Introduction
p. 13-25
Texte intégral
1La justice est une des vertus cardinales que les sujets attendent de leurs gouvernants. À la fin du ier /viie siècle, le moine mésopotamien Jean bar Penkāyē portait aux nues le fondateur de la dynastie omeyyade, Muʿāwiya b. Abī Sufyān (r. 41-60/661-680), en annonçant que « la justice (zedqō) fleurit sous son règne1 ». Depuis 12/633, les Arabes de la péninsule qui porte leur nom s’étaient lancés à l’assaut des empires du Nord, et avaient instauré un nouvel ordre politique au Proche-Orient. La justice à laquelle aspiraient les populations conquises tout comme les émigrés venus d’Arabie correspondait, dans son acception la plus large, à la conformité de la politique mise en œuvre par le pouvoir avec leur perception de l’équité. Aux yeux de Jean bar Penkāyē, Muʿāwiya apparaissait comme juste car il garantissait la liberté des chrétiens et ne les soumettait pas à une pression fiscale trop forte. Mais la justice signifiait aussi le maintien de la paix sociale, par le biais de processus de médiation ou d’adjudication susceptibles de mettre fin aux querelles. L’instauration par le pouvoir d’institutions judiciaires chargées de trancher les litiges sur la base d’une certaine conception de l’autorité légale est un des signes les plus révélateurs de la formation d’un État2.
2Les étapes de l’apparition d’un État dans les provinces sous domination arabo-islamique font jusqu’à aujourd’hui l’objet de controverses. Fred Donner, un des premiers historiens à aborder cette question, soulignait en 1986 que la structure institutionnelle et idéologique du pouvoir conquérant permettait de parler d’un État à partir du règne de ʿAbd al-Malik (r. 65-86/685-705) au plus tard, et peut-être dès celui de Muʿāwiya3. Clive Foss et Robert Hoyland relèvent des indices numismatiques, épigraphiques et papyrologiques du développement d’un État dès l’époque du premier souverain omeyyade, tandis que Jeremy Johns avance au contraire que le pouvoir conquérant demeura une vague confédération de tribus arabes, et non un État hégémonique, jusqu’aux années 6804. La caractérisation même du nouveau pouvoir comme « musulman » pose problème. Il faut en effet attendre l’an 66/685-6, lors de la seconde fitna entre ʿAbd Allāh b. al-Zubayr et les Omeyyades, pour qu’apparaissent les premières proclamations officielles de la prophétie de Muḥammad, sur des pièces de monnaie, puis dans le dôme du Rocher à Jérusalem5. L’absence de trace documentaire d’une adhésion à une foi distinctement musulmane a conduit certains historiens sceptiques à nier que les conquérants arabes aient embrassé autre chose qu’un monothéisme indéterminé6. D’autres avancent que le pouvoir s’abstint de se définir comme musulman en raison du pluralisme religieux qui caractérisait ses élites, ou de la nature œcuménique de son régime, jusqu’à ce que la seconde fitna pousse ʿAbd al-Malik b. Marwān à fonder sa légitimité sur l’islam7.
3Les incertitudes relatives à la nature du premier pouvoir omeyyade se répercutent sur l’appréhension de ses diverses institutions. Celle de la judicature, parce qu’elle participa à la formation d’un État tout en reflétant son degré d’islamisation, devrait s’avérer particulièrement révélatrice des dynamiques qui présidèrent à l’évolution du jeune pouvoir califal. Pourtant, l’institution du cadi, généralement considérée comme religieuse – car destinée avant tout à la gestion des affaires de la communauté musulmane8 –, a jusqu’ici été reléguée au second plan par les historiens soucieux de retracer les étapes de l’élaboration d’un État islamique. La raison tient, sans doute, au mystère entourant son histoire la plus ancienne qui, à la différence d’autres institutions comme celle des gouverneurs de provinces ou du califat, n’est pas connue par des sources documentaires.
LA QUESTION DES ORIGINES
4De fait, les premiers développements du système judiciaire islamique font l’objet d’interrogations qui n’ont jamais été résolues. L’historiographie musulmane classique hésite elle-même à proposer un commencement à l’institution du cadi : la justice du Prophète, pour exemplaire qu’elle soit, n’y est pas assimilée, et les auteurs proposent divers moments pour l’apparition de ce qu’ils considèrent comme d’authentiques qāḍī-s – du vivant même du Prophète, sous les califes de Médine, voire sous les Sufyānides9. De là, deux questions se sont posées qui demeurent jusqu’à présent en suspens : celle de la genèse historique de l’institution, et celle, qui en découle en partie, de son fonctionnement au début de l’Islam.
