Élites suédoises et modèles occidentaux dans la Grande Chronique rimée
p. 221-243
Résumés
La littérature médiévale, loin d’être un simple reflet d’une réalité qui lui serait extérieure, est au contraire en elle-même un phénomène social, une part de la réalité, qui sert à exprimer les apories d’une société, par exemple, comme l’a montré Howard Bloch, celles nées d’un système judiciaire devenu inadapté. Les formes littéraires et les thématiques ne sont pas figées: leurs significations peuvent évoluer en fonction des transformations et des besoins d’une société ou d’un groupe défini.
La Grande Chronique rimée suédoise, rédigée en plusieurs étapes aux xive et xve siècles, constitue une source privilégiée pour saisir l’image que l’aristocratie suédoise a donnée d’elle-même à la fin du Moyen Âge. La plupart des représentations, qui agissent comme autant de justifications d’une domination sociale et politique, sont directement empruntées à des modèles venus du continent. Notre but est de comprendre la manière dont, dans l’Erikskrönika, ces formes et ces topoi sont utilisés et interprétés pour asseoir les revendications de ces élites, et les transformations subies par ces représentations, en fonction des situations politiques, dans les chroniques ultérieures.
L’Erikskrönika constitue une rupture dans la tradition historiographique suédoise: comme l’ont montré les premiers commentateurs, cette description d’un siècle d’histoire suédoise est rédigée à la manière d’un roman de chevalerie. Ce désir de se projeter dans la fiction courtoise, de dresser le portrait des chevaliers suédois en Perceval ou en Gauvain, d’exalter tour à tour les réjouissances communes et la prouesse individuelle répond à un besoin politique précis. Il ne s’agit pas de proposer aux chevaliers un manuel de bonne conduite, mais d’affirmer symboliquement leurs prérogatives et de justifier leur domination sociale et leur rôle vis-à-vis de la loi.
Au xve siècle, lorsque le modèle est repris, la valeur des topoi a changé. Il faut s’interroger à la fois sur le rôle joué par la filiation des chroniques et sur la répétition des modèles empruntés à la littérature chevaleresque. La Karlskrönika a pour fonction de légitimer le pouvoir récent du roi par la captation de modèles anciens. Si la chronique a pu sembler triviale, plus faible que son modèle du xive siècle, c’est aussi parce que toute la thématique chevaleresque est absorbée par l’image de Karl Knutsson : le roi est devenu le seul chevalier de la chronique. Dans la Sturekrönika, au contraire, les images courtoises servent à montrer l’égalité des chevaliers, à effacer l’image du roi, pour montrer que désormais la Table Ronde tourne sans roi.
Medieval literature is not a mere reflection of an outside reality, but is a social phenomenon, a part of reality and it is used to express the problems a given society has to face, as Howard Bloch shows in French Literature and Law. Literary forms and subjects are not fixed and their signification can change according to the needs of the whole society or of a specific group.
The Swedish Great Verse-Chronicle, which was written at different moments throughout the fourteenth and the fifteenth centuries, is an accurate source to study the image Swedish aristocrats gave of themselves at the end of the Middle Ages. Most of the representations came directly from continental models and were used as justifications for their political and social domination. Our aim is to understand how the author of the Erikskrönika used commonplaces to legitimize the new power of the elites and how those representations were adapted to new political circumstances in later chronicles.
Erikskrönika can be described as a breaking point in Swedish historiography: as the first commentators showed, a whole century of Swedish history is written as a Romance of chivalry. Specific political claims reveal themselves through the description of society as a courteous fiction, through the portraits of Swedish knights such as Perceval or Gauvain and through the glorification of common celebrations or individual deeds. Erikskrönika is not a Knights’mirror, but a symbolic way of justifying their prerogatives, their social superiority and the role they wanted to play in the law.
In the fifteenth century, new verse-chronicles were written following the same pattern, but the meaning of the courteous images had changed. It is therefore necessary to analyze the way former chronicles and their courteous commonplaces were used as models. In the Karlskrönika, the use of those old models legitimates the recent power of King Karl Knutsson. This chronicle has often been described as coarse and less well written than the Erikskrönika, but the reason is that only one knight has a real part in the chronicle–King Karl himself. On the contrary, in the Sturekrönika, courteous situations are used to demonstrate the perfect equality between the knights, to erase the image of the king and to attest that henceforth the Round Table turns without a king.
Texte intégral
1La Grande Chronique rimée suédoise, c’est-à-dire l’ensemble des cinq chroniques rédigées en plusieurs étapes aux xive et xve siècles1, constitue une source privilégiée pour saisir les représentations que les élites suédoises ont données d’elles-mêmes à la fin du Moyen Âge. L’Erikskrönika, rédigée dans le deuxième quart du xive siècle, fonde un genre qui est repris au xve siècle et constitue le mode d’écriture de l’histoire en Suède jusqu’à ce qu’il soit concurrencé, à la fin du Moyen Âge, par l’usage de la prose et du latin. Cette histoire s’écrit en suédois et en vers, à la manière de la littérature chevaleresque introduite en Suède au tout début du xive siècle.
2Les points communs ont été depuis longtemps soulignés, en particulier par Rolf Pipping dans son commentaire de l’Erikskrönika2, entre les romans adaptés en suédois, connus sous le nom d’Eufemiavisorna (les Chansons d’Eufemia), et la première des chroniques suédoises. Cette manière d’écrire l’histoire n’était pas particulièrement originale dans le contexte de l’Europe du Nord : les chroniques rimées allemandes des xiie et xiiie siècles suivaient les mêmes principes3. Mais les simples termes d’influence ou de contacts culturels ne permettent pas d’expliquer le choix, paradoxal, qui consiste à utiliser un modèle littéraire venu du continent pour présenter près d’un siècle d’histoire suédoise, alors même que d’autres modèles, exploités dans les pays limitrophes, la prose latine ou la prose vernaculaire, s’offraient également. Ainsi, la translation des modèles chevaleresques, loin de constituer une simple diffusion des valeurs qui les sous-tendent, doit être interprétée en fonction des besoins propres des individus et des groupes qui les accueillent : plus qu’une adoption, il s’agit toujours d’une adaptation. Comme le rappelle le paradoxe du Quichotte de Pierre Ménard, un même texte, selon les lieux et les époques, se teinte de sens toujours différents.
3La littérature médiévale, loin de constituer le reflet déformé d’une réalité lui restait extérieure, doit être appréhendée comme une part du réel. Comme toute expression culturelle, elle constitue un phénomène social par lequel un groupe, grâce au choix d’un mode d’expression spécifique et à la création, ou recréation à partir d’éléments empruntés4, d’un imaginaire propre, énonce sa conception du monde ou revendique une place spécifique dans le champ social. Comme l’a montré Howard Bloch, la littérature est le lieu privilégié où s’expriment les aspirations qui fondent une communauté et les apories d’une société5. Mais l’imaginaire et le texte forment aussi ce par quoi la société se constitue : ils sont les instruments qui lui permettent de se penser comme groupe structuré et uni ou, pour reprendre l’expression de Pierre Legendre, le « lien à la fiction est inhérent au lien social6 ». La société se construit de représentations, forgées par les élites, et acceptées par l’ensemble de ceux qui en sont membres, même si cette position est dévalorisée. Mais il faut surtout souligner que les formes littéraires et les thématiques ne sont pas figées : leurs significations peuvent évoluer en fonction des transformations et des besoins d’un groupe défini.
4Mon intention est d’étudier, à partir de la riche matière des lieux communs qui se cristallisent autour de la notion de courtoisie, la manière dont les images ont été utilisées et transformées dans le contexte suédois. L’Erikskrönika constitue la première étape de la constitution d’une norme chevaleresque, impliquant une relecture de l’histoire suédoise pour justifier la domination sociale et politique exercée par l’élite laïque. Je présenterai ainsi la manière dont la courtoisie devient la preuve de l’appartenance à l’aristocratie, puis ses implications politiques. Enfin, je propose d’analyser à partir des chroniques postérieures la façon dont le mythe courtois a été réactivé. Le fait a souvent été souligné : le ton de la Karlskrönika et de la Sturekrönika est très éloigné de celui de la première chronique, mais il faut également souligner que la norme narrative instituée par l’Erikskrönika n’a pas été modifiée. Je propose de lire ces transformations comme autant de modulations opérées à partir des mêmes modèles.
