Renommées d’être sorcières : quatre femmes devant le prévôt de Paris en 1390-1391
p. 703-716
Texte intégral
1En 1390-1391, le clerc criminel du Châtelet, Aleaume Cachemarée retient dans son registre l’exemple de quatre femmes convaincues de sorcellerie, et condamnées par le prévôt de Paris, Jean de Folleville, à être brûlées sur la place du marché aux Pourceaux. Il s’agit de Margot de la Barre dite du Coingnet, de Marion la Droiturière, dite l’Estallée, de Jehanne de Brigue, dite la Cordière, et de Macete, épouse de Hennequin de Rully1. Les procès qui sont ainsi rapportés sont exceptionnels pour plusieurs raisons. Ils s’insèrent dans l’ensemble d’un registre destiné à faire valoir une justice exemplaire et on peut logiquement en déduire que la condamnation de la sorcellerie intéresse désormais le pouvoir politique, et plus précisément celui des Marmousets qui assurent le gouvernement du royaume depuis 13882. Est-ce pour autant le début d’une vague de répression ? Les procès de sorcellerie ne sont pas fréquents à cette époque en France du nord et il faut attendre le milieu du XVe siècle pour parler de chasses aux sorciers, par exemple à Arras en 1459-14613. Ces quatre cas sont donc d’autant plus précieux qu’ils sont rares. Tentons, à travers eux, de faire le point sur la façon dont les sorciers, à la fin du XIVe siècle, sont perçus par les autorités judiciaires locales, religieuses et royales, en insistant sur la renommée des sorcières dans la vie quotidienne pour mieux comprendre les étapes de l’exclusion qui a précipité leur mise à mort.
2Les quatre procès retenus dans le Registre du Châtelet concernent exclusivement des femmes. En effet, s’ajoutent aux quatre accusées des complices féminines qui les ont initiées aux pratiques magiques. Pour Jeanne de Brigue, originaire des Ardennes, il s’agit de sa marraine, Jeanne, qui lui a enseigné comment faire venir Haussibut, ainsi que d’une voisine, Marion, spécialiste de l’art divinatoire, qui habitait Doue, en Brie ; pour Macete, d’une femme « ancienne », La Mucete, originaire de Rilly, en Anjou, qui lui aurait appris l’art d’ensorceler en vue d’obtenir le mariage4. Quant à Margot de la Barre, née en Gâtinais, elle tient ses talents de désenvoûtement de sa mère, et ses recettes pour ensorceler d’une fille de joie comme elle, originaire de Flandre ; enfin, Marion L’Estallée avoue aussi qu’elle tient le secret de son philtre d’amour d’une amie, fille de péché, qui est, comme la précédente, originaire de Flandre5. La sorcellerie est bien présentée dans ces procès comme une affaire de femmes avec transmission d’un savoir féminin où l’éducation, le voisinage et les conversations de femmes sont essentiels, qu’il s’agisse du royaume de France ou de l’Empire. Cette assimilation femme/sorcière paraît précoce et contredit les conclusions qui ont pu être obtenues, pour la même période, en utilisant d’autres sources, par exemple les lettres de rémission du roi de France ou les archives du Parlement criminel dont les cas portent aussi bien sur des hommes que sur des femmes6. En effet, à partir des sources judiciaires de la royauté française, on ne peut ni trancher sur la féminisation de la sorcellerie ni saisir une évolution chronologique spectaculaire, une situation qui semble d’ailleurs se perpétuer jusqu’au XVIe siècle7. Dans ce contexte, comment situer les cas traités par le Registre du Châtelet ? On peut émettre une double hypothèse. Dans le cas de vagues d’hostilité contre la sorcellerie, les femmes, et en particulier les célibataires, les veuves et à plus forte raison les prostituées, ne seraient-elles pas plus nettement visées que les hommes ? Par ailleurs, le Registre du Châtelet n’est-il pas, parce qu’il correspond à un temps fort de la construction de l’État, en avance sur le temps de la répression qui caractérise le XVIIe siècle ? Certes le faible nombre de cas qu’il contient peut plaider pour le hasard et le gouvernement avorté des Marmousets dont l’action est en grande partie balayée par la folie du roi en 1392, interdit de donner une réponse satisfaisante à l’ampleur des projets que ces réformateurs nourissaient à l’encontre de la sorcellerie, mais on ne peut qu’être troublé par la spécificité féminine des quatre accusées et de leurs complices8. Les lieux où ces sorcières ont exercé leur art confirment aussi le souci politique de leurs juges : il s’agit de Paris proprement dit et de son arrière-pays, Guérard, petit village situé à une cinquantaine de kilomètres, sur les rives du Grand-Morin, en rebord du plateau de Brie9. Le ressort est normalement celui du Châtelet, et, au cœur de l’intérêt des juges, se trouve la capitale du royaume que les Marmousets veulent purger de ses scories afin de la présenter comme une ville exemplaire dont le prévôt est appelé « réformateur général » du royaume.
