Histoire et archéologie de la transition en al-Andalus : les indices matériels de l’islamisation à Tudmīr
p. 195-246
Texte intégral
La terra vince tutto
ed è con la terra che l’arqueo logo stratigrafo ha innanzi tutto a che fare,
come se fosse un contadino della storia.
Andrea Carandini, Storie dalla terra. Manuale di scavo
archeologico, 1991, p. 6-71.
TUDMĪR COMME CAS D’ÉTUDE
1Dans le cadre de notre travail – la recherche historique –, une réponse suscite toujours de nouvelles questions et offre, en même temps, différentes perspectives d’étude. C’est ce qu’il s’est passé pour la recherche sur la transition dans le Sud-Est d’al-Andalus, dans un territoire historiquement connu comme celui de Tudmīr : les stratégies de recherches élaborées et développées par l’archéologie durant ces dernières années ont apporté des explications historiques à certains problèmes posés, mais ont également suggéré de nouvelles approches qui devront constituer la base des travaux futurs. Il m’a semblé opportun, dans le cadre du séminaire Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval (viie-xiie siècles), de dresser le bilan d’une décennie de recherches individuelles et collectives dans le Sud-Est d’al-Andalus et d’engager, par là même, une réflexion sur la signification historique de notre travail de terrain, sur cette terre qui, comme l’écrivait Andrea Carandini, « absorbe tout » et dont, fondamentalement, nous, les archéologues, nous nous occupons, à la manière de paysans de l’histoire2. Il s’agit, en dernier lieu, d’envisager les possibilités que l’archéologie en général et le travail systématique et continu sur certains sites en particulier offrent pour l’identification matérielle de l’islamisation3.
2À l’origine de ma réflexion se trouvent deux stratégies de recherche de nature distincte qui remontent à la fin des années 1980 : d’un côté, une étude historique personnelle dans un cadre régional qui aboutit à la publication d’un livre en 19964 et, de l’autre, un projet de fouille systématique amorcé en 1988 et dont je pris la direction deux années plus tard. Le premier travail avait pour objectif l’étude du haut Moyen Âge dans un espace du Sud-Est péninsulaire connu depuis l’époque islamique comme étant la kūra de Tudmīr – en allusion au noble wisigoth Théodemir qui signa sa capitulation au moment de la conquête – et utilisait tant les sources écrites que les sources matérielles obtenues par la méthode archéologique. Les premières sources, déjà connues, étaient peu abondantes et pauvres en informations pour la période étudiée ; les secondes, quoique se trouvant encore à un stade préliminaire et centrées sur l’établissement d’une chronologie, étaient totalement inédites comme sources historiques, et contribuèrent à la formulation de diverses hypothèses sur le processus de transformation sociale qu’impliqua l’islamisation de la région. Elles permirent, entre autres données, la mise en place d’une première classification chronomorphologique des productions régionales wisigothiques et émirales, l’identification de certains patrons de peuplement et leur caractérisation ethnique et sociale, ainsi que l’étude archéologique du milieu urbain du haut Moyen Âge ; grâce à cette dernière, on identifia matériellement les villes du célèbre pacte de Théodemir, au-delà de toute spéculation dérivée des éventuelles lectures des toponymes transmis par les sources écrites.
3Cependant, j’étais la première consciente que ces apports (et l’explication historique qu’ils permettaient de construire) devaient être confortés lors de futurs travaux, en raison de la rareté des séquences stratigraphiques bien reconstruites et fiables au moment d’aborder ladite recherche et à cause de l’absence quasi totale de datations absolues.
4La majorité du registre matériel systématisé dans ce travail provenait d’interventions archéologiques dépourvues de rigueur méthodologique, de prospections non systématiques ou de recherches clandestines, et avait atterri, par le fait du hasard, dans les réserves des musées. Cette carence de contextes stratigraphiques fiables m’obligea à considérer les matériels d’un même site archéologique comme une sorte de « contexte de peuplement5 », pour leur assigner une chronologie générique qui compensait cette absence quasi totale de datations absolues. Ainsi, il restait à confronter les informations stratigraphiques avec les nouvelles données matérielles obtenues au moyen de techniques rigoureuses, et cela devait constituer une stratégie de recherche pour l’investigation future.
5Cette confrontation archéologique débuta en 1988, lorsque l’Área d’Arqueología de l’université d’Alicante, en collaboration avec le musée d’Albacete, commença à développer un projet systématique de recherches archéologiques au Tolmo de Minateda, un BIC de la contrée d’Hellín dans la province d’Albacete, sous les auspices de la Junta de Comunidades de Castille-La Manche6 (fig. 1). En 1990, j’en pris la direction pour m’occuper des phases du haut Moyen Âge du site qui, au cours de ces deux années de recherches, s’étaient déjà révélées spectaculaires, tant par la magnitude et l’extension des vestiges conservés que pour leur intérêt ; il s’agissait de la célèbre Madīnat Iyyuh mentionnée dans le pacte de Théodemir de l’an 713, un probable avatar de la ciuitas d’Eio wisigothique, siège épiscopal créé par les rois wisigoths à l’aube du viie siècle7.
6Je dois signaler que le projet du Tolmo a sans doute constitué pour moi la stimulation la plus concrète et la plus enrichissante au moment d’aborder n’importe quelle problématique, depuis les temps déjà lointains où, rédigeant ma thèse doctorale, nous avons commencé à fouiller ce site. Je ne pouvais en aucun cas me douter, en entamant les travaux, que j’allais trouver un laboratoire historique si singulier et si bien adapté – avec une véritable précision d’horlogerie suisse – aux problématiques historiques et chronologiques qui commençaient alors à me préoccuper. Découvrir un site qui permettait d’étudier les phases du haut Moyen Âge dans le Sud-Est péninsulaire était, en soi, déjà difficile, mais en trouver un qui présentait une occupation ininterrompue entre les vie et ixe siècles était un de ces imprévisibles coups de chance que le hasard réserve à la recherche. Le Tolmo a mis en évidence des potentialités d’étude de la période du haut Moyen Âge assimilables à celles d’autres sites urbains importants comme Valence, Mérida ou Carthagène, mais, à la différence de ces derniers, sa condition de site dépeuplé avait contribué à fossiliser sa trame urbaine du haut Moyen Âge dans son état original, d’une façon uniquement comparable avec les cas de Recópolis, Pechina, Madīnat al-Zahrā’ ou la Vega Baja, récemment exhumée à Tolède. Je suis certaine que ma ligne de recherche durant cette décennie n’aurait pas été la même si je n’avais pas disposé d’un cas d’étude si singulier, qui m’a offert non seulement la possibilité d’étudier la formation d’al-Andalus comme problème historique, mais aussi de m’intégrer à une équipe de recherche et à une réflexion collective que je souhaite souligner ici8.
Figure 1 — 1. – Situation géographique du Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete). 2. – Plan du complexe basilical de la partie haute avec superposition de la trame urbaine islamique en gris clair. Gutiérrez Lloret, »La islamización de Tudmir », art. cité, p. 310.
7L’idée centrale de cette réflexion a donc surgi d’une expérience archéologique concrète, qui est celle de la fouille systématique du Tolmo de Minateda, envisagée comme laboratoire de confrontation d’hypothèses historiques sur la transformation de la société du haut Moyen Âge dans le Sud-Est de l’Hispanie ; mais elle va au-delà et affecte également la nature même des données matérielles obtenues au cours du processus de fouille et leur potentialité en tant que source historique. La formation d’al-Andalus impliqua une transformation sociale très importante dont les conséquences matérielles deviennent visibles à la fin du processus, c’est-à-dire durant le califat ; mais comment y arrive-t-on ? En d’autres termes, est-il possible d’appréhender archéologiquement le processus d’islamisation ? On est donc confronté à un problème historique mais également méthodologique, puisque la réponse doit partir de l’information archéologique, obtenue dans le cadre d’une recherche systématique ; notre objectif en tant qu’archéologues – c’est-à-dire des historiens formés à l’exégèse des sources matérielles – n’est autre que de transformer en données historiques l’information spécifique contenue dans les « restes » du contexte matériel du passé, données comparables dans leur potentialité explicative à celles élaborées à partir des « témoignages » explicites et intentionnels des événements qui constituent le domaine classique des sources écrites9. En définitive, la stratégie de recherche qui a été suivie tente d’évaluer le rôle de l’archéologie face à une étude des sources documentaires – qui a ressurgi avec une surprenante vigueur après un apparent rapprochement avec l’archéologie10 – qui la réduit à la condition de simple artisanat technique ; selon cette vision, son unique fonction est de produire une connaissance descriptive et circonscrite qui requiert l’intervention des historiens du document écrit – les médiévistes dans leur acception la plus classique – pour construire une explication historique qualifiée et rigoureuse de l’information archéologique.
8La seconde question importante posée par l’archéologie médiévale, depuis cette perspective exégétique des sources matérielles, est celle de la valeur des données archéologiques fournies par un site précis dans la construction d’une explication historique générale. On sait que la recherche archéologique « intensive » ou « de fouilles », si on préfère, possède un rythme différent de celui de la recherche documentaire : elle est lente et souvent imprécise en termes de chronologie. Il peut arriver, et cela est même fréquent, qu’un projet de recherche systématique, mené durant plusieurs années, s’attache exclusivement à une superficie réduite du site, si bien que l’information obtenue, malgré sa valeur intrinsèque, est, par définition, fragmentaire et difficilement généralisable. De fait, cela constitue un reproche récurrent et réducteur lancé par les historiens des textes ; il suffit de se référer aux paroles d’Alain Guerreau : « Et tous ces efforts pour un résultat chaque fois ponctuel, pauvre, difficile à interpréter. En un mot : l’approche des vestiges enterrés est dans tous les cas aléatoire, onéreuse et peu gratifiante11 » Néanmoins, les données archéologiques que nous construisons en contextualisant la séquence des événements matériels conservés et en l’interprétant historiquement peuvent être utilisées pour résoudre ou expliquer les problèmes généraux posés ; ainsi, la source matérielle acquiert une nouvelle dimension, celle de document historique, et nous, les archéologues, tout comme le reste des historiens, nous construisons nos propres documents, obtenus (à la différence de ceux-ci) par le biais d’une méthodologie spéciale, dans le cadre d’un processus unique fondé en grande partie sur la maîtrise stratigraphique.
L’espace historique
9En arabe Tudmīr désigna à la fois un territoire et le personnage historique qui lui donna son nom, et ces deux réalités – espace et individu – sont inexorablement liées au processus de formation d’une société islamique dans une région périphérique de l’État cordouan : le Sud-Est de la province de Carthagène qui devient la « kūra de Tudmīr ». Le terme arabe de kūra (du grec chóra) désigne dans l’Islam précoce une unité politico-administrative et provient de la terminologie administrative de l’Orient musulman. Il fut employé pour la première fois en al-Andalus au milieu du viiie siècle, en référence à la répartition des troupes syriennes par l’émir Abū al-Ḫaţţār entre diverses provinces du Sud d’al-Andalus. Le territoire de Tudmīr est également mentionné mais non comme kūra, car ce devait encore être une région administrée par un gouverneur chrétien, Théodemir lui-même ou bien son successeur Atanagilde. Par ailleurs, Tudmīr était le nom que les géographes arabes donnèrent aux terres du Sud-Est péninsulaire dès lors qu’elles furent conquises ; ce nom fut lié précisément à l’incorporation de ce territoire à l’Islam et à la figure de Théodemir ou Theudimer, membre de l’aristocratie wisigothique qui ratifia l’un des rares pactes établis entre conquis et conquérants que l’on ait conservés pour l’histoire d’al-Andalus, et cela deux ans à peine après le débarquement en Hispanie12. Cette dénomination, qui n’est autre que la transcription en arabe du nom de Théodemir, fit tout d’abord référence à un domaine imprécis, soumis par capitulation conclue entre les parties, avant de désigner, à partir de l’époque de ‘Abd al-Raḥmān Ier, une division administrative d’al-Andalus, la kūra de Tudmīr, au moins jusqu’à la chute du califat.
10Le célèbre traité de capitulation fut conclu en avril 713 entre ‘Abd al-‘Azīz Ibn Mūsā, fils du conquérant Mūsā, et Théodemir, qui acquit pour lui et les siens la condition de ḏimmī-s ou protégés de l’Islam. Ce statut garantissait la liberté de culte et le respect des vies et des propriétés en échange du paiement d’un impôt de capitation, versé en argent et en espèces (blé, orge, vinaigre, miel et huile) selon la condition des chrétiens soumis (libres ou esclaves). On a beaucoup débattu sur la biographie de ce personnage, auquel on reconnaît une capacité effective de contrôle territorial indépendante de celle de l’État wisigothique, dont l’appareil politique avait été soumis précédemment à la signature du traité13. Cette capacité pourrait émaner de sa condition de dux14 de la région du Levant juste avant et pendant la conquête arabe, charge qu’il dut posséder en raison de sa relation intime – peut-être familiale – avec l’entourage du roi Wittiza15.
11La mention expresse dans cette capitulation de sept villes du Sud-Est péninsulaire – Auryūla, Mūla, Lūrqa, B.l.nt.la, Laqant, Iyih et Ilš ou Buq.sr.h, selon les versions – constitue la reconnaissance spéciale du domaine de Théodemir et fossilise un territoire qui devint, avec le temps, une unité administrative intégrée à l’État islamique, la kūra de Tudmīr. D’autre part, le traité démontre que les conquérants tentèrent d’adapter la structure administrative municipale romaine (encore en vigueur à l’époque wisigothique dans l’organisation ecclésiastique) à la nouvelle fiscalité musulmane. Cela fut possible grâce à la connivence de certains personnages de l’aristocratie indigène qui, à l’image de Théodemir, jouissaient d’une autorité fiscale sur les territoires qu’ils contrôlaient et s’érigeaient ainsi en garants de la perception du nouvel impôt dû par le groupe social qu’il représentait dans le traité, ainsi que par ses serfs.
12L’installation des ğundī-s d’origine égyptienne (contingents militaires chargés de la perception des tributs) à Tudmīr vers 743-744 trahit l’inefficacité du système de contrôle territorial fondé sur la ville préislamique et explique son déclin définitif, en même temps qu’elle indique un changement de statut juridique de la région. On assista alors à l’alliance des deux forces, formalisée par un emblématique mariage mixte : celui du ğundī ‘Abd al-Ǧabbār b. Nadīr avec la fille de Théodemir, qui octroya deux villages au titre de la dot matrimoniale : celui de Tarsa près d’Elche et celui de Tall al-Ḫaṭṭāb (ou colline de Ḫaṭṭāb), qui peut probablement être identifié avec le site dépeuplé du Cabezo de las Fuentes, à Albatera. Il doit son nom à Ḫaṭṭāb b. ‘Abd al-Ǧabbār, appellation éponyme d’un important lignage de Murcie et qui désigne vraisemblablement le fils de cette union mixte – et dans ce cas le petit-fils de Théodemir – ou bien alors le mari de sa fille – et, par là même, le gendre du propriétaire terrien wisigothique. Cependant, la dissolution du lignage de Théodemir, probablement absorbé par ce mariage, en même temps que son patrimoine foncier, ne poussa pas les autres secteurs de l’aristocratie wisigothique également alliés avec les ğundī-s à renoncer immédiatement à leurs aspirations. Selon la Chronique de 754, Athanagild – le plus riche et généreux seigneur – succéda à Théodemir, sans que soit indiquée la moindre relation de parenté directe entre ces deux personnages, thèse par ailleurs difficilement défendable16, puisque la base du nouveau domaine d’Athanagild semble dériver exclusivement de son pouvoir économique. Ce statu quo prit fin à l’époque de ‘Abd al-Raḥmān Ier avec l’incorporation définitive à l’État islamique des domaines du pacte regroupés en une des kūra-s d’al-Andalus, celle de Tudmīr17.
