Chapitre 10. Réflexions autour de nouvelles pratiques agricoles
p. 189-230
Texte intégral
Agriculture et environnement : un nouveau discours
Agriculture durable et développement durable : une approche globale
1Le concept d’agriculture durable est multidimensionnel et englobe des aspects économiques, sociaux, écologiques et éthiques, dans la perspective d’un développement qualitatif, à différentes échelles géographiques, tant rural qu’urbain, agricole, industriel ou tertiaire. Sa définition date des années 1990, même si sa maturation est plus ancienne, dès les années 1970, autour des réflexions du Club de Rome, sur une croissance économique jugée prédatrice pour les ressources naturelles et porteuse de profondes inégalités Nord-Sud. La création en 1973 du PNUED (Programme des Nations unies pour l’environnement et le développement), puis l’émergence, dans les années 1970 et 1980, d’un droit international environnemental, avec la signature de multiples conventions et la recherche d’un écodéveloppement1 conduisent à définir le concept du développement durable, au Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro en 1992. Le développement durable ainsi que le thème de la multifonctionnalité de l’agriculture ont même été évoqués dans les discussions de l’OMC, en 1999, sous le titre de « non-trade concerns »2. Pour certains pays, face aux nouvelles négociations du début du xxie siècle, ce peut être le prétexte de faire admettre un certain nombre d’aides directes, de subventions.
2Or, l’Europe n’a pas attendu le sommet de Rio pour mettre en place une réflexion environnementale (le Livre vert dès 1985), sociale (le FSE) ou régionale (le FEDER et les politiques structurelles). Dès les années 1980, la réflexion sur les nuisances provoquées par le productivisme dans l’agriculture alors qu’il devient impossible de maîtriser une production encouragée par des prix soutenus élevés et coûteux pour la PAC sans que la parité de revenu des agriculteurs avec le reste de la société se réalise, annonce un tournant nécessaire dans les politiques menées jusque-là : aides aux zones sensibles, mesures de sauvegarde des paysages. Le développement durable, en Europe, est également compris comme un développement global, social, économique, environnemental, intégrant aussi bien les politiques de santé et la protection sociale, que les droits des travailleurs, l'amélioration des conditions de vie et de travail, l’environnement ou les pratiques agricoles, le développement local. Si la PAC de 1992 annonce des mesures agrienvironnementales, le traité de Maastricht, en 1993, souhaite (article 2) « intégrer la dimension environnementale dans tous les secteurs de l’activité humaine », définissant ainsi des perspectives de développement durable. Le développement durable interpelle particulièrement l’agriculture européenne qui est le second exportateur mondial de céréales et dont le mode de production intensif ne s’accommode plus des exigences actuelles d’équilibre environnemental, d’entretien du potentiel pédologique, floristique ou faunistique, de la diversité paysagère et des attentes tant de la société en général que du citoyen consommateur en particulier3. En Europe, comme en France, la réussite du concept si ce n’est sa traduction dans la réalité n’est plus à démontrer. La définition conjointe d’une nouvelle PAC (Agenda 2000), de la loi d’orientation de l’agriculture en France (1999) et des deux nouvelles lois d’aménagement du territoire en France (1995 et 1999) ne peuvent l’ignorer, dans la volonté d’une approche politique intégrée. La légitimation des aides directes, surtout lorsqu’elles se concentrent sur une minorité de producteurs, les céréaliers et producteurs en grande culture en général, va de moins en moins de soi pour des citoyens contribuables présentant des exigences croissantes vis-à-vis des agriculteurs. Le lien entre ruralité, environnement et agriculture est repensé autour des trois fonctions désormais reconnues à l’agriculture : la fonction primaire (de production agricole), la fonction de production d’espace (les « externalités positives, parfois négatives !), la fonction de production de services ; or, jusque-là, on a essentiellement valorisé la fonction productive au détriment des deux autres. La conférence européenne sur le développement rural ou conférence de Cork de novembre 19964 définit une nouvelle approche du développement rural. Elle s’affirme
« consciente que les terres agricoles et les forêts représentent de loin le plus important des modes d’occupation de l’espace dans les zones rurales de l’Europe ; qu’elles ont une influence forte sur les paysages européens et que l’agriculture est et doit demeurer une interface majeure entre la population et l’environnement, que les agriculteurs ont à charge d’être les gardiens de beaucoup des ressources naturelles du milieu rural [...] mais que l’agriculture et la forêt ne sont plus prédominantes dans les économies en Europe [...] et que le développement rural doit s’adresser à tous les secteurs socio-économiques présents en milieu rural. [... ] Le développement rural durable doit être élevé au rang de priorité de l’Union européenne5. »
3Jusque-là, plusieurs fonds distincts d’aides structurelles (les programmes des fonds structurels, les mesures d’accompagnement de la PAC, les autres politiques relatives aux forêts et à l’environnement) se disputent les aides aux milieux ruraux. Entre 1989-1993 et 1994-1999, les montants alloués au développement rural au sein de l’Union européenne ont été doublés. Néanmoins, ils sont plus juxtaposés qu’articulés avec la politique agricole commune. Cette approche sectorielle multiplie les guichets de financement et les projets sans toujours privilégier l’efficacité et la cohérence. Organisée à la demande du commissaire européen à l’agriculture chargé du développement rural, Franz Fischler, cette conférence permet à la Commission européenne d’élaborer les grands axes de la politique de développement rural de l’Union, dans la perspective de la réforme des financements, de l’Agenda 2000. La déclaration de Cork plaide pour la réunion de tous les instruments de développement rural durable au sein d’un seul grand objectif doté de financements accrus, d’un programme unique de développement rural par région, et la valorisation des actions émanant de la base, des acteurs locaux eux-mêmes. Dès 1997, la Commission européenne fait des propositions pour prendre en compte les impératifs environnementaux, assurer la sécurité et la qualité des produits alimentaires, garantir des revenus équitables et stables aux agriculteurs, tout en encourageant l’agriculture à rester économiquement compétitive6. Parallèlement, le traité d’Amsterdam fait du développement durable un des objectifs du l’Union européenne ; or, il entre en vigueur le 1er mai 1999, peu après la définition des principes de la nouvelle PAC par les accords de Berlin du 25 mars 1999. Le développement rural devient le second pilier de la nouvelle PAC, alors que les adaptations nécessaires aux évolutions des marchés agricoles mondiaux et le statut des aides directes sont parallèlement redéfinis.
4Le règlement concernant le développement rural dans l’accord de Berlin, entré en application en janvier 2000, met en œuvre vingt-deux mesures concernant le renforcement du secteur agricole, le renforcement du secteur forestier, la préservation de l’environnement et du patrimoine rural, l’amélioration de la compétitivité des zones rurales7. Ces vingt-deux mesures sont cofinancées par le FEOGA (Fonds européen d’orientation et de garantie agricole) sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Leur intérêt ne réside pas tellement dans leur nouveauté puisqu’elles reprennent les mesures d’accompagnement de la réforme de la PAC de 1992, ou préexistantes (préretraite, MAE, aide au boisement des terres agricoles), mais également les mesures d’aides aux zones rurales en difficulté (fonds structurels, programmes LEADER) et prennent en compte des mesures environnementales déjà engagées comme la directive Natura 2000. L’originalité réside plutôt dans le regroupement de l’ensemble de ces mesures dans un fonds commun de financement d’une politique agricole, rurale et environnementale intégrée. Certaines de ces mesures doivent être programmées dans un plan de développement rural (mesures agri-environnementales, aide aux boisements des terres agricoles, préretraite et indemnité compensatoire aux handicaps naturels. Pour les autres mesures, le financement dépend de la situation régionale dans laquelle elles sont mises en œuvre. Ainsi, pour les espaces reconnus éligibles à l’objectif 2 (espaces en fragilité structurelle), elles peuvent être programmées dans le cadre des DOCUP (Document unique de programmation), planifiant les mesures pluriannuelles. Le plan de développement rural est établi par chaque État membre, au niveau national voire au niveau régional, pour la période 2000-2006, ce qui ouvre une certaine latitude dans la définition des actions prioritaires. On identifie les actions entreprises et la part de ressources financières nationales ou communautaires employées, dans la limite de ce qui est prévu par l’accord de Berlin, et les organismes chargés de les mettre en œuvre. La participation financière de l’Union européenne doit se situer entre 25 % et 50 % des dépenses publiques éligibles. Pour la France, le FEOGA-garantie verse annuellement 760 millions d’euros, augmentés en 2001 du produit de la modulation des aides directes (150 millions d’euros). Ce produit doit être affecté totalement aux mesures environnementales et d’agriculture durable correspondant, en France, à la mise en place du contrat territorial d’exploitation, conformément au plan de développement rural national et à la loi d’orientation agricole (LOA) de 1999. D’après le plan de développement rural national, rédigé en cohérence avec la LOA de 1999, autour de cinq grandes actions, les mesures agri-environnementales reçoivent un tiers des crédits, les contrats territoriaux d’exploitation (CTE), devenus en 2003 les contrats d’agriculture durable (CAD), définissent des actions valorisant la qualité et la valeur ajoutée réalisée sur place, la gestion durable des ressources forestières, la réduction des inégalités économiques et régionales.
5Le développement rural est conforté par l’accord de Luxembourg de 2003 qui introduit, dès 2005, une modulation systématique des aides directes en sa faveur. Cela doit permettre d’accompagner plus largement les efforts des agriculteurs pour s’adapter aux normes environnementales et sanitaires devenus plus rigoureuses, pour avoir recours aux services du conseil agricole, pour encourager l’installation de jeunes agriculteurs.
La traduction française du développement durable dans les politiques agricoles et d’aménagement du territoire
6À la fin des années 1990, le concept d’une France durable est inscrit dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, la « loi Voynet8 » votée en 1999. En mars 19999, la cellule prospective et stratégie du ministère de l’Environnement a rendu un rapport rédigé à l’occasion de l’installation du comité de pilotage du schéma collectif des espaces naturels et ruraux10. Celui-ci est alarmiste sur les conséquences pour l’environnement de certaines pratiques agricoles. L’agriculture est le premier consommateur national d’eau, le premier émetteur de pollution azotée, par les nitrates. On avance que « l’agriculture, premier utilisateur de la biodiversité a, par le productivisme, encouragé la diminution des espèces végétales et domestiques produites11 ». Les principes de « pollueur-payeur » et de l’écoconditionnalité, la contractualisation de pratiques agricoles ou de productions de qualité sont avancés comme une solution vers un changement des pratiques. Au-delà, on doit valoriser l’agriculture à bonne pratique environnementale et réconcilier l’agriculture et son environnement rural, local, régional. La visibilité plus importante des aides, liée aux paiements directs, encourage les pouvoirs publics, tout comme le citoyen, à une plus grande vigilance sur leurs effets sociaux, leur répartition, leur utilisation et prolonge les exigences de développement local, d’aménagement, d’environnement, de préservation des paysages, de qualité alimentaire. Parallèlement, la loi d’orientation agricole de 1999 met en avant les principes d’une agriculture multifonctionnelle, s’inscrivant dans des territoires durables.
7Concrètement, comment définir des actions concourrant à la pratique d’une agriculture durable et l’agriculture des plateaux du sud-est du Bassin parisien, productrice de matières premières très rarement valorisées sur place, n’est-elle pas à l’opposé de ce concept ? Dans un ouvrage intitulé Vers l’agriculture durable12, Brigitte Briel et Lionel Vilain, définissent les perspectives d’un développement agricole durable en France. Ils posent la question de la réversibilité des choix techniques qui interpellent particulièrement les systèmes intensifs, ou très spécialisés localement, comme on peut les rencontrer sur les plateaux de Bourgogne, surtout lorsqu’ils procèdent de logiques de développement ou de tendances structurelles lourdes n’autorisant que peu de modèles alternatifs. Peut-on améliorer le productivisme, par l’éco-conditionnalité13, pour le rendre compatible avec l’agriculture durable ? Un encadrement réglementaire et fiscal plus contraignant, la mise en place de primes comme le PMPOA (Programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole)14, l’application du principe pollueur-payeur à l’agriculteur, ou les expériences menées dans les départements sur les zones vulnérables15, les opérations « phytomieux », « fertimieux », les taxes sur les excédents azotés et les produits phytosanitaires comme la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes) contribuent-ils à concilier productivisme et agriculture durable, par le biais d’une pratique raisonnée ? On admet « que l’agriculture durable n’est pas fondamentalement antagoniste d’un certain productivisme16 ». Ainsi, définir des objectifs de rendement simplement compatibles avec la productivité habituelle du milieu est une première étape, d’ailleurs généralement et spontanément pratiquée depuis quelques années par les agriculteurs des plateaux du sud-est du Bassin parisien. Les auteurs reconnaissent que la durabilité ne se veut aucunement un concept dogmatique et rigide et que, sur le terrain, elle se construit pas à pas ; elle n’implique pas forcément un brutal bouleversement des systèmes de production et permet des évolutions graduelles, des paliers de transition. Cependant, ses ambitions sont plus générales et dépassent le cadre de la seule exploitation agricole pour définir des territoires durables, articulant les logiques de production, la protection du milieu biophysique et le développement local. Les actions traduisant la multifonctionnalité sont encouragées : vente à la ferme, diversification, productions bénéficiant de labels de qualité, développement de cultures cynégétiques, location à des sociétés de chasse, agrobiologie, tourisme à la ferme, le travail de groupe, les CUMA, les cercles d’échange du matériel agricole, la participation aux réflexions, menées dans certains GEDA ou dans les chambres d’agriculture, sur des pratiques agricoles plus raisonnées, les actions de préservation du paysage, comme le maintien des haies, des bosquets, de mares, de murets de pierres, de lisières forestières, de bandes enherbées, de talus et fossés. Or, comment la grande agriculture des plateaux du sud-est du Bassin parisien, qui a très souvent agrandi ses parcelles et ses exploitations, de longue date, en simplifiant à l’extrême le paysage, au profit d’une quasi monoproduction culturale, peut-elle s’y retrouver ? Par ailleurs, certaines actions de durabilité souhaitées, comme le développement des systèmes de production extensifs, peuvent avoir des effets ambigus voire paradoxaux : considérée comme étant bonne pour l’environnement, l’extensification encourage l’agrandissement et se révèle négative pour l’installation de jeunes agriculteurs et le maintien de la densité d’actifs agricoles.
