Chapitre 7. La simplification des systèmes de production
p. 129-139
Texte intégral
Accentuation de la spécialisation en blé et colza depuis 1992
1Sur les plateaux, la SAU déclarée dans les fichiers PAC-ACS représente plus de 95 % de la SAU totale, hors cantons viticoles (Yonne) ; ces fichiers représentent une bonne source d’information statistique sur l’évolution agricole au cours des années 1990. Les COP occupent très généralement plus de 70 % de la SAU. Les superficies en COP sont constituées à 23,6 % de colza, avec un maximum de 31 % pour le canton de Chevillon en Barrais haut-marnais et un minimum de 15,5 % à Recey-sur-Ource. Le blé occupe généralement 40 % (plateau de Langres) à 45 % des COP. Le colza a confirmé sa place privilégiée comme tête d’assolement et ses superficies ne peuvent guère excéder un tiers de la SCOP sur les plateaux. Ces productions se sont affirmées à partir de la mise en place de la PAC. L’exemple de la Côte-d’Or (tableau 35) et de ses régions agricoles de plateaux calcaires montre un fléchissement des superficies cultivées, lié au gel des terres, au début de la mise en place de la réforme, de 1992 à 1994, moins marqué pour le blé que pour l’orge. Les superficies en colza, concernées par la réforme dès 1992 et constituant la principale tête d’assolement, ont été moins touchées, en proportion, que les surfaces en céréales. Non seulement, la part du colza dans les COP et dans la SAU n’a cessé de s’affirmer, mais la part du colza dans les productions oléagineuses a encore eu tendance à augmenter.
tableau 35. Évolution de la part des céréales et du colza dans les COP et dans la SAU des plateaux en Côte-d’Or
1993 | 1994 | 1996 | 1998 |
% du colza/COP13,4 | 14,9 | 17,7 | 21,5 |
% du colza/SAU10,3 | 11 | 13,7 | 17,2 |
% des céréales/COP65,8 | 61,9 | 66,8 | 68,5 |
% des céréales/SAU49,1 | 44,5 | 50,4 | 52,8 |
% colza/oléagineux84,2 | 80,8 | 90 | 95,6 |
2Les enquêtes TER-UTI1 du ministère de l’Agriculture présentent, pour le plateau de Bourgogne de l’Yonne, la même accentuation des spécialisations vers une ou deux productions. Malgré le tassement des superficies cultivées en 1993-1994, lié au gel des terres, la permanence des assolements pendant les années 1990, mais surtout le maintien des superficies en blé, de 40 à 45 % de la SAU, apparaît remarquable. L’orge a, comme en Côte-d’Or, souffert plus que le blé du gel des terres et de la réforme de la PAC de 1992. Cependant, l’orge de printemps, pourtant encore très minoritaire, a tendance à augmenter à la fin des années 1990, au détriment de l’orge d’hiver. Les données du fichier PAC-ACS de Haute-Marne, pour l’année 1997, permettent une étude précise des assolements réalisés, par canton. Sur les plateaux de Haute-Marne, l’évolution du taux de gel obligatoire et surtout sa diminution, de 1994 (15 %) à 1997 (5 %), ont permis à la culture du blé d’augmenter ses surfaces de 20 %, voire de plus de 25 % à Arc-en-Barrois et Doulaincourt-Saucourt. On distingue différents types de cantons en fonction des spécialisations céréalières dominantes. Les céréales fourragères sont, dans le fichier PAC-ACS de Haute-Marne, comptabilisées avec les superficies céréalières et non fourragères, notamment la production de maïs destiné à l’ensilage. A Auberive, canton dans lequel les systèmes mixtes céréales-élevage bovin sont très représentés, la part de l’orge, qui peut avoir une destination fourragère, est supérieure à celle du blé. Compte tenu de la très faible épaisseur des sols et des conditions hydriques en Montagne de Langres, le maïs (ensilage) est peu cultivé. À Poissons et Joinville (Barrois), le maïs sert d’abord à l’ensilage, dans des cantons où la présence de l’élevage bovin peut l’expliquer. Pourtant malgré l’élevage, le choix des cultures pratiquées, très restreint, a tendance à se concentrer autour du pôle blé-orge-colza. L’accord de Luxembourg, qui privilégie un plus grand choix de production dans l’assolement grâce au paiement unique par exploitation, risque de rencontrer ici un écho limité.
