Réflexions sur la mesure de l'érosion en montagne
p. 73-81
Résumés
Les différentes méthodes d'étude de l'érosion sont examinées dans leurs modalités et dans leurs résultats. Les évaluations sont comparées avec les vitesses de soulèvement récemment mesurées, ce qui remet en cause certaines conceptions quant à la géomorphologie des hautes montagnes et notamment des Alpes.
The different methods for the evaluation of erosion rates in mountains are examined in their modes and results. The denudation rates are compared with the velocities of different recent uplifts. Some conceptions regarding the geomorphology of high mountains and specially the Alps have to been re-examined.
Texte intégral
1En France, c’est à partir des années 1960 que les préoccupations d'une mesure et d'une estimation de l'érosion apparaissent et se développent. L'article de Jean Corbel (1964) dans les Annales de Géographie, après différentes publications relatives aux karsts, marque une étape déterminante. Il introduit une formule de mesure de l'érosion, critiquée mais toujours reprise à titre comparatif. Quelques années auparavant P. Gabert (1960) avait abordé le problème de l'érosion des Alpes et F. Fournier (1962) avait établi une formule de mesure de l'érosion à partir de celle des transports en suspension des écoulements. Les notions de sélectivité de l'érosion, d'agressivité du milieu climatique, de variations dans le temps et l'espace, ont fait leur chemin.
2La notion de vitesse d'érosion n'a pas seulement un intérêt en elle-même, mais aussi dans son interférence avec le soulèvement tectonique. Des acquisitions récentes sur la formation des chaînes de montagne éclairent de façon nouvelle la relation érosion-orogénèse. Elles vont modifier notre conception de la formation et de l'évolution des reliefs.
I. LA MESURE DE L'EROSION : METHODES ET RESULTATS
3L'évaluation de l'érosion a été tentée par différentes approches dont les moyens, les méthodes et les résultats sont variables et discutables.
41. La mesure du volume évidé pendant une période définie a été réalisée quelquefois : ainsi Pellegrini G.B. (1984) pour un bassin versant de Vénétie a chiffré l'érosion post-glaciaire à 680/730 m3 /km2 /an. La méthode repose sur la morphométrie actuelle et celle du post-glaciaire. Facilitée par les modèles numériques de terrain, la crédibilité de la démarche repose en fait sur celle du paléo-relief reconstitué et de son âge. Faute de datation précise et documentée, elle a été peu employée. Citons les tentatives de P. Pech (1986-1994) pour les Alpes du Tessin, et de A. et S. Guillaume (1982) qui estiment que le volume des grandes vallées alpines du versant italien a été évidé au Pliocène et au Quaternaire. En réalité, sur une phase courte et récente, la meilleure mesure de l'ablation superficielle reste celle qui peut être faite in situ. Sur les karsts, A. Bogli (1961) avait remarqué que les blocs erratiques protégeaient le substrat calcaire de la dénudation et se trouvaient sur un pied dont la hauteur correspond à l'ablation karstique de surface depuis la déglaciation. En haute montagne alpine, à la Glattalp (Suisse) vers 2700 m, elle serait de 0,015 mm/an si on admet une déglaciation depuis le début de l'Holocène. Il se peut qu'elle soit plus ancienne et que l'érosion doive être minimisée (0,010 ?). Dans les Préalpes françaises comme la Chartreuse, d'après nos observations, elle est de cet ordre et les blocs reposent sur des soubassements de 10 à 12 cm. La méthode empirique apporte des résultats intéressants et localisés, particulièrement pour le karst. On peut se demander dans quelle mesure ils peuvent être généralisés à un massif ou à un bassin-versant, de structure et de nature lithologique complexes.
52. La méthode de la mesure des dépôts détritiques générés par l'érosion a été plus largement utilisée. Elle consiste à évaluer en masse et en volume les sédiments déposés pendant des périodes géologiques définies, puis à estimer la tranche érodée. P. Gabert (1960) et A. et S. Guillaume (1982) l'ont utilisée - sur des bases différentes - pour obtenir des résultats voisins. A l'échelle de la chaîne alpine, elle apparaît d'un emploi délicat pour les raisons suivantes :
- La géométrie des dépôts reste encore imparfaitement connue et le volume ne peut être calculé qu'approximativement. Les nouveaux moyens informatiques sont cependant une aide précieuse.
