Les conventions démonstratives et leurs limites
p. 13-25
Texte intégral
1Le phénomène eie l’indexicalité renvoie à une dimension fondamentale de l’ancrage de nos énoncés dans le monde.
2C’est un fait bien connu, thématisé par Frege par exemple après bien d’autres, epe, dans de nombreux cas, « la simple lettre (der bloße Wortlaut), qui peut être fixée par l’écriture et le phonographe, ne suffit pas à l’expression de la pensée »1. Il est nécessaire d’ajouter au sens explicitement articulé par la proposition des éléments d’information contextuelle afin d’obtenir la pleine pensée véhiculée par l’énoncé tel qu’il est produit dans son contexte. Il faut rappeler epe, ici, « pensée » veut dire : « ce qui peut être vrai ou faux », le porteur de la valeur de vérité. Cette analyse établit donc un lien constitutif entre indexicalité et évaluation sémantiepe. L’indexicalité, c’est-à-dire la complémentation de l’information communiquée verbalement par une certaine information contextuelle à laquelle les formes linguistiques renvoient comme telle, rend seulement accessible des contenus de vérité. L’indexicalité n’a de sens que de contribuer à construire cette prise référentielle qui est nécessaire pour jouer au jeu de la vérité.
3Sans doute le pas ultérieur dans l’analyse est-il celui qui consiste à soutenir que plutôt que condition d’accessibilité de certains contenus, l’indexicalité en est la condition de possibilité – c’est-à-dire que ceux-ci n’ont pas de sens indépendamment d’elle. Une forme extrême d’une telle position affirmera que c’est le cas de tout contenu : il n’y a pas de « contenu », c’est-à-dire d’entité évaluable en termes de « vrai » et de « faux » (quelle que soit la nature que nous devions, en définitive, attribuer à de telles entités2), qui ne comporte, intrinsèquement, une détermination indexicale.
4En un certain sens, c’est là un trait saillant de la théorie de la vérité proposée par John Langshaw Austin dans sa fameuse conférence « Truth »(1950). Pour Austin, ce qui est vrai ou faux, « l’énoncé » (statement), ne l’est jamais que relativement à une certaine « situation historique ». Or, la détermination de cette situation historique à laquelle l’énoncé se réfère n’est possible qu’en contexte, en considérant l’énoncé tel qu’il est produit (made) dans une certaine situation d’en on dation. Le problème posé est donc dès lors le suivant : comment, à partir de la situation d’énonciation (celle dans laquelle le locuteur est pris, et dont son acte linguistique est un aspect), déterminer la situation de référence – celle sur laquelle l’énoncé en question devra être évalué ?
5La réponse d’Austin est parfaitement claire : une telle détermination ne peut résulter que de la mise en œuvre de certaines conventions. Il faudra donc, à côté des conventions qui déterminent la conformité ou non de la situation de référence au descriptif qui en est donné par l’énoncé, en reconnaître d’autres, qui sont tout autant que les premières des conditions de possibilité de l’énoncé comme énoncé : des conventions qui déterminent la référence même de l’énoncé, en tenant compte de la situation dans laquelle il est produit, à une « situation de référence » définie, individualisée.
6Austin appelle les conventions de ce second type « conventions démonstratives ». Les « conventions descriptives » « mettent les mots (= phrases, sentences) en relation avec les types de situations, choses, événements, etc., rencontrés dans le monde ». Les « conventions démonstratives » « mettent les mots (– énoncés, statements) en relation avec les situations historiques, etc., rencontrées dans le monde »3.
7« On dit d’un énoncé qu’il est vrai quand l’état de choses historique auquel le relient les conventions démonstratives (celui auquel il « fait référence ») est du même type que celui auquel les conventions descriptives relient la phrase utilisée pour produire cet énoncé. »4
8On remarquera l’espèce de priorité qui semble, dès lors, être donnée aux conventions démonstratives. Tout se passe comme si devait d’abord être désigné de façon non équivoque ce qui est effectivement décrit par l’énoncé tel qu’il est produit en contexte pour que devienne évaluable le descriptif que le même énoncé en propose. On trouve ici, en un sens, la réponse austinienne à un vieux problème tractâtuséen. Une des difficultés inhérentes à l’analyse des énoncés faux est qu’il semble impossible de comprendre de quoi ils sont faux : du monde en général ? ou bien : de rien du tout, au sens où ils ne réfèrent pas (c’est précisément ce qui les qualifierait comme faux) ? Wittgenstein, dans le Tractatus, a essayé de résoudre cette difficulté par la théorie de l’Abbildung : une proposition n’est fausse que dans la mesure où elle représente bien quelque chose, où il y a bien un rapport entre le fait qu’elle est et un autre fait ; cependant, elle peut représenter ce fait correctement ou incorrectement : il y a des images fausses comme des images vraies. La relation représentative de la proposition à un fait apparaît donc comme une condition autant de sa fausseté que de sa vérité. Austin ajoute une condition sur une telle relation, en suggérant que ce que l’énoncé (qui est le véritable porteur de la vérité ou de la fausseté) décrit correctement ou incorrectement (comme le fait la proposition chez le premier Wittgenstein) lui est donné sur un mode déictique, par la mise en œuvre des conventions démonstratives qui sont constitutives de sa façon de référer. Ainsi s’explique la disponibilité du fait comme objet de vérités et/ou de faussetés, une fois passé sur le terrain de renonciation réelle. La deixis nous offre ce dont nous parlons.
