Une réalité urbaine sublimée : la ville du prince dans le frontispice des Chroniques et conquêtes de Charlemagne de David Aubert (vers 1460)
p. 441-461
Texte intégral
1Les scènes de dédicace, présentes sur les frontispices des manuscrits médiévaux, offrent classiquement la représentation de l’auteur agenouillé devant son commanditaire et lui remettant son œuvre en présence ou non des membres de la cour1. Si ces images sont universellement répandues, rois de France et princes de Bourgogne à la fin du Moyen Âge ont particulièrement favorisé la mise en scène de leur autorité de bon gouvernant par le biais de ces épisodes où l’écrivain, certes en position inférieure, transmet son savoir au maître éclairé, pour la plus grande joie du souverain collectionneur et l’intérêt du pays qu’il dirige2. Ces images, dont le frontispice des Réponses à Charles VI de Pierre Salmon ou celui de la Chronique de Hainaut de Jean Wauquelin, constituent des exemples bien connus, se placent la plupart du temps à l’intérieur d’un palais, ouvert ou non sur le monde extérieur, et rassemblent un comité composé de deux ou trois courtisans ou du pays tout entier symbolisé par ces principaux groupes sociaux3.
2Le document qui fait l’objet de notre attention propose un cadre qui, comme nous le verrons, n’est pas exceptionnel, mais qui, à cette date et dans le contexte de la cour de Bourgogne, se révèle atypique. L’œuvre de David Aubert, dont il constitue le premier folio, a fait l’objet d’un certain nombre d’études soulignant essentiellement la technique de grisaille élaborée par l’enlumineur Jean Le Tavernier, tandis que d’autres historiens d’art parvenaient à retracer l’histoire originale de ces Chroniques et conquêtes de Charlemagne, commandées par Jean de Créquy, seigneur de Canaples (1429-1473) en 1458 et reçues par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, en 14604. Négligée par les historiens, cette enluminure propose pourtant une image de la ville, suffisamment riche pour étayer à elle seule une recherche sur la manière de sublimer un espace urbain bien réel quand on est prince et que l’on souhaite léguer à la postérité une image forte de son autorité et de sa domination complète sur un territoire où les citadins ne constituèrent pas les sujets les plus dociles que l’on puisse imaginer.
3À la croisée d’une histoire des espaces urbains des anciens Pays-Bas et de cette communication politique bourguignonne dont la richesse n’est plus à démontrer, l’observation qui suit s’attachera à souligner le caractère original de ce document, livrant une image de la ville résumée en ses qualités essentielles, pour offrir une concrétisation dans la fiction picturale d’un principe de philosophie politique éminemment présent dans l’esprit de tout gouvernant : l’idéal de concorde.
Le prince et la ville : originalité d’une scène de dédicace
4Les chroniques et conquêtes de Charlemagne constituent un manuscrit décoré de cinq cents miniatures en grisaille et appartiennent au genre historico-romanesque particulièrement apprécié à la cour de Bourgogne5. Les trois volumes ont été rédigés par David Aubert, fonctionnaire, receveur du domaine et des aides de Ponthieu en Picardie en 1453, puis « clerc et escrivain » du duc Philippe, comme il le dit lui-même, à partir de 1459. Délaissé par Charles le Téméraire, lorsque ce dernier succède à son père, il fait valoir ses compétences auprès de Marguerite d’York vers 14756. Dix peintres sont intervenus sur les vingt-cinq manuscrits attribués à cet auteur, parmi lesquels Loyset Liédet, Guillaume Vrelant et Jean Le Tavernier7. C’est à ce dernier que nous devons ces miniatures monochromes en camaïeu de gris qui ornent les volumes de l’œuvre étudiée. Miniaturiste assez peu documenté, il semble (la question n’est toujours pas tranchée) issu d’une famille de peintres et d’enlumineurs bien implantée à Audenarde au xve siècle. Jean y est présent de 1454 à 1460, et c’est dans cette ville qu’il reçoit la commande de l’illustration des chroniques8. Réalisée entre 1458 et 1460, l’œuvre fut sans aucun doute l’objet d’une captation et le texte, narrant une épopée royale, attira le duc qui, comme le précisent Marc Gil et Pascale Charron, aura voulu la posséder alors que le manuscrit était encore sur le métier9. David Aubert était en effet au service d’un certain Jean de Créquy, seigneur de Canaples, chevalier de la Toison d’or, véritable intellectuel, protecteur des artistes dont il faisait connaître les œuvres à la cour10. La peinture, réalisée après la rédaction et la transcription grossée, permit quelques corrections à la faveur du nouveau propriétaire, notamment faire oublier le prologue dans lequel David Aubert se dit « escrivain et serviteur de Jean de Créquy, son très redoubté seigneur ». Cette relation triangulaire entre l’auteur (David Aubert), le premier commanditaire (Jean de Créquy) et le duc de Bourgogne fut résumée par le peintre dans la scène de présentation du manuscrit figurant dans le registre supérieur de l’image. En effet, contrairement à ce que l’on peut encore lire ici et là, ce n’est pas l’auteur qui remet son manuscrit au prince, mais bel et bien Jean de Créquy, identifiable au collier de la Toison d’or qu’il porte et à son vêtement identique à celui des autres courtisans. David Aubert, se tient, quant à lui, en retrait et se distingue des autres nobles de la cour par sa robe longue, le parchemin qu’il tient dans la main et l’absence de collier11. C’est là la première originalité de cette image, qui certes constitue une information majeure pour l’histoire de ce manuscrit, mais qui, dans le cadre de cette étude, ne retiendra pas d’avantage notre attention.