- La densité générale des roches détritiques est difficile à chiffrer compte tenu des variations de faciès, d'où des variations considérables selon les auteurs.
- Il est probable que les dépôts identifiés ne représentent qu'une partie de l'érosion, le reste ayant été évacué beaucoup plus loin. D'ailleurs dans une même cuvette, comment distinguer ce qui appartient à un domaine et à un autre ? Aux Alpes et à l'Apennin par exemple, d'une manière suffisamment précise.
- On peut douter que l'étendue et la configuration géographique, les formes et les dimensions des bassins versants aient été les mêmes qu'aujourd'hui.
6Pour ces différentes raisons, cette approche ne peut être que globale et imprécise, donnant une approximation générale sur de longues périodes. Elle a été utilisée comme telle par les auteurs précédents. Sur de petits bassins versants et sur de courtes périodes (quelques dizaines d'années), les résultats sont plus proches de la réalité : ainsi pour la haute Romanche dont on a pu évaluer les dépôts piégés dans le lac du Chambon (Sikirdji et al, 1981). La méthode ne donne qu'une estimation médiocre de l'érosion (0,25 mm/an) qui doit être retenue comme un minimum. En effet celle-ci ne prend pas en compte les transports très fins qui sont évacués partiellement au moment des crues, ni la charge en solution également exportée. Il est satisfaisant de constater que dans les autres pays alpins, on obtienne des chiffres similaires : de 0,1 à 0,5 mm/an en Italie. Il y a, dans ce cas de figure, la possibilité de mesurer avec précision et par défaut, l'érosion actuelle de quelques sites.
73. La méthode du « dôme thermique » reste d'une utilisation rare. Elle consiste, à partir de la connaissance des conditions de température et de pression nécessaires à la formation en profondeur de certains minéraux des roches cristallines et métamorphiques, aujourd'hui affleurantes ou proches de la surface, à mesurer la tranche érodée en quelques millions ou dizaines de millions d'années. Employée aux États-Unis et appliquée dès 1962 au cas des Alpes Penniques par J.R. Clark et E. Jager, elle donne des résultats généraux et quelque peu imprécis. Sa spécificité en réduit l'utilisation et la portée.
84. La mesure des transports des eaux courantes est fréquemment utilisée pour quantifier l'érosion et la géodynamique d'un bassin-versant. Elle se fonde sur la mesure des transports en solution, en suspension et en charriage de fond, ces derniers étant de loin les plus difficiles à cerner. Pour les deux premiers, des manipulations simples permettent d'en avoir rapidement une mesure précise (conductivité, minéralisation de l'eau, filtrage, passage à la centrifugeuse...) : ils représentent - hormis des cas extrêmes comme les crues et laves torrentielles - la très grande partie des transports. Plusieurs observations générales doivent être formulées :
- Dans ce cas, l'ensemble du bassin versant est considéré comme un géosystème dont la charge des rivières est un flux de sortie (out put) caractéristique d'une dynamique globale. Ce n'est que par une « extrapolation » théorique et quelque peu abusive que nous la traduisons en tranche érodée exprimée en millimètres par an. L'exemple du karst est démonstratif puisqu'à l'émergence du système, on évalue un flux représentant en quasi-totalité une dissolution chimique qui est le bilan d'une suite complexe d'opérations de mise en solution et de précipitation des carbonates en surface, en sub-surface et aux différents niveaux du réseau souterrain. La même constatation peut être faite sur les grands bassins montagnards partiellement englacés et non karstiques, avec cette différence que les écoulements souterrains et de sub-surface sont très mal connus et évalués. Pourtant, dans beaucoup de massifs, ils représentent avec le stockage lithologique et glaciaire, une part non négligeable de l'écoulement total (de 1 à 10 % et parfois plus en haute montagne alpine). D'une façon générale, par cette méthode où tout est rapporté aux transports de l'écoulement concentré de surface, on tend à surestimer légèrement la mesure du flux, puisque les transports souterrains se font uniquement en solution. Les mesures réalisées sur de petits bassins sont les plus valables et les plus représentatives d'un morphosystème.
- L'utilisation de cette méthode suppose une bonne connaissance des paramètres morphométriques, hydrologiques et climatiques de la région considérée.
