Première partie. Le sceau et la geôle
p. 93-94
Texte intégral
1Le phénomène étudié ici, la diffusion de la contrainte par corps dans les L geôles royales au xve siècle, est contemporain de l’émergence des archives sur lesquelles nous nous appuyons. Dès la fin du xive siècle, quand se multi plient les archives judiciaires civiles parisiennes, la prison pour dette semble déjà fréquente et bien réglée dans son fonctionnement. Les archives du Parlement attestent sa pratique à Paris et ailleurs dans la seconde moitié du xive siècle, comme Pierre Timbal l’avait relevé1. Au xve siècle, sa pratique était fréquente, d’après les archives civiles et les archives des écrous de la prévôté qui nous sont parvenues. Il faut donc chercher ce qui a rendu possible cette diffusion au xve siècle. L’évolution de la législation royale en la matière au tournant des xiiie et xive siècles nous reporte à la mise en place, au cours du xiiie siècle, d’une institution qui requérait l’exercice d’une contrainte sur les débiteurs : la juridiction gracieuse royale, dont la diffusion commença précisément à Paris.
2L’exercice de la contrainte par corps par le Châtelet de Paris, à l’époque où les archives permettent de l’appréhender, c’est-à-dire au xve siècle, était la résultante de trois procédures majeures : l’incarcération de débiteurs du roi ou d’officiers royaux, l’incarcération de débiteurs qui s’étaient « obligés corps et biens » envers des créanciers privés sous le sceau du Châtelet, l’incarcération de débiteurs de créanciers privés qui avaient été condamnés à tenir prison par le prévôt de Paris. Dans les trois cas, les geôles royales du Châtelet ne devaient sanctionner que des dettes qui concernaient, peu ou prou, le roi, qu’il en ait été le créancier direct ou bien qu’il leur ait conféré leur valeur juridique. C’est l’aboutissement d’une évolution qui a vu le roi accepter de traiter les créances validées par ses sceaux à l’image de ses propres créances et de contraindre les débiteurs de créanciers privés de la même manière que ses propres débiteurs. L’établissement progressif de ce principe va être ici retracé : l’application de la prison royale pour les dettes passées sous sceau royal. Sceau de juridiction et prison pour dette allèrent de pair en ces siècles finaux du Moyen Âge et doivent être considérés comme les deux versants d’une forme d’encadrement royal, qui était d’abord un prélèvement royal sur les contrats économiques privés.
Notes de bas de page
1 Les exemples parisiens les plus anciens cités par Pierre Timbal datent de 1361, 1375 et 1377, Les obligations contractuelles d’après la jurisprudence du Parlement, t. II, p. 108-111.
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