Naǧrān disposait d’un évêque, qui au moment de la prédication muḥammadienne entretenait vraisemblablement des relations avec Byzance448. Celui-ci exerçait-il une activité judiciaire comparable à l’episcopalis audientia byzantine ? Les sources restent silencieuses sur ce point.
CONCLUSION
130Les institutions judiciaires des empires byzantin et sassanide étaient plurielles : des hiérarchies de juges impériaux cohabitaient avec des modes alternatifs de résolution des conflits, dont les plus connus furent développés par des institutions religieuses. Dans les deux domaines, la justice impériale disposait d’une infrastructure administrative bien implantée dans les provinces, à la tête de laquelle se trouvait le souverain – empereur ou roi des rois –, et suivait des procédures stables et codifiées. Les systèmes byzantin et sassanide différaient tant par leurs pratiques judiciaires que par leur structure administrative. Ils se distinguent notamment par le rapport qu’ils entretenaient avec la religion. Tandis qu’à Byzance, la justice impériale était exercée par des iudices laïcs, occupant des fonctions gouvernementales, chez les Sassanides elle se trouvait aux mains du clergé zoroastrien. Cette différence eut un impact important sur les dynamiques d’interactions entre justices impériales et institutions religieuses alternatives.
131Ces dernières étaient avant tout celles des juifs et des chrétiens qui, au début du viie siècle, disposaient de traditions judiciaires déjà multiséculaires. Les tribunaux juifs étaient reconnus dans les Empires byzantin et sassanide ; ils avaient surtout juridiction en matière civile et les populations juives y recouraient sans doute en priorité pour les litiges internes à la communauté. Les chrétiens avaient aussi développé leurs institutions. Dans l’Empire byzantin, l’episcopalis audientia était reconnue par le droit romain depuis Constantin. Chez les Sassanides, l’Église syro-orientale possédait également des prérogatives judiciaires depuis le ve siècle. Telle qu’elle transparaît dans le droit canonique tardo-antique, cette justice ecclésiastique concernait avant tout les affaires internes de l’Église et les cas impliquant des clercs (règle du for ecclésiastique). C’est qu’en effet les synodes qui entreprirent de la réglementer entendaient avant tout renforcer la structure interne de l’Église et harmoniser son fonctionnement. De sérieux indices montrent néanmoins que la juridiction de l’Église servait aussi les populations laïques. Dès le ive siècle, dans l’Empire romain d’Orient, l’episcopalis audientia offrit une alternative attractive au système judiciaire impérial, à mi-chemin entre l’institution d’arbitrage et le tribunal officiel. Mais la justice ecclésiastique représentait plus qu’une simple juridiction parallèle. D’abord assimilée à une forme d’arbitrage, elle se devait de respecter certaines procédures du droit romain. Par ailleurs, parce qu’il était chrétien tout en reposant sur des institutions séculières, l’Empire byzantin tendit, au vie siècle, à renforcer l’intégration de cette justice au système impérial de résolution des conflits, tandis que le tribunal épiscopal alignait son organisation sur un modèle proche de celui de la justice séculière. Dans l’Empire sassanide également, les traces d’une justice ecclésiastique s’adressant aux laïcs apparaissent au vie siècle, peut-être en lien avec l’augmentation du nombre de chrétiens. À la différence de Byzance, néanmoins, la justice des chrétiens nestoriens demeura nettement distincte du système impérial contrôlé par le clergé zoroastrien. Parce que la justice zoroastrienne était largement confessionnelle – même si les tribunaux impériaux pouvaient être saisis par des non-zoroastriens –, l’Église syro-orientale s’érigea plus que ses contreparties occidentales en concurrente des institutions sassanides.
132Ancrés dans une tradition remontant aux temps bibliques, les tribunaux juifs s’appuyaient sur un droit des procédures détaillé, dont les derniers développements étaient enregistrés dans les Talmuds de Jérusalem et de Babylone. Le droit des chrétiens demeurait en revanche plus rudimentaire, et la règlementation de la justice rendue par les évêques et les prêtres des deux côtés de l’Euphrate a laissé des traces réduites. Le droit canonique préserve quelques allusions à la marche des audiences et aux procédures, mais il n’en propose aucun aperçu systématique. Cela pourrait tout d’abord être lié au fait que les juridictions ecclésiastiques, telles que la théorie les concevait, étaient avant tout destinées à traiter les affaires internes de l’Église. De surcroît, cette dernière hésitait à légiférer sur les problèmes de ce monde. Comme le dirent plus tard Siméon de Rēv-Ardašīr (milieu du viie siècle) et Išoʿbokht (fin du viiie ou début du ixe siècle) à propos du serment, Jésus n’avait pas apporté de loi temporelle449. L’Église pouvait par conséquent s’accommoder d’autres législations, dès lors qu’elles ne contredisaient pas ses fondements spirituels. Les empires avaient leur propre droit, avec lequel les principes de la justice ecclésiastique n’étaient pas incompatibles. En cas de besoin, les législations byzantine et sassanide pouvaient servir de référence450. Les spécificités de l’episcopalis audientia ne nécessitaient pas de codification systématique. Cela devait changer avec l’apparition de l’Islam et la recomposition des rapports entre institutions impériales et justices communautaires qui en résulta.
Notes de bas de page
5 Voir notamment R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 27-30, 50-57, 78-83.
6 J.-M. Carrié, « Le gouverneur romain à l’époque tardive », art. cité, p. 21-22 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 53-54 ; D. Liebs, « Roman Law », art. cité, p. 240.
7 R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt in the Light of the Papyri, 332 B. C.-640 A. D., Varsovie, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, 1955, p. 488-490.
8 J.-M. Carrié, « Le gouverneur romain à l’époque tardive », art. cité, p. 22.
9 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 54. Voir également G. Rouillard, L’administration civile…, op. cit., p. 153 ; R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt…, op. cit., p. 493 ; Cl. Rapp, Holy Bishops in Late Antiquity : the Nature of Christian Leadership in an Age of Transition, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 2005, p. 248 ; J.-M. Carrié, « Le gouverneur romain à l’époque tardive », art. cité, p. 24. Pour une histoire détaillée de cette fonction, voir R. M. Frakes, Contra Potentium Iniurias : the Defensor Civitatis and Late Roman Justice, Munich, Verlag C. H. Beck, 2001. Voir D. Liebs, « Roman Law », art. cité, p. 241.
10 J.-M. Carrié, « Le gouverneur romain à l’époque tardive », art. cité, p. 22 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 55 ; G. Rouillard, L’administration civile…, op. cit., p. 159-161.
11 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 101.
12 Ibid., p. 102 ; D. Liebs, « Roman Law », art. cité, p. 241.
13 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 791 ; R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt…, op. cit., p. 502-503 ; W. W. Buckland, A Text-Book of Roman Law. From Augustus to Justinian, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 665 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 104.
14 Voir P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 398 et suiv.
15 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 798 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 104.
16 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 64-65 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 104-105.
17 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 792-793.
18 Ibid., p. 792. Sur cette procédure, voir également R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt…, op. cit., p. 504-505.
19 R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt…, op. cit., p. 503.
20 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 796. Collinet évoque un délai maximum de trois ans. P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 382.
21 Ibid., p. 172.
22 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 107-108.
23 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 795.
24 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 344.
25 Ibid., p. 346. Pour un exemple égyptien, voir P. Lond. V 1709, où des témoins sont dits avoir été produits par un demandeur devant un defensor civitatis. L. MacCoull, Coptic Legal Documents, op. cit., p. 6-7.
26 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 346. Voir R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt…, op. cit., p. 516.
27 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 346.
28 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 801 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 109. Voir A. Berger, Encyclopedic Dictionary of Roman Law, op. cit., p. 735-756.
29 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 109.
30 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 347. En ce qui concerne l’Égypte byzantine, néanmoins, aucun papyrus n’atteste que les témoins prêtaient serment. B. Palme, « Roman Litigation. Reports of Court Proceedings », version 02, Imperium and Officium Working Papers (IOWP), mai 2011, http://iowp.univie.ac.at/node/158 (consulté le 15 novembre 2012), p. 3.
31 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 345 ; J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 801.
32 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 346, 348-350 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 108-109.
33 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 353 ; J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 800-801. Voir R. Taubenschlag, The Law of Greco-Roman Egypt…, op. cit., p. 517.
34 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 354.
35 Ibid., p. 352-353 ; H. Silving, « The Oath I », The Yale Law Journal, 68, 1959, p. 1338-1339 ; J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain ( ive-ve siècle), Paris, Sirey, 1958, p. 266. Sur les suites de ces types de serment en droit canonique, voir R. Naz, « Serment des parties », DDC, VII, p. 987-992. D’autres types de serment existaient dans l’Antiquité tardive, comme le serment de dilatione, prêté par un plaideur qui exigeait de son adversaire la production d’une preuve : il jurait qu’il ne présentait pas cette demande pour gagner du temps. Voir J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 800.
36 P. Collinet, La procédure par libelle, op. cit., p. 355 ; J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 800.
37 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 110-111.
38 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 802 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 111-112.
39 J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, op. cit., p. 802.
40 W. Till, Die koptischen Rechtsurkunden…, op. cit., p. 77 (Ep 101), 225 (ST 113).
41 Ibid., p. 21 (BKU 97), 210-211 (OMH 88-95), 225 (ST 111), 241 (VC 34-36). D’autres furent certainement prononcés dans un contexte judiciaire, comme ce serment (négatif, venant sans doute d’un défendeur) prononcé en l’an 701 devant un lashane (chef de village) : ibid., p. 49 (CO 131). Certains documents laissent par ailleurs supposer que des témoins pouvaient être appelés à prêter serment : ibid., p. 72 (CO Ad 42).
42 Ibid., p. 198-200 (KRU 122).
43 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 172-175.
44 Sh. Allam, « Observations on Civil Jurisdiction in the Byzantine and Early Arabic Egypt », dans Janet H. Johnson (dir.), Life in a Multi-Cultural Society : Egypt from Cambyses to Constantine and Beyond, Chicago, The Oriental Institute of the University of Chicago, 1992, p. 3 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 176-178. Pour des exemples égyptiens, voir W. Till, Die koptischen Rechtsurkunden…, op. cit., p. 45 (CO 42), 59 (CO 295) ; L. MacCoull, Coptic Legal Documents, op. cit., p. 5 (P. Lond. V 1709).
45 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 179.
46 Ibid., p. 175.
47 Sh. Allam, « Observations on Civil Jurisdiction… », art. cité, p. 5 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 179.
48 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 175.
