Islamisation et évolution du peuplement chrétien en al-Andalus (viiie-xiie siècle)
p. 151-192
Texte intégral
INTRODUCTION
1Par une série d’articles publiés à partir des années 1980, Mikel de Epalza a taillé dans le vif du débat séculaire sur l’islamisation en revenant sur le rythme et la profondeur des conversions à l’islam en al-Andalus. Son but, d’ailleurs partagé par d’autres chercheurs, était surtout d’écarter durablement la thèse continuiste de Francisco Javier Simonet1. Celle-ci reposait sur l’idée de l’incrustation en profondeur d’un christianisme autochtone (dit « mozarabe ») d’origine wisigothique, qui se serait maintenu en territoire musulman jusqu’à la Reconquête des xiie-xiiie siècles, comme le lichen sur la roche. Simonet entendait ainsi démontrer que l’entité territoriale qu’il nommait « Espagne » ne s’était jamais totalement islamisée, car l’islam ne s’y était imposé qu’en superficie. Epalza choisit donc de s’attaquer à la question de l’islamisation à partir du prisme chrétien.
Islamisation et déchristianisation
2Sa première remarque concernait l’amalgame commis par Simonet dans sa définition des « Mozarabes », catégorie dans laquelle il rangeait non seulement les chrétiens d’al-Andalus mais aussi les « Espagnols » convertis à l’islam et tous les chrétiens allogènes qui, au cours du temps, avaient séjourné ou s’étaient installés temporairement en al-Andalus sans bénéficier de la ḏimma : voyageurs, soldats, marchands, prisonniers… Epalza qualifia ces derniers de « néo-Mozarabes » pour les distinguer des ḏimmī-s autochtones2.
3Au cœur de son raisonnement figurait une autre question, celle du rôle des institutions ecclésiastiques comme facteur de cohésion sociale faisant barrage au processus de conversion. Pour lui, la survie du christianisme dépendait de ses institutions : sans évêques, il ne pouvait pas y avoir d’Église, et sans Église, pas de populations chrétiennes3. Or, selon lui, le réseau ecclésiastique en al-Andalus avait rapidement fondu comme neige au soleil. Dépourvues d’encadrement, désorientées socialement, les populations chrétiennes auraient donc été aspirées vers l’islam avec facilité. L’auteur pouvait donc conclure à une conversion massive à l’islam peu de temps après la conquête arabe, réduisant la présence du christianisme à un facteur résiduel condamné à un inexorable déclin, dès la fin du viiie siècle dans le Levant, dès le ixe siècle à Tolède et ailleurs4. Sièges épiscopaux vacants, difficultés pour réunir les trois évêques nécessaires à la consécration d’un nouveau prélat composaient donc l’horizon d’un groupe social menacé d’extinction5. Epalza partageait donc avec Simonet l’idée d’une communauté isolée et fossilisée mais, tandis que pour ce dernier le déclin ne rendait que plus héroïque la résistance de l’homo hispanicus, pour Epalza elle était la condition nécessaire de l’instauration d’une société islamique.
Un panorama de la présence chrétienne en al-Andalus
4Peu de chercheurs sont revenus sur l’évolution des structures ecclésiastiques et du peuplement chrétien en al-Andalus6. Pourtant, l’argumentation d’Epalza ne repose ni sur un dépouillement complet des sources, ni sur la prise en compte des éléments qui pourraient nuancer sa théorie. Il érige ainsi au rang de preuve le silence des textes : l’absence de listes épiscopales devient chez lui un signe de l’effondrement de l’Église, comme si elle ne pouvait s’expliquer par la disparition de la documentation. Il néglige aussi tout ce qui peut nourrir une analyse plus précise : mentions textuelles, épigraphie, manuscrits chrétiens, données archéologiques… Privilégiant le procédé de la preuve par le silence, il élimine tout témoignage contradictoire et semble s’abstraire de l’incertitude qui pèse sur des questions aussi mal documentées que le rythme de conversion, l’évolution numérique du christianisme et le maintien de sièges épiscopaux et de structures ecclésiastiques.
5Or, jusqu’au milieu du xiie siècle, des noyaux de populations tributaires chrétiennes ont subsisté en al-Andalus, en nombre assez conséquent pour jouer un rôle dans l’expédition d’Alphonseier le Batailleur en 1125-1126 et susciter d’importantes mesures d’expulsion de la part des Almoravides7. Pendant plus de quatre siècles, al-Andalus a donc comporté une population chrétienne autochtone. Cependant, son histoire présente des zones d’ombre qui peuvent parfois sembler impénétrables, notamment pendant la période charnière des taifas. De sorte qu’il est difficile de déterminer quelle proportion de la population cette minorité représentait et comment elle se répartissait sur le territoire. L’examen minutieux de la documentation permet de dresser une sorte de géographie évolutive du christianisme en al-Andalus, tableau qui ne pourra qu’être complété par les avancées progressives de l’archéologie du peuplement et des recherches sur les transitions urbaines. Ce panorama reste tributaire de sources extrêmement focalisées sur quelques pôles urbains, à commencer par Cordoue qui occupe une place hégémonique à la fois dans les écrits latins du ixe siècle et dans la littérature arabe jusqu’à la grande fitna du xie siècle. Quant aux campagnes, elles ne sont que traversées au gré des déplacements de l’armée omeyyade.
6Trois types de régions se distinguent néanmoins : celles où l’islamisation semble avoir progressé rapidement du fait de la dislocation des anciennes institutions ecclésiastiques ; celles où, malgré l’absence de données suffisantes sur ces mêmes institutions, la présence chrétienne apparaît de manière diffuse jusqu’au xiie siècle ; enfin des régions qui, mieux éclairées par les textes et l’épigraphie, semblent regrouper les plus solides appuis du christianisme en al-Andalus jusqu’au milieu du xiie siècle. Plus qu’un « désert épiscopal8 », on observe des noyaux disjoints, sauf dans l’ensemble plus cohérent formé par la Bétique. Il faut bien sûr tenir compte de la résistance inégale du réseau épiscopal, de l’hétérogénéité des processus de peuplement et d’encadrement social à l’échelle locale, et du caractère discontinu des sources.
DES RÉGIONS FORTEMENT DESTRUCTURÉES
7L’absence d’indices contraires semble conforter la vision d’une déchristianisation massive, au profit de l’islam, d’une grande partie du territoire andalou, et ce dès le ixe siècle. Il est vrai que la structure de l’ancienne Cartaginense, autrefois contrôlée par Tolède, semble totalement démantelée. La métropole ecclésiastique du Tage ne semble pas garder le moindre contrôle sur ses anciens évêchés suffragants, dont certains pourraient d’ailleurs avoir disparu dès l’époque émirale. C’est ainsi que le centre de la Péninsule, mais aussi la côte du Levant (Šarq al-Andalus) ne paraissent conserver qu’une population chrétienne négligeable à partir du xe siècle.
À Tolède, une discontinuité du christianisme local ?
8En tant que capitale politico-religieuse de l’Hispania wisigothique, Tolède conserva sa primauté au sein de l’Église méridionale jusqu’au début du ixe siècle. Centre d’activité intellectuelle encore important à l’échelle du christianisme hispanique au viiie siècle9, elle fut définitivement détrônée par Cordoue sous le règne de ‘Abd al-RaḥmānII (822-852), dont les sources latines et arabes célèbrent unanimement la munificence. Dès lors, la production littéraire en langue latine se concentra dans la capitale omeyyade. L’évolution du christianisme tolédan est de toute manière entourée d’ombre à l’époque où la ville échappe à l’autorité émirale, c’est-à-dire des années850 à la restauration califale de320/932. Lors des intermittences où le pouvoir omeyyade contrôle Tolède, les relations entre les communautés chrétiennes des deux villes sont attestées : deux ans après la reprise de la ville, en839, le métropolitain Wistrémire vient présider à Cordoue un concile ecclésiastique10 et Euloge s’y rend en851 avant d’être élu en858 « par tous les évêques de la province et des confins11 ». L’expression dénote le maintien d’institutions ecclésiastiques encore assez cohérentes, ce qui dément l’interprétation de cet épisode comme un symptôme de l’incapacité de la hiérarchie ecclésiastique à pourvoir le siège12. Celui-ci finit d’ailleurs par être occupé, comme le prouve la liste épiscopale du Codex Emilianense, qui cite quatre évêques jusqu’en926, date où s’arrête le manuscrit.
9Le clergé tolédan contribua-t-il à la politique d’alliance avec les monarques léonais, menée dès854 ? Les sources arabes n’en disent mot, mais on constate la présence de Tolédans dans le royaume de León à cette époque. En883, AlphonseIII employa les services du prêtre Dulcidius pour négocier une trêve militaire à Cordoue, et en893 il confia la reconstruction de Zamora à d’autres transfuges13. La politique de rapprochement avec le León pourrait donc avoir favorisé le départ d’une partie de la population chrétienne vers le nord, ce qui expliquerait aussi l’absence totale de prélats tolédans dans les missions diplomatiques confiées ultérieurement par le califat aux notables chrétiens de confiance.