5Les historiens des xxe et xxie siècles, en quête des origines de la judicature musulmane, ont envisagé deux scénarios possibles. Une première tendance a consisté à voir dans le cadi l’assimilation de modèles judiciaires extérieurs, provenant des empires qui se partageaient le Proche-Orient avant l’Islam. Aux yeux d’Émile Tyan, le cadi est une adaptation du iudex byzantin : à l’instar d’autres institutions que les conquérants avaient laissées en place à leur arrivée, les musulmans s’inspirèrent du système impérial pour remplacer les fonctions désormais inappropriées de l’arbitre tribal (ḥakam)10. Dans son étude sur l’Irak, Michael Morony souligne – sans exclure d’autres modèles – les similitudes entre le rôle du cadi et celui des anciens prêtres zoroastriens11. Ce scénario exogène est néanmoins délaissé par d’autres au profit d’une vision plus conforme à la tradition islamique, qui recherche des racines arabes à un grand nombre de ses normes et de ses institutions. Même s’il concède une certaine influence du modèle romain, Maurice Gaudefroy-Demombynes présente le cadi comme l’héritier de l’arbitre antéislamique12. Cette tendance arabiste domine depuis lors. Wael Hallaq, qui réfute l’idée d’emprunts au monde byzantin13, présente à son tour le cadi comme le successeur des ḥakam-s préislamiques14. Uriel Simonsohn considère encore que l’Arabie préislamique constitue la matrice de l’institution judiciaire musulmane la plus vraisemblable15.
6Ces paradigmes interprétatifs présentent l’inconvénient de figer leur objet d’étude : en se focalisant sur l’origine de la judicature musulmane, ils évitent la question pourtant plus pertinente de la construction et du devenir de l’institution16. Même en admettant qu’un modèle unique soit identifiable, qu’une voie de transmission de cet archétype puisse être tracée, jamais la question essentielle de son évolution n’est posée. Comme le souligne Ze’ev Maghen, rares sont les institutions humaines dont l’invention n’est pas liée, à un degré ou à un autre, à quelque chose d’antérieur17. Quelle que soit l’origine de la judicature, l’important est avant tout de comprendre comment, à partir de pratiques et de conceptions existantes, émergea une institution que l’on identifia comme islamique.
7Sur le plan méthodologique, le simple fait de soulever la question des origines peut orienter la réponse. Selon leur culture historique, leur formation scientifique ou leur inspiration idéologique, les chercheurs qui la posent risquent en effet d’apercevoir certaines ressemblances au détriment d’autres. Les institutions humaines – prises au sens large – accusent des régularités et des points communs, même dans les mondes sociaux les plus éloignés. Aussi est-il délicat de tirer des conclusions à partir de simples ressemblances : la tentation peut être forte de couvrir d’un vernis rationnel des résultats en réalité spéculatifs, et le danger est grand d’orienter ses recherches en fonction de conclusions posées d’avance. Nombre de quêtes d’origine en font la preuve. L’institution du waqf en Islam a ainsi été alternativement interprétée comme l’héritière des piae causae byzantines, d’une institution juive ou de structures sassanides, selon que les chercheurs étaient spécialistes d’un domaine ou de l’autre18. À la suite d’Ignaz Goldziher, Joseph Schacht fut aussi tenté de voir dans nombre de règles juridiques de l’Islam des emprunts à des traditions normatives extérieures (droit rabbinique, droit canonique, droit byzantin et provincial, droit sassanide)19, mais plusieurs de ses hypothèses ont depuis été réfutées20. Plus récemment, Benjamin Jokisch a conclu, à partir d’un échafaudage de conjectures, qu’une grande partie des disciplines islamiques (dont le droit) s’étaient constituées sous l’influence directe de la culture byzantine21. Mais comparaison n’est pas raison22, et l’édifice qu’il a ainsi construit, et auquel on voudrait parfois pouvoir croire, ne résiste pas à un examen approfondi23.
8Soulignant les problèmes méthodologiques de la quête des origines, plusieurs chercheurs ont récemment mis l’accent sur les dynamiques internes de formation des sociétés islamiques. Comme le souligne Peter Hennigan, quels que soient les éléments communs entre l’institution du waqf et les établissements comparables des anciens empires, le waqf n’est pas pour autant un emprunt car, dans le détail, il représente une solution originale adaptée à des problématiques islamiques24. Ze’ev Maghen défend pour sa part la thèse d’une formation du droit purement interne à la communauté musulmane25. Pour lui, la « tradition vivante » dans laquelle Schacht fait entrer des traditions extérieures à l’Islam – celles des peuples conquis – n’existe pas, et il convient avant tout de comprendre les dynamiques internes qui permirent à la norme musulmane de se constituer et d’évoluer26. Dans une étude sur les exécutions publiques à l’époque omeyyade, Andrew Marsham met ainsi en exergue la manière dont certaines notions de l’Antiquité tardive se perpétuèrent en Islam, mais au prix d’une recomposition à l’aune d’un discours islamique, en partie dérivé du Coran27.
9Les modèles d’évolution interne à l’Islam comme ceux d’influences extérieures sont tous deux tournés, à leur manière, vers un centre qui serait l’Islam. Tout se passe comme si la culture islamique ne pouvait qu’être une production endogène s’auto-générant (éventuellement à partir d’un embryon arabe) ou le résultat d’assimilations extérieures (la culture des Empires romain et perse, ou encore un savant mélange des deux). Même l’hypothèse, chère à Schacht et à Jokisch, de l’importation de modèles par le biais des mawālī28, place le musulman (en l’occurrence converti) au centre d’un processus d’assimilation d’une culture par une autre. Il ne s’agit pas ici de remettre en question ces scénarios, qui sur un plan théorique offrent des pistes toutes aussi vraisemblables les unes que les autres, bien que dans la pratique leur pertinence historique ne puisse jamais être démontrée. Ces interprétations simplifient toutefois des dynamiques sans doute plus complexes.