13Les kūra-s désignaient habituellement des circonscriptions administratives liées à des territoires urbains, souvent baptisés du nom de la capitale (comme cela est le cas, par exemple, des kūra-s de Jaén ou de Séville), mais il n’en fut pas de même pour celle de Tudmīr, en raison de l’origine particulière de son nom ; le statut de capitale octroyé à cette kūra est lié à la restructuration administrative de l’émir ‘Abd al-Raḥmān II, avec la fondation en 825 de Murcie, nouveau siège urbain créé pour installer les gouverneurs et chefs militaires et, dès lors, destiné à devenir la capitale de ce territoire.
14Quant à ses limites, la kūra de Tudmīr comprenait, grosso modo, les provinces actuelles de Murcie, le Sud d’Alicante, le Sud-Est d’Albacete et le Nord d’Almería, jouxtant, du nord au sud, les kūra-s voisines de Valence, Santaver, Tolède, Jaén et Ilbīra. Son extension primitive se fonde sur la courte mention d’al-Rāzī, qui se contente de nommer ses principales villes (Lorca, Morata ( ?), Orihuela, Alicante, Carthagène et le port de Donia ou Dénia) ainsi que sur la description détaillée d’al-‘Uḏrī, qui énumère tous ses districts (Lorca, Murcie, al-‘Askar, Chinchilla, Elche, Iyyuh al-Sahl, Ǧabal Buqasra, al-qal‘a, Ǧabaliya, Tūtiya, Ibn al-Ǧāy‘, Buqasra, Mawra, Bāliš et Bayra). Tous les auteurs s’accordent à inclure à la kūra de Tudmīr le corridor d’Albacete qui, partant d’Hellín et de Tobarra, arrive jusqu’à Chinchilla, Albacete et Balazote. Au sud, une ample frange territoriale du nord d’Almería (depuis Vera sur la côte jusqu’à la contrée de Vélez à l’intérieur des terres) est incorporée. En revanche, les avis divergent sur l’inclusion de la zone de Huéscar et Galera, dans l’actuelle province de Grenade mais aussi de la sierra de Segura à Jaén. Une des limites les plus discutées est celle de son point de contact avec la kūra de Valence, où l’on observe une évidente indécision au moment d’inclure le Nord montagneux de l’actuelle province d’Alicante – le Ǧibāl Balansiya ou montagne de Valence – à l’une ou l’autre kūra. Selon al-Rāzī, Dénia est une ville de la kūra de Tudmīr, tandis qu’al-‘Uḏrī l’intègre indistinctement à l’une ou l’autre ; ce tâtonnement géographique fut interprété par Joaquín Vallvé comme conséquence des variations frontalières détectées en al-Andalus à la suite de la chute du califat. De son côté, Pierre Guichard conclut que la montagne d’Alicante fit partie administrativement de la kūra de Tudmīr et non de celle de Valence, bien que cela ait toujours été une frontière incertaine ; en revanche, depuis une perspective archéologique, sa culture matérielle d’époque islamique précoce correspond, à l’heure actuelle, au territoire valencien, indépendamment de son assignation administrative (fig. 2).
Le peuplement et l’occupation du territoire
15Au début de ce texte, j’avais signalé que, en plus des rares sources écrites connues, très avares en information, le travail sur la kūra de Tudmīr a exploité les sources historiques matérielles alors balbutiantes dérivées de la méthodologie archéologique, pour formuler diverses hypothèses sur le processus de transformation sociale qu’entraîna l’islamisation de la région. Cette étude conduisit à l’identification de certains patrons de peuplement rural et à l’étude archéologique du milieu urbain de la région au haut Moyen Âge, facilitant, entre autres choses, la reconnaissance matérielle des villes du célèbre pacte de Théodemir, et permettant de dépasser les spéculations liées aux éventuelles lectures des toponymes transmis par les sources écrites18. Sans vouloir revenir sur les arguments qui permettent d’étayer cette identification et qui ont été largement présentés dans des travaux antérieurs, il convient de rappeler ici que les villes reconnaissables comme telles dans les différentes versions se réduisent à six : Auryula, Mula, Lurqa, B.l.nt.la, Laqant et Iyyuh ; s’y ajoute une septième, Ilš ou Buq.sr.h selon les versions. Tandis que la localisation de quelques-unes des villes mentionnées – B.l.nt.la, Iyyuh o Buq.sr.h – avait provoqué des débats passionnés durant plus d’un siècle, on considère que l’identification d’Auryula, Mula, Lurqa, Laqant et Ilš avec, respectivement, Orihuela, Lorca, Alicante et Elche a été démontrée d’un point de vue toponymique
Figure 2 — Limites de la kura de Tudmir : 1. Jusqu’au xie siècle, selon E. Molina López, et 2. selon J. Vallvé Bermejo. Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmir, op. cit., p. 29.
16La confrontation matérielle a permis de nuancer quelques-unes des identifications proposées et de suggérer des emplacements probables pour les villes les plus douteuses, et l’on admet dorénavant les identifications d’Auryula avec Orihuela, Mula avec le Cerro de La Almagra (site dépeuplé proche de Mula, Murcie), Lurqa avec Lorca (Murcie), Laqant avec Alicante, Iyyuh avec le site dépeuplé du Tolmo de Minateda à Hellín (Albacete), Ilš avec la colonie romaine IuliaIlici Augusta, siège épiscopal wisigothique postérieur situé aux environs d’Elche (Alicante), ainsi que Buq.sr.h avec la ville romaine de Begastri au Cabezo de Roenas (Cehegín, Murcie). Seule la localisation de B.l.nt.la reste un mystère, étant donné que la candidature de Villena, à Alicante, soutenue par quelques auteurs est indéfendable depuis une perspective archéologique19, tandis que l’hypothèse de Valence, récemment remise à l’ordre du jour20, est certes justifiable depuis une perspective matérielle, mais s’éloigne tellement de l’espace géographique du pacte de Théodemir et de la kura de Tudmir elle-même, que je la considère, personnellement, comme improbable (fig. 3).
Figure.3.— La kura de Tudmir avec les villes du pacte de Théodemir. Gutiérrez Lloret, « Illici en la Antigüedad Tardía », art. cité, p. 109.
17Le processus d’islamisation en milieu urbain devait être appréhendé par le biais de recherches systématiques dans les villes du célèbre pacte de capitulation de l’an 713 que l’on avait pu identifier, mais cela n’alla pas sans peine. Les villes qui présentent une occupation continue, telles Lorca, Alicante ou Orihuela, soulèvent d’évidents problèmes de reconnaissance et de conservation des contextes wisigothiques et émiraux, puisqu’il reste très difficile d’individualiser les contextes antérieurs au xe siècle à l’intérieur de l’espace intra-muros de ces futures madῑna-s ; en revanche, des restes appartenant à ces époques apparaissent, de façon plus ou moins substantielle, dans des aires extérieures où ils sont identifiés à des établissements paysans ou périurbains. L’un des exemples les plus frappants et singuliers est peut-être celui d’Alicante, où les quelques trouvailles remontant à l’Antiquité tardive ou à l’époque émirale n’apparaissent que de façon sporadique dans son centre historique et sur le flanc de sa forteresse, alors que l’on a pu reconnaître des restes de peuplement des viie et viiie siècles dans des points éloignés de son territoire périurbain : on mentionnera la zone de Benalúa, le site dépeuplé de Fontcalent, au pied de la montagne du même nom, et, plus récemment, le spectaculaire ensemble du Cerro de las Balsas situé dans la zone de la Albufereta et installé en face de la ville romaine de Lucentum (le Tossal de Manises), à un moment où celle-ci avait déjà indiscutablement disparu en tant que réalité urbaine et topographique.
18En effet, les indices d’un peuplement tardo-romain, d’une ampleur et d’une complexité insoupçonnées il y a à peine une décennie, sont apparus dans tout le territoire qui s’étendait de chaque côté du marais de l’Albufereta, avec, en particulier, une spectaculaire concentration funéraire qui se devine au pied de la sierra Grossa, dans la zone du Cerro de las Balsas (en cours d’étude21). Ces vestiges ont incité à poser la question de l’éventuelle existence d’un important noyau de peuplement de caractère urbain, qui se serait développé à partir du vie siècle et surtout au viie siècle ; celui-ci serait sans doute associé à une aire de culte chrétien que l’on pressent grâce à l’inhabituelle concentration funéraire de la zone et à certaines manifestations architectoniques et décoratives isolées ; il a même été suggéré, avec les précautions d’usage, de l’associer au toponyme Laqant du pacte de Théodemir22. Cette nouvelle trouvaille et ses éventuelles conséquences –.pour le moment uniquement formulées à titre d’hypothèses suggestives– révèlent le potentiel explicatif qui émane des restes matériels et qui transforme la recherche archéologique en principale source de connaissance historique pour ces périodes. Selon moi, il est certain que la ville d’Alicante a fourni jusqu’à présent peu de restes de l’époque émirale, mais, comme on l’a signalé auparavant, il est également évident qu’il s’agit là d’un problème commun à la majorité des villes du pacte qui continuèrent à être habitées durant le Moyen Âge, comme Lorca ou Orihuela. Les meilleures possibilités d’étude proviennent, donc, des autres villes qui furent définitivement abandonnées ; de fait, l’horizon émiral précoce semble seulement pouvoir être discerné dans des sites qui perdirent précisément leur condition urbaine dans un contexte précalifal, comme le Cerro de la Almagra (Mula, Murcie), Begastri (Cehegín, Murcie) et, dans une moindre mesure, Ilici (La Alcudia à Elche, Alicante), en plus du Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) lui-même.
19Les travaux engagés au Cerro de la Almagra semblent corroborer son identification avec la ville de Mula et ont permis de documenter une partie de la muraille flanquée de tours qui enserre le site, ainsi que les restes d’un possible édifice de culte et une partie d’une nécropole intra-muros, remontant à peu près au milieu du viie siècle. Cette datation est d’ailleurs en accord avec les différents éléments de culture matérielle connus, notamment la toreutique et la céramique23. Le cas de Begastri est plus complexe, car même si le site est fouillé de façon continue depuis 1980 et que personne ne met en doute son identification avec la ville du pacte, les prémisses méthodologiques et les interprétations de certains restes matériels sont pour le moins discutables ; tel est le cas de la prétendue basilique chrétienne localisée sur la partie sommitale de la colline et dont la restitution nous semble, à la lumière des données publiées, difficilement défendable24. Certains matériels dépourvus de contexte stratigraphique et étudiés il y a une décennie pourraient suggérer une continuité du siège épiscopal wisigothique au cours des premiers siècles islamiques, mais aucune nouvelle donnée stratigraphique fiable permettant de confirmer ou de nuancer cette proposition n’a été présentée25, à l’exception de la découverte d’un trésor daté du premier tiers du xie siècle, constitué de 237.monnaies d’argent frappées dans ce même premier tiers du xie siècle et majoritairement composé de numéraires fatimides ; néanmoins, les conditions de cette trouvaille ne permettent pas de vérifier si elle s’inscrit dans un contexte d’occupation ou, comme cela semble plus probable, si elle s’explique par une fréquentation sporadique ou par une occultation circonstancielle26.
20En dernier lieu et malgré des recherches longues et continues, Ilici (La Alcudia, à Elche) présente un panorama décourageant pour ses phases tardives. Le manque de rigueur et les déficiences méthodologiques de la plupart des interventions archéologiques effectuées contribuèrent à ancrer un cliché historiographique totalement obsolète et acritique, fondé sur la succession de villes superposées et détruites à coups d’invasion, en même temps qu’ils entravèrent la reconnaissance des séquences stratigraphiques réelles, diluées dans une périodisation idéale définie dans les années 1950, et qui en vint à occulter les phases de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge de la ville, tout en les peuplant de mythes. Les matériels et les édifices de cette période étaient sortis de leur contexte, quand ils n’étaient pas interprétés selon une image préconçue qui finissait par les justifier. Cette situation déplorable, dans laquelle se trouve ce qui est, probablement, l’un des sites les plus importants pour l’étude du haut Moyen Âge dans la région, a commencé à changer progressivement à partir de son acquisition, en 1996, par l’université d’Alicante et de la création d’une Fondation universitaire de recherche archéologique. Cette dernière s’est consacrée à mettre de l’ordre dans le site en étudiant les anciennes interventions et en développant un programme de respect et de mise en valeur, qui inclut la construction d’un musée et centre d’interprétation dont l’ouverture est imminente. En outre, de nouvelles interventions de caractère ponctuel ont été menées, permettant de réétudier et de dater correctement de prétendus restes de l’Antiquité tardive, tout en encourageant divers travaux de recherche destinés à jeter les bases d’une future recherche rigoureuse27. Concernant la problématique de son islamisation et de son éventuelle continuité à l’époque émirale, il semble plausible que le site ait perduré pendant, au moins, une partie du viiie siècle, étant donné l’identification toujours plus précise des contextes matériels de ce siècle, en plus de la localisation de matériel pleinement émiral qui semble, aujourd’hui, plutôt résulter d’une fréquentation sporadique28.
21Dans le cas du peuplement urbain, et en marge des villes du célèbre pacte de Théodemir, l’étude de Carthagène médiévale constitue une véritable exception. Les travaux systématiques menés pour le projet du théâtre et dirigés par Sebastián Ramallo et Elena Ruiz ont mis au jour une séquence d’occupation ininterrompue sur les restes du théâtre augustéen qui fut transformé en un secteur urbain de nature commerciale à l’époque tardo-antique et byzantine ; l’individualisation, pour la première fois, de contextes émiraux dans cette séquence remet en question le traditionnel hiatus matériel postwisigothique et ouvre de nouvelles possibilités d’étude du processus d’islamisation29.
22La recherche autour des patrons de peuplement rural et de leur éventuelle caractérisation éthique et sociale ne s’est pas beaucoup développée. Une exception évidente et significative, tant par la rigueur et la continuité du projet que par la singularité de son peuplement, est l’ensemble cénobitique du Ribaṭ de Guardamar. Ce site clé dans l’étude de l’islamisation religieuse et sociale précoce du Bajo Segura est conséquent et a déjà fait l’objet d’un ensemble significatif de publications, auxquelles s’ajoute le mémoire récent et fondamental des travaux réalisés entre 1984 et 1992, publié par la Casa de Velázquez30. En marge de cet exemple, aucune intervention systématique et, à plus forte raison, aucun projet de recherche ne se sont intéressés à certains patrons de peuplement documentés il y a une décennie, comme, par exemple, les sites de hauteur occupés durant l’émirat ; parmi ces derniers, il convient de souligner l’importance du Zambo en Novelda, victime de spoliations clandestines qui ont perturbé une grande partie de sa structure ; toutefois les travaux commencés au Castellar de la Morera à Elche (Alicante) en 2007 ont permis de documenter une vaste enceinte emmuraillée, pourvue de chemins de ronde, qui délimite un espace de plus de 11 hectares renfermant au moins trois ensembles édifiés sur l’acropole ainsi que de nombreux restes céramiques et constructifs datables entre les viiie et xe siècles.
23Tous ces indices obligent à matérialiser un lieu jusqu’ici resté invisible et posent la question d’un peuplement musulman précoce dans la région d’Elche31.
24Une situation similaire se répète pour les sites en zones marécageuses, qui ont été bien documentés lors de travaux de prospection32, mais qui n’ont jamais été fouillés de manière systématique. Seul le récent projet du Musée archéologique d’Alicante (MARQ), dirigé par Juan Antonio López Padilla au Cabezo Pardo, fait figure d’exception ; il offre d’intéressantes possibilités d’étude de la problématique du peuplement émiral. Ce Cabezo, situé à la confluence des territoires de San Isidro et Granja de Rocamora, appartient à l’ensemble du Cabezos de Albatera, dans la Vega Baja du Rio Segura (Alicante), et comporte, en plus d’un important peuplement argarique, un intéressant site de chronologie émirale, auquel est associée au moins une possible sépulture décrite par Louis Siret33 ; à l’époque, j’avais proposé d’identifier ce site avec le hameau de Tall al-Ḫattab, mentionné par le géographe andalous al-‘Uḏri comme l’un des deux concédés par Théodemir au ǧundi ‘Abad al-Gabbar, au titre de dot matrimoniale pour le mariage avec sa fille34. La présence de mobiliers et de structures islamiques (très spoliés) sur son sommet permet, en plus, de confirmer la chronologie du site et d’entrevoir la possibilité de documenter, pour la première fois, la matérialité d’un village de cette époque35.