10Ce n’est qu’à l’époque de la taifa des Banū Ḏī l-Nūn que ressurgit l’évidence d’une activité intellectuelle proprement chrétienne à Tolède. En 1067, l’archiprêtre Salomon achève la copie et l’enluminure d’un exemplaire du De perpetua virginitate sanctae Mariae d’Ildephonse de Tolède, commandé par l’archevêque Pascal14. Trois ans plus tard, un autre scribe réalise une copie des épîtres d’Élipand15. La question de Mikel de Epalza est donc légitime : s’agit-il vraiment d’une présence qui prolonge le passé, ou bien s’agit-il de la reformation d’une minorité chrétienne grâce à l’apport de « néo-Mozarabes » venus du Nord. ? Les rapports que la taifa entretenait nécessairement avec la Castille peuvent effectivement avoir suscité la reformation d’une communauté ou bien redynamisé le groupe encore existant.
11Par ailleurs, on ne sait ni dénombrer ni localiser d’éventuels lieux de culte chrétiens dans la ville islamique. La copie du manuscrit de 1067 s’est déroulée dans l’» église de la Vierge Sainte-Marie », très certainement l’église-cathédrale que certains identifient à Santa María de Alficén, dont le nom provenait de sa proximité avec l’enceinte entourant l’Alcazaba (al-. Ḥizām) et qui servit de siège temporaire à l’archevêché après la reconquête16. Des échos du culte marial à Tolède figurent d’ailleurs chez deux auteurs arabes des xiie-xiiie siècles17. Le Calendrier de Cordoue cite encore les fameuses reliques de sainte Léocadie en.961, mais il est impossible d’en déduire le maintien du sanctuaire édifié par Sisebut en périphérie de la ville18. Quant aux six paroisses attribuées aux « Mozarabes » après 1085, il n’est pas certain qu’elles correspondent à des églises encore en usage avant la prise de la ville par Alphonse.VI. Les édifices conservés ne conservent d’ailleurs apparemment aucune fondation wisigothique visible et semblent au contraire avoir été construits ou reconstruits au xiie siècle. La maigreur de la documentation actuelle ne permet donc en aucun cas d’affirmer qu’il existait bien sept lieux de culte chrétiens à l’époque islamique19.
12À une trentaine de kilomètres de Tolède, vers Talavera la Reina, le site de Santa María de Melque conforte l’idée d’un renversement opéré à l’époque émirale20. Il semble aujourd’hui bien établi que l’église n’a pas été construite après la conquête arabe, comme le croyaient Manuel Gómez Moreno et Luis Caballero Zoreda pendant un temps, mais au viie siècle. La stratigraphie du site permet en tout cas d’affirmer que le complexe resta en usage au cours du ixe siècle mais que le bâtiment perdit ensuite sa fonction religieuse, peut-être au début du xe siècle, puisqu’on défonça alors le sol de lauses pour creuser des silos et des puits, et qu’une tour aurait même été aménagée au-dessus de la croisée du transept. Le site aurait donc été affecté à des fonctions à la fois défensives et agraires, et ce ne fut qu’avec la reconquête que l’église retrouva sa fonction première.
La destructuration du centre de la Péninsule
13L’effacement de Tolède en tant que métropole ecclésiastique s’explique par le contexte de rivalité avec Cordoue, mais sans doute aussi par le démembrement de son réseau d’évêchés suffragants. Dès la fin du viiie siècle, les terres situées au-delà du Duero (Palencia, Osma) basculèrent dans l’orbite asturienne, tandis que de nombreuses cités sombraient dans l’oubli jusqu’à leur « restauration » par la monarchie leónaise. Les seuls évêchés encore attestés au nord du Tage vers 850 étaient Segontia (Sigüenza) et Complutum, la ville antique à laquelle allait succéder Alcalá de Henares. La cathédrale de Sigüenza conservait naguère un fragment d’une version bilingue latin-arabe des Épîtres de Paul aux Galates, qui appartient aujourd’hui à la bibliothèque du Vatican et que l’on date quelquefois de la fin du ixe siècle21. Il s’agit peut-être d’un indice de la présence de populations chrétiennes arabisées à Sigüenza ou dans ses environs à cette époque. Plus au sud, Complutum abritait au viie siècle un célèbre martyrium dédié aux saints Juste et Pastor, à côté duquel s’était développée une bourgade qui à l’époque islamique était connue sous le nom de qala‘at al-nahr22. Le Calendrier de Cordoue mentionne ces reliques, mais les deux versions, arabe et latine, divergent dans leur localisation : tandis que le texte latin conserve la mémoire de l’ancien site, l’arabe évoque Wādī l- Ḥiğāra (Guadalajara), glissement qui semble refléter le déclassement de la cité antique par le chef-lieu stratégique de la kūra23.
14Entre Tage et Guadalquivir, le réseau ecclésiastique semble avoir périclité encore plus rapidement. La disparition d’Ercavica illustre ce processus de déprise ecclésiastique. Dans un acte attribué à Alphonse III en l’an 900, une narratio retrace comment l’évêque Sébastien, « expulsé par les Barbares » de son diocèse, fut accueilli par Ordoño ier (850-866) qui lui confia la restauration du siège d’Orense24. Les fouilles archéologiques, visiblement très infléchies par la charte, datent l’abandon du site tardo-antique de la seconde moitié du ixe siècle et repèrent des traces de destruction par le feu dans le bâtiment identifié comme le monastère servitanus25. Il se pourrait d’ailleurs que les « Barbares » mentionnés par la charte soient en fait les « Berbères » de la kūra de Šant Barīyya (Santaver), particulièrement remuants dans la région au cours des viiie-ixe siècles26, et pour lesquels un tel centre cultuel et monastique pouvait constituer une cible de choix.
L’islamisation du Šarq al-Andalus
15La désarticulation de l’ancienne Cartaginense fut également accrue par le détachement de l’ensemble du Levant (Šarq al-Andalus), qui semble glisser très tôt hors de tout contrôle ecclésiastique tolédan. Dès les premiers temps de la conquête, le territoire de Tudmīr paraît émancipé de toute tutelle et les recherches de Sonia Gutiérrez, exposées au sein même de ce volume, donnent l’image d’une région profondément islamisée au xe siècle. La conquête arabe pourrait avoir accéléré le déclin d’un bon nombre de centres antiques au profit de nouveaux centres urbains où la population semble musulmane dans son écrasante majorité. Mikel de Epalza et Enrique Llobregat vont plus loin en déclarant qu’« il n’y avait pratiquement plus de Mozarabes autochtones dans le Levant de la Péninsule dès la fin du viiie siècle27 ».
16À Valence, les fouilles menées sur la place de l’Almoina, à proximité de la cathédrale actuelle, éclairent la transition entre cité wisigothique et madīna arabe. Le complexe ecclésial –.comprenant aussi le martyrium de saint Vincent – est abandonné à l’époque califale, et l’Almoina s’islamise avec la construction d’un alcazar, l’aménagement d’une mosquée à l’emplacement de l’ancienne cathédrale et l’apparition d’une nécropole musulmane28. De fait, on ne voit réapparaître quelques indices sur la population chrétienne de Valence qu’en 1094, où plusieurs sources mentionnent la présence d’habitants chrétiens servant d’auxiliaires au Cid, encore au service d’al-Qādir. Ibn ‘Iḏārī, citant l’auteur valencien Ibn ‘Alqama (m 509/1116), évoque des Rūm baladiyyūn qui auraient gardé les portes de la ville, terme qui a fait couler beaucoup d’encre car certains y voient des ḏimmī-s29, d’autres des mercenaires chrétiens au service des musulmans, donc des « néo-Mozarabes30 ». Cependant, la Primera Crónica General décrit ces soldats chrétiens comme « faisant partie des Mozarabes (almoçarabes), qui étaient élevés sur la terre des Maures, […] parlaient comme eux et connaissaient leurs manières et leurs coutumes31 ». Un peu plus tard, alors que les notables musulmans de la ville profitent de l’absence du Cid pour faire appel aux Almoravides, ces mêmes « Mozarabes », persuadés de la défaite prochaine du Cid, tentent de rétablir leurs liens de dépendance (yataṣanna‘) à l’égard des musulmans32. Le texte arabe les désigne formellement comme des « chrétiens liés par le pacte » (naṣārà al-mu‘āhidīn), expression qui ne souffre aucune équivoque33. Le Cid a donc eu recours, pour compléter ses troupes, à des contingents chrétiens tirés de la population chrétienne locale, de Valence ou des environs.