10Ces modèles ignorent en effet une réalité historique pourtant bien connue : la civilisation islamique ne fut qu’en partie celle de l’islam29. Les chercheurs ont beau savoir que pendant des siècles les musulmans ne demeurèrent qu’une minorité numérique au sein de l’empire qu’ils dominaient, peu se départent encore d’un islamo-centrisme favorisé par la spécialisation des disciplines académiques. Or quelques vestiges de la culture matérielle (architecture, numismatique) – la seule qui nous permette de remonter, sans filtre historiographique, au premier siècle de l’Islam – sont là pour le démontrer : dans de nombreux domaines et jusque dans ses aspects les plus symboliques (mosquées, monnaies), la culture islamique fut érigée par des individus et des groupes adhérant à des religions diverses. Il n’est donc point besoin d’aller chercher des influences à l’extérieur. Il n’est d’intérieur de l’Islam que si l’on postule l’étanchéité d’une communauté musulmane qui vivrait repliée sur elle-même. Toute étude des premiers siècles de l’Islam devrait donc s’ouvrir au caractère pluriel de sociétés où les gens, en dépit des hiérarchies sociales et des oppositions religieuses, interagissaient.
DROIT ET INSTITUTIONS JUDICIAIRES
11Droit et justice sont deux domaines qui tendent à être confondus30. Peut-être, alors que ces champs disciplinaires sont dominés par l’historiographie anglo-saxonne, faut-il voir à la racine de ce problème l’ambiguïté du terme anglais legal, qui peut désigner à la fois ce qui relève du droit (a legal issue, une « question juridique ») et ce qui ressortit à la justice (legal practice, « pratique judiciaire »), voire aux deux à la fois (a legal institution, une institution qui peut être judiciaire comme simplement régie par le droit). Or, droit et justice ne se recoupent qu’en partie. Le droit peut être défini comme la science des règles régissant les rapports des hommes en société31. Pour sa part, la justice est une institution, c’est-à-dire un « organisme public ou privé […] établi pour répondre à quelque besoin déterminé d’une société donnée32 ». Cette institution, mise en place par un pouvoir ou par un corps social, a pour objet de résoudre des litiges et/ou de punir certains actes. Elle peut fonder ses décisions sur un droit élaboré par une fraction de la société ou reposant sur des usages (coutume). Le fonctionnement de l’institution judiciaire peut aussi être réglementé par le droit, mais pas nécessairement (justice arbitraire). En d’autres termes, il est possible de concevoir une justice sans droit – même si la création d’un système judiciaire conduirait sans doute à la formation d’un droit. Par ailleurs, le droit existe indépendamment de la justice : une société idéale s’y conformerait sans avoir besoin de recourir à une institution pour le faire appliquer.
12Certes, droit et justice sont liés et peuvent rarement être étudiés l’un sans l’autre. Dans l’Islam classique, le tribunal du cadi devait fonder ses décisions sur le droit musulman (fiqh) et se voyait régi par ce même droit. Néanmoins ce ne fut pas le cas de toutes les institutions : la justice directe du souverain, en particulier à travers l’institution des maẓālim (redressement des abus), ne fait l’objet d’aucun développement significatif dans le fiqh, pas plus que la justice militaire (celle de la šurṭa, par exemple)33. Il est donc crucial, sur le plan méthodologique, de distinguer les deux concepts.
13Cet ouvrage concerne d’abord et avant tout les institutions judiciaires des deux premiers siècles de l’Islam. Un certain nombre de travaux, qu’il n’est pas possible de tous citer ici, ont depuis longtemps abordé leur histoire34. L’étude la plus complète reste à ce jour la volumineuse Histoire de l’organisation judiciaire en pays d’Islam qu’Émile Tyan publia entre 1938 et 1943, et qui fut rééditée en un seul volume en 1960. En dépit de l’érudition de son auteur, l’ouvrage ne peut plus aujourd’hui satisfaire l’historien en raison de son approche méthodologique. Juriste avant tout, Tyan eut l’ambition de dresser un portrait général des institutions judiciaires qui tend à les essentialiser. Sa description des cadis aux premiers siècles de l’Islam repose sur une multitude de sources d’époques diverses, tant narratives que juridiques, qu’il tente de combiner sans procéder à leur critique d’aucune manière. L’organisation du tribunal, telle qu’elle ressort de son ouvrage, correspond à l’image idéalisée produite par la lecture du fiqh classique, à laquelle il rattache des récits narratifs – surtout égyptiens pour la période la plus ancienne. Wael Hallaq, qui est depuis revenu sur certains développements de la judicature cadiale, est animé par une démarche plus historienne. Son approche, qui vise notamment à déterminer le rôle joué par les cadis dans la formation du droit musulman, le conduit à restituer d’importantes étapes dans l’évolution de l’institution35. Pourtant, à certains égards, Hallaq reproduit la démarche synthétique de Tyan en s’abstenant de s’interroger sur les potentielles dimensions régionales de la judicature musulmane.