49 M. Kaimio, « P. Petra inv. 83 : A Settlement of Dispute », dans Atti del XXII Congresso Internazionale di Papirologia, Florence, 2001, p. 723. Voir la traduction du texte par le même auteur dans The Petra Papyri IV, p. 70, 73. Le terme « phylarque » fut employé au ve siècle par les sources grecques pour désigner les chefs (ou « rois ») arabes foederati de Byzance ; au vie siècle, les phylarques devinrent des officiers nommés par le pouvoir byzantin – bien que certains aient réussi à maintenir un principe d’hérédité. Les phylarques étaient subordonnés au dux de leur province. I. Shahîd, Byzantium and the Arabs in the Fifth Century, Washington, Dumbarton Oaks, 1989, p. 500-502. Sur Abū Karib, qui régna en Palaestina Tertia (province incluant le Sinaï ainsi que la partie nord du Hedjaz) aux alentours de 530-540, voir I. Shahîd, Byzantium and the Arabs in the Sixth Century, Washington, Dumbarton Oaks, 1995, I-1, p. 124-130 ; I-2, p. 845-846.
50 Sh. Allam, « Observations on Civil Jurisdiction… », art. cité, p. 1-2, 5. Allam commence par évoquer une « médiation » (p. 2), mais montre plus loin que la façon dont un des plaideurs renonce subitement à ses prétentions, à la fin, laisse soupçonner qu’il fut contraint de signer sa renonciation par une sentence arbitrale (p. 5).
51 Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 250-251.
52 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 230 ; A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 236-238 ; R. M. Frakes, Contra Potentium Iniurias…, op. cit., p. 198.
53 M. Kaimio, « P. Petra inv. 83 », art. cité, p. 721.
54 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 27.
55 Ibid., p. 146-147.
56 A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, 2e éd., Copenhague, Ejnar Munksgaard, 1944, p. 301 ; id., L’empire des Sassanides. Le peuple, l’État, la cour, Copenhague, Bianco Lunos Bogtrykkeri, 1907, p. 73 ; M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. ; M. Macuch, « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v. ; Chr. Jullien, « Peines et supplices dans les Actes des martyrs persans et droit sassanide : nouvelles prospections », Studia iranica, 33, 2004, p. 249 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 64. Voir T. Daryaee, Sasanian Persia. The Rise and Fall of an Empire, Londres, I. B. Tauris, 2009, p. 42. Pour un exemple de sa justice au vie siècle, voir Chronique de Séert (Histoire nestorienne), éd. et trad. fr. par Addaï Scher, dans Patrologia orientalis, VII, 1950, II-1, p. 179-180.
57 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 679 ; M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 55. Voir The Book of a Thousand Judgements (A Sasanian Law-Book) , éd. et trad. par Anahit Perikhanian, trad. du russe par Nina Garsoïan, Costa Mesa, Mazda Publishers, 1997, p. 299.
58 A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 300 ; M. Macuch, Das Sasanidische Rechtsbuch « Mātakdān I Hazār Dātistān » (Teil II), Wiesbaden, Kommissionsverlag Franz Steiner, 1981, p. 13 ; id., « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v. Sur ses différentes appellations, voir M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. Voir U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 44. Voir également M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 85, 281.
59 A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 300 ; M. Macuch, Das Sasanidische Rechtsbuch, op. cit., p. 15.
60 M. Macuch, Das Sasanidische Rechtsbuch, op. cit., p. 14 ; M. Shaki, « Dādwar », EIr, s. v. Voir A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 300 ; T. Daryaee, Sasanian Persia, op. cit., p. 126, 129, 132, 141 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 54.
61 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v.
62 M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 281-282. Selon Daryaee, qui interprète dans ce sens un passage du Madīyān ī Hazār Dādestān, il semblerait que les dādwar-s aient été placés sous l’autorité du mōbed. T. Daryaee, Sasanian Persia, op. cit., p. 132. Voir également The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 227, 295 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 28. D’après la Lettre de Tansar, le mōbed était également saisi à la mort d’un individu pour répartir son héritage conformément à la loi. Lettre de Tansar, p. 528-529. Sur cette source, voir notamment N. Pigulevskaja, Les villes de l’État iranien aux époques parthe et sassanide. Contribution à l’histoire sociale de la Basse Antiquité, Paris/La Haye, Mouton, 1963, p. 100-101.
63 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 54. Voir aussi Chr. Jullien, « Peines et supplices… », art. cité, p. 248-249.
64 M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 285. Sur les incertitudes pesant sur les attributions judiciaires exactes des prêtres, voir U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 45.
65 A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 300 ; id., L’empire des Sassanides, op. cit., p. 69.
66 A. Christensen, L’empire des Sassanides, op. cit., p. 69 ; M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v.
67 M. Macuch, Das Sasanidische Rechtsbuch, op. cit., p. 14 ; id., « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 271. Pour A. Perikhanian (« Iranian Society and Law », art. cité, p. 677), ces deux juges siégeaient de manière collégiale lors des procès ordinaires.
68 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 267. Voir M. Macuch, « The Use of Seals », art. cité, p. 84.
69 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 676 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 55. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 191.
70 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 297.
71 Ibid., p. 301. Voir également M. Macuch, « The Use of Seals », art. cité, p. 80 ; R. Gyselen, « À propos du droit sassanide », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 31, 1988, p. 245 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 63.
72 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. ; R. Gyselen, « À propos du droit sassanide », art. cité, p. 245.
73 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. ; The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 299.
74 M. Macuch, Rechtskasuistik…, op. cit., p. 9 ; id., « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v. et « Mādayān ī hazār dādestān », EIr, s. v. Selon Maria Macuch, l’auteur de cette compilation, appelé Farrokhmard ī Wahrāmān, semble s’être appuyé sur des documents émis par des tribunaux. Sur cette source, voir également N. Pigulevskaja, Les villes de l’État iranien, op. cit., p. 102-106.
75 D’autres ouvrages de droit zoroastrien sont connus : le Dādestān ī dēnīg (Les jugements religieux), série de responsa composés dans la seconde moitié du ixe siècle par Mānūšihr, grand prêtre zoroastrien du Fārs et du Kirmān (The Dâdistân-i Dînîk and the Epistles of Mânûshîhar, trad. par E. W. West dans The Sacred Books of the East, éd. par F. M. Müller, XVIII, Oxford, Clarendon Press, 1882) ; le Rivāyat ī hēmīt ī ašawahistān, sans doute composé au xe siècle par un autre grand prêtre des mêmes provinces (Rivāyat-i Hēmīt-i Ašawahistān. A Study in Zoroastrian Law, éd. et trad. par N. Safa-Isfehani, s. l., Harvard University Printing Office, 1980). Néanmoins dans ces ouvrages plus tardifs, composés à une époque où la religion zoroastrienne était en net recul face à l’islam, nous n’avons trouvé aucune allusion concrète à l’exercice de la justice. Les développements qui suivent reposent principalement sur les synthèses de M. Macuch, « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v., et de A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 676-679. Lorsque nous renvoyons à la traduction anglaise du Livre des mille jugements, il s’agit soit d’illustrer cette analyse (auquel cas la référence est précédée de « voir »), soit d’apporter des précisions complémentaires.
76 Sur ces écoles, voir J. Jany, Judging…, op. cit., p. 148-149. Sur la notion de chāshtag, voir id., « The Four Sources of Law in Zoroastrian and Islamic Jurisprudence », Islamic Law and Society, 12, 2005, p. 303-307.
77 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 175-176.
78 M. Macuch, « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v.
79 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 677.
80 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 57.
81 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 678-679. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 49, 55, 273.
82 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 57.
83 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 187.
84 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 677. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 301.
85 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 187, 191.
86 Ibid., p. 189.
87 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v.
88 Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 293. Le commentaire de Perikhanian suggère que les plaideurs se tenaient également à trois pas l’un de l’autre.
89 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 677.
90 M. Macuch, « The Use of Seals », art. cité, p. 81 ; id., Rechtskasuistik und Gerichtspraxis zu Beginn des siebenten Jahrhunderts in Iran. Die Rechtssammlung des Farroḫmard i Wahrāmān, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 1993, p. 527. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 293, 299.
91 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 58.
92 Ibid., p. 59.
93 M. Macuch, « Judicial and Legal Systems iii », EIr, s. v. J. Jany affirme qu’un seul témoin suffisait, mais semble avoir mal compris Macuch sur ce point. J. Jany, Judging…, op. cit., p. 59.
94 Le témoignage du mōbedān mōbed était considéré comme fiable et n’avait pas besoin d’être appuyé d’un serment. J. Jany, Judging…, op. cit., p. 55.
95 Voir M. Macuch, « The Use of Seals », art. cité, p. 80, 84.
96 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v.
97 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 53, 55 (exemples de serments prêtés par des demandeurs, p. 55, § 14, 7-12 ; § 14, 12-17 ; p. 187, § 76, 4-13).
98 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 60.
99 A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 305 ; A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 679 ; M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v. ; Chr. Jullien, « Peines et supplices… », art. cité, p. 257-258. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 53. Un passage de la même source suggère néanmoins, dans sa traduction anglaise, que le serment pouvait servir d’alternative à l’ordalie. The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 55 (§ 14, 2-5). Le catholicos Mār Abbā aurait dû se soumettre à une ordalie au vie siècle (Histoire de Mār Abba, catholicos de l’Orient. Martyres de Mār Grigor, général en chef du roi Khursro Ier et de Mār Yazd-Panāh, juge et gouverneur, éd. et trad. par F. Jullien, Louvain, Peeters, 2015, II, p. l). Sur l’ordalie, voir encore A. Christensen, L’empire des Sassanides, op. cit., p. 73.
100 A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 304.
101 Chr. Jullien, « Peines et supplices… », art. cité, p. 258, n. 105.
102 M. Shaki, « Judicial and Legal Systems ii », EIr, s. v.
103 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 60 ; The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 269.
104 J. Jany, Judging…, op. cit., p. 61.
105 Ibid., p. 61.
106 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 271. Le § A14, 7-9 précise : As regards a judicial decision which was improperly rendered : the drawing up of a subsequent document by the same judge is to be considered invalid.
107 Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 191. Voir aussi M. Macuch, « The Use of Seals », art. cité, p. 84.
108 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 299.
109 A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », art. cité, p. 678. Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 33, 293.
110 Voir The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 275 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 59. Selon l’interprétation de Perikhanian (« Iranian Society and Law », art. cité, p. 678), les frais de procès incombaient à la partie perdante.
