Indexicalité et assertion chez Peirce
p. 129-141
Texte intégral
1On connaît la maxime fondamentale du « pragmatisme » de Peirce, qui fait résider la signification d’un signe dans ses « effets pratiques » concevables : « Considère quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet. La conception de ces effets est la conception complète de l’objet. » (5.402) En accord avec cette maxime, qui insiste sur les conséquences d’un énoncé, et grâce aux ressources de sa sémiotique, qui lui fournit la notion d’index, Peirce a développé une théorie des actes de langage qui annonce tant Austin et Searle que les analyses de l’indexicalité. Cette conception « pragmatique » avant la lettre de la proposition assertée est en effet un bon exemple d’application de la maxime pragmatiste, en ce qu’elle rapporte le contenu propositionnel et l’acte d’assertion non seulement à la situation du locuteur, au contexte et aux circonstances de l’énonciation, mais aussi à l’usage qu’il en fait en vue d’un certain effet à produire sur l’auditeur, et à l’ensemble de ses conséquences pratiques dont celui-ci se rend responsable par le seul fait d’asserter. Cette pragmatique de l’acte d’énonciation s’appuie sur une étude sémiotique particulièrement riche et originale de l’interaction entre interlocuteurs et de l’action réciproque des paroles et de la réalité. Elle n’est pas la simple anticipation des jeux de langage wittgensteiniens, du performatif d’Austin, des speech acts de Searle, des token-reflexives de Bar-Hillel, et de la sémantique de la théorie des jeux d’Hintikka, elle n’en est en un sens qu’une ébauche, mais elle possède sa propre spécificité, s’accorde avec l’ensemble du pragmatisme peircéen, et elle constitue une importante avancée théorique en philosophie du langage, généralement méconnue par les analytiques à l’exception notable d’Hintikka. En même temps, elle ouvre à la philosophie, avant Wittgenstein, Dewey, et en un sens Habermas, le champ des transactions langagières du monde public et de la communauté de parole.
2En quoi consiste cette pragmatique de l’assertion ? Elle se situe au carrefour d’une théorie du langage et d’une théorie de l’action, car en bon pragmatiste130Christiane Chauviré Peirce considère les paroles comme des actes qui ont des effets et cherchent à en avoir. Il nous faut préciser tout d’abord que Peirce distingue la proposition et l’assertion de cette proposition (5.543) ; il utilise le mot « assertion » d’une façon double, soit pour désigner le bloc proposition + acte d’assertion qui se divise en contenu propositionnel (« représentationnel ») et acte assertif, soit pour désigner le seul acte d’assertion (« volitionnel »). L’aspect le plus original de la théorie peircéenne de l’assertion consiste à faire de celle-ci un acte de langage au sens contemporain du terme et à examiner le « jeu de langage » de l’assertion. Ainsi conçue, l’assertion « n’est pas un pur acte de signification » (8.337) ou un pur événement « représentationnel » ; asserter est un acte, donc quelque chose de « volitionnel », qui dépasse la pure et simple représentation1, et qui engage la responsabilité du locuteur.
3Peirce s’est d’ailleurs attaché à plusieurs reprises à distinguer entre le fait de signifier (ou de comprendre une signification) et l’assertion :
« L’acte d’assertion est un acte d’une nature totalement différente de l’acte d’appréhender une signification et nous ne pouvons espérer qu’une analyse de l’assertion [...] jette quelque lumière sur la question bien différente de ce qu’est l’appréhension d’une proposition. » (5.30)
4Entre la proposition et l’acte d’assertion, il y a toute la différence entre un élément « représentationnel » et un élément « volitionnel ». Une proposition représente un état de choses, une proposition simple représente un fait, l’état de choses et le fait se définissant d’ailleurs par leur exprimabilité dans une proposition. C’est donc le découpage du langage en propositions qui conduit à distinguer dans le réel des faits et des états de choses. La proposition, qui est évidemment pour Peirce un signe, prise au sens de contenu propositionnel, possède en soi un statut sémiotique indépendant de l’assertion, qui peut ou non se surajouter à elle. Le contenu propositionnel est en effet un signe (8.313) ayant un sens par lui-même, tout acte d’assertion étant suspendu (il suffit que, comme signe, il soit interprété) : « La proposition n’a pas besoin d’être assertée ou jugée. Elle peut être envisagée comme signe susceptible d’être asserté ou nié. Le signe lui-même garde sa pleine signification, qu’il soit effectivement asserté ou non. » (2.252 ; 2.315) On notera la dépsychologisation que Peirce fait subir au contenu propositionnel, ici considéré seulement dans sa dimension sémiotique, laquelle ne requiert aucune référence à l’esprit humain2.
