All’Hagêsichora me teirei (Alcman, fr. 3) : ce que les travaux sur la sexualité apportent aux recherches sur le genre
p. 125-145
Texte intégral
1« Mais Hagêsichora m’arrache toutes mes forces » : ce vers est extrait des Parthénées d’Alcman, composées au viie siècle avant notre ère, à Sparte. C’est un chœur de jeunes filles qui chante en public, et qui recourt tantôt à la première personne du singulier, tantôt à la première personne du pluriel. Dans ce passage, après une autodescription où le chœur souligne sa propre inexpérience en une autodévalorisation explicite, les jeunes filles se livrent à un éloge vibrant d’Agidô et d’Hagêsichora, et expriment leur désir d’être remarquées par elles. La description d’Hagêsichora est particulièrement sensuelle, et le cri est ἀλλ‘Ἁγησιχόρα μϵ τϵίρϵι révélateur de la souffrance et du sentiment de dépossession que les poètes archaïques attribuent à la puissance irrésistible d’érôs.
2Ce beau vers est à lui seul représentatif de la majeure partie des difficultés que rencontre le chercheur qui s’engage sur la périlleuse voie des travaux en histoire des femmes, du genre ou de la sexualité. Celui-ci, ou celle-ci, se heurte, dans un premier temps, à de réels problèmes philologiques portant sur la traduction et l’établissement du texte1. Se pose ensuite la question du contexte réel dans lequel ce chœur chante (s’agit-il d’un contexte institutionnel, d’une cérémonie privée ? Qui est le public ? Qui chante ? Qui dirige ? Quelle est la fonction de ces Parthénées dans la cité de Sparte ? Hagêsichora et Agidô sontelles des chorèges réelles ? fictives ?). Il convient ensuite, pour lui ou elle, de s’intéresser à la délicate question du « moi » dans la poésie lyrique et mélique (les personnes qui disent « je » ressentent-elles réellement ce qu’elles chantent ? S’agit-il d’une poésie personnelle ? Peut-on faire un parallèle avec les poèmes de Sappho ou d’Anacréon ? A-t-on accès à des sentiments personnels ou faut-il penser qu’ils sont conventionnels puisque composés par un poète choisi par la cité ?)2. De plus, ce point ne peut être étudié qu’en tenant compte de la fonction enkomiastique de la poésie et des discours officiels en Grèce. Le texte des Parthénées est également particulièrement complexe en ce qui concerne les questions de genre (ce texte est composé par un auteur masculin, et il est destiné à être chanté par des jeunes filles : puisque la première partie est constituée d’un long énoncé gnomique retraçant l’origine du monde, cela signifie-t-il que la cité accorde au chœur de jeunes femmes le rôle de représenter la totalité du corps des citoyens ?). Enfin, le chercheur ne peut se dispenser de se pencher sur les représentations antiques liées à l’amour et à la sexualité (s’agit-il ici de l’expression d’un discours amoureux ? Peut-on voir dans ce que les jeunes filles disent de leur sentiment et de ce qu’elles ressentent physiquement les atteintes d’érôs ? Cela signifie-t-il qu’elles sont toutes réellement amoureuses d’Hagêsichora ? Et s’il s’agit d’un cri érotique – dans la fiction des Parthénées –, que nous apprend-il sur le regard que pouvaient porter les Anciens sur les relations amoureuses entre femmes ?)3.
3Aucune interprétation ne sera apportée ici, mais il me semblait important de montrer que s’intéresser aux questions de genre ne signifie pas que le chercheur peut s’affranchir des autres approches : bien au contraire, on exige de lui d’autant plus de rigueur et de sérieux que ses intérêts sont, actuellement encore, objets de critiques. Le genre est un outil d’analyse qui ne peut fonctionner en autonomie : il traverse des domaines aussi vastes que l’histoire, les lettres, la philologie et l’anthropologie. Il est également inextricablement lié, comme j’aimerais le montrer dans cet article, à l’histoire de la sexualité.
4La mise en évidence de la nécessité d’une approche conjointe genre/sexualité se fera en trois étapes. Il est important, tout d’abord, de définir les termes de l’enquête (le genre, la « sexualité » et son système de catégorisation moderne). Le « genre » sera mis à l’épreuve par l’étude du cas extrême des transformations de sexe dans l’Antiquité. En parallèle sera abordée également l’incontournable question de l’anachronisme des outils utilisés – anachronisme qui est souvent reproché aux études sur le genre ou sur la sexualité dans le monde antique. Tout au long de cette démarche seront soulignés les éléments montrant l’interdépendance des questions de sexe, de genre et de sexualité. Dans un second temps, un bref panorama de la « cartographie érotique » des Anciens sera ébauché, à partir des récentes recherches sur la sexualité. Ce panorama fournira le cadre dans lequel il sera possible d’interpréter différents textes ou situations antiques mettant en jeu la question de genre. Dans un troisième temps, je m’arrêterai sur une épigramme d’Asclépiade, poète du iiie siècle : en recourant aux outils de l’analyse littéraire et en liant la question du genre à celle de la sexualité, il est possible d’interpréter ce poème d’une façon nouvelle. Le chercheur contemporain puisera alors dans l’œuvre d’Asclépiade des informations sur l’évolution des représentations des femmes et du féminin à l’époque hellénistique, et sur la représentation de l’amour entre femmes. Ce poème, comme le vers d’Alcman cité précédemment, est représentatif de l’intérêt d’une approche pluridisciplinaire.
Les termes de l’enquête
Le genre/le sexe
5Le genre est un formidable outil d’analyse, utile et performant, qui a permis non seulement de questionner de façon nouvelle les rapports sociaux des hommes et des femmes, des femmes et des femmes, des hommes et des hommes, mais également, comme le disait très justement P. Schmitt Pantel dans son introduction du premier tome de l’Histoire des femmes4, de s’intéresser à l’importance de la représentation dans la construction des identités de sexe. Le « genre », en effet, désigne l’ensemble des caractéristiques culturelles et sociales attribuées conventionnellement, traditionnellement ou majoritairement à l’un et l’autre sexe durant une période de l’histoire bien délimitée et dans une zone géographique précise. Une fois les tendances générales dégagées, l’étude historique ou anthropologique de telle ou telle source s’attache souvent, et très justement, à repérer les infractions à ces normes sociales, à nuancer les oppositions et à préciser les différences de représentations selon les groupes sociaux concernés ou selon les types de documents étudiés. « Le sexe, écrit Françoise Thébaud, est perçu comme un invariant, tandis que le genre est variable dans le temps et l’espace, la masculinité ou la féminité – être homme ou femme ou considéré comme tel(le) – n’ayant pas la même signification à toutes les époques et dans toutes les cultures5. » Le « genre » s’oppose donc au « sexe » biologique en ce qu’il est variable et socialement construit, le sexe étant perçu comme un invariant « naturel », un invariant qui divise l’humanité en deux, les hommes et les femmes.
6Mais, et les théoriciens de la question s’en sont bien rendu compte, le fait même que la notion de genre intègre dans sa définition (même pour s’y opposer) le sexe biologique pose problème : le risque est grand de penser le genre comme étant une nécessaire interaction entre le masculin et le féminin, voire comme une nécessaire confrontation entre les deux, et de penser que, sous prétexte qu’il y a deux sexes, toute société ne connaît que deux genres. Ce « deux » est aussi socialement et culturellement construit. Parallèlement, l’idée d’un sexe qui serait naturel ne va pas de soi non plus. C’est ce que révèlent, entre autres, les cas troublants, dans l’Antiquité, de transformation de sexe.