- La grande variabilité des transports en suspension, en fonction des débits d'étiages et de crue, fait que la mesure des transports en période d'eaux moyennes n'est pas représentative. La méthode impose un suivi des observations et des mesures, sur plusieurs années si possible et pour le moins deux mesures quotidiennes, dans certains cas (eaux glaciaires). Le respect d'un protocole de ce type fait tout l'intérêt des travaux de G. Greim cités par O. Lanser (1958).
- Le problème du poids spécifique des matériaux transportés se pose également. Doit-on assimiler celui-ci à la densité moyenne des roches (2,5 à 2,7) ou considérer qu'il lui est plus ou moins inférieur du fait de la décohésion des éléments en suspension ou en charriage ? Un tel choix est lourd de conséquences puisqu'il accroît le volume de la tranche érodée.
9Ces constatations montrent les imperfections de la méthode et la valeur relative des résultats qui apparaissent comme des indicateurs, compte tenu des critères retenus : charge mesurée, bassin, altitude, période considérée...
10Néanmoins, il est possible de faire apparaître une échelle significative des phénomènes. Sur un vaste ensemble comme la chaîne alpine ou les alpes françaises du Nord, l'érosion est de l'ordre de 0,2 à 0,5 mm/an pour la période actuelle, avec des variations sensibles en fonction des données litho-structurales, climatiques et orographiques. En moyenne et haute montagne non englacée ou partiellement englacée, elle se place vers 0,5 à 1 mm avec les cas particuliers que sont les karsts. Pour ceux-ci, elle varie de 0,1 à 0,17 dans les calcaires, mais elle est égale ou supérieure à 1 mm dans les dômes de gypse en haute montagne, où dans des conditions très localisées et exceptionnellement favorables, elle peut atteindre 2,5 mm/an (Rovera, 1991). La haute montagne fournit des résultats variables qui sont la conséquence d'une part de la diversité des méthodes employées, d'autre part de la multiplicité des cas de figures représentées par les glaciers actuels dans leur dynamique, et des caractéristiques géomorphologiques des bassins examinés. Les chiffres 0,6 mm/an (Mac Pherson, 1961) et 0,748 (Maizels, 1978), sont des minima compte tenu des méthodes, celui avancé par Lanser O. (1958), discutable pour la même raison, touche de plus près la réalité : 1,3 mm. L'évaluation de Warburton et Beecroft (1993), après une critique des données, n'est représentative que d'un seul cas avec 3,64 mm. Elle se situe dans la gamme des données himalayennes citées par A.J. Gerrard (1994) soit de 0,5 à 5,1 mm/an, pour des bassins-versants non définis géographiquement avec la précision souhaitable. Ces mesures prouvent, si besoin était, l'extrême complexité des évaluations et peuvent être rapprochées de ceux cités par Francou B. (1993, p. 139).
11Dans une certaine mesure, chaque bassin-versant peut et doit être considéré comme un cas d'espèce dans le contexte de la montagne définie comme un milieu intra-zonal dans la zonation bio-climatique de la planète. Il n'en reste pas moins que quelques conclusions de portée générale doivent être soulignées :
- L'intensité de l'érosion en haute montagne est considérable.
- L'érosion est croissante avec l'altitude, ce que l'on savait certes, sans toutefois l'avoir mesuré, mais elle s'accroît brutalement quand on aborde la haute montagne englacée. Si l'on disposait de données suffisamment nombreuses et continues dans l'espace, sur des milieux homogènes, il serait possible d'établir un gradient morphogénétique. Celui-ci masquerait de fortes inégalités entre moyenne montagne karstique et non karstique, entre haute montagne non englacée schisteuse, granitique, calcaire, entre zones de glaciers de dynamique différente. Il recouvrirait de fortes inégalités mais serait significatif.
12D'après les chiffres vus précédemment, supposons que dans les Alpes, le taux moyen d'érosion passe de 0,2 mm/an dans les plaines à 2mm en haute montagne vers 4 200 m, le gradient serait 0,045mm/100m ; dans 1’HimalayaKarakoram de 0,2 dans les plaines à 5 en haute montagne, il serait alors de 0,08/100 m. Ce gradient croît avec l'altitude, l'énergie du relief, le volume montagnard, les fortes pentes... qui favorisent les écoulements, les phénomènes catastrophiques mécaniques (écroulements, glissements...). F. Ahnert (1970) et Schumm (1963) cités par Gerrard A.J. (1994, p. 26) ont établi des formules de la relation érosion/altitude. En France, Fournier F. (1962), à partir de l'étude des seuls transports en solution mesurés sur les fleuves, avait montré la relation érosionagressivité du climat/altitude/pente. La notion de gradient morphogénétique paraît intéressante et mérite d'être développée à partir de mesures de terrain.