L’Erikskrönika. La courtoisie comme revendication d’une domination sociale
5L’Erikskrönika a constitué une rupture dans la tradition historiographique suédoise : alors que l’établissement de listes de rois, de lagmän ou d’évêques constituait la manière de fixer la mémoire du passé, l’usage de la chronique rimée permettait de donner à cette matière une dimension nouvelle en la passant par le filtre du roman courtois. Comme les nombreux commentateurs de la chronique l’ont souvent souligné, l’auteur n’a pas d’ambition historique, au sens où l’usage qu’il fait de la chronologie et la manière dont il rapporte ou interprète les événements n’ont pas pour but de permettre une remémoration exacte du passé, d’où le désarroi de l’historien qui en est réduit à stigmatiser les « erreurs » ou les approximations. Une telle démarche ne permet évidemment pas de comprendre la fonction du texte7 : sa structure montre que l’auteur est plus sensible au retour des mêmes épisodes qu’à leur disposition diachronique. Chaque épisode se trouve réduit à une thématique qui relève de l’expédition contre les païens, de la guerre civile, de la fête courtoise, conçue comme un moment de réconciliation, ou de l’élection du roi8. Cette structure cyclique est identique avec le modèle arthurien mis en évidence par Erich Köhler9, un cheminement entre la cour, lieu de l’harmonie et de la joie, un temps consacré à l’aventure – désigné sous ce terme même dans la chronique – puis un retour à la cour. Mais, dans l’Erikskrönika, il existe un décalage car l’aventure conduit souvent à un changement de roi. C’est dans la tension entre ces transformations et le retour inchangé des mêmes topoi chevaleresques, qu’il s’agisse de la prouesse dans le combat ou des manières courtoises observées lors des banquets, que réside l’enjeu du texte.
6La chronique fait à plusieurs reprises référence au temps présent, en particulier dans le prologue et dans les deux derniers vers, qui concernent Magnus Eriksson :
Then ära han fik ok hauer än | La gloire qu’il eut et qu’il a encore |
thz wlte honom gud ok vplenzske men10 | lui fut donnée par Dieu et les |
[Upplandais. |
7Ces deux vers permettent de replacer le texte dans son cadre politique, tandis que les vers du prologue donnent à la chronique son contexte idéal d’énonciation :
huro herra ok första hawa ther liffuat | Comment les seigneurs et les grands |
[ont vécu, | |
thz finder man her i bokenne scriffuit | on le trouve ici écrit dans le livre. |
(…) | (…) |
hwo thz hauer ey förra hört sakt nw ma han thz höra hauer han tess akt | Celui qui ne l’a pas encore entendu dire peut maintenant l’entendre s’il prête |
[attention | |
fore lust at höra fagher ordh | et s’il est désireux d’écouter un beau récit |
ok skämptan oss til wy gaa til bordh11 | et de se divertir avant que nous ne |
[passions à table. |
8La fiction définit d’emblée le narrateur comme un chevalier assistant, avec ses pairs, à un banquet. L’utilisation de ce topos et l’usage du présent permettent de créer une identité entre les chevaliers décrits dans le texte et ceux à qui le texte est destiné. Chaque fête décrite dans la chronique apparaît donc comme une mise en abyme de la situation d’énonciation, une manière de poser l’identité entre les chevaliers passés et présents. Pourtant, ce que les chevaliers suédois trouvent dans le miroir qu’on leur tend n’est pas un reflet, mais un portrait constitué de modèles empruntés. Ainsi, le mariage du roi Birger célébré à Stockholm (1298) est l’occasion de décrire, entre deux expéditions en Carélie, une longue fête marquée par les tournois et l’adoubement d’Erik Magnusson, frère de Birger et héros central de la chronique :
ther war margen ärlik räkky | Il y avait beaucoup d’honorables |
[champions | |
ok baro thera örss fortäkky | dont les destriers portaient un caparaçon |
aff baldakin ok sindall | de baldaquin et de cendal. |
ware ther gawion eller persefall | S’ils avaient été présents, Gauvain ou Perceval |
The gato sik ey bäter skikkat12 | ne se seraient pas mieux conduits. |
9Soulignons tout d’abord la présence de deux mots empruntés indirectement au français, « baldaquin » et « cendal ». Ces deux étoffes de soie, qui étaient connues en Suède comme l’attestent des chartes du xiiie siècle13, mais dont les noms marquent la provenance littéraire, permettent de délimiter l’horizon symbolique de l’auditoire14. Ces tissus se retrouvent sur les destriers, animaux qui depuis la promulgation de l’ordonnance d’Alsnö, en 1280, justifient au sens propre les privilèges des chevaliers et des cavaliers15, mais aussi sur les murs des halles abritant les fêtes courtoises :
Then tidh han war alder redha | Quand elle fut terminée, |
tha loot man han jnnan bredha | on fit couvrir l’intérieur |
med klede ok medh baldakin16 | de tissu et de baldaquin. |
10Mais ce sont dans ces étoffes que les vêtements des chevaliers sont également coupés :
bryllöps klede mangt eth paar | De nombreux habits de cérémonie |
Til thz bröllop skorin waro | furent confectionnés pour le mariage. |
the ther herra ok riddara baro | Les seigneurs et les chevaliers en portaient |
aff baldakin ok sindall17 | qui étaient faits de baldaquin et de cendal. |
11La soie brodée et la soie rouge marquent symboliquement la cohérence d’un groupe où, au sens propre, tous les acteurs sont de la même étoffe. Le modèle emprunté à l’univers courtois français vient paradoxalement donner son unité à l’élite suédoise et renforcer l’égalité qui règne entre ses membres tout en lui permettant de se distinguer, de se détacher des autres groupes décrits dans la chronique. Le tenancier, landbo, est un simple objet, placé au même niveau que les outils, moulins ou viviers, qui permettent la gestion d’un domaine. Le moine, cistercien, sert de figurant lors des enterrements et les autres clercs, principalement des évêques, jouent le rôle de conscience morale, absolvant ici un parjure et tentant là de réconcilier deux parties. Seuls deux groupes jouent un rôle véritablement efficace dans la chronique, les chevaliers et, aspect plus original, les bönder. Mais ces derniers sont incapables de se battre efficacement et ils ne parviennent pas sans l’aide des chevaliers à défendre leurs droits.
12Dans les vers décrivant le mariage de Birger, la mention de Gauvain et de Perceval montre que la chronique ne cherche pas à décrire les chevaliers tels qu’ils sont, mais à faire d’une fiction la marque de reconnaissance de l’ensemble du groupe aristocratique. Le but n’est pas de proposer à l’aristocratie suédoise un miroir, au sens didactique du mot : l’Erikskrönika ne décrit aucun comportement, mais les qualifie d’emblée comme courtois. Le but de la chronique n’est pas d’introduire en Suède de nouvelles attitudes et on chercherait en vain dans la chronique une description des modèles empruntés18. Gauvain et Perceval sont des archétypes censés être déjà connus et c’est cette reconnaissance immédiate qui délimite l’auditoire de la chronique. L’évocation des chevaliers se fait donc à partir de topoi, dont celui de l’indicible. Ainsi, l’auteur souligne au sujet du duc Erik :
hans tokt giter engen man fullowat | personne ne peut louer sa conduite à sa [juste valeur |
elle sakt huro mykin hon war19 | ni même la décrire. |
13Même lorsque la description semble plus élaborée, elle ne dit en réalité rien de plus. Par exemple, le banquet donné pour l’adoubement du roi Birger est évoqué en ces termes :
Ther war tukt ok ädela siidh | Les manières y étaient nobles et courtoises |
ok all the gläde man torffte wiid20 | et régnait toute la joie nécessaire. |
14Le terme de « joie » est directement emprunté aux romans arthuriens où il exprime la concorde et la paix entre les membres de la communauté. Quant à la courtoisie, elle n’est rien de plus que l’expression d’une norme sociale formulée sur un mode tautologique. Écrire l’histoire suédoise sous la forme d’un roman permettait de distinguer un groupe spécifique, une élite déjà familiarisée avec les modèles venus du continent depuis la première moitié du xiiie siècle21 et qui avait déjà fait de ces comportements un modèle. C’est paradoxalement à travers ces normes qui sont au sens propre des lieux communs que la chronique crée du sens.