Les cas de transformation de sexe
7Plusieurs textes de naturalistes, d’historiens ou de paradoxographes grecs et romains évoquent des métamorphoses sexuelles réelles (c’est-à-dire hors du mythe)6. Tite-Live, Pline, Phlégon et Diodore de Sicile évoquent des cas de transformation sexuelle7. Présentés par les uns comme des prodiges à mettre sur le même plan que la naissance d’un agneau à tête de porc, par les autres comme des phénomènes biologiquement explicables et non liés à une intervention divine (certaines transformations sont d’ailleurs médicalement assistées – il faut avoir l’estomac bien accroché !), ces transformations ont un point commun : il s’agit dans tous les cas d’une métamorphose de femme en homme. Parmi les milliers de thaumata vus ou imaginés par les Anciens, aucune transformation « réelle » de garçon en fille n’apparaît dans les textes. C’est pour le moins étonnant.
8Mettons en parallèle ce constat avec le cas des nourrissons hermaphrodites à la naissance. Le sort du bébé dépend totalement des a priori sociaux sur le sexe et des connaissances scientifiques de l’époque. Selon les périodes et les cultures, les bébés sont exposés, livrés à une mort certaine, utilisés comme phénomènes de foire ou, plus récemment, opérés. L’assignation à un sexe ou à l’autre par le corps médical est culturelle : va-t-on donner la priorité à la présence d’ovaires ou à l’ébauche d’un sexe masculin ? aux hormones ou aux gènes ? Et pourquoi faudrait-il intervenir chirurgicalement, si l’enfant est viable ? Au nom de quel principe un sexe naturellement indéterminé doit-il être modifié ? Par ailleurs, selon Anne Fausto-Sterling8, biologiste et spécialiste du genre, certains chirurgiens évaluent la réussite de leur intervention médicale sur le fait que le patient a, à l’âge adulte, des relations amoureuses et sexuelles avec une personne de sexe différent. Cette évaluation est, tout le monde en conviendra, éminemment culturelle. Se trouvent ici étroitement liées l’identité de sexe et la sexualité.
9Revenons au cas de nos transformations antiques : une fois que l’on admet l’intervention de la culture dans la détermination du sexe d’un enfant malformé, plusieurs éléments prennent sens. On constate, dans les textes antiques, que la transformation se produit à la fin de l’adolescence : cela nous permet de supposer que de nombreux petits garçons (XY) souffrant de malformations ont été considérés comme des filles avant que, pour certains, la puberté ne révèle leur sexe véritable. Quant aux filles malformées, elles n’ont jamais été considérées comme des garçons. Les garçons (XY) non transformés à l’adolescence, eux, resteront à jamais des filles. L’absence ou la présence du pénis est donc le critère qui préside à l’attribution sociale du sexe et, par conséquent, le sexe féminin est un sexe par défaut. Parallèlement, ces cas extrêmes montrent clairement que nos critères scientifiques et culturels font que nous divisons l’humanité en deux (les hommes et les femmes), mais que le tracé de cette ligne de partage, que nous pensons être naturel et totalement anhistorique, est en réalité culturel. Ce constat portant sur le sexe « biologique » ne simplifie de loin pas la définition du genre.
10Diodore de Sicile, qui développe quelque peu l’histoire de ces femmes transformées, précise dans chacun des deux cas comment ces femmes pouvaient avoir des relations sexuelles avec leur époux : à propos d’Héraïs, on supposait que « comme des relations conjugales normales étaient impossibles, elle avait eu des relations sexuelles à la manière des hommes » (ταῖς· ἀρρηνικαῖς·συμπϵριφοραῖς καθωμιλῆσθαι)9. Quant à Kallô, elle ne pouvait « avoir des relations sexuelles comme une femme avec son époux » (τὴν μὲν γυναικείαν ἐπιπλοκὴν οὐκ ἐπιδεξομένη)10. Il y aurait donc une manière féminine de faire l’amour avec son mari. Pourtant, cette incapacité des deux femmes ne remet absolument pas en question leur identité sexuée. Ce qui, après la transformation des jeunes filles, va marquer leur masculinité, c’est leur nom (elles en changent toutes les deux), leurs activités (elles cessent de s’adonner aux travaux dits féminins) et leur habit. Héraïs, devenue Diophante, va combattre dans la cavalerie du roi. Quant à Kallô, le seul réel problème qui se pose n’est pas le fait qu’il/elle a épousé un homme, mais que, en tant que prêtresse de Déméter, il/elle a vu des choses qu’un homme ne pouvait voir.
11On pourrait objecter que se trouve prouvée, ici, la totale disjonction entre les questions de sexualité et d’identité sexuée. Pourtant, c’est précisément en posant la question de la sexualité que l’on peut faire ces premiers constats, à savoir que l’attribution sociale du sexe féminin est impliquée par l’absence de sexe masculin et que les marqueurs de l’identité « femme » sont sociaux mais non liés à un type de pratique sexuelle. Puis l’on constate que la question du genre est primordiale, ici, dans les questions de sexualité : il y a une manière féminine de faire l’amour avec un homme et une manière masculine de le faire. Se trouve illustrée à nouveau la circulation du genre (qui n’est pas le propre d’un sexe), mais surtout, se trouve ici énoncé un paradoxe, pour nous, modernes, qui avons quelque connaissance des représentations antiques : alors que, à Athènes et à Rome, certains hommes sont accusés de se conduire comme des femmes avec leurs amants et de s’unir à eux comme des femmes le feraient11, voilà une même pratique sexuelle qualifiée tantôt de masculine, tantôt de féminine. Il faudrait, bien sûr, approfondir l’analyse, chercher des parallèles, étudier les contextes, mais cet exemple me semble montrer assez clairement qu’une étude de ces cas portant sur la question du genre est immédiatement liée à des problématiques touchant à ce que nous nommons, de façon contemporaine, la sexualité.
L’« anachronisme contrôlé » (N. Loraux)
12Comment justifier, cependant, la pertinence de ces approches, faites avec des outils d’analyse contemporains (mais avec quels autres ?) sur un matériau plus ancien de vingt-cinq siècles ? La question de méthode qui se pose ici est donc bien celle de l’anachronisme. Nicole Loraux, dans son article intitulé « Éloge de l’anachronisme en histoire », écrit : « Il faut user d’anachronisme pour aller vers la Grèce ancienne à condition que l’historien assume le risque de poser précisément à son objet grec des questions qui ne soient pas déjà grecques : qu’il accepte de soumettre son matériau antique à des interrogations que les Anciens ne se sont pas posées ou du moins n’ont pas formulées ou, mieux, n’ont pas découpées comme telles12. » Elle précise : « Tout n’est pas possible absolument lorsqu’on applique au passé des questions du présent, mais on peut du moins tout expérimenter à condition d’être à tout moment conscient de l’angle d’attaque et de l’objet visé. » Élargissons son propos : toutes nos questions au passé sont anachroniques et il nous faut toujours être conscient de l’angle d’attaque et de l’objet visé. Ces outils d’analyse et ces questions anachroniques, il importe que l’historien les définisse avec précision et les considère non comme décrivant ce qu’il lui faut retrouver dans les sources, mais comme des catégories heuristiques, son objectif étant de définir comment des éléments cohérents pour nous, modernes, se répartissent dans d’autres ensembles, selon d’autres logiques, d’autres paradigmes, propres aux sociétés antiques.