9Le point important est qu’elle le fasse suivant des conventions. On pourrait en effet être tenté d’opposer au caractère hautement conventionnel de la prise descriptive exercée par nos énoncés sur le réel qu’ils représentent – les conventions descriptives déterminant exactement comment ces énoncés représentent ce réel – l’immédiateté d’une déixis qui serait pure ostensión dudit réel représenté – la fixation de la cible de la représentation relevant alors d’un acte de sélection apparemment arbitraire et sans règle. C’est à cette absence apparente de règle que semble se référer le tueur lorsque, dans No Country for Old M’en (Joël et Ethan Coen, 2007) il dit à l’une de ses victimes : Now is not a time.
10Le tueur a demandé à sa victime quand elle ferme le magasin. L’usage du simple presentan anglais ne laisse aucun doute ; ce qui est attendu, c’est une règle : quand, en général, ferme-t-il le magasin ? En ce sens, now ne répond pas à la question, car aucune règle n’y semble comprise ; c’est comme un morceau de factualité brute qui se détache là : maintenant je suis en train de fermer le magasin.
11Que la façon dont le « maintenant » capture une situation comme celle dont il est question dans renoncé (est-il vrai que maintenant je ferme le magasin ou non ?) ne soit pas sans règle, c’est ce qui apparaît pourtant clairement du fait que d’autres usages du « maintenant » sont possibles, selon lesquels la référence à un temps particulier comme étant celui désigné par le maintenant requiert ostensiblement une construction et est donc de toute évidence constructible.
12François Récanati a pu remettre en question la qualité de véritable indexical de now5, en soulignant l’usage narratif de cet adverbe, dans lequel il signifie : « à ce moment-là », et renvoie au présent du récit (et non à celui du locuteur). Comme le dit le dictionnaire d’Oxford, now signifie alors : at the time spoken of or referred to. Un tel usage n’est nullement étranger au français, comme le prouve, par exemple, cette phrase de Zola dans Germinal : « Maintenant les chemins devenaient obscurs, on ne distinguait plus cette foule en marche. »
13L’adverbe supposé indexical devient alors un opérateur de construction d’une perspective, qui, comme telle, ne peut s’effectuer que suivant une règle hautement conventionnelle – à telle enseigne qu’elle est applicable sans difficulté par n’importe quel lecteur suffisamment accoutumé aux conventions propres à ce qu’on appelle « récit ». La grammaire prend ainsi le pas sur la présence.
14Ce caractère hautement couvent ion alise du fonctionnement de termes supposés indexicaux rend aussi bien compte de certains usages apparemment contre-intuitifs de ces termes, tel celui analysé par Stefano Predelli6, du I am not here now de la voix sur le répondeur ou du billet laissé sur la porte. Un tel usage disqualifie certainement un candidat possible en ce qui concerne la convention norniant l’emploi de here, à savoir celle selon laquelle here renverrait au « lieu où se trouve le locuteur ». Pourtant, ce rejet, il fout le remarquer, ne signifie nullement le saut dans l’absence pure et simple de convention. De toute évidence il yen a une ici : celle suivant laquelle « ici » renvoie au point d’inscription de l’énoncé dans son détachement même par rapport au locuteur.
15En même temps, la couvent ion alité de cet usage dérivé, rendue manifeste par son caractère transposable et constructible ad libitum, met par contraste en lumière celle de l’usage de départ même, dont il se distingue et à partir duquel il se définit. L’erreur serait en effet de croire que ne serait conventionnel que l’usage qu’on pourrait qualifier de formulaire, déconnecté de la présence du locuteur : l’instrumentation de la présence réelle de celui-ci dans l’usage standard de l’ici l’est tout autant.
16La caractéristique de cet horizon de couvent ion alité, c’est que, contrairement à celui dans lequel se déploient les conventions descriptives, il a trait au couplage des énoncés (statements) comme tels avec les situations qu’ils concernent (auxquels ils « réfèrent »). L’implication des énoncés en tant epe tels y est donc irréductible. Il ne s’agit pas ici simplement d’expressions détachées, pourvues d’une valeur descriptive ou autre, mais de ce qui est effectivement dit. Les conventions démonstratives renvoient un dit (de la détermination duquel fait nécessairement partie le fait qu’il soit dit à un certain genre d’occasion) à une certaine situation, qui est ce qui est en question en lui. Cet enracinement n’exclut pas la conventionalité. Il en est absolument indissociable, puisqu’il est éminemment typique : la référence au statement nous porte en effet au niveau du type, et non de la simple utterance.