15Le respect de cette norme est le signe de l’appartenance à une élite sociale, vivant dans l’entourage royal et se définissant comme chevaliers. Une expression, qui revient à plusieurs reprises dans la chronique, som honom til retta baar (que l’on peut traduire selon les cas par « comme il faut/comme il en a le droit/selon son rang »), fait référence à un ensemble de droits ou de convenances qui correspondent au statut social des chevaliers. Ainsi, à propos de la fille du roi Valdemar et du seigneur de Diepholt, il est dit :
Thera bröllöp i Nycöpunge war | Leur mariage eut lieu à Nyköping |
mz heder som them til retta baar22 | avec les honneurs qui leur revenaient de [droit. |
16L’expression peut également désigner une façon d’agir conforme à son rang et au rang de celui ou ceux qui sont présents :
Tha the komo tiit som konungen war | Lorsqu’ils arrivèrent à l’endroit où se [trouvait le roi, |
the giordo thz them til retta baar | ils agirent comme leur rang leur [permettait |
gingo fore konungen at staa23 | et allèrent se placer debout devant le roi. |
17Ou bien :
ok hertogen til norigis reedh | Le duc chevaucha vers la Norvège. |
Drotzet abiörn med honom war | Le drots Abjörn était avec lui |
ok herra the honom til retta baar24 | ainsi que des chevaliers, comme son rang [le lui permettait. |
18À travers les fêtes et ces évocations ponctuelles, la chronique décrit un univers normé, où chaque épisode est rendu compréhensible en terme d’adoption ou d’écart par rapport à la norme. C’est à partir de modèles empruntés, à partir du mythe courtois qui sous-tend toute la chronique, que l’histoire suédoise se trouve mise en scène et que ses enjeux politiques et sociaux sont mis en relief.
19Je ne retiendrai ici qu’un exemple, celui des banquets, parce qu’il renvoie à la situation d’énonciation de la chronique, ce qui ne peut être un hasard, et parce qu’il a été, en tant que modèle littéraire, bien étudié25. Comme l’a montré Anita Guerreau-Jalabert, le partage de nourriture est « l’une des expressions symboliques de la communication entre les hommes, des relations sociales26 » et la littérature arthurienne, à travers la Table Ronde, en montre l’expression la plus achevée. L’Erikskrönika consacre une place importante à la description des banquets. Les moments de réconciliation et de fêtes permettent de poser la norme, celle d’une égalité parfaite entre ses membres, où l’harmonie s’exprime toujours de la même façon, par les divertissements codifiés et la consommation de nourriture et de boisson. Ainsi, pour le mariage de Sofia de Danemark et du roi Valdemar, seul le banquet est décrit :
ther war ok en erligh saal | Il y avait aussi une salle d’honneur |
Ther the herra jnnan satho | où étaient assis les chevaliers |
medhan the badhe drukko oc atho | tandis qu’ils buvaient et mangeaient. |
Ther war duster ok bohord | Il y avait des luttes et des tournois. |
Danz ok leker ok fagher ord27 | Des danses, des jeux et de belles paroles… |
20De même, le banquet constitue le moment le plus marquant du mariage de Birger :
Ther war godh kost ok ädla siid | Il y eut de bons mets et de nobles manières, |
ok all the gläde man torffte wid | et toute la joie nécessaire, |
miöd ok öll ok kerssedrank | de l’hydromel, de la bière et de la liqueur de [cerise |
ok wiin bade röth ok blankt28 | et du vin, du rouge et du blanc. |
21Le banquet est un moment d’harmonie où s’expriment la générosité de l’hôte, la supériorité des chevaliers et où la couleur même des boissons (rouge et blanc, deux couleurs opposées dans le système médiéval) symbolise l’union. Tous les banquets sont décrits selon ces stéréotypes récurrents qui montrent comment l’accès à un certain type de nourriture est le signe de l’appartenance à l’aristocratie chevaleresque.
22Ces fêtes sont une forme de sociabilité bien connue en Suède29, mais les banquets sont décrits dans la chronique selon des topoi, directement empruntés aux chansons d’Eufemia. Ainsi, dans l’adaptation suédoise d’Ivain, le chevalier au lion, après que la demoiselle eut remis l’anneau magique au héros, il est dit :
hon haffde medh sik öffrit kost, | Elle apporta de la nourriture de qualité, |
miödh ok wiin ok ärlik most. | de l’hydromel, du vin et du bon cidre. |
Hon badh han ga til bordh ij stadh, | Elle lui demanda de passer à table sur [le champ, |
äta ok drikka ok göra sik gladh30 | De manger, de boire et de se réjouir. |
23Tous ces stéréotypes montrent que l’accès à un certain type de nourriture et de boisson (particulièrement le vin en Scandinavie31) est le signe de l’appartenance à une élite. Pourtant, il n’y a pas de banquet évoqué dans les mêmes termes dans les chansons d’Eufemia. Ainsi, la réalité sociale des banquets se trouve décrite selon les stéréotypes empruntés à la littérature courtoise, ce qui oblige l’auditeur à poser sur ses propres pratiques un autre regard.
24La norme subit cependant avec le célèbre épisode du « banquet de Nyköping » un écart très important. Ce qui choque l’auteur n’est pas tant la traîtrise du roi, car il rappelle que les ducs aussi avaient fait le roi prisonnier à Håtuna. Ce qui le choque est que les ducs aient été maltraités et qu’ils soient morts de faim. Même prisonniers, les chevaliers ont droit à des égards : en les traitant bien, celui qui les retient exprime sa reconnaissance d’un système de valeurs. Ainsi lorsque le roi Valdemar est fait prisonnier par Magnus qui cherche à s’emparer du pouvoir, l’auteur précise que l’« on fit tailler pour lui de bons habits, comme il lui convenait d’en porter. Avec les vêtements et la nourriture, ils le servirent bien. On ne le fit pas mourir de faim »32. Ce traitement est aussi réservé aux autres membres de la famille royale, par exemple à son fils Erik Valdemarsson :
The fördon til stokholm oc satton ther | Ils le conduisirent à Stockholm et l’y [installèrent |
vpa thz tornith i hwsit stär | en haut de la tour du château |
Ok lotho han lidughan ok lösan gaa | et ils le laissèrent aller libre et détaché |
ok lotho hans disk fulwäl staa | et firent garnir sa table. |
i konungsins stekerhws redhis hans [maat | Ses mets étaient préparés dans la cuisine [du roi : |
ä tholik kost som konungen aat | la même nourriture que prenait le roi |
Tha gaff man honom a hans bord | était toujours servie à sa table, |
ther til gläde ok fagher ord | joyeusement et avec de beaux récits. |
Tholik dryk man konungenom baar | La même boisson que l’on portait au roi |
slikt sama loot man i hans kaar | lui était pareillement versée dans son verre. |
(…) | (…) |
yffrit hade han kläder ok brödh | Il avait beaucoup de vêtements et de pain : |
ekke swälte man honom til dödh33 | on ne le fit pas mourir de faim. |
25La position symbolique « en haut de la tour » et l’insistance du texte sur l’égalité entre la table royale et la table du prisonnier montrent qu’Erik est encore respecté pour ce qu’il est, un membre de la famille royale. La nourriture et les vêtements sont l’expression de la norme sociale qui lie l’état de chevalier à l’accès à une nourriture abondante et à de riches vêtements.
26Or ce texte est en tout point opposé à la description des conditions de détentions des ducs, en particulier de cet autre Erik, lui aussi fils de roi :
Tha wart konungin swa til radha | Il fut ainsi conseillé au roi |
at han took sina bröder badha | de capturer ses deux frères |
Ok loot them jnnan thz nidarsta rwm | et de les laisser dans la salle la plus basse. |
27Suit une longue description des entraves et des chaînes qui les empêchent de bouger, contrepoint à la liberté de mouvements que possède encore Erik Valdemarsson à l’intérieur de sa prison. Un peu plus loin dans le récit, leur mort par inanition est soulignée :
Tha haffde hertogh Erik | Le duc Erik vécut alors |
nyo dagha swa sagde man mik | neuf jours, m’a-t-on dit, |
vtan drik ok vtan math | sans boire et sans manger |
(…) | (…) |
Tessalund swälte han them i häl34 | Ainsi les fit-il mourir de faim. |
28En trahissant ses frères et en les privant de nourriture, Birger ne respecte pas la norme sociale qui veut que chacun soit traité selon son rang. Cet écart par rapport à la norme justifie la révolte et son exil. Ce que montre l’épisode, c’est que la courtoisie est considérée comme une composante essentielle du pouvoir et de son mode d’appréhension. La mort des ducs est qualifiée de crime, de folie, de honte : elle est, comme l’exprime une litote, « sans prouesse/ mz engin daadh »35.