5C’est ce que Peirce exprime autrement – dans la terminologie sémiotique très sophistiquée qui est la sienne – en assignant à la proposition le statut de « symbole dicent », c’est-à-dire de signe susceptible d’être asserté (un « dicent » n’étant pas nécessairement une proposition assertée, mais une proposition assertée étant toujours un signe ou un symbole « dicent »)3. D’autre part, créateur de la distinction type/token, Peirce applique cette dichotomie à la proposition (le token étant une instance ou une occurrence du type) ; une seule et même proposition-type peut s’incarner dans des tokens différents :
« Par proposition, en tant que quelque chose qui peut être répété à plusieurs reprises, traduit en une autre langue, matérialisé par un graphe logique ou une formule algébrique, et être encore une seule et même proposition, nous n’entendons pas un objet individuel existant, mais un type, quelque chose de général qui n’existe pas, mais gouverne les existants auxquels les individus se conforment. » (8.313)4
6Les types sont en effets assignés à la Troisième Catégorie, et les tokens à la Seconde, en tant qu’individus existant régis par un type ou un autre. La proposition-type est une potentialité réelle [would be] qui s’actualise dans ses « répliques ».
7La proposition (non assertée mais simplement envisagée) est une représentation et comme telle se voit dotée d’une dimension « iconique »5 puisque l’icône est signe de par un rapport de ressemblance (au sens large) avec l’objet ;la proposition verbale, comme la formule algébrique, doit en un certain sens représenter, donc ressembler à quelque degré à son objet, ne serait-ce que schématiquement : « La disposition des mots dans l’énoncé doit servir d’icône , afin que l’énoncé puisse être compris. » (4.544) (De même, une équation algébrique est6 essentiellement pour Peirce une icône, voire un diagramme.) Elle est une sorte d’image : « La proposition elle-même représente simplement une image à laquelle est attachée une étiquette ou une marque » (5.543), même si, nous allons le voir, ce n’est pas la dimension iconique qui prédomine dans la proposition. Par ailleurs, asserter est un acte véritable qui relève de la volonté (2.436, 5.547). L’acte d’assertion est produit dans certaines circonstances et à l’intention de quelqu’un, il concerne structurellement deux protagonistes au moins, celui qui parle et celui qui écoute (2.534), le cas du monologue se réduisant à celui du dialogue, puisque « même dans la méditation solitaire, tout jugement est un effort pour convaincre d’une vérité le moi du futur immédiat et du futur général. C’est une assertion véritable [...] et la dialectique solitaire est encore de la nature du dialogue » (5.546 ; cf. 5.421, 5.29 et 2.334). Peirce est le premier philosophe à avoir soutenu explicitement, dans sa sémiotique, et en rapport avec son pragmatisme, la thèse du caractère « dialogique » du langage, qui a intéressé Hintikka et ses élèves, qui y voient une anticipation de leur sémantique fondée sur la théorie des jeux [game theoretical semantics]. L’acte d’asserter non seulement fait partie d’un contexte environnemental, mais se rattache aussi à un comportement humain et social soumis, nous le verrons, à certaines règles, et ce comportement, comme tel, n’est pas séparable du jeu de langage qui définit la proposition assertée. La société, les institutions, les coutumes sont, comme chez Wittgenstein, l’arrière-plan des actes de langage.
8L’analyse sémiotique de la proposition met en évidence l’association de plusieurs signes de types différents. Nous reproduisons schématiquement cette analyse qui, dans certains textes, revêt un caractère singulièrement complexe. « Toute assertion est assertion que deux signes différents ont le même objet » (2.437) ; plus précisément, la proposition assertée, qui appartient, comme toute partie du langage verbal, au registre du symbolique, a pour fonction de mettre en rapport deux signes de natures différentes avec un même objet. Deux signes hétérogènes s’articulent pour former la proposition ; il y a d’abord une icône, qui confère à la proposition sa nature représentative ou figurative, et un index qui rapporte la proposition à un élément du réel. Nous verrons que l’originalité de la sémiotique peircéenne de la proposition réside avant tout dans la mise en évidence du rôle indexical de la proposition. Peirce voit ainsi dans la proposition assertée l’articulation d’une icône et d’un index avec un symbole ; elle est inséparable d’une certaine situation de discours impliquant un certain rôle du locuteur vis-à-vis de l’auditeur, celui-là cherchant à produire certains effets sur celui-ci. L’assertion d’une proposition consiste dans le fait que le locuteur témoigne devant un auditeur (réel ou virtuel) qu’il croit une certaine chose (et tend par là même à faire partager, ou à imposer, cette croyance à l’auditeur) :
« C’est-à-dire que dans une circonstance [occasion] donnée, il trouve absolument contraignante une idée [...], il devrait donc y avoir trois parties dans chaque assertion : un signe de la circonstance [occasion] dans laquelle s’exerce la contrainte, un signe de l’idée qu’on fait valoir, et un signe témoignant de la contrainte s’exerçant sur le locuteur. » (2.535)
9C’est dire l’importance du rôle de la contrainte dans l’assertion ; or nous verrons que c’est l’index qui est le véhicule de cette contrainte. Il faut également resituer cette conception de l’assertion dans le cadre de la théorie peircéenne de la croyance, une des pièces maîtresses de son pragmatisme7, qui croise ici la sémiotique de la proposition.