3Le gel des terres obligatoire est un élément de changement important. La réglementation évolue pendant les années 1990 : de rotationnel ou libre, le gel devient totalement libre à partir de 1996, seule l’obligation de respecter le taux défini par Bruxelles s’impose. À partir de ce moment, le gel fixe et libre se développe, dans la mesure où le taux applicable n’est pas supérieur au gel en rotation. Cela peut conduire à soustraire les plus mauvaises terres à la culture mais la jachère est obligatoirement entretenue.
tableau 36. Évolution du gel réel dans les cantons des plateaux de Côte-d’Or
1993 (en %) | 1994 (en %) | 1996 (en %) | 1998 (en %) | |
Plateaux de Côte-d’Or | 15 | 17,4 | 12,6 | 8,2 |
Côte-d’Or (département) | 13,6 | 15,7 | 11,7 | 7,6 |
Taux de gel obligatoire | 15 | 15-20 (fixe) | 10 | 5 |
4L’exemple de la Côte-d’Or (tableau 36) montre que le taux de gel réel est très souvent supérieur au taux obligatoire et que le taux de gel sur les plateaux apparaît plus élevé que celui effectivement pratiqué dans l’ensemble du département. La possibilité de pratiquer un gel fixe au départ, sur les parcelles les moins avantageuses en terme de rendements, sur une période de cinq ans, a pu conduire à maintenir ce gel après 1996 et à ne pas remettre en culture ces surfaces. Un gel volontaire, gel ARTA2, reconduit pendant les années 1990 s’est ajouté à la jachère obligatoire. Ce programme a fonctionné dès 1988, pendant une durée de cinq ans, et a été reconduit pendant les premières années de mise en place de la PAC, puis prolongé par des MAE. Le retrait doit représenter au moins 20 % des terres arables effectivement exploitées. Plusieurs types de gels sont possibles : jachère fixe, jachère tournante, jachère pâturée, jachère boisée et jachère à usage non agricole. En 1991-1992, rénové par un gel annuel, il a permis de constituer une préparation au gel obligatoire. Parallèlement, le gel quinquennal se prolonge mais le gel annuel a eu un peu plus de succès sur les plateaux de basse Bourgogne, tant dans l’Yonne qu’en Côte-d’Or. Dans l’Yonne, un tiers des dossiers déposés (deux cent quatre-vingt dix-sept au total) concernent la région plateau de Bourgogne, notamment les cantons de Cruzy-le-Châtel, Chablis, Noyers, l'Isle-sur-Serein. En Côte-d’Or, de 1989 à 1992, 2 445,6 hectares ont été volontairement retirés en gel quinquennal, dont 56 % dans la région plateau de Langres ; il s’agit, à près de 80 %, d’une jachère fixe. Le gel annuel de 1991-1992 concerne 6 000 hectares en Côte-d’Or, prioritairement sur les plateaux, compte tenu de la part des terres arables dans la SAU. Dans le cadre de l’OGAF de Saint-Seine-l’Abbaye – Sombernon, 207 hectares ont été destinés à la jachère cynégétique, pour les cultures à gibier. La mise en place du gel obligatoire par la PAC les autorise à résilier leur contrat tous les ans, entre 1992 et 1996. Dès 1993, près de la moitié des contrats l’ont été. À partir de 1995-1996, les contrats jachère subsistants s’inscrivent bien souvent dans un contrat environnemental local, de type jachère gibier, jachère faune sauvage, boisement des terres agricoles, et ne concerne qu’une part très infime des surfaces précédemment cultivées.