Pouvoir et courtoisie
29Comme dans les romans, le roi est décrit comme le primus inter pares, celui qui porte à son plus haut degré les valeurs de l’aristocratie. À travers la description du comportement des rois se dessine une sorte de filiation idéale du pouvoir. Sur le premier roi décrit dans la chronique d’Erik, il est précisé :
A alwora kunne han sik wel forsta | Il était bon connaisseur |
mz torney kunne han ey mykit vmga36 | de tournois, mais il ne pouvait pas [beaucoup y participer. |
30Peu importe que la remarque soit anachronique37 : elle justifie aux yeux de l’auditoire la fin d’une dynastie et l’arrivée au pouvoir de Birger Jarl et de son fils Valdemar. L’éducation du jeune roi paraît entièrement fondée sur le respect des règles de courtoisie, comme le montre la formation que Birger Jarl souhaite donner à son fils :
Huat skal man radha för än han veyt | « Que va-t-on décider pour qu’il [connaisse |
tokt ok snille ok ädhelaheyt | la courtoisie, la sagesse et la [noblesse ? » |
Tha satte han honom en tuktomester | Alors il lui donna un précepteur, |
en riddare then som honom var betzster | son meilleur chevalier, |
honom lärde tukt ok ädhla sidh38 | qui lui apprit la courtoisie et les [manières nobles. |
31La prestance de Valdemar semble même justifier son pouvoir par rapport à ses autres frères :
Konungen war stolt ok fagher | Le roi était majestueux et beau |
ok hertogen nokot swart ok magher | et le duc, plutôt brun et maigre, |
Thy kallade hon honom ketla böter | aussi l’appelait-elle « le chaudronnier ». |
Tho war han bade a hender oc föther | Qu’il s’agisse des mains ou des pieds, [il était pourtant |
skapader wel a alla lidhi | bien fait de tous ses membres |
ok helzt a tokt o godha sidhi39 | et il se conformait aux usages courtois et [aux bonnes manières. |
32Mais l’arrivée au pouvoir de Magnus est justifiée par un autre élément. Si la courtoisie est la condition nécessaire pour devenir roi, elle n’est pas suffisante : c’est la prouesse qui fonde en droit l’accès au pouvoir. C’est la raison pour laquelle le narrateur ne condamne pas les actions d’éclat, comme celle des Folkungar qui se révoltent à plusieurs reprises ou celle de sire Peder qui fait prisonnier le roi Magnus après l’avoir invité à un banquet, c’est-à-dire dans des circonstances semblables à celle du banquet de Nyköping, mais avec une issue différente, ce qui permet au narrateur de commenter l’action par cette exclamation :
tha er han diärffwer slikt gör40 | Comme il est audacieux celui qui agit de [la sorte ! |
33Ainsi, la victoire de Magnus contre son frère Valdemar est justifiée par le fait que les hommes de Magnus accumulent les exploits tandis que le roi dort :
Tha lagde konungen sik nidher | Alors le roi se coucha |
Ok ward ther swa lenge at soffwa | et dormit si longtemps |
at striden ward ändadh i hoffwa41 | que le combat était terminé à Hova. |
34Quant à Birger, il est le seul roi de la chronique qui ne soit pas qualifié de courtois. La participation de ses hommes à des tournois se solde par des échecs systématiques face aux chevaliers qui entourent ses frères Erik et Valdemar. En effet, de façon fantaisiste mais hautement symbolique, l’auteur de la chronique a ajouté à la liste des griefs que le roi porte à ses frères l’accusation suivante :
thz haffuer warit ok är ok än | Cela a été et c’est toujours la coutume |
thz en herra ok hans män | qu’un seigneur et ses hommes |
at the taka eth torney | participent à un tournoi. |
hwat thz waller thz weet jak ey | Comment cela se fait, je ne le sais pas, |
huar idre men koma saman ok wy | mais là où vos hommes et nous sommes [concurrents, |
ärom wy halffwo flere än j | même si nous sommes deux fois plus [nombreux que vous, |
tha wardom wy trodhne nider | nous sommes piétinés |
ok tappom alt thz wy sätiom wider42 | et nous perdons toute notre mise. |
35Dans le groupe des chevaliers, le roi ne peut revendiquer la place de premier, car la prouesse ne lui appartient pas en propre : trois hommes peuvent revendiquer le pouvoir du fait de leur prouesse et de leur maîtrise des codes courtois, les deux ducs Erik et Valdemar, mais aussi Mats Kättilmundsson. Alors qu’il n’est qu’écuyer, Mats participe à une expédition contre les Russes et décide de régler seul la querelle en décidant de lancer un défià ses ennemis :
Drotzet matius var tha swen | Le drots Mats était alors écuyer ; |
han war then som stappade en vid en43 | c’était lui qui s’en allait au pas se battre [en combat singulier. |
36La solitude du chevalier est un topos du roman courtois qui se trouve ici utilisé à des fins politiques. Cet épisode est savamment mis en scène : le nom de Mats n’est dévoilé qu’à la fin des préparatifs, avec son titre de drots. Même si l’aventure tourne court, les Russes refusant le combat, l’épisode permet de justifier le fait que Mats ait pris la tête de la lutte contre le roi Birger et qu’il soit devenu drots et régent en 1318. La prouesse chevaleresque permet de légitimer le pouvoir exercé par le drots. Au-delà, il faut également souligner que la description des croisades, comme autant de prouesses individuelles ou collectives, a sans doute été un moyen pour les chevaliers suédois d’affirmer leur ressemblance avec les autres élites occidentales. L’intégration de la Finlande, telle qu’elle est décrite à travers les épisodes de croisade dans l’Erikskrönika, marque avant tout un processus d’inclusion de la Suède à l’imaginaire occidental44.