10Peirce montre sur l’exemple d’une proposition simple comme « Il pleut », l’association d’une icône (« la photographie mentale composée de tous les jours de pluie que l’auteur de la proposition a interprétés ») et d’un index (« tout ce par quoi il distingue ce jour tel qu’il se situe dans son expérience »), l’assertion consistant en un « acte mental » que Peirce assimile à un symbole « Le symbole est l’acte mental par lequel il caractérise ce jour comme pluvieux. » (2.438 ; cf. 2.440-441) Dans la proposition, c’est le « rhème », c’est-à-dire le schème prédicatif, qui est iconique ; dans la grammaire pure de Peirce, la proposition se compose en effet, comme chez Frege, d’un signe incomplet (le prédicat, par exemple, « est pluvieux ») et d’un signe complet, le sujet : l’un complète l’autre. Quant à la « photographie mentale composée », qui fait référence à Galton, elle est un schème (une « représentation-squelette »), résidu formel de superpositions successives d’expériences (de la pluie, dans le cas de « Il pleut »), et constitue l’élément prédicatif de la proposition.
11Mais c’est sur le rôle fondamental joué par l’index dans l’assertion que Peirce insiste le plus : « II doit amener l’auditeur à partager l’expérience du locuteur en lui montrant ce dont il parle [...]. C’est la connexion d’un mot indicatif avec un mot symbolique qui fait l’assertion. » (4.57) Ce qui rend nécessaire le rôle de l’index, c’est que lui seul peut, dans la proposition, distinguer premièrement le monde réel du monde fictif, si c’est du monde réel qu’on parle, et en général désigner le monde dont il est question ; et deuxièmement, désigne, dans le réel, un élément circonstanciel saillant dont le locuteur veut faire partager à l’auditeur l’expérience, par la contrainte : « Lui seul peut représenter à l’auditeur la contrainte exercée par le locuteur en le contraignant à faire l’expérience de la même circonstance [occasion]. » (Ibid.)
12L’index est en effet la seule catégorie de signe qui « agisse dynamiquement sur l’attention de l’auditeur et le dirige vers une circonstance [occasion] spéciale ou un objet spécial » (2.556)8. Dans la sémiotique de Peirce, aucune représentation pure, c’est-à-dire aucune icône, ne saurait rien contenir qui distingue le monde réel du monde fictif « parce qu’une icône ne se réfère pas à une chose particulière et que son idée ne s’impose pas avec force à l’esprit, mais que son évocation nécessite souvent un effort » (5.454). Si l’icône, et en particulier le diagramme, a pour fonction de nous faire comprendre un état de choses soit expérimenté soit imaginé (par exemple en mathématiques), soutient Peirce, « une telle figure ne peut toutefois montrer ce à quoi elle est censée s’appliquer ; et aucun diagramme ne peut servir à ce propos. Le où et le quand de l’expérience particulière, ou l’occasion, ou une autre circonstance identifiant la fiction particulière9 à laquelle le diagramme doit s’appliquer, sont des choses in capables d’être exhibées diagrammatiquement » (5.419)10. Il faut donc, pour indiquer que c’est bien du monde réel qu’il est question, que la proposition contienne un signe que Peirce qualifie de « dynamique » (les signes dynamiques relevant de la Seconde catégorie), aussi dynamique que la réalité elle-même telle que nous l’éprouvons dans l’expérience11. C’est le rôle que jouent un certain nombre de catégories grammaticales, comme les noms propres, les pronoms personnels, démonstratifs et relatifs, les interjections, mais aussi les lettres figurant sur les diagrammes géométriques, les nombres souscrits en algèbre, « qui sont des index presque purs parce qu’ils dénotent des choses sans les décrire » (5.561) : « Des mots comme ceci, cela, hep, hello, ohé, ont une action directe et forte sur le système nerveux et forcent l’auditeur à se préoccuper d’eux ; aussi contribuent-ils, plus que les mots ordinaires, à indiquer de quoi l’on parle » ,chose que la grammaire a si peu vu, remarque Peirce, qu’elle nomme ceci et cela des pronoms « démonstratifs », alors qu’ils indiquent et ne démontrent pas (3.419). L’index n’est pourtant pas forcément de nature verbale (en toute rigueur un mot ne peut être selon Peirce un index pur, parce qu’il a une signification générale qu’il conserve à travers ses usages multiples, participant ainsi de la nature du symbole : cf. 4.57), pas plus qu’il n’existe de critère grammatical ou même linguistique de l’index : l’index peut être simplement un élément physique (regard, geste, intonation) associé à l’énonciation, et indissociable d’elle dans l’acte d’énonciation.