111 The Book of a Thousand Judgements, op. cit., p. 269. Voir U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 47.
112 T. Daryaee, Sasanian Persia, op. cit., p. 56.
113 U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 47-48 ; R. Payne, Christianity and Iranian Society in Late Antiquity, ca. 500-700 CE, Ph. D. dissertation, Princeton University, 2009, p. 164-165.
114 J.-B. Chabot, Synodicon orientale, op. cit., p. 155/415.
115 R. Payne, Christianity and Iranian Society…, op. cit., p. 168.
116 R. Brody, The Geonim of Babylonia and the Shaping of Medieval Jewish Culture, New Haven, Yale University Press, 2013 (1re éd. 1998), p. 4. Les spécialistes du Talmud babylonien ajoutent maintenant une quatrième période, celle des « Stamma’im ». Ce terme moderne désigne la « voix anonyme » responsable de l’élaboration finale du Talmud, parfois (mais pas toujours) associée à la catégorie des Savora’im. Voir M. Vidas, Tradition and the Formation of the Talmud, Princeton, Princeton University Press, 2014, p. 3-4.
117 Voir P. Fenton, « Les juifs en Arabie au début du viie siècle », dans Th. Bianquis, P. Guichard, M. Tillier (dir.), Les débuts du monde musulman, op. cit.
118 S. Schwartz, « The Political Geography of Rabbinic Texts », dans C. E. Fonrobert, M. S. Jaffee (dir.), The Cambridge Companion to the Talmud and Rabbinic Literature, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 76, 83, 89-90.
119 J. Juster, Les juifs dans l’Empire romain. Leur condition juridique, économique et sociale, Paris, Paul Geuthner, 1914, II, p. 101-105 ; J. Harries, « Creating Legal Space : Settling Disputes in the Roman Empire », dans C. Hezser (dir.), Rabbinic Law in its Roman and Near Eastern Context, Tübingen, Mohr Siebeck, 2003, p. 63-65, 77 ; H. Lapin, Rabbis as Romans : The Rabbinic Movement in Palestine, 100-400 CE, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 120-121.
120 Sur cette ville, voir M. Avi-Yonah, M. D. Herr, « Jabneh », EJ2, XI, p. 9-10.
121 H. H. Cohn, I. Levitats, M. Drori, « Bet Din and Judges », EJ2, III, p. 513, 515 ; G. Y. Blidstein, « Nasi », EJ2, XIV, p. 784-785 ; S. H. Resnicoff, « Autonomy in Jewish Law. In Theory and in Practice », Journal of Law and Religion, 24, 2008-2009, p. 523-524 ; S. Schwartz, « The Political Geography… », art. cité, p. 78-80 ; U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 41-43.
122 H. H. Cohn, I. Levitats, M. Drori, « Bet Din and Judges », EJ2, III, p. 513. Sur ces appellations, voir également D. S. Goitein, A Mediterranean Society, II : The Community, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1971, p. 314.
123 S. D. Goitein, A Mediterranean Society, op. cit., II, p. 312 ; H. H. Cohn, I. Levitats, M. Drori, « Bet Din and Judges », EJ2, III, p. 513.
124 Red., « Av Bet Din », EJ2, II, p. 716. Plus tard, à la période gaonique, ce titre en vint à désigner le vicaire du gaon des académies babylonniennes et palestiniennes. Ibid., p. 717.
125 H. Lapin, Rabbis as Romans, op. cit., p. 99, 108.
126 Ibid., p. 110.
127 Ibid., p. 113-114, 118, 120.
128 Sur les populations juives de Babylonie à la veille de l’Islam, voir notamment M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 306.
129 Sur ce personnage, voir M. Beer, « Samuel », EJ2, XVII, p. 757-758.
130 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, Leyde, Brill, 1965-1970, V, p. 245 ; J. Mann, « The Responsa of the Babylonian Geonim as a Source of Jewish History », The Jewish Quarterly Review, 10, 1919-1920, p. 359-360.
131 G. Herman, A Prince without a Kingdom. The Exilarch in the Sasanian Era, Tübingen, Mohr Siebeck, 2012, p. 205 ; J. Neusner et E. Bashan, « Exilarch », EJ2, VI, p. 602. Voir M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 317, où l’auteur attribue l’adage à une autre autorité.
132 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., IV, p. 185, 251 ; S. Schwartz, « The Political Geography… », art. cité, p. 91.
133 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., II, p. 117-118, 251, 277 ; M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 318.
134 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 265-267 ; M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 318.
135 Soulignons cependant que l’importance historique de l’exilarque a fait l’objet de controverses. Voir S. Schwartz, « The Political Geography… », art. cité, p. 91.
136 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 246.
137 Ibid., p. 268.
138 G. Herman, A Prince without a Kingdom, op. cit., p. 197-198.
139 J. Neusner, E. Bashan, « Exilarch », EJ2, VI, p. 603 ; M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 316-317 ; M. Gil, Jews in Islamic Countries in the Middle Ages, trad. par D. Strassler, Leyde/Boston, Brill, 2004, p. 83-84.
140 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., IV, p. 187, 190, 253 ; V, p. 272. M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 317.
141 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Practice and Procedure », EJ2, XVI, p. 435.
142 Ibid. Voir J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 270.
143 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Practice and Procedure », EJ2, XVI, p. 436. Voir Talmud Israël, XXXI, p. 116-117, 119.
144 H. H. Cohn, « Contempt of Court », EJ2, V, p. 189.
145 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Practice and Procedure », EJ2, XVI, p. 435.
146 H. H. Cohn, M. Elon, « Evidence », EJ2, VI, p. 578.
147 Ibid.
148 Ibid.
149 Ibid., p. 580.
150 Ibid., p. 580.
151 Ibid., p. 578.
152 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 115. Voir J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 271.
153 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 115-116.
154 Ibid., p. 116. Voir J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 270.
155 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 121.
156 Ibid., p. 116.
157 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 271.
158 Ibid., IV, p. 187-188.
159 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 116-117.
160 M. Greenberg, H. H. Cohn, M. Elon, « Oath », EJ2, XV, p. 362.
161 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 118.
162 H. H. Cohn, M. Elon, « Evidence », EJ2, VI, p. 577 ; H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 118.
163 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 115.
164 H. H. Cohn, M. Elon, « Evidence », EJ2, VI, p. 577.
165 Ibid., p. 582.
166 Ibid., p. 583. Voir aussi J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., IV, p. 243.
167 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Witness », EJ2, XXI, p. 119.
168 A. M. Fuss, « Shetar », EJ2, XVIII, p. 468.
169 H. H. Cohn, M. Elon, « Evidence », EJ2, VI, p. 583.
170 G. Libson, Jewish and Islamic Law, op. cit., p. 101 ; U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 57-59 ; Ph. Ackerman-Lieberman, « Legal Pluralism among the Court Records of Medieval Egypt », Bulletin d’études orientales, 63, 2014 (Le pluralisme judiciaire dans l’Islam prémoderne), p. 81.
171 M. Greenberg, H. H. Cohn, M. Elon, « Oath », EJ2, XV, p. 359-360.
172 Ibid., p. 360.
173 Ibid.
174 Ibid. Selon les mêmes auteurs, il semble que ce ne soit que plus tard, à l’époque de Maïmonide, que le serment fut autorisé à propos de biens immobiliers et de contrats.
175 Ibid., p. 361.
176 Ibid., p. 362.
177 H. Tykocinski, Die gaonäischen Verordnungen, Berlin, Akademie Verlag, 1929, p. 67.
178 M. Greenberg, H. H. Cohn, M. Elon, « Oath », EJ2, XV, p. 361.
179 Ibid., p. 362.
180 Ibid.
181 Ibid.
182 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Practice and Procedure », EJ2, XVI, p. 437.
183 Ibid.
184 H. H. Cohn, M. Elon, « Evidence », EJ2, VI, p. 580, 584.
185 H. H. Cohn, Y. Sinai, « Practice and Procedure », EJ2, XVI, p. 439-440.
186 J. Neusner, A History of the Jews in Babylonia, op. cit., V, p. 274. Sur les méthodes d’exécution sous les Sassanides, voir A. Christensen, L’Iran sous les Sassanides, op. cit., p. 309.
187 Y. Sinai, « The Religious Perspective of the Judge’s Role in Talmudic Law », Journal of Law and Religion, 25, 2009-2010, p. 363-364, 371, 376.
188 Ibid., p. 367, 371, 373, 374-376.
189 Ibid., p. 370, 376.
190 Ibid., p. 366.
191 S. D. Goitein, A Mediterranean Society, op. cit., II, p. 334-335.
192 Voir notamment F. Millar, A Greek Roman Empire. Power and Belief under Theodosius II (408-450), Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 2006, p. 107-116.
193 S. Brock, « The ‘ Nestorian’Church : a Lamentable Misnomer », Bulletin of the John Rylands Library, 78, 1996, p. 28-29. Voir B. Landron, Chrétiens et musulmans en Irak. Attitudes nestoriennes vis-à-vis de l’Islam, Paris, Cariscript, 1994, p. 18.
194 Pour un aperçu des principales provinces ecclésiastiques de l’Église syro-orientale à l’époque sassanide, voir J. Walker, The Legend of Mar Qardagh. Narrative and Christian Heroism in Late Antique Iraq, Berkeley/Los Angeles/Londres, University of California Press, 2006, p. 94-106.
195 Encore resterait-il à déterminer dans quelle mesure les collections synodales purent être révisées à l’époque islamique, notamment par élimination ou réélaboration de normes considérées comme désuètes. La comparaison entre les versions syriaques et les versions grecques des conciles œcuméniques laisse néanmoins penser que les révisions furent mineures. William Young a par ailleurs montré qu’en règle générale, dans le Synodicon Orientale tel qu’il a été édité par Chabot, there is no evidence […] of any attempt to harmonise th[e synods] to fit in with decisions of a later date. W. G. Young, Patriarch, Shah and Caliph. A Study of the Relationships of the Church of the East with the Sassanid Empire and the Early Caliphates up to 820 A. D., Rawalpindi (Pakistan), Christian Study Centre, 1974, p. 28.
196 Les appellations « syro-occidentale » et « syro-orientale » (« West-Syriac » et « East-Syriac » en anglais), généralement considérées comme plus objectives par les chercheurs voulant éviter celles de « jacobite » et « nestorien », sont tout aussi conventionnelles. L’Église « orientale » s’étendit en effet à l’ouest aussi loin que l’Égypte (W. Baum, D. Winkler, The Church of the East. A Concise History, trad. de l’allemand par M. G. Henry, Abington/New York, Routledge Curzon, 2003, p. 58-59), tandis que l’Église « occidentale » était bien implantée en Mésopotamie, notamment autour de Takrīt.