5La construction picturale du miniaturiste met en valeur une ville. Ce n’est pas la première fois que les scènes de présentation d’ouvrage s’ouvrent sur le monde extérieur. Dans le De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais, traduit par Jean Corbichon et réalisé en Flandre dans le troisième quart du xve siècle, la salle où se trouve Charles V s’ouvre sur une cour extérieure, tandis que la silhouette d’une ville se dessine à l’horizon12. Dans le frontispice de l’Histoire d’Alexandre le Grand de Quinte Curce, traduite par Vasque de Lucène, l’image, réalisée à la même époque et dans la même région, s’organise de la même façon pour mettre en scène un Charles le Téméraire siégeant face à une cour de palais, avec en arrière-plan un horizon urbain13. La ville occupe une place plus centrale dans d’autres manuscrits, tel cet Ab urbe condita de Tite-Live traduit par Pierre Bersuire, composé à Paris dans le premier quart du xve siècle, où l’on retrouve la scène de présentation de l’ouvrage non plus dans une position dominante, mais dans une figuration dépendante d’autres scènes14. La ville n’est donc pas absente de ces frontispices destinés à mettre à l’honneur le prince commanditaire. De même, le souci de détailler les activités urbaines dans une présentation étagée n’est pas un unicum en terre bourguignonne ou française. Dans un exemplaire de la Cité de Dieu de saint Augustin produit aux Pays-Bas en 1462, l’étagement radioconcentrique oppose la ville céleste accueillant en son sein la divine Trinité, à la ville terrestre, nuisible Babylone où s’étalent les péchés d’avarice, de gourmandise et de luxure, symbolisés par la table du changeur, celle de la taverne et le bain des étuves15. Plus flatteuse, une miniature tirée du Livres dou Tresor de Brunetto Latini, composée entre 1460 et 1470, compartimente un espace urbain où les allégories de Force, de Justice, de Prudence et de Tempérance incarnées par des jeunes femmes de haute stature s’installent dans des quartiers artisanaux et commerçants, rendant hommage aux boutiquiers des villes, tandis qu’en position centrale et dans le registre supérieur Logique et Pratique offrent leur trésor à dame Philosophie16. La synthèse de ces dédicaces prenant en compte un espace extérieur à la salle du palais et d’images favorisant un étagement mettant à l’honneur des activités plus ou moins industrieuses a été réalisée une première fois dans la deuxième scène de présentation du manuscrit de Pierre Salmon évoqué précédemment : Les réponses à Charles VI et lamentations17. Cette miniature, d’après Colette Beaune, expose un panorama complet du palais royal et de sa nombreuse domesticité, comme si le peintre avait voulu « retracer sous nos yeux les différentes étapes de l’itinéraire à suivre avant de pouvoir se trouver en présence du roi18 ». Le rapprochement avec l’image qui nous occupe aujourd’hui est assez saisissant et exprime une conception artistique très proche19. On pourrait y voir la preuve de la signature d’un même milieu artistique si l’on veut bien voir dans le maître de Boucicaut un certain Jacques Coene, peintre brugeois ayant séjourné dans la péninsule Italienne où il aurait approfondi ses connaissances de la maîtrise des données spatiales. Cette influence italienne n’est pas négligeable si l’on veut bien considérer la composition générale de ces frontispices. Certes, la réalisation de la miniature met en exergue la scène de remise du manuscrit, ce que les lignes de perspective tirées à partir des chapeaux de tous les personnages confirment. Mais l’étagement qui organise le panorama général apparaît comme la structure dominante qui permet de retenir, de se souvenir de cette enluminure. Il faut alors préciser que cette répartition des scènes au sein d’une même image pouvait être considérée comme un procédé mnémotechnique au Moyen Âge20. Les manuscrits des prédicateurs en donnent de nombreux exemples, et les traités mnémoniques du xve siècle proposèrent notamment des lieux réels, comme des palais, des abbayes ou des villes, pour retenir des notions abstraites attachées ainsi à la mémoire visuelle21. Selon le principe thomiste qui veut que « les intentiones simples et spirituelles s’échappent facilement de la mémoire, à moins d’être liées à des symboles corporels », des synthèses, dont l’une des plus célèbres demeure celle du dominicain Johannes Romberch publié en 1520, posèrent les règles d’un ars memorandi où les imagines agentes viennent stimuler, par leur caractère et leur disposition, la mémorisation d’une abstraction22. Si l’on veut bien ne pas négliger cette hypothèse de lecture, le soin apporté à l’organisation générale de cette image, extraordinaire dans sa catégorie, viendrait soutenir un message politique qui dépasse le simple hommage à la magnificence du prince et qui est destiné à faire acte de mémoire.
Une ville prospère et anonyme
6La peinture de Jean Le Tavernier compose un véritable hymne à cette réussite économique résumée en une expression de Jean Molinet faisant des Pays-Bas les fameuses « terres de promission ». Et le premier trait d’admiration s’attache à l’urbs, avant même de s’intéresser à la civitas. Cette allusion indirecte à saint Augustin n’est pas innocente, puisque la cité idéale repose sur la perfection de ces deux dimensions dont l’équilibre et la beauté sont des gages d’harmonie. Dans ce portrait idéal du bon gouvernement, la ville est donc solidement et joliment élevée. Les décors et arrière-plans des primitifs flamands sont une source inépuisable pour qui veut étudier l’architecture de leur temps23. Mais Jean Le Tavernier va plus loin et fait de l’urbanisme l’acteur principal de son frontispice. Porte, enceinte, bâtiments, chaussées pavées occupent l’essentiel de l’image. Difficile d’échapper aux toits recouverts de tuiles, aux trapgevels (corniches en pas de moineaux), aux balcons et aux fenêtres vitrées. La construction est irréprochable et, évidemment, idéalisée. Bien sûr, tous ces éléments existent dans la réalité, mais la répétition des bans de police ordonnant de faire couvrir les toits en tuiles et non en chaume, les lamentations à propos des « feux de meschiefs », les plaintes pour chaussées dégradées (n’oublions pas que le convoi funéraire du comte de Flandre Louis de Male est resté embourbé à l’entrée de la ville de Lille en 1384), toutes les mentions de ces documents de la pratique ne renvoient pas une image aussi lisse24. L’esthétique en jeu écarte bien évidemment ce genre de désagrément pour l’œil, mais le peintre a su faire le tri entre éléments réels séduisants et idéalisation nécessaire. La porte est l’élément urbain qui occupe le plus de place sur l’image. Les études italiennes ont fait d’elles l’emblème des villes et on ne peut nier cette évidence, même si des nuances sont à apporter25. En Flandre, comme en Hainaut ou en Brabant, la porte, dans sa dimension réelle, ainsi que dans les activités symboliques de la ville, ne connaît pas une notoriété aussi importante. Les études toponymiques n’aboutissent à aucune conclusion unifiée. Les noms de portes s’adaptent aux directions qu’elles marquent, aux saints de l’église paroissiale la plus proche, aux activités commerciales qui les caractérisent, etc.26. À Gand, les portes sont louées à des particuliers qui les entretiennent et les habitent ; à Louvain, l’une d’elles accueille la prison. Certes, la représentation des portes sur les sceaux de villes n’est pas rare, mais il semble que l’image soit davantage attachée à l’idée de ville, site muré et protégé à différencier de la campagne sauvage, qu’à l’identité d’une ville en particulier27. En réalité, ces portes constituent un élément du décor qui commande la distribution socio-économique de l’espace citadin. La lecture sociale du monde urbain prend ainsi le pas sur sa lecture topographique. Les portes prennent sens grâce aux activités économiques qui les caractérisent et des hommes qui les traversent, qu’il s’agisse de marchands, de pèlerins en procession ou de milices en route pour la guerre. Ce sont donc les hommes, leurs décisions, leurs actes et leurs conséquences qui font la notoriété de telle ou telle porte. L’enceinteest elle aussi idéalisée. Les ducs de Bourgogne ont souvent dû constater les imperfections de la ligne de défense de leurs villes. À Douai, en 1405, Jean sans Peur constate l’avancement des travaux du beffroi, mais estime qu’il faudrait plutôt revoir la fortification en fort mauvais état : « et il disoit cela a cause qu’alors depuis la porte Notre-Dame jusque la porte Morel et depuis la porte Saint-Eloy jusqu’à la porte de Notre-Dame n’estoient que des murs de terre et paillis de bois28 ».