13Peirce souligne que l’index verbal, surtout sous sa forme pronominale comme ceci et cela, mais aussi je et il, est lié à chaque situation de parole et que son application change avec elle : il décrit de manière exacte ce qu’on appeler a plus tard au xxe siècle, avec Reichenbach et Bar-Hillel, la token-réflexivité, avec Jakobson, les shifters ou embrayeurs, et enfin la deixis :
« L’index est essentiellement une affaire d’ici et de maintenant, son office est de rapporter la pensée à une expérience particulière [...]. Les mots ceci et cela sont des mots indicatifs. Ils s’appliquent à des choses différentes toutes les fois qu’ils sont employés. » (4.57)
14La fonction de l’index est donc, non seulement de désigner une expérience dont parle l’énoncé, mais aussi de situer et ainsi d’individualiser le contenu de l’énoncé12, ce qui revient à dire qu’un énoncé n’a de sens que dans une situation de parole singulière, et que son sens a besoin d’être complété par la donnée des circonstances puisque le langage ne parvient pas par lui-même à tout spécifier :
« Deux hommes se rencontrent sur une route de campagne. L’un dit à l’autre : "Cette maison est en feu. – Quelle maison ? _ Eh bien, la maison à un mile à ma droite."Que ce discours soit couché par écrit et montré à tout le monde dans le village voisin et il apparaîtra que le langage par lui-même ne spécifie pas la maison. Mais la personne à qui l’on s’adresse voit où se tient le locuteur, reconnaît sa droite (mot ayant un mode de signification tout à fait singulier), estime un mile (longueur n’ayant pas de propriétés géométriques différentes des autres longueurs) et, regardant là, voit la maison [...]. Ce n’est pas le langage seul, avec ses seules associations de similarité, mais le langage pris en connexion avec les associations expérimentales de contiguïté de l’auditeur, qui détermine pour lui de quelle maison on parle. Il est donc nécessaire, pour montrer ce dont nous parlons ou ce sur quoi nous écrivons, de mettre l’esprit de l’auditeur ou du lecteur en connexion réelle et active avec la concaténation de l’expérience ou de la fiction dont nous nous occupons, et ensuite d’attirer son attention sur un certain nombre de points particuliers de cette concaténation et de les identifier. » (3.419)
15Pour Peirce, le langage est incapable à lui seul d’opérer totalement cette connexion, parce que les index verbaux qu’il contient sont des mots généraux, alors que chaque situation de parole est particulière, et il faut que l’auditeur recoure à un système de repérage extralinguistique pour saisir le message du locuteur.
16S’orientant vers une analyse logique en profondeur de la proposition, par opposition à l’analyse logique traditionnelle calquée sur l’analyse grammaticale des langues indo-européennes, Peirce construit un concept de sujet sémiotiquement défini comme « ce sur quoi l’index dirige l’attention » (2.536), bien qu’il ne coïncide pas nécessairement avec l’objet dénoté par le sujet grammatical ;en effet, selon l’analyse traditionnelle, le sujet s’exprime par un nom au nominatif, alors que « souvent l’index n’est pas de la nature d’un nom. Il peut être [. . .] un simple regard ou un geste. Et il peut être déguisé d’une manière telle qu’il soit impossible de dire s’il est un index » (2.338)13. Dans la plupart des cas, la forme grammaticale de la proposition ne coïncide pas avec sa structure logique ; elle peut ainsi masquer l’articulation réelle des éléments logiques qui la constituent, et il devient alors difficile de détecter et d’isoler les index (c’est-à-dire les sujets).
17Comme Frege, Peirce n’a cessé de dénoncer l’asservissement de la logique traditionnelle aux grammaires indo-européennes et l’incapacité de ces dernières à exhiber la véritable articulation logique de la proposition ; ses recherches sur la « logique des relatifs », mettant en évidence la possibilité d’une pluralité de sujets au sein de la proposition, récusent et dépassent l’ancienne structure aristotélicienne sujet/prédicat : « Toute proposition a un14 prédicat qui exprime ce que l’on croit et un sujet qui exprime ce dont on le croit. Les grammairiens préfèrent dire qu’un énoncé n’a qu’un sujet qui est mis au nominatif. Mais d’un point de vue logique, la terminologie des anciens grammairiens était meilleure, qui parlait d’un sujet nominatif et d’un sujet accusatif. Je ne sais pas s’ils parlaient d’un sujet datif, mais dans la proposition : "Antoine a donné un anneau à Cléopâtre", Cléopâtre est autant sujet de ce qui est signifié ou exprimé que l’anneau ou Antoine. » (5.542) C’est entre autres sur ce type d’analyse, qu’on rencontre aussi chez Tesnière, que Vincent Des combes fonde sa notion de « complément de sujet ». Le rôle du prédicat est précisé, par rapport au rôle indicatif des sujets, de la façon suivante :
« Que la diagrammatisation soit une chose, et l’application du diagramme une autre, est reconnu de façon obscure dans la structure de ces langues dont je suis familier, qui distinguent les sujets et les prédicats des propositions. Les sujets sont les index des choses dont on parle, les prédicats, les mots qui affirment, demandent ou ordonnent tout ce qu’on veut dire. Seulement le caractère superficiel de la syntaxe est rendu manifeste par son incapacité à reconnaître l’impuissance des seuls mots, et spécialement des noms communs, à remplir la fonction de sujet grammatical. » (3.419)
18La définition du prédicat comme mot qui affirme, ordonne, etc.15, nous donne une précision supplémentaire sur ce que Peirce entend par assertion. Mais avant de développer ce point, nous voudrions faire une remarque à propos de l’extrême généralité de la théorie peircéenne de la proposition.