37Dans la chronique, le personnage qui concentre toutes les vertus chevaleresques est le duc Erik. Ne pouvant être légitimé par des droits politiques spécifiques, le pouvoir du duc est justifié par sa courtoisie et sa générosité. Erik porte à son entéléchie toutes les vertus du chevalier. Ces vertus sont soulignées dès son adoubement, le jour du mariage de Birger :
hans broder hertugh erik | Son frère, le duc Erik, |
ware thz en engil aff hymmerik | aurait été un ange venu du ciel |
han skipade sik ey bäther än saa | qu’il ne se serait pas mieux conduit : |
huar man badh wel for honom ther [han saa | chaque homme en le voyant priait pour [son bien. |
han wart tha riddare aff konungsins [hand45 | Il fut alors fait chevalier de la main du [roi. |
38Le duc forme avec la reine de Norvège Eufemia le couple courtois de la chronique :
Tha gik han tiit som drotningen war | Puis, il alla trouver la reine |
mz tukt som honom til retta baar | avec la courtoisie qui le caractérisait. |
hon vntfik han wel som hon wel kunne | Elle l’accueillit bien, comme elle savait [le faire |
mz söth ördh ok rodhom mwnne | avec, de sa bouche rouge, des mots doux |
The aff hiertans kerlek gingo | qui venaient d’un cœur aimant. |
Huro the then ädla första vntfingo | De quelle façon le noble prince les reçut, |
Thz faar jak ey sakt en tusende dell46 | je ne peux dire le millième. |
39La relation entre Erik et Eufemia est une mise en scène littéraire : à travers la reine qui fut l’introductrice des romans courtois en Suède se trouvent confirmées et reconnues les vertus chevaleresques d’Erik. L’auteur, en ayant recours au topos de l’indicible, prête ainsi hommage au modèle littéraire qu’il s’efforce d’imiter. Mais le message est aussi politique : la rencontre courtoise entre Erik et la reine est une manière de mettre en scène le désir du duc de succéder à son époux à la tête du royaume de Norvège. L’allusion est d’autant plus transparente que la reine n’est pas la seule à apprécier le duc. La séduction opère aussi auprès des Norvégiens qui assistent à Oslo à sa rencontre avec le roi Håkon V :
Thy vndrade folkit mykit a han sur lui, | Ainsi, le peuple s’interrogeait beaucoup |
ok sagdo er thz then ädela man | et disait : « Cet homme noble est-il |
Then mille hertugh Erik | le magnanime duc Erik ? » |
ok huxade manger wid sik | Et beaucoup pensaient en eux-mêmes : |
gud haffuer han wel til verldena skapat | « Dieu le créa vraiment à la perfection ! » |
ther the haffdo swa lenge vpa han apat | Après l’avoir très longuement dévisagé, |
Tha bad honom got huar man honom [saa47 | tout homme qui le voyait lui souhaitait [du bien. |
40Le pouvoir du duc n’a pas besoin d’être justifié : il s’explique par son charisme, c’est-à-dire par son pouvoir de séduction et par l’adhésion immédiate que suscite sa personne. Erik n’est pas devenu roi mais l’auteur montre que c’est lui que Dieu a comblé de grâces et que le peuple a choisi. Ce charisme permet de recréer une généalogie idéale qui passe outre les divisions internes du royaume provoquées par les luttes fratricides, pour mettre en avant des rois élus grâce à leurs vertus de chevaliers. Erik concentre en sa personne tous les chevaliers et suscite une reconnaissance immédiate. L’adjectif mild, qui signifie généreux, magnanime, n’est utilisé, dans la chronique, que pour désigner Magnus Ladulås, son fils Erik et, au moment de son élection, le jeune Magnus Eriksson : un orateur annonce que si le roi est élu à la pierre de Mora, il sera roi magnanime48. De même, après la mort des ducs, leurs partisans refusent de reconnaître le roi Birger et choisissent comme nouveau seigneur Magnus en utilisant cet argument :
the swarado son warder gerna faders like | Ils répondirent : « Le fils sera sûrement [comme le père. |
Hertugh eriks son han liffuer än | Le fils du duc Erik est toujours en vie : |
han er war herra vy ära hans men49 | il est notre seigneur et nous sommes [ses hommes ! » |
41Le roi idéal est ainsi un chevalier parmi les autres, un homme capable de porter à son plus haut degré les qualités de courage et de générosité et qui est reconnu comme tel par l’ensemble de ses pairs. L’Erikskrönika justifie donc l’élection comme une reconnaissance des vertus particulières d’un chevalier, définies de manière tautologique par la courtoisie.
42Le moment de rédaction de la chronique est un moment d’affirmation de l’identité sociale et politique d’un groupe qui se ferme sur lui-même, d’une élite de grands propriétaires qui tend à monopoliser à son profit le pouvoir. Le choix de topoi chevaleresques, empruntés à la littérature du continent, n’a d’autre but que d’être un ensemble de signes destinés à distinguer et à unir ceux qui peuvent les reconnaître. L’élection consiste à mettre en avant un individu qui concentre en lui toutes les marques de reconnaissance de l’élite.
43Il est difficile de juger de l’efficacité d’un tel discours : la courtoisie étaitelle réellement une marque de pouvoir dans la Suède du xive siècle ? Le mythe courtois parvenait-il réellement à structurer l’élite ? Avant le remploi de l’Erikskrönika au xve siècle, les éléments de réponse sont rares, mais significatifs. Ainsi, dans la lettre qu’elle adresse aux chevaliers suédois pour leur demander de rétablir les lois bafouées, sainte Brigitte place ce mot d’ordre dans la bouche de la Vierge :
iac biþar idar at i maghin arfuda at rikit finge þæn kunung þy matte hiælpa til guþleka gærniga oc høfiska siþunno50 | Je vous demande de faire en sorte que le royaume ait un roi qui encourage les œuvres pieuses et les manières courtoises. |
44L’ensemble des révélations montre que Brigitte appréciait peu les fêtes de cour. Le terme de courtoisie renvoie à un comportement exemplaire, dont les implications sont aussi politiques : le roi est, en effet, invité à être un modèle pour son aristocratie, en se pliant lui-même à l’idéal aristocratique. Comme le rappelle Georges Balandier, « l’imaginaire éclaire donc le phénomène politique, sans doute du dedans, parce qu’il en est constitutif pour une part »51. De la même manière, la traduction du Roman d’Alexandre commandée par Bo Jonsson Grip, qui était à sa mort, en 1386, l’homme le plus puissant de Suède, témoigne de la prégnance des modèles venus du continent auprès des élites revendiquant un pouvoir politique52. Au siècle suivant, pendant l’Union de Kalmar, l’imaginaire courtois reste un des modes privilégiés d’expression des enjeux de pouvoir.
Le remploi des modèles courtois dans les chroniques du xve siècle
45Au xve siècle, l’Erikskrönika est utilisée dans un vaste système de légitimation en faveur de Karl Knutsson. Le roi a fait non seulement rédiger une chronique, probablement dans les couvents mendiants de Stockholm53, mais il a aussi cherché à placer son action dans la continuité des chroniques antérieures. La Karlskrönika a souvent été désignée par les commentateurs comme un simple ouvrage de propagande54, témoin d’une sorte de décadence culturelle ou encore un discours démagogique destiné à un public populaire55. Or, il est impossible de savoir dans quelles circonstances la chronique fut diffusée.
46Les manuscrits conservés laisseraient plutôt penser que les lecteurs de la chronique appartenaient à l’élite suédoise56. L’usage des topoi courtois est très fréquent : les modèles utilisés dans l’Erikskrönika sont ici repris directement et ressentis comme des éléments d’une culture nationale. Les lieux communs servent, comme dans l’Erikskrönika, à exprimer la légitimité d’un pouvoir. Ainsi, Karl Knutsson, marsk depuis 1435, est décrit comme mil höffuidzk oc wiss57, « magnanime, courtois et sage », ce qui fait de lui un nouveau duc Erik. De même, les rapports de Karl avec la reine Dorothea ne sont pas sans rappeler ceux d’Erik avec Eufemia. Lorsque le roi Christophe, roi de l’Union, et son épouse arrivent à Stockholm, ils sont reçus par Karl qui fait forte impression sur la reine :
oc sagde hon saa ey för hans like | Elle dit qu’elle ne connaissait pas [d’homme semblable |
j alla tesse konunga rike | dans tous ses royaumes. |
hon böd marsken offta til sith bord | Elle invitait souvent le marsk à sa table |
och haffde mz hanum mangt gamans [ord58 | et avait avec lui de joyeuses conversations. |
47Le charisme de Karl, qui n’est pas encore roi, sert à montrer, comme dans le cas d’Erik, qu’il est digne de l’être. Son aspect physique est la marque de sa supériorité. Ainsi, en 1439, lors du siège de Stegeborg, Rodenborg, maître d’artillerie de la forteresse, prépare ses canons pour le tuer :
strax the marsken fingo see | Dès qu’ils virent le marsk, |
fulgörla kende honom the | ils le reconnurent aussitôt : |
han war en man aff skapnad saa | il était un homme si bien bâti |
bland M man honom kenne ma | qu’on pouvait le reconnaître entre mille. |
(…) | (…) |
hwar hans ordh bland M falla | Là où ses mots résonnaient entre mille, |
hans röst hon kendis offuer them alla59 | on reconnaissait sa voix au-dessus de [toutes les autres. |