II. EROSION ET TECTONIQUE : LE POINT DE LA QUESTION
13D'une façon générale, on sait que tectonique et érosion sont concomitantes dans les régions de faible et de forte énergie. Aucune région ou ensemble morphostructural n'est véritablement inerte : l'endodynamique est plus ou moins active. Le cas des montagnes est mieux connu grâce aux travaux des géophysiciens. Dans les Alpes, le soulèvement se poursuit : 2 à 4 mm/an dans la zone centrale la plus élevée (Mont-Blanc) 1 à 2 mm ailleurs. Dans le Caucase, la surrection serait de l'ordre de 8 à 10 mm/an d'après les publications soviétiques, du même ordre dans l'Himalaya, la Nouvelle-Guinée, les Alpes néo-zélandaises pour les secteurs les plus élevés d'après les travaux américains, britanniques, japonais. Bien que ces données doivent être confortées par des résultats intéressant d'autres montagnes, quelques conclusions peuvent en être tirées :
- Dans les montagnes en surrection, le mouvement tectonique l'emporte largement sur l'érosion. Dans les montagnes de mise en place plus ancienne comme les Alpes, le solde positif de la tectonique est faible.
- La valeur du soulèvement mesuré est considérable dans certains cas : 10 mm/an font 10 000 m en un million d'années ou 20 000 pendant le Quaternaire, 50 000 m depuis le début du Pliocène... Même compte tenu d'une érosion énorme (5 mm ?), cela fait beaucoup. On peut se demander si, en dépit de la mobilité tectonique, les phases orogéniques de cette intensité ne sont pas limitées dans l'espace et ne lurent pas dans le passé (phases rhodanienne, styrienne, attique, alpine, pyrénéenne...) relativement brèves (un ou quelques millions d'années) à l'échelle géologique puisque aujourd'hui le relief de l'Himalaya n'atteint pas 9 000 m. De courtes phases paroxysmales de surrection dans un contexte de mobilité tectonique semblent rendre compte de la réalité actuelle.
III. IMPLICATIONS MORPHOLOGIQUES DE LA MESURE DE L'EROSION ET DE LA TECTONIQUE DANS LE CAS DES ALPES ET DES MONTAGNES
14Les évaluations précédentes, tant de l'érosion que de la tectonique, conduisent à un certain nombre de conclusions et d'hypothèses :
- Les montagnes très élevées sont le résultat d'une tectonique puissante, récente et encore actuelle.
- L'efficacité de l'érosion en haute et très haute montagne s'est combinée avec la fragilisation générée par une orogénie puissante pour démolir toute trace de reliefs quelque peu anciens. Ceux-ci ont été taillés et évidés efficacement par la succession des systèmes morphogéniques du Quaternaire, l'ouverture et le creusement des vallées. Dans les montagnes de formation très récente ou actuelle (Himalaya), les sommets s'alignent sur les lignes structurales que sont les fronts de charriages. Pour celles de formation plus ancienne, l’évidement des zones soulevées (partie interne des Alpes par exemple) est tel que le relief de surrection, à la fin du paroxysme tectonique, est impossible à imaginer. Ceci permet d'expliquer les multiples klippes, écailles isolées de terrains sédimentaires loin en avant des lignes de charriage : Mont-Jovet, Sassière, Prorel, Serre-Chevallier, dans les Alpes françaises. L'ablation de plusieurs milliers de mètres de roches avec une érosion de 1 mm/an, ne pose pas de problème majeur puisque cela fait 1 000 m par million d'années ! Donc 2 000 m pour le Quaternaire en haute montagne si elle est répartie uniformément, ce qui n'est pas le cas. Elle a été sélective : grands évidements en combe et gigantesques reliefs isolés (Cervin, Viso...) voisinent. Les traces d’aplanissement sommital (Gipfelflur) n’ont jamais été qu'une vue de l’esprit, incompatible avec les réalités du terrain et de la mesure de l'érosion. Les seules « surfaces » anciennes en altitude sont celles récemment exhumées ou en voie d'exhumation actuelle comme on peut en voir quelques exemples en France : Belledonne, Beaufortin, Taillefer, Plateau d'En-Paris. Vite retouchées et dégradées par l'érosion, elles ne doivent leur permanence qu'à des roches exceptionnellement dures (amphibolites, calcaires...) et à la jeunesse de leur mise à jour.