14Ces deux études classiques posent d’autres problèmes. Tout d’abord, le système judiciaire islamique y est avant tout observé à travers le filtre des sources narratives, et sans replacer ce type spécifique de justice dans le contexte plus général de la résolution des conflits. Or les récits à partir desquels ces chercheurs proposent de reconstruire l’histoire transcrivent une image a posteriori de l’institution, image que l’on peut soupçonner être plus représentative des problématiques de l’Islam classique que de sa période formative. Les sources documentaires, qui reflètent de manière directe ou indirecte les pratiques judiciaires des premières générations de musulmans, n’ont jamais fait l’objet d’une exploitation systématique. Tyan fait bien de rares allusions à quelques papyrus de Qurra b. Šarīk, mais avant tout pour illustrer des hypothèses développées à partir d’autres sources36. Quant à Hallaq, malgré son intérêt pour les procédures écrites37, il ne recourt jamais à la documentation publiée depuis plus d’un siècle.
15Le second écueil de ces ouvrages est qu’ils ne mettent jamais en relation les vestiges littéraires des pratiques cadiales avec ceux du droit musulman préclassique. Celui-ci, comme nous le verrons plus en détail dans le chapitre 2, ne nous est pas parvenu sous forme d’ouvrages de fiqh, mais à travers les seules mentions d’anciennes controverses au cœur de recueils de ḥadīṯ (traditions) précanonique. Ces derniers n’étaient pas édités à l’époque de Tyan, et Hallaq prend pour sa part le parti de s’appuyer sur les seuls récits biographiques qui virent le jour à la fin du iiie /ixe et au ive /xe siècle. De fait, hormis quelques incursions de Joseph Schacht dans le droit des procédures à l’époque omeyyade38, les historiens contemporains n’ont abordé le fonctionnement de l’audience judiciaire qu’à travers les doctrines des écoles juridiques classiques, qui se constituèrent dans le courant de l’époque abbasside ; les développements consacrés à la preuve par David Santillana et Robert Brunschvig reposent, de même, sur des sources juridiques bien postérieures à l’époque omeyyade39. Seul Christopher Melchert a commencé, récemment, d’explorer la lente formation du recours au serment dans le cadre de la procédure judiciaire40.
16Ce sont ces lacunes que le présent ouvrage ambitionne de combler au moins partiellement, en croisant les perspectives offertes par les sources, documentaires comme littéraires, relatives aux débuts du système judiciaire islamique. Tandis que certaines études récentes, comme celle de Steven Judd, visent avant tout à comprendre la position administrative des cadis omeyyades et leur insertion dans des réseaux de pouvoir41, nous proposons de centrer nos investigations sur l’organisation interne des tribunaux sous les Omeyyades et les premiers Abbassides, sur leur fonctionnement et les procédures qui y furent mises en œuvre. Il s’agit de mieux comprendre les dynamiques qui présidèrent à la formation de ces institutions, et de relever les évolutions qui menèrent à la constitution de modèles classiques sanctionnés par le fiqh à partir de la fin du iie /viiie siècle, lorsqu’apparurent les premières grandes sommes des divers maḏhab-s (écoles juridiques).
17Certains développements des institutions judiciaires ne peuvent être appréhendés qu’à travers le discours juridique qui les prit pour objet. Or la période de gestation du droit musulman qu’est l’époque omeyyade est encore mal connue. Les travaux les plus aboutis sont jusqu’ici ceux de Joseph Schacht, qui avance que le droit musulman serait apparu en réponse aux pratiques administratives omeyyades42. Cette hypothèse n’a cependant jamais pu jusqu’ici être prouvée ni réfutée de manière convaincante. Comprendre le retour réflexif que les institutions engendrèrent, retracer les étapes de la réflexion juridique et de son articulation avec les pratiques judiciaires, et reconstituer ainsi, autant que faire se peut, la dialectique théorie/pratique à travers laquelle l’institution se constitua, doit notamment permettre d’éprouver la théorie de Joseph Schacht. Au-delà de cet aspect institutionnel, la structure des « anciennes écoles » juridiques demeure l’objet de débats. Joseph Schacht propose que les maḏhab-s classiques résultent de l’évolution d’écoles régionales – principalement une irakienne et une hedjazienne – en écoles personnelles43. Ce modèle, en partie élaboré à partir de l’œuvre d’al-Šāfiʿī (m. 204/820), a été remis en cause depuis une décennie par plusieurs chercheurs qui mettent l’accent soit sur l’hétérogénéité interne de ces « écoles », soit sur le caractère transrégional de certains proto-maḏhab-s44. Cette tendance – dont Nimrod Hurvitz et Wael Hallaq sont les principaux représentants – conteste la théorie de Schacht et souligne l’absence de doctrine commune au sein de régions comme l’Irak et le Hedjaz, où de simples « cercles » de juristes existaient de manière concurrente. L’étude du droit des procédures tel qu’il se développa à l’époque omeyyade dans différentes provinces permettra de mettre la théorie de Schacht à l’épreuve et de déterminer si des ensembles régionaux se distinguent dans ce domaine juridique spécifique.