197 Sur l’histoire de l’episcopalis audientia, voir les références bibliographiques proposées dans J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 230-231.
198 A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 239 ; A. Fattal, « How Dhimmīs were Judged… », art. cité, p. 83 et suiv. ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts in Late Antiquity », Journal of Early Christian Studies, 3, 1995, p. 147 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 195 ; Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 243 ; C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 158. Voir aussi J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 231 ; R. M. Frakes, Contra Potentium Iniurias…, op. cit., p.. Jill Harries note néanmoins que certains passages de cette constitution sont obscurs, et Claudia Rapp affirme que, selon la constitution de 318, les deux parties devaient être d’accord pour que leur affaire soit soumise à l’évêque. La constitution de 333 aurait autorisé le recours à l’évêque sur demande d’une seule partie. Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 243.
199 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 232, 250 ; A. Dumas, « Juridiction Ecclésiastique », DDC, VI, p. 240 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 147 ; C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 160 ; Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 243.
200 J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 148. Sur l’authenticité de ces deux constitutions, voir O. Huck, « À propos de CTh 1,27,1 et CSirm 1. Sur deux textes controversés relatifs à l’episcopalis audientia constantinienne », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, 123, 2003.
201 A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 240 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 147-148 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 197.
202 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 197. J. Gaudemet avance au contraire que la réforme de Constantin fut victime de son succès, les évêques se trouvant dès lors submergés par leurs tâches judiciaires. J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 233. Voir J. Liebeschuetz, Antioch. City and Imperial Administration in the Later Roman Empire, Oxford, Clarendon Press, 1972, p. 240 ; id., Decline and Fall of the Roman City, New York, Oxford University Press, 2001, p. 142.
203 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 235 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 148-149 ; R. M. Frakes, Contra Potentium Iniurias…, op. cit., p. 206 ; Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 244.
204 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 235 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 149.
205 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 236 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 149.
206 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 234, 257 ; A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 241. Jean Gaudemet remarque toutefois que les tribunaux épiscopaux se voyaient reconnaître une compétence générale, non limitée aux affaires religieuses. J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 234. L’argument est repris par C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 162.
207 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 243 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 149-150 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 200-202 ; Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 244 ; C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 165.
208 Voir notamment R. Rémondon, « L’Église dans la société égyptienne… », art. cité, p. 47, 1972, p. 262, où celui-ci suggère que la juridiction de l’évêque se limitait à quelques causes précises (affaires de mœurs, litiges conjugaux, cas où l’une des parties au moins appartenait à l’Église).
209 C. Humfress, « Law and Legal Practice in the Age of Justinian », dans M. Maas (dir.), The Cambridge Companion to the Age of Justinian, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 179.
210 B. Badevant-Gaudemet, Église et autorités. Études d’histoire du droit canonique médiéval, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2006, p. 59.
211 Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 173. Voir également B. Landron, Chrétiens et musulmans…, op. cit., p. 19.
212 J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 156-157. C. Humfress remarque pour sa part que nombre de basiliques chrétiennes de l’Antiquité tardive sont en réalité d’anciennes basiliques judiciaires converties en églises. C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 169.
213 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 259-260 : « Le libelle est souscrit par l’accusateur. Lecture en est faite par son notaire. Il est ensuite remis au président et joint aux pièces du procès. Son acceptation (suscipere libellum) implique que le président admet l’accusateur ». En matière criminelle, le juge faisait ensuite porter au défendeur une citation à comparaître par l’intermédiaire d’un membre du tribunal, accompagné d’un notaire. Voir également J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 157.
214 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 248.
215 Ibid.
216 Ibid.
217 C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 168, 208. Voir également J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 246, 258.
218 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, p. 261.
219 C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 169. Le même auteur propose que les plaideurs eux-mêmes attendaient que les évêques se conforment au droit romain dans ses grandes lignes lorsqu’ils rendaient la justice. C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 202. Voir J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 267 ; F. Alpi, La route royale. Sévère d’Antioche et les Églises d’Orient (512-518), Beyrouth, Presses de l’Ifpo, 2009, p. 84.
220 E. Honigmann, Évêques et évêchés monophysites d’Asie antérieure au vie siècle, Louvain, Imprimerie orientaliste L. Durbecq, 1951, p. 159-160, 244 ; S. H. Griffith, The Church in the Shadow…, op. cit., p. 134-135. H. Kennedy, « Syria, Palestine and Mesopotamia », dans A. Cameron, B. Ward-Perkins, M. Whitby (dir.), The Cambridge Ancient History, XIV : Late Antiquity : Empire and Successors, op. cit., p. 594, 599. Voir également I. Shahîd, Byzantium and the Arabs in the Fifth Century, op. cit., p. 526-527 ; B. Landron, Chrétiens et musulmans…, op. cit., p. 20 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 50-51 ; W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 38 ; F. Briquel Chatonnet, « L’expansion du christianisme en Arabie : l’apport des sources syriaques », Semitica et classica, 3, 2010, p. 178.
221 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 296 ; K. Pennington, « The Growth of Church Law », dans A. Casiday, F. W. Norris (dir.), The Cambridge History of Christianity, II, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 387 ; H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 241. Voir également C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 153, 155 ; Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 29. Des chercheurs considèrent que certaines parties de la Didascalia apostolorum doivent être lues dans un contexte de polémiques entre groupes judéo-chrétiens. Ces polémiques touchent néanmoins surtout les questions rituelles, et non celle de la justice. Voir Ch. E. Fonrobert, « The Didascalia Apostolorum : A Mishnah for the Disciples of Jesus », Journal of Early Christian Studies, 9, 2001.
222 A. Vööbus, dans The Synodicon in the West Syrian Tradition, éd. par A. Vööbus, Louvain, Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 1975-1976, II, p. 156-158/157-160 ; 164-166/170-172.
223 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 298 ; J. Périer, A. Périer, « Les “127 Canons des apôtres”. Texte arabe en partie inédit, publié et traduit en français d’après les manuscrits de Paris, de Rome et de Londres », Patrologia orientalis, 8, 1912, p. 551-710.
224 A. Vööbus, dans The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 85-140. Voir également H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 244-248.
225 F. Alpi, La route royale, op. cit. ; id., « La correspondance du patriarche Sévère d’Antioche (512-518). Un témoignage sur les institutions et la discipline ecclésiastiques en Orient protobyzantin », dans R. Delmaire, J. Desmulliez, P.-L. Gatier (dir.), Correspondances. Documents pour l’histoire de l’Antiquité tardive, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, 2009.
226 Comme le souligne Caroline Humfress, la Didascalia ne peut être considérée comme une description directe des pratiques chrétiennes préconstantiniennes (C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 155) : soit la réflexion donnée sur la justice date d’avant la réforme de Constantin, auquel cas l’on peut soupçonner une mise en avant du rôle de l’évêque à des fins polémiques ; soit il s’agit d’une reconstitution ou d’un ajout reflétant des pratiques postérieures à Constantin.
227 The Didascalia Apostolorum in Syriac, éd. par A. Vööbus, Louvain, Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 1979, I, p. 128/II, p. 120.
228 Ibid., I, p. 130/II, p. 121. Le texte syriaque n’indique pas que le mot ܐܫܝܫܩ (prêtre) est au pluriel. Nous suivons l’interprétation de Vööbus dans sa traduction anglaise.
229 Voir J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 160 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 193. Voir J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 238 ; Ch. Lefebre, « Procédure », DDC, VII, p. 282.
230 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 111/115 ; p. 128/129. Cette règle fut réitérée au concile de Chalcédoine (ibid., p. 133/133), et figure également dans un florilège de « canons des apôtres et des synodes des Pères » : ibid., p. 69/81. Ce dernier canon insiste sur la nécessité de convoquer l’évêque accusé ; s’il ne répond pas à la troisième convocation, le synode pourra statuer par contumace.
231 Ibid., p. 111/115 (synode d’Antioche in Encæniis).
232 The Acts of the Council of Chalcedon, trad. angl. par R. Price et M. Gaddis, Liverpool, Liverpool University Press, 2005, III, p. 97 ; The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 133/133.
233 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 136-137/II, p. 125 ; The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 157/159. Voir J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 193.
234 C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 171. Voir supra.
235 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 117/II, p. 111 : « Simplement, qu’il n’aille pas solliciter le jugement des païens (ḥanpē). »
236 The Acts of the Council of Chalcedon, op. cit., III, p. 97 ; The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 133/133.
237 F. Alpi, La route royale, op. cit., p. 71.
238 F. Alpi, « La correspondance… », art. cité, p. 342 ; id., La route royale, p. 74-76.
239 F. Alpi, « La correspondance… », art. cité, p. 338, 341.
240 Ibid., p. 341 ; id., La route royale, p. 78.
241 F. Alpi, « La correspondance… », art. cité, p. 341 ; id., La route royale, p. 74, 78.
242 F. Alpi, La route royale, op. cit., p. 95.
243 Ibid.
244 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 191.
245 Voir Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 44. Rapp note aussi que nombre de prêtres et d’évêques de l’Antiquité tardive avaient auparavant été médecins. Ibid., p. 177.
246 N. Edelby, Essai sur l’autonomie…, op. cit., p. 182. Eldeby évoque ainsi la tendance « antijuridique » du christianisme primitif.
247 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 192. Sur ces peines, voir également A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 237-238.
248 F. Alpi, La route royale, op. cit., p. 70.
249 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 129/II, p. 121 : « Mais s’il y est des frères en conflit l’un contre l’autre – que Dieu s’y oppose, et qu’il n’en soit pas ainsi ! – vous devez, vous, dirigeants (mdabrōnē), avoir conscience que ceux qui osent agir ainsi n’accomplissent pas la fraternité du Seigneur. […] Quiconque se montre cruel, présomptueux, injuste et blasphémateur est un hypocrite, et l’Ennemi agit à travers lui. Réprimandez-le donc, faites-lui honte et remontrez-lui son déshonneur, et châtiez-le en l’expulsant ! […] En effet, lorsque les gens de cette sorte auront été châtiés et réformés, vous n’aurez plus [à présider] beaucoup de procès ! »
250 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 129/II, p. 121. Voir Luc 12 : 58-59, où le défendeur est incité à rendre ce qu’il doit à son adversaire avant que celui-ci ne le traduise en justice. Voir également l’épître de Paul aux Romains, dans laquelle l’auteur appelle les chrétiens à cesser de s’intenter des procès. Rom. 14 : 13.
251 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 138/II, p. 126. Voir J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 247 ; J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 154.
252 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 130/II, p. 121.