La sexualité et ses catégories contemporaines
13La première chose qui frappe un antiquisant, c’est que ce que nous nommons « sexualité » et ce que nous regroupons dans la catégorie « pratiques sexuelles » n’étaient absolument pas ressentis par les Anciens comme relevant d’un ensemble d’actes cohérents ou d’un ensemble d’attitudes pouvant être regroupées en un même ensemble. Comme le fait remarquer David Halperin dans Oublier Foucault, il faut veiller dans nos lectures à distinguer, ou à tenter de distinguer, ce qui est relatif à une « identité » (notion très moderne), ce qui est relatif à une catégorie de personnes, à une catégorie d’actes, ou à un autre type de catégorie qu’il convient pour le chercheur de définir.
14Dans le sens où nous l’entendons actuellement – mutatis mutandis –, la sexualité désigne les pratiques sexuelles réelles, mais aussi les désirs non concrétisés, les fantasmes avoués ou non, et, de façon générale, la totalité du parcours sexuel d’une personne ainsi que son attitude face à ce parcours. La sexualité contemporaine est constitutive de l’identité psychologique d’un individu. Le lien entre identité personnelle, identité de sexe et orientation sexuelle est très complexe. Il est aussi très récent : « Quelque chose de nouveau s’est produit, écrit David Halperin13, dans les divers rapports qu’entretiennent les rôles sexuels, les choix d’objets sexuels, les catégories sexuelles, les conduites sexuelles et les identités sexuelles dans l’Europe bourgeoise de la fin du xviie au début du xxe siècle ; le sexe acquiert de nouvelles fonctions sociales et individuelles, et revêt une nouvelle importance pour définir et normaliser le soi moderne. La conception selon laquelle l’instinct sexuel est une fonction humaine autonome sans organe apparaît pour la première fois au xixe siècle : sans elle est inconcevable le modèle actuellement dominant, lourdement psychologisé de la subjectivité humaine – qui noue ensemble le désir, ses objets, la conduite sexuelle, l’identité de genre, la fonction reproductrice, la santé mentale, la sensibilité érotique, le style personnel et les degrés de normalité et de déviance pour en faire une caractéristique individuante, normativée de la personnalité, appelée “sexualité” ou “orientation sexuelle”. »
15De surcroît, les catégories actuellement à l’œuvre dans la perception contemporaine des sexualités sont non seulement récentes mais également mouvantes. Le terme d’homosexualité, apparu en 1869 en langue allemande et s’appliquant aux hommes, a pris à la fin du xixe siècle une connotation à la fois psychologique et clinique. Actuellement, le concept moderne d’homosexualité s’est chargé de sens et allie, comme l’analyse David Halperin, « trois entités conceptuelles au moins, distinctes et auparavant sans rapport14 » :
- une notion clinique, héritée des théories médicales du xixe siècle : quelqu’un peut être qualifié d’homosexuel même s’il n’a pas de pratique sexuelle telle, à partir du moment où il y a altération du genre. Cette altération est considérée comme une pathologie (un comportement efféminé pour un homme ou le travestissement) ;
- une notion psychanalytique : l’homosexualité qualifie un désir éprouvé pour quelqu’un de son propre sexe ; elle ne décrit rien de permanent et ne s’oppose pas, a priori, à une norme ;
- une notion sociologique : sont prises en compte – en dehors de toute notion psychologique – les pratiques sexuelles et celles-ci sont considérées comme déviantes par rapport à une pratique majoritaire érigée en norme.
16Le sens actuel d’homosexualité est donc particulièrement fluctuant selon l’importance donnée à l’une ou l’autre notion, et tout entier lié à notre conception moderne du sexe et de la sexualité.
17Si l’hétérosexualité est définie ici dans un second temps, ce n’est pas en raison d’un choix arbitraire ou par volonté de hiérarchisation, mais tout simplement parce que l’homosexualité précède l’hétérosexualité. Le terme apparaît pour la première fois en 1892 et, comme le montre Jonathan Katz15, il ne s’oppose pas immédiatement à l’homosexualité (les deux termes n’ont pas la fonction totalisatrice qu’on leur prête actuellement). L’hétérosexualité, dans son usage répandu, désigne une forme de pathologie que manifestent des personnes attirées par les deux sexes et usant de méthodes anormales pour parvenir au plaisir. Le sens évolue pour désigner, aux États-Unis, en 1923 : « Une passion sexuelle morbide pour le sexe opposé. » Il s’agit d’opposer l’amitié conjugale honnête à une attirance excessive pour le sexe opposé, mais également les relations procréatrices (entre hommes et femmes) aux relations non procréatrices (entre hommes et femmes). L’opposition entre homosexualité et hétérosexualité ne devient effective que plus tard : Freud recourt au terme d’« hétérosexuel » par référence à « homosexuel », mais n’utilise pas la catégorie « hétérosexualité » de façon absolue. Au début des années 1930, le terme prend le sens de « relations sexuelles normales ». L’opposition neutre, c’est-à-dire descriptive sans évaluation morale, est encore plus récente.
18Dans la définition de ces deux catégories, encore opérantes actuellement (même si elles le sont de façon différente, déjà, d’il y a une dizaine d’années), intervient sans conteste la notion de genre. C’est moins frappant dans le cas de l’hétérosexualité (puisqu’elle est le point aveugle), mais bien visible dans le cas de l’homosexualité. La conjonction entre les questions de genre et de sexualité, analyse Éric Fassin dans un article intitulé « Genre et sexualité : des langages de pouvoir »16, apparaît avec force dans les figures de l’homme efféminé ou de la lesbienne butch (qu’il s’agisse de figures assumées et choisies par les individus eux-mêmes ou de représentations dépréciatives). Par ces figures qui révèlent le lien que nous faisons entre genre et orientation sexuelle, se dessine, en creux, une représentation genrée de l’hétérosexualité : loin d’être un fait « naturel », l’hétérosexualité, construite sur des représentations du féminin et du masculin, est un fait qui varie et que l’on peut, par conséquent, étudier.
Approche constructionniste de la « sexualité » antique
19Une telle approche de la sexualité, ce que l’on peut nommer son historicisation, permet d’interroger les textes antiques de façon opérante. On rompt le « fil qui liait jusqu’alors la pédérastie grecque ancienne avec l’homosexualité moderne » et on creuse un « fossé conceptuel entre sexualité moderne et expérience érotique antique17 ». À nouveau, soulignons les points communs entre les catégories de la sexualité et celles du genre : elles sont totalement variables, jamais figées, dépendantes du contexte social et culturel auquel elles appartiennent. Mais en quoi cette mise au point sur la sexualité contemporaine peut-elle nous permettre de mieux comprendre les sources antiques ? Elle permet tout d’abord d’éviter certains contresens, lorsque notre regard contemporain met inconsciemment du sexuel là où il n’y en a pas. Elle permet également au chercheur de mieux voir le sexuel là où lui ou ses contemporains n’en conçoivent pas a priori (l’éducation, par exemple), en s’étant débarrassé de ces fameux points aveugles (la vision de celui qui ne voit que par le prisme du masculin ou de l’hétérosexualité).