5C’est sur le plateau de Langres haut-marnais, notamment à Auberive, et dans le sud du Barrois, que le gel volontaire a eu le plus d’impact. Dès 1991-1992, au titre du gel quinquennal, 1420 hectares sont gelés sur le plateau de Langres et le sud-ouest Barrois, sur 1 660 hectares gelés pour l’ensemble de la Haute-Marne : 549 hectares dans le canton d’Auberive, 210 hectares dans celui de Prauthoy et 216 hectares à Langres. La jachère fixe, la jachère tournante et la jachère pâturée correspondent à l’essentiel des superficies en gel volontaire quinquennal. La jachère fixe occupe généralement le tiers des superficies gelées sur le plateau de Langres, un peu plus sur celui du Barrois : dans le canton de Vignory, elle en représente même la totalité. Parallèlement, en 1991-1992, le programme annuel de retrait temporaire des terres s’est étendu sur 2 400 hectares, dont 1 785 sur les plateaux de Langres et du Barrois. Cinq cantons du sud-ouest haut-marnais concentrent 1 084 hectares retirés temporairement : Châteauvillain, Arc-en-Barrois, Auberive, Prauthoy et Langres, pour cinquante-cinq dossiers déposés, soit une surface moyenne de 32,5 hectares gelés par dossier. Les cantons du sud-ouest haut-marnais, particulièrement Auberive, Prauthoy, Langres regroupent l’essentiel du gel volontaire, qu’il soit quinquennal ou annuel. Cependant, à partir de 1992-1993, seuls les programmes spécifiques sur cinq ans peuvent se prolonger et surtout pour des opérations comme la jachère pâturée, très présente dans le canton de Prauthoy, voire la jachère boisée sur le canton d’Auberive. Aussi, le taux de gel réel constaté dans le canton de Prauthoy et surtout d’Auberive, bien supérieur au taux obligatoire et à celui observé sur les autres cantons, s’explique-t-il par le maintien d’un gel environnemental.
6La réforme de 1992 a introduit le gel industriel, improprement nommé, puisqu’il donne la possibilité de cultiver certaines plantes sur les parcelles théoriquement gelées par la réforme, sous réserve d’avoir conclu un contrat avec un industriel transformateur, afin de garantir un approvisionnement fixé au début de la campagne. Dans la région des plateaux, il s’agit à plus de 90 % de colza (98 % dans l’Yonne en moyenne). Les autres productions « industrielles » autorisées sur les superficies en jachère, comme le chanvre ou le lin, rencontrent beaucoup moins d’écho. Cela dépend souvent de l’existence ou non d’un groupement de producteur à proximité, pouvant constituer un exemple, organiser la filière et fournir un conseil technique. La chanvrière de l’Aube (basée à Bar-sur-Aube) a rencontré un peu plus de succès dans son développement en Barrois haut-marnais. Les superficies en gel industriel ont évolué en fonction du taux de jachère obligatoire alors que les industriels cherchent généralement des approvisionnements plus constants. Les organismes stockeurs, organisés pour la collecte presque exclusive du blé, de l’orge et du colza, ont également intérêt à garantir leur propre approvisionnement et ne cherchent pas à encourager la diversification vers des productions qu’ils n’organisent pas eux-mêmes. Cependant, le colza est une production sur laquelle on peut compter car pratiquée avec régularité sur les plateaux puisqu’il s’agit de la seule tête d’assolement. En cas de mauvaises récoltes ou de chute brutale des rendements, il est possible de satisfaire les contrats en transférant une part du colza alimentaire vers une destination industrielle La définition et la répartition entre régions des superficies réservées au colza industriel à partir de 1994 a donné lieu à des arbitrages complexes entre le ministère de l’Agriculture et la profession, par l’intermédiaire de la FOP (Fédération des oléoprotéagineux) et de Sofiprotéol, puisque ces surfaces ont été strictement réglementées par les accords du GATT. Parallèlement, une des principales destinations du colza industriel, à savoir l’ester méthylique de colza entrant dans la composition des carburants verts, a opposé fortement les projets