3Qui sont ces femmes ? Elles se présentent par couple unissant une femme d’âge mûr à une autre plus jeune : Margot de la Barre a plus de cinquante ans puisqu’elle a quitté Beaune au temps de sa jeunesse « passez sont XLIIII ans »10 tandis que Marion la Droiturière est considérée comme une « jeune femme » par les témoins qui l’ont vue11. Il en est de même de Jeanne la Brigue et de Macete, sans doute avec un moindre décalage puisque Jeanne est encore en âge de procréer. Seule Margot de la Barre appartient à la classe d’âge des vieilles femmes que leur savoir et leur sexualité rendent au même moment inquiétantes et suspectes12. Toutes sont issues du milieu de la prostitution qu’elles ont longuement fréquenté dès leur jeune âge. Cette situation correspond à un déracinement précoce de leur lieu de naissance et seule Marion la Droiturière est originaire de Paris. Si ces conditions peuvent fragiliser leur insertion sociale, elles ne les incitent pas nécessairement au crime car, en cette fin du Moyen Âge, les criminels sont loin d’être des déracinés13. L’une d’entre elle, Macete, a réussi à se marier, ce qui n’est pas impossible, si on en juge par l’exemple des prostituées du Sillon rhodanien étudiées par Jacques Rossiaud14. Mais les revers du mariage suivent. Macete, battue par son époux après quatre ans de vie commune, n’est pas une exception. Et, si la jeune femme a pu être séduite par le chapelain de Guérard, le trio qui se constitue est assez courant ; l’argument d’adultère employé par sa belle-mère pour la confondre, s’il n’est pas vrai, est au moins vraisemblable. À la rudesse du mari s’opposent les paroles « blandisseuses » du clerc auxquelles les femmes ont du mal à résister. Mais là s’arrête la ressemblance avec les femmes ordinaires. La situation des prostituées parisiennes n’est pas facile, comme en témoignent les trois autres accusées qui tentent désespérément, au prix de la sorcellerie, d’intégrer les normes du mariage. Quant à Macete, il est bien possible que, par ce même procédé, elle ait voulu éliminer une concubine qu’elle était obligée d’accepter étant donné la fragilité de ses origines15. Un premier drame consiste donc en ce que ces femmes communes aient, comme les autres, le mariage pour idéal alors qu’il leur est refusé par le corps social. À cela s’ajoute un second drame : ces femmes ne cachent pas la place qu’elles donnent aux désirs amoureux aussi bien dans le mariage qu’en dehors de lui. Elles ne craignent pas de dire, devant leurs juges, tout le bien qu’elles savent faire et la souffrance que la séparation engendre. Marion La Droiturière lance à son ami qui la délaisse « que jamais il ne trouveroit femme qui tant de biens li fiest comme elle li avoit fait » et la violence de ses réactions que rapportent les témoins s’exprime « tellement qu’elle ne savoit son sens »16. Dire l’amour publiquement ne correspond pas aux convenances qui sont alors en place. Certes la parole vient ici, comme il est normal dans ce domaine, des femmes, mais, en outrepassant les tabous, elles dérangent17. Est-ce assez pour les condamner ?
4Ces quatre femmes ne sont pas jugées, en priorité, sur leur comportement moral, comme il est alors normal pour une femme18. Leur renommée ne porte pas tant sur leur passé de prostituées que sur leur art de sorcellerie dont l’existence est colportée par la rumeur. Celle-ci est mesurable par les adjectifs qui lui sont accolés : elle est « commune », ce qui veut dire qu’on « avoit ouy dire par moult de fois »19. Les textes des procès du Châtelet rejoignent ce que présentent les cas contemporains au Parlement de Paris. On y parle aussi de « grande renommée » car le sorcier est réputé comme tel et connu par tous20. Les surnoms que portent certaines sorcières au même moment le montrent bien : s’appeler Coline la Louve ou Casine la Mâtine ne trompe pas et ces sobriquets apparentent encore les sorcières aux fille de joie ; les unes et les autres sont effectivement « communes »21. Donc à une renommée qui se tisse normalement pour les femmes sur la qualité de la vie privée se substitue une renommée de type public qui, en général, est l’apanage des hommes.
5Il convient de donner à cette renommée un double sens, celui de bruit et de savoir-faire, et de mesurer quel est son champ géographique22. Prenons l’exemple de Jeanne de Brigue. Elle est requise d’agir par Lucete, la belle-mère de Macete, auprès de son fils qui est malade car « de laquelle voix et commune renommée est au pays d’environ que elle s’entremet de deviner, et advertir, et adviser les gens des choses qu’ilz ont perdues et adirees, et d’aucunes choses eulx enseigner quant elle en est requise »23. La distance d’habitation entre les deux femmes est d’une lieue à une lieue et demie selon leurs dépositions, soit cinq kilomètres environ et on reste dans le pays de connaissance24. Mais la distance peut s’étendre comme le montrent les visites qui se nouent entre Paris et la Brie. Les clients viennent plusieurs fois consulter Jeanne de Brigue depuis Paris au sujet d’objets volés, soit pour eux-mêmes, soit pour une tierce personne. L’un d’entre eux, Jean Laisné, avoue qu’il a parcouru dix à douze lieues, soit moins d’une soixantaine de kilomètres, ce qui correspond bien à la distance qui sépare Paris de chez elle. À quoi tient cette renommée ? Elle est colportée, mais sur un fond de faits qui racontent les exploits des sorciers. Lucette s’en remet à Jeanne de Brigue car elle « savoit moult de choses et enseignoit tout ce que l’en lui demandoit » ; quant à Jeanne de Brigue, elle s’en reporte à Marion parce qu’elle « a veu venir a ladite Marion pluseurs gens qui pareillement se complaignoient de desroberies, et qui lui requeroient que elle leur voulsist enseigner qui avoit les choses perdues »25. Cette renommée se conforte des succès que remporte le sorcier. L’un des exploits de Jeanne de Brigue consiste à avoir décelé ce qui s’était passé lors d’un vol qui avait eu lieu à Guérard. Il s’agissait d’un sacrilège puisque l’argent volé appartenait au curé et la croix qui avait disparu, à l’église. Or la sorcière avait su dire comment le notaire de Meaux, Simon Séjourné, avait accepté de l’argent pour « estaindre le cas »26. Un autre exploit avait consisté à retrouver l’auteur du vol d’une tasse d’argent dans une taverne de Villeneuve-Saint-Denis, ce qui lui assurait une notoriété dans un rayon géographique plus large, d’environ une quinzaine de kilomètres27. Les étapes de la vie de Jeanne de Brigue ont pu aussi contribuer à répandre son image de « devine » dans la région car elle a habité autrefois à Lagny. Mais, à côté de cette renommée, dont le champ géographique dépasse celui de la renommée locale des femmes ordinaires, les différentes sorcières répertoriées dans le registre bénéficient d’une aura qui les relie à Paris grâce à des liens spécifiques qu’elles ont pu tisser avec la cour, qu’il s’agisse de celle du roi, de la reine ou des grands.