17De ce point de vue, je ne peux partager jusqu’au bout l’analyse proposée par François Récanati, dépendante d’une tradition qu’on peut faire remonter à Grice et Strawson7. Dans sa stimulante étude « Are “here” and “now” indexicals ? », le philosophe français met en lumière le caractère de ce qu’il appelle « intentionnels » de here and now, qui, en conséquence, selon lui, ne seraient pas des indexicaux. Si « intentionnel » désigne, suivant l’explication fournie, tout terme tel que, pour déterminer sa référence, il faut faire appel aux intentions du locuteur, alors certainement « ici » et « maintenant » relèvent de cette catégorie. Il est à vrai dire cependant douteux qu’aucun terme échappe vraiment à une telle catégorie, à partir du moment où le bon niveau d’analyse n’est pas celui des termes mais celui des statements, et où l’analyse des premiers doit être subordonnée à celle des seconds et replacée dans la perspective de celle-ci. Car y a-t-il jamais un énoncé (statement) qui soit absolument indépendant des intentions du locuteur ? Un énoncé est, fondamentalement, ce qui est vrai ou faux, parce qu’il est ce ce à quoi, comme tel, les faits correspondent ou non. Or, la découverte essentielle d’Austin est qu’il est constitutif de cette correspondance de s’effectuer « de différentes manières, en différentes circonstances, selon différentes intentions ou différents desseins (in different ways on different occasions for different intent and purposes) »8. On ne peut donc purger entièrement le fonctionnement des énoncés d’un facteur intentionnel.
18Cependant, il n’y a rien d’évident à ce que cette intent ion alité qu’invoque donc Austin lui–même soit le contraire de la conventionalité. A quoi renvoie-t-elle, en effet, si ce n’est à la nécessaire application des conventions et au fait que, dans la mise en œuvre de celles-ci, une certaine forme d’intentionalité est toujours requise ? Les conventions n’existent, en règle générale, que pour faire quelque chose. Et on ne fait rien – en un certain sens du faire, en tout cas : celui de l’action au sens large du terme9 – sans « intention ».
19En vérité, il nous semble que le lieu commun de l’opposition entre intention et convention qui traverse une certaine philosophie contemporaine du langage s’entretient d’une conception tout à fait erronée de ce que devrait être une « convention » : comme si celle-ci se devait de tout résoudre par elle-même. Au contraire, il paraît constitutif de toute convention, dans sa définitude, qu’elle ne puisse tout fixer, et donc qu’elle ne prenne corps que dans un usage, où interviennent certaines intentions.
20De ce point de vue, un argument mobilisé par la conception qu’on pourrait qualifier d’intentionaliste (en tant qu’anti-conventionaliste) des indexicaux nous paraît très faible : il s’agit de celui du vague, ou de l’indétermination relative de l’application desdits indexicaux.
21Un problème affecte la référence des déictiques en général, à savoir celui de leur portée. Comme le remarque Bühler, le « maintenant » « tout aussi peu que l’ici n’a besoin d’être pensé comme un point sans extension (un point mathématique), comme une limite au sens strict du terme, mais peut, selon le ’plus-maintenant“ qui y est co-pensé, revêtir une extension soit relativement petite, soit même arbitrairement grande. Ainsi qu’un fervent chrétien dit ici, et y inclut tout l’ici-bas (la surface terrestre et même plus encore), quelqu’un qui raisonne à l’échelle des temps géologiques peut inclure dans un ”maintenant“ toute la période qui suit le dernier âge glaciaire »10.
22En réalité, dire que « ici » renvoie au lieu où se trouve le locuteur, et « maintenant » au temps de sa parole, ne suffit nullement à déterminer la référence respective de ces termes. Cela ne veut pas dire que ces conventions soient inadéquates (comme dans les usages dérivés que nous avons considérés précédemment, où d’autres conventions sont établies, par distorsion de celles-ci : par exemple « ici » désignerait désormais le point de l’émission, celle-ci se voyant, par un dispositif ou un autre, détachée du locuteur), mais simplement qu’il reste à les appliquer, et que, comme en toute application, il y a, précisément, un problème d’échelle.