industriels de deux régions : la région Lorraine, avec le projet d’une usine de production à Metz, et les régions Champagne-Bourgogne, autour du projet du groupe Soufflet à Nogent-sur-Seine, qui a été finalement agréé par le ministère de l’Agriculture en 1994, pour la production de « fioul bioester »3. Les accords de l’OMC permettent jusqu’à 900 000 hectares de colza énergétique. La France a pu s’accorder 275 000 hectares, à répartir à partir de 1994 entre les différentes régions françaises et les producteurs. La règle de répartition correspond pour 50 % à la référence historique (1989-1992) des surfaces oléoprotéagineuses, pour 25 % à la représentativité des superficies en colza dans les oléagineux et pour 25 % à l’importance des surfaces en jachère. La région Centre, la Champagne-Ardenne et la Bourgogne rassemblent 37 % des surfaces autorisées en colza industriel, dont 9,62 % pour la Bourgogne, essentiellement dans les départements de l’Yonne et de la Côte-d’Or, pour lesquels on n’a pas connu de restriction dans la gestion et le partage des surfaces contractualisées par chaque agriculteur. L’agriculteur s’engage auprès de son organisme stockeur qui reçoit la contractualisation des surfaces en colza-carburant. L’organisme stockeur s’engage auprès d’un triturateur ou d’un transformateur pour lui fournir les quantités contractualisées. À partir de 1997, la proportion entre les surfaces alimentaires et industrielles des cultures oléagineuses est fixée par un accord interprofessionnel, rendu obligatoire en 1998 par un arrêté interministériel4. Il s’agit de mieux gérer l’évolution des surfaces oléagineuses, d’éviter les dépassements de surfaces autorisées en production alimentaire et de garantir les approvisionnements des filières non alimentaires. On demande aux agriculteurs de réserver 88 % des surfaces en colza aux cultures alimentaires et de garantir une destination industrielle pour 12 % des superficies. En Côte-d’Or, c’est surtout à partir de 1995-1996, que les contrats de production industrielle se multiplient. Quel que soit le taux de gel obligatoire, la part des cultures industrielles sur jachère ne cesse d’augmenter dans la seconde moitié des années 1990. Or, le gel industriel est moins pratiqué sur les plateaux de Côte-d’Or que sur l’ensemble du département, en proportion du gel total. Il est vrai que les productions pratiquées ou facilement praticables, en production industrielle, sur les plateaux, correspondent essentiellement au colza. Or, comment augmenter encore la part de colza dans les assolements alors qu'elle occupe déjà en moyenne 28 % de la SCOP (1998). Pourtant, en 1998, à Baigneux-les-Juifs, Châtillon-sur-Seine, Is-sur-Tille, Montigny-sur-Aube et Laignes, les cultures à destination industrielle représentent plus de 27 % des superficies gelées. Dans l’Yonne, (tableau 37), le taux de gel industriel dans les cantons d’Ancy-le-Franc et Cruzy-le-Châtel, s’élève à plus de 33 % en 1995, au moment où le taux de gel obligatoire, supérieur à 12 %, valorise la pratique du colza sur les surfaces en jachère5.
7À partir de 1995-1996, au moment où le gel s’institutionnalise et où les contrats de gel industriel se multiplient, on remarque que la part du colza à destination industrielle diminue lorsque le taux de gel baisse (entre 1996 et 1998, par exemple) et augmente à nouveau lorsque le taux de gel s’élève, entre 1998 et 1999. En Haute-Marne, à Saint-Blin, Wassy, Blaiserives et Joinville (Barrais), le taux de gel industriel dépasse 40 %, alors que sur le plateau de Langres, ce taux, plus faible, est très inférieur à la moyenne départementale : 13 % à Auberive et 18 % à Prauthoy alors que le taux de gel total sur les COP est bien supérieur à la moyenne des plateaux (gel volontaire important). Comment vont évoluer ces superficies en gel à partir de 2003 puisque la révision à mi-parcours de la PAC 2000 ramène le taux de base de gel obligatoire à 10 %, avec possibilité, toutefois, de pratiquer certaines cultures à des fins industrielles sur ces surfaces ?