7L’idéalisation passe également par la chaussée, ici entièrement pavée. Là encore, les ducs ont à se plaindre régulièrement des boues, fondrières, nids-de-poule, etc. qui entravent la progression des charrettes et carrosses. La voirie urbaine est loin d’avoir atteint au Nord le degré de perfection des villes italiennes, et l’hygiène laisse à désirer, même si le recrutement de tukiens permettait de se débarrasser des animaux errants figurant au premier plan et polluant les rues29. Quant aux demeures représentées, s’il existe bel et bien à Gand les fameux steenen (steen = pierre), maisons en pierre des bourgeois du xiie siècle, les hôtels particuliers sont plus souvent en brique, et les municipalités ont à déplorer, jusque tard dans le xve siècle, la construction de maison aux murs de bois et aux toits de paille à l’origine des incendies de voisinage.
8Soulignons enfin que, dans ce tableau de la ville idéale selon Philippe le Bon, ni beffroi, ni hôtel de ville, ni même cathédrale ne viennent s’interposer entre l’hôtel ducal et la rue du peuple. Voilà un raccourci qui en dit déjà long sur les principes de gouvernement souhaités par le duc de Bourgogne. Sa ville est avant tout composée d’hommes et de femmes qui travaillent, niant les monuments qui constituent l’identité municipale30.
9Le premier plan de la miniature est entièrement dédié à la dimension économique de la ville – artisanat et commerce formant, au propre comme au figuré, l’assise du pouvoir dans la principauté. En effet, les villes sont les premières à participer aux efforts réclamés de façon exponentielle par les ducs pour servir leurs ambitions. Sous la forme d’impôts ponctuels et d’aides extraordinaires qui étaient âprement discutées (puisque Philippe le Bon n’a pas réussi à mettre en place un impôt régulier), les villes donnaient aux princes les moyens de leur politique31.
10La richesse des villes de Flandre est proverbiale et repose avant tout sur son industrie variée. Le drap, représenté par la femme qui semble rapiécer un vêtement, reste le fleuron de cette industrie dont le savoir-faire s’exporte jusqu’en Italie et dont les tableaux des primitifs flamands témoignent du raffinement. Le drap est donc présent grâce à cette échoppe, mais il est également vanté par le soin apporté à la représentation des costumes aux plis soigneusement figurés32. Difficile dans cette miniature en grisaille de distinguer nobles et bourgeois. Signalons simplement qu’au xve siècle, la haute classe traditionnelle, comme les marchands, préférait les habits longs et larges, tandis que les snobs ne juraient que par les manteaux courts. Quant aux juristes et aux professeurs snobs (homme en bas à droite), ils portaient une cape (kaproen) jetée de façon désinvolte sur l’épaule.
11L’industrie de luxe, apparaît sous la porte grâce au bijoutier-orfèvre. Au xve siècle, un certain nombre de reconversions vinrent grossir les rangs de ces artisans, notamment à Bruges. Le marché des produits de luxe n’était pas affecté par les baisses de pouvoir d’achat récurrentes dans la seconde moitié du xve siècle. En effet, la clientèle, issue des milieux aisés de la cour, des marchands étrangers ou des bourgeois enrichis aux revenus variés, répondait toujours présente. Le Saint Éloi de Petrus Christus (1449) a déjà fait l’éloge de l’orfèvre en nous invitant directement dans la boutique de celui-ci et en présentant l’artisan au travail. Fabriquant colliers et anneaux nuptiaux, hanaps et coupes d’argent, matériel liturgique et cadeaux de prince, l’orfèvre est lui aussi à l’articulation des mondes urbains33.
12Les deux autres étals sont plus humbles et répondent aux nécessités du quotidien. Il s’agit du vendeur de poteries et de la marchande de poissons. Le potier se rattache plus volontiers au domaine de la campagne (la terre, le bois, les broussailles et l’eau sont plus faciles à trouver à la campagne) et d’ailleurs les métiers de l’argile ne bénéficient d’une organisation professionnelle autonome qu’à l’extrême fin du xve siècle34. Ici, ce n’est pas l’artisan au travail que Jean Le Tavernier nous montre, mais le commerçant venu en ville vendre sa production. La marchande de poissons, quant à elle, illustre également une vente de première nécessité. Certes, à la bigarrure sociale propre à la ville répondent des habitudes alimentaires tout aussi diversifiées. La nourriture riche et variée des tables des élites n’ayant rien à voir avec la frugale simplicité des repas de la classe populaire. Toutefois, le poisson, de plus ou moins bonne qualité, se retrouvait dans toutes les écuelles compte tenu des prescriptions ecclésiastiques. On remarquera au passage l’équilibre entre hommes et femmes dans l’évocation de ces activités, reflétant la réalité flamande d’un artisanat et d’un commerce largement ouvert à la gent féminine, attestée par les nombreuses réglementations de métiers35. Voilà donc, la description rapide de ce milieu urbain tel qu’il a été saisi de façon partiale par le peintre. Ce choix, cette réalité tronquée offrent le cadre idéal pour développer un message politique s’appuyant sur les notions d’ordre, d’équilibre et de concorde.