25D’autre part, on commence à distinguer une nouvelle ligne de recherche dans la reconnaissance de certaines modalités du peuplement rural du haut Moyen Âge. Ainsi, plusieurs villages de taille réduite ont été documentés dans le territorium de la ciuitas wisigothique du Tolmo de Minateda ; ils se situent sur de faibles hauteurs dans des zones très fertiles, à proximité de cours d’eau ou de sources et d’anciennes installations rurales romaines (c’est le cas de Loma Eugenia et Loma Lencina, dans le municipe d’Hellín, ainsi que d’Alboraj, dans le municipe de Tobarra36) ; quelques zones funéraires isolées doivent correspondre à des implantations rurales inconnues mais sûrement similaires à celles citées (Torre Uchea à Hellín37). Tous ces sites présentent en surface des mobiliers du haut Moyen Âge, qui permirent de formuler une première datation d’époque wisigothique, confirmée par la suite lors d’une intervention d’urgence réalisée en 1995 dans la nécropole du site de Loma Eugenia. Quasiment une trentaine de cistes, renfermant divers ensembles de mobiliers métalliques datables entre la fin du vie et le début du viie siècle et (peut-être) jusqu’en plein viie siècle38, furent exhumées. Peut-être que certains des sites récemment documentés dans les environs de la ville de Murcie, tels les restes de Senda de Granada, répondent à des patrons ruraux de caractéristiques semblables, qui nous permettront de reconnaître quelques-uns des types d’habitats ruraux mentionnés par les sources écrites d’époque wisigothique, comme le uicus, le pagus, la uilla ou la uillula39.
26Le panorama de recherche qui vient d’être tracé, sans prétendre à l’exhaustivité, met en évidence la valeur du Tolmo de Minateda comme cas d’étude et point de comparaison pour certaines des hypothèses proposées dans ma recherche régionale sur Tudmir. En ce sens, la dernière partie de ce travail cherche à analyser les possibilités de reconnaissance archéologique de l’islamisation à la lumière des données obtenues au Tolmo, dans le cadre d’un projet de fouille systématique et étalé dans le temps, qui a mis au jour une ville du haut Moyen Âge d’une importance géohistorique singulière dans la région de Tudmir40.
LA RECONNAISSANCE ARCHÉOLOGIQUE DE L’ISLAMISATION
27Les différents aspects matériels étudiés dans le cadre du projet de recherche sur le Tolmo de Minateda ont permis d’envisager le problème de l’islamisation et de son identification archéologique depuis différentes perspectives. Il s’agit, en fin de compte, d’identifier des sociétés au travers de leur culture matérielle et d’établir les limites réelles de cette identification. Cette recherche s’intéresse à l’étude de la formation de la société islamique, dans le cadre de la transition qu’impliqua la disparition définitive de la société antique. L’archéologie se transforme en un instrument efficace pour la caractérisation matérielle de la société islamique et permet de reconnaître certains indicateurs du processus d’islamisation, que j’ai divisés en trois groupes : indicateurs sociaux, culturels et chronologiques.
Indicateurs sociaux
L’urbanisme
28Un des éléments qui reflètent, sans doute, le mieux la formation sociale islamique et qui la différencient matériellement des autres sociétés possibles est l’urbanisme, comme l’a signalé M. Acién en insistant sur l’« hégémonie du privé comme caractéristique inhérente à l’idéologie de la formation sociale islamique et à sa matérialisation dans l’urbanisme et la maison41 ». Le même auteur, en citant nos travaux, s’appuie sur le Tolmo pour exemplifier les transformations de la ville tardo-antique et la rupture de l’urbanisme islamique42. Le maintien du Tolmo a confirmé que toutes les villes wisigothiques ne furent pas nécessairement abandonnées avec la conquête musulmane, mais que, dans de nombreux cas, elles s’islamisèrent et subsistèrent au moins jusqu’à l’émirat. Cependant, il a également mis en évidence que ce processus d’islamisation urbaine entraîne une profonde rupture urbanistique qui se reflète, dans le cas qui nous occupe, dans la discontinuité existant entre ces deux projets urbains.
29Nous avons donc une ciuitas wisigothique érigée ex nouo, vers la fin du vie ou au début du viie siècle, sur les ruines d’un municipe romain pratiquement abandonné à l’époque du Haut-Empire, avec une continuité stratigraphique durant l’émirat. Les données archéologiques ont montré que l’intense activité constructive du noyau urbain à l’époque wisigothique, loin d’être improvisée, résulta d’un dessein unitaire, soigneusement conçu et dont les lignes directrices ont probablement été exécutées en pleine époque wisigothique, ce qui en fait l’un des rares projets urbanistiques ex nouo de cette période. Cette planification minutieuse se matérialise nettement dans l’architecture monumentale, en particulier dans la fortification de l’accès principal de la ville, situé sur l’unique talweg qui permettait l’accès au plateau43, et, surtout, dans la création d’une aire monumentale de caractère religieux sur la partie haute de la ville, constituée d’une basilique à trois nefs associée à un baptistère, un cimetière ad sanctos et un édifice en vis-à-vis qui correspond probablement au palatium, le tout s’ajoutant à l’occupation urbaine de la superficie de la colline dans son entier44. L’implantation topographique du complexe – visible depuis tous les endroits de la ville, canoniquement orienté est-ouest au centre du plateau et uniquement dominé par l’enceinte fortifiée de l’acropole – donne, à elle seule, une idée de l’intentionnalité de l’ouvrage et de sa signification symbolique, comparable au projet de Recópolis lui-même (fig. 4). À cela s’ajoute l’ampleur de l’intervention : on fit les plans a fundamentis, en arasant et détruisant tous les vestiges antérieurs, et en remodelant complètement la topographie urbaine dans ce secteur de la ville, et on alla jusqu’à tailler le substrat rocheux.
30Les fouilles récentes ont démontré que l’église et le baptistère annexe n’étaient pas des constructions isolées, mais qu’ils faisaient partie d’un programme de construction unitaire, incluant un grand édifice disposé au nord de l’église. Celui-ci fut élaboré et construit ex nouo à un moment avancé du vie siècle, voire au début du viie siècle, à la suite d’une décision politique qui émana peut-être directement de l’autorité tolédane. Son caractère monumental confirme cette hypothèse, tandis que son étroite relation avec la basilique suggère qu’il pourrait s’agir du palais épiscopal d’un nouveau siège créé à la fin du vie siècle : la Eiotana ou Elotana. Dès lors, l’étude globale du complexe architectural permet de saisir la signification historique de son édification, tant dans le domaine de sa planification architectonique que, surtout, dans sa dimension politique et symbolique. La disposition harmonieuse dans un espace urbain privilégié de ce que nous identifions comme les trois éléments de la triade épiscopale, que sont la cathédrale, le baptistère et le palais épiscopal (ce dernier étant l’espace de représentation et la résidence de la plus haute autorité ecclésiastique), souligne une volonté de mise en scène, rehaussée par le portique d’accès qui structure les espaces et la circulation interne45 dans le but de magnifier et de signaler le lieu le plus important de la ciuitas, où se concentrent tous les pouvoirs.
Figure.4.— Vue du complexe religieux fouillé au Tolmo de Minateda. Photo S. Gutiérrez Lloret.
31Ce complexe fut utilisé et transformé tout au long du viie siècle46, comme le démontrent les mobiliers, les éléments liturgiques, les graffiti en lettre cursive wisigothique trouvés sur les enduits, la décoration architectonique, la datation absolue d’une des tombes47 à l’intérieur de l’église alors qu’elle était en fonction, ou encore les trouvailles numismatiques. Il devait encore fonctionner au début du viiie siècle, même si le processus d’abandon dut commencer à un moment indéterminé de ce siècle et entraîna la reconversion à un usage domestique de certaines pièces secondaires de la basilique et du palais48, ainsi que la spoliation systématique des grands espaces (fig. 5), jusqu’à ce que la phase islamique, qui vint se superposer, oblitère tout (fig. 1, 2).
Figure.5 — Pavements de terre orangée correspondant à la réadaptation domestique du complexe monumental wisigothique après la perte de son usage liturgique. Restitution de la phase du viiie siècle. Plan S. Gutiérrez Lloret.
32D’autre part, cette phase islamique se matérialise dans la modification des fortifications, la superposition des cimetières et l’extension des structures urbaines émirales sur les ruines wisigothiques, jusqu’à leur abandon à un moment avancé de l’émirat auquel correspondent la majorité des mobiliers domestiques datés, au sens large, de la seconde moitié du ixe.siècle. Cette trame urbaine émirale
33–.essentiellement documentée en extension sur la partie haute de la ville.– se mit en place, avec une évidente solution de continuité, sur les déblais de l’édifice palatin dont les murs servirent occasionnellement de fondation aux nouvelles structures, ainsi que sur les ruines de l’ancienne basilique désormais totalement enfouie, à l’exception de quelques contextes qui furent réemployés dans les nouvelles constructions ou qui se conservèrent en îlots résiduels au milieu des espaces ouverts (fig. 6).
Figure.6 — Trame urbaine émirale superposée au complexe basilical du Tolmo de Minateda. Restitution de la phase du ixe siècle. Plan S. Gutiérrez Lloret.
34La configuration de ce vaste quartier illustre une spectaculaire réorganisation urbanistique d’une des zones publiques les plus emblématiques de toute la ville wisigothique. Elle représente la sécularisation d’un espace urbain religieux, qui possède désormais une fonction résidentielle et privée, et matérialise, avec ce changement de vocation, la rupture définitive, tant topographique que fonctionnelle, dans ce secteur urbain qui symbolise à lui seul la fin de la ville. Loin d’être un acte spontané, son édification semble être la conséquence d’une décision planifiée, qui culmine dans le processus préalable de spoliations systématiques, incluant des travaux de conditionnement des ruines, avec le terrassement et la construction de murs de soutènement, ou encore le nivellement qui pourrait expliquer l’arasement uniforme (à une même cote) des murs de l’édifice palatin.
35Cette vision urbanistique d’époque islamique, plus proche du milieu rural que des modèles encouragés par la formation sociale islamique, trahit l’état d’avancement de la dégradation urbaine des anciennes villes wisigothiques et explique que l’intérêt de l’État cordouan pour le milieu urbain ait été canalisé par d’autres voies, comme le démontre la fondation de Murcie au détriment de Iyyuh ellemême49. Il est significatif que l’aire de l’ancienne église se maintienne jusqu’au ixe siècle comme un terrain vierge d’édifications domestiques, avec seulement deux fours à l’intérieur. Il est probable que, si l’occupation avait continué durant toute l’époque islamique, cette surface aurait fini par être construite, mais son abandon précoce a fossilisé un espace vide sur l’édifice religieux –.c’est encore le cas au ixe.siècle.– qui soulève d’intéressants problèmes d’interprétation.
La maison
36Un second problème qui se pose est celui de la maison proprement dite et de sa relation avec un type concret de société. Le modèle d’unité domestique documenté au Tolmo est loin de correspondre à celui des « maisons pleinement islamiques, avec des couloirs autour de la cour interne et qui font fonction de vestibules d’entrée et de cuisine50 ». Celle du Tolmo est plutôt de type unicellulaire – avec une ou plusieurs unités domestiques – et elle se répartit de façon anarchique autour d’espaces ouverts occasionnellement cloisonnés ; elle correspond au modèle monocellulaire défini par André Bazzana et caractéristique de la partie orientale d’al-Andalus durant le haut Moyen Âge51. L’origine de cette typologie urbaine islamique de maison simple avec une seule pièce rectangulaire à fonctions multiples est généralement mise en relation avec la maison berbère d’Afrique du Nord à partir d’informations ethnoarchéologiques, sans que l’on puisse écarter des influences locales52.
37Cependant, la fouille d’un espace urbain wisigothique localisé dans la zone de la porte53 a permis de documenter la similitude entre les maisons wisigothiques et islamiques, tant dans leur morphologie que dans leurs infrastructures (fig. 7). De fait, on constate que ce modèle de maison simple est très proche des structures domestiques wisigothiques, tant rurales qu’urbaines, ainsi que de maisons de chronologie islamique dans certains sites ruraux précoces, souvent en relation avec un peuplement d’origine indigène ou tribale. On trouve diverses typologies de sites ruraux wisigothiques qui offrent, avec certaines variantes, un modèle structurel formé par de grandes pièces quadrangulaires ou trapézoïdales, regroupées autour d’un espace ouvert de grandes dimensions ou bien disposées sur l’un de ses côtés : depuis des enceintes fortifiées comme le castrum de Puig Rom à Gérone54 jusqu’aux sites ruraux avec un lieu de culte du type d’El Bovalar à Lérida55, en passant par des villages ouverts de taille réduite comme Vilaclara de Castellfollit del Boix à Barcelone56, le Cuarto de las Hoyas à Salamanque57 ou Navalvillar à Madrid58. Parmi les exemples provenant du milieu urbain, on peut citer ceux de Recópolis59, Mérida60 et Carthagène61. Les différences planimétriques détectées dans l’architecture domestique de quelques-uns de ces ensembles urbains s’expliquent par le conditionnement qu’impose l’existence de vestiges constructifs antérieurs de grande solidité, comme cela est le cas à Mérida ou à Carthagène, mais les solutions techniques adoptées sont similaires et pareillement simples.
Figure.7 — Phases I et II des unités domestiques wisigothiques situées aux portes de la ville, sur le bastion. Gutiérrez Lloret, « Madinat Iyyuh », art. cité, fig. 4 de la p. 203.
38Si l’on compare cette trame urbaine avec d’autres sites islamiques de chronologie également précoce, mais un peu plus large, on trouve des structures similaires dans les sites de la zone de Castellón comme Monte Mollet, El Salando ou Miravet62, caractérisés par des ensembles de structures à tendance rectangulaire, regroupées autour de cours intérieures ; néanmoins, leur dispersion ne permet pas d’apprécier une trame urbaine définie. Un phénomène semblable se répète avec les maisons du Castillón de Montefrío à Grenade, bien qu’avec un tracé beaucoup plus régulier63, avec celles de Marmuyas à Málaga64, celles de l’établissement rural d’Alcaria Longa à proximité de Mértola65, celles du Castillo de Peñaflor à Jaén, où de vastes structures domestiques se juxtaposent de manière irrégulière, laissant entre elles d’étroites ruelles66, ainsi qu’avec certains édifices de la ville de Vascos à Tolède, en particulier dans la première phase de l’édifice A, correspondant à la deuxième phase urbanistique datée de l’époque califale67. Toutes ces structures présentent des chronologies variées qui oscillent entre le ixe et le xie siècle. Ces exemples, tout comme l’urbanisme wisigothique avec lequel ils présentent des liens étroits, proviennent majoritairement du milieu rural ; en effet, les sites urbains de chronologie islamique précoce, comme Pechina68, développent des modèles homogènes et pleinement islamiques d’architecture domestique, fondés sur le concept de maison avec cour, entrée coudée, alcôves, latrines et foyer, au sein d’une structure urbaine clairement orthogonale, qui n’a rien à voir avec la trame du Tolmo.