Sexualités antiques : un bref panorama18
20Dans l’Antiquité gréco-romaine, - il n’existe aucun équivalent de cette notion moderne de sexualité. L’activité du sexe n’est pas perçue indépendamment des autres pratiques du corps. Par ailleurs, l’acte sexuel n’est pas perçu comme un acte concernant conjointement deux partenaires. Les termes latins et grecs exprimant la relation sexuelle, quelle qu’elle soit, déterminent quasiment toujours le rôle assumé dans la relation par l’un et par l’autre, et ces rôles sont très souvent perçus comme étant différents. Cependant, la désignation de ces rôles par les termes d’« actif » et de « passif » échoue à rendre compte de la totalité des représentations et de leur complexité. Certes, cette dichotomie apparaît dans les discours normatifs de l’Antiquité, mais elle n’entraîne pas forcément une équivalence entre des types de pratiques sexuelles et des rôles précis que l’on associerait à une relation dominant/dominé19. Les points aveugles et les anachronismes, lorsqu’on évoque de façon concrète les pratiques sexuelles, sont les plus difficiles à repérer, pour le chercheur contemporain.
21Cette non-existence de la sexualité comme ensemble de pratiques humaines participant à la construction personnelle et psychologique de l’individu, comme « principe constitutif du soi20 », rend caduque toute tentative de catégorisation par l’opposition entre « homosexualité » et « hétérosexualité ». Les Anciens, en effet, n’ont jamais élaboré ni pensé une catégorie homogène qui engloberait indistinctement hommes et femmes de tous milieux sociaux ayant pour unique caractéristique commune d’être attirés par les personnes du même sexe qu’eux – pas plus qu’ils ne lui ont opposé une catégorie qui engloberait hommes et femmes attirés par les personnes de l’autre sexe : ce sont d’autres critères, essentiellement sociaux, qui prévalaient dans l’évaluation morale des pratiques.
22De plus, l’analyse des sources grecques et romaines a non seulement montré qu’il n’existe pas de catégorie commune aux homosexuels et aux homosexuelles, mais aussi qu’il n’existe pas de catégorie « homosexualité masculine ». Même si Paul Veyne passe sous silence la question des relations entre femmes, son choix de l’expression « aimer un puer ou une puella21 » comme expression clé de l’amour antique est intéressant : pour les Anciens, aimer un garçon ou une fille procède de la même essence ; il n’y a pas de différence ontologique de l’amour qui serait fondée sur l’identité de sexe de la personne désirée.
23Le lien entre pratique sexuelle et genre intervient dans la représentation de l’individu en tant qu’être politique et social. C’est, par exemple, ce que montre John J. Winkler dans son étude sur la surveillance des comportements sexuels à Athènes22 : les deux figures de l’hoplite et du kinaidos, en tant qu’extrêmes opposés, balisent le champ de la masculinité, établissant deux genres (gender) à l’intérieur même de la masculinité. C’est donc tout un système, avec ses ensembles, ses lignes de démarcation, d’opposition et d’analogie, qu’il convient, pour l’antiquisant, de reconstituer, un système qui fait fonctionner le genre et le sexe selon des modalités très différentes de celles que nous connaissons. Et si, comme par une illusion d’optique, nous pouvons croire, un instant, qu’une catégorie contemporaine peut être dégagée dans tel ou tel document, il faut nous méfier de ce sentiment de familiarité. Reprenons ici l’avertissement qu’adresse Florence Dupont à ses lecteurs dans ses travaux sur la notion anachronique de « littérature23 » : nous sommes des voyageurs qui entrons dans un pays étranger et un gouffre culturel sépare ce monde du nôtre.
Une virginité non sexuelle
24L’étude de Violaine Sebillotte Cuchet sur le cas des vierges sacrifiées pour la patrie illustre à merveille l’intérêt d’une approche conjointe « genre/sexualité », ainsi que les apories passées, liées à la non-historicisation du sexe et de la sexualité24. En Grèce, en effet, les jeunes filles, qui sont sacrifiées et qui bien souvent devancent la décision en s’offrant d’elles-mêmes au sacrifice, deviennent des modèles auxquels peuvent s’identifier les garçons ou les hommes. On a longtemps pensé que le choix d’une jeune fille comme victime de ce sacrifice était lié à sa « féminité » ou au fait qu’en tant que femme elle incarnait une altérité. Le recours des textes au terme de parthénos a fait penser que la virginité de la victime était une caractéristique importante, le signe qui indique qu’elle n’a pas été souillée dans une relation sexuelle : sa virginité sexuelle serait le garant de sa pureté. L’analyse de Violaine Sebillotte Cuchet montre au contraire que l’intérêt accordé par les chercheurs à la virginité dépasse en importance ce que les textes disent. Il est certes question de pureté du sang, mais c’est le sang de la jeune fille, représentative de son genos, qui est pur en tant qu’il n’a pas été mêlé, dans le corps d’un enfant, à un sang d’un autre genos. La parthénos, non mariée, appartient à son père, bien plus qu’un fils : la victime doit être une jeune fille car elle est le sang de son genos et sa virginité est le signe d’une pure appartenance au père. Loin d’être le signe d’un état physique, elle renvoie à la filiation et au statut social de la jeune fille.
25Les interprétations antérieures qui considèrent ici l’absence de virginité comme signe pour les Anciens d’une vie sexuelle (et, inversement, la virginité comme absence de vie sexuelle) se fondent sur une conception anachronique de la virginité. Le « sexuel contemporain » est entré dans l’analyse. C’est inévitable tant qu’une historicisation de la sexualité et une réflexion sur son « éclatement » dans d’autres catégories antiques (sociales, culturelles) ne sont pas menées en amont.
26Poser la question du sexuel n’implique pas forcément que l’on attend une réponse d’ordre sexuel. Cela apparaît nettement dans la démarche de Violaine Sebillotte Cuchet. Ce point est important car les esprits réactionnaires, souvent sous l’influence d’un fort antiaméricanisme, ont tendance à présenter les travaux sur la sexualité comme se limitant à une description des pratiques sexuelles (avec croquis, le cas échéant) ou motivés par un intérêt personnel pour les choses du sexe : bien au contraire, ces études ont pour objectif, dans une démarche de « traduction transculturelle25 », d’approcher au plus près les catégories sociales et culturelles des Anciens.
Sauver les Samiennes (une lecture d’une épigramme d’Asclépiade)26
27Pour l’explorateur qui pénètre dans ce monde « exotique », certaines traces laissées par les Anciens – mythe, inscription, forme d’une pièce dans une maison, geste d’un personnage sur un vase, poème, récit – sont souvent illisibles pour lui : malgré des années de thèmes grecs ou de versions latines, il ne peut traduire, ni interpréter. Sa démarche ressemble à celle des paléontologues lorsqu’ils reconstituent un squelette à partir d’un fragment d’os : plus le fragment est petit, plus les risques d’erreur sont grands. Et, précisément, dans le cas des questions de genre, et davantage encore lorsqu’il est question des femmes, les mises en séries, les comparaisons et les confrontations possibles sont difficiles, noyées que sont ces sources dans la masse de discours normatifs, discours qui, comme l’a montré John J. Winkler27, imposent un idéal de virilité contraignant, autant pour les hommes, d’ailleurs, que pour les femmes.