8Cependant, à la fin des années 1990, la durabilité est devenu le maître mot, se déclinant en de nombreux aspects devenus incontournables au moins dans le discours : multifonctionnalité17, qualité, traçabilité, territorialité, éco-conditionnalité. La LOA de 199918 intervenant près de quarante ans après les lois d’orientation agricoles de 1960-1962, se veut d’esprit différent, tant les attentes de la société ont changé par rapport à une agriculture jugée polluante mais dont on souhaite qu'elle entretienne les paysages, préserve les milieux, occupe l’espace tout en produisant à la fois une alimentation de qualité sans négliger sa compétitivité à l’exportation : en résumé, qu'elle soit durable et compétitive sur les marchés mondiaux. Rédigée parallèlement à l’Agenda 2000, elle doit se conformer aux principales dispositions de marché qui y sont définies. Ainsi, elle ne peut éviter des contradictions évidentes entre une volonté d’efficacité exportatrice et de compétitivité des prix d’un côté, et, d’autre part, une orientation nettement plus environnementale et sociale, traduisant un nouveau contrat social entre l’agriculture, le monde rural et la société en général. Malgré les contradictions évidentes entre l’Agenda 2000 et la LOA française, des articulations ont été définies pour permettre un financement de ce nouvel outil. Cette mesure française est en partie financée, ainsi que l’autorise l’accord de Berlin, par la modulation des aides directes19 reçues par les exploitations agricoles françaises, à partir d’un certain niveau de paiements compensatoires et primes par actif agricole, mais également par des crédits d’État jusque-là dispersés dans des actions de type OGAF et MAE et les crédits des collectivités locales20. L’objectif des CTE (CAD depuis 2003) est, par la contractualisation contre rétribution d’un service rendu, d’encourager les agriculteurs à s’orienter vers des activités multifonctionnelles, comprises au sens large, autour de la production, l’emploi et la gestion du territoire : ce peut être des mesures à caractère économique et social, comme l’intégration dans une filière de production de qualité (labels, agrobiologie, traçabilité), la diversification, la vente directe, la création de gîtes, l’engagement dans une démarche collective, la création d’emplois (CUMA, groupements de producteurs), l’accueil en milieu rural, des actions de formation, des initiatives en faveur de la vitalité du tissu rural ; cela peut également recouvrir des actions à but nettement plus environnemental comme la protection animale, la conservation de la biodiversité, la gestion de la faune sauvage, la lutte contre l’érosion, la valorisation des surfaces en herbe21, ainsi que des pratiques « raisonnées » d’agriculture, comme la gestion des apports d’intrants. La promotion de la production de qualité est encouragée par la création d’une commission des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires, visant à préciser la traçabilité des productions ainsi que leur identification territoriale, les bassins de production et le savoir-faire des agriculteurs ; on renforce également l’information auprès du consommateur. L’INAO voit son rôle juridique renforcé dans la défense des IGP (indications géographiques protégées) et des AOC. Les compétences et la composition de la CDOA s’élargissent : elle peut donner son avis sur les contrats types départementaux servant de cadre aux CTE proposés aux agriculteurs, et des non-professionnels du monde agricole (un représentant des associations de consommateurs, de l’artisanat, du commerce, de la protection de l’environnement, le président du Conseil régional, et un représentant de la coopération intercommunale) y siègent, conformément à la définition de l’agriculture durable, actrice de son environnement local. Or, la LOA de 1999, en cherchant à réorienter les aides économiques sur ceux qui abandonnent la seule « production de masse » au profit de la production d’autres services, « d’externalités positives », interroge profondément le modèle de développement agricole traditionnel des plateaux du sud-est du Bassin parisien.
Les mesures agri-environnementales de la PAC de 1992
9Dans le Livre vert22 de 1985, quelques pages sont consacrées aux relations entre agriculture et environnement, dans le but de la promotion d’une agriculture ayant pour mission de « conserver l’environnement rural » et de gérer ses capacités de production, de dénoncer une fuite en avant productiviste23. Cependant, la « porte d’entrée » des mesures environnementales reste très souvent l’intérêt économique, y compris dans la mise en place du gel ARTA (aide au retrait des terres arables) à la fin des années 1980, dans le but de réguler la production agricole et les excédents. Ces mesures régulièrement modifiées à partir de 1987, se fondent dans les mesures agri-environnementales de la PAC de 1992 (article 19). Les mesures d’accompagnement de la réforme de la PAC proposent de mettre en œuvre des méthodes de production agricoles davantage compatibles avec les exigences de protection de l’environnement. À partir de l’article 19, chaque État dispose d’une certaine latitude pour définir un cadre national d’application et d’actions, mais en fonction du concept dominant de volontariat rétribué. Les MAE peuvent être définies à différentes échelles. On va distinguer les mesures d’application nationale et les mesures régionales ou locales. Ces actions apparaissent souvent juxtaposées sans mises en relations entre les différents objectifs et actions : « Choix d’opérations possibles dans une panoplie, plutôt que démarche globale territorialisée24 ». Elles demeurent marginales surtout si on les mesure à la manne financière apportée par les aides directes au revenu (primes et paiements compensatoires). À l’aide de l’article de Jean-Pierre Fruit et Michel Lompech25, ainsi que les rapports annuels du CNASEA, on peut dresser un bilan géographique rapide de l’application de ces mesures en France. Pour des raisons évidentes de système de production, la prime à l’herbe ne concerne que marginalement les départements du centre du Bassin parisien et l’ensemble des régions de grande culture, voire de systèmes mixtes. Cependant, les opérations locales, mesures phares des programmes agri-environnementaux évitent généralement les grandes régions d’agriculture intensive. J.-P. Fruit et Michel Lompech constatent qu’elles « se situent essentiellement dans des territoires marginaux, à faible rentabilité pour l’agriculture productive ». Sont-elles perçues comme une remise en cause de la réussite productive et du caractère intensif des systèmes de production en grande culture et grande culture avec herbivores ? Peut-on dire que le manque de sensibilisation des agriculteurs aux questions de pollution y soit plus fort qu’ailleurs, ou est-ce plutôt le caractère contractuel, parfois contraignant et jugé financièrement peu incitatif, par rapport aux paiements compensatoires de la PAC, qui a prévalu ? Les MAE participent d’un mouvement plus général de réflexion autour du coût économique de l’intensification, d’une distinction croissante faite entre potentiel maximum et potentiel optimum de production. Ces réflexions s’intéressent plus aux pratiques agricoles au sein de l’exploitation, par rapport au système de production qui est mené, qu’à la place de l’agriculture dans son environnement géographique local et à celle que la société d’aujourd’hui cherche à lui assigner. En dernier lieu, peut-on parler ici, avec des nuances géographiques locales réelles, d’espaces de production agricole sans enjeu environnemental particulier car sans regard concurrent (absence d’intérêt touristique, espace sans image de marque fortement positive ou bien identifiée, paysage simplifié à l’extrême). Pourtant, des mesures zonales n’y sont pas totalement absentes et les plateaux de Bourgogne ont fait l’objet d’une mesure locale agri-environnementale.
10On met néanmoins en avant l’adoption de méthodes de production moins intensives. Les opérations concourrant à l’extensification concernent avant tout l’élevage et les espaces qui lui sont réservés, mais limitées aux exploitations ne dépassant pas 100 hectares de SAU. Cette mesure, d’abord voulue par la France et intégrée ensuite dans les MAE, a pour but de compenser l’intégration du maïs fourrage dans la SCOP, ce qui a contribué à pénaliser les élevages à l’herbe, plus extensifs. La prime à l’herbe (élevages bovins, ovins, caprins et équins) est la principale des MAE en terme d’utilisation budgétaire, du fait des faibles contraintes qui y sont attachées : une UGB inférieure à un hectare de surface fourragère principale (SFP) ou jusqu’à 1,4 UGB si les surfaces herbagères occupent plus de 75 % de la SAU de l’exploitation. Par ailleurs, on évoque également l'extensification en production végétale26 : « Réduction de l’utilisation des engrais et produits phytosanitaires ou maintien d’un niveau faible d’utilisation et introduction des méthodes de l’agriculture biologique » et « extensification des productions végétales y compris fourragères ou maintien de la production déjà extensive ou reconversion des terres arables en herbages extensifs ». Cependant, les MAE organisent des pratiques agricoles nouvelles liées à la subvention reçue. Comment garantir leur pérennité, leur durabilité, au terme du contrat ?
Les mesures agri-environnementales sur les plateaux
11Les CNASEA Bourgogne-Franche-Comté, Alsace-Lorraine-Champagne, les ADASEA et les chambres d’agriculture des trois départements, l’ENESAD de Dijon et son évaluation du programme régional agri-environnemental en Bourgogne (rapport 1998)27 ont permis de prendre connaissance des différents programmes environnementaux liés aux MAE de la PAC de 1992 et de leur application sur les plateaux de Bourgogne, de Langres et du Barrais haut-marnais. La faible représentation des MAE sur les plateaux, même la mesure de prime à l’herbe, compte tenu des spécialisations agricoles dominantes, rappelle que l’on se situe dans des espaces à faible enjeu environnemental désormais, du moins du simple point de vue agricole, bien que certaines mesures de réduction des intrants ont été définies et ont délimité des opérations zonées. Il est vrai que les mesures de protection des eaux et de l’environnement s’inscrivent dans des opérations primées promouvant la diminution des coûts de production. En effet les opérations de protection des eaux à financement « MAE » ont concerné quelques périmètres de la zone d’étude, dans le sud-ouest haut-marnais, en Barrais vallée, entre Marne et Biaise et des secteurs plus réduits encore sur les plateaux icaunais (Dyé-Bernouil en Tonnerrois, Merry-Sec-Coulangeron et Courson-les-Carrières en Auxerrois (carte 16). Les mesures de conversion à l’agriculture biologique, de jachère faunistique et des activités cynégétiques rencontrent peu l’intérêt des agriculteurs, sauf dans le cadre de programmes locaux spécifiques du type OGAF.
12Malgré ce faible enjeu environnemental des plateaux, des opérations territoriales ont été programmées. Le plateau de Langres a fait l’objet d’une expérimentation dans le cadre de la mesure nationale PDD (plan de développement durable) au cours des années 1990. D’autre part, une opération locale « plateaux de Bourgogne », intéressant les agriculteurs en dehors des stratégies de limitation des coûts de production, s’est mise en place de 1997 à 1999. Il s’agit bien d’une MAE concernant un espace utilisé au maximum de son potentiel d’exploitation par les agriculteurs, c’est-à-dire dans lequel il n’existe quasiment plus « d’espaces naturels », non exploités par les agriculteurs et les forestiers. Suite à un inventaire du patrimoine naturel des plateaux de Bourgogne réalisé en 1992-1993 par le conservatoire des sites naturels de Bourgogne, on a défini des zones remarquables à préserver. La profession agricole s’est engagée sur ce dossier dans le cadre des MAE de la PAC de 1992, pour définir un cahier des charges de protection de certaines parcelles et des indemnisations par hectare préservé. L’animation, assurée par les chambres d’agriculture de l’Yonne et de la Côte-d’Or, a démarré en 1997. Le programme est financé à 50 % par l’État et à 50 % par l’Union européenne, pour des contrats portant sur une durée de cinq ans. Le périmètre d’action cartographié, de Coulanges-sur-Yonne à Selongey, identifie cinq types d’actions et de sites remarquables (carte 16). Ces sites sont davantage représentés en Côte-d’Or, pour plus des deux tiers, que dans l’Yonne. Cependant, les surfaces contractualisées sont faibles. Sur un périmètre de 2 342 hectares à protéger, 1 158,54 hectares, soit à peine 50 %, l’ont été effectivement, pour un total de cent quarante-six contrats, dont seulement dix dans l’Yonne. Cependant, 85 % des crédits engagés ont été utilisés. La mesure pouvant concerner les superficies les plus étendues (1 985 hectares) en terrains humides de fonds de vallées, a représenté quatre-vingt-sept contrats pour 864,55 hectares, soit à peine 44 % du potentiel à contractualiser. En revanche, la mesure de maintien et réhabilitation des pelouses calcaires, en terrain sec, bien que portant sur une surface plus réduite, a nettement dépassé ses objectifs initiaux. La plupart des contractants, localisés en Côte-d’Or, sont des producteurs en système mixte grandes cultures-herbivores. Or, au terme des cinq années de contrat (2002), que deviennent ces zones protégées si elles ne font pas fait l’objet d’un CTE (ou CAD) ? Cela pose le problème de la cohérence des MAE et surtout de la durabilité qu’elles sont censées mettre en œuvre.
13En marge des MAE, un discours environnemental adaptable, celui de l’agriculture raisonnée, s’est imposé. Les pratiques raisonnées de l’agriculture, notamment par rapport aux fumures agricoles, ne datent pas de la PAC de 1992. Les services techniques des chambres d’agriculture se sont penchés sur la question, parfois de longue date, particulièrement dans les régions agricoles à faible potentiel. Cependant, cette réforme de la PAC, en affectant directement le revenu agricole des systèmes de grande culture les plus intensifs et les plus productivistes, a non seulement déplacé le champ technique et géographique de la réflexion sur la maîtrise des coûts et des intrants, mais, en plus, amplifié ces préoccupations. Parallèlement au faible succès rencontré par les MAE, hors prime à l’herbe, les pratiques liées au concept d’agriculture raisonnée ne cessent d’envahir le discours agricole, qu’il émane des agriculteurs, des techniciens, des organismes stockeurs, de l’agro-industrie ou de la grande distribution. Il s’agit de promouvoir une agriculture moins intensive, sans s’inscrire nécessairement dans le cadre des MAE ni surtout de l’agriculture biologique. Certaines opérations de préservation des milieux ont réussi à réunir activement tous les acteurs concernés par la qualité des eaux, autour des programmes « fertimieux » lancés en France dès 1991, ou à partir de la « directive nitrates » d’émanation européenne, avant la mise en place des MAE : agriculteurs, agences de l’eau, services de santé publique, associations, services techniques des chambres d’agriculture. Cette démarche de concertation souhaitée par le CORPEN, Comité d’orientation pour la réduction de la pollution des eaux par les nitrates, les phosphates, les produits phytosanitaires et les pesticides, est une structure regroupant des scientifiques, des représentants des différentes professions concernées par la pollution de l’eau, les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, afin d’élaborer des cahiers des charges, des recommandations, validées par les structures administratives et professionnelles28. C’est une opération de lutte contre les pollutions diffuses par les nitrates, qui doit s’appliquer sur les zones classées vulnérables, dont les plateaux du sud-est du Bassin parisien font partie. Depuis décembre 1995, un code d'application obligatoire est à l’œuvre dans les zones vulnérables définies par chaque département : la directive de 1995 promet d’aboutir en huit ans à une réduction sensible de la quantité d’azote par hectare.