Le frontispice ou la clé d’un programme politique bourguignon
13L’ensemble de la société bourguignonne représentée ici par quelques figures saillantes (nobles, hauts fonctionnaires, patriciens, bourgeois, marchands, artisans) compose une pyramide idéale dominée par le prince. Ainsi, la scène représentée en haut à droite s’ouvre sur un intérieur dénué de toute décoration ornementale et attirant l’attention sur les personnages qui s’y trouvent. Le premier cercle des courtisans montre l’exemple d’une soumission parfaite au tout-puissant seigneur qui doit inspirer tous les autres personnages présents dans la miniature et, à travers eux, l’ensemble de la communauté bourguignonne. Les lignes de perspective mises en évidence précédemment et convergeant vers la demeure du prince soulignent cette construction d’une pyramide sociale qui culmine avec la figure du prince, souverain protecteur de toutes les activités urbaines. Certes, le clergé est absent de cette représentation. Et il est difficile d’avancer une série d’explications. Peut-être faut-il simplement rappeler la faiblesse par exemple du groupe épiscopal dans ces villes dominées par des chapitres et des monastères au rôle de moins en moins prégnant36. À proximité physique du prince : lesmembres de la cour. L’entourage du prince composait sa maison ou son hôtel. C’est là que les fidèles compagnons, les conseillers et les domestiques se côtoyaient selon les règles d’une stricte hiérarchie dont Olivier de la Marche se fait l’écho37. Depuis les seigneurs de sang et les autres membres de la haute noblesse jusqu’aux cuisiniers, au barbier, aux peintres et au garde des tapisseries, chacun occupait une place déterminée et remplissait une tâche particulière. Le nombre des courtisans ne cessa d’augmenter tout au long du xve siècle. En 1426, ils étaient 234, en 1449 leur nombre était passé à 513, pour atteindre 1860 membres à la fin du principat de Charles le Téméraire ! S’ils n’étaient pas tous présents en même temps, ils constituaient un groupe dont la mobilité suivait celle du prince. Autrement dit, leur lieu principal de séjour était la ville, celle où résidait le prince. Dans les Pays-Bas bourguignons, la capitale n’est pas fixée. Gand, Bruges, Lille et Bruxelles sont les villes qui accueillent le plus souvent le duc et/ou la duchesse38. En conséquence, leur présence alimente bien sûr l’économie locale et structure également les relations politiques. Ces nobles pouvaient en effet servir d’intermédiaires entre le magistrat urbain et la cour pour la défense de toutes sortes de causes et de privilèges. Ces « patrons » s’attachaient ainsi leur clientèle par une surenchère de pots-de-vin bien mise en évidence par les études d’Alain Derville, de Marc Boone, de Wim Blockmans et de Werner Paravicini39. Leur position intermédiaire sur l’image, entre le niveau du prince et celui des « petites mains » du monde urbain, n’est donc pas innocente et illustre bien ce rôle d’interface entre les hautes sphères décisionnelles et l’espace de la ville. Le faucon au poing permet d’identifier clairement le statut du personnage qu’il caractérise. Ce loisir noble est ici un signe distinctif, non une critique adressée à l’oisiveté de la noblesse comme dans la Fresque du bon gouvernement à Sienne40. Si l’idéal de bon gouvernement permet de rapprocher ces deux œuvres partageant un certain nombre de caractères communs (représentation étagée de la société, hymne au travail de la ville, etc.), la position de la noblesse les distingue catégoriquement. Tandis que le noble à cheval et faucon au poing signifie l’oisiveté inutile au bon gouvernement de la ville dans la commune siennoise, le noble, faucon au poing, en position intermédiaire dans le frontispice, témoigne de son rôle clé dans l’équilibre de la société bourguignonne. D’ailleurs, la figure du noble se démultiplie pour occuper tous les plans de la miniature, afin de signaler son omniprésence et son rôle charnière.
14La difficulté à isoler le bourgeois du noble (vêtement identique, position similaire, port d’un couvre-chef) met en relief la proximité de la haute bourgeoisie avec la frange nobiliaire par le partage de richesses et de valeurs communes (culture, loisirs, habitat) distillées encore et toujours au cœur de la ville. La noblesse, présente en ville grâce à l’achat d’hôtels particuliers (à Lille, on en compte plus d’une centaine) et non confinée à la campagne, n’occupe pourtant qu’un faible pourcentage dans les Pays-Bas41. La bourgeoisie, haute, moyenne et petite aux origines diverses (propriétaires terriens, héritiers de lignages, financiers, patrons d’industrie, etc.) s’alliait à ces familles nobles pour parachever son ascension sociale et dominait largement l’espace.
15À l’échelon inférieur, s’active le monde des métiers que l’on retrouve logiquement en bas de l’image. La variété des fortunes y était également très grande. Et les plus puissants occupaient bien souvent une charge administrative – le pouvoir économique ouvrant les portes du pouvoir politique. Les chefs des métiers et leurs représentants auprès du magistrat des villes qui les associait à leur gouvernement étaient en effet toujours choisis à l’intérieur d’un cercle étroit, formés des maîtres les plus fortunés42. Cette représentation en contrebas du pouvoir des villes répond bel et bien à un idéal de gouvernement souhaité par un prince ayant en tête une centralisation du gouvernement, pas toujours compatible avec la défense des particularismes urbains.
16En effet, si la cour domine la scène, la marque de Philippe le Bon s’étale très largement sur l’image. Le prince a investi la ville.