48Cette supériorité physique désigne Karl comme un roi potentiel, comme le montrent les discours de ceux qui le voient aux côtés de Christophe de Bavière :
marsken är betre werdher at krona bera | Le marsk est plus digne de porter [la couronne |
än konungen en hans tiänere wära | que le roi, [et] que d’être son serviteur ! |
han är skönare en konungens ty60 | Il est plus beau que le roi. |
49Au charisme de Karl, s’ajoute également sa valeur de chevalier61. La prouesse s’affirme aussi dans la Karlskrönika comme l’attribut particulier de l’homme de pouvoir. Ainsi, dans la querelle qui l’oppose à Erik Puke, Karl déplore le fait d’avoir à impliquer ses propres hommes et propose à Erik un duel, un jugement de Dieu :
lat os thz baden sielffue bythe | Réglons l’affaire nous-mêmes |
nar gud wil at thetta haffuer en ände62 | quand Dieu voudra que cela finisse. |
50Erik refuse la proposition en prétextant que le moment n’est pas venu. L’épisode n’a évidement pas d’autre fonction que de montrer le courage de Karl Knutsson. De la même manière, après l’arrivée de Karl sur le trône, c’est en creux que la vaillance du roi est mise en valeur lorsqu’il est dit :
the däner motte gud tacka oc äre | Les Danois purent rendre grâce et [louange à Dieu |
at konungen war tha ey sieluer näre | que le roi n’ait pas été lui-même [présent : |
hade konungen sielf warit i then stadh | si le roi avait été là en personne, |
the däner hade faat et sorge badh63 | les Danois auraient passé un mauvais [moment. |
51Cet éloge, qui dissimule une défaite suédoise, permet de célébrer Karl dans son absence. L’exemple permet également de souligner la différence entre la Karlskrönika et les chroniques antérieures : si les mêmes topoi sont utilisés, ils perdent en partie leur valeur de lieux communs, dans le sens où Karl Knutsson absorbe toutes les caractéristiques du bon chevalier, mais sans les partager avec l’aristocratie. Le roi se trouve isolé. Paradoxalement, les topoi courtois ne servent plus à bâtir au sens strict un lieu commun, une scène imaginaire où l’élite suédoise pouvait se projeter, mais à mettre en scène un seul homme, Karl Knutsson. De manière particulièrement significative, la Karlskrönika proprement dite s’ouvre, comme l’Erikskrönika, par l’image d’un banquet :
Rikesins duk räkte han wt fast | Il tendit solidement la nappe du royaume : |
mat ok ööl engom brast | la nourriture et la bière ne manquaient à [personne. |
hwilke til hans bordh wille gange | Ceux qui souhaitaient manger à sa table, |
han loth them alle ofreth fange | il les laissait tous se servir librement |
han aat sielff jnne mz them ee64 | et mangeait toujours avec eux. |
52Karl Knutsson, qui n’est pas encore roi, est pourtant seul à exercer le pouvoir et sa table se confond de manière significative avec l’ensemble du royaume. L’image du banquet a pris un sens abstrait : la table ouverte apparaît comme une métaphore, non plus de l’égalité du groupe aristocratique, mais de sa dilution dans l’ensemble des Suédois, déjà considérés par Karl comme des sujets. L’image prend une connotation nettement politique, en particulier lorsque la table du marsk s’identifie à la loi. Karl Knutsson affirme à Erik Puke, qui l’accuse d’entretenir des hommes malhonnêtes :
hoo ey wil til like eller retthe | Celui qui ne souhaite pas agir selon le droit |
han scal ey mith brödh ätha65 | ne mangera pas de mon pain. |
53L’image de la table permettait à l’auteur de l’Erikskrönika de donner à une élite capable de prendre en main les destinées du royaume la conscience de son unité. La fiction avait pour but d’exprimer, de rendre visible, et donc en partie de créer, un lien social. Avec la Karlskrönika, la même image de la table devient l’expression d’une unité plus large, celle du royaume, dans son sens institutionnel : l’accès à la table du régent, dont la condition est l’obéissance à la loi, devient la métaphore de l’État. Dans le cadre de l’Union de Kalmar, cette image a d’autant plus de force qu’elle marque la séparation entre la Suède et le Danemark.
54Les modèles courtois ne peuvent suffire à justifier la légitimité de Karl Knutsson : le recours au merveilleux, en particulier aux prophéties et aux miracles, ajoute une dimension supplémentaire. Il est cependant possible que Konung Alexander, la traduction suédoise du Roman d’Alexandre, ait servi de modèle. Plusieurs miracles, rêves et prophéties annoncent au roi de Macédoine qu’il deviendra empereur de Perse. Un épisode de la Karlskrönika, le passage du fleuve qui sépare la Suède de la Norvège, est probablement un emprunt direct au modèle du roi Alexandre. Il peut être appréhendé comme une ordalie potamique, c’est-à-dire le passage d’un fleuve qui désigne le détenteur du pouvoir. Après avoir été couronné roi de Norvège66, Karl Knutsson retourne en Suède. Bien que les paysans lui déconseillent d’emprunter la route qu’il compte prendre, car l’eau n’a pas encore gelé, le roi s’obstine et, après s’être placé sous la protection de Dieu et de saint Olav, il réussit à traverser le fleuve qui a miraculeusement gelé :
gud giorde honom then saa rät | Dieu l’exauça si bien |
huart han bögde baar alt slät | que là où le chemin était courbe, il devint [tout droit ; |
huat thz war antigen ström eller fors | là où il y avait du courant et des rapides, |
thz bar tha bade häst oc hoors | passaient désormais des chevaux et des [destriers. |
Clarare cristal man aldrey saag | On ne vit jamais un cristal plus clair |
än then ysen for honom lagh67 | que la glace qui s’était formée pour lui. |
55Karl Knutsson a été reconnu comme le roi légitime des deux royaumes : en permettant le passage de leur frontière, Dieu scelle par un miracle l’union de la Suède et de la Norvège. Alexandre aussi réussit à franchir le Tigre qui a la particularité de geler chaque nuit en hiver et au printemps et de retrouver, dès que la lumière paraît, son cours normal68. L’épisode ne prend son sens politique que si la comparaison entre le modèle et le remploi, entre Karl et Alexandre, transparaît. Ainsi, loin d’être une simple propagande destinée au vulgaire, la chronique propose au contraire une série d’épisodes dont la compréhension passe par la connaissance et la reconnaissance des modèles de références. Cependant, dans la Karlkrönika, ces modèles sont employés non pour fonder la domination d’un groupe, mais le pouvoir d’un seul.
56Bien qu’elle s’inscrive dans la continuité de la Karlkrönika, la Sturekrönika présente un ton différent. Cette chronique, du moins dans ses deux premières parties rédigées avant 1487, renoue avec la thématique courtoise et avec l’esprit de la première chronique. La Sturekrönika a pour fonction d’exprimer l’absence du roi. Son héros, Sten Sture, est décrit à plusieurs reprises comme un jeune chevalier (een wngher riddare69). Cette jeunesse ne définit ni son âge, puisqu’il a une trentaine d’années lorsqu’il arrive au pouvoir, ni sa condition de célibataire, puisqu’il était marié, mais la force et la fougue qui lui permettent de s’opposer efficacement au roi de Danemark, Christian d’Oldenbourg. Plus que l’idéal royal, il incarne donc par essence l’idéal chevaleresque :
rikensens ädla förstandare her steen | Le noble représentant du royaume, sire [Sten, |
han reedh mz staath och ära | chevauchait avec prestance et honneur |
och maagh wäl riddare nampn bära !70 | et méritait de porter le nom de [chevalier ! |
57Dans les documents de la pratique71, Sten Sture apparaît sous le titre de chevalier dès 1461. Mais la formule utilisée, qui se retrouve dans les chroniques72, sert le plus souvent à désigner celui qui « porte le nom de roi ». Dans la Sturekrönika, la formule apparaît à plusieurs reprises pour désigner des chevaliers73, mais aussi Sten Sture, à la fois comme chevalier, et, dans une expression proche, comme régent du royaume :
the keesthe siik een höffuisman | Ils élirent un chef : |
rösteen full all wthan meen | les voix se portèrent toutes sans faillir |
paa then wngha riddaren her steen | sur le jeune chevalier, sire Sten : |
och wille the thz haffua saa | ils voulaient tous le prendre |
ath han sculde för rikit staa | pour qu’il représentât le royaume. |
och sculde mz heedher liffua | Il devrait vivre dans l’honneur, |
och rikensens förstandare heetha oc [bliffua74 | être régent du royaume et en porter le [nom. |
58La jeunesse et l’efficacité militaire du régent font de lui un chevalier semblable aux autres : en dehors de l’élection, aucune cérémonie ne met sa personne en valeur et il apparaît, dans ce passage de la chronique, comme un symbole de l’aristocratie suédoise dans son ensemble. La première partie de la chronique insiste particulièrement sur les combats qu’il mène pour le royaume, à Brunkeberg, grande victoire de Sten Sture, le 10 octobre 1471, présentée sans nuance comme une victoire des Suédois sur les Danois, puis dans la guerre menée contre la Principauté de Moscou, nouvel adversaire d’autant plus redoutable que le roi de Danemark avait fait alliance avec lui.