6Les liens avec la cour ne sont pas faciles à débusquer mais ils sont sous-jacents. Jeanne de Brigue est requise par Jean Laisné de savoir celui ou ceux qui ont dérobé une dame dont elle prétend d’abord qu’il ne lui a pas dit le nom et qui se révèle ensuite être l’une des demoiselles de la reine28. L’affaire s’est passée dans l’Hôtel de la reine. La devine pense que Jean Laisné est lui-même l’auteur du vol. En fait, celui-ci est venu la trouver pour qu’elle accuse un nommé Guiot qui est son « haineux » à la cour d’Isabeau de Bavière. Des stratégies de pouvoir doivent opposer les deux hommes car Guiot est décrit comme un « hault homme et orguilleux, vestu d’un habit de vert »29. L’accuser d’un vol serait une bonne façon de le discréditer ! La sorcellerie fait ici pénétrer dans les intrigues de cour. La seconde visite que fait Jean Laisné à Jeanne de Brigue les confirme : il vient cette fois avec un compagnon, dont elle a depuis ouï dire qu’il est braconnier (par quels moyens l’a-t-elle su ?) et qui est accusé d’avoir volé un cheval à Guillemin Le Male, valet du maître de la Chambre aux deniers de la reine30. Le but est, comme dans le cas précédent, d’obtenir par de l’argent que la sorcière dise que ce braconnier n’est pas coupable. C’est d’ailleurs le procureur de la reine qui a fait mettre Jeanne de Brigue en prison au Châtelet, sans doute à la relation de Jean Laisné qui y est lui-même détenu prisonnier, avec le braconnier. Malheureusement, on ne sait pas qui est Jean Laisné et comment il a pu connaître la réputation de sorcière qu’a Jeanne de Brigue. Celle-ci ne semble pas avoir séjourné à Paris. Est-ce alors par l’intermédiaire de Macete qui, d’après les juges, est la comparse de Jeanne de Brigue ? Après son arrivée d’Anjou à Paris, Macete s’est installée face à l’hôtel du duc d’Anjou avec lequel son premier protecteur semble être lié, et elle fréquente d’autres hôtels seigneuriaux, en particulier celui du duc de Berry. Les hommes qui l’ont entretenue avant son mariage sont assez instables31. On ne peut guère aller plus loin dans l’analyse des fréquentations de ces deux femmes mais on voit bien que leur réputation passe facilement de l’hôtel des ducs à celui de la reine.
7Les deux autres procès lient aussi les sorcières à la cour, celle du roi et celle du duc de Touraine que rapprochait, à cette date, leur proximité de résidence à l’Hôtel royal de Saint-Pol32. Marion la Droiturière dit avoir « suy et frequenté » la cour du roi, sans doute avec son amant, Ainsselin Planite33. L’une de ses amies, fille de joie comme elle, fréquente alors Jean de Savoye, tailleur de la duchesse de Touraine, Valentine Visconti34. La fête du mariage d’Ainsselin Planite et de sa rivale Agnesot a lieu dans l’hôtel d’Alençon où Marion la Droiturière a ses entrées et elle y danse avec un serviteur et familier de Louis de Touraine, Thomas Le Borgne35. Enfin, Margot de la Barre semble être aussi liée à l’Hôtel de la reine36.
8On peut déduire de ces quelques remarques que la prostitution parisienne et la sorcellerie sont parfaitement intégrées à la vie des hôtels princiers et royaux. N’oublions pas que, dans l’Hôtel du roi, le recrutement des filles communes et leur commerce curial sont encore réglés par le roi des ribauds, si bien que la justice royale en est encore exclue37. Par ailleurs, l’usage de la sorcellerie y semble commun, dès avant les consultations qui suivirent la folie du roi. Le 26 juillet 1390, Jean Le Porchier, un faux ermite, est condamné à mort pour avoir tenté d’empoisonner le roi et le duc de Touraine à l’aide d’herbes venimeuses38. Il est possible aussi que les philtres d’amour aient été d’usage, au plus haut niveau, pour retenir les maris et les amants volages à un moment où, entre 1389 et 1392, se succèdent des fêtes particulièrement brillantes39. La Cour est aussi d’accès facile et les vols s’y succèdent que les Marmousets tentent d’enrayer par des exécutions qu’ils veulent spectaculaires40. Aux intrigues et au laxisme de la Cour répond l’exigence rigoureuse de la justice du roi. Un lien se dessine entre les procès menés à l’encontre de ces sorcières et les lieux prestigieux qu’elles ont hantés. Dans cette perspective, leur exécution semble programmée.