17À Dénia, on voit aussi ressurgir l’évocation d’une présence chrétienne autochtone à l’époque des taifas dans l’accord signé en décembre 1057 entre ‘Alī b. Muğāhid (1045-1076), et l’évêque Guislabert de Barcelone34. Le premier octroie au prélat son autorité sur l’ensemble des institutions ecclésiastiques de la taifa, citant nommément Dénia et les îles Baléares. Cet acte rédigé en arabe aurait ensuite été confirmé lors de la consécration de la cathédrale de Barcelone le 18 novembre 1058, mais il n’existe pas de document original. La première copie de cette transaction provient du notaire barcelonais Petrus de Bagès, le 7 juillet 123035, et la seconde, conservée au Vatican, fait partie des actes réunis par la cathédrale de Barcelone pour revendiquer sa juridiction sur les Baléares, car entre 1230 et 1248 elle dut lutter contre les prétentions de Gérone et de Rome. L’enjeu avait de quoi motiver la fabrication de faux, ce qui fut effectivement le cas puisqu’une fausse bulle d’Alexandre III figurait parmi les pièces à conviction présentées par Barcelone36. Miquel Barceló remarque l’insistance avec laquelle les Baléares sont mises en avant dans cette donation. Quant à Dénia et au Levant, encore musulmans en 1230, la Couronne d’Aragon les convoitait néanmoins et n’allait pas tarder à les envahir : la fausse donation pouvait donc préparer leur annexion en revendiquant les droits de Barcelone sur les diocèses antiques de Dénia, Valence et Játiva, qui relevaient autrefois de la juridiction de Tolède. Orihuela (civitatis Oriole) faisait d’ailleurs déjà partie des revendications de Barcelone en 122837. On observe aussi que les listes de témoins varient dans les deux versions, celle du Vatican et celle de Barcelone38. De plus, cette tractation est pour le moins improbable : elle consisterait pour le prince musulman à se dessaisir d’un pan de sa souveraineté sur son territoire en échange d’une seule contrepartie : que l’on prononce son nom dans les églises de son royaume lors du prêche. Cette requête s’inspire de la.u.ba du vendredi, prononcée au nom du calife ou du souverain, mais elle ne correspond à aucune pratique attestée parmi les chrétiens du dar al-Islam. Il s’agit donc d’un faux conçu avec une grande rigueur, car les listes de témoins sont plausibles et Dénia entretenait effectivement d’étroites relations avec le comté de Barcelone39.
Carthagène : la résurgence d’un évêché à l’époque califale ?
18Malgré l’impression d’une désertification épiscopale générale, une notice relevant la présence d’un évêque à Carthagène au xe siècle a échappé à l’attention générale. Sonia Gutiérrez insiste sur le déclin de la ville, port stratégique à l’époque où les Byzantins dominaient la région, mais victime dans les années.620 d’une brutale reconquête wisigothique. Absente de la liste des cités de Théodemir, Carthagène aurait sombré dans l’oubli aux époques émirale et califale avant de renaître au xiie siècle seulement40. Pourtant, en 988, le colophon de la Bible de Séville nous informe que Jean, l’un des commanditaires du manuscrit, a commencé sa carrière épiscopale à Carthagène après avoir vécu à Séville sous la protection de son oncle41. Il ne s’agit pas d’un évêque in partibus puisqu’il quitte Séville pour Carthagène, ce qui laisse supposer que la ville abritait une communauté chrétienne assez importante pour mériter un tel encadrement42. La réactivation de la vie urbaine est d’ailleurs attestée au xe siècle puisqu’un quartier islamique se forme alors au sud de la zone tardo-antique. La restauration d’un évêché pouvait répondre à la reformation d’une communauté chrétienne ou à sa redynamisation. L’Église apparaît donc capable de réagir aux mutations de la société. D’ailleurs, Carthagène ne dépend plus de Tolède mais de Séville, puisque l’itinéraire de Jean part de cette ville pour y revenir au sommet de sa carrière. La carte ecclésiastique, que l’on considère toujours comme un modèle intangible, a donc été modifiée au profit de l’extension des prérogatives de Séville vers l’Est, réajustement nécessaire dans un contexte de resserrement du christianisme autour de la Bétique.
19L’examen de la situation du christianisme dans le Centre et l’Est de la péninsule Ibérique semble donner raison à Mikel de Epalza : les données disponibles témoignent d’un démantèlement de l’ancienne géographie ecclésiastique au profit de nouveaux pôles de pouvoir et de peuplement proprement musulmans dès le ixe siècle. La réapparition de quelques notices à l’époque des taifas ne peut s’expliquer par le seul facteur « néomozarabe ». L’hypothèse d’un renfort septentrional injecté dans les structures ecclésiastiques andalouses ne repose sur aucune base documentaire. En revanche, l’imbrication extrême qui caractérisait alors les relations entre principautés musulmanes et pouvoirs chrétiens a d’une part donné une importance nouvelle aux groupes de chrétiens allogènes, d’autre part suscité un faisceau de témoignages qui mettent en lumière la présence de discrets noyaux de populations autochtones chrétiennes. Enfin, le cas de Carthagène permet d’évoquer un aspect généralement négligé en raison du faible nombre de sources : la transformation interne des structures du christianisme méridional en adéquation avec l’évolution politique et économique du territoire.
DES RÉGIONS DE PEUPLEMENT DIFFUS
20Les zones frontalières de la Marche Supérieure (vallée de l’Èbre et Aragon musulman) et du Ġarb al-Andalus (Beira entre Tage et Douero) bénéficient elles aussi d’un double éclairage textuel. Ces régions de peuplement chrétien diffus, maintenu par endroits jusqu’au xie ou xiie siècle, introduisent d’autres nuances dans le constat un peu trop univoque dressé par Mikel de Epalza.
La vallée de l’Èbre et l’Aragon musulman
21La situation frontalière de la Rioja pourrait avoir favorisé le maintien de certains noyaux de peuplement chrétiens. Durant les deux premiers siècles de présence musulmane dans la Marche Supérieure, la haute vallée de l’Èbre est dominée par un lignage que l’on peut qualifier de transfrontalier. Les Banū Qasī, dont l’existence s’acheva en 924, arboraient une généalogie gothico-islamique sans doute significative des populations qu’ils dominaient. Issus de la natio Gothorum selon la Chronique d’Alphonse III, ils descendaient d’un comte wisigoth converti à l’islam selon Ibn Ḥazm. Leur ancrage indigène ne les empêchait pas de revendiquer une conversion précoce, et même des liens de clientèle (walā’) avec le calife omeyyade al-Walīd b.‘Abd al-Malik43. Cette généalogie répondait certainement à la stratégie du clan, dont le pouvoir s’ancrait dans l’Islam tout en dépendant d’une politique d’alliance avec les rois de Pampelune. On peut penser que le pouvoir des Banū Qasī s’exerçait sur des populations formées à la fois de convertis et de chrétiens. L’inscription de dédicace de l’église d’Arnedillo, datée de 869, témoigne de la présence du culte chrétien non loin de Logroño, en plein fief familial. Quant au monastère d’Albelda, qui occupait un territoire de jonction entre le domaine des Banū Qasī et le royaume de Pampelune, son institution par un pacte monastique en 921 semble légèrement antérieure à la conquête de la zone par les rois de Pampelune. Il se pourrait donc que la « fondation » navarraise n’ait fait que formaliser l’existence d’une communauté monastique déjà existante, sur un site qui abritait d’ailleurs déjà une importance place forte44.
22À la même époque, entre ixe et première moitié du xe siècle, l’Aragon musulman possédait encore des noyaux de populations chrétiennes45. Huesca et ses alentours sont évoqués au milieu du ixe siècle dans la passion de Nunilo et Alodia46. En 1043, une charte de San Juan de la Peña raconte que des familles chrétiennes des environs de Huesca avaient dû se réfugier au monastère pour échapper à la politique fiscale du pouvoir islamique47. Parmi les arrivants figurait un abbé, ce qui signifie que cette communauté rurale bénéficiait d’un encadrement ecclésiastique. Toutefois, à Huesca, bien que l’on ait beaucoup sollicité deux actes évoquant l’« ancienneté » de l’église Saint-Pierre48, aucun élément ne permet d’affirmer le maintien de lieux de culte chrétiens49. Il faut attendre la conquête aragonaise (1096) pour entendre parler de « Mozarabes » dans la ville, nom peut-être donné à des chrétiens d’origine locale, mais aussi à de nouveaux arrivants ramenés par Alphonse ier le Batailleur en 1125-112650.
23Plus au sud, on ignore si Tortosa a conservé un évêque après la conquête arabe. On ne voit réapparaître une mention qu’au xie siècle avec le fameux Paternus. Il figure parmi les signataires de la pseudo-donation de ‘Ali b Mugahid à Barcelone en 1058, mais on le retrouve aussi comme envoyé d’al-Muqtadir de Saragosse, rendant visite à Ferdinand ier à Saint-Jacques-de-Compostelle en 106451. Le roi l’incite alors à se détourner de son maître et à venir le rejoindre, ce que Paternus n’accepte que pour devenir le premier évêque de Coimbra (c 1080-1088), à l’instigation de Sisnando Davidiz52. On peut donc supposer que Paternus était évêque de Tortosa avant de passer au service d’al-Muqtadir, sans doute lorsque celui-ci s’empara de la taifa slave en 452/1060.
24Saragosse constitue une autre énigme, car après la conquête arabe nous sommes très mal informés sur l’évolution de la composante chrétienne dans cette ville. Au ixe siècle, la communauté locale était encore liée à Cordoue : Euloge y fut accueilli par l’évêque Senior53, protagoniste du récit de translation des reliques de saint Vincent écrit par Aimoin de Saint-Germain-des-Prés54. Après 863, un certain Éleca, évêque de Saragosse, apparaît à quatre reprises dans des chartes asturo-leónaises, réputées fausses55, mais aussi dans l’inscription consacrant San Salvador de Valdediós en 89356. S’agissait-il d’un évêque in partibus, résidant dans le royaume asturo-leónais ? C’est possible, à moins que sa présence ne témoigne des liens entre le clergé asturien et Saragosse. On perd ensuite toute trace de présence chrétienne jusqu’à l’époque des taifas, où l’on voit al-Muqtadir (1049-1082) entouré de quelques chrétiens arabisés, comme le « double vizir » (ḏū l-wizāratayn) Abū ‘Āmir b Ġundišalb57. Les sources ne permettent pas d’affirmer qu’il s’agissait d’un chrétien autochtone. On peut aussi se demander si l’ensemble des sujets chrétiens d’al-Muqtadir n’avaient pas à cette époque pour unique évêque Paternus de Tortosa, car deux chartes latines le citent comme évêque de Saragosse. Elles sont réputées fausses, mais les dates concordent avec la biographie de cette personnalité58.