17Plusieurs lectures peuvent ainsi être faites autour de la représentation du briquet, emblème de la principauté de Bourgogne et de Philippe le Bon en particulier. En effet, le briquet ou fusil apparaît au moins une dizaine de fois sur l’image : de part et d’autre des armoiries de Philippe le Bon – elles-mêmes traversée par la devise du duc « Aultre n’auray » –, de part et d’autre des deux fenêtres de la porte, sur le toit de la porte et sur les étendards fichés aux points culminants de la toiture. Le briquet illustrait la devise ante ferit quam flamma micat (« il frappe avant que la flamme ne brille »). De la pierre à feu jaillissaient des étincelles que l’on voit distinctement sur l’image. Les maillons du collier de la Toison d’or sont des briquets dont les pointes recourbées forment une poignée et font penser au B de Bourgogne. Cet emblème que l’on retrouvait sur les étendards de guerre, sur les habits liturgiques de l’ordre de la Toison, sur les manuscrits, sur les décorations éphémères des spectacles ducaux, sert bien évidemment à marquer l’identité du possesseur du manuscrit. Mais l’analyse peut aller plus loin : l’emblème rend également hommage à la magnificence princière par la démultiplication de sa représentation, comme dans la tapisserie des mille-fleurs commandée par le même Philippe le Bon à Jean Haze, tapissier de Bruxelles, et qui est parsemée entre autres de cet emblème43. Enfin, il faut souligner le lieu d’application de ces fusils. Le rapprochement avec Philippe le Bon, son identité ou la splendeur de son principat, aurait dû pousser l’artiste à appliquer ces briquets à proximité du prince ou de la cour, c’est-à-dire dans la frange supérieure de l’image. Car, même si les colliers arborés par les membres de la cour portent cet emblème, ils ne sont pas assez distinctement visibles, et le briquet aurait dû figurer de façon plus criante. Or, il n’en est rien, les briquets sont appliqués sur la porte de la ville, et cette disposition n’est pas anodine. Elle signifie idéalement la soumission de la ville tout entière au prince, par la prise de possession d’un des éléments architecturaux emblématiques de cette dernière : la porte. La ville, peinte par Jean Le Tavernier, comporte en effet toutes les caractéristiques d’une ville du Nord enjolivée, mais complètement anonyme.Les rues ne sont pas marquées par quelques enseignespourtant présentes dans les enluminures (à l’instar de la ville représentée dans le manuscrit du Livre dou Tresor cité précédemment). Cette non-reconnaissance d’espaces particuliers fait parfaitement écho au décalage dans le marquage énonciatif tel qu’il apparaît lorsque l’on compare sources princières et sources urbaines. Au chapitre des travaux commandités par le prince en ville, on trouvera des mentions vagues évoquant des « ouvrages à proximité de la maison du seigneur de Haubourdin ou du palais ducal » ; dans celui des réfections souhaitées par la ville on trouvera au contraire des évocations précises d’une chaussée repavée à proximité de « l’attre Saint-Estevene » ou « du marquiet dou pisson44 ». Les travaux de Michael Camille, inspirés par Michel de Certeau, ont montré combien ces signes visuels marquant les coins de rue, les enseignes, etc., constituent la texture de la vie quotidienne pour ces citadins du Moyen Âge45. Jean Le Tavernier, homme des villes de Flandre, ne les a pas négligés, mais il les a soumis non pas au prisme de la réalité de son vécu mais à celui d’un idéal princier cherchant à faire de la ville l’empreinte de son pouvoir. Car, dans un contexte d’oppositions récurrentes entre lui et ses villes, Philippe le Bon ne manque jamais une occasion de rappeler qu’en tant que seigneur des lieux, la ville où il se trouve lui appartient46. Il en est le naturel seigneur, à défaut d’en être le souverain pleinement reconnu. Cette prise de possession sur l’image de l’emblème de la ville par le prince répond aux mises en scène décidées à l’occasion des entrées ducales au cours desquelles la ville, par respect, arbore les couleurs de son seigneur, tout en ménageant des équilibres subtils à même de rendre hommage à l’ensemble de la communauté urbaine47. La porte arbore à cette occasion les armes du prince et celles de la ville. Dans le frontispice, destinée à faire œuvre de mémoire, la porte est clairement princière.
18Si la ville est donc entièrement sous domination bourguignonne, l’équilibre urbain est lui aussi tributaire de la « bonne gouvernance princière » dans cette représentation idéale. Un parallèle ouvert avec le tableau de Jan van Eyck, La Vierge au chancelier Rolin(vers 1437), permet de comprendre cette conception sociale de l’espace et surtout cet emboîtement des espaces de pouvoir, clé de la réussite du bon gouvernement. Même si, pour beaucoup d’historiens de l’art, cette œuvre est avant tout un tableau de dévotion, la dimension politique me semble évidente. Certes, le chancelier Rolin est en pleine extase et la Vierge lui apparaît en songe. Mais la représentation du chancelier sur le même plan rend hommage aux fonctions éminentes de ce dernier. Ainsi, le tableau s’ouvre sur l’oratoire d’un des plus hauts dignitaires de la grande principauté de Bourgogne, qui lui-même s’ouvre sur un pont occupé par deux grands bourgeois, eux-mêmes contemplant une ville grouillant d’activités. La perspective est inverse à celle du frontispice, mais elle initie un même regard et une même conception du pouvoir. Une grande principauté gouvernée par le prince et ses plus fidèles conseillers, s’appuyant sur une élite, elle-même coordonnant les efforts de la « masse travailleuse ». La ville est avant tout ce rassemblement d’hommes qui n’existent qu’en interdépendance les uns avec les autres. Elle élabore un espace social où, parallèlement à la répartition des citadins au sein des groupes, les sentiments d’appartenance, d’exclusion, de puissance, de hiérarchies innervent les membres de ce corps dont le prince se voudrait la tête.
Conclusion
19À l’issue de cette démonstration que faut-il retenir ?
20L’image traditionnelle du prince recevant un livre fait de ce dernier un guide éclairé et sage, mais l’image d’une ville épanouie à ses pieds en apporte la preuve. Voilà l’essentiel du message que Philippe le Bon diffuse encore et toujours : message de sa légitimité, de sa bonne autorité et de la nécessaire concorde entre les hommes et entre les groupes sociaux pour la bonne marche, « pour l’honneur et la prospérité » de ses pays. L’éclatement du territoire et la composition artificielle de ce domaine obligent les princes qui le dirigent à convaincre leurs sujets de leur bon droit et à faire que l’histoire ne retienne que le caractère harmonieux et apaisé de cette gouvernance – du moins enlumineurs et écrivains s’y emploient. À ceux qui voudraient rétorquer que l’image n’est qu’une vue esthétisante d’une ville par un enlumineur quelque peu original et dépourvu de tout sens politique, je souhaiterais fournir deux exemples attestant l’existence de cette volonté politique traduite en image à la cour de Bourgogne. Le premier nous est donné par Pascal Schandel48. En août 1446, Philippe le Bon promulgue une ordonnance dans laquelle il rappelle le rôle du conseil et déplore l’absentéisme de ses membres49. C’est l’occasion pour lui d’établir la règle d’un quorum nécessaire à la prise de décision. C’est l’occasion également pour lui de rappeler la nature féodale de son conseil composée essentiellement de membres de la Toison d’or. Quelques mois plus tard, à Bruxelles, où cette ordonnance a été promulguée, Rogier Vander Weyden illustre le frontispice des Chroniques de Hainaut de Jean Wauquelin où, coïncidence, le quorum du conseil séparant les gens de savoir des princes entoure Philippe le Bon recevant son ouvrage. La miniature vient parfaitement et très clairement nourrir les pistes de recherche rassemblées par Jean-Philippe Genet, faisant du domaine symbolique un vecteur de l’idéel, corpus des « représentations qui peuplent l’esprit des individus, à propos de tout (religion, valeurs, relations sociales, rapport au monde)50 ». Dans la principauté de Bourgogne, la logique de domination est d’ordre féodalo-dynastique. Les territoires constituent un domaine lignager dont les parties plus ou moins hétérogènes ne sont réunies que par la présence d’un personnage central et du groupe d’administrateurs et de familiers réunis en sa cour. Lorsque la miniature ouvre le palais sur la ville, elle ne modifie pas ce modèle de domination, elle l’instille dans l’ensemble du tissu urbain.