253 Ou « tenez audience ».
254 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 130-131/II, p. 121-122.
255 Voir J. C. Lamoreaux, « Episcopal Courts… », art. cité, p. 156 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 193 ; Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 245.
256 Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 245. Cet argument développe celui de J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 211. Rapp affirme par ailleurs que l’évêque pouvait user de moyens de contrainte, comme la torture ou l’emprisonnement préventif. Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 246.
257 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 135/II, p. 124. Plusieurs documents juridiques coptes témoignent, pour l’Égypte des viie-viiie siècles, de la pratique de l’excommunication en vue d’obliger un plaideur à respecter la décision du juge. Voir par exemple W. Till, Die koptischen Rechtsurkunden…, op. cit., p. 71-72 (Co Ad 40).
258 J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 75.
259 Voir J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 74-75, 218.
260 Claudia Rapp cite un épisode de la vie de l’évêque Pisentius (m. 631) pour illustrer le fonctionnement de l’audience épiscopale dans l’Antiquité tardive (Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 251-252). Il est néanmoins possible que ledit épisode, présent uniquement dans la version arabe du texte, soit plus représentatif de la justice copte à l’époque islamique. Les procédures suivies dans le cadre d’un procès qu’une femme intenta à son mari – qu’elle accusait de l’avoir jetée dehors – afin d’obtenir soit le divorce, soit qu’il la reprenne, semblent en témoigner. Ainsi l’évêque demande-t-il à deux reprises aux défendeurs (la femme, opposée à son mari ; l’amant présumé de la femme, accusé par le mari) de prêter serment, procédure manifestement influencée par le droit musulman (E. De Lacy O’Leary, « The Arabic Life of S. Pisentius », Patrologia orientalis, 22, 1930, p. 437, 440 ; voir Ibn al-ʿAssāl, Kitāb al-qawānīn, éd. par Ǧirǧīs Fīlūṯā’ūs ʿAwaḍ, Le Caire, Maṭbaʿat al-tawfīq, s. d., p. 368). À la fin du procès, l’évêque renvoie par ailleurs la femme devant un ḥākim, que l’éditeur anglais traduit par governor, mais en qui il serait peut-être plus vraisemblable de voir un « juge » (un cadi ?), au moins aussi habilité à lui faire subir une promenade infâmante (yušhiru-hā). E. De Lacy O’Leary, « The Arabic Life… », art. cité, p. 441. Rapp affirme par ailleurs que dans cette affaire, l’évêque n’impose ni sentence ni châtiment, ce qui prouve à ses yeux que l’évêque jouait avant tout un rôle de conciliation (Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 252). Or non seulement l’évêque « ordonna de battre la femme et de la chasser » (E. De Lacy O’Leary, « The Arabic Life… », art. cité, p. 441), mais il apparaît que la plaignante réclama de l’évêque un jugement (yaḥkum baynī wa-bayna-hu) ; l’homme accusé d’être son amant reconnut en outre que « le jugement appartient [à l’évêque] (la-ka l-ḥukm) » et que ce dernier « a le pouvoir [de trancher] (bi-yadi-ka l-sulṭān) ». E. De Lacy O’Leary, « The Arabic Life… », art. cité, p. 437-438.
261 Notons toutefois qu’en Égypte, plusieurs ostraca coptes remontant, pour certains, aux alentours de l’an 600, laissent penser qu’en certains cas au moins, un plaideur s’engageait devant l’évêque à respecter sa sentence et à se soumettre à une amende dans le cas contraire. W. Till, Die koptischen Rechtsurkunden…, op. cit., p. 45 (CO 43), 60 (CO 297), 69 (CO Ad 12). Voir également un ostracon, où un individu se porte garant devant l’évêque de l’exécution d’une sentence à venir, dans ibid., p. 47 (CO 86).
262 J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 194, 203.
263 Ibid., p. 205-211. Voir J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 233, 237.
264 Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 210.
265 Ibid., p. 246.
266 E. De Lacy O’Leary, « The Arabic Life… », art. cité, p. 441.
267 Cité par F. Alpi, « La correspondance… », art. cité, p. 342 ; id., La route royale, p. 79.
268 F. Alpi, « La correspondance… », art. cité, p. 342 ; id., La route royale, p. 79.
269 F. Alpi, « La correspondance… », art. cité, p. 342 ; id., La route royale, p. 79.
270 H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 242.
271 Reliquiae iuris ecclesiastici antiquissimae. Syriace, éd. par A. P. de Lagarde, Lepzig, Caesarei Vindobonensis, 1856, p. 57/trad. par F. Nau, La version syriaque de l’Octateuque de Clément, Paris, P. Lethielleux, 1913, p. 126.
272 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 158/159-160.
273 F. Alpi, La route royale, op. cit., p. 72.
274 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 130-131/II, p. 121-122. Voir le droit syro-romain, qui interdit aux plaideurs de porter plainte le dimanche. The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 119-120/124 ; Das Syrisch-Römische Rechtsbuch, éd. par W. Selb et H. Kaufhold, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2002, II, p. 150. Voir H. Kaufhold, « Der Richter in den syrischen Rechtsquellen. Zum Einfluβ islamischen Rechts auf die christlich-orientalische Rechtsliteratur », Oriens christianus, 68, 1984, p. 107.
275 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 133/II, p. 123 ; I, p. 138/II, p. 126.
276 Ibid., p. 131/II, p. 122 ; I, p. 133/II, p. 123 ; I, p. 138/II, p. 126. Voir également The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 156/157. Voir H. Kaufhold, « Der Richter… », art. cité, p. 107.
277 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 131/II, p. 122. Voir The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 165-166/171. La doctrine d’Addai condamne également tout juge qui ferait preuve de partialité, et qui devrait se voir interdire de rendre la justice. The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 204/192. Voir aussi Ancient Syriac Documents Relative to the Establishment of Christianity in Edessa and the Neighbouring Countries, éd. par W. Cureton, Londres/Édimbourgh, Williams and Norgate, 1864, p. 29/29.
278 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 131/II, p. 122.
279 Voir F. Alpi, La route royale, op. cit., p. 71.
280 H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 243.
281 Reliquiae, op. cit., p. 37-38.
282 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 133/II, p. 123 ; I, p. 135/II, p. 124.
283 Ibid., I, p. 131/II, p. 122 ; I, p. 133/II, p. 123.
284 Voir J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 193. Harries interprète cette partie de la procédure comme caractéristique d’une approche séculière de la justice, peut-être par comparaison avec l’insistance du droit romain sur la position sociale des témoins. Voir également J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 261 ; Ch. Lefebre, « Procédure », DDC, VII, p. 282.
285 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 117/II, p. 111.
286 Ibid., I, p. 133/II, p. 123. Que l’enquête vise avant tout le demandeur est confirmé par le 4e canon du concile de Constantinople (381). Voir The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 127-128/128. Voir également Reliquiae, op. cit., p. 57/trad. par F. Nau, op. cit., p. 126. Voir H. Kaufhold, « Der Richter… », art. cité, p. 107.
287 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 133-134/II, p. 123.
288 Ibid., I, p. 134/II, p. 123. Voir J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 194.
289 Ibid., I, p. 134/II, p. 124.
290 Ibid., I, p. 135/II, p. 124.
291 Voir le 21e canon du concile de Chalcédoine dans The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 138/136.
292 Ibid., I, p. 127/128.
293 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 69/71, 117/II, p. 111. Voir Reliquiae, op. cit., p. 58/trad. par F. Nau, op. cit., p. 126. J. Périer, A. Périer, « Les “127 Canons des apôtres” », art. cité, p. 688. Cette règle s’appuie également sur la seconde épître de Paul aux Corinthiens (2 Cor. 13 : 1) et sa première épître à Timothée (1 Tim. 5 : 19). Voir J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 266 ; A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 237 ; K. Pennington, « The Growth of Church Law… », art. cité, p. 388.
294 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 117-118/II, p. 111 : « Car le Père et le Fils, avec le Saint-Esprit, témoignent des actes des hommes. »
295 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 69/71.
296 J. Périer, A. Périer, « Les “127 Canons des apôtres” », art. cité, p. 688.
297 Remarquons néanmoins qu’une constitution impériale de 333 allait jusqu’à accorder une valeur probatoire au témoignage isolé d’un évêque. C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 160-161.
298 The Didascalia Apostolorum in Syriac, op. cit., I, p. 128/II, p. 120. La version arabe des Canons des apôtres, probablement traduite vers le xiie siècle, indique que l’on n’acceptera pas le témoignage d’un hérétique (harātīq) à l’encontre d’un évêque. J. Périer, A. Périer, « Les “127 Canons des apôtres” », art. cité, p. 688. Voir H. Kaufhold, « Der Richter… », art. cité, p. 107 ; J. Harries, Law and Empire…, op. cit., p. 193.
299 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 69/71 ; Reliquiae, op. cit., p. 58/trad. par F. Nau, op. cit., p. 126.
300 A. Dumas, « Juridiction ecclésiastique », DDC, VI, p. 243.
301 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 337. Selb et Kaufhod suggèrent une date un peu postérieure (vie-viie siècle, et pensent que l’ouvrage pourrait avoir été traduit dans le cercle de Jacques d’Édesse (Das Syrisch-Römische Rechtsbuch, op. cit., I, p. 52 ; voir également H. Kaufhold, Syrische Texte zum islamischen Recht. Das dem nestorianischen Katholikos Johannes V. bar Abgārē zugeschriebene Rechtbuch, Munich, Verlag der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 1971, p. 30), mais cette interprétation est réfutée par Sebastian Brock, qui considère que le plus ancien manuscrit connu remonte au vie siècle. S. Brock, « Review of Walter Selb and Hubert Kaufhold, Das Syrisch-Römische Rechtsbuch », Journal of Semitic Studies, 52, 2007, p. 163. Pour Nallino, la traduction syriaque n’est pas antérieure au viiie siècle (C. A. Nallino, « Sul Libro siro-romano e sul presunto diritto siriaco », dans Raccolta di scritti editi e inedit, IV : Diritto musulmano, diritti orientali cristiani, Rome, Istituto per l’Oriente, 1942, p. 561). Ces constitutions furent manifestement réunies dans un but didactique (ibid., p. 545-546). L’ouvrage offre ainsi une lecture du droit romain d’un point de vue provincial. Parmi l’abondante littérature consacrée à cette source, voir encore W. Selb, « Le Livre syro-romain et l’idée d’un coutumier de droit séculier orientalo-chrétien », dans L’Oriente cristiano nella storia della civiltà, Accademia Nazionale dei Lincei, Rome, 1964, p. 340-341 ; E. Volterra, « Il Libro siro-romano nelle recenti ricerche », dans L’Oriente cristiano nella storia della civiltà, Rome, Accademia Nazionale dei Lincei, 1964, p. 256.