Le Ġarb al-Andalus
25Dans l’ancienne Lusitanie, les mentions deviennent plus abondantes, même si le cas de Mérida incite à ne pas minimiser les logiques de restructuration. La ville semble avoir conservé une population et des institutions chrétiennes jusqu’aux années.860, date où un certain Ariulfe dirigeait encore cet important centre ecclésiastique. Les institutions chrétiennes locales furent cependant atteintes par l’affrontement entre les Omeyyades et Ibn Marwan al- Ğilliqī. La construction de l’alcazaba en 835 marqua la première reprise en main de la ville, qui aurait ensuite été rasée par les forces émirales en 86859. Vers 870-880 se situe l’anecdote où le général Hašim b ‘Abd al-‘Azīz (m 886), déambulant parmi les vestiges de la muraille romaine, découvre une inscription latine qui l’intrigue mais que personne ne sait plus lire60. Symbolique de l’effacement par l’Islam des derniers vestiges de l’indigénité, ce texte évoque aussi la ruine de la cité antique. Les fouilles menées à Mérida ont repéré des traces de l’intervention émirale dans la muraille antique, ouverte en plusieurs endroits, et ont constaté l’abandon au ixe siècle de quartiers comme Morería61. La découverte d’une inscription latine du viie siècle commémorant une église dédiée à sainte Marie dans l’imposte de la porte d’entrée de l’alcazaba peut se rapporter au démantèlement ou à l’abandon des lieux de culte chrétiens. Le grand complexe formé autour du martyrium de sainte Eulalie de Mérida semble d’ailleurs avoir été abandonné avant le xe siècle62.
26Plusieurs histoires locales affirment que les populations chrétiennes se seraient déplacées vers Badajoz, le nouveau siège politique d’Ibn Marwān63. Il est vrai que la liste ecclésiastique des canons de l’Église en arabe (1049-1050) range Baṭalyuš parmi les évêchés de la province de Mérida64, mais l’inscription dédiée à l’évêque Daniel, mort en l’an 1000, n’a apparemment existé que dans l’imagination d’un érudit local du xviie siècle65. Il est vrai que, dans les parages de Badajoz, Ibn Sahl évoque le procès engagé par un monastère rural sous le règne de ‘Abd Allah (888-912)66. Le monastère de San Miguel de los Fresnos67 et l’église de Santa Lucía del Trampal68 auraient été encore en usage à la même époque, selon les archéologues.
27À Lisbonne, les fouilles entreprises sur le site de la Sé du xiie siècle ont permis d’accéder aux fondations wisigothiques. Selon Manuel Luis Real, l’ancienne cathédrale serait restée sur pied jusqu’au xie siècle, où elle aurait été remplacée par la grande mosquée. Une plaque décorative dont l’iconographie rappelle des pièces omeyyades du xe siècle proviendrait de cette basilique disparue69. En dehors de cet élément très difficile à interpréter, il n’existe néanmoins aucun témoignage sur une quelconque communauté chrétienne à Lisbonne avant l’année 1109, où le Norvégien Sigurd affirme que la moitié des habitants de la ville sont chrétiens70. Lors de la conquête de la cité du Tage en 1147, le chroniqueur Osbern précise que les croisés allemands et flamands massacrèrent l’évêque « au mépris de la religion et du droit ». Il ne peut s’agir d’un qāḍī, comme l’avait proposé Dufourcq71 : Lisbonne possède à cette époque une minorité chrétienne assez importante pour disposer d’un évêque. L’essor du port à cette époque a bien pu favoriser la reconstitution d’un cadre épiscopal, mais que des « néo-Mozarabes » aient alimenté ou non cette communauté, les croisés la considérèrent comme assez autochtone pour l’assimiler au reste de la population musulmane.
28En Alentejo et en Algarve, des données éparses indiquent une certaine importance du peuplement chrétien aux ixe-xe siècles. Le Calendrier de Cordoue signale la fête de Saint-Mancius à Evora72. Béja, l’ancienne Pax Iulia, conservait encore au milieu du ixe siècle des habitants chrétiens, puisque deux clercs natifs de cette ville sont cités par Euloge73. Certains affirment que la basilique de Santo Amaro, bâtie à une date inconnue, a été en usage à l’époque islamique, subissant des remaniements jusqu’au xie siècle. Leur raisonnement repose cependant uniquement sur l’analyse stylistique des chapiteaux de la nef, datés par certains du ixe siècle (Cláudio Torres), par d’autres des xe et xie siècles (Manuel-Luis Real)74. Dans l’Algarve, d’autres sanctuaires sont mentionnés, souvent en liaison avec l’activité maritime, comme l’a montré Christophe Picard. Des populations chrétiennes semblent y avoir subsisté au moins jusqu’au xie siècle75. Le cap Saint-Vincent abritait ainsi la célèbre église des Corbeaux, dont aucune trace archéologique n’existe76. En revanche, à Vila Nova de Cacela, c’est une inscription funéraire qui nous révèle l’existence d’un évêque nommé Julien77, décédé en 987. Il s’agissait peut-être de l’évêque d’Ocsonaba, à moins que les institutions chrétiennes ne se soient déplacées vers Faro (madīnat Šantmariyya), fondée par le muwallad Bakr b Yaḥya à la fin du ixe siècle78. Celui-ci comptait encore parmi ses sujets des ‘Ağam79. Plusieurs auteurs arabes, dont al-‘Uḏrī au xie siècle, situent sur la « terre de sainte Marie » la fabuleuse église dont les colonnes d’argent étaient si épaisses qu’on ne pouvait les entourer de ses bras80. On sait par ailleurs qu’au xiiie siècle Faro accueillait un pèlerinage où se côtoyaient pêcheurs et marchands, chrétiens et musulmans81. Ce lieu semble donc avoir gardé une empreinte chrétienne, bien que la continuité de peuplement soit invérifiable. Le sanctuaire chanté par les Cantigas d’Alphonse le Sage n’était-il pas lié, comme Murcie à la même époque, à l’activation du grand commerce entre pays d’Islam et monde latin. ?
29Plus loin en suivant la côte, d’autres localités conservèrent peut-être des populations chrétiennes jusqu’au xe siècle au moins. Al-Ḥimyarī signale que les habitants de Huelva vénéraient les reliques d’un « apôtre » dans une grande église (kanisa kabira) située en dehors de la ville82. À proximité, l’île de Saltes, que le califat transforma en vaste chantier de travail du fer, aurait également comporté une population chrétienne83. La vie de saint Dunala, consignée uniquement dans le Synaxaire de Constantinople, donne comme lieu de naissance de ce personnage une île située près de Cadix, peut-être Saltes84.
30Signalées ponctuellement, au xie siècle encore, dans la vallée de l’Èbre et l’Aragon, les minorités chrétiennes ont perduré jusqu’au xiie siècle dans le Garb al-Andalus, espace polarisé par quelques lieux de culte chrétiens. Les campagnes semblent avoir comporté, jusqu’à l’époque califale au moins, des communautés chrétiennes encadrées par quelques monastères ruraux. Malgré l’absence d’informations sur un quelconque « réseau » épiscopal, des noyaux de peuplement chrétien se maintiennent au-delà du seuil de raréfaction fixé par Mikel de Epalza (le ixe siècle). Est-ce à dire que l’islamisation a été moins intense dans la partie occidentale d’al-Andalus. ? Rien n’est moins sûr, car la présence chrétienne paraît se resserrer autour de nouveaux pôles de dynamisme, en complète adéquation avec les logiques économiques et sociales de la région.
LA BÉTIQUE, UN BASTION DE LA MINORITÉ CHRÉTIENNE ?
31C’est en franchissant le Guadiana que le peuplement chrétien et le maillage épiscopal semblent se resserrer. La Bétique apparaît en effet comme la région de plus forte densité chrétienne, comme si ce bastion du califat et de l’arabité avait aussi favorisé le maintien de la minorité chrétienne jusqu’au xiie siècle.
Cordoue, nouvelle urbs regia
32Aucune cité n’a joué un rôle aussi éminent dans l’évolution du christianisme andalou aux ixe-xe siècles que Cordoue. Son pouvoir d’attraction se mesure au quasi-monopole qu’elle exerce comme lieu de production écrite des chrétiens en al-Andalus à cette époque et au nombre élevé de sanctuaires qui se pressent à ses alentours jusqu’à l’époque califale85. Dans les années 850, pas moins de quinze lieux de culte sont recensés, dont huit monastères. Le Calendrier de Cordoue en compte vingt-cinq.
33À l’intérieur des murailles, les sources ne signalent qu’un seul lieu de culte chrétien : la basilique de Saint-Cyprien, centre d’études pour les laïcs comme pour les clercs, mais aussi monastère, au moins à l’époque califale86. Ce fut à l’usage de ses clercs que Léovigilde écrivit son traité sur l’« habit des clercs » dans la seconde moitié du ixe siècle87. Les deux moines Odilard et Usuard de Saint-Germain-des-Prés l’eurent d’ailleurs pour interlocuteur lors de leur visite du sanctuaire en 85888.