23Maintenant, l’erreur serait de penser que ce problème nous renvoie au fait d’une intentionalité pure, comme si la question était tranchée par un choix arbitraire du locuteur. Évidemment, dans la détermination d’un usage (« ici » est ma cuisine) par opposition à un autre (« ici » est Paris), une intention est nécessairement partie prenante. Cependant, cela ne peut pas être n’importe quelle intention. Il fout bien que celle-ci réponde à une certaine forme de typicité – à telle enseigne qu’aucun des usages précédemment mentionnés ne nous surprend vraiment. Cette typicité est tout simplement celle de l’ajustement de certaines conventions données à certains contextes, eux-mêmes typiques : ainsi l’usage qu’on pourrait qualifier de « religieux » de « ici » pour désigner « l’ici-bas » est-il fortement typique. Le pouvoir d’initiative du sujet semble ici, comme en matière linguistique en général, fortement limité.
24L’intention, en d’autres termes, ne surgit en aucun cas hors conventions, mais plutôt précisément au point où il s’agit d’appliquer celles-ci, comme l’envers de l’ordre conventionnel, et ce qui ne peut se penser indépendamment de lui.
25De ce caractère fondamentalement conventionnel des indexicaux, il faudra avancer paradoxalement pour preuve leur fragilité, car ce n’est pas le moindre mérite de la philosophie d’Austin que d’avoir mis en évidence le caractère présuppositionnel (et donc dépendant du contexte en un sens très radical) de la définition du champ de toute convention.
26En ce sens, il y a comme une forme d’évidence trompeuse de la deixis qui porte une certaine analyse à la traiter comme intention alité pure11. Comme s’il suffisait de vouloir désigner pour désigner.
27Là-contre, un premier type d’analyse, sans doute beaucoup trop sommaire, fera valoir d’abord une exigence de réfèrentialité – c’est-à-dire de réfèrentialité réalisée : de l’existence d’un réfèrent. Il faudrait placer les termes déictiques sous le signe d’une fondamentale object-dependence12.
28Quelle que soit la fécondité d’un tel point de vue, qui met bien en lumière comment la référence de certains termes, comme les démonstratifs, dans ce qui pourrait passer pour leur usage canonique, se nourrit pour ainsi dire de l’objet donné13, il est évident qu’il ne rend pas compte de tous les usages de ces mêmes termes. On ne peut purement et simplement disqualifier l’usage « vide », au sens de Kaplan, des démonstratifs. Il est possible qu’un tel usage ne puisse s’entendre que comme un usage dérivé, qui présuppose en un sens ce que nous avons appelé usage canonique (= référentiel), et ne se construit que par rapport à lui. Cela ne gomme en rien sa spécificité. La deixis du poignard de la vision d’Hamlet est bien une véritable deixis.
29Plus importante – même si non sans rapport, suivant un critère fameux avancé par Quine14, mais sans doute faut-il assouplir ce critère – nous paraîtra une condition d’identité. Quel sens, en effet, conserverait une deixis dont l’objet serait problématique quant à son identification ?
30Par exemple, quel sens y a-t-il à désigner une molécule d’un corps à l’état gazeux qui passerait d’un contenant à un autre, comme « cette molécule » ? La théorie cinétique des gaz nous dit que nous n’avons de prise sur ce passage que statistique, et non individuelle : ce que nous pouvons en dire n’a jamais trait à cette molécule. Une telle identité n’est, pour ainsi dire, pas théoriquement disponible. Cela n’a pas de sens, dans ce cas, de « suivre à la trace » une molécule, selon ce qui, d’après Evans, est la condition épistémique même de fonctionnement du démonstratif.
31Cet exemple fait ressortir la conditionnalité de la prise démonstrative, qui, suivant la convention propre qu’elle met en œuvre15, présuppose que certaines conditions épistémico-ontologiques soient remplies.
32Or, ce qui est intéressant, c’est qu’évidemment, comme toujours là où une convention est impliquée, la question de savoir si les conditions qu’elle requiert sont satisfaites ou non ne va pas sans « bougé », semble éminemment contextuelle : elle suppose une forme de jurisprudence, d’expertise quant à la juste mesure de la situation.
33Pour reprendre un exemple que j’ai déjà utilisé ailleurs16, si je désigne une bille de pachinko17 en pleine course au milieu de ses sœurs comme « cette » bille, il y a de grandes chances que ma référence soit dépourvue de sens. Le présent cas est pourtant fondamentalement différent de celui emprunté à la cinétique des gaz, auquel il ressemble superficiellement. En effet, épistémologiquement, cela n’a strictement aucun sens de se référer à l’identité d’une molécule passant d’un contenant à un autre en contexte de vive agitation thermique car une telle identité en tant qu’objet (entendez par là : objet théorique) n’existe purement et simplement pas. Le passage à la microphysique modifie les termes de ce que nous appelons identité. Au contraire, il est évident que fait partie de la notion d’une bille de pachinko qu’elle soit pourvue d’une certaine forme d’identité relativement forte : celle que nous prêtons, précisément, aux objets mésoscopiques. Cela veut dire que ce n’est pas parce que, compte tenu du bornage (et non des limites a priori) de mes capacités cognitives, je ne suis pas capable de garder une prise sur cette identité qu’elle ne demeure pas ce qu’elle est. Dès lors, on pourrait être tenté de dire que là où je dis « cette bille », je peux, le temps de le dire, être devenu incapable de préciser le réfèrent de ma deixis, ou bien déjà me tromper sur celui-ci, une bille ayant remplacé une autre, mais ce n’est pas pour cela que cette déixis, dans son intention initiale, n’en a pas un, et un parfaitement déterminé – mon ignorance quant au réfèrent ne supprime pas celui-ci.