302 L’hypothèse selon laquelle le Livre syro-romain était destiné à l’episcopalis audientia fut très tôt mise en avant par des romanistes. Cette interprétation a néanmoins été dénoncée comme pure spéculation. Voir C. A. Nallino, « Sul Libro siro-romano… », art. cité, p. 541-542 ; E. Volterra, « Il Libro siro-romano… », art. cité, p. 297-327. Voir E. Volterra, « Il Libro siro-romano… », art. cité, p. 312-313.
303 C. A. Nallino, « Sul Libro siro-romano… », art. cité, p. 552-554, 560.
304 W. Till, Die koptischen Rechtsurkunden…, op. cit., p. 63 (CO 312) ; voir ibid., p. 68 (CO 481), 69 (CO Ad 10), où il n’est pas précisé si le témoignage est effectué devant un évêque.
305 Voir M. Kaimio, dans The Petra Papyri IV, p. 46.
306 M. Kaimio, dans The Petra Papyri IV, p. 68.
307 On remarquera par ailleurs qu’un document en syriaque est mentionné dans l’acte d’arbitrage. Ibid., p. 50, 71.
308 M. Kaimio, « P. Petra inv. 83 », art. cité, p. 723 ; id., dans The Petra Papyri IV, p. 72, 73.
309 M. Kaimio, « P. Petra inv. 83 », art. cité, p. 721. Voir également Cl. Rapp, Holy Bishops…, op. cit., p. 252.
310 M. Kaimio, dans The Petra Papyri IV, p. 47, 53, 69.
311 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 127-128/128-129, 132-133/133, 137-138/136-137. Voir également les Canons des apôtres sans doute traduits en syriaque par Jacques d’Édesse, dans Reliquiae, op. cit., p. 57/trad. par F. Nau, op. cit., p. 126. Sur cette œuvre, voir H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 242.
312 Voir R. B. Rose, « Islam and the Development of Personal Status Laws among Christian Dhimmis : Motives, Sources, Consequences », The Muslim World, 52, 1982, p. 163.
313 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., I, p. 128/129. Cette prescription est réitérée dans un sermon de Théodose, patriarche d’Alexandrie de 537 à 568. Ibid., II, p. 160/163. Remarquons qu’une règle comparable apparaît dans le Livre de droit syro-romain, selon laquelle un accusateur qui ne se présenterait pas lors de la confrontation avec son adversaire doit se voir infliger le châtiment que l’accusé encourt (par exemple, l’accusateur doit être tué s’il a accusé quelqu’un de meurtre et ne se présente pas à l’audience). Das Syrisch-Römische Rechtsbuch, op. cit., II, p. 76. Voir The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 140/142-143.
314 J.-M. Fiey, « Tagrît. Esquisse d’une histoire chrétienne », dans J.-M. Fiey, Communautés syriaques en Iran et Irak des origines à 1552, Londres, Variorum Reprints, 1979, p. 306-307 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient. Chrétiens d’Irak, d’Iran et de Turquie, Paris, Cerf, 1995, p. 64. Voir également W. Hage, Die syrisch-jakobitische Kirche in frühislamischer Zeit, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1966, p. 22-31 ; W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht. II : Die Geschichte des Kirchenrechts der Westsyrer (von den Anfängen bis zur Mongolenzeit), Vienne, Österreichische Akademie der Wissenschaften, 1989, p. 222 et suiv. ; M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 378 ; W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 100 ; S. Qāšā, Aḥwāl naṣārā l-ʿIrāq fī ḫilāfat Banī Umayya, Beyrouth, Markaz al-turāṯ al-ʿarabī al-masīḥī (CEDRAC), 2005, II, p. 363-364.
315 Le monastère de Mār Mattai, à 35 km à l’est de Mossoul, représentait le principal centre syro-occidental de l’Empire sassanide avec Takrīt. Voir J.-M. Fiey, Assyrie chrétienne. Contribution à l’étude de l’histoire et de la géographie ecclésiastiques et monastiques du nord de l’Iraq, Beyrouth, Imprimerie catholique, s. d., II, p. 759-770 ; W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 39 ; S. Qāšā, Aḥwāl naṣārā l-ʿIrāq, op. cit., II, p. 370.
316 Sur la date de ce synode, voir The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 197 ; W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht, op. cit., II, p. 131.
317 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 193/203 ; J. Mounayer, Les synodes syriens jacobites, Beyrouth, 1963, p. 27 ; S. Qāšā, Aḥwāl naṣārā l-ʿIrāq, op. cit., II, p. 374.
318 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 193/203 ; J. Mounayer, Les synodes syriens jacobites, op. cit., p. 27 ; S. Qāšā, Aḥwāl naṣārā l-ʿIrāq, op. cit., II, p. 373.
319 The Synodicon in the West Syrian Tradition, op. cit., II, p. 162/166.
320 Voir également J. H. W. G. Liebeschuetz, dans A. Cameron, B. Ward-Perkins, M. Whitby (dir.), The Cambridge Ancient History, XIV : Late Antiquity : Empire and Successors, op. cit., p. 218.
321 Voir H. Kaufhold, Syrische Texte…, op. cit., p. 19.
322 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 344. Voir W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht. I : Die Geschichte des Kirchenrechts der Nestorianer (von den Anfängen bis zur Mongolenzeit), Vienne, Österreichische Akademie der Wissenschaften, 1981, p. 167-168 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 67 ; H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 302-303.
323 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 296.
324 W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht, op. cit., I, p. 103-104.
325 J.-M. Fiey, Jalons pour une histoire de l’Église en Iraq, Louvain, Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 1970, p. 82 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 23.
326 Sur ce personnage, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika kursī l-mašriq min Kitāb al-maǧdal, dans Maris Amri et Slibae, De Patriarchis nestorianorum commentaria, t. II, éd. par H. Gismondi, Rome, F. de Luigi, 1896, p. 23-25 ; Mārī b. Sulaymān, Aḫbār faṭārika kursī l-mašriq min Kitāb l-maǧdal, dans Maris Amri et Slibae, De Patriarchis nestorianorum commentaria, éd. par H. Gismondi, Rome, F. de Luigi, 1899, II, p. 30.
327 Sur ce synode, voir J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse sous la dynastie sassanide (224-632), Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1904, p. 92-99 ; W. G. Young, Patriarch, Shah and Caliph, op. cit., p. 28 et suiv.
328 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 301 ; J. P. Asmussen, « Christians in Iran », dans E. Yarshater (dir.), The Cambridge History of Iran, III, Cambridge University Press, Cambridge/New York, 1983, p. 931 ; U. I. Simonsohn, A Common Justice, op. cit., p. 49 ; R. Payne, Christianity and Iranian Society, op. cit., p. 147. L’indépendance du siège de Séleucie-Ctésiphon par rapport aux évêques de l’Empire romain fut affirmée au synode de Yahballāhā Ier en 424. Voir C. Gallagher, Church Law and Church Order in Rome and Byzantium, Aldershot, Ashgate, 2002, p. 204. Plus généralement, R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 35-36, 69 ; W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 15-16. Sur l’organisation et l’expansion de l’Église syro-orientale suite à ce synode, voir W. G. Young, Patriarch, Shah and Caliph, op. cit., p. 44-46.
329 Envoyé de l’empereur byzantin, Mārūtā avait réussi à gagner les faveurs du roi des rois sassanide grâce à ses talents de médecin. Voir J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse…, op. cit., p. 88-90 ; S. Brock, « Isaac », EIr, s. v. ; W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 73-74.
330 Voir Synodicon orientale, op. cit., p. 20-21/259-260 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 35 ; H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 297-298.
331 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 302 ; W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht, op. cit., I, p. 97 et suiv. Voir également A. Vööbus, dans Syriac and Arabic Documents Regarding Legislation Relative to Syrian Asceticism, éd. par A. Vööbus, Stockholm, ETSE, 1960, p. 115.
332 L’originalité de ces 21 canons reste une question controversée. Une version syro-occidentale de ces canons – que d’aucuns considèrent comme plus authentique que la version orientale rapportée dans le Synodicon orientale – suggère qu’il s’agit d’une traduction des canons de Nicée, et qu’ils furent simplement adaptés aux besoins de l’Église orientale. W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 16.
333 Synodicon orientale, op. cit., p. 25/264 (sauf mention contraire, toutes les traductions du Synodicon orientale sont de Jean-Baptiste Chabot). Walter Selb considère que le 6e canon de ce synode remonte incontestablement au 5e canon du concile de Nicée (W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht, op. cit., I, p. 99). On remarquera néanmoins que le 5e canon du concile de Nicée concerne exclusivement les cas d’excommunication et n’évoque pas de querelles ou d’accusations à caractère plus général. Voir Ch.-J. Héfélé, Histoire des conciles d’après les documents originaux, Paris, Adrien Le Clère, 1869, p. 376-377. Voir K. Pennington, « The Growth of Church Law… », art. cité, p. 392.
334 Synodicon orientale, op. cit., p. 25/264-265. C’est en tout cas l’interprétation qu’en donne J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 303.
335 Sur l’archidiacre et ses compétences judiciaires, voir A. Amanieu, « Archidiacre », DDC, III, p. 955.
336 The Canons Ascribed to Mārūtā of Maipherqaṭ and Related Sources, éd. par A. Vööbus, Louvain, Peeters, 1982, p. 72/63.
337 Sur ce catholicos, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 28-29 ; Mārī b. Sulaymān, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 36. Sur ce synode, voir J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse…, op. cit., p. 122-125 ; W. Selb, Orientalisches Kirchenrecht, op. cit., I, p. 104 ; W. G. Young, Patriarch, Shah and Caliph, op. cit., p. 50-52.
338 Le terme « patriarche » est peut-être ici inséré de manière anachronique. Voir W. G. Young, Patriarch, Shah and Caliph, op. cit., p. 52-53.
339 Synodicon orientale, op. cit., p. 51/296 (nous soulignons).
340 ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 29.
341 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 306.
342 Voir W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 20.
343 J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 307. Voir, pour la compétence de l’Église occidentale sur les clercs, J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 243.
344 W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 81 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 38.
345 S. H. Griffith, The Church in the Shadow…, op. cit., p. 132-133. Une étape importante fut franchie lors du concile de Séleucie-Ctésiphon, en 486. L’Église orientale adopta alors un credo dyophysite qui fut assimilé au nestorianisme par ses adversaires. Voir W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 29.