39Peut-être que Vascos, de caractère indiscutablement urbain mais plus tardif que le Tolmo, marque le passage vers ce modèle pleinement islamique, matérialisé par la densification de l’habitat, qui occupe désormais des espaces vides ou transforme des aires artisanales69, lequel n’est pas venu à maturité dans notre ville en raison de son abandon précoce. L’abandon du Tolmo avant le califat, qui représente précisément le triomphe de la société pleinement islamique, fossilisa un type d’urbanisme très éloigné des modèles urbains pleinement islamiques qui se généralisèrent à partir du xe siècle et dénote que le processus d’islamisation sociale n’avait pas encore abouti dans les terres du Sud-Est à la fin du ixe siècle.
40La maison se transforme ainsi en indicateur social de ce processus, nous renseignant sur le type de société qui la construisit, en même temps qu’elle en illustre les rythmes : dans beaucoup de secteurs du quartier, nous trouvons des indices de transformations successives qui dénotent des réorientations fonctionnelles et s’accompagnent d’une densification des espaces domestiques ; cette dernière est patente dans la division de certaines maisons ou dans l’adossement d’autres pour former des structures plus complexes, associant parfois deux ou plus de ces compartiments monocellulaires avec un espace ouvert de caractère semi-privé, qui peut être clôturé ou simplement délimité par la distribution des différents édifices (fig. 8). Cette approche permet d’expliquer l’existence de certaines structures rectangulaires dépourvues de foyer et de regrouper des unités domestiques partageant un même espace commun et qui correspondent peut-être à des groupes familiaux70 (fig. 9).
Indicateurs religieux et culturels
L’islamisation religieuse
41Les diffusions de l’islam et de la langue arabe sont, sans aucun doute, deux expressions idéologiques fondamentales de la formation sociale islamique. La première se reflète dans l’apparition de constructions religieuses spécifiques et dans leur relation avec les édifices de culte antérieurs, parfois transformés en mosquées. C’est le cas du mausolée théodosien des Vegas de Pueblanueva et, peut-être, de certaines églises comme celle d’Aljezares. En ce sens, l’exemple du Tolmo démontre le maintien du culte chrétien et de ses espaces liturgiques dans les premiers temps qui suivirent la conquête islamique. Cette continuité, entérinée par le pacte de Théodemir dans lequel est mentionnée la ville d’Iyyuh, explique que l’édifice chrétien ne fut pas – il n’y en a aucun indice – adapté au rite musulman ; celui-ci devait se célébrer dans un édifice spécialement construit, pour ce faire, sur un autre emplacement, peut-être dans les environs puisque plusieurs tombes musulmanes ont été trouvées dans la zone. La découverte de l’espace de culte musulman nous permettrait de nuancer l’hypothèse de cette relation topographique et idéologique. La rupture du statu quo du pacte à l’époque de ‘Abd al-Raḥman.Ier et la pression fiscale grandissante sur les populations de muwalladun au cours des dernières décennies du viiie siècle conduisent toutes deux à la spoliation et l’abandon définitif de l’édifice religieux, qui voit certaines de ses plus petites pièces transformées en espaces domestiques avant de disparaître complètement (fig. 5).
Figure.8 — Évolution urbaine d’un ensemble domestique islamique du Tolmo de Minateda, où on observe le regroupement progressif des unités domestiques autour d’un espace commun. Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir », art. cité, p. 311.
42Par ailleurs, le monde funéraire reflète, dans le cas du Tolmo, l’installation de populations déjà islamisées ou la précoce islamisation religieuse de ses habitants, sans que se manifeste pour autant le rejet des cimetières mixtes auquel invitent les prescriptions coraniques. Les enterrements musulmans réalisés dans des cimetières d’époque wisigothique reproduisent l’orientation des sépultures, et seule la position du cadavre dans la fosse change (fig. 10). L’exemple le plus évident de cette pratique provient de la nécropole installée sur la pente septentrionale de la colline à côté de la voie de communication. La phase wisigothique est représentée par quatre inhumations de rite chrétien déposées à l’intérieur de trois sépultures (deux adultes en fosses individuelles et un enterrement infantile double). Il s’agit d’enterrements en fosse simple, orientés ouest-est et recouverts par des dalles avec, dans un cas au moins, une pierre sur la couverture de dalles pour signaler la tête vers l’ouest. Par la suite, une nécropole musulmane occupa ce même lieu avec douze inhumations, des adultes et des enfants, disposées dans des fosses excavées dans la terre et recouvertes de dalles de pierre inclinées71.
Figure.9 — Schéma de distribution fonctionnel de deux ensembles domestiques juxtaposés dans leur phase finale. Plan S. Gutiérrez Lloret.
43Figure.10 : Nécropole septentrionale du Tolmo de Minateda (Corte.13). Différents rituels d’enterrement dans un même espace funéraire. Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir », art. cité, p. 313.
Figure.10 : Nécropole septentrionale du Tolmo de Minateda (Corte.13). Différents rituels d’enterrement dans un même espace funéraire. Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir », art. cité, p. 313.
44La conversion des défunts se manifeste dans l’adoption de rites funéraires proprement musulmans, tout spécialement dans la généralisation d’une nouvelle position d’inhumation : le décubitus latéral droit avec la tête tournée vers La Mecque. Cette position, qui est marquée par un axe perpendiculaire à celui de la qibla –.ligne symbolique qui traverse le mihrab des mosquées et conflue à La Mecque, formant une sorte de roue cosmique dont l’axe est l’épicentre de l’Islam.–, a généré un ample éventail d’orientations dans les tombes qui oscillent, selon les époques, entre les directions ouest-est, avec la tête tournée vers le sud, et nord-sud, avec la tête à l’est. Le fait que toutes les tombes du cimetière septentrional du Tolmo suivent la première position indique, d’une part, qu’on a maintenu le lieu d’enterrement d’époque wisigothique et, d’autre part, plus généralement, qu’on a conservé l’orientation des sépultures, si ce n’est que les fosses sont désormais plus profondes et étroites, pour accueillir le défunt de côté, et recouvertes, logiquement, par des dalles moins larges, légèrement inclinées. Il n’y a ni ciste ni enduit et on ne trouve qu’un cas où deux pierres plates servent à signaler les extrémités d’une sépulture.
45L’islamisation de cette nécropole souligne donc la continuité du paysage funéraire après la conversion religieuse des habitants de la ville, tout en remettant en cause le cliché d’une ségrégation funéraire initiale et d’un rejet musulman des cimetières chrétiens « impurs » ; elle suggère en même temps une islamisation religieuse précoce et peu traumatisante, puisque la ville a sans doute été abandonnée vers la fin du ixe siècle. La relation entre ces deux rituels est très forte et rapprochée dans le temps, étant donné que les nouveaux enterrements conservèrent le lieu et l’orientation des sépultures, ce qui amène à penser qu’il s’agit de populations indigènes qui, une fois islamisées, trouvèrent naturel de continuer à être enterrées dans le cimetière de leurs ancêtres. Eduardo Manzano propose d’interpréter de façon similaire d’autres exemples de cette anomalie funéraire, marquée par la coexistence ou la succession immédiate des rites, à Saragosse, Segóbriga ou Marroquíes Bajos. Il s’agit, selon lui, d’une pratique qui s’insère dans un « bref moment de transition dans une société qui commençait à acquérir les traits de son identité musulmane72 », ce que le Tolmo confirme de façon indiscutable par sa chronologie pleinement émirale (ixe siècle).
46Face à l’islamisation progressive des populations indigènes, favorisée par l’installation des ǧundῑ-s, on trouve d’autres exemples d’islamisation dénués de toute influence étatique ou urbaine. C’est le cas du ribat de Guardamar, installé à la fin du ixe siècle sur le cordon dunaire à côté de l’embouchure du cours d’eau Segura, dans un paysage côtier marécageux parsemé de petites communautés paysannes et apparemment sans aucune stimulation urbaine, puisque les villes les plus proches –.Murcie, Carthagène, Alicante et surtout Orihuela.– possédaient durant le ixe siècle une condition urbaine douteuse et une faible matérialité. Le ribat répond plutôt à une manifestation spontanée d’islamisation et peut-être, à en juger par sa morphologie peu orthodoxe, implantée dans une zone peuplée de muwalladun et de groupes tribaux d’origine égyptienne et arabe, en suivant probablement l’exemple d’autres populations côtières du Sud-Est d’al-Andalus, en étroit contact avec l’Afrique du Nord (fig. 11).
47En ce sens il serait intéressant de réviser l’étude de la grotte de La Camareta (Agramón, Hellín-Albacete) dont les intéressantes inscriptions ont été récemment étudiées73. Cette grotte se situe dans la vallée encaissée formée par le cours d’eau Mundo après son union avec la rivière de Tobarra, provenant du Tolmo, et qui occupe actuellement le lac de barrage de Camarillas. La Camareta fut un lieu d’ermitage chrétien qui conserve un très important corpus de graffiti latins du viie siècle, sur lesquels se superposent d’abondantes inscriptions arabes où la visite d’au moins un rabiṭ (ermite) est mentionnée74, ce qui suggère « que la grotte a pu être le lieu éventuel de recueillement de quelque homme pieux des environs, en plus d’être fréquentée par des voyageurs curieux durant les siècles de l’époque islamique75 ». Il est erroné de penser que la grotte « ne se situe pas précisément sur un lieu de passage76 » ; en effet, par cette voie naturelle courait le chemin médiéval d’Hellín à Calasparra qui avait pris le relais de l’ancien axe reliant les villes préislamiques d’Eio dans le Tolmo et Begastri, en passant par les célèbres mines de soufre de l’Estrecho de Almadenes –.signalées par le géographe al-Zuhri –, situées à la confluence du Mundo et du Segura77. La signification religieuse de la Camareta trouve donc son sens dans la mise en valeur de l’axe Begastri/Buqasra-Eio/Iyyuh durant le haut Moyen Âge, tandis que sa continuité comme espace symbolique infirme, là encore, le rejet des espaces supposément impurs ; de plus, la nature textuelle du document permet d’aborder le problème de la diffusion de l’écriture et de l’alphabétisation des populations wisigothiques et islamiques, comme nous allons le voir.
Figure.11 — Proposition de classification fonctionnelle de la Rábita de Guardamar, Alicante (Azuar Ruíz, op. cit., fig. 9, p. 16).
L’arabisation linguistique
48De la même façon, l’arabisation linguistique et son véhicule matériel d’expression qu’est l’épigraphie constituent également un indicateur efficace d’un milieu social islamisé78. Dans le Sud-Est d’al-Andalus, les témoignages précoces sont très rares et se limitent, aux environs de l’aire étudiée, à quelques exemples commémoratifs et funéraires, réalisés dans un coufique archaïque et jamais antérieurs au califat. D’une part, on remarquera les deux stèles commémorant la construction de chacune des deux mosquées dans le ribat de Guardamar, datées du xe siècle –.la première entre 933 et 941, et la seconde de 94479 ; d’autre part, nous disposons de la découverte récente et significative de trois stèles funéraires datées des années 943, 946 et 994, provenant d’un important cimetière urbain trouvé à Orihuela80. Toutes ces trouvailles, et tout spécialement celles d’Orihuela, dénotent un milieu profondément arabisé et islamisé, et renvoient à un contexte urbain d’une certaine importance, en accord avec la pleine islamisation sociale atteinte durant le califat. Cependant, ces manifestations épigraphiques sont souvent complétées par un ensemble important d’épigraphie mineure (graffiti), généralement incisée en calligraphie cursive sur les parois des édifices – dont le ribat de Guardamar lui-même – ou de grottes – La Camareta – qui nous informe sur l’arabisation linguistique et l’alphabétisation de la population en général.
49En ce sens, l’apparition au Tolmo de deux écrits spontanés sur un support de céramique islamique renseigne tant sur les processus productifs, dans le cas de la marque de « propriété », que sur les mentalités, dans le cas du graffito religieux. Ce dernier, tracé sur un couvercle modelé, correspond à une basmala complète. Le premier, incisé sur la panse d’une jarre décorée de cordons, est composé d’un nom d’action (‘amal, « œuvre de ») suivi par un mot qui semble adopter, malgré des erreurs orthographiques, la morphologie d’un nom d’office (« le potier ») ; on pourrait y reconnaître une éventuelle spécialisation artisanale (précoce) avec des ateliers ruraux et/ou urbains de caractère local et régional, qui dériverait de la complexité d’élaboration de ces grands récipients modelés à la main (fig. 12). Dans ces deux exemples, et tout spécialement dans celui du couvercle, il est indiscutable que l’inscription fut réalisée avant la cuisson de la pièce, ce qui signifie que ce sont les potiers eux-mêmes qui durent écrire (les inscriptions correspondent, en effet, à deux mains distinctes) de leur propre initiative ou sur le souhait exprès d’un éventuel acheteur. Même si les textes furent copiés sans une grande connaissance de la calligraphie, la simplicité des supports (céramique commune modelée) et leur provenance locale probable indiquent un degré d’alphabétisation significatif et précoce. S’ils ne sont pas comparables aux inscriptions d’Orihuela, monumentales et caractéristiques d’un contexte urbain pleinement islamique et califal, les modestes témoignages du Tolmo permettent de supposer que ses habitants étaient déjà arabisés linguistiquement au ixe siècle, indépendamment de leur origine indigène ou étrangère81. Ces données confirment que l’islamisation religieuse – au sens d’une conversion à la nouvelle religion, l’islam – et l’islamisation linguistique – en tant qu’adoption de la langue arabe – sont très antérieures à l’apogée du processus d’islamisation sociale, patent, comme on l’a vu dans l’architecture domestique.
Figure.12 — Graffiti sur une céramique émirale du Tolmo de Minateda. Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir », art. cité, p. 314-318.
Indicateurs chronologiques et matériels
50On s’intéressera à présent à la signification historique de la culture matérielle, en prenant en compte la double valeur des manifestations archéologiques : la valeur chronologique, inhérente aux éléments de datation, et la valeur sociale ou culturelle, dans la mesure où elles indiquent ou mettent en évidence des processus d’acculturation illustrant l’islamisation des populations. Il me semble intéressant de soumettre maintenant quelques problèmes à la lumière des données obtenues au Tolmo de Minateda.
La monnaie
51Les numismates ont signalé à de nombreuses reprises que la monnaie (comme objet archéologique inclus dans une séquence stratigraphique) ne peut être considérée comme un élément de chronologie absolue en dépit de sa date précise. Il est évident que l’année de frappe d’une monnaie ne sert pas à dater une strate au-delà d’un terminus post quem général qui renvoie, de nouveau, à une chronologie relative, surtout lors de périodes où la circulation résiduelle n’est plus à démontrer. De nombreux bronzes romains sont apparus dans les contextes wisigothique et islamique du Tolmo, ainsi que dans beaucoup d’autres sites médiévaux (La Rábita de Guardamar, le Castillo de Río à Aspe, etc.). Cependant, leur apparition et leur représentativité remises en contexte trahissent bien un horizon chronologique précis qui entérine, dans le cas du Tolmo, la chronologie obtenue par le biais de la sériation stratigraphique des productions céramiques.