Des nuances internes face aux spécialisations dominantes
Les différentes productions dans l’utilisation agricole du sol
8La carte 15, présentant une typologie cantonale des plateaux en fonction des spécialisations agricoles dominantes en 2000, distingue assez nettement les plateaux de Bourgogne de l’Yonne, très spécialisés en COP d’une part, et, d’autre part, ceux du plateau de Langres haut-marnais et du nord-est du Barrais, où la part de l’élevage, en système mixte, est plus forte que la moyenne. Cela a un impact sur les paiements compensatoires perçus et les revenus agricoles obtenus, mais également sur la sensibilité plus ou moins grande à la conjoncture internationale et aux évolutions réglementaires de la PAC. De plus, la part des oléagineux dans les COP, essentiellement du colza, de près de 29 % sur l’ensemble des plateaux, selon le RGA 2000 (exploitations professionnelles6), dépasse 30 % dans dix-sept cantons (35 % à Chevillon, 33 % à Coulanges-sur-Yonne) ; cela définit une sensibilité très forte des exploitations agricoles aux évolutions de la conjoncture (des cours bas ou en baisse au début des années 2000) et de politiques agricoles liées au colza, particulièrement l’alignement de la prime compensatoire colza sur celle des céréales, en 2002. Entre 1999 et 2002, dans le département de l’Yonne, les superficies en colza alimentaire ont régressé de 39 % ; cela peut n’être qu’un effet conjoncturel, notamment sur les plateaux où le colza est la seule tête d’assolement possible. Cependant, les organismes stockeurs7 agissant sur les plateaux, soulignent que quelques très grandes exploitations des plateaux ont cherché à remplacer, sur les terres les moins superficielles, une partie des surfaces en colza, voire la totalité, par du tournesol : il existe une mesure agri-environnementale incitative concernant le tournesol et, aujourd’hui, on peut dégager des marges brutes par hectare intéressantes par rapport au colza, mais cette production n’est possible que sur des superficies assez grandes puisque le tournesol nécessite l’acquisition de matériels spécifiques. On constate également, en Côte-d’Or et sur les plateaux haut-marnais, un tassement des surfaces en colza alimentaire, et un repli du colza industriel par rapport à 1999. Parallèlement, on a augmenté le taux de gel classique (jusqu’à 30 % des COP) aux dépens des superficies précédemment en colza.
9Selon le RGA 2000, si les COP représentent 67,4 % de la SAU des exploitations professionnelles des plateaux, elles en occupent 74 % sur les plateaux de Bourgogne icaunais, 68,7 % sur les plateaux de Côte-d’Or mais seulement 62 % sur ceux de Haute-Marne. Dans quatre cas, situés à la limite des plateaux et s’ouvrant sur d’autres régions agricoles, les COP utilisent moins de 50 % de la SAU : Vézelay, Sombernon, Nogent-en-Bassigny et Langres. En Haute-Marne, la part des STH dans la SAU (23,3 %), reste plus élevée que la moyenne. Elle est de 12 % au minimum (Arc-en-Barrois), et de plus de 20 % sur le plateau de Langres à Auberive (21 %), Prauthoy (26,6 %), voire Langres (42,2 %). Cependant, dans ce dernier canton, la moitié de la superficie se situe dans la région naturelle du Bassigny, région davantage herbagère. Une zone centrale des plateaux, correspondant à la région Montagne-plateau de Langres, s’individualise nettement, d’Auberive à Baigneux-les-Juifs et de Recey-sur-Ource à Sombernon, pour la part des cultures fourragères dans la SAU, correspondant à des systèmes de production mixtes grande culture-herbivores.
10La comparaison des RGA de 1988 et 2000, pour les exploitations professionnelles, permet de saisir l’évolution des superficies en COP, TL et STH, sur les plateaux, avant et après la mise en place de la réforme de la PAC de 1992. Les superficies en COP sont peu différentes en 2000 de ce qu’elles étaient en 1988 : elles n’augmentent que de 2,6 %, en moyenne, sur l’ensemble des plateaux. De plus, la part des COP dans la SAU est restée étonnamment stable, autour de 67 % en 1988 et 2000. Cela s’explique, d’une part, par le haut degré de spécialisation en COP déjà atteint en 1988 et, d’autre part, par l’absence de possibilités de diversification culturale en grande culture, sur ces plateaux. Pourtant, certains changements sont à noter : la part des COP dans la SAU augmente de plus de 10 % dans neuf cantons. Ces évolutions sont principalement le fait des plateaux haut-marnais : + 24,4 % dans le canton d’Andelot-Blancheville, + 21 % à Langres et + 22 % à Wassy, en limite de plateau, + 18,4 % à Doulaincourt-Saucourt, + 16 % à Blaiserives-Doulevant. Parallèlement, les STH connaissent une nette diminution (– 15,7 % sur l’ensemble des plateaux), alors que les superficies en terres labourées connaissent une légère progression (+ 6 %). La baisse des STH dépasse 30 % dans sept cantons (– 40 % dans le canton de Chevillon, – 37 % dans celui de Joinville). Au sein des terres labourées, les surfaces céréalières connaissent une réduction de 2,6 % sur l’ensemble des plateaux, alors que le colza s’affirme encore (+ 31,8 %), représentant désormais plus de 23 % des terres labourées, contre 18,5 % en 1988. L’évolution négative des superficies en orge (– 10,3 % en moyenne), diminution surtout forte en Haute-Marne, là où l’orge était bien représentée en 1988, sur plus de 30 % des terres labourées, n’est pas compensée par l’évolution positive des superficies en blé (+ 9 %), progression surtout élevée sur les plateaux haut-marnais (+ 20,3 %). L’ensemble de ces évolutions constatées sur les plateaux traduit un renforcement de la spécialisation et de la simplification culturale en grande culture, autour du blé, de l’orge et du colza, spécialisation pourtant marquée en 1988. De plus, les surfaces fourragères, incluses dans les terres labourées, diminuent fortement (– 30,5 %) entre 1988 et 2000, même en Haute-Marne (– 24,3 %), où l’élevage en système mixte est pourtant bien représenté.