346 R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 51 ; S. Brock, « The ‘ Nestorian’Church », art. cité, p. 29.
347 Sur ce synode, voir J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 318-319 ; M. Morony, « Religious Communities in Late Sasanian and Early Muslim Iraq », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 17, 1974, p. 365. Sur le catholicos Joseph, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 41-42 ; Chronique de Séert, op. cit., II-1, p. 177-182.
348 Synodicon orientale ou Recueil de synodes nestoriens, éd. par J.-B. Chabot, Paris, Librairie C. Klincksieck, 1902, p. 100/358.
349 Ibid., p. 103/361.
350 Ibid., p. 104/362.
351 Ibid., p. 105/362-363.
352 Ibid., p. 108/365. Voir le synode de Mār Abbā en 544 dans ibid., p. 561 (canon 39).
353 Voir J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 320-321. Sur le catholicos Ézéchiel, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 43-44.
354 M. Morony, « Religious Communities… », art. cité, p. 117.
355 Synodicon orientale, op. cit., p. 117-118/377, 126/385. Voir également le 29e canon du synode d’Išoʿyahb dans ibid., p. 161-162/421. Voir, pour les procédures de l’Église occidentale, J. Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, op. cit., p. 250.
356 Sur ce synode, voir J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 322-326. Sur le catholicos Išoʿyahb, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 44-49 (sur son œuvre législative, voir en particulier p. 49).
357 Synodicon orientale, op. cit., p. 154/414. Voir également ibid., p. 179-180/439, où la recommandation de porter une accusation relative à un ecclésiastique devant le « chef de l’administration/du diocèse » (rīš pūrnōsō) pourrait faire allusion à l’archidiacre. Voir H. Kaufhold, « Der Richter… », art. cité, p. 91.
358 Voir par exemple Synodicon orientale, op. cit., p. 74-76/326-328, où Abrāhām b. Awdmihr comparaît devant Mār Abbā et les évêques de son synode afin d’être jugé pour s’être proclamé évêque sans l’autorisation du patriarche.
359 Sur ce personnage, voir notamment Chronique de Séert, op. cit., II-1, p. 154 et suiv. ; ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 39-41. Voir W. G. Young, Patriarch, Shah and Caliph, op. cit., p. 58-72 ; F. Jullien, dans Histoire de Mār Abba, op. cit., II, p. xxxiii-xxxvi.
360 R. Payne, Christianity and Iranian Society, op. cit., p. 162.
361 Histoire de Mār Abba, op. cit., I, p. 13/II, p. 15 (= Histoire de Mar-Jabalaha, de trois autres patriarches, d’un prêtre et de deux laïques, nestoriens, éd. par P. Bedjan, Leipzig, Otto Harrassowitz, 1895, p. 226) : « De la quatrième heure jusqu’au soir, il jugeait les litiges (dīnē) et mettait un terme aux disputes (ḥeryōnē) des croyants entre eux, et entre païens et croyants. » Voir J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 315.
362 Histoire de Mār Abba, op. cit., I, p. 18/II, p. 21. Voir également ibid., I, p. 30/II, p. 31.
363 Chronique de Séert, op. cit., II-1, p. 159.
364 Histoire de Mār Abba, op. cit., II, p. 21 n. 132 ; Ph. Wood, The Chronicle of Seert. Christian Historical Imagination in Late Antique Iraq, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 115.
365 Voir J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 320-321. Sur le catholicos Ézéchiel, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 43-44.
366 Synodicon orientale, op. cit., p. 123/382-383. Voir M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 365-366. R. Payne considère pour sa part que le synode de Georges Ier, en 676, est le premier à étendre la juridiction ecclésiastique sur les laïcs. R. Payne, Christianity and Iranian Society, op. cit., p. 198-199.
367 Synodicon orientale, op. cit., p. 155/415.
368 Ibid., p. 156/416. Remarquons qu’Ibn al-Ṭayyib, pour qui la notion d’avocat n’était manifestement plus pertinente au xie siècle, omet ce terme pour évoquer simplement des prêtres qui « s’engagent dans des procès » (yakūnūna ḫuṣūman fī l-ḥukm/ḫuṣūm ʿinda l-ḥākim). Ibn al-Ṭayyib, Fiqh an-naṣrānīya. “Das Recht der Christenheit”, éd. par W. Hoenerbach et O. Spies, Louvain, Imprimerie Orientaliste L. Durbecq, 1956, I, p. 126. Sur l’engagement des ecclésiastiques dans la profession d’avocat dans l’Antiquité tardive, voir C. Humfress, Orthodoxy and the Courts…, op. cit., p. 5.
369 Synodicon orientale, op. cit., p. 177/437. Voir J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse…, op. cit., p. 345.
370 Synodicon orientale, op. cit., p. 155/415-416. La traduction est adaptée de celle de Chabot.
371 Ibid., p. 155/416.
372 La date exacte de la fondation de l’école de Nisibe est cependant incertaine. Voir R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 93.
373 A. Vööbus, History of the School of Nisibis, Louvain, Secrétariat du Corpus SCO, 1965, p. 91-92 ; J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 309. Sur l’école de Nisibe, voir notamment J.-B. Chabot, « L’école de Nisibe, son histoire, ses statuts », Journal asiatique, 1896 ; A. Becker, Sources for the History of the School of Nisibis, Liverpool, Liverpool University Press, 2008 ; J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse…, op. cit., p. 291 et suiv. ; W. Baum, D. Winkler, The Church of the East, op. cit., p. 26-27.
374 A. Vööbus, History of the School of Nisibis, op. cit., p. 93-94 ; J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 311. Les canons de l’école furent encore révisés plusieurs fois au cours du vie siècle. Voir Y. Ḥabbī, Kanīsat al-mašriq I, Bagdad, s. e., 1989, p. 284-285.
375 J.-B. Chabot, « L’école de Nisibe… », art. cité, p. 63 ; J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse…, op. cit., p. 294. Voir également R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 94.
376 A. Vööbus, History of the School of Nisibis, op. cit., p. 98.
377 Ibid., p. 98, 111 ; J. Labourt, Le christianisme dans l’Empire perse…, op. cit., p. 296 ; J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 311 ; Y. Ḥabbī, Kanīsat al-mašriq, op. cit., p. 285 ; R. Le Coz, L’Église d’Orient, op. cit., p. 95.
378 A. Vööbus, History of the School of Nisibis, op. cit., p. 134 et suiv.
379 Ibid., p. 148 ; Y. Ḥabbī, Kanīsat al-mašriq, op. cit., p. 286.
380 A. Vööbus, History of the School of Nisibis, op. cit., p. 275.
381 Ibn al-Ṭayyib, Fiqh al-naṣrāniyya, op. cit., II, p. 162.
382 J.-B. Chabot, « L’école de Nisibe… », art. cité, p. 79.
383 The Canons Ascribed to Mārūtā, op. cit., p. 87/74.
384 Synodicon orientale, op. cit., p. 119/379. Voir Ibn al-Ṭayyib, Fiqh al-naṣrāniyya, op. cit., I, p. 97. Alors que le synode d’Ézéchiel sépare la preuve écrite du témoignage – ce dernier venant compléter la première –, Ibn al-Ṭayyib évoque un « document portant témoignage » (kitāb la-hu bi-l-šahāda), ce qui semble indiquer que chez cet auteur, le document notarié dispense d’autres témoignages. Le même auteur omet d’ailleurs de mentionner les « hommes sincères » évoqués par Ézéchiel.
385 Voir J. Payne Smith, A Compendious Syriac Dictionary, op. cit., p. 29.
386 Synodicon orientale, op. cit., p. 125/384.
387 Sur ce catholicos, voir ʿAmr b. Mattā, Aḫbār faṭārika, op. cit., p. 51-52.
388 Synodicon orientale, op. cit., p. 213/478.
389 Ibid., p. 178/437 ; Ibn al-Ṭayyib, Fiqh al-naṣrāniyya, op. cit., I, p. 132. Voir Evangelion Da-Mepharreshe, Cambridge University Press, éd. par F. C. Burkitt, Cambridge, 1904, p. 24 ; The Old Syriac Gospels or Evangelion Da-Mepharreshê, éd. par A. Smith Lewis, Londres, Williams and Norgate, 1910, p. 12.
390 Voir J. Dauvillier, « Chaldéen (droit) », DDC, III, p. 324.
391 Synodicon orientale, op. cit., p. 178/438. Voir Ibn al-Ṭayyib, Fiqh al-naṣrāniyya, op. cit., I, p. 126 ; II, p. 71-73. Voir également H. Kaufhold, « Sources of Canon Law », art. cité, p. 303. Remarquons qu’au xie siècle, Ibn al-Ṭayyib accepte le serment à condition qu’il soit prononcé sous la contrainte. S’agit-il d’une référence aux serments que les musulmans obligeaient les chrétiens à prêter dans le cadre des procédures prévues par le fiqh ?
392 Synodicon orientale, op. cit., p. 162/421.
393 Voir par exemple M. Kaimio, « P. Petra inv. 83 », art. cité, p. 723.
394 R R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 124. Voir également Ch. Robin, « Faut-il réinventer la jāhiliyya ? », dans J. Schiettecatte, Ch. J. Robin (dir.), L’Arabie à la veille de l’Islam. Bilan clinique, Paris, De Boccard, 2009, p. 7-11.
395 A. K. Irvine, « Homicide… », art. cité, p. 277-292 ; Ch. Robin, « Du paganisme au monothéisme », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, 61, 1991/3, p. 141-143.
396 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., I, p. 31 ; M. Y. Guraya, « Judicial Institutions in Pre-Islamic Arabia », Islamic Studies, 18, 1979, p. 330, 334-345 ; R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 122.
397 Robert Hoyland relève le cas de prêtresses qui, au Ḥaḍramawt, jugeaient des litiges matrimoniaux. R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 161, 166.
398 Wahb b. Munabbih, Kitāb al-tīǧān fī mulūk Ḥimyar, Sanaa, Markaz al-dirāsāt wa-l-abḥāṯ al-yamaniyya, 1347 H., p. 495. Sur ces tribus légendaires, voir R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 223.
399 Sur cette maison, voir al-Azraqī, Aḫbār Makka wa-mā ǧā’a fī-hi min al-āṯār, éd. par ʿAbd al-Malik b. ʿAbd Allāh b. Duhayš, s. l., Maktabat al-asadī, 2003, p. 649 ; Ǧ. ʿAlī, al-Mufaṣṣal fī ta’rīḫ al-ʿarab qabl al-islām, 4e éd., Beyrouth, Dār al-sāqī, 2001, VII, p. 48.