34Mais l’écrasante majorité de ces sanctuaires se trouvaient en dehors des murailles de la ville antique, dans la sierra de Cordoue et la sierra Morena. À une quarantaine de kilomètres au nord de Cordoue se trouvait le coenobium armilatense dédié à saint Zoïle et édifié sur les bords du Guadalmellato (flumen armilatense)89. Retrouvée à une dizaine de kilomètres d’Adamuz et de Villafranca de Córdoba sur un site qui comportait des vestiges jamais exploités, une stèle dédiée à l’abbé Daniel (m. 930), se rapportait peut-être à cet établissement90. Les chroniques arabes confirment l’existence d’un monastère dans le périmètre d’Armila jusqu’au xie siècle au moins. Il servait de halte aux voyageurs partant de Madinat al-Zahra’ vers le nord : ‘Abd al-Malik s’y éteignit en 1008 et son frère ‘Abd al-Rahman Sanchuelo y fut assassiné un an plus tard91. Certains des couvents de la zone nord disparurent peut-être avant l’époque califale – comme Tábanos92 ou Saint-Martin de Rojana93 – mais la majorité subsistait en 961. « Non loin de Cordoue », Saint-Sauveur de Peñamelaria reçut la visite des moines de Saint-Germain-des-Prés en 858, et un siècle plus tard on y célébrait le baptême de Jésus et la fête de la Sainte-Croix94. Saints-Juste-et-Pastor de Fraga, à une vingtaine de kilomètres de la ville, était exilé dans un désert de « montagnes abruptes » et de « forêts denses95 ». À dix-huit kilomètres à l’ouest de Cordoue, en direction du Guadiato et de la sierra de Hornachuelos, le Calendrier confirme le maintien de Saint-Felix de Froniano96 et cite aussi le monastère blanc de Ielinas et l’église Saint-Paul, où l’on se réunissait pour célébrer les martyrs Cyriaque et Paule97. Ibn Ğulğul rapporte comment le médecin Yaḥya b. Isḥāq réussit à guérir al-Nāṣir d’une otite aiguë en allant consulter les moines d’un monastère qu’il situe dans le haut Guadiato98. Des découvertes archéologiques ponctuelles et malheureusement décontextualisées confirment l’implantation chrétienne dans ces montagnes. Du village d’Espiel, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Cordoue, vers Mérida et Badajoz, provient la cloche de bronze offerte en 955 à l’église locale de Saint-Sébastien par un abbé nommé Samson99. Des inscriptions funéraires ont été découvertes dans le secteur de Villaviciosa et de la sierra de los Santos, au nom évocateur100.
35La couronne monastique des contreforts et des cimes septentrionaux laissait ensuite la place aux sanctuaires des faubourgs. Le hameau de Tertios abritait par exemple le monastère de Saint-Genès-d’Arles, où furent enterrés trois martyrs au ixe siècle101, puis le jeune Pélage en 926102. À Fragellas, sur les contreforts de la sierra mais à faible distance de la ville, Sainte-Eulalie de Barcelone abritait les reliques de sainte Colomba, dont le culte à l’époque califale témoignait du prestige local des martyrs du ixe siècle103. Les édifices du culte chrétien se densifiaient dans la Sahla, riche plaine agricole connue pour la culture de la vigne et où, selon al-Ḥimyari, on observait « des couvents chrétiens solidement construits104 », comme celui de Sainte-Eulalie de Mérida105. Une série d’épitaphes retrouvées vers le « sud de la ville » pourraient provenir de la nécropole de ce monastère féminin. Toutes appartiennent à des moniales défuntes à l’époque califale : Ikilio (m 936), sans doute une abbesse, Juste (m 948) et Rufine (m 977)106.
36Continuant vers Cordoue, le voyageur trouvait sur sa route, dans le faubourg des parcheminiers (raba. al-raqqaqin)107, l’église de Saint-Aciscle, haut lieu de la vie intellectuelle du christianisme cordouan. Aciscle était l’un des protecteurs de la ville et l’église martyriale est l’objet d’une série de récits placés au moment de la conquête arabe de la ville. Assiégé par Mugi. al-Rumi, le gouverneur chrétien s’y serait retranché avec ses hommes. La longue résistance de la garnison lui aurait valu d’être décapitée dans son intégralité, raison pour laquelle on l’appelait aussi en arabe l’» église des captifs108 ». Il s’agissait très certainement d’un véritable complexe ecclésiastique, comportant vers 850 une école renommée pour la qualité de ses enseignants (paedagogis) qui instruisaient l’aristocratie chrétienne en latin aussi bien qu’en arabe109. Le sanctuaire accueillit le concile de 862, peut-être parce qu’il remplissait désormais la fonction de siège épiscopal110. Au sud du Guadalquivir, s’étendait la Campiña, vaste région agraire elle aussi ponctuée de lieux de culte chrétiens cités par le Calendrier de Cordoue : l’église de l’orto mirabili, transcription latine de la Munyat ‘Ağab111, ou encore l’église de Tarsil112.
37Si les faubourgs septentrionaux et occidentaux abritaient la plus dense implantation ecclésiastique, tel n’était pas le cas de la partie orientale, al-Šarqiyya. La basilique des Trois-Saints (Faustus, Januarius et Martial) en constituait le principal repère113. Le Calendrier nous le situe dans le « quartier de la tour » (vico Turris), autrement dit le rabaḍ al-burğ114. Les archéologues le placent généralement sur le site de l’actuelle église San Pedro, édifiée après la reconquête par Ferdinand III. Au xvie siècle, on y « découvrit » une crypte où reposait une inscription dédiée aux trois saints, associés à saints Zoïle et Aciscle, les patrons de Cordoue. Disparue, cette inscription est sujette à caution, tout comme une prétendue épitaphe datée de « 1031 ou 1041 », elle aussi perdue. Il est vrai qu’une nécropole tardo-antique aurait été exhumée à proximité de l’église, ce qui témoignerait d’une pratique d’enterrement ad sanctos, courante à l’époque wisigothique115.
38Un dernier sanctuaire, d’importance majeure, était celui de Saint-Zoïle, abrité par le vicus tiraceorum, ou vicus Atirez, c’est-à-dire le « quartier des tisserands (al-. ṭarrāzīn) » ou « quartier du.ṭirāz116 ». Centre d’enseignement religieux (collegium clericorum) aussi important que Saint-Aciscle, Saint-Zoïle avait accueilli Euloge de Cordoue, qui y suivit ses études et y dispensa des cours. Il y fut d’ailleurs enterré avec quatre autres martyrs. Le Calendrier de Cordoue ne les évoque pas, mais mentionne en revanche la tombe de son mentor Speraindeo, ancien magister de Saint-Zoïle, et de ses disciples Jean et Adulphus. En 862, ce fut à l’abbé Samson que l’on confia la direction de ce grand foyer de la vie intellectuelle chrétienne à Cordoue117. Faute de pouvoir situer précisément le quartier des tisserands, on a d’abord placé le sanctuaire à l’emplacement de l’église de San Andrés, bâtie après la reconquête au nord de San Pedro118, puis à Cercadilla, à l’ouest de la ville119. Le principal support de ces hypothèses repose sur la visite qu’effectua al-. Ḥakam.II au dār al-. ṭirāz en 361/972120. Parti de Madīnāt al-Zahrā’ à cheval, il arriva sans doute par l’ouest et passa par le cimetière d’Umm Salama, proche de la « porte des juifs » (Bāb al-yahūd) qui ouvrait la ville sur le nord, au niveau de l’actuelle Plaza de Colón.
Les données archéologiques sur le christianisme cordouan
39Les progrès majeurs apportés à la connaissance de Cordoue et de sa minorité chrétienne proviennent de l’archéologie. Depuis plus de dix ans, la réactivation des fouilles a donné des résultats appréciables, même si l’identification des sanctuaires chrétiens mentionnés par les sources reste embryonnaire. Le site de Cercadilla, à 700.mètres au nord-ouest des murailles, constitue l’une des découvertes les plus intéressantes pour la connaissance de ces siècles charnières121. On y a découvert en 1991 un vaste complexe palatial et administratif de l’époque de la Tétrarchie, plus précisément daté du règne de Maximien (293-305). Autour d’un majestueux cryptoportique en forme de demi-cercle étaient distribués les édifices affectés au service de l’empereur. Le cryptoportique aboutissait à deux salles de plan basilical, se terminant par une sorte d’abside trilobée (aula trichora).