9L’exclusion de ces quatre femmes se fait par les interrogatoires successifs qui utilisent la procédure extraordinaire avec usage de la torture et quête de l’aveu dans le but de « connaître la verité du cas ». La procédure est maintenant bien connue. Remarquons que certaines protagonistes ont bien résisté et que les séances de torture n’ont pas toujours été facilement suivies d’aveux : Margot de La Barre subit quatre séances de torture avant de commencer le récit de ses envoûtements et elle sait requérir d’autres procédures comme l’appel au Parlement, le gage de bataille avec Marion la Droiturière qui l’a accusée (procédé ordalique que les sorciers utilisent souvent lors de leurs procès) et l’enquête relative à l’alibi qu’elle a fourni. Le travail des juges ne se présente pas exactement comme celui d’un procès d’inquisition où les interrogatoires suivent des schémas préétablis. On peut cependant déceler les préoccupations qui conduisent les juges du Châtelet à condamner les sorcières, ce qui nous donne, en creux, les stéréotypes que leur image véhicule.
10Quatre points principaux retiennent l’attention des officiers du roi : l’état social des sorcières, c’est-à-dire leur « vie et conversation », leur première attitude devant eux et leurs « variations », les preuves qui ont été trouvées à leur domicile, herbes, cheveux, pain, crapauds, enfin ce qu’ils savent eux-mêmes de la sorcellerie et dont ils veulent avoir la vérification. Le second et le troisième points montrent la rationalité de la justice menée au Châtelet qui se fonde sur les preuves réelles et sur la logique de l’aveu. Restent les deux autres points qui sont plus clairement que les autres porteurs des stéréotypes de la sorcellerie.
11Les juges commencent par lier la sorcellerie à la prostitution : les quatre femmes sont suspectes du fait de leur vie « dissolue », « attendu l’estat, vie et conversation d’icelle ». Faire pour les compagnons est donc un facteur de diffamation qui peut faire glisser dans l’accusation de sorcellerie41. La précocité de l’apprentissage accroît encore l’enracinement dans le mal. Macete a été initiée dès l’âge de douze ans, sans doute en même temps qu’elle est devenue pubère et « commune » ; il en est de même de Jeanne de Brigue42. Ainsi se définit un enracinement dans le mal qui ne peut que conduire au rejet de ceux que le pouvoir considère comme incorrigibles. L’enquête sur la renommée est donc essentielle pour entraîner la suspicion. Le second point concerne plus précisément la doctrine qui se trouve condamnée par les juges. De façon logique, à propos de Margot de la Barre, ils déduisent que « tele personne ne puet savoir desvoulter qu’il ne soit neccessité qu’il sache la maniere comment l’en envoulte »43. Alors commence l’acharnement de l’interrogatoire. Il est probable que les juges interrogent sur les moyens que prend cet envoûtement : chapeaux à fleurs, vœu de cire, poële à frire, crapauds nourris de lait maternel, autant de gestes, en particulier culinaires ou sexuels qui sont des affaires de femmes. Puis vient l’image du diable. Les sorcières l’appellent « Deable », « Ennemi », « Haussibut » ou « Luciafer » selon les cas et les marques de leur culture qui se révèle sur ce point diverse44. Mais, dans tous les cas, elles le font venir à elle, non sans frayeur, d’où la nécessité de l’apprivoiser, y compris par des prières qui confondent le religieux et la magie. L’eau bénite doit d’ailleurs rester à proximité, pour éventuellement se défendre du diable en cas de danger et pour se dégager in fine du cercle infernal45. Dès cette époque et en annonce de ce qui prévaut dans les procès du milieu du XVe siècle, le diable apparaît comme un personnage des jeux de la Passion, ici sans cornes, auquel sont associés le noir et le vent46. On ne peut en revanche déceler encore aucune allusion au sabbat et à l’anthropophagie. Il est seulement fait mention d’un vœu de cire qui prend la forme d’un enfant, mais l’infanticide ne fait pas partie des stéréotypes évoqués à une époque où il est pourtant en gestation pour venir exclure les indésirables et confondre les sorciers. Au total ces sorcières sont plutôt de bonnes mères qui ne semblent chercher qu’à légitimer l’union avec le père de leurs enfants. C’est à peine aussi qu’apparaît l’idée d’un complot de sorcellerie. Certes les sorcières impliquées dans les procès promettent de ne pas s’accuser l’une l’autre, mais ces serments ne prennent pas d’ampleur car ils restent individuels47. Les stéréotypes de la sorcellerie sont donc encore loin d’être complets.