14Cependant, la notion d’agriculture raisonnée reste floue voire ambiguë. Tous les agriculteurs rencontrés sur les plateaux du sud-est du Bassin parisien disent pratiquer l’agriculture raisonnée, à l’exception de ceux qui dénoncent l'emploi abusif de cette notion ne définissant pas, selon eux, un concept environnemental. Le réseau FARRE (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement) qui assume en France depuis 1993 la promotion de l’agriculture raisonnée, en donne la définition suivante : « Répondant aux critères du développement durable, l’agriculture raisonnée prend en compte de manière équilibrée les objectifs économiques des producteurs, les attentes des consommateurs et le respect de l’environnement29 ». Elle a au moins deux approches différentes. Comme discours et pratique à l’usage du producteur agricole, il s’agit d’abord d’une agriculture maîtrisant ses coûts de production afin de maintenir son revenu, de contenir les charges d’intrants essentiellement. L’attrait mis en avant est économique et financier, même s’il aboutit à une diminution des quantités d’engrais, pesticides et produits phytosanitaires déversés dans le sol. À l’usage du consommateur, il s’agit de prendre en compte la montée des exigences environnementales, de qualité sanitaire des produits et surtout de sécurité alimentaire, appuyée par la traçabilité des productions. Cela devient aussi un argument commercial. La diminution de la pression technique et chimique sur l’environnement par l’optimisation des traitements apportés aux plantes et au sol, la maîtrise revendiquée des techniques de production, sont les effets secondaires souhaités de l’objectif principal : la réduction des charges et un meilleur contrôle du revenu agricole. L’agriculture raisonnée travaille avec l’agro-industrie. Le réseau FARRE regroupe aussi bien des producteurs agricoles, que les industries agroalimentaires, la grande distribution et les producteurs ou fournisseurs d’engrais et de produits phytosanitaires30 qui sont souvent également les organismes stockeurs de référence du producteur agricole. Il est vrai que, pour tous les acteurs impliqués dans la promotion de l’agriculture raisonnée, il existe un enjeu économique et commercial de taille lié à la défense d’une autre image des pratiques de l’agriculture par rapport à l’environnement. Pourtant, une forme de contractualisation se développe à son sujet, comme alibi d’une agriculture produisant « plus propre » à partir des systèmes de production intensifs existants. Le réseau FARRE souhaite interroger les agriculteurs sur leurs propres pratiques agricoles31, face à la fertilisation, la protection des cultures, le stockage et la manipulation des produits, la gestion de l’eau, la gestion des effluents d’élevage, les actions de protection de la biodiversité, la diversité des structures paysagères32, face à la taille, la forme, la rotation des parcelles, la gestion de la jachère, mais également la connaissance du milieu biologique et socio-économique de l’exploitation agricole. Il ne s’agit pas d’une remise en cause de l’agriculture intensive dans son ensemble, mais d’une gestion plus fine des fertilisants, des épandages ou des déchets. Adhérer au réseau FARRE ou se revendiquer de l’agriculture raisonnée n’entraîne aucun réelle obligation, sinon morale, aucune norme à respecter pour l’agriculteur, jusqu’au début de l’année 2002. FARRE n’a pas le monopole de la pratique raisonnée de l’agriculture et s’est lui aussi inquiété de la prolifération de cahiers des charges et de l’utilisation de ce concept33 comme argument marketing34, ce qui n’a aucun sens puisque « L’agriculture raisonnée se définit par rapport à des pratiques de production agricole et non par rapport à des produits35. » Le ministère de l’Agriculture a commandé à Guy Paillotin, ancien directeur de l’INRA, un rapport sur le sujet, rendu en février 2000. Celui-ci distingue absolument dans ses principes l’agriculture biologique – une niche de production sur un marché étroit voire « haut de gamme » – et l’agriculture raisonnée qui « allège les charges sur l’environnement de l’agriculture industrielle sans remettre en cause radicalement ses méthodes et ses résultats en terme de rendement ». Un groupe de travail réunissant le ministère de l’Agriculture, la Confédération française de la coopération agricole, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, la Confédération paysanne, le CNJA, la FNSEA, l’Association nationale des industries alimentaires et des associations de consommateurs, a réfléchi à l’adoption de textes réglementaires. À partir de mars 2003, la CNARQE (Commission nationale de l’agriculture raisonnée et de la qualification des exploitations) valide les organismes qui certifient les bonnes pratiques agricoles des exploitations désirant être qualifiées en agriculture raisonnée. Ce référentiel comporte quatre-vingt dix-huit exigences servant de base à la « qualification » de l’agriculteur36, délivrée pour cinq ans et soumise à des contrôles inopinés. Certains mettent en avant le fait que la moitié de ces exigences concerne la législation déjà en vigueur37. De plus, la norme de l’agriculture raisonnée devient obligatoire par le biais de l’éco-conditionnalité élargie dans l’accord de Luxembourg (respect de bonnes pratiques environnementales contre paiement des aides) : dix-huit règles sont à respecter, certaines dès 2005, autour de cinq thèmes : environnement (directives nitrates, oiseaux, habitats, protection des sols et des eaux souterraines), identification des animaux, santé publique, santé des animaux et bien-être animal. Quoi qu’il en soit, sur les plateaux du sud-est du Bassin parisien, on observe, parfois de longue date, des pratiques agricoles plus économes en intrants que dans le centre du Bassin parisien.
Une démarche d’agriculture raisonnée de plus en plus contractualisée
Le contrôle des intrants
15Initiées très souvent par les services techniques des chambres d’agriculture, dans les groupes locaux de développement agricole réunissant des agriculteurs et des techniciens, les pratiques d’ajustement des doses d’intrants ont également intégré le discours, les conseils techniques et les pratiques commerciales des organismes stockeurs. À 110 Bourgogne, comme à EMC2, la mise en pratique du procédé RAMSES pour le blé permet de contrôler le taux d’azote dans la plante et d’en ajouter en fonction des besoins. Cela rejoint une politique plus générale de protection de la qualité des nappes phréatiques. Des programmes d’analyses des itinéraires culturaux sont généralisés pour permettre l’optimisation des fumures. RAMSES est une des méthodes de fixation des doses d’azote intégrée dans le diagnostic de gestion des céréales et autres productions végétales. À 110 Bourgogne, cela concerne deux cent cinquante agriculteurs et 3 500 hectares environ. En 1995, des expériences de fertilisation menées à Coulanges-la-Vineuse montrent que la surfertilisation azotée, au delà de 50 unités de plus que la dose moyenne – ce qui laisse une marge très importante-, peut être pénalisante en terme de rendement. La méthode RAMSES38 repose sur une succession d’opérations : on doit tout d’abord déterminer le potentiel de rendement de la parcelle. Ensuite, une analyse de terre permet de définir la quantité d’azote assimilable par la plante, en fonction de l’activité microbienne du sol et de la capacité de minéralisation. On en déduit l’apport de base, entre 60 et 200 unités, ce qui autorise une très grande marge de manœuvre. Les diagnostics de concentration de nitrate dans la plante, à partir de la composition chimique des jus de tige, permettent d’évaluer les apports complémentaires nécessaires. L’azote est ainsi délivré en deux voire trois fractionnements. On effectue un bilan après récolte, au niveau des rendements obtenus. On observe, d’après cette expérience, que les doses moyennes apportées sont de 170 à 180 unités par hectare sur les plateaux, c’est-à-dire 10 unités de moins que ce que l’on pratique généralement. Cela permet de rassurer l’agriculteur sur l’inutilité d’une « surfertilisation ». On démontre que, si la marge brute est très liée au rendement, ce n’est pas pour autant le niveau des charges qui détermine mécaniquement le rendement.
16Au GAEC de F., en Châtillonnais39, on a suivi pendant quelques temps le procédé RAMSES qui a permis de généraliser le fractionnement de l’apport azoté. Dans cette exploitation de 330 hectares, à 3 UTA, on dispose de terres de qualités très différentes : les deux tiers des terres sont situées sur le plateau de Langres-Montagne, mais un tiers est localisé dans la région de la vallée châtillonnaise, à 20 kilomètres de l’exploitation, et correspond à des terres profondes, au moins en G 3. Il existe une différence moyenne de rendement sur dix ans, de 10 quintaux à l’hectare, entre ces deux types de sols, répondant à des contraintes agronomiques et climatiques inégales. Les années humides sont plutôt mauvaises en vallée châtillonnaise et bonnes sur le plateau, alors qu’un mois de juin sec sur les plateaux est très dommageable pour le rendement. Afin de maîtriser au mieux les coûts de production, ces exploitants ont cherché à ajuster le plus finement possible les intrants, la fertilisation azotée, en fonction de chaque parcelle. Grâce aux conseils de l’organisme stockeur, on est parvenu à réduire de 10 à 20 unités par hectare les quantités d’engrais de fond délivrées dans le sol, au cours des années 1990, mais pas l’azote, pour lequel on utilise la même quantité dans les terres de vallées et de plateau. Depuis 1999-2000, on suit le programme « ferti-conseil » proposé par 110 Bourgogne qui permet de détecter la quantité de reliquats d’engrais de fond présents dans le sol. Cela a permis une diminution de 3 050 euros du coût des engrais phospho-potassiques (P et K).
17Les chambres d’agriculture ont multiplié, depuis les années 1980, les conseils techniques aux agriculteurs. Dès sa création, en 1977, l'AΡVA40 de Haute-Marne met en place, avec trente agriculteurs, une formation à la fertilisation azotée, préparant ce que l’on appelle aujourd’hui la fertilisation raisonnée. Les conseils et l’animation technique mis en place dès les années 1980, par la chambre d’agriculture de Châtillon-sur-Seine, à travers les groupes des GEDA Nord 21 (GEDA du Châtillonnais et GEDA d’Aignay-Baigneux-Recey ou GEDA ABR) ont permis de réaliser une étude complète des marges brutes par hectare des exploitants volontaires, de 1988 à aujourd’hui. La comparaison des résultats économiques et de la maîtrise des intrants des deux groupes, de 1990 à 1999, est intéressante (tableau 52 et graphique 12). Parallèlement, dès le début des années 1990, la plate-forme « ÉCOSCOPIE 2000 », présentée en 1992 sur la plate-forme d’essai d’Aignay-le-Duc, a réuni les efforts de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or, des GEDA du Châtillonnais et le CETIOM, l’ITCF, des constructeurs de matériel agricole, des organismes stockeurs, des fournisseurs d’intrants, l’Association nationale pour le développement agricole, le syndicalisme agricole dominant (FDSEA et CDJA), Groupama assurances, le SIDO, le Crédit Agricole, le conseil général de Côte-d’Or et le conseil régional de Bourgogne. L’objectif est de répondre aux exigences de la PAC de 1992 en contrôlant mieux les charges. Vingt-trois hectares sur 1 100 parcelles, autour de sept objectifs, sont étudiés pendant plusieurs campagnes agricoles. Les techniciens de la chambre d’agriculture définissent un itinéraire technique, avec un potentiel de rendement fixé au départ pour chaque culture et adapté à la région des plateaux. Les sept ateliers d’Écoscopie 2000 peuvent être résumés en quelques actions fondamentales consistant à gérer au plus près le niveau des intrants en blé tendre d’hiver, orge d’hiver et orge de printemps. Les deux GEDA du nord de la Côte-d’Or bénéficient de ces conseils. Ils s’inscrivent dans les régions de grande culture et grande culture-herbivores. Cependant, les agriculteurs des GEDA ayant répondu à l’étude du centre technique de Châtillon-sur-Seine sont très minoritaires par rapport à l’ensemble des agriculteurs des plateaux : quarante-sept agriculteurs en tout, dont dix-sept pour le GEDA nord Châtillonnais et trente pour le GEDA Aignay-Baigneux-Recey (ABR). Les assolements pratiqués présentent quelques différences. Le profil des exploitations du GEDA nord Châtillonnais est davantage marqué par la grande culture céréalière et oléagineuse que les exploitations du GEDA ABR. Les céréales (à 57 % du blé tendre d’hiver et à 43 % de l’orge) représentent 56 % de l’assolement en 1998-1999 et les têtes de rotation (colza à 88 %) 26 %. Le colza industriel représente 41 % des superficies en jachère. Les exploitants du GEDA ABR pratiquent un assolement qui se compose de 49 % de céréales (à 55 % du blé tendre et à 45 % de l’orge), mais les COP ne représentent « que » 70 % de la SAU contre 82 % dans le groupe précédent. Les surfaces fourragères occupent 20 % de la SAU (contre 7 % dans le groupe du GEDA nord 21). Cela traduit l’importance plus grande de l’élevage, au sein de systèmes mixtes davantage représentés. Le colza industriel ne représente que 27 % des superficies en colza.
18La comparaison des résultats économiques de ces deux groupes, (graphique 12), permet plusieurs remarques. La prime par hectare de superficie en blé tendre est sensiblement la même entre les deux groupes à partir de 1993 (à partir de 1996, un tout petit peu plus faible en GEDA ABR qu’en GEDA nord Châtillonnais), mais le produit brut et la marge brute par hectare de blé tendre d’hiver sont plus élevés en GEDA nord Châtillonnais qu’en GEDA ABR. Pourtant, les charges proportionnelles sont quasiment les mêmes. Elles ne cessent de diminuer entre 1991 et 1994 (en grande partie dû aux intrants), alors que les marges brutes augmentent nettement de 1992 à 1996, même si elles connaissent ensuite une diminution, notamment depuis 1998 (chute des cours).