MÉTHODE
18Plutôt que d’aborder cette histoire de manière verticale, par le biais de la question des origines – dont on a vu qu’elle conduisait à une impasse –, nous proposons d’adopter une approche horizontale, à travers une perspective polycentrique. Il serait tentant de concevoir l’empire islamique comme une unité indivisible avant les grandes fractures politiques du ive/xe siècle : l’historiographie des iiie/ixe et ive/xe siècles nous y encourage en abordant l’histoire de l’Islam comme celle d’un califat centralisé et centralisateur, tout mouvement opposé à cette tendance se trouvant disqualifié comme « rebelle ». Ce n’est que récemment que les chercheurs ont commencé à explorer les apports régionaux à la formation et aux développements de l’Islam45. Jusqu’ici, les historiens de la judicature musulmane ont implicitement postulé que l’institution judiciaire était une et indivisible, au même titre que l’empire, et que les informations récoltées à propos de plusieurs provinces étaient autant d’éléments d’un puzzle unique qu’il convenait de reconstituer. Or l’uniformité primordiale de la judicature ne peut être admise sans preuve, et en l’absence de certitudes concernant la genèse de cette institution, on ne peut supposer d’avance que celle-ci suivit une évolution identique dans chaque ville et chaque province de l’empire. L’unité (relative) de la judicature musulmane (celle des cadis), telle qu’elle apparaît à l’époque classique, est-elle une réalité remontant aussi loin que la période omeyyade ou une reconstruction juridique/historiographique ? Peut-on imaginer une justice qui serait, au commencement, constituée d’une constellation de pratiques locales distinctes ? Restituer l’évolution de ce système à ses débuts impose de prendre en considération ses caractéristiques régionales. Nous proposons donc de comparer le développement des institutions judiciaires (notamment celle du cadi) dans les principales provinces orientales du califat : celles d’Arabie, d’Irak, d’Égypte et, autant que possible, de Syrie46. Le terme « provinces » ne doit cependant pas nous égarer. Les grandes unités géographiques que nous qualifions ainsi ne sont en réalité connues qu’à travers leurs principaux centres : Fusṭāṭ pour l’Égypte, Damas pour la Syrie, Médine et La Mecque pour l’Arabie, Kūfa et Baṣra pour l’Irak. Il ne conviendrait pas non plus de postuler une quelconque unité provinciale : par principe, donc, Médine et La Mecque seront examinées comme des entités distinctes, ainsi que Kūfa et Baṣra – qui d’ailleurs ne furent pas toujours unies au sein d’une même « province » à l’époque omeyyade.
19Une comparaison systématique des systèmes judiciaires régionaux permet d’aborder sous un angle inédit la question des débuts. Les tenants de la théorie de l’emprunt à des institutions extérieures, nous l’avons vu, invoquent une origine qui ne permet pas d’expliquer le phénomène à l’échelle impériale. Tyan propose une influence byzantine qu’il est difficile d’admettre à propos des anciennes provinces sassanides47. Quant à lui, Morony voit surtout une inspiration zoroastrienne qui ne peut s’appliquer à l’Égypte48. De fait, si les modèles judiciaires des anciens empires eurent un impact fort sur la formation d’une judicature musulmane, il faut s’attendre à en trouver des traces régionales ; les institutions byzantines doivent en pareil cas avoir laissé en Égypte et en Syrie une empreinte différente de celle laissée par les institutions sassanides en Irak, tandis que la judicature d’Arabie devrait se distinguer des autres provinces. À l’inverse, l’absence d’aucune distinction régionale significative obligerait à abandonner l’hypothèse d’un développement de la judicature musulmane à partir de paradigmes exogènes.
20La méthode que nous proposons d’adopter ici, visant à mieux comprendre les premiers développements des institutions judiciaires dans un contexte islamique multiculturel et pluriconfessionnel, est la suivante :
211) Reconstituer quelques-unes des caractéristiques structurelles de l’administration judiciaire aux deux premiers siècles de l’Islam.
222) Étudier le développement intrinsèque de cette administration et de ses procédures, en déceler les tendances et tenter de comprendre la logique qui préside à son évolution.
23Ces deux premières étapes doivent permettre de déterminer l’existence ou l’absence d’un pluralisme judiciaire à la période formative de l’Islam, et conduire à formuler des hypothèses concernant les dynamiques qui sous-tendent la mutation des institutions.
243) Élargir le champ d’analyse à d’autres institutions judiciaires, non musulmanes, afin de mieux appréhender la place du système judiciaire établi par les autorités musulmanes au sein de la construction impériale issue des conquêtes.
254) Comparer les évolutions relevées dans les systèmes musulmans et non musulmans étudiés, et tenter d’interpréter les résultats. Ce n’est qu’au terme de cette comparaison que des conclusions pourront être tirées sur les dynamiques « endogènes » et « exogènes » qui purent présider à la formation du système judiciaire musulman.
ORGANISATION DE L’OUVRAGE
26Le présent ouvrage adopte un plan qui n’est ni chronologique, ni thématique. En raison de la difficulté d’interprétation des sources, de telles approches fausseraient en effet les résultats. Un plan chronologique, commençant « avant l’Islam », poursuivant « dans le Coran » puis « sous les Omeyyades », etc.49, orienterait dès le départ nos conclusions. Il obligerait en effet à présumer une continuité entre l’Islam et ce qui le précède, à reconnaître à l’Islam une « Antiquité », voire à choisir parmi différentes Antiquités possibles, alors que les mondes sociaux qui précèdent l’Islam sur son territoire sont loin d’être tous documentés de manière égale. Une approche purement thématique nous aurait pour sa part amené à collationner des sources en dépit de leurs divergences, en cherchant à les réconcilier de manière artificielle.