12Les juges, dans leur souci d’exclusion, ne sont pas isolés. Ils ne font que répondre à la demande de l’opinion qui a largement contribué à mettre les procès en route, à les entretenir et à les clore. Le cas des sorcières de Guérard est particulièrement significatif. Macete, la jeune femme, est mise à l’index par sa parenté par alliance et, dans l’affaire, sa belle-mère joue un rôle décisif. Quoiqu’elle s’en défende au nom de la paix dans le jeune ménage, elle ne supporte pas ce mariage entre deux êtres qui n’ont pas le même rang social et par conséquent la même fortune et il est probable qu’elle a décidé la perte de sa bru48. Le portrait des deux jeunes gens est construit sous la forme d’une antithèse qui gomme d’ailleurs le concubinage antérieur du mari dont la conduite n’est pas remise en cause par les juges. Hennequin de Ruilly est assez riche pour prendre à ferme la prévôté de Guérard et pour tenir une taverne. Il est « beaux jeune homs, riche, puissant et de grans amis » tandis qu’à l’inverse, Macete, outre son passé de prostituée, est « simple et jeune fille ». Or, à la taverne et hostellerie qu’ils tiennent tous les deux, elle prétend être « aussi bonne comme sondit mary estait »49. Plus, au moment où son mari est malade, elle semble vouloir faire oublier la concubine qui est restée à Paris en lui faisant porter la responsabilité de cette maladie et elle la dénonce comme sorcière. N’est-ce pas pour se débarrasser d’une rivale devenue encombrante malgré le mariage ? Mais, pour tous, pour les gens de Guérard comme pour les juges, Macete n’a pu agir que par intérêt, pour s’enrichir, et son mariage avec Hennequin de Ruilly, conclu rapidement, devient suspect ; il ne peut être que le résultat d’un envoûtement50. On reconnaît là l’un des lieux communs qui peut frapper le sorcier et le faire dénoncer par l’opinion : dans cette société de la tradition, un enrichissement rapide et inexplicable accuse les différences et brouille les statuts auxquels la naissance destine. Le non-conformisme dérange et ne peut qu’être l’œuvre du diable. Alors commence l’accusation de sorcellerie, et avec elle le désir d’exclusion. À Guérard, parents et amis viennent effectivement soutenir Hennequin de Ruilly en apportant, à la fin du procès, les pièces à conviction qui auraient pu manquer aux juges : herbes, pain béni, échaudées, cire vierge et poix, sans compter un crapaud mort. L’accusée peut bien dire que les échaudées sont de Pâques, le pain béni de ses noces, et la cire comme la poix destinées à se faire les sourcils, toutes choses qui sont « ainsi comme femmes ont acoustumé de faire » ; les témoins sont venus la charger pour l’exclure et ils rejoignent le sentiment des juges dans une parfaite unanimité51. Il serait donc vain d’opposer la voix des juges à celle du peuple, elles sont l’une et l’autre nécessaires pour conduire l’accusé de sorcellerie à la mort.
13Mais, pour en arriver là, il convenait de lever encore un certain nombre de difficultés. Il fallait en premier lieu arracher le jugement de ces sorcières aux justices d’Église qui les réclamaient, qu’il s’agisse de l’évêque de Meaux comme de celui de Paris. Incontestablement les procès se présentent, pour le prévôt, comme des prétextes à faire reculer les officialités jugées trop laxistes. Jeanne de Brigue n’avait-elle pas été autrefois incarcérée par l’évêque de Meaux qui avait fini par la relâcher un an après, ce qui était pourtant un délai assez long pour ce type de peine52 ? Pour condamner, le prévôt doit argumenter et transformer le crime de sorcellerie en crime de lèse-majesté. Il est probable que les lieux où ont été commis les crimes de Margot et de Marion ne sont pas indifférents à une accusation qui unit le sacré au politique. Il s’agit, rappelons-le, des hôtels royaux et princiers. Au même moment, les juristes développent, dans leur argumentation utilisée au Parlement criminel, la notion de cas royaux qu’ils appliquent en particulier aux crimes commis dans l’hôtel du roi ou de la reine ou à proximité de celui-ci. Cet espace politique devient un lieu de majesté où le crime commis doit conduire à une justice sévère pour rupture de sauvegarde royale, comme le prévoient les Coutumiers53. Il est probable que, dans une perspective de réforme, les juges ont cherché plus ou moins consciemment à purger les hôtels des princes qui ne présentent pas un profil exemplaire, et à plus forte raison ceux du roi et de la reine. L’entreprise n’est pas seulement morale, elle est aussi politique en ce sens que l’État et le pouvoir du roi qui le porte ont un caractère religieux que la sorcellerie risque de ternir54. La lutte contre les déviances devient un devoir du pouvoir royal. Tous les juges ne sont cependant pas de cet avis. Certains minimisent l’action des sorcières qui, comme il n’y a pas mort d’homme, devraient être seulement tournées au pilori et bannies ; d’autres voudraient conserver à l’Église ses privilèges en matière de foi. Ces avis discordants sont minoritaires mais, et c’est peu fréquent dans le Registre du Châtelet, les votes sur la peine de mort ne sont pas unanimes. Ils sont cependant obtenus à « la plus grant et saine partie »55. Pour compenser ou pour appuyer ce consensus, il est fait appel aux échos de l’opinion publique qui, à travers la déposition des Guérardais, vient, comme un pâle écho du lynchage, inciter à la mort de Macete. Dans tous les cas, le prévôt joue un rôle déterminant pour décider la mort. Il est devenu le garant des bonnes mœurs et des offenses faites contre la religion. Plus qu’un pouvoir, il exerce, au nom du roi, une mission.