19À niveau équivalent de charges opérationnelles de 1990 à 1999, le produit brut et la marge brute par hectare de blé tendre des exploitations du GEDA ABR, généralement plus faible, ont tendance à rattraper, à partir de 1998, les niveaux des exploitations du GEDA nord Châtillonnais. Or, les marges brutes par hectare intègrent, depuis 1993, une bonne part de primes compensatoires au revenu, davantage encore dans les exploitations du GEDA ABR que dans celles du GEDA nord Châtillonnais. Dans quelle mesure la diminution du coût des intrants dans les charges opérationnelles traduit-elle une pratique de fertilisation plus raisonnée ? Les graphiques suivants présentent, pour ces deux groupes, l’évolution du niveau de doses de fertilisants NPK (azote-phosphore-potassium), par hectare de blé tendre d’hiver de 1990 à 1999. Ces graphiques montrent une diminution des engrais P et K plus prononcée que l’azote, engrais qui détermine le rendement. La maîtrise des doses apportées apparaît plus grande, si on compare les doses actuelles avec celles de 1990, plus élevées. Dans les exploitations du GEDA nord Châtillonnais, les plus spécialisées en grandes cultures, les doses apportées sur blé tendre d’hiver sont de 10 unités en moyenne plus élevées (190 unités) que celles des exploitations du GEDA ABR (180 unités maximum). Ces résultats ne sont pas spectaculaires mais on se trouve dans une logique de raisonnement et d’ajustement, plutôt que dans une logique de diminution importante des charges. À la chambre d’agriculture de Tonnerre, le technicien de secteur rappelle que les automatismes de fertilisation sont encore bien ancrés chez la plupart des agriculteurs même si on a réduit l’azote apportée, grâce à un meilleur suivi, de 10 unités par hectare sur blé tendre, ce qui semble être le maximum dans un raisonnement « de sécurité ».
20Dès 1988, avant même la PAC de 1992, un stage entre techniciens du Barrois et de Bourgogne a montré que beaucoup d’agriculteurs ont fortement réduit l’utilisation du phosphore sur leurs parcelles, et que les doses d’azote ne sont plus que de 180 unités. Au même moment, dans l’Aube, les doses d’azote sur blé tendre peuvent dépasser couramment 220 unités. Dans les années 1990, les charges opérationnelles sur blé tendre d’hiver ont beaucoup moins diminué que celles sur colza, où des marges d’évolution et de maîtrise techniques existent encore au début des années 1990.
Un enjeu environnemental
21La maîtrise de la fertilisation azotée est devenue un enjeu environnemental important, poussant à diminuer les doses, depuis la directive Nitrates de 1991 et le Programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA). La directive Nitrates concerne la protection des eaux contre les nitrates d’origine agricole. Les États membres définissent un code de bonne pratique agricole appuyé au besoin sur un programme de formation et d’information. Ces codes définissent les bonnes et mauvaises périodes d’épandage, les restrictions techniques diverses (sols en pente, mouillés, gelés), la distance minimale des épandages par rapport aux cours d’eau, les dispositifs de stockage des déjections animales, les conditions différentes d’épandage des fertilisants d’origine animale et des fertilisants de synthèse. Dans certains cas, des prescriptions concernant le maintien d’un couvert végétal minimal en période pluvieuse, l’utilisation des terres et la rotation des cultures, peuvent s’ajouter. En France, 46 % de la SAU et 43 % des exploitations seraient au-dessus de la limite de « vulnérabilité » fixée à une teneur en nitrates d’au moins 50 mg/l. Entre 1991 et 1995, on élabore, dans chaque département, des prescriptions à respecter par chaque agriculteur situé en zone vulnérable, définies jusqu’à l’an 2000, révisables ensuite. Ces programmes d’une durée de quatre ans sont suivis par les chambres d’agriculture et cofinancés par les agences de l’eau. Les zones vulnérables définies dans les trois départements d’étude du sud-est du Bassin parisien couvrent une grande partie des plateaux calcaires (carte 16). Pour les agriculteurs situés en zone vulnérable, les mesures obligatoires définissent une dose maximale de fertilisation azotée totale s’établissant, pour ce premier plan quadriennal, jusqu’en 1999, à 210 kg par hectare et par an, dont une limite de 170 kg par hectare et par an d’azote organique41. Les fertilisants azotés sont classés en trois catégories selon un degré de pollution. Les fertilisants contenant une forte proportion d’azote organique « animal » sont moins facilement contrôlables que les autres car la minéralisation peut être très lente, alors que les fertilisants azotés de synthèse sont presque immédiatement assimilés par les plantes. Or, les niveaux fixés par ce premier plan quadriennal, tout type d’azote confondu, sont généralement très au-dessus de ce qui se pratique sur les plateaux du sud-est du Bassin parisien. À partir de 1999, la directive nitrates est modifiée dans un sens plus sévère : d’ici à 2003, la dose maximale d’azote supportable en zone vulnérable est fixée à 170 kg par hectare et par an, c’est-à-dire proche de ce qui est déjà pratiqué sur les plateaux.
22Le PMPOA est une traduction opérationnelle des travaux menés au sein du CORPEN sur les pollutions par les nitrates et de l’accord politique signé entre le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement, pour intégrer ces questions dans les dispositifs des agences de l’eau. Il comporte à l’origine trois volets : l'élevage, l'azote minéral et les phytosanitaires. Dans le premier programme (1994-1999), seul le premier volet a été appliqué : mise aux normes des bâtiments d’élevage permettant un stockage des effluents et un meilleur choix des périodes d'épandage, mise en place de bonnes pratiques agronomiques d’épandage. Ce programme est mené en continuité avec celui lié à la directive européenne Nitrates. Ces programmes apparaissent finalement assez peu contraignants. Ils ne suffisent vraisemblablement pas à infléchir les pratiques culturales de fertilisation azotée, sans doute moins que le travail évoqué précédemment au sein des groupes techniques agricoles – et antérieurs à la réforme de la PAC de 1992–, et les réflexions sur la maîtrise des coûts de production.
23D’autres programmes ont complété ces dispositifs en cherchant à mener un travail de fond conduisant à une modification réelle des pratiques agricoles, notamment des mesures agri-environnementales primées de protection des eaux, définissant des périmètres d’actions ciblés autour de la réduction des intrants, le retrait à long terme des terres de la culture (sur une durée de vingt ans), la conversion des terres arables en élevages extensifs (pendant cinq ans). Les programmes de limitation de la pollution par les nitrates ont diversement touché les plateaux dans les trois départements étudiés. En Haute-Marne, la sensibilisation à la fertilisation azotée a été plus forte qu’ailleurs, dans la mesure où la part de l’élevage, dans les systèmes mixtes très représentés, y est plus importante, notamment en région « Montagne », et les revenus agricoles plus faibles. La maîtrise des effluents d’élevage, de leur stockage et de leur épandage, la gestion de la fertilisation azotée organique y revêtent un enjeu plus important, bien que limité ; ici, on ne connaît pas de saturation en effluents d’élevage, loin de là. La réflexion intéresse plutôt la gestion économique et technique des exploitations mixtes grande culture et herbivores, afin de diminuer les charges de production. La carte 16 identifie les périmètres dans lesquels des MAE de protection des eaux se sont appliqués sur les plateaux et en vallées, dans l’Yonne (périmètre très réduit), en Côte-d’Or et surtout en Haute-Marne. Les mesures de protection des eaux concernent, dans 90 % des cas et des surfaces, des programmes de réduction d’intrants, plutôt que le retrait à long terme des terres arables et leur conversion en herbages extensifs.
24Ces mesures agri-environnementales zonées concernent, en 1995, le sudouest haut-marnais (plateau de Langres) et le périmètre « entre Marne et Blaise » en Barrais. La mesure intéresse deux bassins karstiques où les sources sont très exposées aux écoulements de nitrates et produits phytosanitaires dans l’eau : 19 000 hectares sur dix-neuf communes du sud-ouest haut-marnais, mais en partie sur la région Vingeanne du canton de Longeau et 4 300 hectares sur cinq communes du Barrais, pour le périmètre entre Marne et Biaise. Le programme prévoit de lutter contre les pollutions diffuses d’origine agricole en préservant les bassins d’alimentation et de captage par la diminution de 20 % des apports azotés et en ajustant au mieux les apports phytosanitaires. On préconise l’adoption de pratiques culturales complémentaires comme les cultures intermédiaires ou le fractionnement des apports d’azote. Les aides sont versées pendant une période de cinq ans (1995-1999). Dès 1995, trente dossiers ont été déposés au titre de l’opération dans le sud-ouest haut-marnais, pour 1 200 hectares primés ; les demandes excédent les moyens prévus ! Entre Marne et Biaise, quinze exploitations sont entrées dans ce programme, pour une superficie totale de 652 hectares, dès 1995. C’est la partie du programme concernant la diminution des phytosanitaires qui semble limiter les dépôts de dossiers. En 1997,80 % du bassin d’alimentation du Barrais a été couvert par la mesure, et le budget a été consommé à 81 % (à 100 % dans le sud-ouest haut-marnais, pour 65 % de la surface du bassin d’alimentation). En moyenne, chaque exploitation volontaire pour ce programme a contractualisé 43 hectares de SAU en Barrais, entre Marne et Biaise.
25Sur les plateaux de Bourgogne de l’Yonne, pourtant entièrement classés en zone vulnérable, les actions spécifiques n’ont intéressé que deux secteurs très réduits : les secteurs de Dyé-Bernouil, du ru de Baulche (Merry-Sec et Coulangeron) et le secteur de Courson-les-Carrières. Il s’agit de secteurs en grande culture, dans lesquels le sous-sol apparaît sensible au lessivage, et les points de captage présentent un taux de nitrates supérieur à 50 mg/l en 1994. Des mesures de réduction des intrants et de retrait des terres arables, parfois à long terme s’appliquent (tableau 53).
26Parallèlement, la gestion des effluents d’élevage et la valorisation du fumier apparaissent comme des priorités dans les projets à définir, alors que le PMPOA, dans la continuité de la directive Nitrates, exclut certaines zones des possibilités d’épandage des effluents d’élevage. Cela représente des contraintes et des difficultés un peu plus importantes pour les agriculteurs-éleveurs haut-marnais, alors même que l’existence de fumures organiques est un atout si elles sont bien utilisées, et permet une réduction des coûts de production et d’intrants. L ADASEA de Haute-Marne et l’APVA agissent à ce sujet à deux niveaux différents. L’ADASEA intervient sur la localisation des zones d’épandage possibles, en réalisant des cartes d’épandage sur le parcellaire de l’exploitant. Les parcellaires d’exploitation sont numérisés ainsi que les cours d’eau, les périmètres de protection autour des points de captage soumis à arrêté préfectoral de protection, et les zones tampons variables, conformes à la législation, ainsi que les pentes supérieures à 7 %. À partir de ce système d’information géographique, les cartes d’épandage sont réalisées. Le travail de la chambre d’agriculture se situe au niveau des bonnes pratiques agricoles et de la valorisation du potentiel de l'exploitation. La gestion de la fertilisation azotée a posé le problème des fumiers dans les exploitations de polyculture-élevage. Le fumier est « produit » en pâturage, en prairies c’est-à-dire généralement en fond de vallée ou en bas de talus. Les terres de culture sont en haut du talus, sur le rebord du plateau. Cela pose un premier problème de stockage et de transport, de « manutention ». D’autre part, on ne peut guère laisser le fumier sur des prairies marquées par une forte humidité pendant l’hiver, au risque de provoquer une surcharge d’azote organique. C’est toute une conduite d’exploitation qui est à revoir pour mieux penser et raisonner ce problème. On rentre alors de plus en plus dans une démarche de mise aux normes des bâtiments d’élevage, de stockage, avec le développement des plates-formes à fumier couvertes. On acquiert de nouveaux appareils, des composteurs et des épandeurs. Les composteurs permettent d’assécher le fumier, de le « stériliser » en quelque sorte ; il en reste moins à stocker et à transporter. On favorise les achats (en CUM A, par exemple) d’épandeurs plus larges permettant d’épandre une quantité définie de compost sur une superficie plus grande et donc de diminuer la concentration du produit épandu. La majorité des projets des exploitants s’inscrivant dans le plan de développement durable du plateau de Langres ont intégré un projet « meilleure gestion des fumures animales ». En ce qui concerne les produits phytosanitaires, dès 1984, l’APVA de Haute-Marne a travaillé sur la réduction des concentrations pulvérisées. En réfléchissant sur les dosages, sur la dilution des produits et le réglage du pulvérisateur, il a été possible de diminuer de moitié les quantités pulvérisées en changeant simplement la concentration et en utilisant des instruments beaucoup plus larges.
Une gestion et un travail en commun
27Les techniciens des fédérations départementales des CUMA (Coopératives d’utilisation du matériel agricole) ont fourni les renseignements nécessaires à cette étude. Le changement des pratiques agricoles, face aux impératifs de la PAC de 1992 et à la maîtrise des coûts de production, peut passer par une gestion en commun, un travail en commun. Les CUMA ne sont pas des strutures nouvelles : elles se développent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale notamment pour mettre en commun le matériel et les tracteurs « du plan Marshall ». Dans les périodes difficiles (choc pétrolier de 1973), elles ont connu un regain d’intérêt, ainsi qu’on le souligne à la Fédération départementale des CUMA de Haute-Marne. Cependant, la mise en place de la PAC de 1992 n’a pas spécialement relancé l’utilisation du matériel en commun par les exploitants. Si les investissements individuels ont été nettement réduits dans les deux premières années de la réforme, les bons revenus dégagés ont permis de constituer des réserves financières, et les charges de mécanisation n’ont pas été nettement réduites à terme. La PAC de 1992 a, au contraire, par l’agrandissement accéléré des exploitations, créé des limites techniques à la mise en place des CUMA. La taille moyenne des exploitations, de 150 hectares au moins en système de grande culture, et l’hyperspécialisation des productions dans la région, rend la constitution de CUMA techniquement difficile : tous les agriculteurs d’une même zone ont besoin du même type de matériel, à forte puissance, et au même moment. Ce n’est pas tant, ou pas seulement, l’individualisme des agriculteurs qui est en cause, que la très grande spécialisation en grande culture. Ainsi, une moissonneuse batteuse de forte puissance peut moissonner 400 hectares pendant une période courte, celle de la moisson, c’est-à-dire trois semaines de juillet. Or, les agriculteurs ont généralement, plus de 100 hectares à moissonner au même moment. D’autre part, la densité et le nombre de CUMA par canton ou par région agricole, dépend étroitement du nombre d’agriculteurs. Or, sur les plateaux, la densité d’actifs agricoles est particulièrement faible.