28L’épigramme d’Asclépiade est un exemple représentatif de l’impasse dans laquelle peut se trouver un philologue ou un historien de l’Antiquité, et de ce que peut apporter une démarche axée conjointement sur l’analyse littéraire, la sexualité et le genre. Cette épigramme apparaît dans le livre V de l’Anthologie grecque28 :
Aἱ Σάμιαι Βιττώ καὶ Nάννιoν εἰς Ἀφροδίτης | Les Samiennes Bittô et Nannion ne veulent pas fréquenter Aphrodite conformément à ses règles, mais elles désertent vers d’autres pratiques, qui ne sont pas convenables. Maîtresse Kypris, que ta haine s’abatte sur celles qui fuient ta couche ! |
Un personnage, deux femmes, mais combien d’interprétations ?
29Ce petit poème a fait l’objet de plusieurs interprétations, assez brèves et intégrées le plus souvent dans une réflexion portant sur les femmes ou la sexualité dans l’Antiquité ou dans le cadre d’une étude de la poésie ou de l’époque hellénistique.
30Dans sa thèse sur les épigrammes d’Asclépiade (seule étude consacrée exclusivement à l’auteur), Otto Knauer29 relie cette épigramme à d’autres épigrammes du poète relevant d’une veine « aischrologique ». Les prénoms des deux femmes sont des noms de courtisanes et elles deux sont des Tribaden. Pour l’éditeur et traducteur aux Belles Lettres, Pierre Waltz, il s’agit également de « “tribades” comme il y en avait beaucoup à Samos30 ». Même analyse de la part des éditeurs Andrew Gow et Denys Page : les deux femmes, probablement des courtisanes, sont addicted to sexual perversity. Leur origine est à mettre en relation avec la réputation des femmes de cette île et avec la « courtisane Philaenis31 », originaire du même lieu. En effet, dans son étude sur Sappho, Ulrich von Wilamowitz32, auquel Andrew Gow et Denys Page ainsi que Pierre Waltz renvoient, établit un lien entre les mœurs de ces deux femmes et leur origine géographique en se référant à un texte de Plutarque.
31Bernadette Brooten, qui s’intéresse à la question de l’homoérotisme féminin33, cite le commentaire d’un scholiaste qui écrit que le poète « les attaque en tant que tribades » (ὡς τριβάδας διαβάλλει) et évoque, elle aussi, Philaenis. Eva Cantarella, dans son étude sur ce qu’elle nomme la « bisexualité » dans le monde antique, n’y voit probablement rien d’homoérotique puisque, entre Platon et l’époque romaine, les textes, dit-elle, font silence sur la question34. Kenneth Dover35 relève l’hostilité du poète face aux relations entre femmes : cette attitude lui semble problématique puisque, dans d’autres épigrammes, Asclépiade exprime son désir pour des garçons.
32Dans une optique différente, Sarah Pomeroy36 affirme que les personnages de femmes évoqués dans la poésie de cette époque n’étaient pas forcément des courtisanes et cite pour preuve l’épigramme V. 207 d’Asclépiade en donnant l’argument suivant : puisque ces deux femmes préfèrent avoir des relations homosexuelles (lesbians relations), c’est qu’elles ne sont pas attirées par l’appât du gain. Sarah Pomeroy relève ce paradoxe : alors que les poètes adressent des épigrammes érotiques à des garçons, Asclépiade exprime dans cette épigramme son indignation au sujet des relations entre femmes.
33Différemment, dans son ouvrage historique sur le monde hellénistique, Graham Shipley37, pour mettre en évidence le fait que les personnages de femmes évoqués dans la poésie hellénistique n’étaient pas forcément des personnages réels et que rien ne nous permet de faire des déductions concernant les pratiques sexuelles des Grecs, montre que les poètes parlent souvent des femmes avec ironie. Il cite, comme exemple le plus représentatif, l’épigramme V. 207 d’Asclépiade38 : leur prétendue homosexualité montre bien qu’il s’agit de personnages fictifs. G. Hutchinson39, dans son étude sur la poésie hellénistique, pense qu’Asclépiade décrit avec désapprobation les relations entre les deux femmes, mais souligne la vivacité du ton qui laisse penser que le poète a des raisons plus personnelles que morales de s’indigner.
34Plus récemment encore, Alan Cameron, dans son étude des personnages féminins chez Asclépiade en annexe de son ouvrage sur Callimaque40, rejoint sur un point l’analyse de Sarah Pomeroy : rien dans le poème ne permet de dire que les deux Samiennes sont des prostituées. Par ailleurs, il pense que si les deux femmes sont de Samos, c’est probablement parce que Asclépiade est originaire de Samos41 et que cela n’expliquerait en rien leur homosexualité. Il propose cette interprétation : comme les deux femmes se désintéressent du poète, celui-ci, vexé, les accuse d’être intéressées par les femmes, puisqu’elles le négligent ainsi. Il s’agit ici d’une calomnie, écrit Cameron, destinée à sauver la face du narrateur humilié42 : elles ne sont donc pas vraiment homosexuelles, le personnage-poète ment.
35Très récemment, Kenneth Dover est revenu sur ce poème dans un bref article43. Il montre que les deux prénoms sont des prénoms féminins attestés à cette époque et qu’ils ne connotent pas la prostitution. Selon lui, si les deux femmes n’ont pas une relation ensemble, elles pourraient être des spécialistes recherchées par des clientes, donc des femmes au service d’ έταιρίστριαι (terme utilisé par Aristophane, le personnage du Banquet de Platon, pour désigner une partie des femmes issues de l’être double féminin44), mais, du fait qu’Asclépiade évoque deux femmes, Kenneth Dover pense qu’il s’agit plutôt d’un couple. Enfin, dans cette épigramme, Asclépiade adopte, dit-il, a stand-point of remarkable hostility toward lesbians45.
36Enfin, David Halperin s’oppose à la brève interprétation que donne Bernadette Brooten de l’épigramme d’Asclépiade. Asclépiade, dit-il, « exprime sa désapprobation à l’égard de deux femmes qui préfèrent les femmes aux hommes46 », mais, selon lui, rien ne dit que les deux femmes ont une relation ensemble : l’épigramme peut tout à fait évoquer deux femmes qui sont attirées par les femmes et qui sont donc des tribades toutes les deux. Dans l’hypothèse contraire – mais cela ne lui semble pas la lecture préférable –, ce serait un cas exceptionnel où la partenaire serait moralement évaluée de la même manière que la tribade.
37Les interprétations sont pour le moins variées, et très souvent opposées les unes aux autres. En revanche, tous les commentateurs, sauf peut-être G. Hutchinson, voient dans le texte la condamnation par Asclépiade du comportement des deux femmes.
Une nouvelle tentative d’approche
38À quoi bon commenter encore ce poème ? Ne risquons-nous pas d’apporter un élément supplémentaire, voire discordant, à une longue liste qui semble pouvoir s’étendre à l’infini ? Tentons dans un premier temps de supprimer les éléments qui parasitent la lecture :
- Il n’existe pas de noms de courtisanes. Alan Cameron47 dénonce cette tendance qui consiste à considérer comme courtisane toute femme qui ne se conduit pas selon l’idée que l’on se fait de l’épouse grecque. Comme l’a fait remarquer depuis longtemps déjà L. Robert48, la tendance des commentateurs à voir dans les personnages féminins des hétaïres a pour effet d’agrandir une liste imaginaire de « noms de courtisanes ».
- L’allusion à Samos est une référence simplement géographique, renvoyant au lieu d’origine du poète Asclépiade, et elle a une fonction, comme nous allons le voir, dans la fiction du poème. Il n’y a pas de croyance grecque en une Samos peuplée de courtisanes et il est faux, par conséquent, de considérer cette mention géographique comme une allusion dépréciative.