400 M. Y. Guraya, « Judicial Institutions… », art. cité, p. 334-337. M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 441 (malheureusement ces deux références ne citent pas leurs sources).
401 Ǧ. ʿAlī, al-Mufaṣṣal, op. cit., X, p. 323. Voir les détails donnés par ibid., X, p. 309-323. Voir M. Y. Guraya, « Judicial Institutions… », art. cité, p. 341-342.
402 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., I, p. 51-55.
403 Ibid., p. 47 ; Ǧ. ʿAlī, al-Mufaṣṣal, op. cit., X, p. 324-326 ; A. al-Azmeh, The Emergence of Islam in Late Antiquity. Allāh and His People, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 137.
404 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., p. 57.
405 Ibid., p. 47. Voir également H. A. Al-Humaidan, The Islamic Theory…, op. cit., p. 125-126.
406 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-muḥabbar, op. cit., p. 134. Voir al-Yaʿqūbī, Ta’rīḫ, op. cit., I, p. 220. Lors des foires de ʿUkāẓ, le rôle d’arbitre incombait en général à un membre de la tribu de Tamīm. Voir al-Tawḥīdī, al-Imtāʿ wa-l-mu’ānasa, Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, 2003, p. 81 (cité par R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 162).
407 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., p. 57.
408 ʿAbd al-Razzāq al-Ṣanʿānī, Muṣannaf, op. cit., VIII, p. 471 ; ʿUmar b. Šabba, Aḫbār al-Madīna, op. cit., I, p. 400-401 ; al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Orient-Institut Beirut), op. cit., IVa, p. 132-133 ; al-Bayḥaqī, Sunan al-Bayḥaqī, op. cit., X, p. 136, 144, 145 ; Abū Hilāl al-ʿAskarī, Le livre des califes, op. cit., p. 10 (arabe) ; Ibn Ḥazm, al-Muḥallā, op. cit., IX, p. 381. Au ixe siècle, Ibn Ḥabīb mentionne le lieu de résidence de certains ḥakam-s et précise régulièrement que des plaideurs vinrent trouver un arbitre chez lui. Que l’arbitre siège à domicile semble donc avoir été tenu pour significatif à l’époque de cet auteur. Voir Ibn Ḥabīb, Kitāb al-muḥabbar, op. cit., p. 132 ; id., Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 105, 110, 113.
409 Ibn ʿAbd Rabbih, al-ʿIqd al-farīd, op. cit., IV, p. 124 ; Abū Hilāl al-ʿAskarī, Ǧamharat al-amṯāl, éd. par Muḥammad Abū l-Faḍl Ibrāhīm, Beyrouth, Dār al-fikr, 1988, I, p. 368 ; al-Nīsābūrī, Maǧmaʿ al-amṯāl, éd. par Muḥammad Muḥyī al-Dīn ʿAbd al-Ḥamīd, Beyrouth, Dār al-maʿrifa, s. d., II, p. 72.
410 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., I, p. 73-74. Voir par exemple Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 109. Voir également les cas d’arbitrage mentionnés par Abū ʿUbayda, Kitāb al-dībāǧ, éd. par ʿAbd Allāh b. Sulaymān al-Ǧarbūʿ et ʿAbd al-Raḥmān b. Sulaymān al-ʿUṯaymīn, Le Caire, Maktabat al-Ḫānǧī, 1991, p. 88-103 et 115-116.
411 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., I, p. 68.
412 Ibid., p. 56.
413 Ṯaʿlab, Šarḥ šiʿr Zuhayr b. Abī Sulmā, op. cit., p. 66-67. Voir R. B. Serjeant, « Early Arabic Prose », dans A. F. L. Beeston et al. (dir.), The Cambridge History of Arabic Literature. Arabic Literature to the End of the Umayyad Period, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p. 123 ; R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 122.
414 Ibn Qutayba, ʿUyūn al-aḫbār, op. cit., I, p. 68.
415 S. Kirazli, « Conflict and Conflict Resolution in the Pre-Islamic Arab Society », Islamic Studies, 50, 2011, p. 47.
416 À notre connaissance, le premier auteur arabe à avoir attribué cette maxime à Quss b. Sāʿida est al-Maydānī (m. 518/1124), Maǧmaʿ al-amṯāl, éd. par Muḥammad Muḥyī al-Dīn ʿAbd al-Ḥamīd, Beyrouth, Dār al-maʿrifa, 1959, p. 111. Voir Ch. Pellat, « Ḳuss b. Sāʿida », EI2, V, p. 533.
417 Ṯaʿlab, Šarḥ šiʿr Zuhayr b. Abī Sulmā, op. cit., p. 67.
418 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-Muḥabbar, op. cit., p. 136. Voir Ǧ. ʿAlī, al-Mufaṣṣal, op. cit., X, p. 319.
419 Si la tradition musulmane présente ce personnage comme un arbitre, l’hypothèse a été soutenue que le terme « Afʿā » pourrait avoir désigné le titre ou le nom de juges réputés à Naǧrān. Aussi pourrait-il s’agir du représentant d’une institution judiciaire moins informelle que l’arbitrage généralement rencontré en Arabie centrale. A. Moberg, « Introduction », dans The Book of the Himyarites. Fragments of a Hitherto Unknown Syriac Work, éd. par A. Moberg, Lund, C. W. K. Gleerup, 1924, p. lxxxvi. Voir Ch. Robin, « Nagrān vers l’époque du massacre. Notes sur l’histoire politique, économique et institutionnelle et sur l’introduction du christianisme (avec un réexamen du Martyre d’Azqīr) », dans J. Beaucamp, F. Briquel-Chatonnet, Ch. J. Robin (dir.), Juifs et chrétiens en Arabie aux ve et vie siècles. Regards croisés sur les sources, Paris, Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance, 2010, p. 61. Au moins deux personnages portent le nom d’al-Afʿā (syr. Apʿū) dans le Livre des Ḥimyarites, dont un homme présenté comme un « notable connu » (men rīšōnē īdīʿē). The Book of the Himyarites, op. cit., p. 23/cxv.
420 Al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 21.
421 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 105. Sur cette joute, voir également al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 152-153.
422 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 105.
423 Al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 74-75. Voir Wahb b. Munabbih, Kitāb al-tīǧān, op. cit., p. 225, où il n’est nulle question de serment. Wahb b. Munabbih évoque une affaire successorale examinée par le même arbitre. Wahb b. Munabbih, Kitāb al-tīǧān, op. cit., p. 191.
424 Al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 187-188.
425 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 103-116. Pour une définition du terme munāfara, voir al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 152.
426 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., I, p. 72 ; R. B. Serjeant, « Early Arabic Prose… », art. cité, p. 125. Voir Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 105, 109, 113-114, 115 ; al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 186.
427 C’est à peu près ce qu’Émile Tyan remarquait déjà à partir d’autres sources. E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., I, p. 76.
428 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 106. Voir al-Ǧāḥiẓ, al-Bayān wa-l-tabyīn, op. cit., I, p. 289-290.
429 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 110. Voir la traduction anglaise du premier serment dans R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 220-221.
430 Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 114. Voir encore ibid., p. 116, et R. B. Serjeant, « Early Arabic Prose… », art. cité, p. 125-126.
431 Al-Balāḏurī, Ansāb al-ašrāf (éd. Oriental-Institut Beirut), op. cit., I, p. 187.
432 Ibn Hišām, al-Sīra al-nabawiyya, op. cit., I, p. 40-41 ; voir également Wahb b. Munabbih, Kitāb al-tīǧān, op. cit., p. 307. Voir R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 146.
433 R. B. Serjeant, « Early Arabic Prose… », art. cité, p. 124.
434 M. Y. Guraya, « Judicial Institutions… », art. cité, p. 345 ; A. Othman, “And Ṣulḥ is Best” : Amicable Settlement and Dispute Resolution in Islamic Law, Ph. D. dissertation, Cambridge, Harvard University, 2005, p. 63, 65.
435 Voir R. B. Serjeant, « Early Arabic Prose… », art. cité, p. 123.
436 Voir par exemple Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq, op. cit., p. 137-138, où le ḥakam Saʿīd b. al-ʿĀṣ coupe court à une vendetta en déclarant que les morts d’un camp comme de l’autre se compensent, et en payant lui-même le prix du sang des blessures. Voir également un autre cas dans al-Iṣfahānī, Kitāb al-aġānī, op. cit., XVI, p. 313-315.
437 Ibn Hišām, al-Sīra al-nabawiyya, op. cit., I, p. 223-224. Voir S. Kirazli, « Conflict and Conflict Resolution… », art. cité, p. 51.
438 Voir A. Othman, “And Ṣulḥ is Best”, op. cit., p. 67-69.
439 M. Kaimio, dans The Petra Papyri IV, p. 48.
440 Ibid., p. 47, 53, 69.
441 Ibid., p. 73.
442 Ibid., p. 50.
443 M. Kaimio, « P. Petra inv. 83 », art. cité, p. 723 ; id., dans The Petra Papyri IV, p. 50, 55, 72, 73.
444 M. Kaimio, dans The Petra Papyri IV, p. 49.
445 Voir A. F. L. Beeston, « Judaism and Christianity in Pre-Islamic Yemen », dans J. Chelhod (dir.), L’Arabie du Sud. Histoire et civilisation, I : Le peuple yéménite et ses racines, Paris, Maisonneuve et Larose, 1984, p. 271-278 ; Ch. Robin, « Du paganisme au monothéisme », art. cité, p. 144-152 ; id., « Nagrān vers l’époque du massacre », art. cité, p. 64-68 ; I. Gajda, « Quel monothéisme en Arabie du Sud ancienne ? », dans J. Beaucamp, F. Briquel-Chatonnet, Ch. J. Robin (dir.), Juifs et chrétiens en Arabie aux ve et vie siècles, op. cit., p. 113-117.
446 Voir notamment R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 27-30, 56-57 ; ʿA. M. M. al-Madʿaj, The Yemen in Early Islam, 9-233/630-847. A Political History, Londres, Ithaca Press, 1988, p. 5-6.
447 Al-Ṭabarī préserve ainsi le souvenir de leur justice répressive à l’encontre des criminels. Voir R. Hoyland, Arabia and the Arabs…, op. cit., p. 29.
448 Ch. Robin, « Nagrān vers l’époque du massacre », art. cité, p. 53.
449 Syrische Rechtsbücher, op. cit., III, p. 213.
450 Voir N. Edelby, Essai sur l’autonomie…, op. cit., p. 181 ; R. Payne, Christianity and Iranian Society, op. cit., p. 205.
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