28Sur le plateau de Bourgogne de l’Yonne où l’hyperspécialisation en grande culture est plus affirmée qu’ailleurs, l’esprit CUMA est généralement absent. On constate la survivance de certaines CUMA dans la vallée de l’Armançon, près de Ravières, datant de l’époque aujourd’hui révolue où l’on a un peu pratiqué la betterave à sucre (il y a eu une sucrerie à Ravières). Après la fermeture de la sucrerie, on a gardé la CUMA, mais elle est peu vivace. Dans l’Yonne, depuis les années 1990, les pôles d’expansion des CUMA dans les régions céréalières concernent le nord du département : sur quarante CUMA nouvellement créées, sept sont installées sur les plateaux de Bourgogne, généralement pour les broyeurs à cailloux ou à paille depuis l’introduction de la jachère obligatoire. La CUMA de T., dans le canton d’Ancy-le-Franc42, sur le plateau de Bourgogne icaunais, est un rare exemple de création de CUMA à cette période. Réalisée à l’initiative de jeunes agriculteurs disposant de structures très moyennes sur les plateaux (70 à 100 hectares), elle a été constituée en novembre 1991 comme une stratégie d’adaptation à la PAC, à la maîtrise des coûts de production, aux charges de mécanisation, autour du projet d’achat d’une moissonneuse-batteuse et d’un broyeur de végétaux. Avant la constitution de la CUMA, on utilise, en copropriété, entre trois agriculteurs, une moissonneuse de dix-huit ans d’âge. Dans le cadre de la CUMA, la moissonneuse-batteuse est désormais destinée à récolter 235 hectares, sur trois exploitations, alors que le broyeur à végétaux est partagé entre cinq exploitations, qui cultivent au total 600 hectares. Le coût de la machine en CUMA, sans tenir compte du fuel et de la main-d'œuvre, revient à 450 francs par hectare, au début des années 1990, pour une durée d’amortissement bloquée sur sept ans, alors que l’on estime le coût d’une entreprise, pour le même travail, à 550 francs par hectare. Dans tous les cas, aucun agriculteur n’aurait pu financer individuellement un tel investissement. Cependant, depuis la naissance de la CUMA, ces agriculteurs ont agrandi leur exploitation et, en 199543, la moissonneuse-batteuse a été rachetée à la CUMA et partagée en copropriété.
29En Haute-Marne, sur les quatre-vingt-six CUMA du département, moins de vingt-cinq ont été créées depuis 1990 et moins de quinze depuis 1992. Une étude réalisée par la Fédération départementale des CUMA de Haute-Marne, montre que les créations ont été surtout nombreuses à la veille de la PAC de 1992, dans la période 1986-1990, mais elles se sont stabilisées depuis 1990. Or, les CUMA des années PAC se développent plutôt dans les zones de polyculture-élevage du sud-est du département, en dehors de la zone des plateaux. Ces CUMA répondent aux exigences nouvelles d’exploitations modifiées parfois profondément dans cette période de changement structurel du début des années 1990, en systèmes de polyculture-élevage, où l’équilibre traditionnel entre les deux spéculations a pu s’inverser. Parmi ces vingt-deux créations, six concernent réellement les plateaux, davantage en Barrais, où elles sont traditionnellement très peu développées, que sur le plateau de Langres. Dans les années 1990, les craintes liées à la mise en place de la réforme, ainsi que l’agrandissement des exploitations, ont augmenté l’importance des terres labourées, alors que les possibilités d’investissement sont limitées en système de culture-élevage où l’on est contraint de s’équiper dans des types de matériel divers, pour l’élevage (ensilage, épandage), mais aussi en outils de travail du sol et de récolte pour les productions végétales. En Montagne et en Barrais, dans les années 1990, les CUMA créées ont privilégié les broyeurs à végétaux, voire à cailloux. Depuis 1995, sur le plateau de Langres, ce sont les machines à « enrubanner » les végétaux et les épandeurs à fumier qui motivent la constitution de CUMA. Cependant, le bilan total des CUMA existantes, comprenant celles créées avant la PAC de 1992, montre une concentration bien plus forte dans le sud de la Haute-Marne, y compris en Montagne, que dans la moitié nord, en Barrais. Cela correspond assez fidèlement à la répartition des systèmes de production liés à l’élevage. Dans les cantons d’Arc-en-Barrois, Auberive, Langres, Prauthoy, plus de 60 % des exploitants adhèrent à une CUMA ; dans ceux de Saint-Blin, Doulaincourt, Nogent, de 40 à 60 %, à Chaumont, Châteauvillain, Juzennecourt et Vignory, près de 30 %. C’est le poste récolte qui représente l’essentiel du travail des CUMA (47 % à la fin des années 1990), puis le travail du sol, 17 %. Sur le plateau de Langres, c’est le broyage des cailloux, développé dans les années 1980, qui a suscité le plus de création de CUMA. En Barrais, les achats de broyeurs en copropriété ou en « individuel » sont davantage représentés. Dans les cantons d’Auberive, Langres, Prauthoy et Arc-en-Barrois, on compte treize CUMA possédant seize andaineurs à cailloux. Soixante pour cent du matériel à andainage de Haute-Marne appartenant à une CUMA se trouve dans ces quatre cantons.
30Dans certains cas, encore assez rares, le fonctionnement en CUMA concerne la totalité du matériel et des outils de plusieurs exploitations : la mise en commun du matériel suppose une organisation cohérente et solidaire. Un article et une enquête de Joëlle Plantain44, pour le compte de la Fédération départementale des CUMA de Haute-Marne, donnent l’exemple suivant. À M.45, la CUMA de L. est une CUMA complète qui fonctionne depuis quinze ans. Elle a permis à cinq exploitations d’obtenir un parc de matériel bien supérieur à ce qu’elles auraient pu additionner en travaillant hors CUMA. Cependant, il s’agit d’une CUMA entièrement familiale, père, fils et neveux. À l'origine, le père et ses deux fils utilisent du matériel en copropriété. Quand le troisième s’est installé, on a décidé de réaliser tous les chantiers en commun. Le montant des parts sociales a été calculé en divisant par quatre l’ensemble des superficies détenues par les quatre exploitants, après estimation de l’ensemble du parc de matériel. Un GIE (Groupement d’intérêt économique) a été constitué pour mutualiser les risques et, surtout, le groupe d’exploitations fonctionne comme une seule unité, les assolements sont raisonnés en commun, les traitements, les semis, les récoltes également, alors que chaque agriculteur est installé selon une formule juridique d’exploitant individuel. De cette façon, ils ont gagné beaucoup de temps et d’argent ; ils ont pu se séparer de quatre tracteurs devenus inutiles. La CUMA s’est ouverte à trois nouveaux exploitants dont deux en GAEC partiel laitier que la CUMA intéresse pour la partie grande culture, portant le nombre de ses adhérents à huit exploitants. Ce groupe cultive au total 922 hectares. Cette structure importante de fonctionnement a pu se permettre d’acheter et d’expérimenter du nouveau matériel et de nouvelles méthodes de travail : elle a développé le semis direct, dès 1992 et a pratiqué le semis sans interruption en 3x8 heures, durant quatre à cinq jours pendant la période des semis. En 1998, elle a acquis un matériel encore plus performant qui permet de semer 3 hectares par heure ! La facturation des travaux par la CUMA dépend du nombre d’hectares cultivés chez chacun.
31Une autre formule permettant à l’agriculteur de diminuer ses charges de mécanisation consiste en la création de Cercles d’échanges du matériel agricole, les CEMA, créés en France en 1975. Le Cercle d’échanges du matériel agricole est une association regroupant des agriculteurs demandeurs de chantiers et des exploitants capables de répondre à ces demandes. Il permet d’optimiser le revenu à plusieurs niveaux. Pour celui qui offre une prestation, cela permet de rémunérer en partie son suréquipement, d’optimiser l’utilisation de son matériel en augmentant son temps de fonctionnement. Pour l’agriculteur qui demande un service, il s’agit d’éviter certaines charges de mécanisation pour du matériel peu utilisé dans l’année. De plus, dans certaines exploitations mixtes (céréales et lait par exemple), le recours à l’aide extérieure du CEMA permet de diminuer la charge de travail aux périodes sensibles. En Haute-Marne, la naissance du CEMA, en 1991, coïncide avec les années de préparation de la réforme de la PAC de 1992. L’association a eu beaucoup de mal à démarrer. Passés les premiers moments de crainte en 1992, les agriculteurs se sont remis à investir individuellement dans du matériel plus puissant, répondant aux besoins d’exploitations de plus en plus grandes. Pourtant, depuis 1996, le nombre d’adhérents et le chiffre d’affaires du CEMA sont en augmentation constante, de 40 % entre 1996 et 1997, de 15 % entre 1998 et 1999. L’effet Agenda 2000, le durcissement des conditions économiques concernant le colza, la diminution du cours des productions mais également l’effet d’exemple de ceux « qui se sont lancés » peuvent expliquer cette progression. C’est, d’autre part, une structure très souple, reposant sur une cotisation annuelle et la prestation de services peut se faire à deux niveaux, soit le matériel uniquement, soit le matériel et le travail. L’échange se fait par la conclusion d’un contrat de location. En 1999, selon l’association départementale, cent soixante et une exploitations ont participé au cercle d’échange, pour cinq cent vingt chantiers dans l’année, ce qui reste modeste par rapport à l’ensemble des exploitants de Haute-Marne. Or, pour des raisons techniques liées aux temps de déplacement du matériel qui doit être le plus faible possible, le système d’échange ne peut être efficace et par conséquent attractif que si offreurs et demandeurs sont regroupés géographiquement. De plus, le système est d’autant plus apte à se développer que la diversité et la complémentarité des matériels offerts est grande. Les adhérents sont nombreux dans quelques cantons du Barrois, dont le principal est Châteauvillain, où le taux de pénétration peut atteindre 20 % des exploitants pour au moins un service. Les exploitants du canton d’Auberive sont assez demandeurs mais l’éloignement des principaux offreurs empêche un certain nombre d’échanges de se réaliser. Le chiffre d’affaires lié aux travaux de récolte représente 52 % du chiffre d’affaires total du Cercle d’échanges en 1999, les travaux de semis, traitement et fertilisation, 12 %, et le travail du sol, 6 % (dont plus de la moitié pour l’alignement et le broyage des cailloux). Le CEMA a fourni quelques indications de coûts d’exécution servant de base de négociation : 68 euros par hectare en moisson, sans le fuel, 38 euros par hectare pour une herse rotative avec tracteur et chauffeur, sans fuel, 23 euros par hectare pour le prêt d’un semoir et tracteur avec chauffeur, sans fuel.
32En revanche, on a peu recours aux entreprises de travaux agricoles (ETA), sauf pour des travaux du type élagage et, à la rigueur, certains gros travaux de moisson, mais très rarement pour la préparation du sol ou les semis. Or, le principal problème des plateaux, lié à la puissance du matériel disponible, est de satisfaire les exigences d’exploitations devenues de plus en plus grandes et dans lesquelles la productivité du travail constitue la principale contrainte à maîtriser. Les simplifications de travail du sol qui se généralisent sont-elles la réponse adaptée ?
La simplification du travail du sol : le semis simplifié
33La pratique du non labour ou du labour minimum s’est développée sur les plateaux au cours des années 1990 : soit on ne laboure plus, soit on laboure une fois sur trois. La remise en cause du labour date de la fin des années 1960. La course au rendement et la rapidité d’implantation a engendré des phénomènes de compaction des sols par l’utilisation d’outils lourds inadaptés à certains types de sols. Les premières techniques limitant le nombre de passages dans la parcelle se mettent au point. En France, les premiers essais de simplification du travail du sol ont été menés dès le début des années 1970 par l’ITCF dans la Meuse, sur des terres à cailloux. Les techniques sans labour, grâce à un travail superficiel du sol sur 10 à 15 centimètres, par des outils à dents, évitent de faire affleurer à nouveau les cailloux. Ces techniques conduisent à une augmentation très importante de la productivité du travail, adaptée à des exploitations plus grandes employant moins de main-d'œuvre. Parallèlement au travail simplifié, on préconise l’emploi de machines de plus en plus larges, nécessitant une force de traction de plus en plus puissante, permettant encore de gagner du temps. Au cours des années 1990, les démonstrations de matériel et de conduite de culture se sont multipliées sur les plateaux. Aujourd’hui, le semis simplifié s’est généralisé, mais le semis direct reste plus rare. Dans l’Yonne, dès 1994, le groupe de vulgarisation agricole de Noyers-sur-Serein a mis en place une série d’essais de longue durée sur les matériels de semis direct. Cette expérimentation a fait l’objet d’une publication technique de la chambre d’agriculture de l’Yonne46 dont sont tirées les conclusions essentielles dans ce paragraphe. La meilleure productivité des exploitants, nécessaire dans des exploitations qui se sont rapidement agrandies, la recherche d’une maîtrise des charges de mécanisation face à la PAC de 1992 et ses développements ultérieurs, conduisent ce groupe d’agriculteurs à comparer différents types de matériel et leur efficacité, grâce à l’aide de techniciens de la chambre d’agriculture de l’Yonne. On a multiplié les références sur la zone des plateaux de Bourgogne de l’Yonne. On évalue, sur une rotation complète colzablé-orge-colza, le comportement des cultures, le tassement du sol, son évolution en terme de matière organique et le rendement, à partir de plusieurs types de matériels et de conduite culturale : conduite en semis direct, en semis simplifié et conduite classique. Un bilan a été dressé au terme de trois années d’expérimentation sur les plateaux. Les comparaisons montrent que la conduite classique donne encore souvent les meilleurs résultats d’ensemble, en rendements, sans doute aussi parce qu'elle est très bien maîtrisée. Cependant, les différences restent faibles, alors que les conduites simplifiées permettent de gagner du temps sur l’implantation des cultures. Il apparaît surtout que le travail simplifié du sol n’est pas une simple solution de gestion financière ou d’organisation du temps de travail, de gain de productivité, mais nécessite l’acquisition d’une nouvelle technique culturale. Il faut une vigilance accrue et une compétence supplémentaire en matière de désherbage, de contrôle des limaces. Ainsi, pour une implantation en colza, le déchaumage s’avère fortement conseillé avant le passage des outils de semis direct : il améliore les conditions de désherbage. Le déchaumage rend le passage de l’outil plus facile en permettant de niveler le sol, d’enfouir les résidus de récolte, de faire lever les mauvaises herbes, que l’on détruira par un désherbage total. Aussi, le gain de temps, sur blé orge et colza, est réel avec un système de travail simplifié, mais la surveillance de la parcelle de culture mérite plus de soin qu’en travail classique, pour maîtriser les adventices et prévenir les infestations de limaces. Le travail du sol préalable apparaît nécessaire non pas en en terme de rendement, mais pour limiter les problèmes de ravageurs et les besoins de désherbage, qui tout en rajoutant un coût supplémentaire, conduisent à déverser dans le sol des produits agrochimiques, peu écologiques.