21Le deuxième exemple nous est offert par la récente étude de Werner Paravicini autour de l’énigmatique parchemin de Montpellier dans lequel se déploie une allégorie du pouvoir et de son équilibre, proposant – elle aussi – à l’œil exercé un véritable programme de gouvernement51. Un homme, parfois assimilé à Charles le Téméraire, tient, sous les armes de Bourgogne, un glaive et un livre sur lequel est écrite la phrase nihil sine me. Il est inspiré par un groupe original de quatre vertus liées à la justice et pose les pieds sur une estrade portant l’inscription consilio, tandis que la Justice en son trône et abreuvée au sang d’un Christ crucifié domine l’ensemble. L’image est certes complexe, non datée, apparemment inachevée (absence du collier de la Toison d’or sur les armes de Bourgogne), mais offre sans doute le programme d’une synthèse politique destinée à orner les tapisseries entourant par exemple Charles le Téméraire lors de ses audiences publiques52. Pour Werner Paravicini, malgré le mystère demeurant autour de cette image, le propos en est clair : « Le prince, appuyé sur le chancelier et son conseil, est par essence justicier […]. En se mettant au service de la Justice, le duc satisfait à l’exigence du Christ qui incite les juges à aimer Justice53. » Si pour ma part, je préfère retenir une lecture dialectique faisant de l’homme barbu une allégorie du peuple civilisé par le droit et le glaive de la justice princière, selon la volonté divine, mais également aidant le prince par son conseil, l’essentiel est de constater la continuité dans la diffusion des programmes politiques bourguignons par l’image, vecteur d’un idéel dont la complexité et l’ambiguïté ne doivent pas faire oublier un effort récurrent dans l’expression de l’abstraction politique.
Notes de bas de page
1 Voir par exemple, Marie Jennequin-Leroy, « Le “portrait” d’auteur au Moyen Âge. Parcours iconographique à travers les miniatures de quelques manuscrits », Interférences littéraires, 2, mai 2009, p. 25-37.
2 C. Beaune, Les manuscrits des rois de France au Moyen Âge. Le miroir du pouvoir, Paris, Bibliothèque de l’image, 1997 ; pour la cour de Bourgogne, se reporter à C. Stroo, De celebratie van de macht. Presentatieminiaturen en anverwante voorstellingen in handschriften van Filips de Goede (1419-1467) en Karel de Stoute (1467-1477), Bruxelles (Verhandelingen van de Koninklijke Vlaamse académie van België voor Wetenschappen en kunsten, nieuwe reeks 7), 2002.
3 Pierre Salmon, Réponse à Charles VI et lamentations, BnF, ms. fr. 23279, fol. 53. Le manuscrit des Chroniques de Hainaut par Jean Wauquelin est conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles (KBR 9242).
4 P. Charron et M. Gil, « Les enlumineurs des manuscrits de David Aubert », dans D. Queruel (dir.), Les manuscrits de David Aubert « escripvain » bourguignon, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne (Cultures et civilisations médiévales, 12), 1999, p. 81-100 ; F. Johan, « Les chroniques et conquestes de Charlemaine », L’art de l’enluminure, 10, 2004, p. 2-19. Ces articles permettent d’accéder à une bibliographie complète sur le sujet.
5 Pour avoir accès à quelques exemples, voir B. Bousmanne, T. Van Hemelryck, C. Van Hoorebeeck, La librairie des ducs de Bourgogne.Manuscrits conservés à la Bibliothèque royale de Belgique, t. 4, Textes littéraires, Turnhout, Brepols, 2009.
6 Sur David Aubert, voir la mise au point dressée dans les différents articles contenus dans Les manuscrits de David Aubert, op. cit., et Pierre Cockshaw, « Aubert (David) », dans Biographie nationale, 37, suppl. 9/1, col. 11-12, 1971.
7 Sur Jean Le Tavernier, la production scientifique est abondante. Voir, par exemple, Dominique Vanwijnsberghe, De fin or et d’azur. Les commanditaires de livres et le métier de l’enluminure à Tournai à la fin du Moyen Âge (xive-xve siècle), Louvain, Peeters, 2001, p. 21-25 ; F. Avril, « Jean Le Tavernier : un nouveau livre d’heures », Revue de l’art, 4/126, 1999, p. 9-22 ; K. Van Hoecke, « De miniaturist Jan de Tavernier en de Oudenaardse schilderkunst in de 15de eeuw », Handelingen van de Geschiedenis en Oudheidkundige Kring van Oudenaarde, Audenarde, 2004, p. 103-218.
8 K. Van Hoecke, « De miniaturist Jan de Tavernier », art. cité.
9 P. Charron et M. Gil, « Les enlumineurs des manuscrits de David Aubert », art. cité.
10 Sur les activités culturelles de ce personnage, voir M. Gil, « Le mécénat littéraire de Jean V de Créquy, conseiller et chambellan de Philippe le Bon », Eulalie. Médiathèques, librairies et lecteurs en Nord-Pas-de-Calais, 1, 1998, p. 69-95.
11 Il faut ici rendre hommage au travail inédit de Pascal Schandel qui, le premier, a identifié ces personnages. P. Schandel, Scènes de présentation et images de dédicace à la cour de Bourgogne, mémoire de maîtrise dirigé par A. Châtelet, université de Strasbourg, 1990.
12 Barthélemy l’Anglais, De proprietatibus rerum (trad. par Jean Corbichon), Flandre, 3e quart du xve siècle, BnF, ms. fr. 134, fol. 1. Accessible sur le site Mandragore de la BnF.
13 Quinte Curce, Historiae Alexandri Magni (trad. par Vasque de Lucène), Flandre 3e quart du xve siècle, BnF, ms. fr. 47, fol. 14. Visible également sur le site Mandragore.
14 Tite-Live, Ab urbe condita (trad. par Pierre Bersuire), Paris, 1er quart du xve siècle, BnF, ms. fr. 260, fol. 12. Visible sur le site Mandragore.