19Si la proposition verbale est, comme le dit Peirce, l’association, coiffée par un symbole, d’un index à une icône, toute icône en général à laquelle est associé un index pourra être dite proposition, même s’il ne s’agit pas d’une proposition pensée ou exprimée : « Ainsi un portrait avec le nom du modèle en dessous est une proposition. » (5.569) Il lui manque néanmoins la dimension symbolique, la généralité qui est le propre du langage verbal. La proposition du langage ordinaire n’est donc qu’une espèce du genre proposition. Mais si un portrait avec le nom du modèle peut être qualifié de proposition, c’est que l’association de cette image avec cet index est énonçable, c’est-à-dire traductible en une proposition linguistique (qui affirme que « si quelqu’un regarde (le portrait), il peut se former une idée raisonnablement correcte de ce à quoi peut ressembler le modèle ») (ibid.) ; la proposition qui traduit linguistiquement, c’est-à-dire interprète le portrait, est son « interprétant ». Sur ce point, l’analyse de Peirce peut évoquer la Bildauffassung du jeune Wittgenstein : à savoir que si la proposition, comme Bild logique, reproduit, en vertu de sa dimension iconique, une structure factuelle, inversement toute image « peut remplacer une description » (Carnets 1914-1916, p. 88) dans la mesure justement où elle est au fond elle-même de nature propositionnelle16 Mais Wittgenstein reconnaît que la ressemblance plus ou moins grande existant entre la proposition et la situation qu’elle dépeint ne suffit pas à fonder une relation de représentation à proprement parler, et qu’une « méthode de projection » doit être alors supposée pour rendre compte de cette relation. Cette loi de projection est ainsi l’élément décisif de la corrélation existant entre la proposition et la situation décrite, de même que chez Peirce l’index est l’élément décisif qui ancre la proposition dans la réalité et détermine ce à quoi elle s’applique. Selon Wittgenstein, la loi de projection établit une correspondance entre les éléments de la proposition et les éléments du fait qu’elle reproduit :» L’image est ainsi rattachée à la réalité, elle va jusqu’à elle. » (Tractatus logico-philosophicus, 2.1551) Chez Peirce, c’est grâce à l’index que la proposition s’agrafe à la réalité ; en même temps « [u]ne proposition est un signe qui indique séparément son objet » (5.569, nous soulignons ; cf. 2.95) ; entendons que s’il y a « contiguïté » – comme dit Peirce –, ou même ancrage, grâce à l’index, de la proposition dans la réalité, la proposition « indique » une réalité distincte d’elle. Wittgenstein, de son côté, utilise plutôt l’image de la règle graduée comme « objet de comparaison » apposé à la réalité, pour la mesurer, ou d’antennes explorant la réalité (Tractatus, 2.1515 et 2.1512)17. Montrant, comme l’auteur du Tractatus, la nécessité d’un contact avec la réalité qui dépasse la simple ressemblance, Peirce a certainement mieux caractérisé Wittgenstein et sa logique de l’Abbildung – et d’une façon plus satisfaisante pour les linguistes – la nature exacte (indicative et dynamique, et pour tout dire Seconde) de cette corrélation.
20Peirce soutient qu’une image n’a qu’une signification virtuelle avant d’être effectivement ancrée par un index dans le réel ou dans une situation : « Aucune assertion n’a de sens à moins qu’il n’y ait une désignation montrant si on se réfère à l’univers de la réalité, ou de quel univers de fiction on parle. » (8.368, note 25) Plus généralement, d’ailleurs, un signe n’est qu’un signe virtuel avant d’être interprété, surtout dans le cas des index (une trace de pas dans le sable que personne ne voit jamais n’est pas un signe in actu). Son originalité est peut-être d’avoir montré que l’agent de cette corrélation réside à la fois dans la proposition et hors d’elle : à l’intérieur, parce que l’index est – dans la plupart des cas – un élément de la proposition verbale, articulé aux autres et relativement repérable, et à l’extérieur, parce que, comme tous les signes, l’index ne fonctionne comme index que s’il est effectivement interprété ou interprétable(5.569), tout comme, chez Wittgenstein, les signes ne sont des signes qu’en usage et de par l’usage18. Le mérite de Peirce est peut-être d’avoir caractérisé les catégories verbales et syntaxiques traditionnelles auxquelles correspondent les distinctions sémiotiques qu’il élabore, celle notamment entre index et symbole (même s’il existe aussi une sémiotique dans le Tractatus).