34Les systèmes de semis direct avec non-travail du sol ont du mal à se généraliser car ils demandent un bouleversement du parc de matériels et ne sont intéressants qu’au moment où l’on doit changer complètement son parc de matériel, ce qui n’est pas très fréquent. L’intérêt du système Horsch ou Dutzi est de n’avoir qu’un seul outil, mais très cher, nécessitant un tracteur très puissant ; il n’y a plus de rouleau, plus de charrue, plus de « canadien » (outil à dent). Cela demande une maîtrise technique très pointue au moment de l’implantation, un réglage parfait du matériel et suppose un coût de désherbage accru. À l’inverse, la simplification partielle du travail du sol a un avantage financier énorme puisqu’elle permet d’employer le parc d’outils existant sur l’exploitation. La simplification du travail du sol peut s’appliquer à plusieurs étapes du travail pas seulement à la phase de labour. On pratique différents degrés de semis simplifié. On limite les passages d’outils dans le sol avant le semis, mais on prépare plus ou moins longuement le sol. Depuis une dizaine d’années, on connaît une évolution des pratiques culturales par le choix d’outils qui remplacent la charrue : ce sont des outils à dents qui travaillent le sol sur une dizaine de centimètres de profondeur. Ces outils à dents de type chisel se sont beaucoup améliorés dans les années 1990, permettant un travail beaucoup plus régulier et plus souple, évitant, sur les plateaux, de ramener les cailloux à la surface. Les outils à disques et vibroculteurs, bien adaptés aux petites terres à cailloux, se sont ensuite développés. Ainsi, le déchaumage peut être supprimé si les chaumes ont été bien broyées et bien réparties. Beaucoup d’agriculteurs ont, depuis dix à quinze ans, essayé plusieurs types de matériel, pour revenir à ce qu’on a pu utiliser autrefois. Les outils à dents et à disques favorisent le développement de certaines plantes parasites comme le brome. Les produits efficaces luttant contre le brome sont intervenus tardivement et coûtent toujours très chers. Ainsi, certains agriculteurs des plateaux sont revenus à l’utilisation de la charrue, mais en labourant moins profondément qu’auparavant, de façon limitée et ciblée en fonction de la parcelle et jamais tous les ans. Sur le secteur de Noyers, selon le technicien de la chambre d’agriculture intervenant sur la zone, le nombre de charrues achetées a tendance à augmenter à nouveau depuis la fin des années 1990. En Tonnerrois, moins de 10 % des agriculteurs pratiquent le semis direct, mais la plupart ont mis en place des systèmes variables de semis simplifié et adaptables aux conditions climatiques. Cependant, sur les plateaux, selon les techniciens de la chambre d’agriculture de l’Yonne, le travail simplifié est plus développé qu’en Sénonais (nord du département), où le labour traditionnel reste davantage pratiqué. De plus, en Sénonais, l’assolement étant beaucoup plus diversifié que la simple rotation blé-orge-colza, les temps de travaux sont beaucoup mieux répartis dans l’année, et il y a moins de pointes de travail exceptionnelles qu’en Tonnerrois et qui pourraient justifier des techniques de culture simplifiées. En Châtillonnais, le travail simplifié a réellement pris de l’ampleur en 1994-1995, selon les techniciens de la chambre d’agriculture de Châtillon-sur-Seine, mais selon des formes d’adaptation technique aux plateaux ; il n’y a plus vraiment de semis direct complet pour les raisons agronomiques précédemment évoquées. On pratique le passage du chisel à cinq centimètres de profondeur, pour préparer le sol, que l’on fait alterner avec un passage de charrue, fréquemment une fois tous les quatre ans sur la parcelle. Le semis simplifié est encore davantage pratiqué sur le plateau, en terres à cailloux, que dans la vallée. Beaucoup d’outils en système de semis simplifié sont achetés en copropriété, puisque cette technique permet de gagner du temps sur les travaux de semis et d’optimiser le matériel, tout en augmentant sa productivité.
35L’exploitation qui a importé, dès les années 1980, en Haute-Marne, le système Horsch, en semis direct, est la ferme de M., dans le canton de Châteauvillain, dont l’exploitant connaissait déjà le système pour l’avoir déjà pratiqué en Allemagne. L’outil qui travaille le sol est constitué d’une herse rotative qui « égratigne » le sol sur une profondeur de 3 à 4 centimètres et envoie la terre en l’air. Entre le moment où la terre est lancée en l’air et le moment où elle retombe, une barre d’ensemencement dépose les graines, sur lesquelles la terre se déverse. Les résidus organiques et de paille restent sur la parcelle. Selon les cultures précédentes dans l’assolement, on peut effectuer un passage de herse afin d’étaler uniformément les résidus et aplanir le sol. Cent heures de travail sont nécessaires pour le semis de 150 hectares, en moyenne. Ce genre de technique convient bien aux terres à cailloux à quelque conditions : il faut que la surface soit plane et la parcelle d’assez grande taille. De plus, les cailloux ne remontent plus à la surface, mais la herse rotative contribue à affiner le broyage des cailloux situés en surface. Après quelques années d’adaptation, les rendements sont les mêmes qu’en « itinéraire classique ». Cependant, le choix de ce système est délicat car, une fois effectué, on ne peut plus revenir en arrière puisqu’il implique de se débarrasser d’un bon nombre d’outils devenus inutiles. Voilà pourquoi le pas est si difficile à franchir d’autant plus que la technique culturale n’est qu’apparemment simplifiée. Le semis direct apporte un plus avec le « mulch », c’est-à-dire le broyage des déchets des cultures précédentes, qui allègent le sol et attirent les vers de terre. La vie se concentre dans les premiers centimètres travaillés. Les graines se trouvent dans des conditions de levée optimales.
36Monsieur G.47, agriculteur rencontré sur le plateau de Bourgogne de l’Yonne, dans le sud Auxerrois, a adopté le semis direct, dans un but de réduction des coûts de production et de compression maximale des coûts de main-d'œuvre. Il a regroupé, autour de son exploitation, plusieurs structures travaillant ensemble par le biais d’une CUMA. Sur une superficie totale de 1 100 hectares, on compte 4,5 UTA, sans aucun salarié, et le matériel appartient entièrement à la CUMA. Les 1 100 hectares sont peu distants du siège de l’exploitation principale, puisque les parcelles les plus lointaines ne sont qu’à 13 kilomètres de distance. On compte 75 % de terres superficielles à cailloux et 25 % de terres plus profondes, en G 3, dans lesquelles on peut cultiver du pois protéagineux. Les productions sont groupées au maximum ; ainsi sur une sole de 280 hectares d’un seul tenant ou presque, on ne pratique que du blé pour la campagne agricole 1999-2000. Dans cette exploitation qui compte déjà 450 hectares à la fin des années 1970, on décide d’arrêter le labour dès 1977 et de pratiquer un semis simplifié, du moins pour les cultures d’hiver. On abandonne la charrue pour un outil à dent (chisel) qui travaille le sol sur une profondeur de 20 centimètres. Progressivement, au cours des années 1980, on adopte des outils travaillant de moins en moins profondément le sol, des outils à disques, à dix centimètres, permettant une meilleur activité microbienne en surface, pour arriver à un système de semis direct. À partir de 1996, on adopte le système Dutzi, équivalent canadien du système Horsch, qui ne travaille le sol que sur trois ou quatre centimètres de profondeur. Le système de semis direct a été développé ici au début des années 1990. Certaines années, on a pratiqué le semis direct sans aucune préparation de sol, ce qui pose un problème de désherbage et, à terme, peut augmenter les coûts en produits désherbants. Contrairement à leur dénomination, ces techniques demandent une maîtrise technique très pointue. On profite des passages de herse pour faire des faux semis avant la prochaine récolte, dans le but de faire lever les mauvaises herbes. Après une pluie, quand la végétation a bien reverdi, on peut nettoyer le sol avant l’automne. Ces techniques n’ont pas permis immédiatement la réduction des coûts de production, du moins des coûts de mécanisation. Il a fallu réinvestir dans un matériel nouveau, et ce n’est qu’au terme de sept à huit ans d’utilisation l’on a pu constater une baisse – limitée – des coûts de production à l’hectare. Ces techniques culturales répondent plus à une augmentation de la productivité du travail qu’à des impératifs de diminution des charges de production. Les logiques individualistes d’agrandissement de l’exploitation l’emportent sur les objectifs environnementaux. On se positionne avant tout dans un raisonnement de gestion économique de filière, dans un type de développement agricole assez peu préoccupé de l’échelle strictement locale. Pourtant, quelques programmes environnementaux, ou proposant une autre démarche agricole de développement, s’inscrivant sur les plateaux, ont vu le jour dans les années 1990.
Une gestion durable du territoire agricole et rural
37Des opérations à but territorial ont été programmées localement sur les plateaux. Il ne s’agit pas forcément des MAE à financement PAC, mais parfois d’OGAF, à financement davantage local ou régional. Ces opérations d’origine administrative différente tentent de mettre les agriculteurs au cœur de projets d’agriculture durable. Or, on verra que la logique territoriale a du mal à s’imposer et que ces tentatives se transforment souvent en additions d’initiatives et de volontés individuelles. Ne sont-elles pas finalement souvent utilisées seulement comme de simples guichets de financement ?
La démarche Plan de développement durable (PDD) sur le plateau de Langres
38Les sources proviennent du ministère de l’Agriculture, du périodique de l’APCA48. L’ADASEA, le CCER et la DDA de Haute-Marne présentent les réalisations concrètes sur le plateau de Langres, grâce à l’étude de faisabilité dirigée par D. Godard et L. Venzac, à l’ADASEA de Haute-Marne. La carte 16 présente les espaces et territoires à projets environnementaux. En 1993-1994, en France, cinquante-neuf sites ont été retenus pour l’expérimentation PDD. Cela représente 1 246 exploitations volontaires. Cependant, les projets effectivement réalisés ont été moins nombreux. Un site défini par la chambre d’agriculture de l’Yonne, sur le plateau de Bourgogne, dans le secteur de Vermenton, a rapidement été un échec, car ne correspondant pas réellement à une demande et une motivation locales. Les PDD ne sont pas conçus comme une démarche spécifique de développement avec un financement propre. C’est là que, pour bon nombre d’agriculteurs, a résidé l’ambiguïté du projet. C’est l’animation, le suivi technique, l’encadrement, la réflexion collective sur le développement agricole local durable qui constituent la démarche PDD. Les quelques crédits spéciaux alloués à ces opérations sont des financements exceptionnels de 20 000 à 40 000 francs par exploitation et l’aide au suivi technique de 10 000 francs par exploitation. Pour le reste, et dans le cadre du projet défini par l’agriculteur, on a accès aux différents dispositifs d’aides communautaires (MAE et zones 5 B), aux aides départementales et régionales liées à la diversification, ou autres. Dans les cantons comme celui de Vermenton et de Coulanges-la-Vineuse, hors zone 5 B, les aides disponibles apparaissent bien moins importantes que sur le plateau de Langres.