59L’idéal commun, fondé sur un pouvoir aristocratique qui rejette le roi, s’exprime à l’aide du modèle courtois par excellence, celui de la relation entre le chevalier et la Dame. Déjà observé dans les chroniques précédentes où il servait de marque d’excellence, le topos de la relation courtoise prend dans la Sturekrönika une signification nettement politique. La fin de la deuxième partie de la Sturekrönika présente la Suède comme une veuve que chacun pourrait courtiser pour obtenir le pouvoir :
Thenne ärligha änkian som är sweriges [rike | Cette noble veuve qui est la Suède |
syällan fynnes hennes liike | trouve rarement son égale : |
hon är saa fagher i siith änne | son visage est si beau, |
saa maangha beedhis tiil henne | que nombreux sont ceux qui lui font la [cour. |
seen grant aath hwarth hiulidh wändher | Quelle que soit la façon dont la roue [tourne, voyez-y un mal. |
i haffuen henne nw i idhra händher | Vous l’avez maintenant entre vos [mains : |
frii och quith mz ära | libre et affranchie, avec honneur, |
i motte wäl alla krona bära75 | vous pourriez tous porter la couronne ! |
60L’image de la veuve renvoie à l’absence de roi qui, loin de permettre à un Grand d’accéder au pouvoir, doit au contraire maintenir les prétendants76, qu’ils sont tous, dans une égalité idéale. Le schéma courtois traditionnel du chevalier épris de sa dame devient ainsi une métaphore en faveur de la « république aristocratique77 » que connaît la Suède à la fin du xve siècle. La relation courtoise se fait expression de la mise à l’écart définitive du roi et une autre image, celle de la Roue de Fortune78, s’y trouve superposée pour montrer qu’élever un des chevaliers à la place du roi ne ferait qu’annoncer sa chute prochaine. Ainsi, puisque tous mériteraient de porter la couronne, il ne peut plus y avoir de roi.
61Ce passage est suivi d’un long discours en faveur de l’unité des Suédois :
eeth skulin i göre | Vous ne devriez faire qu’un |
ath see idher wiseligha före | et vous tenir prudemment sur vos [gardes. |
haffua alla een wylia | Ayez tous une seule volonté, |
tha kan idher inghen aathskylia | et rien ne pourra vous séparer ! |
idhra fiende sculo aawy roopa | Vos ennemis crieront « Hélas ! » |
om i hallen alla tiil hopa | si vous restez tous unis. |
gaan nw samman i gudz nampn | Allez maintenant, au nom de Dieu, |
och hwar tagher annan i fampn | et embrassez-vous les uns les autres, |
saa maaghen i här haffua roo | ainsi vous resterez en paix ici-bas |
och ther nästh äwynneligha i hymmerike [boo79 | puis vous vivrez au royaume céleste [pour l’éternité. |
62S’exprime ici l’idéal d’une société sans roi, dans laquelle les membres égaux de l’aristocratie se trouvent seuls au sommet du pouvoir. Paradoxalement, une image ancienne, formée à partir du topos de l’amour courtois, sert à exprimer une conception abstraite du pouvoir : le trône vide devient le garant de l’unité et le fondement du lien social.
63Loin d’être un genre ancien qui aurait atteint par hasard, plusieurs siècles après sa création, les rivages de la Suède, l’adaptation de la littérature courtoise et l’incorporation de ses clichés dans l’historiographie sont liés à un choix délibéré. La courtoisie constitue le langage propre de l’élite, qui a pour fonction d’être à la fois un signe de reconnaissance et un mode d’appropriation de la réalité politique et sociale. Chaque chronique est un creuset où s’effectue, par la remémoration du passé commun, la reconnaissance des normes qui définissent une élite. Il faut souligner que les auteurs des chroniques ont parfaitement conscience du rôle qu’ils jouent. Ainsi, dans la Sturekrönika, entre la définition de la Suède comme une veuve et l’appel à l’unité des Suédois, l’auteur insère cette exhortation :
läsin öffuer swänske böker | Lisez les livres suédois ! |
mangh wnderligh ärende ider wnder öghom [en möther80 | Vos yeux y trouveront de nombreux [faits merveilleux. |
64Au terme de cette étude, la référence, voire l’auto-référence, aux chroniques ne saurait étonner : la fiction est le lieu commun où la société parvient à se contempler elle-même, le seul cadre capable de la contenir dans le rêve de sa totalité et de son unité.
Notes de bas de page
1 Le nom de Grande Chronique rimée fut donné au xixe siècle au recueil formé par l’Erikskrönika, le poème de liaison, l’Engelbrekskrönika, la Karlskrönika et la Sturekrönika, rédigée en trois étapes. Seul l’auteur de l’Engelbrekskrönika, qui relate le soulèvement des Suédois contre Erik de Poméranie, a pu être identifié : il s’agit de Johan Fredebern, secrétaire du royaume et du Conseil entre 1434 et 1439 (H. Schück, Engelbrektskrönikan. Tillkomsten och författaren, Stockholm, 1994).
2 Sur la conformité avec les modèles arthuriens, voir R. Pipping, Kommentar till Erikskrönikan, Helsinki, 1926, p. 241-242, mais aussi A. Blanck, « Sverige och det franska litteraturen », dans Bellman vid skiljovägen och andra studier, Stockholm, 1941, p. 60-108.
3 D. Buschinger, « Réécriture et écriture dans la littérature médiévale allemande (xiie et xiiie siècles) », Littérales. « Théorie et pratiques de l’écriture au Moyen Âge », IV, 1988, p. 87-99.
4 M. Augé, La guerre des rêves. Exercices d’ethno-fiction, Paris, 1997, en particulier p. 89 et suiv.
5 R. H. Bloch, Medieval French Literature and Law, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1977.
6 P. Legendre, De la Société comme Texte, Linéaments d’une anthropologie dogmatique, Paris, 2001, p. 154.
7 Rappelons simplement ici les analyses pionnières de Nancy F. Partner : All medieval history contain more that is valuable to us than scraps of verifiable information […] every man who writes a book, whatever its subject, is capturing in some way an image of his world and that it, too, can be “read”, N. F. Partner, Serious Entertainements. The Writting of History in Twelfth-Century England, Chicago-Londres, 1977, p. 5 et 7.
8 Gisella Vilhelmsdotter a interprété la chronique comme un texte de propagande en faveur de l’élection du roi, G. Vilhelmsdotter, Riddare, bonde och biskop, studier kring tre fornsvenska dikter jämte två nyeditioner, Stockholm, 1999, p. 18-19. Cet aspect est central, mais il vient s’inscrire dans un système de représentations sociales plus vaste qui permet à l’aristocratie de revendiquer une domination politique.
9 E. Köhler, L’aventure chevaleresque. Idéal et réalité dans le roman courtois. Études sur la forme des plus anciens poèmes d’Arthur et du Graal, Paris, 1974, p. 97.
10 R. Pipping éd., Erikskrönikan, enligt Cod. Holm. D2 jämte avvikande läsarter ur andra handskrifter, Stockholm, 1963, vers 4542-4543. Pour la traduction française, voir C. Péneau, Erikskrönika, Chronique d’Erik, première chronique rimée suédoise, Paris, 2005. Par la suite, Erikskrönika renverra pour les vers suédois à l’édition de Rolf Pipping et pour les vers français à la traduction.
11 Erikskrönika, vers 21-22 et 25-28.
12 Erikskrönika, vers 1392-1396.
13 R. Palm, « Om 1200-talets svenska », dans Birger Jarls tid, en brytningstid ? Sex föreläsningar vid ett symposium i Stockholm våren 2001, L. Annerbäck éd., Stockholm, 2002 (Runica et Mediævalia Opuscula, 8), p. 84-85.
14 Voir J. Le Goff, « Code vestimentaire et alimentaire dans Érec et Énide », dans L’imaginaire médiéval. Essais, Paris, 1991, p. 188-207.