52Il est nécessaire de faire ici une remarque qui renforce l’affirmation, bien connue par tous, que l’argument ex silentio n’est jamais une preuve définitive en archéologie. J’ai récemment écrit, au sujet des travaux réalisés au Tolmo durant plus d’une décennie, « qu’après la fouille systématique et extensive d’importants niveaux du haut Moyen Âge, les monnaies relativement rares apparues dans les contextes wisigothiques sont quasiment toujours romaines et correspondent généralement à des bronzes des iie-ive siècles ap. J.-C., alors que l’on n’a trouvé aucune monnaie wisigothique et très peu d’émirales82 ». Je me fondais, en 1999, sur un total de 26.monnaies connues, dont seulement deux étaient islamiques : un fals et un dirham. Cependant, les découvertes réalisées au cours des campagnes suivantes, centrées sur l’approche extensive du quartier médiéval, ont notablement changé cette proportion. Parmi les 259.monnaies étudiées jusqu’en 2005 figurent : 148.romaines (majoritairement du ive siècle et, dans une moindre mesure, du iiie siècle), un bronze byzantin d’une valeur de 4 nummi (du type « delta et croix », frappé à Carthagène dans la seconde moitié du vie siècle), 6.triens wisigothiques de la fin du vie et du début du viie siècle (Ervige, Égica-Wittiza et 4.de Wittiza), ainsi que 19.monnaies islamiques de chronologie émirale ; parmi ces dernières se trouvent 10 fulus (un dit de la « conquête » et plusieurs considérés morphologiquement de frappe ancienne et situés stratigraphiquement aux moments de la construction et de l’usage du quartier émiral) et 9.dirhams fragmentaires ex profeso (al- Ḥakam I [812-813], ‘Abd al-Raḥmān II/Muḥammad I [844-853] et Muḥammad I [852-886]), avec des valeurs de 1/41/8, excepté l’unique monnaie .abbaside du calife Hārūn al-Rašīd (795-802) ; enfin, s’ajoute à l’ensemble un denier carolingien, fragmenté de la même façon que la monnaie d’argent d’al-Andalus83.
53Tant les monnaies islamiques que celles frappées à des périodes antérieures (toutes documentées dans les contextes d’occupation, abandon et destruction de la phase émirale) offrent une vision rénovée de ce que fut la circulation monétaire à l’époque émirale dans cette ville grâce à leur situation dans un contexte stratigraphique. Si la ville émirale de Madīnat Iyyuh fut hautement monétarisée, les monnaies islamiques représentent seulement 14 % du volume en circulation, face aux 86 % restants de monnaies romaines (avec une prédominance des cuivres du ive siècle et, dans une moindre mesure, du iiie siècle). Au viiie siècle, la circulation est exclusivement fondée sur des monnaies de cuivre romaines auxquelles s’ajoutent quelques frappes islamiques ou fulus, tandis qu’au siècle suivant le numéraire ancien demeure en circulation, mais les monnaies islamiques acquièrent une plus grande représentativité, en même temps que la monnaie d’argent (dirhams émiraux) commence à apparaître, principalement sous forme de fragments, pour être utilisée comme monnaie fractionnaire. Ce processus d’implantation et d’usage de la monnaie proprement islamique et du recul du numéraire antique tend à culminer durant le califat, avec la disparition des cuivres, y compris islamiques, même si cela ne peut s’apprécier au Tolmo, abandonné avant le califat84.
54De cette façon, à un moment où la monnaie provenant de contextes archéologiques est très réduite, l’argument numismatique s’ajoute à celui de la céramologie pour permettre la reconnaissance du viiie siècle : le cas du fals archaïque de probable attribution africaine, dans une strate interprétée comme un possible repavement de certaines pièces du palatium pour un usage distinct de l’original, a permis de dater avec certitude du viiie siècle les ensembles céramiques provenant des niveaux d’abandon/destruction situés entre ces sols et les niveaux de construction du quartier islamique. Cette découverte confirme l’impression typologique qui nous faisait supposer une datation islamique haute (viiie siècle) pour ces contextes, parallèlement au fait que la composition des ensembles (les marmites et le matériel culinaire abondent) permet d’envisager la réadaptation de certains contextes palatins à un usage domestique, également attesté dans certaines pièces de la basilique85 (fig. 5). La mise en contexte de la monnaie permet, dans ce cas précis, d’individualiser avec une certitude chronologique les répertoires céramiques du viiie siècle restés jusqu’ici insaisissables et matérialise, pour la première fois, la réutilisation domestique du complexe monumental wisigothique après la conquête.
55Les données du Tolmo de Minateda sont extrapolables à d’autres sites du haut Moyen Âge pour lesquels l’impossibilité de reconstruire la séquence d’occupation (en raison de la disparition des types de céramiques datables) créait un prétendu vide de peuplement ; ce dernier était interprété en termes historiques comme la preuve de l’abandon de nombreux sites de l’Antiquité tardive et celle d’une profonde crise démographique. Dans cette perspective, l’absence de céramique datable était synonyme d’abandon, tandis que sa réapparition était comprise comme une réoccupation, sans qu’on envisage la possibilité d’une séquence ininterrompue de peuplement. Selon cette vision historique, tant les indices stratigraphiques indirects (la spoliation de matériels, les constructions précaires, la réoccupation d’édifices abandonnés, les fosses de détritus ou les enterrements) que les trouvailles numismatiques étaient systématiquement considérés comme des symptômes de fréquentations sporadiques, et non comme de probables évidences d’une occupation permanente. Il en va ainsi du site de Foncalent, à Alicante, où un niveau wisigothique a été daté des vie et viie siècles à partir des structures et des matériels, mais d’où provient aussi un fals de première époque trouvé en prospection86. Il est possible que cette donnée monétaire démontre ici, comme dans le cas du Tolmo de Minateda, un maintien de l’habitat dans la zone au moins jusqu’à la première moitié du viiie siècle.
La décoration architectonique
56Sans vouloir m’étendre ici sur le problème de la décoration architectonique qui a déjà été traitée en détail87, il convient, néanmoins, de rappeler l’un des exemples cités, qui est celui des fenêtres géminées –.parfois simplement taillées en un seul bloc.– trouvées en abondance lors des fouilles de la zone basilicale et d’où elles proviennent vraisemblablement, car il a démontré qu’une donnée purement archéologique peut réorienter un débat historique d’actualité. Je veux, bien évidemment, parler de la discussion sur la transmission de thèmes décoratifs utilisés par les Omeyyades en Orient à certains édifices chrétiens considérés comme wisigothiques ; loin d’être anodine, cette question remet en cause la datation traditionnellement admise pour beaucoup d’éléments de la culture matérielle de l’époque, auxquels on attribue désormais une datation plus moderne. C’était le cas, entre autres, des fenêtres géminées, datées des ixe et xe siècles à partir de quelques exemples portugais.
57L’apparition d’un ensemble conséquent de ces éléments architectoniques au Tolmo, réemployés comme matériel de construction dans les murs du quartier islamique qui se superposa à la basilique ou s’établit entre les déblais de cet édifice, a confirmé la chronologie wisigothique de ces pièces, malgré l’existence de parallèles mozarabes. Cette découverte a mis en évidence « que les questions stylistiques n’ont pas de raison de suivre un développement chronologique », comme le dit M. Acién, et qu’ » .il ne peut s’imposer à la méthode la plus fiable que nous possédons : la stratigraphie88 ».
La toreutique
58Un autre fossile directeur traditionnel, la toreutique « wisigothique », soulève un problème similaire. Grâce aux travaux de Gisela Ripoll89, on dispose d’une classification typo-chronologique utile qui répartit les boucles de ceinture et les fibules provenant de contextes funéraires scellés, entre diverses phases chronologiques comprises entre la fin du ve siècle et le début du viiie siècle. La découverte de telles pièces au Tolmo de Minateda, aussi bien dans des contextes funéraires (les moins nombreux) que dans des niveaux d’occupation, suggère que les références typologiques doivent toujours être flexibles ; en effet, si elles renvoient nécessairement au moment de l’apparition ou de la généralisation d’un modèle, elles ne datent jamais de sa période d’usage ou de maintien. Il est significatif que, dans l’une des inhumations les plus modernes du secteur ecclésiastique (installée à l’extérieur du baptistère sur une tombe antérieure), l’un des individus ait porté une boucle de ceinture de plaque rigide, généralement datée entre la seconde moitié du vie siècle et la première moitié du viie siècle, quand les données stratigraphiques indiquent que son contexte d’usage doit être probablement plus moderne.
59L’utilisation de la toreutique wisigothique à l’époque islamique pose une autre question. Il est généralement admis que « le moment final de l’utilisation de ces pièces […] se situe évidemment […] vers l’an.711 avec l’irruption du monde islamique et la victoire de Guadalete », même si on insiste sur le fait que « la découverte de El Bovalar (Lérida) a démontré que, dans le Nord-Est de la Péninsule et sous la monarchie d’Agila, ces objets se maintinrent au-delà de cette date90 », sans que soit précisée la période de pleine utilisation de ces pièces, au-delà des années.713 ou 71591. Cette circonstance conduit à ce que ces pièces, y compris les boucles de ceinture de type « lyriforme » plus modernes, soient automatiquement datées du viie siècle, malgré leur emploi certain et leur possible fabrication au-delà de 711. Si l’exemple de Bovalar montrait déjà le caractère erroné de cette limite, les trouvailles du Tolmo de Minateda confirment que ces pièces peuvent apparaître également dans des contextes du viiie et même du ixe siècle. Le cas le plus évident –.mais non unique, puisque au moins deux autres pièces proviennent de contextes clairement islamiques92 – est celui de la boucle de ceinture de type lyriforme D, qui est apparue en bon état de conservation dans les niveaux d’abandon d’une maison islamique (GU.38). Certes, ces découvertes ne permettent pas de démontrer la fabrication si tardive de ces éléments, ni même le maintien de leur fonction initiale, puisqu’il pourrait s’agir d’objets récupérés ou conservés pour diverses raisons (esthétique, valeur, recyclage, etc.), mais elles soulignent la nécessité de ne pas les considérer comme des éléments datants définitifs. Dans le cas qui nous occupe, la céramique qui l’accompagne est clairement émirale, de telle sorte que, même en l’absence de stratigraphie, la référence chronologique de la boucle serait invalidée par la céramique. Mais il convient de se demander ce qui arriverait dans l’hypothèse où on trouverait une boucle de ce type associée à du mobilier daté du viiie siècle et sans séquence stratigraphique claire : ces matériels seraient sûrement datés de la seconde moitié du viie siècle en fonction de la boucle, sans aucune mention du viiie siècle.
La céramique
60L’étude de la céramique a été, et reste encore, le pivot fondamental autour duquel gravitent les données archéologiques, malgré l’attraction exercée par d’autres thématiques qui détournent souvent de son étude. Pour cela, et puisque j’avais commencé ce travail en évoquant ce thème, je souhaite conclure maintenant sur l’analyse des contextes céramiques du Tolmo de Minateda, en relation avec le cadre régional que j’avais préalablement défini dans La cora de Tudmir : de la Antigüedad tardía al mundo islámico. Cette étude a permis de poser certaines questions qui ont réorienté la recherche de l’équipe et que j’aimerais rappeler brièvement ici. En premier lieu, cela m’a servi à mettre en perspective ma propre sériation chronotypologique régionale ; comme je l’ai signalé au début de ces pages, j’aurais difficilement pu imaginer un meilleur laboratoire pratique et cette praxis stratifiée m’a démontré en quoi certaines hypothèses formulées il y a une décennie étaient correctes ou erronées. Je sais maintenant avec certitude que l’univers productif wisigothique de la seconde moitié du viie siècle (fig. 13) est beaucoup plus varié que ce que l’on imaginait alors, à l’instar de la complexité urbanistique et sociale que montre la ville à cette époque. De la même façon, les céramiques modelées, même bien représentées, ne dominent absolument pas l’horizon productif de cette chronologie, tout du moins dans les milieux urbains où se maintient une certaine organisation des cycles productifs de potiers et une relative structure de marché ; celle-ci se manifeste, même après la disparition ou la raréfaction des produits importés depuis des zones lointaines, par une variété de céramiques locales et régionales de cuisine, de table, de transport et de stockage de grande qualité technique, réalisées dans des pâtes dépurées et élaborées majoritairement au tour93.
Figure.13 — Matériels de l’horizon I (seconde moitié du viie siècle, premières années du viie siècle). Ibid.
61Je sais également à présent que l’identification archéologique du viiie siècle est et sera toujours difficile en l’absence de stratigraphie, car ses productions se rapprochent généralement bien plus de celles d’époque wisigothique que de celles de la période émirale, qui s’introduisent timidement et progressivement dans les registres archéologiques ; la tendance à l’autosuffisance et le changement culturel se font alors plus patents et se matérialisent dans la place plus importante de la céramique modelée et l’apparition limitée de nouvelles formes et décors (fig. 14). Sans stratigraphie, les prospections continueront à définir des hiatus d’occupation entre les viie et ixe siècles là où il n’y en avait peut-être pas. Dans notre cas, les contextes qui renvoient à l’horizon du viiie siècle proviennent de la transformation fonctionnelle de l’ensemble monumental du Tolmo de Minateda, formé par la triade basilique-baptistère-palais, où l’on constate le repavement des espaces les plus réduits et leur adaptation à une fonction domestique, tandis que les grandes salles basilicales et palatines commencent à être spoliées (fig. 5). Aux matériels déjà publiés des contextes de la basilique, s’ajoutent désormais les contextes inédits du palais, provenant des niveaux d’abandon/destruction des usages mentionnés plus haut et dont la datation nous est donnée, tout d’abord, par leur position stratigraphique scellée par les niveaux de construction du quartier islamique superposé, mais aussi par la trouvaille d’un fals archaïsant de possible provenance africaine.
62Par ailleurs, j’ai pu confirmer l’homogénéité régionale de l’horizon émiral défini il y a des années et que l’on retrouve dans tous les sites de la zone, ce qui garantit bien, dans ce cas, une identification matérielle optimale du ixe siècle au travers d’indices incontestables : les aspects morphologiques (la fermeture progressive du bord des marmites à base plane, la faible longitude des becs de lampes à huile, la prédominance des pichets à une anse face aux petites jarres à deux anses, etc.), les aspects décoratifs (la peinture à bandes fines d’oxyde de fer) et productifs (l’apparition des premières glaçures monochromes décorées sous couverte) (fig. 15). Cette donnée souligne la nécessité de continuer les études céramologiques, car les techniques de datation absolue employées au Tolmo donnent des fourchettes si amples que le cadre chronologique dérivé de la séquence stratigraphique relative et des céramiques est, dans le fond, beaucoup plus précis que les « relatives » datations absolues.
Figure.14 — Matériels de l’horizon II (viiie siècle, probablement seconde moitié). Les six dernières formes proviennent du palais. Ibid.
Figure.15 — Matériels de l’horizon III (ixe siècle), avec quelques indices chronologiques : 1. fermeture progressive du bord des marmites à base plane, 2. lampes à huile à becs peu développés, 3. prédominance des pichets à une anse face aux petites jarres à deux anses, 4. peinture d’oxyde de fer en fines bandes sur le col et les épaules de pichets et petites jarres. Ibid.
63Enfin, le thème qui continue à me préoccuper au moment d’aborder l’islamisation est la possibilité d’identifier le changement culturel par le biais de la céramique et, par là même, d’individualiser les populations. Grâce à l’expérience de ces années, je suis plus attentive aux pièges ethnicisants de ces approches, mais je continue à penser que les productions reflètent, d’une façon ou d’une autre, les formations sociales et leurs systèmes idéologiques, et peuvent nous indiquer les processus de changement. Il s’agit d’un thème complexe qui a dominé les études sur la céramologie et le peuplement du haut Moyen Âge durant cette dernière décennie, notamment à partir de l’identification archéologique de la tradition héritière du monde hispano-wisigothique. Mon travail, à l’image de celui d’autres collègues en Andalousie, part de l’hypothèse que la culture matérielle permet, avec la prudence qui est de mise, de caractériser l’origine du peuplement de haute époque musulmane. Mais cette identification se conçoit exclusivement comme un instrument pour identifier les sociétés qui interviennent dans la formation d’al-Andalus ; j’ai moi-même attiré l’attention sur le fait que l’uniformité technologique visible dans les registres matériels du milieu du xe siècle interdit, après cette date, d’identifier des groupes de population à partir de leur culture matérielle. Cela signifie donc que l’origine du peuplement est importante dans la formation d’al-Andalus, mais cesse de l’être une fois que la société islamique s’est imposée sur le reste des formations sociales qui interviennent dans ce processus d’islamisation, de sorte que l’identification archéologique de son origine n’a rien à voir avec des questions de continuités ni des simplifications ethnicisantes.
