La méditerranéisation des géosystèmes ou les géosystèmes du midi français comme produit social
p. 101-102
Texte intégral
1Les études botaniques, paléoanthracologiques, palynologiques et phytosociologiques récentes effectuées dans le Midi méditerranéen français confirment que la végétation méditerranéenne actuelle, tant dans sa morphologie que dans sa composition floristique est surtout le résultat de l'histoire de son utilisation par les sociétés humaines successives. Non seulement les formations secondaires caractéristiques telles que la pelouse ou la garrigue, mais aussi les forêts de chênes verts, ne sont pas en équilibre dynamiques avec le climat régional. Que dire alors des forêts de Pinus halepensis qui depuis quelques dizaines d'années ont recolonisé spontanément les versants précédemment cultivés de Basse Provence calcaire ou du Vaucluse, quand on observe que, au sud de la Méditerranée, ces forêts à pins d'Alep sont caractéristiques non de l'étage subhumide du climat méditerranéen, prédominant en Provence, mais bien de l'étage semi-aride ?
2Cette modification profonde des formations et des associations végétales s'est faite dans le sens d'une aridification apparente : les végétaux observés aujourd'hui sont adaptés à une pluviométrie plus faible que l'actuelle. Cette situation s'observe également en bordure du Sahara, dans l'étage aride du climat méditerranéen où la steppe actuelle très rase et très ouverte occupe la place d'une forêt claire ou, au pire, d'une steppe boisée dense En Provence, cependant, il ne saurait être question de désertification s. s. mais, plutôt, de dégradation du couvert végétal.
3Les sols montrent une dégradation aussi importante, quoi que moins spectaculaire : les sols bruns élaborés pendant l'Holocène puis soumis à une forte ablation par le ruissellement diffus sur terrains cultivés sont devenus rares, alors qu'ils recommencent très vite à se former dès que la forêt, même de pin d'Alep, se reconstitue.
4L'ablation des sols, elle-même conséquence de la mise en culture ou du surpâturage, diminue la capacité de rétention en eau de ces sols donc les réserves pour la végétation. Ainsi ne peuvent plus se réimplanter que des végétaux moins exigeants du point hydrique que les précédents. Dans le même ordre d'idées, ces sols, moins épais, plus vite saturés lors des pluies intenses tamponnent moins les variations des débits des cours d'eau secondaires, si bien que le régime de ces derniers devient encore plus extrême, un tarissement devient possible en été et certaines rivières secondaires se transforment en oueds.
5Ainsi, la méditerranéisation n'atteint pas seulement le principal composant biotique des géosystèmes, la végétation, mais aussi le composant de contact qu'est le sol et les composants abiotiques que sont l'hydrosphère et la morphogenèse. Les géosystèmes changent ainsi d'état sous l'action cumulée des sociétés humaines.
6Ce changement d'état peut être irréversible, au moins à l'échelle humaine, sur de fortes pentes et en substrat meuble, comme dans les marnes noires des Alpes du sud. Sur faibles pentes et substrats poreux, comme sur les nombreuses terrasses alluviales, une remontée biologique est perceptible quelques dizaines d'années après la diminution de la pression anthropique ; s'enclenche ainsi une évolution positive vers un faciès tempéré de la végétation et, par conséquent, des géosystèmes.
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