34Pourtant, y a-t-il réellement un sens à utiliser un démonstratif dans des conditions où il est évident qu’il n’y a aucun moyen de démêler ce à quoi il renvoie, parce qu’il serait référé à une réalité pourvue épistémiquement d’une certaine qualité d’inextricabilité ? L’adoption du point de vue de la communication conduit vraiment à en douter – nous éprouvons souvent, dans ce genre de situations, un sentiment d’échec radical du démonstratif.
35En même temps, le problème est plus complexe, et c’est là que la question du caractère contextuel de la pertinence de la convention ressurgit. En effet, ce qui n’a pas de sens pour moi lâchant une poignée de billes dans la frénésie du jeu peut tout à fait en avoir un pour le réparateur de pachinko effectuant des tests. Dans un autre contexte, la référence démonstrative à cette bille deviendra possible, et parfaitement pertinente – ce qui veut dire qu’y compris l'erreur y ayant trait prendra un sens, sens qu’elle n’a pas dans la situation « confuse ».
36De ce point de vue, on remarque que les méandres de la réalité peuvent aussi bien la faire échapper à une convention là où on pourrait croire séjourner dans son champ d’application légitime, qu’au contraire l’y reconduire là où on ne l’attendrait pas. Le réel a décidément des façons surprenantes y compris de permettre une prise sur lui. Par exemple, dans le clip de la chanson de George Michael, As, on voit une légion de George Michael dansant à l’écran, mais on pourrait douter que cela ait un sens de se référer à aucun d’entre eux comme à « celui-ci » : ne sont-ce pas des images de synthèse qui ne sont adossées à la continuité d’aucun objet physique ? A cela, il faudra répondre premièrement qu’un certain sens, scénique, de la référence continuée peut néanmoins alors être construit strictement dans l’espace logique du clip – donc indépendamment de la continuité de tout réfèrent externe effectivement donné. D’autre part, deuxièmement, il se trouve que, pour au moins un des danseurs, ce n’est pas vrai : suivant la technique de clonage d’images employée, il va en effet, dans la scène, une prise de vue effective ; donc, dans l’un des cas – mais lequel ? « Lequel est le vrai ? », comme demandent les enfants – au moins, cela a un sens de se référer au personnage en faisant fond sur l’identité d’un réfèrent réel.
37On peut très bien imaginer des scénarios plus compliqués, où il n’est plus évident du tout de savoir si une convention donnée au départ peut s’appliquer ou non – elle n’a pas été faite pour cela, mais pas non plus réellement de façon à l’exclure. Ces cas conduisent tout simplement à la nécessaire redéfinition de la convention donnée au départ – une redéfinition toujours possible en droit, cela fait partie de la notion même de convention.
38Le film de Christopher Nolan, The Prestige (2006), tiré du roman de Christopher Priest, fournira la trame d’un tel exemple sophistiqué. Dans le film, le magicien Angier, dans son numéro « L’homme transporté », tous les soirs se fait disparaître sur scène et réapparaît au balcon. En réalité, il utilise une machine futuriste conçue par Tesi a : celle-ci duplique l’objet, projetant son double à quelque distance. Tous les soirs, Angier s’escamote donc en se laissant tomber dans une cuve d’eau qui se trouve sous la scène, dans laquelle il se noie, alors que c’est son double nouvellement produit qui salue au balcon. Mais alors, que voudrait dire la formule « cet homme », qui le désignerait continûment de son apparition sur la scène à son apparition au balcon, entre lesquelles il n’y a que l’espace d’un instant ? Dans une certaine lecture de cette référence, il y a là purement et simplement une erreur : il y a eu substitution, et « cet homme » au balcon n’est pas « cet homme », mais un autre qui a pris sa place. Pourtant, d’un autre coté, dans la mesure où, l’original mourant, c’est alors le double qui devient Angier, qui poursuivra sa vie et fera le même numéro (et donc mourra, relayé par un autre dans ce rôle) le lendemain soir, n’est-ce pas toujours, en un certain sens, « cet homme » ?