64L’évolution morphologique des marmites à base plane modelées à la main, typiques du Sud-Est entre les viie et ixe siècles, constitue, à mon avis, un bon exemple de l’identification du peuplement d’origine indigène au travers d’une tradition céramique (fig.16, 1 à.3). Si cette forme et d’autres productions à la main et au tour (les couvercles discoïdaux, les terrines à pain, les petites jarres à deux anses et à col étroit ou les pichets à profil en « S », entre autres exemples) sont considérées comme appartenant à une tradition tardo-romaine ou hispanowisigothique, c’est précisément du fait de la relation morphologique entre les productions de l’une et l’autre époques tandis que leur prédominance dans des zones où le peuplement est, selon les sources, majoritairement indigène aboutit à la caractérisation sociale. Au contraire, certaines formes qui n’existaient pas auparavant dans les répertoires de céramiques préislamiques –.comme les pichets de la série.T20, le tannur ou four à pain, les godets de noria et les productions glaçurées en général (fig. 16, 4 à.8).– peuvent répondre à des traditions introduites par les conquérants arabo-berbères, sans impliquer pour autant que les uns et les autres ne produisirent pas d’autres répertoires formels dont nous n’identifions pas l’origine.
65L’introduction progressive de ces formes dans un univers productif jusqu’alors dominé par la tradition indigène, comme cela est le cas dans la région étudiée, devient un bon indice du processus d’islamisation. Ainsi, par exemple, la diffusion des godets de noria (fig. 16, 5), centrée sur les sites émiraux du Bajo Segura, est liée à l’apparition des premiers systèmes d’irrigation relativement réduits et antérieurs à la planification d’un grand réseau de canalisations dépendant de la ville d’Orihuela et créé entre la fin du xe siècle et le début du xie siècle.
Figure.16 — Identification du changement culturel au travers de la céramique. 1 à 3 : évolution morphologique d’une forme de tradition wisigothique entre les viie et ixe.siècles (les marmites à base plane modelées à la main), 4 à 6 : formes allochtones introduites à l’époque islamique (4 : tannur ou four à pain ; 5 : godet de noria ; 6 : pichet.T20), 7 et 8 : pichets à glaçures monochromes fabriqués à Péchina (Almería) et découverts respectivement au Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) et au Zambo (Novelda, Alicante). Ibid.
66L’introduction du tannur (technique de cuisson totalement étrangère à la tradition gréco-romaine du four voûté, mais qui est, en revanche, l’instrument de cuisson typique de la tradition proche-orientale et sémitique, et qui se généralisa avec l’expansion de l’Islam, fig. 16, 4) ainsi que de nouvelles formes de vaisselle de table dénotent les changements dans les habitudes alimentaires. Le cas du pichet.T20 (fig. 16, 6) est très significatif : cette forme destinée à boire, qui se substitue aux bols de tradition hispano-wisigothique, marque une importante rupture typologique. Les prototypes de ces pichets se trouvent dans des sites islamiques du Proche-Orient et sont introduits au ixe siècle dans tout al-Andalus, depuis le Portugal jusqu’aux îles Baléares.
67Un exemple paradigmatique est celui de l’île de Majorque, conquise par les musulmans en 902, bien après le reste de la Péninsule. On trouve dans les contextes les plus anciens de l’île (généralement des réoccupations de constructions talayotiques comme à Es Figueral de Son Real et à Hospitalet94) quasiment exclusivement des pichets de cette typologie, considérés comme déjà califaux en raison de la date d’incorporation de l’île et de la datation.C14 de 960.ap. J.-C., obtenue dans les années 1970 à partir du foyer d’Es Figueral. Je crois que cette datation absolue non calibrée est seulement indicative, alors que la prédominance quasi absolue des pichets sur la typique petite jarre califale trahit le caractère ancien de ces séries qui ont dû être, à mon avis, les premières formes islamiques de tradition émirale à arriver sur l’île. Pour terminer, les répertoires glaçurés –.pichets, petites jarres, pots ou lampes à huile à décor estampé et incisé sous couverte monochrome verte, miel, chocolatée ou à une moindre échelle blanche – proviennent d’ateliers extérieurs, généralement urbains (Péchina, Málaga et Murcie, entre autres lieux) et apparaissent seulement à partir de la moitié du ixe siècle (fig. 16.7 et 8).
68Le contexte émiral du Tolmo a donc validé le répertoire émiral qui avait été proposé en son temps pour l’aire de Tudmir, et qui apparaît de plus en plus nettement comme une zone culturelle différenciée d’autres régions d’al-Andalus par sa culture matérielle, du moins durant ces époques. Le site est abandonné à un moment indéterminé de la fin du ixe siècle, même si quelques indices isolés – les rares matériels attribuables à l’horizon III C – pourraient suggérer une certaine continuité, marginale, jusqu’au début du xe siècle. Ces matériels, qui ne sont associés à aucune phase d’occupation concrète au Tolmo, sont déjà ceux qui correspondent au niveau ancien de la Rábita de Guardamar et, de manière générale, aux sites pleinement califaux de la région, caractérisés par la présence des marmites M4.2, la généralisation de la glaçure ainsi que par l’introduction du « vert et manganèse » califal. Ces contextes, qui sont parfaitement datables de la seconde moitié du xe siècle, se caractérisent par leur homogénéité formelle et décorative, très significative dans le cas des productions de cuisine dont la bande incisée et ondulée en fait un fossile directeur ; à ce moment, il n’existe plus de différence entre la culture matérielle des sites urbains et celle des sites ruraux, où le « vert et manganèse » arrive facilement.
69Selon moi, cette homogénéité est le reflet matériel de la pleine islamisation de la société atteinte avec le califat, de la même façon que la diffusion d’un certain type de structures domestiques le sera. Madinat Iyyuh, l’ancienne Eio, fut abandonnée avant la culmination de ce processus, et elle devint ainsi un instrument historique important pour étudier la formation de la société islamique, dont j’espère avoir su présenter ici toute la potentialité.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE
70J’ai abordé, au fil de ces pages, l’étude complète de la phase du haut Moyen Âge d’un site archéologique dont je dirige les fouilles, entourée d’une équipe plus vaste. Mon objectif était de démontrer que le travail de terrain autour d’un projet archéologique concret, s’il s’insère dans une problématique historique plus large, peut apporter des données importantes pour alimenter la discussion historique. En plus de documenter l’urbanisme, la construction ou les productions céramiques, notre travail a rendu possible l’identification de cet établissement avec la ville épiscopale d’Eio et la Madina de Iyyuh mentionnée dans le pacte de Théodemir ; de cette façon, on a pu remettre en contexte les informations matérielles et construire des données historiques.
71Le Tolmo rend lisible le processus d’islamisation de la société wisigothique et les tensions dérivées de l’installation de nouvelles populations. Des aspects comme l’urbanisme et la culture matérielle permettent d’analyser ce processus à un stade antérieur à celui de la pleine islamisation sociale ; pour donner un exemple, si le Tolmo avait été abandonné deux siècles plus tard, la réalité urbaine que nous pourrions étudier serait celle d’une ville islamique en processus de transformation, avec les maisons à cour si caractéristiques, tandis que la culture matérielle serait également similaire à celle de beaucoup de sites d’époque taifa. Au contraire, le Tolmo montre un espace urbain d’époque wisigothique en cours d’islamisation, mais où ne se reflète pas encore le triomphe de la société islamique ; ses céramiques montrent l’intrusion progressive de nouvelles influences dans un répertoire formel de tradition fortement indigène. De nouvelles perspectives de recherche s’offrent à nous : la matérialité de ses équipements urbains et la qualité de ses constructions, ou encore la transformation des structures domestiques et l’influence de l’islamisation dans cette évolution, mais aussi la définition de l’urbanisme islamique précalifal et le maintien de traditions indigènes dans la culture ainsi que les indices matériels du changement social et culturel, etc. ; tous ces aspects requièrent de reconsidérer le problème de la revitalisation de certaines villes à l’époque wisigothique dans le cadre d’une prétendue crise de la vie urbaine. En résumé, il nous faut continuer à construire, selon les termes d’Andrea Carandini, de nouvelles histoires sur les bases de l’histoire détruite du Tolmo de Minateda.
Notes de bas de page
1 Traduction de l’espagnol, Sophie Gilotte. Ce travail est dédié à tous les membres de l’équipe de recherche du Tolmo de Minateda, véritables « paysans de l’histoire » qui, en labourant jour après jour, ont rendu possible un projet historique collectif et plein d’illusions, dont la matérialisation semble atteindre, enfin, son point culminant grâce à la création du Centre d’interprétation du parc archéologique du Tolmo de Minateda, promu par la Junta de Comunidades de Castilla-La Mancha.
2 A. Carandini, Storie dalla terra. Manuale di scavo archeologico, Turin, 1991, p. 6-7 (à partir de maintenant on citera l’édition espagnole, Historias en la tierra. Manual de excavación arqueológica, Barcelone, 1997, p. 12).
3 Les deux réunions sur la transition auxquelles j’ai participé entre 2006 et 2007 – le colloqueVilla, 2. Villes et campagnes de Tarraconaise et d’Al-Andalus (vie-xie siècle : la transition), organiséà Saragosse en novembre 2006, et le séminaire Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval (viie-xiie siècles.) tenu à Paris en janvier 2007 – contribuèrent à enrichir mes arguments sur le problème posé et donnèrent lieu à une réflexion qui s’est concrétisée, avec des variantes, dans les versions publiées de ces deux réunions. Cf. S. Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir : balance y perspectivas », Villa, 2. Villes et campagnes de Tarraconaise et d’al-Andalus (vie-xie siècle) : la transition, éd. Ph. Sénac, Toulouse, 2007, p. 275-318.
4 S. Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmīr : de la Antigüedad Tardía al mundo islámico, Madrid-Alicante, 1996 (Collection de la Casa de Velázquez, 57).
5 Sur ce point particulier, voir S. Gutiérrez Lloret, « Algunas consideraciones sobre la cultura material de las épocas visigoda y emiral en el territorio de Tudmir », Visigodos y Omeyas. Un debate entre la Antigüedad Tardía y la Alta Edad Media, Madrid, 2000 (Anejos del Archivo Español de Arqueologia, xxIII), p. 95-116, en particulier p. 96.
6 Le Tolmo de Minateda fut déclaré bien d’intérêt culturel (BIC) le 20 mai 1992 ; il correspond à l’un des cinq parcs archéologiques promus par la Junta de Comunidades de Castilla-La Mancha. Son plan directeur fut rédigé en 1998 et le projet muséographique en 2006. Les travaux seront réalisés entre 2008 et 2010. L. Abad Casal, « El Parque arqueológico del Tolmo de Minateda, elemento dinamizador de la Comarca de Hellín-Tobarra », Cursos sobre el Patrimonio Histórico, 5 (Actas de los xI cursos monográficos sobre el patrimonio histórico, Reinosa, 2000), Santander, 2001, p. 285-298.
7 Sur l’identification historique du site, S. Gutiérrez Lloret, « La identificación de Madînat Iyih y su relación con la sede episcopal Elotana. Nuevas perspectivas sobre viejos problemas », Scriptain honorem Enrique A. Llobregat Conesa, Alicante, 2000, p. 481-501, et S. Gutiérrez Lloret, L. Abad Casal, B. Gamo Parras, « Eio, Iyyuh y El Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) : de sede episcopal a madîna islámica », VI Reunió d’Arqueología Cristiana Hispànica, Barcelone, 2005, p. 345-370.
8 Dans cette vaste équipe, je veux mentionner tout spécialement Lorenzo Abad Casal (université d’Alicante), Blanca Gamo Parras (musée d’Albacete) et Pablo Cánovas Guillén (parc archéologique Tolmo de Minateda), codirecteurs à mes côtés du projet mentionné ; Rubí Sanz Gamo (Musée archéologique national), qui partagea la direction durant les premières années ; Julia Sarabia Bautista et Víctor Cañavate Castejón, techniciens responsables des travaux de terrain et de la gestion de l’information, et Victoria Amorós Ruiz et José Antonio Mellado Ribera pour la gestion du mobilier, en plus du reste des chercheurs qui collaborent, ou ont collaboré, à des aspects et études concrets du projet et qu’il serait trop long d’énumérer ici.
9 La distinction entre « testimonianze – cioè informazioni esplicite, nate per dare notizia di fatti ed eventi in forma di comunicazioni verbali trasmesse dallo scritto – e resti, sopravvivenze del complesso di manufatti che avevano costituito l’ambiente materiale delle civiltà del passato ed erano sopravvissute al cessare dell’uso » est signalée par P. Delogu, Introduzione allo studio della Storia Medievale, Bologne, 1994, p. 100.
10 Il suffit de se référer aux récentes réflexions d’A. Guerreau (L’avenir d’un passé incertain. Quelle histoire du Moyen Âge au xxie siècle ?, Paris, 2001), qui réassume, avec une vigueur inhabituelle, les clichés du fétichisme, de la vacuité et de l’improductivité de l’archéologie, tout en considérant qu’il incombe à cette discipline de devenir le moteur principal de la rénovation des études médiévales (p. 142-143 et 155). Voir dans un sens identique les réflexions antérieures sur le caractère routinier et mécanique de la méthodologie archéologique de M. Barceló, El sol que salió por occidente. Estudios sobre el estado Omeya en al-Andalus, Jaén, 1997, p. 11. On trouvera une critique détaillée de la banalisation du processus de construction du document archéologique faite par certains médiévistes de formation essentiellement textuelle dans Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir », art. cité, p. 278-284.
11 Guerreau, L’avenir d’un passé incertain, op. cit., p. 144. Voir la vision inverse et plurielle de Carandini, Historias en la tierra, op. cit., p. 16-17 et 19.
12 Sur les pactes dans le processus de conquête, on se référera à E. Manzano Moreno, Conquistadores, emires y califas. Los Omeyas y la formación de al-Andalus, Barcelone, 2006, p. 29 et suiv., et p. 42-48 pour celui de Théodemir.
13 M. Acién Almansa, Entre el feudalismo y el islam. `Umar Ibn Hafsûn en los historiadores, en las fuentes y en la historia, Jaén, 1994, p. 111.
14 Contre l’opinion d’E. Llobregat Conesa (Teodomiro de Oriola : su vida y su obra, Alicante, 1973, p. 75) qui considérait Théodemir comme un aristocrate transformé en comes ciuitatis d’une ville indéterminée du Levant, à la suite de son probable mariage avec une héritière hispano-romaine, E. Manzano suggère sa condition de dux à la tête d’une région déjà définie comme unité administrative à l’époque wisigothique, qu’il propose de mettre en relation avec la prouincia Aurariola mentionnée dans La cosmographie de Ravenne (« Arabes, bereberes e indígenas : al-Andalus en su primer período de formación », L’incastellamento. Actes des rencontres de Gérone et de Rome, Rome, 1998 [Collection de l’École française de Rome, 241], p. 157-177, voir p. 166). Par ailleurs, Llobregat lui-même questionnait l’existence de cette supposée unité administrative qui, selon lui, était un calque de l’expression « kūra de Tudmīr », empruntée à quelque source arabe (E. Llobregat Conesa, « Relectura del Ravennate : dos calzadas, una mansión inexistente y otros datos de la geografía antigua del País Valenciano », Lucentum, 2, 1983, p. 225-243).