21Nous avons vu que Peirce définit le prédicat (au sens de la « logique des relatifs ») comme l’expression qui affirme, questionne, ordonne, etc. : c’est donc dans le prédicat qu’agit le symbole responsable de l’acte d’assertion proprement dit, c’est-à-dire la mise en rapport de deux signes (une icône et un index) avec un seul et même objet. Remarquons tout de suite que le symbole n’agit pas au même niveau que l’index et l’icône dans l’énonciation, puisqu’il se superpose à l’association de l’icône et de l’index, c’est-à-dire à un contenu propositionnel, sinon préalable, du moins indépendant. C’est sur le symbole que porte tout le poids de l’assertion19 ; d’ailleurs, « tout symbole enveloppe une assertion, au moins rudimentaire » (2.541). Sans symbole, il n’y aurait pas d’assertion :
Les icônes et les index n’assertent rien. Si l’on pouvait interpréter une icône par un énoncé, cet énoncé serait au mode potentiel, c’est-à-dire dirait simplement : “Supposez qu’une figure ait trois côtés etc.” Si on interprétait ainsi un index, le mode serait impératif ou exclamatif “Voyez !”, “Regardez !” » (2.291 ; cf. 3.361)
22L’icône n’est qu’une potentialité d’assertion. Par opposition à l’index et à l’icône, le symbole est le signe déclaratif par excellence et correspond dans nos grammaires au mode indicatif du verbe : « Une proposition (assertée) est équivalente à un énoncé au mode indicatif. » (2.315)20 Mais par lui-même, le symbole ne peut rien dire sur la réalité à moins d’être secondé par un index qui le rapporte au réel : « Un symbole en lui-même n’est qu’un rêve ; il ne montre pas ce dont il parle. Il a besoin d’être relié à son objet. Pour cela un index est indispensable. » (4.57) Non seulement l’assertion dit quelque chose sur la réalité, mais elle possède en outre un caractère auto-référentiel ; la proposition assertée émet une certaine « prétention » sur elle-même, elle fait profession d’être telle et telle : « Elle déclare être cette sorte de signe qui est signe pour être reliée réellement à son objet. » (8.515 ; 2.255) Autrement dit, toute proposition assertée se désigne comme index d’une réalité indépendante d’elle, se donne distinctement pour ce qu’elle est, de telle sorte qu’on ne saurait la confondre ni avec une autre sorte de signe (une pure icône par exemple), ni avec la réalité elle-même. En même temps, elle prétend à la vérité tout comme le souhait souhaite d’être exaucé avant de souhaiter ceci ou cela (7.59) : « Toute proposition assertée asserte virtuellement sa propre vérité. » (4.282 ; cf. 7.59) Sur ce point, Peirce anticipe notablement Urmson, qui lui aussi a soutenu que va de pair avec une assertion une présupposition de vérité (implied claim to truth)21 : asserter est témoigner en faveur de la vérité d’une proposition. À cet égard encore, la dette d’Habermas vis-à-vis de Peirce est visible.
23La pragmatique peircéenne fait coopérer, dans une assertion, trois signes d’espèces différentes, et ce, à deux niveaux : l’icône et l’index s’assemblent pour former un signe complexe qu’en second lieu le symbole viendra en quelque sorte coiffer, pour permettre l’acte d’assertion. Le langage verbal revêt une dimension symbolique, qui est celle des mots à signification plus ou moins générale dont le sens est défini par convention. En outre, la sémiotique requiert comme dimension fondamentale au minimum l’interprétabilité du signe sans lequel celui-ci ne fonctionnerait pas comme tel : dans l’assertion comme dans le cas de tous les autres signes, l’interprète est visé par le signe, l’assertion s’adresse à quelqu’un. L’originalité de Peirce réside sans doute moins dans le fait d’avoir distingué l’acte d’assertion de la proposition proprement dite, que dans celui d’avoir isolé, par rapport à l’élément iconique de la proposition (la » photographie mentale composée » qui est comme la matrice de la proposition, le « rhème » prédicatif), qui est en soi un élément inerte, un signe « dynamique » qui seul peut ancrer la proposition dans le réel parce que sa nature est majoritairement Seconde. Sans cet ancrage, l’énonciation ne dit rien sur la réalité : c’est le cas des formules logiques (comme le principe d’identité « A = A ») que l’on ne peut considérer comme des propositions (2.452) car les index y dénotent des objets qui n’existent pas, ou peut-être, suggère Peirce, faut-il les considérer comme des propositions délivrant une information sur des symboles. Ce n’est que grâce aux index qu’une assertion peut non seulement prétendre en être une, mais en être une réellement, c’est-à-dire effectuer un geste réel de pointage de réalité : « Quand des symboles tels que des mots sont utilisés pour construire une assertion, cette assertion se rapporte à quelque chose de réel. Elle doit non seulement déclarer le faire, mais le faire réellement ; sinon elle ne serait