15 Saint Augustin, De Civitate Dei, Pays-Bas méridionaux, 1462, Bibliothèque royale de Bruxelles, ms. 9014, fol. 2.
16 Brunetto Latini, Li Livres dou Tresor, Rouen, entre 1460 et 1470, Bibliothèque de Genève, ms. fr. 160, fol. 82, détail.
17 Pierre Salmon, Réponses à Charles VI et lamentations, BnF, ms. fr. 23279, fol. 53.
18 C. Beaune, Les manuscrits des rois de France, op. cit., p. 25.
19 Ce rapprochement entre les deux images a été effectué par François Avril dans une note de bas de page où il rappelle que le manuscrit de Pierre Salmon était présent dans la bibliothèque de Bourgogne et donc visible de Jean Le Tavernier. F. Avril, « Jean Le Tavernier : un nouveau livre d’heures », Revue de l’Art, 126, 1999, p. 9-22, note 34. Je remercie Hanno Wijsman pour la discussion que nous avons eue autour de cette enluminure à cette occasion.
20 Sur ces procédés mnémotechniques, voir l’étude de F. Yates, L’art de la mémoire, trad. D. Arasse, Paris, Gallimard, 1975. Je remercie Anne-Marie Legaré pour la référence de cet ouvrage.
21 On trouvera de nombreux exemples dans l’ouvrage de F. Yates (chapitre 4), notamment la Summa de exemplis ac similitudinibus rerum de Giovanni di San Gimignano, rédigé à l’articulation des xiiie et xive siècles, ou le Trattato della memoria artificiale, s’appuyant sur une traduction italienne de l’Ad Herrenium cicéronien, réalisée sans doute par Bono Giamboni au xiiie siècle.
22 Le texte en question est celui de J. Romberch, Congestorium artificiosae memoriae, Venise, Georgii de Rusconibus, 1520. Il y exploite la synthèse opérée par saint Thomas d’Aquin entre les réflexions de Cicéron et d’Aristote.
23 On pourra en avoir une idée en parcourant les articles de Hanno Wijsman, « Images de la ville et urbanité des images. Quelques réflexions sur la représentation de l’espace urbain et la fonction des œuvres d’art aux Pays-Bas bourguignons », dans É. Crouzet-Pavan, É. Lecuppre-Desjardin, Villes de Flandre et d’Italie (xiiie-xive siècle). Les enseignements d’une comparaison, Turnhout, Brepols, 2008, p. 247-258 ; et Peter Stabel, « Social Reality and Artistic Image: The Urban Experience in the Late Medieval Low Countries. Some Introductory Remarks on the Occasion of a Colloquium », dans M. Carlier et al., Hart en marge in de laat-middeleeuwse stedelijke maatschappij/Core and Periphery in Late Medieval Urban History/Cœur et marge dans la société urbaine au bas Moyen Âge, Louvain/Apeldoorn, Garant, 1997, p. 11-31.
24 Une étude sur l’état dégradé des villes à la veille de l’arrivée du prince : É. Lecuppre-Desjardin, « Grote Schoonmaak in de stad. De sanering, beveiling en ruimtelijke inrichting van de stad naar aandleiding van vorstelijke plechtigheden in de Bourgondische Nederlanden (14e-15e eeuw) », Jaarboek voor Ecologische Geschiedenis, 2002, p. 19-35.
25 Voir Jacques Heers (éd.), Fortifications, portes de villes, places publiques dans le monde méditerranéen, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1985.
26 Pour des exemples précis, voir É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies. Essai sur la communication politique dans les anciens Pays-Bas bourguignons, Turnhout, Brepols, 2004, p. 239-241.
27 B. Bedos-Rezak, « Du modèle à l’image : les signes de l’identité urbaine au Moyen Âge », dans M. Boone, É. Lecuppre-Desjardin, J.-P. Sosson (éd.), Le verbe, l’image et les représentations de la société urbaine au Moyen Âge, Louvain/Apeldoorn, Garant, 2002, p. 189-205.
28 É. Lecuppre-Desjardin, « Des pouvoirs inscrits dans la pierre ? Essai sur l’édilité urbaine dans les anciens Pays-Bas bourguignons au xve siècle », Memini. Travaux et documents, 7, 2003, p. 7-35. Voir également B. Schnerb, « La politique des ducs de Bourgogne en matière de fortifications urbaines (1363-1419) », dans G. Blieck et al., Les enceintes urbaines (xiiie-xvie siècle), Paris, CTHS, 1999, p. 345-352.
29 É. Lecuppre-Desjardin, « Grote Schoonmaak », art. cité.
30 Une réflexion autour de la symbolique du beffroi : R. Van Uytven, « Flämische Belfriede und südniederländische städtische Bauwerke im Mittelalter: Symbol und Mythos », dans Information, Kommunikation und Selbstdarstellung in Mittelalterlichen Gemeinden. Schriften des Historischen Kollegs. Kolloquien 40. Herausgegeben von Alfred Haverkamp, Munich, 1998, p. 125-159.
31 M. Boone, « Les ducs, les villes et l’argent des contribuables. Le rêve d’un impôt princier permanent en Flandre à l’époque bourguignonne », dans P. Contamine, J. Kerhervé, A. Rigaudière (dir.), L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélèvement seigneurial fin xiie-début xvie siècle, t. 2, Les espaces fiscaux, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, p. 323-341.
32 Une étude lumineuse sur la représentation des costumes dans cette miniature et l’expression des temporalités : Anne Hagopian Van Buren, « Le sens de l’histoire dans les manuscrits du xve siècle », dans M. Ornato, N. Pons (éd.), Pratiques de la culture écrite en France au xve siècle, Louvain-la-Neuve, Fédération internationale des instituts d’études médiévales, 1995, p. 515-525.
33 Maryan W. Ainsworth (éd.), Petrus Christus in Renaissance Bruges. An Interdisciplinary Approach, New York, Metreopolitan Museum of Art, 1995.
34 Danièle Alexandre-Bidon, « Aux portes de la ville : les hommes de l’argile au Moyen Âge (xiiie-xve siècle) », dans M. Boone, É. Lecuppre-Desjardin, J.-P. Sosson (éd.), Le verbe, l’image et les représentations…, op. cit., p. 161-174.
35 Sur les activités professionnelles des femmes, voir M. Daneel, Weduwen en wezen in het laat-middeleeuwse Gent, Louvain, Garant, 1995 ; P. Stabel, « Women at the Market. Gender and Retail in the Towns of Late Medieval Flanders », dans W. Blockmans, M. Boone, T. de Hemptinne (éd.), Secretum Scriptorum. Liber Amicorum Walter Prevenier, Louvain/Apeldoorn, Garant, 1999, p. 259-276.