- Le renvoi à Philaenis est totalement dénué de sens. Philaenis, d’ailleurs, n’était pas une courtisane, mais la femme à qui l’on attribue la composition d’un manuel de techniques érotiques49. Il est trop long de faire l’historique des interprétations circulaires et des paralogismes, mais un point est certain : s’il y a des bruits qui circulent sur Philaenis, c’est qu’elle a des relations sexuelles avec des femmes50. Par conséquent, le parallèle établi par certains avec ce personnage pour dire que Nannion et Bittô sont des courtisanes n’infirme ni ne confirme aucune interprétation
- L’analyse selon laquelle le personnage qui dit « je », sous prétexte qu’il est repoussé, recourt à une calomnie et traite – mutatis mutandis – les deux femmes de lesbiennes n’est pas recevable sans la preuve, par d’autres exemples, qu’une telle attitude culturelle existait. Si cela avait été un trait de machisme ou une insulte courante, les textes en auraient gardé un minimum de traces. Une telle interprétation s’appuie sur des stéréotypes contemporains, mais ne trouve aucun fondement dans les sources antiques.
- Il n’y a pas de tribades ici. Le terme n’apparaît d’ailleurs qu’au tout début du ier siècle ap. J.-C. à Rome, et le plus souvent en latin51. Rien dans les textes grecs d’époques archaïque, classique et hellénistique ne laisse percevoir une attitude culturelle de condamnation des relations sexuelles entre femmes. Par ailleurs, il n’existe pas, en Grèce, de catégorie « tribades » qui s’opposerait à la catégorie « homosexuels masculins » ou aux kinaidoi. De surcroît, le discours dépréciatif sur la tribade est bien postérieur à notre épigramme, tout comme les considérations portant sur le rôle sexuel de chacune des partenaires (si tant est qu’il y ait eu une telle réflexion à Rome).
39À ces cinq mises au point préalables, il convient d’ajouter quelques éléments d’information sur le contexte dans lequel ce poème a été composé et sur l’œuvre d’Asclépiade.
40Asclépiade de Samos (340/330-260) est l’un des premiers auteurs d’épigrammes de fiction érotique et c’est lui qui donne à cette forme poétique son véritable envol. Seules une quarantaine de ses épigrammes nous sont parvenues, par le biais de compilations successives52. L’histoire de la transmission du texte n’est pas toujours primordiale dans l’interprétation de ce texte mais, dans le cas d’Asclépiade, le fait que ses épigrammes aient été réparties dans deux volumes de l’Anthologie et mêlées à des épigrammes érotiques postérieures (celles de Méléagre lui-même – datant du ier siècle av. J.-C. – ou celles, particulièrement corsées, de Straton de Sarde) a considérablement influencé les lectures contemporaines. L’épigramme qui nous intéresse apparaît à proximité d’épigrammes largement postérieures qui décrivent, assez crûment, l’infériorité érotique des garçons sur les femmes ou qui montrent, avec humour, combien les femmes sont cruelles ou vénales.
41En ce qui concerne l’époque et le contexte social et culturel où a vécu Asclépiade, Alan Cameron53 apporte des éléments solides et convaincants prouvant une évolution importante, dans la littérature, de la représentation des femmes. À l’intérieur de sa vaste étude sur Callimaque, il étudie méthodiquement tous les personnages qui apparaissent chez notre poète, Asclépiade, ainsi que chez des auteurs contemporains, comme Hérondas. Il porte une grande attention aux occurrences du terme. Il montre que les personnages féminins apparaissant chez Asclépiade ne sont pas, sauf une exception, des courtisanes, et qu’il n’est jamais question d’argent. Après avoir mis en évidence la grande différence entre la période classique et la période hellénistique en termes de conditions de vie des femmes, et après avoir montré que la majorité des femmes évoquées par Asclépiade sont des femmes qui disposent librement de leur corps, qui choisissent sans pression sociale leur amant, qui peuvent tomber amoureuses et souffrir elles aussi des tourments de l’amour, il conclut son chapitre sur le constat suivant : si les vendeuses de parfums et les épouses négligées ne peuvent plus avoir d’histoires d’amour sans être nommées ἑταίρα, alors il nous faut admettre que le sens a évolué et qu’il n’est plus suffisamment précis pour nous être d’une quelconque utilité.
Mais qui parle ?
42Une lecture centrée sur les instances discursives54 de l’œuvre d’Asclépiade (ou du moins de ce qui nous est parvenu, à savoir une quarantaine d’épigrammes) nous permet de faire le constat suivant : les épigrammes sont toutes un énoncé écrit qui se présente comme un discours et non comme un récit, et les marques de l’oralité et les marques du discours sont généralement apparentes. Est mis en scène, dans la majorité des poèmes, un personnage qui dit « je » et qui se présente, sans trop insister, comme étant le poète lui-même. Ce type d’écriture ainsi que les thèmes développés par le poète rattachent, selon les critères de Paul Veyne et de Pierre Laurens55, les épigrammes d’Asclépiade au genre de l’élégie, et plus particulièrement de l’élégie érotique. Or, l’élégie érotique, qu’elle soit brève ou moins brève56, n’est pas une peinture de la réalité, exploitable directement par les philologues pour reconstituer la vie et les amours du poète Asclépiade, ni par les historiens pour savoir comment les Grecs vivaient leurs déconvenues amoureuses. « Ce que disent nos poètes, analyse Paul Veyne, semble être l’expression de la plus vive passion ; c’est la façon de le dire qui dément cette apparence : elle manque volontairement de naturel57. » Les élégiaques instaurent entre le poète-personnage – appelons-le Ego –, l’aimé(e) et le destinataire des « jeux de miroirs, de regards en coulisse et de faux naturels58 ».
43Ici, Ego est un jeune homme de vingt-deux ans, nommé Asclépiade. Sa vie, affirme-t-il, ce sont les plaisirs du banquet et l’amour. Pourtant, les poèmes ne célèbrent pas les qualités de l’amant et du compagnon de table : ils sont le discours d’Ego sur les conséquences de l’état amoureux sur lui. Si Ego, l’amoureux transi, évoque une de ses actions, il ne s’agit que d’une réaction, qui illustre son impuissance : il pleure aux portes, ivre et transi de froid, supplie les dieux ou demande vengeance. Ses épigrammes sont le récit intime de son expérience, la description des répercussions sur lui des actes des autres, et non le récit de ses actions et de ses exploits amoureux. On remarque, par ailleurs, que les épigrammes d’Asclépiade ont sensiblement la même structure :
- Ego présente son aimé ou aimée, objet de son désir, de son amour ou de son admiration.
- Il explique pourquoi il est malheureux ou déçu.
- Il supplie une divinité ou un objet symbolique et demande soit la clémence pour lui, soit une vengeance s’abattant sur l’autre.
44Que dire désormais des deux femmes samiennes, à la lumière de la totalité de l’œuvre d’Asclépiade et des traits caractéristiques qui viennent d’être dégagés ?