27Afin d’éviter ces écueils, il nous paraît plus prudent de procéder par types de sources. Nous commencerons donc par reconstituer l’image que la documentation papyrologique éditée offre du fonctionnement de la justice en Égypte – et secondairement en Palestine et au Khurasan – aux premiers siècles de l’Islam. Pour dépendante qu’elle puisse être des documents disponibles et publiés, cette étude papyrologique est fondamentale. Les papyrus, seule source contemporaine du système décrit, sont aussi les seuls à jeter sur la judicature un regard non biaisé par ses développements administratifs ou doctrinaux ultérieurs. Même partiel, ou incomplet, le tableau du système judiciaire reflété par les papyrus mérite d’être brossé pour lui-même, et c’est seulement une fois jetées les bases documentaires de l’histoire institutionnelle que le paysage judiciaire pourra s’enrichir de nouveaux éléments. Dans un second temps – et après un détour historiographique –, la justice du cadi sous les Omeyyades et les premiers Abbassides pourra faire l’objet d’investigations à partir des sources littéraires – récits narratifs, mais aussi littérature juridique gardant trace des premières évolutions doctrinales relatives à la judicature. Nous observerons cette justice à travers quelques-unes de ses caractéristiques structurelles : organisation de l’audience et procédures – notamment celles de la réception des preuves –, qui constituent les pivots de tout système judiciaire. Dans un troisième temps, nous nous pencherons sur les principaux systèmes judiciaires concurrents de la justice musulmane aux premiers siècles de l’hégire : celui des juifs en terre d’Islam, que nous aborderons par le seul biais de références secondaires et, surtout, celui des chrétiens. Ce dernier n’a jusqu’à présent fait l’objet que de très rares investigations, et nous l’observerons par l’intermédiaire des sources canoniques syriaques, dans leurs versions occidentales (« jacobites ») et orientales (« nestoriennes »). Un essai de synthèse viendra clore ces trois études, dans lequel nous tenterons de mettre en évidence les dynamiques qui présidèrent à la construction administrative et juridique des deux premiers siècles de l’hégire.
Notes de bas de page
1 Jean bar Penkāyē, Ktābā d-rēš mellē, dans Sources syriaques, éd. par A. Mingana, Leipzig, Otto Harrassowitz, 1907, I, p. 146/175.
2 F. Donner, « The Formation of the Islamic State », Journal of the American Oriental Society, 106, 1986, p. 283.
3 Ibid., p. 293.
4 C. Foss, « A Syrian Coinage of Muʻawiya ? », Revue numismatique, 6e série, 158, 2002, p. 364 ; id., « Egypt under Muʿāwiya. Part II », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 72, 2009, p. 276-277 ; R. Hoyland, « New Documentary Texts and the Early Islamic State », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 69, 2006, p. 401 ; J. Johns, « Archaeology and the History of Early Islam », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 46, 2003, p. 418.
5 R. Hoyland, Seeing Islam as Others Saw It. A Survey and Evaluation of Christian, Jewish and Zoroastrian Writings on Early Islam, Princeton, The Darwin Press, 1997, p. 551.
6 Y. Nevo, J. Koren, Crossroads to Islam. The Origins of the Arab Religion and the Arab State, New York, Prometheus Books, 2003, p. 195-199.
7 R. Hoyland, Seeing Islam…, op. cit., p. 555-556 ; F. Donner, Muhammad and the Believers. At the Origins of Islam, Cambridge (Mass.)/Londres, Harvard University Press, 2010, p. 69, 112.
8 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire en pays d’Islam, Leyde, Brill, 1960, p. 90-91 (1re édition, Paris, Sirey, 1938-1943, 2 vol. [le recours à cette édition est signalé par l’indication du numéro de volume]).
9 Voir M. Tillier, Les cadis d’Iraq et l’État abbasside (132/750-334/945), Damas, Presses de l’Ifpo, 2009, p. 68-69.
10 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., p. 92, 94-95. Voir J. Schacht, Introduction au droit musulman, Paris, Maisonneuve et Larose, 1983 (1re éd. 1964), p. 32 (Schacht n’ose cependant pas présenter explicitement le cadi comme l’héritier du système byzantin).
11 M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, Princeton, Princeton University Press, 1984, p. 441-442. Plus récemment, János Jany a tenté une analyse comparative des systèmes judiciaires musulman, juif et zoroastrien (J. Jany, Judging in the Islamic, Jewish and Zoroastrian Traditions. A Comparison of Theory and Practice, Farnham, Ashgate, 2012). Malheureusement, la partie de cette étude consacrée à la judicature musulmane ne s’appuie que sur des références contemporaines générales, ce qui a pour effet de produire une image anhistorique de l’institution et de son fonctionnement, et sape tout effort de comparaison historique.
12 M. Gaudefroy-Demombynes, « Sur les origines de la justice musulmane », Mélanges syriens offerts à monsieur René Dussaud, t. II, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1939, p. 819.
13 W. B. Hallaq, The Origins and Evolution of Islamic Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 26-28.
14 Ibid., p. 36. Voir K. S. Vikør, Between God and the Sultan. A History of Islamic Law, Londres, Hurst, 2005, p. 168, qui voit pour sa part dans les premiers cadis une institution « arabe » héritée du ḥakam préislamique, mais considère pourtant qu’une partie des normes appliquées correspondaient aux coutumes des populations autochtones.