39Sur le plateau de Langres49, le périmètre retenu pour l’expérimentation émane, au cours de l’automne 1992, de la réflexion d’un groupe d’agriculteurs du secteur d’Auberive mené par quelques personnalités entreprenantes et soutenu dans sa volonté de développement par l’ADASEA et la chambre d’agriculture de Haute-Marne. On retient soixante-cinq communes, des cantons d’Auberive, Prauthoy, Langres et Longeau. Après dépôt du dossier de candidature auprès du ministère de l’Agriculture, l’agrément est accordé par le comité de pilotage national en février 1993. Trois réunions décentralisées ont pour but de sensibiliser les agriculteurs à cette démarche : vingt-cinq agriculteurs proposent finalement de mettre en place le diagnostic d’exploitation dans le but de définir un projet de développement durable. Seize candidats sont retenus sur l’ensemble de la zone PDD. Les dix projets finalement établis par les agriculteurs comme étant viables et durables ne sont contractualisés qu’en décembre 1995 et janvier 1996. Pour chaque territoire se lançant dans la démarche PDD, la procédure se réalise en trois étapes. Le diagnostic de territoire définit les enjeux possibles d’une telle démarche, au niveau agricole, environnemental et englobe parallèlement le fonctionnement du bassin de vie, du milieu rural dans lequel les exploitations s’insèrent. Il est établi par des enquêtes de l’ensemble des acteurs locaux, par des études statistiques également. Le diagnostic réalisé appelle quelques commentaires sur la perception de la PAC de 1992 et le développement agricole par agrandissement d’exploitation. On reconnaît que la PAC de 1992 a constitué une bouffée d’oxygène au point de vue des revenus ; cette vision est corroborée par les enquêtes de terrain réalisées en février 2000 sur le plateau de Langres. D’autre part, on pense être parvenu à une limite concernant la productivité du travail, alors que l’on se trouve dans le secteur des plateaux utilisant le plus d’UTA par exploitation. Cependant, la réflexion autour de la nécessité ou non de l’agrandissement a tourné court puisqu’à partir du milieu des années 1990, les terres à échanger deviennent plus rares. La réflexion sur la stratégie de développement agricole par agrandissement est nécessairement reportée à plus tard. La deuxième étape de la démarche PDD comprend un diagnostic agri-environnemental d’exploitation. On s’interroge sur le fonctionnement global de l’exploitation d’un point de vue technique et économique, mais également social ou familial. On évalue le système d’exploitation et son impact sur l’environnement, son intégration dans l’aménagement rural et le développement local, à travers les pratiques agricoles, la productivité du travail, la diversification ou non des activités et des productions. Les projets d’exploitation sont en dernier lieu (troisième phase) élaborés par rapport à ces constats et constituent l’étape la plus importante du PDD, issue d’une réflexion conjointe entre l’agriculteur, l’animateur du site PDD et les techniciens agricoles de secteur, dans la perspective de durabilité de l’activité, de l’exploitation et, en théorie, du territoire. Les contrats PDD ne sont en définitive signés que si le projet est agréé par la Commission départementale d’orientation de l’agriculture. Les principes de durabilité incluent la viabilité économique en premier lieu, mais également une évaluation de la qualité des produits proposés, les externalités positives (environnement, paysage), la transmissibilité de l’exploitation. On contractualise des objectifs à atteindre par les agriculteurs. Malgré la dimension collective mise en avant, le PDD est resté avant tout centré sur le projet individuel d’exploitation, même si des mesures territoriales ont pu être définies, principalement celles concernant la gestion des fumures animales dans le raisonnement économique des exploitations.
40Sur les dix projets présentés en CDOA en décembre 1995 et janvier 1996, la très grande majorité correspond à des exploitations produisant du lait et de la viande bovine en système mixte grande culture-herbivores. La superficie moyenne par UTA dépasse 100 hectares et la SAU moyenne par exploitation est de 185 hectares. La moitié des exploitations s’est agrandie depuis 1992. Plusieurs pistes de projets ont été privilégiées : la mise aux normes sanitaires des bâtiments existants, la valorisation des fumiers et la gestion des effluents d’élevage, la suppression du maïs ensilage et une meilleure utilisation des prairies, l’augmentation des superficies fourragères (hors maïs) afin de gagner du temps de travail, le développement de l’élevage, la gestion de l’agrandissement et de l’utilisation de la main-d'œuvre, la transformation des productions, la diversification et les projets liés au tourisme, la pluriactivité. Les actions concernant le raisonnement technico-économique des fumures, la gestion, le stockage et l’utilisation des fumures animales dominent et intéressent une grande partie des projets. Parallèlement à ces mesures, des actions d’information et de formation ont été programmées, tant pour les agriculteurs que pour les techniciens agricoles, privilégiant le raisonnement des fumures animales, la cohésion paysagère et les pratiques de la jachère, la prise en compte des nuisances potentiellement engendrées par l’activité agricole, l’importance des haies et de leur maintien en nombre dans le paysage. Un stage de formation global de cinq jours a présidé à la mise en œuvre des PDD, sur l’ensemble des aspects évoqués. Il est difficile de dresser un bilan qualitatif d’une telle opération. Ses résultats apparaissent a priori peu spectaculaires, si l’on se base sur le nombre d’agriculteurs ayant mis en place un projet. Par ailleurs, la démarche territoriale semble avoir eu du mal à émerger car, si l’on a bien reconnu des priorités de développement agricole local correspondant au territoire de la région Montagne, ce sont des projets individuels qui se sont mis en place, et la concrétisation du PDD ressemble à une addition d’initiatives et de bonnes volontés individuelles. Pourtant, les responsables locaux du développement agricole savent que, dans ce domaine, le travail de fond doit se raisonner au moins sur une dizaine d’années, voire plus, et que les résultats n’apparaissent jamais flagrants ou immédiats. Ainsi, l’animation créée dans cette région autour du PDD, les réunions d’information, les enjeux territoriaux définis par le diagnostic de territoire, ont encouragé une certaine dynamique locale, inexistante ou peu marquée auparavant, dans un espace de faible densité d’actifs agricoles. La volonté de réflexion sur les pratiques agricoles s’est élargie aux autres agriculteurs de la région et un groupe d’agriculteurs de l’ensemble du plateau de Langres s’est intégré à la commission agricole de l’ADECAPLAN, Association locale de développement du canton d’Auberive et du plateau de Langres. Même si cette commission apparaît aujourd’hui peu vivace, une volonté de formation locale agricole a émergé à partir des préoccupations définies dans les différents projets PDD, et elle s’est ouverte à tous les agriculteurs du secteur, par des stages : maîtriser son travail en production végétale, raisonnement technico-économique de la fertilisation, la réduction des pollutions dans le cadre des mesures agri-environnementales (opération de protection des eaux du sud-ouest Langrois, traitée précédemment), et protection phytosanitaire. Or, le problème essentiel posé par les plans de développement durable est celui de leur pérennité. La démarche envisagée au niveau national n’a été conçue que comme un programme expérimental. Au bout d’un an de fonctionnement, les crédits spécifiques liés au suivi technique des exploitations n’ont pas été reconduits. Pourtant les agriculteurs qui sont allés au bout de la démarche ont pu bénéficier d’un diagnostic complet de leur exploitation, porteur de réflexion et de projets d’exploitation pour l’avenir et pourquoi pas, à l’occasion des CTE.
Les OGAF en Bourgogne
41Deux OGAF (Opérations groupées d’aménagement foncier) délimitées sur les plateaux de basse Bourgogne définissent des actions privilégiant une agriculture multifonctionnelle voire durable, dès le début des années 1990. Les ADASEA des deux départements (Yonne et Côte-d’Or) ont fourni les renseignements et informations nécessaires à la rédaction de ces paragraphes et à la présentation des deux OGAF : celle de Vermenton-Coulanges et celle de Sombernon–Saint-Seine-l’Abbaye.
42L’OGAF de Sombernon – Saint-Seine-l’Abbaye, appelée « OGAF Montagne et vallée de l’Ouche » a été programmée de 1990 à 1993, (puis prolongée jusqu’en 1995), au moment où se discutent les conditions de mise en place de la PAC de 1992 et où les MAE sont annoncées. Elle concerne les deux cantons de Sombernon et de Saint-Seine-l’Abbaye, au sud du plateau de Langres (la Montagne). Ses objectifs visent à « assurer le maintien d’exploitations économiquement viables et favoriser leur renouvellement par l’encouragement à l’installation de jeunes agriculteurs50 ». Six actions ont été privilégiées ; elles sont conformes et coordonnées à celles engagées dans le cadre de la charte intercommunale de pays de la Montagne et de la vallée de l’Ouche. Elles intéressent surtout les exploitations d’élevage et exploitations mixtes (nettement dominantes dans le canton de Sombernon) et les parcelles de prés et de coteaux. L’action 1 est une aide aux travaux d’aménagements fonciers consécutifs au regroupement de parcelles de prés, qu’il s’agisse de l’accès aux parcelles, des remises en état de clôtures ou de travaux de débroussaillage, après une restructuration foncière, un échange amiable ou un remembrement foncier. L’action 2 incite à utiliser de façon extensive des prés en coteaux, pour des agriculteurs disposant d’îlots de 10 hectares au minimum, résultant en partie (20 % au moins) d’échanges amiables, de regroupements ou remembrement récents. Il s’agit d’éviter le développement de la friche sur les coteaux. Une aide à la constitution de cheptel reproducteur pour les jeunes agriculteurs installés en production de viande bovine et ovine est également prévue (action 3). Elle est complétée par des subventions à la construction et à l’aménagement de bâtiments d’élevage (action 4). Les deux dernières mesures (actions 5 et 6) doivent être classées à part. L’action 6 est une aide aux projets de diversification agricole : petits élevages, productions végétales annexes, valorisation des produits fermiers mais surtout tourisme à la ferme qui permet d’exploiter les atouts de la région pour le tourisme vert, à proximité de l’Auxois, de l’agglomération dijonnaise et des grandes réserves forestières du département. Cette action s’intègre dans la définition d’une agriculture multifonctionnelle, par la définition de services fournis par les agriculteurs à d’autres partenaires du développement local. L’action no 5 favorise la reconversion des terres arables à faible potentiel (les terres à cailloux présentant ici des sols souvent très superficiels, en G 1) à des fins cynégétiques, en bordure des grandes forêts giboyeuses, en liaison avec la fédération départementale des chasseurs : les parcelles sont converties, pour une durée de cinq ans, en cultures destinées à l’alimentation du gibier. Or, le grand gibier et l’économie de la chasse représentent un facteur de richesse économique non négligeable pour les plateaux. La zone cynégétique définie en partenariat avec la fédération des chasseurs, l’ONC (Office national de la chasse) et l’ONF (Office national des forêts) couvre 25 000 hectares dont 17 000 hectares de forêt, la forêt de Francheville. Elle abrite un cheptel de grands cervidés recensés à plus de 2000. On souhaite mettre en place des contrats de prestation entre les agriculteurs et les chasseurs pour l’entretien de parcelles de cultures judicieusement placées afin qu’elles puissent limiter les dégâts occasionnées par la présence de ce cheptel nombreux en bordure d’un espace de culture important. Pour le seul massif de Francheville, l’indemnisation des dégâts de gibier peut osciller, en fonction des années, de 700 000 à plus de 1,3 million de francs (en 1999) ! Cette mesure est destinée à tester en grandeur nature un système de prévention contre les dégâts de gibier. L’expérimentation porte sur une superficie prévisionnelle de 200 hectares de cultures à gibier. Pour cette action, le financement et les subventions sont assurés par une contribution de l’ensemble des partenaires engagés : ONC, ONF, ministère de l’Environnement, financement lié au gel des terres, Fédération départementale des chasseurs de Côte-d’Or, groupement de chasseurs de la Montagne, communes et propriétaires forestiers. Cependant, sur cette partie des plateaux où les élevages en système mixtes sont très représentés, les actions concernant l’élevage (bâtiments d’élevage, cheptel reproducteur, prés en coteaux) l’ont nettement emporté, représentant 50 % des crédits utilisés. Pourtant, la mesure d’incitation aux cultures cynégétiques correspond à près de 20 % des sommes engagées pour l'OGAF. Les crédits engagés ont été attribués à 100 %. Les financements proposés par ce programme sont bien plus élevés que ceux de l'OGAF de Vermenton-Coulanges, dans l’Yonne.
43L’OGAF de Vermenton-Coulanges-la-Vineuse dans l’Yonne se met en place plus tardivement (1994-1998), au moment où les réformes liées à la mise en place de la PAC sont déjà bien engagées. La charte intercommunale de Coulanges-la-Vineuse-Vermenton a été approuvée en juin 1991. Les questions agricoles y sont abordées et un premier projet d’OGAF est envisagé. Il n’a pas connu de suite positive puisque, rapidement, d’autres programmes s’y sont substitués. Ainsi, le projet « Auxerre Belle Campagne », né en 1992 d’une réflexion sur la nécessaire évolution de l’agriculture dans son territoire face aux évolutions de la PAC et des attentes croissantes de la société, cherche à promouvoir les approches contractuelles rémunérées entre agriculteurs, collectivités locales et les autres acteurs économiques, autour d’opérations d’entretien du paysage : haies, protection des cours d’eau, plantations d’arbres. En 1993, un plan de développement durable s’avère impuissant à impulser une dynamique locale. Par ailleurs, en 1994, les deux cantons, bien que confrontés à de réelles difficultés rurales, ne sont pas intégrés dans les zones rurales fragiles (5 B) de l’Union européenne. Ils ne sont pas éligibles aux aides du contrat de plan au titre du programme PRDC en Bourgogne et aux aides européennes qui lui sont liées. Cependant, des fonds de compensation PDZR (européens) pourront, dans le cadre de l’OGAF, être utilisés en financement partiel. Le financement de l’OGAF associe des crédits de l’État et des crédits du conseil général de l’Yonne. Le tiers des crédits est réservé aux améliorations foncières. L’animation, l’information et le suivi ultérieur des dossiers ont été assurés conjointement par la chambre d’agriculture de l’Yonne, service foncier et SUAD (Service d’utilité agricole et développement) et l’ADASEA. Le périmètre de l’OGAF est défini de la façon suivante. Il concerne les cantons de Coulanges-la-Vineuse et de Vermenton en totalité. Dans le canton de Chablis, on retient quelques communes (Aigremont, Lichères-près-Aigremont, Saint-Cyrles-Colons), ainsi que Trucy-sur-Yonne, dans le canton de Coulanges-sur-Yonne et Vallan dans le canton d’Auxerre sud-ouest. Dans ce secteur, le vieillissement de la population est très accentué. L’orientation agricole vers la grande culture est très marquée, malgré la zone viticole très localisée de Coulanges-la-Vineuse et Irancy (419 hectares en 1988). La vigne a encore progressé depuis 1988, avec un doublement de la zone AOC. Cependant, les superficies viticoles occupent moins de 500 hectares sur une SAU de plus de 21 200 hectares, dominée par les céréales et le colza.