39Tout dépend du critère d’identité qu’on utilise, une fois de plus. On ne peut pas purger la convention, en tant qu’on l’utilise – elle est faite pour cela – de cette dimension critèriologique. Celle-ci en fait éminemment partie. Par suite, l’évaluation de la conformité relative de la situation aux critères mis en œuvre, et, éventuellement, de la nécessité de redéfinir la convention (de lui donner un autre – sens que son sens initial), est essentiellement une affaire de jugement, d’expertise : quelque chose comme un art. Le rappel du sens le plus ordinaire du mot « convention » (comme dans « les conventions de la politesse ») rendra moins étonnante l’intervention ici d’une dimension artisanale ou artistique – on sait bien qu’il y a des artistes en matière de politesse, comme il y a des maladroits.
40On pourrait cependant penser que l’analyse ne concerne que les démonstratifs, avec leurs fortes conditions d’identité, et non, suivant une distinction faite par John Репу, les indexicaux purs18. Ceux-ci se définissant, apparemment, en dehors de toute référence démonstrative au contexte (qui suppose intrinsèquement que le contexte soit d’une certaine nature, ou présente au moins certaines propriétés), il paraît plus difficile de contextualiser l’exercice des conventions qui en sont caractéristiques, s’il y en a.
41Ainsi « ici » désignerait-il ce qu’il désigne indépendamment du contexte ; « ici » reste « ici » quel que soit le contenu revêtu, de façon contingente, par cet « ici » – et sur lequel, bien sûr, on peut se tromper sans se tromper pour autant quant au fait qu’il s’agit d’« ici ».
42Bien sûr, une telle insensibilité au contexte, on l’a vu, est strictement relative à un usage – et donc certainement pas si absolue que le voudraient les théoriciens de « l’indexicalité pure ». Elle ne revêt pas la même signification suivant qu’« ici » instaure la position du locuteur, ou la source émettrice dans sa disjonction possible d’avec le locuteur, en point d’origine.
43Cependant, la possibilité d’un emploi « perspectival » (pour reprendre la terminologie de Récanati) de 1’« ici » ne semble recouvrir qu’une dimension très édulcorée de la possible contextualité de ce terme. Il s’agit alors tout au plus de la construction d’une convention dérivée à partir d’une convention de base définissant l’emploi « canonique » du terme. Or, la réalité peut mettre les conventions définitoires de 1’« ici » à bien plus rude épreuve. L’usage étudié par Predelli mentionné plus haut semble tout au plus de l’ordre de la transposition (ce que Bühler appelait la Versetzung) de l’usage normal. Cependant la formule : « Je ne suis pas ici maintenant », peut contextuellement revêtir des sens beaucoup plus radicaux, qui ne découvrent rien d’autre que le caractère potentiellement problématique de 1’« ici » même.
44Il peut arriver qu’on se dise « ne pas être ici ». Un tel énoncé, apparemment contraire à la convention constitutive de 1’« ici », dira-t-on, n’est pourtant que très superficiellement paradoxal, car il ne récuse pas vraiment qu’on soit « ici », au sens d’y être physiquement posé : il indique simplement qu’on n’y est pas en un autre sens (psychologique, spirituel ?) d’y être. Ce qui varierait, ce ne serait donc pas alors le sens d’« ici », mais le sens d’« être ». Au contraire, le sens de base d’« ici », loin d’être disqualifié, devrait être maintenu et présupposé pour que cela ait un sens de dire de ne pas être « ici ».
45Cela exclut-il que le locuteur puisse se trouver dans un tel état par rapport à son « ici » qu’il n’y ait plus vraiment de sens pour lui à dire « être ici », ou à employer le mot « ici » en général ? En d’autres termes, la robustesse indexicale d’« ici » est-elle telle que cet outil référentiel puisse résister à tout contexte, et à tout dérèglement de l’être-en-contexte ?
46On peut tout à fait en douter. De ce point de vue, il y a beaucoup à tirer de la profonde remarque de Bühler suivant laquelle les perturbations de la présence à soi (Bei-sich-sein) du malade peuvent remettre en question son intégration au système de l’ici-maintenant-moi et donc sa capacité d’en user19. Pour qu’il y ait un ici, il faut être capable d’être-ici, c’est-à-dire de s’appréhender comme occupant, d’une certaine façon, ce point d’origine, ou en tout cas comme pouvant l’occuper.
47Une telle contrainte, en tant qu’elle apparaît comme une forme de contrainte externe sur la signification de « ici » (c’est-à-dire pour que celui-ci puisse avoir une signification) ne peut jouer que par rapport à une convention, dont elle vient, en amont, borner le champ d’application. Pour qu’« ici » puisse se trouver en situation de perdre son sens, il faut qu’il soit conventionnel, et non (en tout cas non purement) intentionnel : il le fait là où les conventions sont mises à mal, soit que les conditions qu’elles requièrent ne soient plus satisfaites, soit qu’on ne puisse plus trop savoir si elles le sont ou non – là où le cas ne semble plus vraiment correspondre au type de partage précédemment défini par lesdites conventions.