15 U. I. Simonsohn, A Common Justice. The Legal Allegiances of Christians and Jews Under Early Islam, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2011, p. 73.
16 Ze’ev Maghen reproche ainsi à Joseph Schacht de ne pas s’être interrogé en priorité sur le devenir de plusieurs normes juridiques que Schacht considère comme influencées par des modèles extérieurs à l’Islam. Z. Maghen, « Dead Tradition : Joseph Schacht and the Origins of “Popular Practice” », Islamic Law and Society, 10, 2003, p. 337.
17 Ibid., p. 291. Voir également les mises en garde de Gideon Libson, Jewish and Islamic Law. A Comparative Study of Custom during the Geonic Period, Cambridge, Harvard University Press, 2003, p. 11.
18 Sur l’hypothèse d’une origine byzantine des waqf-s, voir W. Heffening, « Waḳf », EI1, IV, p. 1189 et les références données par R. Peters, « Waḳf », EI2, XI, p. 66. Cette hypothèse a été réfutée par Cl. Cahen, « Réflexions sur le waqf ancien », Studia islamica, 14, 1961, p. 51 et suiv. Celle d’une origine sassanide est défendue par A. Perikhanian, « Iranian Society and Law », dans E. Yarshater (dir.), The Cambridge History of Iran, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, 3-2, p. 664 et suiv. Sylvie Denoix propose de son côté une origine mixte (arabe, juive, byzantine). S. Denoix, « Introduction : formes juridiques, enjeux sociaux et stratégies foncières », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 79-80, 1996, p. 14-16. Sur les débats auxquels ont donné lieu ces théories, voir P. C. Hennigan, The Birth of a Legal Institution. The Formation of the Waqf in Third-Century A. H. Ḥanafī Legal Discourse, Leyde/Boston, Brill, 2004, p. 52-66.
19 J. Schacht, « Foreign Elements in Ancient Islamic Law », Journal of Comparative Legislation and International Law, Third Series, 32, 1950, p. 10 et suiv. Schacht évoque l’importance que purent jouer les convertis dans l’influence d’un droit sur un autre. Il semble donc que pour lui, les interactions entre individus vivant sur le territoire de l’Islam aient été à la base de telles influences. Schacht ne va pourtant pas au bout de son raisonnement et continue à considérer ces influences comme extérieures (« from outside »), comme s’il ne pouvait que concevoir des communautés aux frontières étanches. Ibid., p. 15, 17.
20 Voir notamment Z. Maghen, « Dead Tradition », art. cité, p. 292 et suiv.
21 B. Jokisch, Islamic Imperial Law. Harun-Al-Rashid’s Codification Project, Berlin, De Gruyter, 2007. L’auteur voit dans le droit ḥanafite l’adaptation d’une hypothétique traduction arabe du Corpus Iuris Civilis.
22 Comme le souligne Rudolph Peters, similarities in legal institutions do not necessarily imply borrowing. Different groups may find similar solutions to similar problems. R. Peters, « Murder in Khaybar : Some Thoughts on the Origins of the Qasāma Procedure in Islamic Law », Islamic Law and Society, 9, 2002, p. 164. Voir également Z. Maghen, « Dead Tradition », art. cité, p. 334 ; J. Jany, Judging…, op. cit., p. 5. Dès 1950, Neophytos Edelby écrivait : « Qu’on trouve entre le droit musulman et le droit romain autant d’analogies qu’on voudra, aucune dépendance littéraire du premier par rapport au second ne peut être scientifiquement affirmée. Les hypothèses contraires sont, à l’état actuel de nos connaissances, de pures phantaisies [sic]. » N. Edelby, Essai sur l’autonomie législative et juridictionnelle des chrétiens d’Orient sous la domination musulmane, de 633 à 1517, thèse de doctorat, Rome, 1950, p. 170.
23 Voir notre compte-rendu dans la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 125, 2009, p. 308-313.
24 P. C. Hennigan, The Birth of a Legal Institution, op. cit., p. 52.
25 Z. Maghen, « Dead Tradition », art. cité, p. 343-347.
26 Ibid., p. 313.
27 A. Marsham, « Public Execution in the Umayyad Period : Early Islamic Punitive Practice and Its Late Antique Context », Journal of Arabic and Islamic Studies, 11, 2011, p. 101-136.
28 J. Schacht, Introduction…, op. cit., p. 28 ; B. Jokisch, Islamic Imperial Law, op. cit., p. 318, 483, et passim. Ce modèle a également été repris par Cl. Cahen, Les peuples musulmans dans l’histoire médiévale, Damas, Institut français de Damas, 1977, p. 183-184.
29 Ce caractère minoritaire est confirmé par l’archéologie. Voir ainsi l’analyse récente de Denis Genequand à propos de la taille restreinte des mosquées omeyyades de Palmyrène, dans D. Genequand, Les établissements des élites omeyyades en Palmyrène et au Proche-Orient, Beyrouth, Presses de l’Ifpo, 2012, p. 223. Voir également ibid., p. 85, où la différence de dimension entre la mosquée d’al-Balḫā’et son église est très significative.