40À partir du vie siècle, les marques du christianisme s’imposèrent et la basilique septentrionale, que l’on divisa en trois nefs, fut affectée au culte. Il est probable que Cercadilla fut alors le siège, pour un temps, de l’évêché de Cordoue : outre l’inscription d’un évêque jusque-là inconnu, l’anneau épiscopal d’un certain Samson en témoigne. Des tombes furent creusées dans le chœur et une véritable nécropole se développa au pied de l’édifice, sans doute auprès de reliques importantes. Cette nécropole, qui comptait au moins deux cents tombes, perdura à l’époque islamique. Sa chronologie s’étendrait entre les vie et xie siècles, avec une intensification de l’usage entre le viiie et le xe siècle122. Plusieurs inscriptions sont datées : un prêtre nommé Iquiecipus y fut enterré en 877, un certain Salvatus y fut enseveli en 982123 et l’épitaphe de Christophora, famula Dei, date de 983. Une grande continuité dans les rites funéraires peut être observée : creusées à même le sol, les fosses étaient délimitées par des lauses de pierre posées verticalement. À même le sol, quelquefois sur un support de briques, le défunt était disposé sur le dos, les mains croisées sur le thorax ou l’abdomen, la tête orientée vers le chœur de la basilique, à l’est. En usage jusqu’au début du xie siècle, cette nécropole rétrécit cependant considérablement à partir de l’époque califale au profit d’un quartier d’habitations dont les premières constructions dateraient du règne des émirs. L’espace du cimetière s’amenuisant, on fut quelquefois obligé de détruire des tombes pour en créer de nouvelles. Bien que les ixe-xe siècles témoignent d’une continuité du peuplement chrétien dans ce quartier, le site illustre aussi un processus d’islamisation. La zone construite progresse au détriment du cimetière communautaire. La population du quartier augmente rapidement, et les chrétiens y deviennent probablement de plus en plus minoritaires au xe siècle. Des mosquées côtoient maintenant l’aire ecclésiastique antique, préservée au prix de quelques aménagements. Le xie siècle apparaît comme une période de rupture, puisque la nécropole chrétienne cesse d’être utilisée. La crise ne touche cependant pas que la minorité chrétienne, puisque le quartier d’habitations aurait connu le déclin à la même époque.
41Il se pourrait bien enfin que Cercadilla corresponde à Saint-Aciscle : ce serait alors la seule église « mozarabe » documentée par l’archéologie à Cordoue. Les arguments de Rafael Hidalgo et de son équipe sont en effet assez convaincants, bien qu’aucune preuve définitive n’ait été apportée124. Comme nous l’avons signalé plus haut, Saint-Aciscle se trouvait à l’ouest de la ville et l’itinéraire emprunté par les troupes de Mugi. al-Rumi jusqu’à l’église en 711 ne dément pas cette situation géographique. Sans compter que ce vaste complexe pouvait effectivement se prêter au repli défensif du gouverneur wisigoth.
42Cercadilla confirme l’implantation des sanctuaires chrétiens autour des murailles, et la présence de nécropoles associées aux basiliques martyriales. Certaines d’entre elles furent en usage sur une longue période, entre le Bas-Empire et le califat, mais des déplacements se sont produits, actuellement mis en lumière par les progrès de l’archéologie cordouane. Le corpus des épitaphes datées documente essentiellement le xe siècle, tandis que le ixe est très peu représenté et le viiie siècle absent. Les modèles d’écriture et de décoration étant sensiblement les mêmes entre l’époque wisigothique et l’époque émirale, il est de toute façon très difficile d’associer une stèle non datée à une époque précise. Le xie siècle est lui aussi un véritable trou noir, ce qui conforte l’idée d’un affaissement du christianisme cordouan après la chute du califat. L’existence de deux épitaphes datées du xiie siècle montre toutefois qu’il ne s’effaça pas totalement avant l’arrivée des Almohades. Quant aux zones de cimetières, certaines sont connues des archéologues. La partie occidentale comportait plusieurs nécropoles. La zone du Cortijo de Chinales, au sud de Cercadilla et sur la route d’Almodóvar del Río, fut en usage entre l’époque romaine et l’ère islamique : au moins sept stèles en proviennent, échelonnées entre les ixe et xie siècles. D’après le matériel retrouvé au cours de prospections anciennes, il semble qu’une basilique ait été associée à cette nécropole125. Plus au sud, non loin du fleuve, s’étend le site de Los llanos de Vista Alegre et de l’ancien Cementerio de Nuestra Señora de la Salud, où le matériel funéraire, très majoritairement tardo-antique, a aussi révélé l’existence de tombes postwisigothiques126. En accord avec la répartition des lieux de culte, l’autre zone funéraire encore active après la conquête arabe était le secteur septentrional. Avant 711, des nécropoles existaient au sortir de la grande porte par laquelle passait le cardo maximus, entrée qui devint avec l’Islam la bab al-yahud127. Enfin, à plus d’un kilomètre au sud-est de la ville, sur la rive droite du Guadalquivir mais au-delà du lacet formé par le fleuve, le Campo de la Verdad fut sans doute aussi un lieu funéraire pour les chrétiens. Les trois stèles qui ont y été exhumées datent du xiie siècle, ce qui suggère la possibilité de la création d’une nouvelle nécropole chrétienne à cette période128.
43Avec ses vingt-cinq lieux de culte, le christianisme cordouan d’époque califale n’avait rien de moribond et disposait encore à Cordoue de structures d’encadrement solides. La présence des lieux de culte se concentrait toujours dans les hauteurs des monts de Cordoue et de la sierra Morena, et dans la périphérie nord et ouest de la ville. La crise qui accompagna l’éclatement d’al-Andalus au début du xie siècle frappa durement la capitale, et la minorité chrétienne pourrait bien en avoir fait elle aussi les frais. L’intervention des contingents castillans et catalans au cours de la guerre civile aurait pu favoriser un amalgame entre chrétiens du dehors et ḏimmī-s locaux, mais il est vrai qu’il n’existe aucun témoignage textuel sur les conséquences que purent avoir les troubles cordouans et le pillage de la ville par les Berbères en 1013 sur le christianisme autochtone. Toujours est-il que Cordoue cessa dès lors d’être un centre actif du christianisme méridional.
Les évêchés de Bétique
44Dans le reste de la Bétique, le christianisme semble encore bien structuré jusqu’à l’époque califale, et certains évêchés sont attestés au xiie siècle. Dans les strictes limites de l’ancienne province, sur les dix sièges suffragants de Séville à la fin du viie siècle, neuf paraissent encore dotés d’évêques au ixe siècle. À l’époque califale, cinq évêques sont documentés à Séville, Cordoue, Elvira, Écija129 et Asidonia130, tandis que Niebla et Malaga possèdent des titulaires au xiie siècle, ce qui indique soit une continuité, soit la résurgence d’un groupe de population chrétienne assez considérable pour être encadré par un prélat. Au moment de l’arrivée des Almohades, cinq évêques sont encore cités par les sources : Séville, Elvira, Asidonia, Niebla et Malaga131.
45Sur la rive gauche du Guadalquivir, Séville abrita une minorité chrétienne jusqu’au xiie siècle. Cependant, deux lieux de culte seulement échappent au silence des sources. L’église de Rubina, qui abritait probablement les reliques de sainte Rufine, la patronne de la ville, est l’un des symboles des temps de la conquête, car elle aurait servi de résidence à l’émir ‘Abd al-‘Azīz (714-716)132. Le second sanctuaire n’existe que sur le papier puisqu’il est attesté grâce au colophon de la Bible de Séville, offerte en 988 à l’église-cathédrale Sainte-Marie133. Séville semble en tout cas avoir gardé son rôle de métropole ecclésiastique jusqu’à l’époque califale au moins. Le clergé sévillan était étroitement associé à la vie de la communauté chrétienne de Cordoue, comme le prouvent la correspondance d’Alvare avec Jean de Séville et l’intervention constante du métropolitain lors des conciles qui se tenaient dans la capitale omeyyade. Le métropolitain de Séville joua d’ailleurs probablement un rôle privilégié dans la représentation des sujets chrétiens au sein du système politique omeyyade. Sous le califat, il fut en effet chargé à quatre reprises de missions diplomatiques en León. En 937 et en 940, deux actes de la cathédrale d’Astorga citent l’évêque Julien parmi les témoins. La liste laisse apparaître les membres de son escorte, dont les noms arabisés se détachent du reste des signataires134. En 941, on signale le voyage du métropolitain ‘Abbas Ibn al-Mun.ir en León135. Il s’agit très certainement du même personnage, désigné tantôt par son nom latin, tantôt par son nom arabe. Trente ans plus tard, c’est un certain ‘Ubayd Allāh Ibn Qāsim qui officie comme ambassadeur et traducteur136. La disparition du califat efface cependant les traces du christianisme sévillan137 : des ḏimmi-s chrétiens à la cour ‘abbādide, on ne sait pas grand-chose d’autre que les noms de deux poètes chrétiens de langue arabe138. Ce n’est qu’au tout début du xiie siècle, sous la domination almoravide, que le traité de ḥisba d’Ibn ‘Abdun nous renseigne sur les habitants chrétiens de la ville. L’essor politico-commercial de Séville sous les Almoravides attirait alors des populations chrétiennes extérieures qui vinrent se greffer sur la communauté locale139. C’est l’image d’une minorité active que nous renvoie ce traité, et il semble en effet que Séville ait gardé jusqu’au xiie siècle une composante chrétienne, enrichie par de nouveaux éléments attirés par le dynamisme urbain. Le discours moraliste qu’Ibn ‘Abdun rédige à l’usage du muḥtasib n’en reflète pas moins des tensions entre l’élite musulmane et cette minorité. Bien que l’évolution de la situation locale soit mal connue, une fatwa d’Abu l-Walid b Rušd évoque une première mesure d’expulsion des chrétiens de Séville vers Meknès, à la suite de l’expédition d’Alphonse le Batailleur (1125-1126)140. Une décennie plus tard, Affonso Enriques revint d’une campagne dans la région avec, parmi les captifs, un groupe de « Mozarabes » locaux141. Enfin, le dernier métropolitain connu, Clément, prit le chemin de l’exil vers Tolède en 1147, à l’arrivée des Almohades142.