48On pourrait penser – en tout cas une certaine littérature philosophique en entretient l’illusion, notamment à travers la notion d’indexicalité essentielle – qu’au moins un certain type de termes indexicaux échappe à une telle contrainte, ce qui ferait peser un doute quant à leur couvent ion alité. Il s’agit de ce type de termes représenté exemplairement par le pronom personnel « je » – on laissera ici de côté la question de savoir s’il y en a réellement d’autres, ou si celui-ci est le seul exemplaire de sa classe.
49Il y aurait beaucoup de raisons de douter que « je » soit un indexical au sens technique du terme – mais tout dépend bien sûr de ce qu’on entend par là, notamment du degré d’« indicalité » (propriété de fonctionner réellement comme des indices de quelque chose20) qu’on attend des indexicaux. Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que suggère un certain cartésianisme rampant florissant dans la philosophie de l’esprit contemporaine, si « je » doit, dans un certain usage, être traité comme référentiel, et si, dans cet usage, il fonctionne réellement comme un indexical (admettons), il paraît extrêmement difficile de soustraire cette référence à tout bornage conventionnel et problème d’ajustement contextuel. Ainsi, si je dis, une fois de plus : « Je ne suis pas ici », à supposer que le « ne pas être ici » doive être pris au pied de la lettre, qui est « je » ? Est-ce le corps de Jocelyn Benoist, assis sur sa chaise ? (Auquel cas l’énoncé est faux.) Ou bien est-ce l’esprit de Jocelyn Benoist, qui vagabonde quelque part, par exemple à Chicago ? Il semble qu’il y ait alors plus d’un choix quant à la détermination du « je ». Bien sûr, normalement, dans la situation standard qui correspond à un certain usage, il n’y a pas, à proprement parler, de choix à faire : celui-ci est toujours déjà fait. Il suffit pourtant que la situation devienne un peu flottante, que nous soyons arrachés à nos coordonnées familières, pour que, de l’extérieur, le choix apparaisse comme un choix et que se manifeste la convention qui en est constitutive, que seule l’automaticité de l’usage a pu rendre invisible comme telle. Ce serait de toute façon pure illusion que de prétendre isoler une signification immédiate, « essentielle » du « je » qui jouerait en quelque sorte hors conventions, en deçà des différentes conventions possibles de détermination du « je ». On ne saurait alors littéralement pas de quoi on parle – dans un retour du mythe du langage privé dénoncé par Wittgenstein auquel « je », dans les ambiguïtés de ses usages, qui circulent à la frontière de la réfèrentialité et d’autres dimensions du langage, se prête particulièrement. Il n’y a, là encore, de « je » que suivant certains présupposés, et selon les différentes configurations, éminemment conventionnelles, que ces présupposés découpent. De ce point de vue, on peut très bien imaginer des situations où il ne soit plus absolument évident si on peut dire « je » ou non : il est des cas, par exemple, où le causatif est toléré et bienvenu et où je peux dire « je » là où c’est moi qui fais faire (et non qui fais) ; il en est d’autres où cela n’aurait pas de sens, ou bien, suivant les cas, ce serait purement et simplement feux. Notre « je », éminemment conventionnel, est à géométrie variable.
50L’indexicalité, plutôt que de réancrer au sein de la réalité un langage qui, fondamentalement, n’y serait pas, n’est donc bien plutôt qu’une forme parmi d’autres de l’adhésion globale, à caractère contextuel, de notre langage, en tant que nous l’utilisons (où ailleurs serait-il langage ?), à la réalité. Dans sa mise en œuvre, elle suppose toujours, en conséquence, un arrière-plan de conventions définies – ce qu’Austin a génialement cerné sous le nom de « conventions démonstratives », sans toutefois développer le programme d’études ainsi ouvert. Ce qui le prouve, paradoxalement, en véritable pierre de touche de toute couvent ion alité, ce sont les non-sens ou paradoxes (difficultés à décider) qui résultent des écarts possibles, auxquels il n’y a pas de limite a priori – de la réalité par rapport au modèle proposé par la convention. Le fait, au fond, qu’il puisse y avoir une histoire – naturelle de nos références (qui sont, en un sens, par construction « démonstratives »), comme il y en a une de nos « descriptions » c’est-à-dire le fait que, dans un cas et dans l’autre, certains faits puissent compter de façon décisive dans les façons de procéder et puissent les changer du tout au tout. Une telle histoire n’est pas le contraire de la couventionalité, mais son envers, et son complément inévitable – comme le sceau et la marque de toute véritable conventionalité.
Notes de bas de page
1 Gottlob Frege, « Der Gedanke » (1918), in G. Frege, Logische Untersuchungen, Ed. Günther Patzig, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 3.966, p. 37 (voir la tr, fr. usuelle par Claude Imbert, « La pensée », in G. Frege, Écrits logiques et philosophiques, Paris, Seuil, 1971, p. 178).