ni vraie ni à plus forte raison fausse. Un témoin peut bien jurer, avec les formalités légales, que Jean Dupont a commis un meurtre, si le nom de Jean Du pont ne dénote aucune personne existante, il n’a fait aucune assertion. » (4.500 ; le serment, dirait Austin, est nul et non avenu.) Ainsi Peirce a-t-il vu, longtemps avant Austin, que faire une assertion, ce n’est pas seulement dire, c’est faire, ou plus simplement que dire, c’est faire. Mais Peirce, lui, associe l’efficace de cet acte à l’indexicalité de la proposition. L’essence de la proposition étant « d’indiquer séparément ce dont elle est le signe », elle est en effet majoritairement indexicale ; et l’assertion est un acte qui vise à modifier ou transformer le réel non seulement grâce à ses effets sur l’attention et le système nerveux, voire musculaire, de l’auditeur (et ce du fait de la présence d’index), mais en ayant des conséquences à plus long terme dont le locuteur assume la responsabilité. Un de ses effets peut être de modifier de façon plus ou moins durable la conduite de l’auditeur, qui est amené par les index à partager la croyance induite par le locuteur, et à agir en fonction de cette croyance (5.548). Même le concept, qui n’est qu’une assertion virtuelle, « peut avoir une portée sur la conduite » (ibid.), possédant ainsi une « teneur intellectuelle », comme l’énonce la maxime pragmatiste. Ainsi le talent de Peirce n’est-il pas seulement d’avoir anticipé Austin et Searle, il est aussi d’avoir harmonieusement articulé avec son pragmatisme et sa sémiotique une théorie des actes de langage en un sens plus fort que chez Austin, parce que plus axé sur les conséquences.
Notes de bas de page
1 « Un état de choses est une partie constituante abstraite de la réalité, d’une nature telle qu’il faut une proposition pour le représenter. Il n’y a qu’un état de choses individuel, ou complètement déterminé, c’est la réalité prise dans sa totalité. Un fait est un état de choses si précisément abstrait qu’il peut être complètement représenté par une proposition simple. » (5.549) Par « précisément abstrait », il faut entendre que l’état de choses est le résultat d’un travail d’« abstraction précisive » effectué sur le réel. L’abstraction précisive est un des deux modes d’abstraction distingués par Peirce, l’autre étant l’abstraction hypostatique. Cf. E. Bourdieu, « Une conjecture pour trouver le mot de l’énigme : la conception peircéenne des catégories », Philosophie, 58, 1998, p. 16 ; Ch. Chauviré, L’Œil mathématique, Kimè, 2008, p. 140et suiv.
2 Sur la sémiotisation du mental effectuée par Peirce, cf. Ch. Chauviré, « Peirce, Wittgenstein, les signes et le mental », La Philosophie dans la boîte noire, Kimè, 2000.
3 La distinction de Peirce n’est pas sans évoquer, sans toutefois s’identifier à elle, celle tracée par Frege entre le contenu propositionnel qui est une « pensée » et l’acte d’assertion, laquelle pourrait avoir été influencée par Bolzano (qui distingue Urteil et Satz an Sich).
4 Cf. sur ce point le commentaire de Quine dans Philosophie de la logique, Aubier,1975, 2008, p. 26. Quine considère que la conception peircéenne tombe sous le coup de sa critique de la proposition comme entité transcendante par rapport à ses occurrences possibles dans le discours. C’est toutefois une critique discutable, car la proposition-type de Peirce n’est pas, par rapport à ses tokens, dans le même rapport qu’une entité platonicienne par rapport à ses occurrences concrètes (Quine vise Frege et Church dans sa critique) ; la proposition-type est en effet un Troisième – un would be, une « possibilité réelle » qui a force de loi – qui gouverne les tokens seconds qui la matérialisent à la manière d’une loi ou d’une règle. L’ontologie peircéenne n’a rien à voir avec le platonisme.
5 Toute représentation met en jeu une « icône », c’est-à-dire un signe ayant pour caractéristique de représenter un objet en vertu de sa ressemblance avec lui ; un diagramme est une icône formelle qui reproduit les relations existant entre les éléments de l’état de choses qu’elle représente. Peirce s’est tout particulièrement intéressé aux icônes mathématiques, qui sont des diagrammes, et à une sorte d’icône particulièrement précise et exacte qu’il appelle « forme mathématique » d’un état de choses(une représentation abstraite qui ne garde de l’état de choses que les ressemblances et les différences qu’il comporte sans spécifier les supports de ces ressemblances ou différences, ni les qualités sensibles des constituants de l’état de choses : cf. 5.550).
6 Rappelons brièvement la distinction peircéenne entre trois sortes fondamentales de signes : l’icône, qui possède une ressemblance formelle avec son objet, l’index, quia une relation physique avec son objet, et le symbole, qui est rattaché à son objet de façon purement conventionnelle.