36 Certes, le rôle des ordres mendiants n’a pas encore été clairement dégagé, les sources étant extrêmement lacunaires. Voir W. Simons, « Dieu, li premierz, plus anchiens et souverains bourgois de tous. Sur la place de la religion dans les villes flamandes (xiiie-xve siècle) », dans É. Crouzet-Pavan, É. Lecuppre-Desjardin, Villes de Flandre et d’Italie…, op. cit., p. 77-103.
37 Sur les hôtels des princes de Bourgogne, la littérature est abondante, voir l’introduction et l’édition des ordonnances de Philippe le Bon, dans Holger Kruse, Werner Paravicini (éd.), Die Hofordnungen der herzöge von Burgund, t. 1, Herzog Philpp der Gute (1407-1467), Ostfildern, Thorbecke, 2005.
38 Voir É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies, op. cit., p. 36 et suiv.
39 Alain Derville, « Pots-de-vin, cadeaux, racket, patronage, essai sur les mécanismes de décision dans l’État bourguignon », Revue du Nord, 56, juillet-septembre 1974, p. 341-364 ; Wim Blockmans, « Corruptie, patronage, makelaardij en venaliteit als symptomen van een ontluikende staatsvorming in de Bourgondish – Habsburgse nederlanden », Tijdschrift voor Sociale Geschiedenis, 11, 1985, p. 231-247 ; Marc Boone, « Dons et pots-de-vin, aspects de la sociabilité urbaine au bas Moyen Âge. Le cas gantois pendant la période bourguignonne », Revue du Nord, 278, juillet-septembre 1988, p. 471-487 ; Werner Paravicini, Invitations au mariage. Pratique sociale, abus de pouvoir, intérêt de l’État à la cour de Bourgogne (1399-1489), Stuttgart, J. Thorbecke, 2001. On remarquera au passage l’évolution du vocabulaire, le terme de « racket » étant fort heureusement délaissé au profit de réflexions sur les usages sociaux de l’époque.
40 Chiara Frugoni, Una lontana città. Sentimenti e immagini nel Medioevo, Turin, G. Einaudi, 1983. Patrick Boucheron, « Tournez les yeux pour admirer, vous qui exercez le pouvoir, celle qui est peinte ici. La fresque dite du bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti », Annales. Histoire, sciences sociales, 6, 2005, p. 1137-1199.
41 Les statistiques rassemblées par Hans Cools montrent que les territoires des Pays-Bas auraient compté environ trois nobles pour mille habitants au xve siècle – la châtellenie de Lille constituant une exception avec un chiffre de 1,1 % (Hans Cools, « Le prince et la noblesse dans la châtellenie de Lille à la fin du xve siècle : un exemple de la plus grande emprise de l’État sur les élites locales ? », Revue du Nord, 310, avril-juin 1995, p. 387-406). Sur la présence de la noblesse en ville, voir Thierry Dutour (éd.), Les nobles et la ville dans l’espace francophone (xiie-xvie siècle), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2010.
42 Voir la synthèse de M. Boone, À la recherche d’une modernité civique. La société urbaine des anciens Pays-Bas au bas Moyen Âge, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2010, chapitre 1, p. 29-56.
43 Voir Sophie Schneelbag-Perelman, La tapisserie des Pays-Bas sous les ducs de Bourgogne, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 2003.
44 Exemples précis dans le mémoire de master 2 de C. Bouazza, La politique édilitaire à Lille dans la seconde moitié du xve siècle,dirigé par Patrice Beck et Élodie Lecuppre-Desjardin, Lille 3, 2010.
45 Michael Camille, « Signs of the City. Place, Power and Public Fantasy in Medieval Paris », dans B. A. Hanawalt, M. Kobialka (éd.), Medieval Practices of Space, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2000, p. 1-36 ; id., « Signs on Medieval Street Corners », dans G. Jaritz (éd.), Die Strasse. Zur Funktion und Perzeption öffentlichen Raums im späten Mittelalter, Vienne, Verl. der Österreichischen Akad. der Wiss., 2001, p. 91-117.
46 Sur la tradition des révoltes dans les Pays-Bas, la bibliographie est encore une fois pléthorique, voir la synthèse et les références utiles dans M. Boone, À la recherche d’une modernité civique, op. cit., chapitre 2, p. 57-78.
47 Voir É. Lecuppre-Desjardin, La ville des cérémonies, op. cit., passim, et, pour un exemple précis, celui de l’entrée ducale à Gand en 1458, É. Lecuppre-Desjardin, « Parcours festifs et enjeux de pouvoirs dans les Pays-Bas bourguignons », Histoire urbaine, 9, avril 2004, p. 29-45.
48 P. Schandel, Scènes de présentation…, op. cit., p. 85-93. L’auteur montre comment les modifications du conseil sont « consignées » dans les frontispices des ouvrages réalisés pendant ces années de remaniement.
49 Dans l’ordonnance du 6 août 1446, Philippe le Bon expose les tâches du conseil et déplore l’absence trop fréquente des conseillers : « […] et combien que par ci-devant ayons eu et avons encoires de présent grant nombre de conseillers de nostre retenue, tant maistres de noz requestes que autres gens notables et de grant discrétion, toutevoyes les plusieurs d’eulx ont este et sont souvent absens, occupez en leurs affaires et autrement, par quoy est advenu souventes fois que noz affaires ne se sont pas si bien conduis ne si seurement que la chose le requéroit et besoing estoit » (éd. par L. P. Gachard dans Annalectes historiques. Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 3e sér., 12, 1871, p. 141-147).
50 Pour un rappel de l’évolution de ce questionnaire concernant l’imaginaire et la symbolique en politique, voir récemment Jean-Philippe Genet, « Image, représentation et communication politique », dans P. Hoppenbrouwers, A. Janse, R. Stein (éd.), Power and Persuasion. Essays on the Art of State Building in Honour of W. P. Blockmans, Turnhout, Brepols, 2010, p. 275-289.
51 Werner Paravicini, « Le parchemin de Montpellier, une image troublante du règne de Charles le Téméraire », Journal des savants, 2, 2010, p. 307-369.
52 C’est là une hypothèse parmi d’autres de Werner Paravicini à laquelle j’adhère.
53 Ibid., p. 337.
Auteur
Université Lille 3 – IRHiS
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