La renommée de Jeanne de Brigue
14À la fin du XIVe siècle, la sorcellerie est devenue une affaire d’État, ce que résume bien la note en marge de la table des matières du Registre du Châtelet : « Noter que combien que Monseigneur de Paris les eust requises a baillier et quester en Parlement, neanmoins fut dit que le prevost de Paris en avoit la connaissance »56. Cette mesure doit purifier le royaume, à commencer par les milieux de la Cour. Elle ne frappe pas cependant de façon uniforme. L’extrême liberté des mœurs des hôtels royaux et princiers continue de trancher avec la discipline qui est imposée à l’ensemble des sujets du roi. Facteur de trouble, elle est finalement protégée par les juges qui condamnent les prostituées des plaisirs curiaux quand elles veulent échapper à leur condition. On ne peut pas parler d’antiféminisme global mais d’une distinction croissante entre les femmes d’honneur et les autres, celles qui sont permises pour le jeu amoureux. En se disciplinant, la société devient donc plus rigide et l’exclusion découle de normes qui sont de mieux en mieux marquées et partagées par le pouvoir comme par l’opinion. Alors entre en jeu la sorcellerie qui, tout naturellement, s’applique de préférence à ces femmes qui y ont des prédispositions sociologiques. Ces procès ne marquent pas pour autant la condamnation de la sorcellerie par la culture savante aux dépens de la culture populaire. La sorcellerie de ces femmes est pétrie par le peuple dans des recettes immémoriales, comme le montrent leur formation et la connivence qu’elles entretiennent pendant longtemps avec les habitants57. Elle est ensuite utilisée par tous, gens du peuple et membres de l’aristocratie. Jusqu’à la fin, Jeanne de Brigue, la « devine », terrorise le braconnier car, à ses yeux, elle connaît la vérité de son crime ; et, à la veille de son exécution, les gardes du Châtelet lui demandent encore de trouver le coupable du vol d’une tasse d’argent... Enfin, si les Guérardais abandonnent leurs sorcières, c’est sans doute parce qu’ils ont peur que, désormais, elles leur nuisent. Alors les charges s’accumulent : on a trouvé des crapauds à proximité de la maison de Macete et son mari affirme qu’il se sent mieux depuis qu’il a été désenvoûté. Les juges ne s’élèvent pas contre ces demandes ou contre ces craintes car tous se sentent concernés. Ils craignent ces femmes dont le savoir est capable d’instituer une justice parallèle. Ils croient à leur verdict, et il est probable que si Jeanne de Brigue avait chargé Guiot, Jean Laisné aurait été disculpé du vol dont il était accusé... Mais, hommes de savoir, ils partagent cependant avec leurs contemporains la peur de celles qui vivent aux marges de la magie, et ils ne sont pas loin de sentir, eux aussi, la froideur du diable qu’elles seules sont capables d’apprivoiser. Alors il importe de tenir ces femmes au loin pour que leur justice ne concurrence pas celle du roi, pour que leur action ne trouble pas les lois du sexe, et pour qu’enfin leur mort par le feu ferme les portes du mal qui risquerait de submerger un État qui ne peut se construire que dans la pureté.
Notes de bas de page
1 Registre criminel du Châtelet de Paris du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392, H. Duplès-Agier éd., 2 vol., Paris, 1861, t. 1, p. 327-363 et t. 2, p. 280-343.
2 Sur la signification politique et judiciaire de ce registre, C. Gauvard, La criminalité parisienne à la fin du Moyen Âge : une criminalité ordinaire ?, in Villes, bonnes villes, cités et capitales, Tours, 1989, p. 361-370 et Ead., Les sources judiciaires de la fin du Moyen Âge peuvent-elles permettre une approche statistique du crime ?, in Commerce, finances et société (XIe-XVIe siècles), P. Contamine, T. Dutour et B. Schnerb éd., Paris, 1993, p. 469 - 488.
3 J.-P. Boudet, La genèse médiévale de la chasse aux sorcières. Jalons en vue d’une relecture, in Le mal et le diable. Leurs figures à la fin du Moyen Âge, N. Nabert dir., Paris, 1996, (Cultures et christianisme, 4), p. 35-52 et B. P. Levack, La grande chasse aux sorcières en Europe aux débuts des temps modernes, J. Chiffoleau trad., Paris, 1991.
4 Jeanne de Brigue est née à Donchery, Ardennes, arr. et c. Sedan. En Brie, Doue, Seine-et-Marne, arr. Meaux, c. Rebais. En Anjou, il s’agit peut-être de Rilly-sur-Vienne, de Rigny-Ussé, de Rigny, ou encore de Rillé en Indre-et-Loire.
5 Registre criminel du Châtelet.... t. 1, p. 328, 336 et 358 ; t. 2, p. 281.
6 C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et Société en France à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Paris, 1991, en particulier p. 446. Pour les lettres de rémission, voir les cas recensés par P. Braun, La sorcellerie dans les lettres de rémission du Trésor des Chartes, in Actes du 102ème Congrès national des sociétés savantes (Limoges 1977), Section de philologie et d’histoire jusqu’à 1610, Paris, 1979, t. 2, p. 257-278. Au Parlement de Paris, les cas de sorcellerie sont rares (1 % des cas plaidés entre 1380 et 1463). Il s’agit des résultats que j’ai obtenus d’après les registres du règne de Charles VI et de l’enquête menée dans le séminaire de maîtrise (Université de Paris-I). Les femmes criminelles constituent environ 6 % des demandeurs et elles sont globalement minoritaires. Mais, d’un point de vue féminin, le crime de sorcellerie se trouve valorisé puisque, dans certains registres, il peut atteindre plus d’un quart des cas criminels reprochés aux femmes et il se situe alors après l’homicide et avant le vol.
7 A. Soman, Les procès de sorcellerie au Parlement de Paris (1565-1640), AESC, 1977, p. 790-814, réimpr. in Id., Sorcellerie et justice criminelle : le Parlement de Paris (XVIe-XVIIIe siècle), Variorum, 1992. La différence est nette avec ce qui se passe en Dauphiné où, parmi les condamnés pour sorcellerie, « la prépondérance féminine est certaine » dès le début du XVe siècle et s’accentue au cours de ce siècle, P. Paravy, De la Chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné. Évêques, fidèles et déviants (vers 1340-vers 1530), 2 vol., Rome, 1995, t. 2, p. 783 et 823. En revanche, des procès menés en pays Vaudois, à la fin du XVe siècle, laissent encore une large place aux accusés de sexe masculin, A. Maier, Trente ans avec le diable. Une nouvelle chasse aux sorciers sur la Riviera lémanique (1477-1484) (Cahiers Lausannois d’Histoire médiévale, 17), Lausanne, 1996. Ces résultats corroborent ceux de la vague de 1448, M. Ostorero, Folâtrer avec les démons. Sabbat et chasse aux sorciers à Vevey (1448) (Cahiers Lausannois d’Histoire médiévale, 15), Lausanne, 1995. Mais, à la différence des sources dauphinoises, il s’agit là de procès isolés.