15 À l’origine de cette hypothèse se trouvent les réflexions d’A. Isla ( »Los dos Vitizas. Pasado y presente en las crónicas asturianas », Romanización y Reconquista en la Península Ibérica : nuevas perspectivas, éd. M. J. Hidalgo, Salamanque, 1998) et d’E. Manzano Moreno ( »La conquista del 711 : transformaciones y pervivencias », Visigodos y Omeyas, op. cit., p. 401-414, voir p. 402) ; le premier auteur met en relation la présence de Wittiza, associé au trône par son père Égica, à Tuy, avec la mention, à ce même endroit, d’un évêque, appelé Oppa, qui signa les actes du xIIIe concile de Tolède en 683 et qui, selon M. Barceló, pourrait être un autre fils d’Égica, ce qui dénoterait une politique destinée à placer des membres de son entourage familial à la tête d’unités provinciales. Le second chercheur développe cet argument en signalant que cet Oppa pourrait être le même que celui qui était à la tête du siège d’Elche à l’époque du xvie concile de 693, quand Théodemir était déjà dux de cette région et membre distingué de l’entourage royal ; pour corroborer ce rapprochement, Manzano identifie le personnage levantin avec le Théodemir qui devait être assassiné aux côtés du roi et d’autres individus au cours de la révolte de Sisbert dénoncée lors du xvie Congrès de Tolède. E. Llobregat (Teodomiro de Oriola, op. cit., p. 70 et suiv.) et L. García Moreno (Prosopografía del Reino visigodo de Toledo,Salamanque, 1974, p. 80, nº 152) mettent également en relation ces deux personnages, en les identifiant avec le Théodemir qui repoussa un débarquement byzantin à l’époque d’Égica. Concernant l’identification de l’Oppa d’Elche avec l’évêque de Tuy du même nom, l’unique point contestable est que, dans un tel cas, il dut administrer un évêché intermédiaire qui nous est inconnu, puisque lors du xVe concile (688) Oppa n’était déjà plus évêque de Tuy (Adelfus signe à ce titre) mais pas non plus encore celui d’Ilici, où Emmila avait remplacé Leander.
16 Une analyse de la prétendue parenté entre ces deux personnages se trouve dans S. Gutiérrez Lloret, « Ciudades y conquista : el fin de las ciuitates visigodas y la génesis de las mudûn islámicas en el sureste de al-Andalus », Genèse de la ville islamique en al-Andalus et au Maghreb occidental, éd. P. Cressier, M. García Arenal, Madrid, 1998, p. 137-157, ici p. 147, note 44. Récemment E. Manzano Moreno (Conquistadores, emires y califas, op. cit., p. 107) reprend l’argument qui lui semble logique de la relation filiale avec les précautions d’usage, mais il est, d’après moi, surprenant qu’aucune source ne fasse allusion à une éventuelle descendance masculine d’un lignage aussi célèbre, alors que, par exemple, al-‘Uḏrī mentionne expressément la lignée féminine.
17 S. Gutiérrez Lloret, « Ciudades y conquista : el fin de las ciuitates visigodas y la génesis de las mudûn islámicas en el sureste de al-Andalus », Genèse de la ville islamique, op. cit., p. 137-157, voir p. 150.
18 Un peu plus d’une décennie après, on aurait pu s’attendre à une multiplication des études archéologiques, qui constitueraient une base de comparaisons. Cependant, le panorama actuel n’est pas aussi encourageant que l’on aurait pu l’espérer et ce malgré le volume croissant d’interventions. Les problèmes actuels de l’archéologie médiévale n’émanent pas tant du dialogue difficile avec certains spécialistes des textes évoqués antérieurement que de l’alliance malaisée entre recherche archéologique et praxis institutionnelle. Actuellement, alors qu’on n’a jamais disposé d’autant de données matérielles, tant en milieu urbain –.où l’intervention archéologique est généralement imposée de l’extérieur.– qu’en milieu rural –.où la néfaste planification territoriale et l’aberrante croissance urbaine ont été encouragées dans le Sud-Est de l’Espagne.–, grâce à la multiplication ad infinitum d’interventions archéologiques professionnelles, peu de ces données génèrent une information historique qui arrive jusqu’aux forums scientifiques de discussion. Ce problème a été largement exposé par Gutiérrez Lloret, « La islamización de Tudmir », art. cité, p. 284-286.
19 Hypothèse proposée par M. J. Rubiera (Villena en las calzadas romana y árabe, Villena-Alicante, 1985) et F. Franco (Vías y defensas andalusíes en la Mancha Oriental, Alicante, 1995) dans une tentative pour resituer toutes les villes du pacte de Théodemir dans la vallée de Vinalopó, le long de la voie Augusta, définissant une frontière wisigothique-byzantine, puis émirale, mais indéfendable d’un point de vue archéologique. Cf. Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmir,op. cit., p. 291-292.
20 A. V. Ribera, M. Rossello Mesquida, « Escultura decorativa de época tardoantigua en Valencia », Escultura decorativa tardorromana y altomedieval en la Península Iberica, Madrid, 2007 (Anejos del Archivo Español de Arqueologia,.xLI), p. 345-366, en particulier p. 358, proposent d’identifier Balantala avec Valence, considérant Théodemir comme un dux provincial exerçant un pouvoir sur une province qui coïnciderait avec les limites du littoral de la province de Carthagène et qu’ils identifient avec la Provincia Aurariola, tandis que l’édifice du Plá de Nadal serait sa résidence. Si, comme cela semble être le cas, la cora de Tudmir est, au moins en ce qui concerne son nom et son noyau géographique d’origine, un avatar de la domination effective et cohérente du dux Théodomir, il est pour le moins problématique d’inclure dans ce territoire un centre urbain et épiscopal qui deviendra la capitale de la cora voisine et limitrophe, celle de Valence, dont la frontière incertaine flotte autour de la zone montagneuse située entre Alcoy et Dénia, mais qui n’inclut jamais le territoire de la ville de Valence.
21 El Yacimiento arqueológico del Tossal de las Bases. Seis mil anos de historia de Alicante, Alicante, 2007.
22 E. Tendero Porras, A. Guilabert Más, M. Olcina Domènech, La maqbara del Tossal de Manises (Alicante). Tomo.I : Estudio Arqueológico, Alicante, 2007, p. 190 et suiv.
23 Sur les fouilles du Cerro de la Almagra, on pourra consulter les premiers résultats qui ont été publiés, notamment par R. González Fernández, F. Fernández Matallana, Mª. S. Crespo Ros, »Yacimiento del Cerro de La Almagra (Mula, Murcia). Campaña de 1997 », Memorias de Arqueología, 12, 2004, p. 409-426, et Id., »La necrópolis intramuros con edificio de culto del Cerro de la Almagra (Mula, Murcia) », Memorias de Arqueología, 13, 2005, p. 265-276. Sur la culture matérielle, des mêmes auteurs, »La cerámica tardía realizada a mano hallada en superficie en el Cerro de la Almagra (Mula, Murcia). Campaña de 1996 », Antigüedad y Cristianismo, 14, 1997, p. 619-642, et R. González Fernández et al., »Placas de cinturón y jarro votivo visigodo del Cerro de la Almagra (Mula, Murcia) », Antigüedad y Cristianismo, 11, 1994, p. 295-305.
24 Sur les questions méthodologiques, on pourra consulter les apports publiés, en particulier A. González Blanco, F. Fernández Matallana, « Begastri (Cehegín, Murcia). Campaña de 1998 », Memorias de Arqueología,.13, 1998, p. 255-264, tandis que la prétendue basilique est publiée dans A. González Blanco, J. A. Molina, F. Fernández Matallana, « El estado de la cuestión sobre la probable basílica de Begastri », Alqvipir. Revista de Historia,.7-8, 1998-1999, p. 148-156 ; voir la restitution planimétrique, pl. 4, p. 153.
25 Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmir, op. cit., p. 356-357.
26 C. Doménech Belda, « El tesorillo islámico de Begastri », Espacio y tiempo en la percepción de la Antigüedad Tardía, Antigüedad y Cristianismo,.23, 2006, p. 211-249.
27 Parmi les travaux les plus récents sur l’Antiquité tardive à Ilici, voir S. Gutiérrez Lloret, « Illici en la Antigüedad Tardía. La ciudad evanescente », Iberia, Hispania, Spania. Una mirada desde Ilici, éd. M. S. Hernández Pérez, L. Abad Casal, Alicante, 2004, p. 95-110, et R. L. de San Román,L’Alcudia d’Elx a l’Antiquitat tardana. Analisi historiográfica i arqueologica de l’Illici dels segles v-viii, Murcie, 2006. Sur la réinterprétation de prétendus restes tardo-antiques, comme les murailles ou ce qu’on appelle le « temple de Junon », voir L. Abad Casal, J. Moratalla Javega, M. Tendero Porras, « Contextos de la Antigüedad tardía en las termas Occidentales de la Alcudia (Elche, Alicante) », Anales de Prehistoria y Arqueología de la Universidad de Murcia.16, p. 133-147, et G. Lara Vives, El culto a Juno en Ilici y sus evidencias, Villena, 2005.
28 Gutiérrez Lloret, « Ilici en la Antigüedad Tardía », art. cité, p. 109.
29 La bibliographie existante sur Carthagène est si vaste que nous nous contenterons de signaler quelques-unes des publications les plus récentes. Sur le projet du théâtre, S. Ramallo Asensio, E. Ruiz Valderas, El teatro romano de Cartagena, Murcie, 1998 ; pour un état de la question sur Carthagène byzantine, voir S. Ramallo Asensio, « Carthago Spartaria, un núcleo bizantino en Hispania », Sedes regiae (ann. 400-800), éd. G. Ripoll, J. M. Gurt, Barcelone, 2000, p. 579-611, ainsi que le catalogue d’exposition Bizancio en Carthago Spartaria. Aspectos de la vida cotidiana, coord. E. Ruiz Valderas, Carthagène, 2005. La synthèse la plus récente sur la céramique, avec des références aux travaux antérieurs, se trouve dans A. J. Murcia Muñoz, M. Guillermo Martínez, « Cerámicas tardorromanas y altomedievales procedentes del teatro romano de Cartagena », Cerámicas tardorromanas y altomedievales en la Península Ibérica, éd. L. Caballero, P. Mateos, M. Retuerce, Madrid, 2003 (Anejos del Archivo Español de Arqueologia,.xxVIII), p. 169-223.
30 R. Azuar Ruíz (coord.), El ribat califal. Excavaciones e investigaciones (1984-1992). Fouilles de la Rábita de Guardamar I, Madrid, 2004 (Collection de la Casa de Velásquez,.85), avec toutes les références bibliographiques antérieures.
31 Le projet de recherche sur le site de Castellar de la Morera (Elche) a été lancé par le Musée archéologique d’Alicante (MARq), avec la participation de l’université d’Alicante et l’appui du Musée archéologique et d’histoire d’Elche (MAHE). Il débuta en 2007, sous la direction de José Luis Menéndez Fuello, Pierre Guichard et moi-même avec un relevé topographique et une prospection systématique, et sera complété, à partir de 2008, par des fouilles systématiques et extensives en divers points du site. Une présentation des résultats préliminaires a été faite lors du séminaire « De Hispania a Al-Andalus. Dinámica de cambio cultural a la luz de la Arqueología » (Universidad de Alicante, avril.2008), actuellement en cours de publication : S. Gutiérrez Lloret, J. L. Menéndez Fuello, P. Guichard, « El Castellar de la Morera de Elche : ¿.madina o Hisn. ? », Lucentum, sous presse.
32 S. Gutiérrez Lloret, P. Moret, P. Rouillard, P. Sillières, « Le peuplement du bas Segura de la protohistoire au Moyen Âge (prospection 1989-1990) », Lucentum,.17-18, 2000, p. 25-74.
33 J. L. Simón García, « Actuaciones arqueológicas de Louis.Siret en Alicante », XXIV Congreso Nacional de Arqueología, Carthagène, 1997, p. 251-263, propose d’interpréter cette sépulture de forme trapézoïdale couverte par des dalles comme un enterrement de l’Antiquité tardive, donnée qui pourrait être mise en parallèle avec l’enterrement collectif de rite chrétien fouillé au Cabezo del Molino et associé à des mobiliers islamiques du viiie.siècle ; Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmir, op. cit., p. 358-360.
34 S. Gutiérrez Lloret, »La geografía del Bajo Segura según al-‘Udri (siglo xi) : una propuesta de identificación de la alquería de Tall al-Jattâb », Alquibla. Revista de investigación del Bajo Segura (Alicante), 1995, p. 53-64, et Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmir, op. cit., p. 321 et 355.
35 Les travaux de J. A. López Padilla, que je remercie pour ces données inédites, ont permis de documenter au moins les restes d’une pièce rectangulaire, avec un accès à l’une de ses extrémités renforcé par des dalles en guise de piédroits, et d’une autre structure annexe très arasée, en plus de matériels émiraux en cours d’étude. Une première présentation des résultats a été faite lors du séminaire « De Hispania a Al-Andalus. Dinámica de cambio cultural a la luz de la Arqueología » (Universidad de Alicante, avril 2008), sous presse : J. A. López Padilla, T. ximénez de Embum Sánchez, « Excavaciones arqueológicas en el yacimiento emiral de Cabezo Pardo (San Isidro-Granja de Rocamora, Alicante). Primeros resultados », Lucentum, sous presse.
36 Ma. T. Rico Sánchez, « El asentamiento rural visigodo de la Loma Lencina (Tobarra, Albacete) », Anales de Prehistoria y Arqueología de la Universidad de Murcia,.9-10, 1993-1994, p. 285-292 ; Ma. T. Rico Sánchez, J. López Precioso, B. Gamo Parras, « La Loma Eugenia. Noticia sobre un asentamiento rural visigodo en el campo de Hellín (Albacete) », Antigüedady Cristianismo,.10, 1993, p. 85-98 ; B. Gamo Parras, La antigüedad tardía en la provincia de Albacete, Albacete, 1998 (Instituto de Estudios Albacetenses « Don Juan Manuel », ser. I/107), p. 160-175.
37 Gamo Parras, La antigüedad tardía, op. cit., p. 177-179. La nécropole de Torre Uchea a été publiée en 1997 après la découverte de deux sarcophages monolithiques et les restes de diverses sépultures, avec un anneau étudié par I. Velázquez Soriano, « Anillo con inscripción de Torre de Uchea (Hellín, Albacete) », Antigüedad y Cristianismo,.5, 1988, p. 315-319. Le site auquel correspond cette nécropole pourrait être lié à la trouvaille fortuite d’une boucle de ceinture lyriforme et de fragments de céramiques sur la hauteur voisine de los Motores, ainsi qu’à la découverte d’un dépotoir au lieu-dit Pozo de la Nieve (Gamo Parras, La antigüedad tardía, op. cit., p. 175-177). Je remercie J. López Precioso et Mª. T. Rico Sánchez pour ces informations.
38 Gamo Parras, La antigüedad tardía, op. cit., p. 162-164.
39 A. Isla Frez, « Villa, villula, castellum. Problemas de terminología rural en época visigoda », Arqueología y territorio medieval,.8, 2001, p. 9-20. Des références à Senda de Granada et à d’autres sites similaires se trouvent dans L. A. García Blánquez, J. Vizcaino Sánchez, « El conjunto arqueológico de Algezares. Dinámica de un espacio monumental de época tardoantigua », Regnum Murciae, Murcie, 2008, p. 32-55, voir p. 55.
40 Sur la séquence de la ville du haut Moyen Âge dans son ensemble, on se référera à L. Abad Casal, S. Gutiérrez Lloret, B. Gamo Parras, « La ciudad visigoda del Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) y la sede episcopal de Eio », Los orígenes del cristianismo en Valencia y su entorno (Grandes temas arqueológicos,.II), Valence, 2000, p. 101-112. Id., « El Tolmo de Minateda. Hellín (Albacete) », L. Abad Casal et al., Investigaciones arqueológicas en Castilla-La Mancha 1996-2002, Tolède, 2004, p. 145-162, et S. Gutiérrez Lloret, « Los orígenes de Tudmir y el Tolmo de Minateda (ss. vi-x) », Regnum Murciae, Murcie, 2008, p. 56-71.
41 M. Acién Almansa, « La formación del tejido urbano en al-Andalus », La ciudad medieval : de la casa al tejido urbano. Actas del primer Curso de Historia y Urbanismo Medieval, coord. J. Passini, Cuenca, 2001, p. 11-32, voir p. 17.