46Elvira forme un autre pôle ecclésiastique important. Ibn Ḥayyān présente la kūra comme l’un des bastions « indigènes » d’al-Andalus, majoritairement peuplé de non-Arabes, muwallad-s et chrétiens. Au noyau « arabe » de Ġarnaṭa, s’oppose cet environnement qu’il présente comme hostile à l’Islam143. Grâce à l’Emilianense, on possède une liste continue des évêques d’Elvira jusqu’en 926. L’ère du califat confirme le prestige des évêques de la cité, chargés de missions diplomatiques importantes. En 329/941, l’évêque ‘Abd al-Malik b Ḥasān fut envoyé en León, puis ce fut au tour du célèbre Recemundo, alias Rabī ‘ b Zayd, d’officier à la cour d’Otton. Ier vers 955, mandaté par le califat de Cordoue144. L’ère des taifas s’avère silencieuse, tandis que les Almoravides provoquent la dissolution de la communauté chrétienne locale. C’est tout du moins ce que l’on peut déduire du récit de la destruction de l’église principale d’Elvira, qui aurait été située près de la grande porte de la ville, en 492/1099. La décision aurait été prise par l’émir Yūsuf b Tašfīn lui-même, après émission d’une fatwa légitimant cet acte de rupture avec le statut de la. ḏimma145 :
Hors de la ville, à deux portées de flèche en direction de la porte d’Elvira, face au chemin de Qūlğar146, ils avaient une célèbre église. Sa construction avait été entreprise par un de leurs chefs, de même religion. Cette personne avait été chargée par un de leurs princes de diriger une armée de cavaliers Rūm-s. Cette église devint unique par sa construction et son décor. L’émir Yūsuf b Tašfīn ordonna sa destruction, appuyé par le désir des fuqahā’ et par la direction de leur fatwa.
Selon Ibn al- Ṣayrafi, les gens de la ville sortirent pour la détruire le lundi, dernier jour de ğumāda. II de l’année 492 (23.mai 1099). Elle fut complètement démolie et chacun repartit avec ce qu’il trouva dans les vestiges et avec les objets du culte. Son emplacement est encore connu de nos jours et son enceinte, encore en place, témoigne de la solidité et de la bonne assise de l’édifice. À un endroit du site se trouve le fameux cimetière de Sahl b. Mālik.
47Il est difficile avec si peu d’indices d’identifier le constructeur et donc l’époque de fondation de ce sanctuaire. Le récit n’en reflète pas moins le durcissement idéologique des Almoravides vis-à-vis de la ḏimma et l’appui qu’ils reçurent de la part des juristes malikites. Il est bien possible que l’évêché ait disparu du même coup, même si la région de Grenade conserva des populations chrétiennes en nombre significatif jusqu’à l’expédition d’Alphonse le Batailleur147 en 1125-1126. Le Musée archéologique de Grenade conserve d’ailleurs l’épitaphe d’une nonne (famula Dei) nommée Marie, enterrée en 1120 sur la colline de l’Alhambra148. Cependant, malgré son importance historique, le site d’Elvira demeure très mal connu149. La plupart des spécialistes placent la cité romaine d’Iliberri sur la colline de l’Albaicín, face à l’Alhambra. Avant même la conquête arabe cependant, un nouveau centre urbain peut-être fortifié fut aménagé dans l’hémicycle naturel des flancs sud de la sierra de Elvira, à l’emplacement d’Atarfe, à moins de huit kilomètres au nord-ouest de Grenade. La madīnat Ilbīra des sources arabes correspondrait donc au site archéologique d’Atarfe-Pinos Puente. Le doublet Ilbīra Ġarnaṭa s’expliquerait par l’installation des contingents arabes sur l’ancien site d’Iliberri et par les nouveaux aménagements qui en découlèrent. C’est en tout cas sur le site d’Atarfe que l’on a retrouvé deux épitaphes chrétiennes d’époque islamique, celle de l’abbé Recosindus (xe siècle)150 et celle de Cyprien151, mort en 1002. La zone archéologique de 246.hectares ouverte aux fouilles en 2003 permettra sans doute d’améliorer nos connaissances sur madīnat Ilbīra. On peut ainsi espérer repérer les lieux de culte chrétiens d’époque islamique et comprendre l’évolution de la ville. Les nécropoles du Cerro de los Cigarrones et du Pago de Marrugán – 1.200.tombes recensées – peuvent aussi constituer un atout précieux dans l’étude de l’islamisation du peuplement.
48Au-delà des limites de l’ancienne province de Bétique, vers l’est, se trouvaient des évêchés théoriquement dépendants de Tolède. Les listes épiscopales recopiées inlassablement par les clercs les faisaient d’ailleurs figurer à la même place, sans changement apparent. Les faits démontrent cependant qu’Acci (Guadix), Beatia (Baeza), Basti (Baza) et Urci gravitaient à partir du ixe siècle dans la sphère d’influence de Cordoue. Leurs évêques se rendirent aux conciles réunis à Cordoue en 839 et 862, ce dernier à l’initiative de l’émir et de ses alliés, et en l’absence du métropolitain de Tolède. L’évolution d’Urci après cette date surgit dans une source singulière, un récit de translation qui éclaire indirectement le déplacement du siège épiscopal vers Péchina. Il s’agit de l’histoire des reliques de saint Indalèce, composée par le moine clunisien Hebrethmus pour l’abbé de San Juan de la Peña en 1084, et qui se déroule sous le règne de Sanche Ramírez d’Aragon (1063-1094)152. L’auteur se montre au fait des luttes internes qui déchiraient alors al-Andalus, divisé en royaumes de taifas. La narration débute à San Juan de la Peña, dont l’abbé désespère de faire l’acquisition d’une relique prestigieuse quand un de ses parents arriva, « venu d’Hispania » où il exerçait comme mercenaire à la tête d’un contingent chrétien combattant pour le roi de Séville. L’homme de guerre promet les reliques du célèbre saint enterré à Urci, Indalèce, l’un des Siete Varones à l’origine de l’évangélisation de la Péninsule. Accompagné de deux moines, il repart alors vers sa lointaine patria153 :
Arrivés dans la région des Ismaélites, ils se rendirent à la ville de Murcie. La paix régnait alors entre les rois païens. Mais c’est alors, peut-être à l’initiative de Dieu, que naquit une grande discorde entre le roi d’Hispalis –.que les Ismaéliens appellent maintenant, par une déformation du mot, Sibilia154 – et le roi d’Almería. Cette discorde portait sur une ville nommée Beatia155, que le roi d’Almería avait soustraite frauduleusement au roi de Séville. Ce dernier, soulevé par une très grande colère, fit réunir les troupes de tout son royaume et envoya des émissaires (legatis) au prince García, déjà évoqué156, pour lui demander de prendre lui-même la tête de son armée tout entière et de se diriger vers la ville d’Almería afin de l’assiéger. Cela fut exécuté : ce prince, accompagné par son armée, se mit en route comme on le lui avait demandé, et les moines sortirent avec lui de la ville de Murcie le jour de la vigile de Saint-Michel, c’est-à-dire le quatrième jour des calendes d’octobre. Au bout de dix jours, ils retrouvèrent le roi de Séville, qui demeurait dans la Civitas bacitana157. Ils restèrent quatre jours avec lui, assiégeant et dévastant partout les châteaux (castella) du roi d’Almería. Puis le roi de Séville et toute son armée levèrent le camp (castra) et, au bout de quatre jours supplémentaires, ils arrivèrent à la ville nommée Urci, autrefois célèbre pour l’importance de sa population, et qui fut convertie à la foi et à la connaissance de Notre Seigneur Jésus-Christ par la prédication du saint homme et évêque Indalèce. Ayant accompli avec honneur sa charge de prélat, lorsque le moment de s’endormir auprès du Christ arriva pour lui, Indalèce fut enterré par le peuple chrétien dans une église qu’il avait lui-même édifiée. Après son départ, la foi et la religion s’accrurent, et le peuple des croyants du Christ augmenta dans toute l’Hispania, jusqu’à ce que les rois des chrétiens obtinssent le gouvernail de l’ensemble du royaume d’Hispania au cours de nombreuses années successives. Ensuite, assaillie par les péchés du peuple, cette terre fut placée –.par un juste jugement de Dieu – entre les mains des Ismaélites, qui d’Arabie et d’Afrique débarquèrent en Hispania. Ravageant de très nombreuses villes, détruisant les églises, décimant misérablement le peuple de Dieu par le glaive et par le meurtre, ils s’emparèrent du pouvoir (imperium) dans l’ensemble du royaume. Après cela, ils réédifièrent –.quand cela leur plaisait – certaines de ces villes, mais à d’autres emplacements. Ce fut le cas pour Urci, détruite de la même façon, mais qu’ils restaurèrent six milles plus loin, dans un site exceptionnel (aptissimo), proche de la mer et choisi en raison de ses qualités défensives (firmitatem loci) et de son aptitude à devenir un port maritime. De plus, ils changèrent son nom et l’appelèrent Almería. La cité antique, réduite à un petit village (parvamvillulam), était habitée par quelques chrétiens, en raison du culte qui était toujours voué au saint évêque Indalèce. Mais son nom, corrompu par les barbares, devint Pasquena.