L’élevage
11Par rapport au RGA 2000, ce fichier des déclarants PAC-ACS permet d’obtenir des renseignements sur les références de quotas et la distribution du troupeau dans les systèmes mixtes. Cependant, il ne prend pas en compte tous les éleveurs (mais, pour le RGA 2000, on n’a tenu compte ici que des exploitations professionnelles), bien qu’il donne une assez bonne image de la situation de l’élevage, dans un espace où les systèmes mixtes, avec déclarations COP, sont bien représentés. Cela concerne trois élevages : les producteurs bovins laitiers, par les références laitières, les éleveurs de bovins pour la viande, par la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, et les éleveurs ovins, par le biais de la prime compensatrice ovine. Les élevages laitiers sont surtout représentés, en Haute-Marne, sur le plateau de Langres et dans l’est du Barrais, alors que l’élevage allaitant se concentre davantage sur les cantons du plateau de Langres en Côte-d’Or, à Sombernon, Saint-Seine-l’Abbaye, Recey-sur-Ource, Grancey-le-Château et, secondairement, dans les cantons d Auberive, de Prauthoy, d’Arc-en-Barrois ou de Nogent-en-Bassigny. Les cantons des plateaux de Bourgogne de l’Yonne ne sont réellement touchés par l’élevage que sur leur marge, à Vézelay et l’Isle-surSerein, essentiellement de l’élevage allaitant, même si quelques exploitations laitières subsistent çà et là (Cruzy-le-Châtel). Les élevages ovins se localisent avant tout sur les cantons situés en limite de plateau, ouverts sur des régions agricoles d’élevage : Vézelay, l’Isle-sur-Serein, Sombernon, Langres, Nogent-en-Bassigny. L’élevage laitier est un peu mieux représenté en Haute-Marne qu’en Côte-d’Or. La Haute-Marne fournit neuf millions de litres aux laiteries de Côte-d’Or et en collecte presque autant dans ce département, aujourd’hui.