42 Ibid., p. 20-22.
43 S. Gutiérrez Lloret, L. Abad Casal, « Fortificaciones urbanas altomedievales del Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete, España) : el baluarte occidental », Mil Anos de Fortificaçôes na Península Ibérica e no Magreb (500-1500) : Actas do Simpósio Internacional sobre Castelos, Lis-bonne, 2001, p. 133-143.
44 L. Abad Casal, S. Gutiérrez Lloret, B. Gamo Parras, »La basílica y el baptisterio del Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) », Archivo Espanol de Arqueología, 73, 2000, p. 193-221. S. Gutiérrez Lloret, L. Abad Casal, B. Gamo Parras, »La iglesia visigoda de El Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) », Sacralidad y Arqueología. Thilo Ulbert zum 65 Geburtstag am Juni 2004 gewidmet, éd. J. Mª. Blázquez, A. González Blanco, Antigüedad y Cristianismo, 21, 2004, p. 137-170.
45 S. Gutiérrez Lloret, P. Cánovas Guillén, »Construyendo el siglo vii : arquitecturas y sistemas constructivos en el Tolmo de Minateda », El siglo vii frente al siglo vii. Arquitectura, Mérida, s.p.
46 Parmi les principales modifications, il convient de distinguer le réaménagement du sanctuaire et du contre-chœur (Gutiérrez Lloret, Abad Casal, Gamo Parras, « La iglesia visigoda de El Tolmo de Minateda », art. cité), en plus des transformations successives de la piscine baptismale (Abad Casal, Gutiérrez Lloret, Gamo Parras, « La basílica y el baptisterio del Tolmo de Minateda », art. cité).
47 1400+30 años BP/cal AD.602-674 (CSIC-1559 ; programme CALIB.4.1.2, méthode.B et 2.sigma, de l’université de Washington). Cette datation est confortée par la découverte d’un trémis d’Ervige –.680-687 ap. J.-C. – frappé à Séville, qui établit la limite post quem du repavement du portique.
48 Selon ce qui ressort des quatre triens frappés au nom de Wittiza qui sont apparus ensemble, dans l’espace ouvert situé entre le palatium et la basilique, dans une phase postérieure à leur construction et à leur usage original, mais antérieure à l’urbanisme islamique proprement dit, qui semble entrer en relation avec d’autres usages du viiie.siècle qui occupent certains espaces de l’édifice palatin encore sur pied et dans l’un desquels est apparu un fals du type d’Afrique du Nord. Sur la monnaie en contexte archéologique, cf. infra p. 232-235.
49 S. Gutiérrez Lloret, « Ciudades y conquista : el fin de las ciuitates visigodas y la génesis de las mudun islámicas en el sureste de al-Andalus », Genese de la ville islamique, op. cit., p. 137-157, voir p. 150-151.
50 Acién Almansa, « La formación del tejido urbano », art. cité, p. 29.
51 A. Bazzana, Maisons d’al-Andalus. Habitat médiéval et structures du peuplement dans l’Espagne orientale, Madrid, 1992, p. 164 et suiv.
52 Ibid., p. 197 et suiv.
53 S. Gutiérrez Lloret, « El espacio doméstico altomedieval del Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete), entre el ámbito urbano y el rural », Castrum,.6. Maisons et espaces domestiques dans le monde méditerranéen au Moyen Âge, Rome-Madrid, 2000 (Collection de l’École française de Rome,.105/6 – Collection de la Casa de Velázquez,.72), p. 151-164.
54 P. de Palol, El castrum del Puig de les Murales de Puig Rom (Roses, Alt Emporda), Gérone, 2004 (Museu d’Arqueologia de Catalunya, Sèrie Monogràfica,.22).
55 P. de Palol, El jaciment d’epoca visigotica de Bovalar, Barcelone, 1989.
56 J. Enrich, J. Enrich, Ll. Pedraza, Vilaclara de Castellfollit del Boix (el Bages), Barcelone, 1995.
57 J. F. Fabián, M. Santonja Gómez, M. A. Fernández Monayo, N. Benet, « Los poblados hispano-visigodos de Cañal, Pelayos (Salamanca). Consideraciones sobre el poblamiento entre los siglos.v y viii en el SE de la provincia de Salamanca », I Congreso de Arqueología Medieval Espanola, Saragosse, 1986, p. 187-202.
58 L. Caballero Zoreda, « Cerámicas de época visigoda y postvisigoda de las provincias de Cáceres, Madrid y Segovia », Boletín de Arqueología Medieval,.3, 1989, p. 75-107.
59 L. Olmo Enciso, « Ciudad y procesos de transformación social entre los siglos.vi y ix : de Recópolis a Racupel », Visigodos y Omeyas, op. cit., p. 385-400. Catalogue de l’exposition Recópolis. Un paseo por la ciudad visigoda, Madrid, 2006, p. 88-89.
60 M. Alba Calzado, « Sobre el ámbito doméstico de época visigoda en Mérida », Mérida. Excavaciones Arqueológicas, 1994-1995, Memoria,.3, Mérida, 1999, p. 387-418. Id., « La vivienda en Emérita durante la antigüedad tardía : propuesta de un modelo para Hispania », VI Reunió d’Arqueologia Cristiana Hispanica. Les ciutats tardoantigues d’Hispania : cristianización i topografía, Barcelone, 2005, p. 121-152.
61 S. Ramallo Asensio, « Arquitectura doméstica en ámbitos urbanos entre los siglos.v y viii », Visigodos y Omeyas, op. cit., p. 367-384.
62 Bazzana, Maisons d’al-Andalus, op. cit., p. 273 et suiv.
63 E. Motos Guirao, El poblado medieval del Castillón (Montefrío, Granada), Grenade, 1991, p. 19.
64 S. Fernández López, « Marmuyas (Montes de Málaga) : análisis de una investigación », Ier Congreso de Arqueología Medieval Espanola, III, Saragosse, 1986, p.163-180.
65 J. L. Boone, « Uma sociedade tribal no Baixo Alentejo Medieval. ? », Arqueologia Medieval,.4,1996, p. 25-36.
66 V. Salvatierra Cuenca, J. C. Castillo Armenteros, Los asentamientos emirales de Penaflor y Miguelico. El poblamiento hispano-musulmán de Andalucía oriental. La Campina de Jaén (19871992), Jaén, 2000, p. 62.
67 R. Izquierdo Benito, Ciudad hispanomusulmana : Vascos (Navalmoralejo, Toledo). Campanas 1983-1988, Madrid, 1994, p. 169.
68 F. Castillo Galdeano, R. Martínez Madrid, « La vivienda hispanomusulmana en Bayyâna », La casa hispanomusulmana. Aportaciones de la Arqueología, Grenade, 1990, p.111-128.
69 Izquierdo Benito, Ciudad hispanomusulmana, op. cit., p. 169.
70 S. Gutiérrez Lloret, « Madinat Iyyuh y la destrucción del espacio urbano en la Alta Edad Media », Castrum,.8. Le château et la ville. Espaces et réseaux (vie-xiiie siecle), éd. P. Cressier, Rome-Madrid, 2008 (Collection de la Casa de Velázquez,.108 – Collection de l’École française de Rome,.105/8), p. 199-222.
71 Cette donnée pourrait indiquer la présence d’une préfosse latérale destinée à faciliter l’introduction du cadavre ; une version plus simple de ce schéma consiste à accumuler la terre extraite de la fosse sur l’un de ses côtés, en créant ainsi un monticule sur lequel s’appuiera ensuite la couverture inclinée. Des préfosses avérées ont été documentées dans la seconde phase de la nécropole 2 de Marroquíes Bajos (J. L. Serrano Peña, J. C. Castillo Armenteros, »Las necrópolis medievales de Marroquíes Bajos (Jaén). Avance de las investigaciones arqueológicas », Arqueología y Territorio medieval, 7, 2000, p. 93-120, voir p. 116, fig. 9), au Cabezo del Aljezar à Ricote (J. Sánchez Pravia, J. Gallego Gallardo, F. Bernal Pascual, »Una necrópolis musulmana en el Cabezo del Aljezar (Ricote, Murcia) », II Congreso de Arqueología Medieval Espanola, III, Madrid, 1987, p. 149-156) et à la Rinconada de Olivares, Jumilla (I. Pozo Martínez, E. Hernández Carrión, »El conjunto de la Rinconada de Olivares, Jumilla », Memorias de Arqueología,9, Murcie, 1999, p. 416-429), toutes deux à Murcie. L’inclinaison des couvertures funéraires du Tolmo semble plutôt correspondre au second argument, qui a été parfaitement documenté dans des contextes chronologiques contemporains, comme à la Rinconada de Olivares et dans la nécropole musulmane précoce du Tossal de Manises, où les couvertures inclinées s’appuient sur des degrés latéraux (M. Olcina Doménech, E. Tendero Porras, A. Guilabert Más et al., La maqbara del Tossal de Manises [Alicante], Alicante, 2007 [Museo Arqueológico de Alicante, serie Excavaciones arqueológicas. Memorias, 4], vol. I, p. 150 et suiv., pour l’analyse typologique des fosses, et vol. II, p. 93-97, pour les datations au radiocarbone).
72 Manzano Moreno, Conquistadores, emires y califas, op. cit., p. 272.
73 La Cueva de la Camareta (Agramón, Hellín-Albacete), éd. A. González Blanco, R. González Fernández, M. Amante Sánchez, Antigüedad y Cristianismo,.x, 1993.
74 Da.ala huwa l-guraf / Yusuf huwa l-rabi. / al-rabi. (« Il entra dans les pièces / Yusuf l’ermite, l’ermite »), I. Bejarano Escanilla, « Las inscripciones árabes de la cueva de la Camareta », La Cueva de la Camareta (Agramón, Hellín-Albacete), op. cit., p. 323-378, nº.2, p. 329-330.
75 Ibid., p. 326.
76 I. Velázquez Soriano, « Las inscripciones latinas de la Cueva de la Camareta », La Cueva de la Camareta (Agramón, Hellín-Albacete), op. cit., p. 267-321, voir p. 321.
77 A. L. Molina Molina, A. Selva Iniesta, « Los caminos murcianos en los siglos.xiii-xiv », Caminos de la Región de Murcia, 1989, p. 167-178, voir p. 174.
78 Mª. A. Martínez Núñez, » .Escritura árabe ornamental y epigrafía andalusí », Arqueología y Territorio Medieval,.4, 1997, p. 127-162.
79 C. Barceló Torres, La escritura árabe en el País Valenciano. Inscripciones monumentales, I, Valence, 1998, voir nº.1, p. 125, nº.3, p. 128.
80 Mª. A. Martínez Núñez, « Estelas funerarias de época califal aparecidas en Orihuela (Alicante) », Al-Qan.ara,.22/1, 2001, p. 45-76.
81 S. Gutiérrez Lloret, « Cerámica y escritura : dos ejemplos de arabización temprana. Graffiti sobre cerámica del Tolmo de Minateda (Hellín, Albacete) », Al-Ândalus. Espaço de mudanza. Balanço de 25 anos de historia e arqueología medievais. Seminario Internacional Homenagem a Juan Zozaya Stabel-Hansen, Mértola, 2006, p. 52-60.
82 S. Gutiérrez Lloret, « Algunas consideraciones sobre la cultura material de las épocas visigoda y emiral en el territorio de Tudmir », Visigodos y Omeyas, op. cit., p. 95-116, voir nº.7 et p. 97-98.
83 C. Doménech Belda, S. Gutiérrez Lloret, « Viejas y nuevas monedas en la ciudad emiral de Madinat Iyyuh (El Tolmo de Minateda, Hellín, Albacete) », Al-Qan.ara,.27/2, 2006, p. 337-374.
84 Ibid., p. 367.
85 S. Gutiérrez Lloret, B. Gamo Parras, V. Amorós Ruiz, « Los contextos cerámicos altomedievales del Tolmo de Minateda y la cerámica altomedieval en el sureste de la Península Ibérica », Cerámicas tardorromanas et altomedievales en la Península Ibérica : ruptura y continuidad, éd. L. Caballero, P. Mateos, M. Retuerce, Madrid, 2003 (Anejos del Archivo Español de Arqueologia, xxVIII), p. 119-168, voir p. 140 et suiv.
86 C. Doménech Belda, « Circulación monetaria de época emiral en el País Valenciano : el problema de las primeras emisiones en cobre », IX Congreso Nacional de Numismática, Elche, 1994, p. 281-302.
87 S. Gutiérrez Lloret, J. Sarabia Bautista, « El problema de la escultura decorativa visigoda en el sudeste a la luz del Tolmo de Minateda (Albacete) : distribución, tipologías funcionales y talleres », Anejos del Archivo Espanol de Arqueologia, xLI, 2006, p. 301-344.
88 M. Acién Almansa, « La herencia del protofeudalismo visigodo frente a la imposición del Estado Islámico », Visigodos y Omeyas, op. cit., p. 429-441, voir p. 441.
89 G. Ripoll López, « Materiales funerarios de la Hispania visigoda : problemas de cronología y tipología », Gallo-Romains, Wisigoths et Francs en Aquitaine, Septimanie et Espagne. Actes des VIIe Journées internationales d’archéologie mérovingienne, Rouen, 1991, p. 111-132. G. Ripoll López, Toréutica de la Bética (Siglos vi y vii D.C.), Barcelone, 1998.
90 Ripoll López, « Materiales funerarios », art. cité, p. 114.
91 Ibid., p. 113.
92 S. Gutiérrez Lloret, « La cerámica emiral de Madinat Iyih (el Tolmo de Minateda, Hellín, Albacete,). Una primera aproximación », Arqueología y territorio medieval,.6, 1999, p. 71-111, p. 78, fig. 7 et 16. B. Gamo Parras « Piezas de cinturón altomedievales del Tolmo de Minateda. Apuntes para su datación a partir del registro estratigráfico », IIo Congreso de Historia de Albacete (Albacete, novembre 2000), Instituto de Estudios Albacetenses »Don Juan Manuel ». Diputación de Albacete, I, Albacete, 2002, p. 301-306.
93 On trouvera une analyse des contextes céramiques du haut Moyen Âge du Tolmo de Minateda dans Gutiérrez Lloret, Gamo Parras, Amorós Ruiz, « Los contextos cerámicos altomedievales del Tolmo de Minateda », art. cité.
94 M. M. Gumà, M. Riera, F. Torres, « Contextos ceràmics dels segles iv-x a l’illa de Mallorca », Arqueomediterrania,.2, 1997, p. 249-268. M. Riera Frau, « Cerámicas emirales y califales halladas en Mallorca », Arqueología y Territorio Medieval,.6, 1999, p. 177-190.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’Arabie marchande
État et commerce sous les sultans rasūlides du Yémen (626-858/1229-1454)
Éric Vallet
2010
Esclaves et maîtres
Les Mamelouks des Beys de Tunis du xviie siècle aux années 1880
M’hamed Oualdi
2011
Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval (viie-xiie siècle)
Dominique Valérian (dir.)
2011
L'invention du cadi
La justice des musulmans, des juifs et des chrétiens aux premiers siècles de l'Islam
Mathieu Tillier
2017
Gouverner en Islam (xe-xve siècle)
Textes et de documents
Anne-Marie Eddé et Sylvie Denoix (dir.)
2015
Une histoire du Proche-Orient au temps présent
Études en hommage à Nadine Picaudou
Philippe Pétriat et Pierre Vermeren (dir.)
2015
Frontières de sable, frontières de papier
Histoire de territoires et de frontières, du jihad de Sokoto à la colonisation française du Niger, xixe-xxe siècles
Camille Lefebvre
2015
Géographes d’al-Andalus
De l’inventaire d’un territoire à la construction d’une mémoire
Emmanuelle Tixier Du Mesnil
2014
Les maîtres du jeu
Pouvoir et violence politique à l'aube du sultanat mamlouk circassien (784-815/1382-1412)
Clément Onimus
2019