8 Sur le lien qui s’est amplifié, à l’époque moderne, entre la chasse aux sorcières et la construction de l’État, R. Muchembled, La sorcière au village, Paris, 1979 ; Id, Le roi et la sorcière. L’Europe des bûchers, XVe-XVIIIe siècle, Paris, 1993.
9 Guérard, Seine et Marne, arr. Meaux, c. Coulommiers.
10 Beaune-La-Rolande, Loiret, arr. et ch.-l. c. Pithiviers.
11 Registre criminel du Châtelet..., t. 1, p. 348 et 350.
12 Sur le lien entre vetula et sortilega, en particulier chez Jean Gerson, voir J. Agrimi et C. Crisciani, Savoir médical et anthropologie religieuse. Les représentations et les fonctions de la vetula (XIIIe-XVe siècle), AESC, 1993, p. 1281-1308.
13 Il convient sur ce point de nuancer la synthèse de B. Geremek, Les marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1976.
14 J. Rossiaud, La prostitution médiévale, Paris, 1988, en particulier p. 49.
15 Sur la force des normes du mariage et la condamnation du concubinage à la fin du Moyen Âge, C. Gauvard, « De grace especial »..., chap. 7 et 13.
16 Registre criminel du Châtelet..., t. 1, p. 332 et 348.
17 Dans le couple, l’amour n’a pas à être dit et rapporté sur la place publique : il fait partie du domaine privé, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas et se réduit à la simple procréation. Quand il s’extériorise, c’est de préférence par la bouche des femmes, et à leurs dépens, C. Gauvard, Paroles de femmes : le témoignage de la grande criminalité en France pendant le règne de Charles VI, in La femme au Moyen Âge, M. Rouche dir., Maubeuge, 1990, p. 327-340.
18 Sur le contenu de la renommée féminine, C. Gauvard, « De grace especial »..., p. 323-340 et 890-891 et N. Gonthier, Mala fama et « honneste conversacion ». Les critères de la morale populaire d’après les sources judiciaires aux XIVe et XVe siècles, in Ordre moral et délinquance de l’Antiquité au XXe siècle, B. Garnot dir., Dijon, 1994, p. 33-46.
19 Registre criminel du Châtelet, t. 2, p. 303 et 317.
20 Par exemple AN, X2a 14, fol. 257v, juin 1405 : le barbier de l’évêque de Chalon-sur-Saône, Olivier de Mareuil, est tenu pour responsable de la mort mystérieuse de son maître qui, malgré la renommée de sorcier de son barbier, « ne vouloit autre veoir ». Autre exemple AN, X2a 25, fol. 203, 16 janvier 1449 où la partie adverse évoque « la grande renommee qui estoit que Galee estait invocateresse d’ennemis, faisoit morir gens et plusieurs autres sorceries ».
21 AN, X2a 14, fol. 197v, juillet 1404 et fol. 390-391, juin-juillet 1407.
22 Sur les mécanismes de la rumeur et de la renommée, C. Gauvard, Rumeur et stéréotypes à la fin du Moyen Âge, in La circulation des nouvelles au Moyen Age, SHMESP (Avignon, 1993), Paris, 1994, p. 157-177 et Ead. (sous la dir. de), La renommée, Médiévales, 24, printemps 1993.
23 Registre criminel du Châtelet..., t. 2, p. 303. Jean de Ruilly corrobore le témoignage de sa mère quand il dit qu’« il a oy dire et tenir tout communément au pays que elle estoit devine », ibid., p. 286.
24 Jeanne de Brigue habite à la fois Tresmes, où sont ses enfants, et le Roty, qui est un lieudit de Tresmes, où se trouve son ami, Hennequin, qui est le père de ses enfants et qu’elle désire épouser. Tresmes, Seine-et-Mame, comm. de Pommeuse, arr. Meaux, c. Coulommiers.
25 Ibid., p. 281 et 285.
26 Ibid., p. 289 et 295.
27 Ibid., p. 300-302, Villeneuve-Saint-Denis, Seine-et-Marne, arr. Melun, c. Rozay-en-Brie.
28 Ibid., p. 281 et 294. Cette demoiselle de l’hôtel d’Isabeau de Bavière n’est pas identifiée. La liste des demoiselles de l’Hôtel de la reine est donnée par M. Thibault, Isabeau de Bavière, La jeunesse (1370-1405), Paris, 1903, p. 113-114.
29 Registre du Châtelet..., p. 284 et 295.
30 Ibid., p. 284. Le maître de la Chambre aux deniers de la reine est alors Jean Le Perdrier qui a reçu ce titre et ces fonctions dès l’arrivée d’Isabeau à Vincennes, M. Thibault, op. cit., p. 110. Sur la carrière de ce personnage, M. Rey, Les finances royales sous Charles VI. Les causes du déficit, 1388-1413, Paris, 1965, p. 173 et 200.
31 Registre du Châtelet..., p. 315-316 et 326. Le premier protecteur de Macete, Jehannin Cotin, est pelletier du seigneur de Château-Fromont et il retourne finalement le servir en Anjou. Un autre, Crestien, part au service du duc de Berry (peut-être après la mort de Louis d’Anjou en 1384) mais on ne sait pas qui est Guiot de Lisle avec qui elle est restée quatre ans et qui lui a appris le texte de l’Évangile de saint Jean, ibid., p. 326-327. S’agit-il de ce même Guiot qui est le haineux de Jean Laisné ? Par ailleurs, avant de l’épouser, Hennequin de Ruilly est parti six mois pour l’Espagne, sans que soit précisé le motif de ce voyage.