7 Cf. la thèse de Mathias Girel, Conduite et croyances dans le pragmatisme, Paris 1, 2007.
8 Peirce accorde une place à une sorte particulière d’index, les quantificateurs naturels ou formels (tous, quelques), définis comme préceptes « décrivant comment l’auditeur doit agir pour trouver la circonstance de l’expérience à laquelle l’assertion se réfère », nommément un quantificateur (« tous... les », « quelques », « certains »). Le langage, y compris le langage symbolique de la logique, ne peut donc faire l’économie des index.
9 Peirce songe ici aux expériences de pensée mathématiques qui procèdent à l’aide de constructions de diagrammes dans l’imagination.
10 Des signes paralinguistiques peuvent compléter le langage verbal nécessairement trop général pour renforcer l’indexicalité de l’énonciation : ainsi, « aucune langue [...] ne possède une forme de discours particulière qui montre qu’on parle du monde réel », mais « les tons et les regards agissent dynamiquement sur l’auditeur et le font prêter attention aux réalités. Ils sont donc les index du monde réel ». Il n’y a « aucune classe d’assertions qui ne contienne pas d’index sauf les analyses logiques et les propositions identiques », qu’il faut de toute façon interpréter comme se référant à un monde de concepts dont la désignation nécessite un index (2.351). Un langage sans index est donc impossible (et l’analyse peircéenne des propositions analytiques de la logique comme véhiculant une information, non sur le monde réel, mais sur l’utilisation des symboles, va tout à fait dans ce sens : cf. 2.515).
11 Peirce considère la réalité (au sens de Second) comme quelque chose de coercitif dont la force nous percute en quelque sorte, et il définit l’expérience, notamment l’expérience perceptive, comme ce qui s’impose à nous irrésistiblement.
12 Sur les indicateurs comme opérateurs d’individualisation, cf. J.-L. Pariente, Le langage et l’individuel, Colin, Paris, 1975, p. 85 et suiv.
13 Ainsi les quantificateurs, désignant et délimitant une partie de l’univers du discours, ont-ils un rôle indexical, cf. 4.59.
14 Peirce veut dire : un seul prédicat, qui est la matrice de la phrase, et qui peut comporter, comme dans la logique contemporaine, une ou plusieurs places.
15 Nous laissons ici de côté toute l’étude, assez longue et détaillée, de la prédication chez Peirce, ainsi que ses développements sur le concept de « rhème » appliqué au prédicat (cf. Ch. Chauviré, Peirce et la signification, Paris, PUF, 1985).
16 Comme l’a noté J. Bouveresse, Le Mythe de l’intériorité, Paris, Minuit, 1976, p. 93 : « À la nature "picturale" du langage correspond une certaine nature linguistique de l’image en général, et la théorie de la proposition est également une théorie de l’image en général, dans la mesure où celle-ci comporte nécessairement un aspect propositionnel. »
17 La comparaison s’impose d’autant plus que Peirce, parlant des lois de projection utilisées en cartographie, leur attribue justement un rôle indexical : « Décrivez, décrivez et décrivez, et vous ne pourrez jamais décrire une date, une position ou une quelconque quantité homoloïdale. Vous pourrez objecter qu’une carte est un diagramme montrant des localités ; sans doute, mais pas avant que la loi de projection ne soit comprise, ni même alors à moins que deux points au moins de la carte ne soient en quelque façon identifiés préalablement avec des points dans la nature. Or comment un diagramme pourrait-il jamais accomplir cette identification ? » (3.419) Peirce se montre ici influencé par le métier de cartographe qu’il a exercé au Coast Survey ; il rappelle ailleurs que le mot Abbildung « a été utilisé par Gauss en 1845 pour désigner ce qu’on appelle en anglais une projection cartographique » (3.609).
18 Ce qui donne vie aux énoncés, dit Wittgenstein, est leur usage.
19 Peirce voit dans le symbole le seul signe véritable, l’index et surtout l’icône représentant des cas dégénérés de signes (2.92). C’est un des points sur lesquels Wittgenstein et Peirce divergent : à l’inverse de ce qu’on lit dans le Tractatus, la relation de ressemblance, la seule qui relie l’icône à son objet, représente pour Peirce le plus bas degré de la relation pouvant exister entre un signe et un objet, alors que Wittgenstein ne voit dans le langage que des icônes logiques.
20 Peirce remarque que « les mots ordinaires dans la plupart des langues sont assertoriques. Ils assertent dès qu’ils sont attachés en quelque sorte à un objet. Si vous écrivez “verre” sur une boîte, on comprendra que vous voulez dire que la boîte contient du verre : » (4.58).
21 Sur la prétention cognitive de l’acte d’assertion, voir K. De Rose, « Assertion, Knowledge and Context » , Philosophical Review, III, 2002 ; et R. Brandom, « Assertion », Noûs, 17/4, 1983.
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Agir et penser
Essais sur la philosophie d’Elizabeth Anscombe
Valérie Aucouturier et Marc Pavlopoulos (dir.)
2015