30 Les exemples que nous venons de donner, alternativement empruntés au domaine des institutions et à celui du droit, ne font que refléter l’absence de délimitation claire en ce domaine dans la bibliographie.
31 Définition adaptée de celles proposées par le Trésor de la langue française, « droit » (../http:/atilf.atilf.fr/, consulté le 5 octobre 2012).
32 Définition du Trésor de la langue française, « institution » (../http:/atilf.atilf.fr/, consulté le 5 octobre 2012).
33 À notre connaissance, les seules exceptions sont les deux ouvrages intitulés al-Aḥkām al-sulṭāniyya d’al-Māwardī et d’Ibn al-Farrā’, ouvrages de juristes mais néanmoins marginaux par rapport à la tradition juridique de l’Islam classique.
34 Pour un bilan historiographique détaillé, voir M. Tillier, Les cadis d’Iraq…, op. cit., p. 14-20.
35 W. B. Hallaq, The Origins…, op. cit., p. 57-63, 79-101.
36 E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., p. 93.
37 W. B. Hallaq, « The Qāḍī’s Dīwān (sijill) before the Ottomans », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 61, 1998 ; id., « Qāḍīs Communicating : Legal Change and the Law of Documentary Evidence », al-Qanṭara, 20, 1999.
38 Voir par exemple J. Schacht, The Origins of Muhammadan Jurisprudence, Oxford, Clarendon Press, 1950, p. 187, 210.
39 D. Santillana, Istituzioni di diritto musulmano malichita con riguardo anche al sistema sciafiita, Rome, Istituto per l’Oriente, 1938, vol. 2, p. 589 et suiv. ; R. Brunschvig, « Le système de la preuve en droit musulman », dans Études d’islamologie, Paris, Maisonneuve et Larose, 1976, t. II.
40 Chr. Melchert, « The History of the Judicial Oath in Islamic Law », dans M.-Fr. Auzépy, G. Saint-Guillain (dir.), Oralité et lien social au Moyen Âge (Occident, Byzance, Islam). Parole donnée, foi jurée, serment, Paris, AACHCByz, 2008.
41 S. C. Judd, Religious Scholars and the Umayyads. Piety-Minded Supporters of the Marwānid Caliphate, Abingdon, Routledge, 2014, p. 93-133.
42 Par « pratique administrative », Schacht pense vraisemblablement à celle des cadis. J. Schacht, The Origins…, op. cit., p. 198 et suiv.
43 J. Schacht, The Origins…, op. cit., p. 7-9 ; id., Introduction, op. cit., p. 35. Ce modèle est repris dans P. Crone, Roman, Provincial and Islamic Law. The Origins of the Islamic Patronate, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p. 19-23.
44 N. Hurvitz, « Schools of Law and Historical Context : re-examining the Formation of the Ḥanbalī Madhhab », Islamic Law and Society, 7, 2000, p. 44-46 ; W. B. Hallaq, « From Regional to Personal Schools of Law ? A Reevaluation », Islamic Law and Society, 8, 2001 ; S. Judd, « Al-Awzāʿī and Sufyān al-Thawrī : the Umayyad Madhhab ? », dans P. Bearman, R. Peters, Fr. E. Vogel (dir.), The Islamic School of Law. Evolution, Devolution, and Progress, Cambridge, Harvard University Press, 2005, p. 11-14.
45 Voir le dossier que nous avons dirigé en collaboration avec Annliese Nef, « Le polycentrisme dans l’Islam médiéval : les dynamiques régionales de l’innovation », dans les Annales islamologiques, 45, 2011.
46 Nous nous inscrivons donc dans la « démarche du comparatisme interne » qu’en 2004 Sylvie Denoix proposait d’adopter pour l’étude des mondes musulmans. S. Denoix, « Des culs-desac heuristiques aux garde-fous épistémologiques ou comment aborder l’aire culturelle du “monde musulman” », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 103-104, 2004, p. 19-23.
47 Voir références supra. Claude Cahen reprochait déjà un excès d’attention porté à Byzance par rapport au domaine sassanide dans les études sur l’histoire du droit musulman. Cl. Cahen, Les peuples musulmans…, op. cit., p. 184.
48 Tyan, puis Morony, remarquent que le cadi d’Égypte al-ʿUmarī, sous Hārūn al-Rašīd, est comparé à un prêtre zoroastrien (ḥirbāḏ). Ils ne tiennent néanmoins pas compte du contexte de cette comparaison, qui est celle d’un poème de hiǧā’destiné à le dénigrer et à le faire passer pour un impie. E. Tyan, Histoire de l’organisation judiciaire, op. cit., p. 95 ; M. Morony, Iraq after the Muslim Conquest, op. cit., p. 441. Voir al-Kindī, Aḫbār quḍāt Miṣr, dans The Governors and Judges of Egypt, éd. par Rhuvon Guest, Leyde, Brill, 1912, p. 400.
49 Tel est le type de plan qu’adoptent nombre d’études récentes dans le domaine des Late Antiquity and early Islam cher aux Anglo-Saxons. Voir par exemple A. Silverstein, Postal Systems in the Pre-Modern Islamic World, New York, Cambridge University Press, 2007 ; A. Marsham, « Public Execution », art. cité.
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