Conclusion de la première partie
p. 121-122
Texte intégral
1La richesse des enseignements tirés de l'étude des héritages glaciaires du Gran Sasso a justifié que nous leur consacrions entièrement cette première partie. Nous pouvons également mettre en avant les révisions et observations géomorphologiques nouvelles que nous avons pu effectuer à propos de ce massif.
2La consultation de la littérature consacrée au Gran Sasso d'une part, et le recensement systématique des formes et formations glaciaires sur le terrain d'autre part, nous ont conduit à dénoncer nombre de modelés d'accumulation de nature pseudo-glaciaire : ces derniers sont redevables a l'action de processus catastrophiques de production et de transport des débris (mouvements de masse, laves torrentielles), des eaux courantes ou de processus cryo-nivaux. Il est regrettable qu'un certain nombre de dépôts non morainiques soient fréquemment cités et repris dans les écrits sans vérification préalable sur le terrain : c’est spécialement le cas de la mégabrèche de piémont de Pietracamela ou de la formation d'éboulement du rifugio Franchetti.
3La prise en compte des modelés proprement glaciaires nous conduit ainsi a limiter relativement l'extension spatiale de l'englacement pléistocène du Gran Sasso. Contrairement à ce que suggère P.-R. Federici (1979 et 1980), le glacier de l'Arno ne s'est pas avancé jusqu’à 800 m d’altitude, et nous rejetons l'idée d'un englacement intégral du Campo Imperatore émise par R. Almagia (1959) et F. Carraro et M. Giardino (1992) sur la foi de dépôts dont nous avons mis a jour l'origine torrentielle. Au Würm récent, la limite topographique des neiges permanentes se tenait autour de 1750 m en exposition nord, et près de 200 m plus haut en exposition sud-est. Les glaciers composés du versant septentrional fondaient vers 1000 m au minimum, et dans le Campo Imperatore, le plus long glacier de l'Apennin s'achevait vers 1590 m d'altitude après un parcours de 10 km. Tout en rejetant les exagérations passées, nous reconnaissons le caractère assez considérable de l'englacement quaternaire du Gran Sasso à l'échelle de l'Apennin et du bassin méditerranéen. Ceci s'explique par une latitude relativement septentrionale, l'avantage altitudinal du massif et une orographie pré-glaciaire favorable : la partie la plus élevée du fossé du Campo Imperatore et les hautes vallées du versant septentrional ont collecté les principaux flux glaciaires du massif.
4La négation de la nature morainique du conglomérat a blocs cyclopéens de Pietracamela oblige à abandonner ce dépôt comme l'indice d'une glaciation pré-würmienne. Mais l'hypothèse polyglacialiste se trouve validée sur l'autre versant du Gran Sasso : le dispositif morphologique formé par les accumulations glaciaires et fluvioglaciaires du Campo Imperatore renvoie à deux glaciations distinctes de façon "claire et évidente" (F. Dramis, comm. orale). Par opposition à l'escarpement de chevauchement septentrional, le fossé tectonique à fond plan du Campo Imperatore s'est mieux prêté à la préservation des traces morphologiques des diverses glaciations et stades glaciaires de retrait.
5Quoique inégalement conservées, les moraines stadiaires de retrait des deux versants du massif présentent l'échelonnement le plus riche de tout l'Apennin, notamment grâce au témoignage précieux de la moraine du Petit Age de Glace du glacier du Calderone. Nous avons pu reconnaître dans le Gran Sasso la marque de plusieurs des stades apenniniques classiques de P.-R. Federici (1979). Il nous est apparu nécessaire d'aménager le schéma proposé par l'auteur en dédoublant le stade fondamental II et en abandonnant le stade IV : à défaut de toute construction morainique attribuable à un stade postérieur au stade III, une série de bourrelets de pied de névés atteste l'intervention d'une pulsation froide entre le stade III et le Petit Age de Glace.
6Au total, l'étude du Gran Sasso a permis de proposer quelques premières réponses â des problèmes d'ensemble relatifs aux héritages glaciaires de l'Apennin. Nous souhaitons appréhender les autres massifs de l'Apennin central a dessein de vérifier ou de mettre en perspective certaines conclusions émises a propos du Gran Sasso. Jusque vers quelle altitude s'établissent les traces glaciaires du reste de l'Apennin central, moins élevé que le Gran Sasso ? Pourrait-on identifier de nouvelles preuves d'un englacement pré-würmien ? Retrouverait-on des moraines de retrait corrélables avec les stades apenniniques I, IIa, IIb et III que nous avons distingués ?
7Plus précisément, l'étude des autres massifs de l'Apennin, à commencer par ceux les plus proches du Gran Sasso, va peut-être permettre d'apporter des réponses à des questions restées en suspens à l'issue de cette première partie. Aucun âge absolu de la dernière expansion maximale ou des stades de retrait n’a pu être directement tiré des formations glaciaires et fluvioglaciaires du Gran Sasso ; et l’ambiance climatique qui a présidé aux dernières fluctuations glaciaires aurait besoin d'être précisée. En bref, les lignes générales esquissées à propos du Gran Sasso mériteraient d'être confirmées, consolidées ou nuancées.
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