- Les crises paroxysmales dans leur intensité génèrent des morphosystèmes efficaces pour l'érosion. Ceci permet de comprendre la formation et l'arrivée brutale sur le piedmont alpin, de masses conglomératiques comme on en trouve dans la molasse sur le versant Nord ou dans la « gonfolite » oligocène de Corne sur le côté italien. Un relief très élevé, un réseau hydrographique peu hiérarchisé, des vallées encaissées, des versants de forte pente, un englacement des sommets, un climat à saisons alternées provoquant des crues et des effets de « chasse d'eau » ont contribué à transporter loin des blocs et cailloutis. Alors que l'existence de glaciers dès le Miocène est démontrée dans l'Antarctique et l'Alaska (Denton et Armstrong 1969), la présence d'une montagne de quelque 7 à 8 000 m d'altitude, englacée dans sa partie haute, entre vallée d'Aoste et Engadine, dès l'Oligocène, n'a rien de surprenant. En 20 millions d'années, l'érosion a pu dégager 3 à 4 000 m de terrain sur la masse des nappes alpines, cela ne fait que 0,2 mm/an, la valeur minimale que nous puissions envisager aujourd'hui pour l'ensemble des Alpes dans le contexte morphoclimatique actuel.
- Le problème de creusement des vallées et de l'aération du relief rejoint cette réflexion. Celles-ci étaient ouvertes dès la fin du Miocène et quelques-unes (Corne, Oglio, Isère...) plus précocement. Les glaciers quaternaires les ont approfondies et élargies, mais le seul évidement de ces axes ne peut être mis en cause pour rendre compte du remblaiement de l'avant pays (Guillaume A. et S., 1969). La haute montagne a subi une intense érosion au Quaternaire du fait de la glaciation elle-même et des changements climatiques créant des ruptures morphoclimatiques. le changement de système morphoclimatique provoque une reprise d'érosion puisque le système de pentes élaborées précédemment se trouve inadapté aux nouvelles conditions de la morphogénèse.
15Ces réflexions permettent d'envisager sous un jour nouveau l'évolution de la montagne alpine et des montagnes en général, à la fois dans son rythme chronologique et dans ses paysages. Cette vision doit s'insérer avec les apports récents de la théorie des plaques, de la réduction de la largeur de la chaîne, de la durée nouvelle attribuée aux étages et périodes géologiques du Tertiaire. La géomorphologie est une science qui se nourrit d'apports convergents. En l'occurrence, les estimations du relief tertiaire et de l'érosion en fonction du « dôme thermique » (Clark S.P. et Jager E., 1969) rencontrent heureusement ces conclusions et hypothèses.
CONCLUSION
16La mesure de l'érosion actuelle ou ancienne est une recherche qui ne manque pas d'intérêt que ce soit d'un point de vue fondamental ou appliqué : évolution et remplissage des lacs naturels et artificiels, de travaux et canaux d'irrigation, où nos connaissances sont encore insuffisantes. L'examen des différentes méthodes a montré leurs limites et leur complémentarité dans l'appréhension de l'évolution morphologique. L'étude des transports, des charges des cours d'eau apparaît, en dépit de ses limites, comme aisée à mettre en œuvre avec des moyens limités et susceptibles, avec un suivi sur une période annuelle, de fournir des données intéressantes. A une échelle géographique générale, la confrontation des résultats permet d'envisager sous un angle nouveau un certain nombre de problèmes d'évolution, en particulier dans le cas des chaînes de montagne. Il conviendrait de ne pas oublier, à un moment où la géographie physique se tourne vers l'étude de milieux, des paysages, des géosystèmes dans leur fonctionnement propre, que le bilan de l'érosion est une composante fondamentale et révélatrice de leur dynamique où le géographe peut apporter quelque chose d'original tout en enrichissant nos connaissances scientifiques. Travail à la fois de terrain dans le choix du lieu et l'organisation de la mesure, de laboratoire avec ses techniques de réflexion scientifique et de mise en œuvre intellectuelle, il mériterait d'être plus largement développé.
Bibliographie
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Auteur
Institut de Géographie alpine, Université de Grenoble I, rue Maurice Gignoux, 38031 Grenoble Cedex
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