45Ce qui différencie ici cette épigramme des poèmes où Ego se trouve dans une situation similaire est le moment où il lève le voile sur son rapport avec les personnes évoquées et son implication dans la situation décrite. Ce léger décalage s’explique : cette fois-ci, et contrairement aux autres cas de figure, Ego peut recourir à la langue de la norme et aux évaluations conventionnelles de la ἃ μὴ καλά59) société (pour justifier son agressivité et en masquer les raisons personnelles. Alors que, dans les autres épigrammes, la seule « règle » qui puisse exister est d’ordre privé – c’est celle de l’amour et du plaisir –, Ego recourt ici à des normes (νόμοις) publiques (religieuses et sociales). Quoi de plus tentant en effet pour un amant transi de trouver ailleurs, avec la plus parfaite mauvaise foi, des motifs pour accuser l’être désiré, et qui se refuse, de tous les maux ?
46Ce qui étonne est la violence du ton : la punition qu’il souhaite aux deux femmes est à la mesure non du jugement moral qu’il feint d’avoir sur elles, mais de sa déception érotique. Et cette déception est aggravée par le fait que ces deux femmes sont des Samiennes, de la part desquelles un compatriote pourrait s’attendre à un peu plus de sollicitude. Trop lâche pour dire (encore) qu’il est (encore) objet d’indifférence, Ego se réfugie pitoyablement derrière une sentence dogmatique. Ici, il est vrai, Ego profère une attaque violente contre les deux femmes.
47Peut-on déduire de ce poème une attitude particulière de la part d’Asclépiade par rapport aux femmes qui aiment les femmes ? N’oublions pas que l’élégie est – citons à nouveau Paul Veyne – une « poésie pseudo-autobiographique où le poète est de mèche avec ses lecteurs aux dépens de son propre Ego60 ». Il convient de se demander préalablement quel regard porte Asclépiade sur son personnage éponyme, sur ce jeune homme qui appelle à profiter de la vie, qui aime éperdument garçons ou femmes… mais qui inévitablement erre, seul, la nuit, abandonné et trompé. Compassion et sympathie sans doute, avec un clin d’œil au lecteur, mais aussi ironie et distance, comme l’illustre la situation récurrente dans laquelle Ego se trouve. Loin d’exprimer les pensées intimes ou le moi intérieur du poète, Ego est l’amant type, celui que tout homme devient lorsqu’il est frappé par érôs, qu’il perd ses repères, qu’il tombe dans la plus parfaite mauvaise foi ou dans l’aveuglement total.
48La « position » d’Ego n’est pas celle d’Asclépiade et, dans ce poème, on peut constater que le poète évoque le cas de deux femmes qui aiment les femmes sans les enfermer dans une catégorie à part : les deux Samiennes apparaissent dans la longue liste des aimées d’Ego et elles sont dignes d’éveiller ses flammes. On en déduit qu’elles sont, dans la fiction, aussi belles qu’une Nikarêtê ou qu’une Nikô, constat qui va à l’opposé d’une interprétation selon laquelle les Anciens considéraient les femmes qui aiment les femmes comme laides ou masculines.
49Par ailleurs, nous connaissons grâce à Ego le discours normatif de l’époque, « ce n’est pas bien », mais dans la mesure où le poète prend soin de placer ces paroles dans la bouche de son personnage, on apprend qu’au iiie siècle av. J.-C., il était possible de prendre une distance par rapport à ces normes et de s’y référer sur le mode de l’humour. Ici, la règle est énoncée pour mieux sous-entendre qu’elle est enfreinte sans états d’âme par les deux femmes, et les cris d’Ego, un personnage que l’on ne peut guère prendre au sérieux, nous permettent de deviner l’immense distance entre ces normes et les comportements réels de la société.
50À ces déductions s’ajoute le fait que cette épigramme s’insère dans une série (les mésaventures d’Ego) par laquelle l’auteur entend distraire et amuser son public : les relations sexuelles entre femmes ne sont donc ni un sujet tabou, ni un thème suscitant horreur, condamnation ou répulsion chez le public. Il s’agit d’une poésie savante, élégante et raffinée, qui ne souffre pas de « faute de goût » : l’interprétation courante selon laquelle le silence pesant sur les relations entre femmes dans l’Antiquité s’explique par un rejet violent ou une sorte de terreur (comme l’était, en son temps, le sujet tabou de la peste)61 est ici infirmée.
51En sauvant Nannion et Bittô de l’interprétation selon laquelle « elles sont des courtisanes car elles sont homosexuelles » et de l’implication « comme elle sont des homosexuelles et des courtisanes, l’indication géographique est un qualificatif qui désigne les femmes de mauvaises vie, comme Philaenis », cette lecture du poème d’Asclépiade non seulement corrobore les interprétations d’Alan Cameron concernant l’évolution du regard porté sur les femmes à l’époque hellénistique, mais sauve également de nombreuses autres femmes (non « homosexuelles » !) d’une lecture erronée qui faisait d’elles, sous prétexte qu’elles venaient de Samos, des prostituées.
Conclusion
52Le lien entre « histoire des femmes » et « histoire du genre » apparaît aujourd’hui comme incontestable pour les spécialistes de toutes les époques. Tout le monde s’accorde également pour penser que l’« histoire de la sexualité » ne peut se faire sans l’« histoire du genre » et c’est bien pour cette raison qu’il n’est pas utile de mettre en évidence « ce que les travaux sur le genre apportent aux recherches sur la sexualité » : comment ignorer la construction culturelle des identités de sexe lorsque l’on travaille sur la construction culturelle des catégories de la sexualité ? D’ailleurs, la majorité des chercheurs qui travaillent dans ces domaines sont issus de la Gender History. C’est bien l’inverse qu’il s’agit de mettre en évidence, à savoir « ce que les travaux sur la sexualité apportent aux recherches sur le genre ». En effet, de nombreuses réticences existent chez les chercheurs en histoire des femmes ou du genre quant à la prise en compte de la sexualité : Françoise Thébaud souligne, dans son ouvrage Écrire l’histoire des femmes, le retard de l’université française dans ce domaine et, ce qui peut sembler étonnant, les résistances des contemporanéistes62. Là, ce sont des domaines entiers qui restent plongés dans le silence mais, suis-je tentée de dire, les conséquences sont peut-être moins graves qu’en histoire ancienne. Les jeunes chercheurs en histoire contemporaine disposent de davantage de sources, peuvent s’appuyer sur d’autres domaines, comme la sociologie ou l’anthropologie, et, surtout, ont d’autres biais que l’Université pour appréhender notre époque (d’ailleurs, un tout récent état des lieux63 montre que le « retard » français tend à s’estomper).
53En histoire ancienne, les documents sont infiniment moins nombreux et moins variés, les informations ne peuvent que rarement être croisées et l’imaginaire contemporain sur nos supposés « lointains ancêtres » fonctionne comme un filtre supplémentaire pour l’historien. Une donnée mal interprétée, et c’est tout un réseau de textes et d’images qui est contaminé par cette mauvaise interprétation, c’est l’appréhension de tout un pan des comportements sociaux qui nous échappe. À l’inverse, l’éclaircissement d’une traduction, d’une étymologie, d’un jeu de mots, et ce sont des dizaines de passages obscurs de la littérature qui s’éclairent, des lacunes dans des papyri qui sont comblées, des aspects de la vie des hommes et des femmes qui sont mis au jour. Plongé dans un monde si éloigné du nôtre, où la représentation de la vie et de la mort, les notions d’honneur, de pudeur, de respect, l’importance du regard d’autrui, le rapport à la nature, aux dieux sont si éloignés de ce qu’il connaît ou, même, peut imaginer, l’antiquisant commettrait une grave erreur en négligeant ces informations supplémentaires. Plus encore : l’histoire du genre ne peut se dispenser d’une mise au point où la question du lien entre identité de sexe et pratique sexuelle serait historicisée car une société où les relations entre hommes sont, selon certaines configurations sociales, à ce point reconnues et valorisées ne construit pas le genre de la même manière qu’une société où l’hétérosexualité est la norme, une norme d’autant plus prégnante qu’elle est tacite. Il n’est pas question d’affirmer ici que le sexuel est partout (encore que…) et que cette question doit se poser systématiquement : refuser, cependant, de tenir compte d’une construction si foncièrement différente de ce que nous connaissons au quotidien et qui joue un rôle si important dans les comportements des hommes et des femmes (qu’il s’agisse de domination, d’éducation ou d’affection), c’est croire que le simple mot « genre » affranchit des représentations culturelles, c’est croire qu’il existe des mots magiques.