12En Haute-Marne, l’élevage laitier est encadré par de nombreuses laiteries, essentiellement situées dans le bassin de production du grand Bassigny8. Ce département bénéficie d’un héritage historique important datant du début du siècle, lorsque des éleveurs et fromagers venus du Jura ou de Suisse s’y sont installés, développant la production d’Emmental. La restructuration de l’économie laitière, à partir de la mise en place des quotas laitiers en 1984, a été rapide. On compte encore quarante-deux établissements laitiers en 1980, mais ils ne sont plus que vingt-quatre en 1989 et quatorze en 2000. Aujourd’hui, l’activité laitière des plateaux est encadrée par quelques grands groupes privés et coopératifs dont un a son siège social en Haute-Marne, à Illoud9, d’où il est originaire10. Selon la fédération des producteurs laitiers de Haute-Marne, la collecte laitière, en 1999, revient à 60 % à des entreprises « privées » et à 40 % à des coopératives. Le plus gros collecteur privé est l’entreprise Besnier, extérieure au département, appartenant au groupe Lactalis, qui traite 50 millions de litres en Haute-Marne ; il a racheté à partir de 1995 la fromagerie des Vignottes à Pancey, près de Poissons et la société Marcillat qui collecte dans le sud du plateau de Langres et en Côted’Or. Le groupe Besnier collecte dans les alentours de Chaumont et de Poissons. Le groupe Bongrain, second collecteur privé de Haute-Marne avec 45 millions de litres, s’est associé à Paul-Renard, dans l’Yonne, laiterie située non loin de Tonnerre11. Entremont, qui traite 37 millions de litres en Haute-Marne, est présent dans trois sites de transformation industrielle, à Joinville, à Montigny-le-Roi (canton de Val-de-Meuse) et a repris la Société Fromagère de l’Est à Peigney, près de Langres. Son activité de transformation industrielle provient de la collecte de la coopérative Elnor-Sodiaal, premier collecteur du département, avec 55 millions de litres. Par contre, le groupe Sodiaal est également présent dans le département à l’Yonne, à Monéteau, par l’intermédiaire de l’entreprise Yoplait, qui intervient, bien que de façon très minoritaire, sur les plateaux de Bourgogne. L’entreprise privée Bel, basée à Vénarey-les-Laumes en Côte-d’Or, productrice de fromage, collecte en Haute-Marne 8,5 millions de litres, dans le secteur de Châteauvillain. Bongrain collecte surtout dans l’est de la Haute-Marne, alors que l’entreprise Entremont intervient au nord de Bologne sur une grande partie du Barrais. Un dernier collecteur privé, Germain-Triballat, ramasse le lait du sud du plateau de Langres jusqu’en Côte-d’Or, pour 10 millions de litres. Des petits producteurs privés subsistent en Bassigny, pour la production de fromage de Langres et d’Emmental. Des coopératives de dimension locale existent encore dans le sud du département et collectent 8 à 9 millions de litres de lait : la coopérative d’Ageville, agissant en partie dans le sud-est du Barrais haut-marnais, et celle de Fayl-Billot, associée à la coopérative vosgienne de l’Hermitage. La collecte laitière fait l’objet d’une transformation fromagère généralement locale. Les principales productions sont des fromages nés sur place comme le « Caprice des Dieux » produit par Bongrain à Illoud et le « Suprême des Ducs » créé par son associé Paul-Renard dans l’Yonne. Cependant, la grande production est celle de l’Emmental, principale activité des trois usines. On développe même la production d’Emmental grand cru Label Rouge dans la coopérative d’Ageville. Les producteurs du département ont compris que, pour maintenir le potentiel laitier des plateaux, une politique de qualité attachée à ce territoire est nécessaire. Les plateaux bénéficient de deux AOC fromagères : l’Époisses, essentiellement en Côte-d’Or, et le Langres, en Haute-Marne.
13La Côte-d’Or n’est pas un département laitier. L’application des quotas à partir de 1984 a entraîné la disparition de 75 % des éleveurs laitiers en dix ans. Aujourd’hui, sept cantons du nord du département représentent 50 % de la référence laitière totale, pour à peine 40 % des éleveurs : Baigneux-les-Juifs, Aignay-le-Duc, Châtillon-sur-Seine, Laignes, Montigny-sur-Aube, Recey-surOurce et Vénarey-les-Laumes. Un producteur sur quatre livre son lait en dehors du département. Deux groupes prédominent : Bel (Vénarey-les-Laumes) et Sodial-Elnor. Deux petites coopératives de vente de lait sont cependant installées sur les plateaux ; celle de Baigneux-les-Juifs compte, à la fin des années 1990, vingt-neuf adhérents et représente 7,6 millions de litres de lait. La plus grande partie de la collecte est destinée à Bel et 17 % revient à la coopérative d’Époisses, pour la fabrication du fromage AOC La coopérative de vente de lait du Châtillonnais regroupe encore une centaine de membres, sur les cantons de Recey-sur-Ource, Aignay-le-Duc, Laignes, Châtillon-sur-Seine, ainsi qu’en Haute-Marne, dans l’Yonne et dans l’Aube. Elle livre 23 millions de litres de lait par an à la fin des années 1990. L’usine Bel de Vénarey-les-Laumes est la principale unité de transformation laitière de Côte-d’Or. Les autres établissements de fabrication sont des petites entreprises de production AOC (Berthaut à Époisses) ou de produits frais. 80 % du lait quitte le département sans transformation.