2 Il est possible et probable que l’imposition, sur elles d’une contrainte indexicale forte et radicale, corame celle introduite par Austin, conduise à les déstabiliser profondément en tant qu’entités – en tout cas en tant qu’entités intermédiaires. Demeure alors néanmoins la figure, indexicalisée, du porteur de vérité comme statement, qui se caractérise tout de même par la réitérabilité (ce qui introduit pour le moins une typicité constitutive en lui) : deux personnes peuvent, à des occasions différentes, produire le même statement (= énoncé déclaratif), à condition, que, dans un cas et dans l’autre, renonciation, (utterance) soit en définitive effectuée en référence à la même situation, ou au même événement (ce qui suppose, de part et d’autre, un appareillage indexical approprié) et que la prise descriptive exercée sur cette référence soit de même type.
3 John Langshaw Austin, « Truth » (1.950), in. J. L. Austin, Philosophical Papers, Éd. J. O. Urmson. et G. J. Warnock, Oxford, Oxford University Press, 1961, p. 121-122 ; tr. fr. (légèrement modifiée par l’auteur de l’article) par Lou Aubert et Anne-Lise Hacker, in. J. L. Austin, Écrits philosophiques, Paris, Seuil, 1.994, p. 98.
4 Eodem loco. Traduction légèrement modifiée par l’auteur de l’article.
5 François Récanati. « Are “here” and “now” indexicals ? », Texte, 27-28, 2001, p. 115-127.
6 Stefano Predelli, « “I am not here now” », Analysis, 58/2, 1998, p. 107-115.
7 Cf. Peter F. Strawson, « Intention and convention in speech acts », Philosophical Review, 73, 1964, p. 439-60
8 J. L. Austin, « Truth », p. 130 ; tr. fr. p. 107–108. Nous corrigeons la traduction de la fin de la phrase : il faut bien rétablir « intentions et fins » (ou « intentions et desseins »).
9 Sur le discours, en ce sens-là, corame « action. », voir J. L. Austin, How To Do Things With Words, Éd. J. O. Urmson and M. Sbisà, Cambridge (Mass), Harvard University Press, 1.962, p. 21 (tr. fr. par Gilles Lane, Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, 1970, p. 54).
10 K. Bühler, Spracktheorie, Iéna, Fischer, 1934, p. 132.
11 C’est en ce sens que Husserl, dans les tentatives de réécriture de 1913-1914 de la première partie de la sixième Recherche logique, parle d’« intention déictique » – une intention qui, pour lui, vaut y compris (c’est cependant un cas limite) indépendamment de tout réfèrent existant.
12 Cf. Gareth Evans, The Varieties of Reference, Ed. John McDowell, Oxford, Oxford University Press, 1982.
13 Cf. G. Evans, « Understanding Demonstratives », in. Herman. Parret et Jacques Bouveresse (éd.), Meaning and Understanding, Berlin, et New York, De Gruyter, 1981, p. 280-303.
14 No entity without identity. Cf. W. V. O. Quine, « On What There Is », Review of Metaphysics, 2, 1948/1949, p. 21-38.
15 Pour comprendre le sena de cette conventionalité, il faut se rapporter à ce qu’Austin dit de la détermination conventionnelle des réquisits de chaque type d’acte de langage dans How To Do Things With Words, p. 14-15 : tr. fr. (corrigée, notre soulignement), p. 49. Condition. (A. 1) : « Il doit exister une procédure conventionnelle reconnue, ayant un certain, effet conventionnel, et comprenant renoncé de certains mots par certaines personnes dans certaines circonstances. » Condition (A. 2) : « Il faut que, dans chaque cas, les personnes et circonstances particulières soient celles qui conviennent (appropriate) pour qu’on, puisse invoquer la procédure en question. »
16 Cf. Jocelyn. Benoist, « Phenomenological Indexicality », in Interdisciplinary Logic, vol. 1, Ed. Mitsuhiro Okada, Publications of the Open. Research Center for Logic and Formal Ontology, University Keio, Tokyo, mars 2008, p. 78.
17 Le pachinko est une espèce de flipper japonais, dans lequel on lâche un grand nombre de billes à la fois. Elles roulent très vite, et il est impossible de suivre leur chemin à toutes en même temps avec une certitude absolue quant à leur identité à chacune.
18 Cf. John Perry, « The Problem of the Essentiel Indexical », Nous, 13/1, 1979, p. 3-21.
19 K. Bühler, Sprachtheorie, p. 127.
20 Suivant une définition peircéenne de l’indexicalité.
Auteur
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Agir et penser
Essais sur la philosophie d’Elizabeth Anscombe
Valérie Aucouturier et Marc Pavlopoulos (dir.)
2015