44Les objectifs de l’OGAF, programmée de 1995 à 199851, sont de maintenir les exploitations par une politique des structures gérant l’agrandissement, de favoriser l’installation sur des structures viables, de diversifier la production agricole, de favoriser le développement d’un agritourisme envisageable dans cette région de passage du sud de l’Auxerrois et de développer des actions de « protection du paysage ». Or, les objectifs, définis avant 1995, se basent sur le recensement de l’agriculture de 1988 dans lequel on a compté cent soixante exploitations de moins d’un hectare (« survivance viticole »), sur quatre cent dix-neuf exploitations au total, dont seulement deux cent soixante à temps complet. Au moment de la mise en place de la PAC de 1992, une restructuration foncière s’impose ; beaucoup de communes n’ont toujours pas été remembrées. Cinq actions sont mises en avant. Des actions d’améliorations foncières par échanges de parcelles, par aménagement des chemins de desserte, par la lutte contre l’érosion et par le broyage de pierre, sont prévues. On souhaite également promouvoir l’agrotourisme. D’autres actions concernent l’amélioration des bâtiments et des matériels utilisés, l’embellissement et le désenclavement des bâtiments de ferme, la rationalisation des bâtiments d’élevage et de stockage des produits phytosanitaires ou de résidus de raisin, et l’achat de matériel pour l’entretien des sentiers de randonnée, dans le cadre d’une contractualisation entre l’agriculteur et une collectivité locale. La diversification agricole grâce à des productions nouvelles, à la promotion des produits et à la transformation des céréales à la ferme, pour l’élevage, est également mise en avant. On cherche aussi à encourager le maintien de l’emploi, par la constitution de groupements d’employeurs. Cependant, dans le domaine structurel concernant l’activité agricole dominante proprement dite, on reste réaliste par rapport à l’agrandissement considéré comme inéluctable : l’installation sur des structures viables est censée avoir un agrandissement pour préalable.
45Le bilan des réalisations montre une certaine désaffection pour les mesures liées aux améliorations foncières. Les opérations portant sur les bâtiments et matériels, particulièrement l’action « désenclavement du corps de ferme », ont davantage retenu l’attention. On peut s’interroger sur la pertinence de certaines actions. Au moment où la réflexion sur la mise en œuvre de l’OGAF s’organise, on ne dispose pas encore des premières analyses statistiques tirées du fichier PAC. On n’a pas pris suffisamment en compte les effets de la première mesure de préretraite agricole, très marqués entre 1992 et 1995, et ayant permis de réaliser une grande partie des améliorations foncières souhaitables, tout en accélérant l’agrandissement moyen des exploitations de grande culture. Certes, le fichier PAC-ACS ne prend pas en compte les exploitations viticoles. Cependant, la fin des années 1980 et le début des années 1990 s’accompagnent, dans les vignobles de l’Auxerrois, d’une restructuration notable et de la réorganisation, par extension, de la zone AOC. De même, les mesures liées au broyage de pierre apparaissent décalées dans une région agricole largement équipée depuis les années 1980. En revanche, les actions de diversification ont dépassé les espérances. Les actions de création ou agrandissement d’ateliers de productions nouvelles ont intéressé treize agriculteurs, dont deux pour le vignoble d’Irancy. Deux agriculteurs se sont investis dans des actions touristiques d’hébergement et de loisir. Au total, quatre-vingt-douze dossiers ou contrats différents ont été réalisés. Cinquante-huit projets portent sur l’action « amélioration des bâtiments et matériels » ; l’essentiel des crédits a été versé au titre du « désenclavement des corps de ferme », opération qui avait été peu budgétée au départ. Si le volet agrandissement n’a pas besoin d’une OGAF pour se réaliser, en revanche, l’extrême complexité du parcellaire de propriété demeure. L’OGAF a permis de faire prendre conscience à certaines communes de la nécessité d’engager une action de remembrement. Ce qui frappe également, c’est la modicité des sommes accordées par dossier, pour des actions nécessitant des investissements parfois élevés. Ainsi, les aides environnementales par le biais de la construction de bacs de rétention ont permis de sensibiliser les agriculteurs mais n’ont pas su les convaincre d’investir compte tenu du décalage entre les subventions versées et le coût total de certains travaux. Il semble ici que l’on ait réalisé une OGAF « de consolation » sur un constat d’émiettement du parcellaire viticole et de survivance de très petites structures pour une population agricole âgée, alors que, globalement, les revenus agricoles en grande culture ne sont pas défavorables. Le compte-rendu d’exécution de l’OGAF, rédigé par les animateurs de l’action, souligne le relatif échec de cette opération : la motivation, relativement forte au début, a été décroissante. On a espéré des aides à l’investissement plus conséquentes, qui ne sont pas venues. La mise en place de l’OGAF, quelques temps après celle de la PAC de 1992, à un moment où les craintes sur le revenu agricole s’estompent, n’a pas poussé à une forte mobilisation. Les restructurations foncières et la poursuite du modèle habituel de développement agricole se sont opérées en dehors de la logique OGAF. Mais pourquoi lutter contre une conjoncture qui, à l’époque, apparaît extrêmement porteuse et favorise la grande culture sur le plateau au moment où, de surcroît, la viticulture prospère à Irancy ?
46Sur des plateaux où les logiques de développement sont marquées par une simplification extrême, aux mains d’actifs agricoles peu nombreux et très productifs, comment les pratiques d’une agriculture multifonctionnelle et diversifiée peuvent-elles trouver un écho ? Les agriculteurs des plateaux peuvent-ils sortir de leur forte dépendance à la PAC actuelle et orienter leur développement agricole vers d’autres modèles, d’autres productions, dans une logique durable, axée sur le territoire local ?
Notes de bas de page
1 Gro Harlem Brundtland, en 1987, présidente de la CNUED (Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement).
2 Contribution de la France sur le caractère multifonctionnel de l’agriculture et des terroirs, Conférence OAA-FAO, Maastricht septembre 1999, source : ministère de l’Agriculture et de la Pêche.
3 Cammarata Alberto, « Agriculture et environnement », Les Cahiers de la PAC, hors série, Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 1997. Dans ce dossier, on développe un historique complet des rapports agriculture et environnement au sens large, intégrant le développement rural local, au sein de la Communauté européenne, depuis son origine. On insiste beaucoup sur l’idée d’intégration progressive des politiques agricoles, rurales, de développement local et environnementales.
4 Déclaration de Cork, « L’avenir de l’Europe en question », 7 Jours d’Europe, dossier zones rurales, no 249, 1996, p. 4-5.
5 « Déclaration de Cork, un milieu rural vivant », 7 au 9 novembre 1996, Conférence européenne sur le développement rural, l’Europe rurale, des perspectives pour l’avenir.
6 « Agenda 2000 », Bulletin de l’Union européenne, supplément 5/97, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1997.
7 « Le développement rural », les Cahiers de la PAC, 6, Office des publications officielles des Communautés européennes, mai 2000.
8 Projet présenté le 4 juin 1998 à l’occasion du CNADT (Comité national d’aménagement et de développement du territoire).
9 J.-L. Pujol, D. Dron, Agriculture, monde rural et environnement : qualité oblige, Rapport remis à la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, Cellule de prospective et de stratégie, La Documentation française, coll. « Rapports officiels », 1999.
10 La loi pour l’aménagement et le développement durable du territoire a prescrit l’élaboration, dans chaque région, de huit schémas de services collectifs dont un consacré aux espaces naturels et ruraux.
11 Ministère de l’environnement, cellule prospective et stratégie, rapport de mars 1999.
12 B. Briel, L. Vilain, Vers l’agriculture durable, ministère de l’Agriculture et de la Pêche, La Bergerie Nationale, Éducagri Editions, Dijon, 1999. Ils abordent ce thème dans le chapitre VI, les perspectives de l’agriculture durable en France, p. 81-106.
13 Subordonner les aides reçues au respect de certaines normes environnementales.
14 Le PMPOA est né le 1er janvier 1994, prévu pour dix ans. C’est une traduction opérationnelle entre les travaux menés au sein du CORPEN sur les pollutions par les nitrates et l’accord politique signé entre le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement pour intégrer ces questions dans les dispositifs des agences de l’eau. Il comporte à l’origine trois volets : l’élevage, l’azote minéral et les phytosanitaires. Dans le premier programme (1994-1999), seul le premier volet a été appliqué : mise aux normes des bâtiments d’élevage permettant un stockage des effluents et un meilleur choix des périodes d’épandage ; mise en place de bonnes pratiques agronomiques d’épandage. Ce programme est mené en continuité avec celui lié à la directive européenne « nitrates ». Informations tirées du Colloque « Maîtrise de l’impact des activités agricoles sur l’environnement », Assemblée nationale, 17 juin 1999.
15 Application de la directive européenne « nitrates »du 12 décembre 1999. En France, 46 % de la SAU et 43 % des exploitations seraient au-dessus de la limite de « vulnérabilité » fixé à une teneur en nitrates d’au moins 50 mg/l. Cela doit conduire à l’élaboration d’un cahier de bonnes pratiques agricoles, dans chaque département, définissant des prescriptions à respecter par chaque agriculteur situé en zone vulnérable. Ces programmes ont une durée de quatre ans. Ils sont suivis par les chambres d’agriculture et cofinancés par les agences de l’eau.
16 B. Briel, L. Vilain, 1999, op. cit., p. 193.
17 C. Laurent, F. Maxime, M. Tichit, « Multifonctionnalité de l’agriculture et modèle de l’exploitation agricole, enjeux théoriques et leçons de la pratique », colloque SFER, La multifonctionnalité de l’activité agricole et sa reconnaissance par les politiques publiques, Paris, 21-22 mars 2002.
18 10 juillet 1999, Bulletin officiel. Informations ministère de l’Agriculture pour les principales dispositions de cette loi d’orientation.
19 Redistribution par la modulation de 3 % des aides directes reçues, pour l’an 2000.
20 Bulletin d’information de la mutualité agricole, no 522, juillet 1999, p. 21-26.
21 Source : Ministère de l’Agriculture, juillet 1999.
22 F. Rodants du Vivier, Agriculture européenne et environnement, un avenir fertile, Paris, Éditions Sang de la terre, 1987. En 1985, le Livre vert, publié par la Commission européenne, plaide pour une politique des prix restrictive compensée par des mesures sociales d’aides directes au revenu, justifiées par l’environnement, par l’entretien des « couloirs écologiques », dans un raisonnement que d’aucuns jugent très limitatif.
23 Article 19 du règlement CEE 797/85. Compensation financière en faveur des agriculteurs situés dans une zone sensible et s’engageant à modifier leur système d’exploitation afin de le rendre davantage apte à préserver la qualité de l’environnement (paysage, eau, air faune et flore). Il n’est pas contraignant car repose sur le volontariat et accorde une aide financière aux agriculteurs s’engageant dans des contrats de gestion. Il est mis en œuvre en France par le biais d’OGAF qui seront souvent maintenues après 1993 ou reprises sous la forme des opérations locales agri-environnementales.
24 L. Thiébaut dir., Évaluation des MAE Bourgogne, Dijon, ENESAD, 1998.
25 J.-P. Fruit, M. Lompech, « Les politiques agri-environnementales dans l’espace français », L'Information Géographique, 2,1997, p. 65-74.
26 Souvent d’ailleurs, à l’interface élevage-culture, en système mixte.
27 L. Thiébaut dir., 1998, op. cit., p. 197.
28 M. Sebillotte, Les Mondes de l’agriculture, une recherche pour demain, Paris, INRA Éditions 1996.
29 Réseau FARRE, plaquette d’information.
30 Bayer, BASF, Rhône-Poulenc agrochimie, Monsanto agriculture, DuPont de Nemours France sont membres du réseau FARRE. Laure Belot, Le Monde (28 février-1er mars 1999).
31 Réseau FARRE, « Auto-diagnostic environnemental en grandes cultures, annexe du socle commun de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement », janvier 1999.
32 Bosquets, haies, bandes enherbées, pelouses, friches, mares...
33 Danone, puis Auchan, Carrefour et Casino s’y sont engagés dans leurs approvisionnements à partir des années 1990.
34 Propos de Christiane Lambert, présidente du réseau, lors des troisièmes rencontres de l’agriculture raisonnée le 6 janvier 2000 à Paris, dans Anne Gilet, la France Agricole (14 janvier 2000).
35 C. Dziegiel, « L’or vert de l’agriculture raisonnée », Alternatives Économiques, 184, septembre 2000, p. 32-34.
36 Le référentiel national de l’agriculture raisonnée a été publié dans l’arrêté du 30 avril 2002.
37 C’est l’opinion défendue par la Confédération paysanne, syndicat agricole : Gaëlle Dupont, « Agriculture raisonnée, premières certifications à l’automne », Le Monde (14 mars 2003).
38 Source : 110 Bourgogne.
39 Agriculteurs rencontrés en mars 2000, sur les plateaux ; enquêtes de terrain.
40 Association production végétale et agronomie, service technique de la chambre d’agriculture de Haute-Marne.
41 Cela ne saurait en aucun cas constituer un problème sur les plateaux où l’élevage n’est pas dominant. On est très loin d’une situation de saturation par rapport aux effluents d’élevage à épandre.
42 Agriculteur rencontré au printemps 2000, enquête de terrain.
43 Pour des structures moyennes « finales » de 120 hectares maximum, ce qui reste inférieur à la moyenne des plateaux de Bourgogne, en grande culture.
44 Joëlle Plantin, « Les CUMA de Haute-Marne, 50 ans de dynamisme et d’évolution », Entraid-est, numéro spécial, juin 1998.
45 Canton de Vignory, en Barrois.
46 « Travail minimum du sol et semis direct », Châtel-Gérard, 26 août 1997.
47 Agriculteur rencontré en mars 2000, enquête de terrain.
48 « Les PDD », Chambre d’agriculture, supplément au no 832, avril 1995.
49 Source : ADASEA de Haute-Marne, CCER et DDA de Haute-Marne pour les réalisations concrètes en plateau de Langres, étude de faisabilité dirigée par D. Godard et L. Venzac, documents internes.
50 Préfecture de la Côte-d’Or, DDAF, arrêté fixant les objectifs, le périmètre, les actions, le financement, la durée et les autorités chargées de l’exécution ; arrêté du 9 octobre 1990.
51 Date d’agrément : 10 avril 1995 et date de clôture, 31 décembre 1998.
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