Notes de bas de page
1 L’édition utilisée ici est Calame 1983.
2 Sur Alcman et les Parthénées, voir, entre autres, les lectures de Calame 1977b ; Sergent 1984/1986, p. 411-414, éd. 1996 et Stehle 1997, p. 30-39 et 74-88.
3 Je ne parlerai pas des témoignages (ambigus) d’Athénée (XIII, 602d) et de Plutarque (Vie de Lycurgue, XIV, 4) qui ont souvent été utilisés pour éclairer le sens de ce texte, antérieur pourtant de plus de sept siècles.
4 Schmitt Pantel 1991a.
5 Thébaud 1998, p. 114.
6 Ces textes ont été étudiés et rassemblés par Delcourt 1938 et Delcourt 1958, et L. Brisson (dans Brisson 1997), dans le cadre d’études plus vastes portant sur la valeur accordée par les Anciens à la bisexuation.
7 Pour les multiples références, nous renvoyons à Delcourt 1938, Brisson 1997, MacBain 1982 et à notre article, Boehringer 2004. Je remercie Véronique Dasen de m’avoir signalé, lors des journées Phéacie, des cas de changement de sexe dans le corpus hippocratique : il s’avère qu’il s’agit, à nouveau, de femmes se transformant en hommes.
8 Fausto-Sterling 2000.
9 Diodore de Sicile dans Photius, Bibliothèque, 32.10.5.
10 Ibid., 32.10.9.
11 Voir à ce propos les travaux de Dover 1978 et Winkler 1990, pour la Grèce, de Williams 1999, et Dupont et Éloi 2001, pour Rome.
12 Loraux 1993a, p. 28. Elle développe deux points pour étayer son propos, l’opinion publique et la démocratie.
13 Halperin 1998, p. 18-19.
14 Ibid., p. 57.
15 Nous renvoyons, pour tout ce paragraphe, aux travaux de Katz 1995.
16 Fassin 2002.
17 Halperin 1990, p. 14.
18 Pour les différents aspects de cette synthèse, je renvoie aux travaux de Dover 1978 et Halperin 1990, p. 59-63 (pour la Grèce), et à Williams 1999, Dupont et Éloi 2001 (pour Rome), aux études lexicales de Adams 1982 et Henderson 1975, ainsi qu’à mes travaux. Le panorama présenté ici n’est bien sûr qu’une esquisse et ne pourrait d’aucune manière se prétendre exhaustif.
19 Sur la difficulté de connaître les pratiques réelles à partir de textes littéraires et sur la complexité des représentations antiques concernant les pratiques sexuelles elles-mêmes, cf. Winkler 1990, pour la Grèce, et Dupont et Éloi 2001, pour Rome.
20 Halperin 1990, p. 42.
21 Veyne 1978.
22 Winkler 1990, p. 95-142.
23 Dupont 1994, p. 7.
24 Le paragraphe propose une très brève synthèse de l’étude fouillée de Sebillotte Cuchet 2004.
25 Claude Calame recourt à cette expression dans son article « Interprétation et traduction des cultures » (Calame 2002).
26 26. Cette partie est une version résumée d’un chapitre de ma thèse.
27 Winkler 1990.
28 Anthologie grecque V. 207 = 7 Gow-Page.
29 Knauer 1935, p. 20-21.
30 Waltz 1928, p. 93 n. 6.
31 Gow et Page 1965, p. 122 renvoient à Plutarque, Moralia, 303 c, et à l’analyse qu’ils font de l’épigramme funéraire de Philaenis écrite par Aischrion (p. 3-5).
32 Wilamowitz 1913, p. 72-73 n. 3. Il renvoie à Plutarque, Moralia, 303 c.
33 Brooten 1996, p. 42.
34 Cantarella 1988, p. 120-134.
35 Dover 1978, p. 211.
36 Pomeroy 1984b, p. 74-75.
37 Shipley 2000, p. 254.
38 Shipley 2000, p. 254 : « The apparently lesbian women […] need not to be real people. »
39 Hutchinson 1988, p. 275 n. 105.
40 Cameron 1995, p. 494-519, plus particulièrement p. 511-513.
41 Il revient par conséquent sur ce qu’il affirmait précédemment : « The reference to the women as Samian is only there because Samian women were proverbially lecherous » (Cameron 1990, p. 291).
42 Cameron 1995, p. 513 : A face-saving slur.
43 Dover 2002. Il commente en détail les termes utilisés par Asclépiade et il est le seul à avoir mené une étude lexicale du poème depuis Knauer.
44 Platon, Banquet, 191 e.
45 Dover 2002, p. 225.
46 Halperin 2002, p. 256.
47 Cameron 1995, p. 511-513.
48 Robert 1968.
49 On attribue à Philaenis le P. Oxy. 2891, fr. 1-3.
50 Sur le personnage de Philaenis et le lien, dans l’imaginaire des Anciens, entre ce personnage et les relations sexuelles entre femmes, je renvoie à ma thèse soutenue à l’EHESS en 2003, sous la direction de Luc Brisson, « L’homosexualité féminine dans le discours antique », à paraître prochainement aux Belles Lettres, dans la collection « Études anciennes ».
51 Voir Boehringer 2000.
52 Sur l’histoire complexe de la constitution de l’Anthologie grecque, cf. Cameron 1993 et Gutzwiller 1998.
53 Cameron 1981/1995.
54 À savoir s’il s’agit d’un ex-voto – et dans ce cas, si c’est la personne qui offre le présent qui parle ou si c’est l’objet –, s’il s’agit d’une épitaphe – et dans ce cas, si c’est la personne ensevelie qui parle ou si c’est la tombe –, ou s’il s’agit d’une épigramme érotique (les identités potentielles du locuteur sont multiples, tout comme celles du destinataire).
55 Veyne 1983 et Laurens 1989.
56 Notons que les élégiaques romains, même s’il s’agissait de poèmes de centaines de vers, revendiquaient la brièveté (en opposition avec la longueur du poème épique).
57 Veyne 1983, p. 11.
58 Veyne 1983, respectivement p. 46 et 23.
59 L’adjectif καλός n’est pas à comprendre ici comme une évaluation esthétique, mais bien comme une évaluation morale : « Ce qui convient, ce qui respecte la norme. » Dover a mis en évidence ce sens très courant, voire majoritaire, de καλός aux époques archaïque et classique (Dover 1974, p. 69-73).
60 Veyne 1983, p. 55.
61 C’est une interprétation de Dover 1978, p. 211-213, entre autres.
62 Thébaud 1998, p. 47 et 77.
63 Rebreyend 2005.
Auteur
Université Marc-Bloch, Strasbourg.
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