14L’évolution de l’élevage sur les plateaux, depuis 1992, montre une concentration dans des exploitations plus spécialisées et une moindre proportion de déclarants éleveurs, selon les fichiers PAC-ACS. Le recensement général de l’agriculture de 2000, dont la base statistique se veut exhaustive (seules les exploitations professionnelles ont été considérées dans cette étude), repère, sur les plateaux, entre 22 % (pour les vaches laitières) et 25 % (pour les vaches allaitantes) d’exploitations possédant un troupeau bovin. Dans les cantons du nord de la Côte-d’Or, les éleveurs de vaches allaitantes restent plus nombreux que les éleveurs laitiers selon le RGA 2000, pour les exploitations professionnelles. La diminution du nombre de déclarants en élevage allaitant (fichier PAC-ACS), entre 1994 et 1999, moins élevée (– 15,5 %) que celle des déclarants laitiers (– 19 %), affecte particulièrement les cantons de Châtillon-sur-Seine, Recey-surOurce, Saint-Seine-l’Abbaye, Selongey et Sombernon. En Haute-Marne, au cours des premières années de la mise en place de la PAC de 1992, la concentration des élevages laitiers a également profité aux régions agricoles les plus spécialisées du département, le Der et le grand Bassigny. Sur les plateaux, le quota moyen par exploitant (210 000 litres) est légèrement supérieur à la moyenne départementale. À Châteauvillain, Doulaincourt, Joinville, Poissons, Saint-Blin et Wassy, il dépasse 224 000 litres par déclarant PAC. Depuis 1992, l’orientation vers les grandes cultures a, dans les deux tiers nord du département, pris le pas sur l’élevage. On a connu un grignotage des STH par les SCOP avant 1992, afin d’en faire des surfaces primables. La mise en place d’une prime à la vache allaitante a entraîné une augmentation de l’effectif, dans les systèmes mixtes d’exploitation, à la veille de la réforme. La concentration de l’élevage s’est poursuivie jusqu’à la fin des années 1990. Les superficies en prairies artificielles et temporaires ont diminué de 17,3 %, entre 1996 et 1999, sur les plateaux, la diminution touchant davantage les cantons du Barrois (– 27,1 % à Arc-en-Barrois, – 30,1 % à Juzennecourt et à Chaumont, – 36,9 % à Poissons) que les cantons du plateau de Langres. La consolidation des superficies en blé et colza s’oppose à la diminution continue des STH.
15La révision de 2003 concerne les producteurs laitiers par la baisse des prix d’intervention, dès 2004, notamment pour la poudre de lait et le beurre, diminution compensée par un paiement unique par tonne. Un découplage total est prévu à partir de 2007. Cette réforme risque encore de modifier la répartition et la concentration de l’élevage laitier dans le département.
Notes de bas de page
1 Enquêtes de structure (SCEES) et non pas informations tirées du fichier PAC-ACS.
2 ARTA : aide au retrait des terres arables, 1988-1992.
3 La coopérative 110 Bourgogne, intervenant directement sur les plateaux de basse Bourgogne en concurrence directe avec Soufflet-Ramel, a d’abord privilégié la construction de l’usine en Lorraine, avant de se rallier, en 1994, au projet de Soufflet à Nogent-sur-Seine.
4 Source : FOP (fédération des oléo-protéagineux).
5 Entre 1999 et 2002, du fait de la diminution de la compensation oléagineuse, d’une part, et de l’évolution des cours, la superficie en colza non alimentaire est passée de 14 000 à 11 700 hectares, et la surface en cola alimentaire a régressé de bien plus, de 29 500 hectares à 21 200.
6 Les exploitations professionnelles, distinguées dans le dernier recensement, ont une dimension économique d’au moins huit UDE (12 hectares équivalent blé) et au moins 0,75 UTA.
7 Source Soufflet-Ramel.
8 Les informations suivantes proviennent de la Fédération des éleveurs laitiers de Haute-Marne.
9 Illoud : canton de Bourmont. Appartient au groupe Bongrain.
10 Le groupe Bongrain-Gérard est créé en 1985 à partir de l’entreprise d’Illoud.
11 Paul-Renard à Flogny, en Tonnerrois, entre Champagne humide et plateaux de Bourgogne.
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