15 S. U. Palme, « Les impôts, le statut d’Alsnö et la formation des ordres en Suède (1250-1350 », dans Problèmes de stratification sociale. Actes du colloque international (1966), R. Mousnier dir., Paris, 1968, p. 55-71.
16 Erikskrönika, vers 3536-3538.
17 Erikskrönika, vers 441-444.
18 S. B. Jansson, Medeltidens rimkrönikor. Studier i funktion, stoff, form, Uppsala, 1971, p. 156-164. La théorie du miroir fut proposée par Gunnar Bolin, qui fut le premier à appréhender la dimension sociale de la chronique, G. Bolin, « Ströda meddelanden och aktstycken till datering av Erikskrönikan », Historisk Tidskrift, 1927, p. 288-309.
19 Erikskrönika, vers 1429-1430.
20 Erikskrönika, vers 1166-1167.
21 K. E. Löfqvist, Om riddarväsen och frälse i nordisk Medeltid. Studier rörande adelsståndets uppkomst och tidigare utformning, Lund, 1935, p. 100-111 et H. Bengtsson, Den höviska kulturen i Norden. En konsthistorisk undersökning, Stockholm, 1999, p. 31 et suiv.
22 Erikskrönika, vers 640-641.
23 Erikskrönika, vers 2162-2164.
24 Erikskrönika, vers 1847-1849.
25 Voir par exemple, J. Baldwin, Aristocratic Life in Medieval France. The Romances of Jean Renard and Gerbert de Montreuil 1190-1230, Baltimore-Londres, 2000, p. 174-183.
26 A. Guerreau-Jalabert, « Aliments symboliques et symbolique de la table dans les romans arthuriens (xiie-xiiie siècle) », Annales ESC, mai-juin 1992, p. 575.
27 Erikskrönika, vers 445-449.
28 Erikskrönika, vers 1407-1413.
29 On peut, par exemple, citer le Code du mariage de la Loi nationale, qui précise que le nombre des invités au banquet est limité, par peur des débordements qu’engendre ce type de rassemblement. Å. Holmbäck et E. Wessén, Magnus Eriksson Landslag, Lund, 1962, p. 42 et 52.
30 Herr Ivan Lejon-Riddaren, E. Noreen éd., Stockholm, 1930-1931, p. 61.
31 Le vin, produit importé, reste une denrée rare en Scandinavie. Sa consommation est le fait d’une élite. Même le vin de messe pouvait venir à manquer dans les paroisses où il était coupé d’eau, par mesure d’économie (S. Helander, « The liturgical profile of the parish church in Medieval Sweden », dans The Liturgy of the Medieval Church, T. J. Hefferman et E. A. Matter éd., Kalamazoo, 2001, p. 170). Un statut royal norvégien de 1306 a permis à Sverre Bagge de calculer qu’un banquet de cinquante personnes pouvait coûter autant qu’une ferme en raison du prix très élevé du vin : une coupe du vin le plus cher coûtait autant que soixante-quinze kilogrammes de blé et un vin de moins bonne qualité ne coûtait que deux fois moins cher, S. Bagge, From Gang Leader to the Lord’s Anointed : Kingship in Sverris saga and Hákonar saga Hákonarsonar, Odense, 1996, p. 72, note 62.
32 Erikskrönika, vers 1296 et suiv.
33 Erikskrönika, vers 1308-1317 et 1320-1321.
34 Erikskrönika, vers 3934-3936 ; 4060-4063 et 4068.
35 Erikskrönika, vers 3761.
36 Erikskrönika, vers 73-74.
37 R. Pipping, Kommentar till Erikskrönikan, Helsinki, 1926, p. 71.
38 Erikskrönika, vers 212-216.
39 Erikskrönika, vers 556-561.
40 Erikskrönika, vers 997.
41 Erikskrönika, vers 705-707.
42 Erikskrönika, vers 2120-2127.
43 Erikskrönika, vers 1596-1597.
44 J.-M. Maillefer, Chevaliers et princes allemands en Suède et en Finlande à l’époque des Folkungar (1250-1363). Le premier établissement d’une noblesse allemande sur la rive septentrionale de la Baltique, Francfort-sur-le-Main, 1999, p. 72-83.
45 Erikskrönika, vers 1446-1450.
46 Erikskrönika, vers 1884-1890.
47 Erikskrönika, vers 1874-1880.
48 Erikskrönika, vers 4461.
49 Erikskrönika, vers 4277-4279.
50 B. högman éd., Heliga Birgittas Originaltexter, Uppsala, 1951, p. 81-82, l. 16-19.
51 G. Balandier, Le pouvoir sur scènes, Paris, 1992, p. 14.
52 A. Blanck, « Konung Alexander, Bo Jonsson Grip och Albrekt av Mecklenburg », Samlaren, 10 (1929), p. 1-73.
53 K. Kumlien, Historieskrivning och kungadöme i svensk medeltid, Stockholm, 1979, p. 155 et suiv.
54 Voir, par exemple, Erik Neuman, « Karlskrönikansproveniens och sanningvärde. En undersökning och några slutsatser », Samlaren, 1927, p. 109 et suiv., et plus récemment D. Harrison, Karl Knutsson, en biografi, Lund, 2002, p. 254-267.
55 E. Lönnroth, « Medeltidskrönikornas värld. En politisk miljöstudie », Göteborgs Högskolas Årsskrift, t. XLVII, Göteborg, 1941, no 18, p. 3-27.
56 G. E. Klemming éd., Svenska Medeltidens rim-krönikor, III. Nya krönikans forsättningar eller Sture-krönikorna, Stockholm, 1867-1868, p. 257 et suiv.
57 G. E. Klemming éd., Svenska Medeltidens rim-krönikor, II. Nya eller Karlskrönikan, Stockholm, 1866, vers 3066. Par la suite, Karlskrönika renverra à cette édition.
58 Karlskrönika, vers 7220-7223.
59 Karlskrönika, vers 6094-6097 et 6100-6101.
60 Karlskrönika, vers 6886-6888.
61 Karl Knutsson fut adoubé le jour du couronnement de Christophe de Bavière le 14 septembre 1441 avec 75 autres écuyers.
62 Karlskrönika, vers 2829-2830.
63 Karlskrönika, vers 9065-9068.
64 Karlskrönika, vers 2770-2774.
65 Karlskrönika, vers 2816-2817.
66 Karl Knutsson, devenu roi de Suède en 1448, réussit à être désigné roi de Norvège en février 1449 et fut couronné Trondheim le 20 novembre 1449. Dès 1450, Karl dut cependant abandonner ses prétentions face à Christian d’Oldenbourg, élu en juin 1449.
67 Karlskrönika, vers 8085-8090.
68 Konung Alexander, G. E. Klemming éd., Stockholm, 1862, p. 73, vers 2176 et suiv.
69 G. E. Klemming, Svenska Medeltidens rim-krönikor, III. Nya krönikans forsättningar eller Sturekrönikorna, Stockholm, 1867-1868, vers 1471, 1645, 1845 et 1906. Par la suite, Sturekrönika renverra à cette édition.
70 Sturekrönika, vers 2515-2517.
71 K. G. Lundholm, Sten Sture den äldre och stormännen, Lund, 1956, p. 3-4.
72 Erikskrönika, vers 205, 4409, 4531 et Karlskrönika, vers 7509 (avec le verbe läga).
73 Sturekrönika, vers 598 et 1878.
74 Sturekrönika, vers 1904-1910.
75 Sturekrönika, vers 3360-3367.
76 Ces prétendants déclarés étaient nombreux, à la fois en Suède et hors de Suède (voir K. Hagnell, Sturekrönikan 1452-1496 – Studier över en rimkrönikas tillkomst och sanningsvärde, Lund, 1941, p. 44-45, 84 et 316), mais l’image a une portée plus générale que la condamnation d’individus précis.
77 H. Schück, « Sweden as an Aristocratic Republic », Scandinavian Journal of History, 9 (1984), p. 65-72.
78 Le motif de la Roue de Fortune revêt souvent un sens politique dans la Suède du xve siècle. Voir, par exemple, A. Ellenius, « Lyckohjulet i Tensta kyrka och dess historiska innebörd », Fornvännen, 1953, p. 38-53.
79 Sturekrönika, vers 3372-3381.
80 Sturekrönika, vers 3368-3369.
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