32 Louis de Touraine, marié avec Valentine Visconti depuis le 17 août 1389, devient duc d’Orléans le 4 juin 1392.Il possède l’Hôtel de Bohême, à proximité du Louvre, depuis 1388, mais il réside le plus souvent à Saint-Pol.
33 Ibid., p. 331. Elle avait été auparavant en compagnie d’un écuyer d’Angleterre, ibid., p. 332.
34 Ibid., p. 336. Jean de Savoye est encore tailleur et valet de chambre de Valentine Visconti en 1400, quand la duchesse lui fait don de 50 livres tournois « en consideracion des longs services qu’il lui a faits et pour l’aider a sortir des prisons du Chatelet ou il a esté pendant longtemps en tres grande povreté et misere », BNF, Fr. 10432, 1754, 5 juin 1400.
35 Ibid., p. 340-341. Ce Thomas le Borgne est peut-être celui qui figure en 1404 comme marchand de toile à Paris et fournisseur de l’Hôtel d’Orléans, Londres, BL., Add. Ch., 50. Je dois cette information à E. Gonzalez que je remercie.
36 Une femme de l’Hôtel de la reine, nommée Catherine, serait venue la demander à son domicile, ibid., p. 351. Il s’agit peut-être de Catherine L’Allemande, « chambellanne », ou de Catherine de Villiers, « damoiselle servant la reine », M. Thibault, op. cit., p. 113.
37 A. Terroine, Le roi des ribauds de l’Hôtel du roi et les prostituées parisiennes, RHDFE, 56 (1978), p. 253-267. Signe d’une remise en ordre, cette charge n’existe plus au milieu du XVe siècle.
38 Registre criminel..., t. 1, p. 310 et E. Collas, Valentine de Milan, duchesse d’Orléans, Paris, 1911, p. 97-102.
39 Quel rôle a joué Valentine Visconti dans cette pratique ? La disgrâce de Pierre de Craon à laquelle elle a été mêlée à cette époque montre quelle était l’ampleur des intrigues amoureuses à la Cour et quelle complicité unissait alors Charles VI et son frère Louis, Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenove éd., t. 14, Bruxelles, 1872, p. 315-323.
40 Autres exemples, Registre du Châtelet, t. 2, p. 172 et p. 457-459. La répression contre ces vols se poursuit sous la prévôté de Guillaume de Tignonville, C. Gauvard, « De grace especial »..., p. 280.
41 L’injure peut associer les deux états : ibid., p. 446-447, exemple d’une femme veuve, de « mauvaise renommée » et accusée d’être sorcière.
42 Registre criminel du Châtelet..., t. 2, p. 290 et 321.
43 Ibid., t. 1, p. 330.
44 Ibid., t. 1, p. 355-356 et 358 ; t. 2, p. 290-292, 294-295, 301, 304, 310, 323-325, 327, 329-330.
45 Ibid., t. 2, p. 292.
46 Ibid., t. 1, p. 356, aveu de Margot de la Barre. Sur la représentation du diable au XVe siècle, voir les procès du pays vaudois cités supra, n. 7 et S. Strobino, Françoise sauvée des flammes ? Une valaisanne accusée de sorcellerie au XVe siècle, (Cahiers Lausannois d’Histoire médiévale, 18), Lausanne, 1996.
47 Registre criminel du Châtelet, t. 1, p. 337 et t. 2, p. 305.
48 Ibid., t. 2, p. 303 : « icelle Lucete dit secretement a elle qui parle (Jehanne de Brigue) que l’en avoit donné a entendre audit de Ruilly son filz, et a elle, que sondit filz estoit prins et evoulté de charoy par Macete, sa femme... »
49 Ibid., p. 326 et 328. Même chose pour Jeanne de Brigue éprise d’un homme, Hennequin, le père de ses enfants, qui ne veut pas l’épouser « pour ce qu’il est de plus grans amis que je ne suis », ibid., p. 307 et 333.
50 C’est ce que résume bien ce propos des juges, ibid, p. 321 : « laquelle par sa confession a esté fille de vie et de petit gouvernement, et que icellui de Ruilly est homme bien né et renommé, et n’est pas a presumer que un homme de tel estat eust prins par mariage une tel fille si diffamee, se par aventure il n’eust ad ce esté ceduit par aucun ».
51 Ibid., t. 2, p. 341-342.
52 Ibid., p. 296 et p. 312-314.
53 Par exemple, Jean Boutillier, Somme rural, Charondas Le Caron éd., Paris, 1603, p. 650-657. Quelques éléments dans E. Perrot, Les cas royaux. Origine et développement de la théorie aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1910, p. 98-102 et 110-114.
54 L’idée n’est pas nouvelle puisque, dès le XIIIe siècle, Jean de Salisbury dénonce les vices des courtisans qui les poussent à recourir à la magie, Policraticus, Livre I, chap. 10, E. Peters, The Magician, the Witch and the Law, Philadelphie, 1978, p. 46-49.
55 Registre criminel du Châtelet, t. 1, p. 336.
56 C. Gauvard, Les sources judiciaires..., loc. cit., n. 2, p. 485.
57 Sur l’origine populaire de la sorcellerie et sa transmission ancestrale, C. Ginzburg, Les batailles nocturnes ; sorcellerie et rituels agraires en Frioul, XVIe-XVIIe siècle, Lagrasse, 1980.
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