49Le moine clunisien assimile Urci à Péchina (Bağğāna) alors que cette dernière est réputée avoir été fondée vers 271/884 sur les rives du río Andarax, non loin de la mer. Grâce au commerce et à la course, Péchina devint rapidement une cité maritime florissante, dont le rayonnement se poursuivit jusqu’à ce que ‘Abd al-Raḥman. III déplace la vie urbaine vers le nouveau site d’Almería en 344/955158, déplacement d’ailleurs mentionné par la translatio. Le texte établit une équivalence entre Urci et madīna Bağğāna, ce qui pourrait témoigner d’un transfert de l’évêché. Dans la transcription que le géographe Abū ‘Ubayd al-Bakrī effectue de la « division de Constantin », l’ancien diocèse d’Urci apparaît effectivement sous le nom de Bağğāna159. Al-. Ḥimyārī, rapportant une légende locale, se réfère lui aussi aux chrétiens (a‘āğim) de Péchina160. On connaît d’ailleurs l’un des évêques de Péchina, un certain Ya‘qūb b Mahrān, grâce au Muqtabis d’Ibn. Ḥayyān qui nous apprend qu’en 329/940 al-Nāṣir l’envoya en León pour négocier la libération de Muḥammad b Hāšim al-Tuğībī, capturé par Ramiro. II à la bataille d’Alhándega. L’importance de la mission témoigne du statut de l’évêque et de ses liens étroits avec le califat161. Le fait qu’il ait été escorté par le métropolitain de Séville pourrait signifier qu’il se trouvait alors sous la juridiction de ce dernier. Quant à l’installation de l’évêché à Péchina, elle pouvait répondre au dynamisme de ce port et faciliter les contacts avec les États chrétiens. La translatio de saint Indalèce semble prouver que la création d’Almería n’entraîna pas de nouveau déplacement des institutions, puisque les reliques du saint seraient restées dans l’église qui les abritait. La translation de reliques accomplie par les moines de San Juan de la Peña signale sans doute la disparition de la communauté chrétienne locale, vers la fin du xie siècle : al-‘Uḏrī date d’ailleurs de 459/1067 l’abandon définitif de Péchina par ses habitants162.
Les campagnes de Bétique au temps de la fitna
50En dehors des cités, les sources arabes nous font aussi pénétrer dans le pays intérieur grâce aux descriptions du territoire d’Ibn Ḥafṣūn. Les chroniqueurs insistent alors sur l’incrustation de l’identité indigène dans le sol d’al-Andalus, pour mieux souligner ensuite l’œuvre unificatrice du califat163. L’espace considéré se détache en tant que bastion muwallad, mais aussi chrétien164. Les percées de
51Citadelle avancée de la rébellion, Poley165 domine la Campiña et sert de base aux raids qu’Ibn Ḥafṣūn lance contre la capitale. En 278/891, il parvient jusqu’au faubourg méridional de Cordoue, Šaqunda, qu’il incendie. Poursuivi par la cavalerie de l’émir, il trouve d’abord refuge à Écija chez un « ami chrétien », puis rejoint Poley. Mais ‘Abd Allāh réussit à s’emparer du ḥiṣn, ce qui donne lieu au célèbre épisode où l’émir passe en revue, juge et châtie les prisonniers. Le récit met en lumière la double appartenance confessionnelle de la garnison, composée aussi bien de muwallad-s que de chrétiens166. En s’enfonçant vers le sud, les troupes omeyyades s’avancent en direction du fief des Banū. Ḥafṣūn. Les campagnes traversées comptent encore d’importants noyaux de peuplement chrétien. Ibn Ḥayyān évoque les ‘ağam de la kūra de Priego et Ibn ‘Iḏārī insiste sur le ḥiṣn de Belda, dont il relate l’assaut par al-Nāṣir en 306/919167. Même schéma qu’à Poley : la garnison comprend des musulmans, qui demandent l’amnistie de l’émir et obtiennent la vie sauve, et des « infidèles » qui par leur lutte acharnée témoignent de leur hostilité à l’islam. Les sources opposent en effet aux Arabes, détenteurs de la Révélation, ces indigènes dont seule la conversion à l’islam paraît garantir l’intégration complète à l’Umma.
52Sept monts fortifiés, touchant les « nuages du ciel », se succèdent dans les monts de Malaga, dressant une géographie symbolique de la rébellion. À Jotrón, les habitants sont tous chrétiens : « Il n’y avait pas un seul musulman », insiste Ibn Ḥayyān. À Torrox, le même note avec indignation que la garnison chrétienne s’est révoltée contre le pouvoir légitime, « en violation du pacte de la ḏimma ». L’émir, magnanime, laisse la vie sauve à ses sujets tout en transformant l’église en mosquée. Dans sa version, Aḥmad al-Rāzī ne mentionne néanmoins ni la confession chrétienne des occupants, ni l’existence d’une église168. Dans la kura d’Elvira, se dressent, semblables nids d’aigles : Qasṭala169, le « Mont sacré » (Munt Šaq.r) – tenu par des muwallad-s et des chrétiens après avoir été occupé par des Berbères170 –, Trevélez dans les Alpujarras171, Juvilés dont les occupants sont décapités après l’assaut final172. À Monterrubio (Munt Rūy), ils sont balayés par l’assaut omeyyade en 310/922173.
53La reprise en main califale aplanit le paysage de la fitna. Ses murailles démantelées, ses clochers abattus, ses citadelles désertées, la population chrétienne doit regagner la plaine pour retourner aux champs et retrouver le chemin de l’obéissance, le chemin de la. ḏimma : « Il ne resta aux chrétiens dans cette région aucun ḥiṣn connu, aucune forteresse habitée174. » Cela ne signifie pas que le christianisme se soit éteint dans la région à l’époque califale. À Comares, l’une des citadelles de la fitna, l’épitaphe du prêtre et chantre Samuel (m 958) témoigne de la survie du clergé local175. Quant à Jotrón et Riana, elles restent majoritairement peuplées de chrétiens jusqu’à l’époque où ‘Abd Allāh b Zīrī les mentionne dans ses Mémoires176.
Bobastro, les paradoxes d’une capitale de la fitna
54Bobastro, la capitale de ‘Umar b. Ḥafṣūn, constitue l’épicentre de la fitna entre les années 880 et 928. Son emplacement a provoqué de nombreux débats depuis que Francisco Javier Simonet l’a identifiée à Las Mesas de Villaverde (Ardales)177. Au sommet de la mesa, les vestiges d’une église creusée à même la roche, étudiée en 1925 par l’archéologue Cayetano de Mergelina, devinrent le symbole de la résistance du rebelle revenu au christianisme178. Les chrétiens auraient été nombreux à Bobastro et dans les environs, si l’on en croit Ibn. Ḥayyān. Leurs notables auraient compté parmi les principaux « supports » de l’État. ḥafṣūnide.
55Pire, la « majorité des hommes et des guerriers d’Ibn. Ḥafṣūn » auraient été chrétiens selon l’historien179. Alors qu’aucun évêché attesté n’existait à l’époque wisigothique dans cette localité, Bobastro possédait un évêque au ixe siècle, Ğa‘far b Maqsim, personnalité d’ailleurs créditée d’une image de sagesse et de modération pour son rôle d’intermédiaire entre l’émir et le rebelle180. Bobastro pourrait donc avoir été dotée d’un évêché, afin peut-être de rehausser le prestige du clan ḥafṣūnide. Les textes nous disent aussi que le père d’Ibn. Ḥafṣūn fit construire, ou restaurer, une église dans la munya familiale181. L’implantation monastique est également confirmée aux alentours de la ville. Ğa‘far b Maqsim est temporairement relégué dans l’un de ces lieux de retraite182. Une anecdote inspirée de la tradition des. ḫamrāt –.ces poèmes qui chantent le vin et ses plaisirs – raconte comment Sulayman b. Ḥafṣūn, « parti boire au monastère du village de Qanalliš », tomba dans une fatale embuscade en 314/926-927183. Dernier insigne de cette indigénité chrétienne, le territoire des Banu.af.un est balisé par des hagiotoponymes : « Mont-Saint » (Munt Šant), « Sainte-Marie » (Šant Mariyya), « Saint-Pierre » (Šant Bīṭr), « Saint-Sébastien » (Šant Aštiban), « Sainte-Eulalie » (Šant Ulāliyya).
56L’étude archéologique du site, qui a considérablement progressé depuis les années 1970, complète les sources textuelles184. Selon Virgilio Martínez Enamorado, la madīna de Bobastro, juchée sur la mesa de Villaverde à plus de 500.mètres d’altitude, possédait un plan complexe. On y accédait, à partir du río Guadalhorce, par un chemin escarpé. Au débouché de la route, apparaissaient les premières zones d’habitat, un habitat qui aurait été partiellement troglodytique, avec aussi l’aménagement dans la roche de terrasses superposées. Ibn Ḥayyān ne s’émerveillait-il pas de l’ingéniosité des hommes qui, au cours des temps, avaient aménagé dans ce décor de parois rocheuses et de défilés étroits des « palais somptueux et d’admirables demeures185 » ? L’alcazaba, signe et refuge du pouvoir, aurait été pourvue de deux enceintes successives, la plus large dessinant un quadrilatère d’environ 120 sur 80 mètres.
57Le paradoxe le plus frappant est qu’aucune structure cultuelle islamique n’a été identifiée à ce jour. Pourtant, al-Nāṣir, revenant sur les lieux de sa victoire en 928-929, se serait rendu dans la mosquée locale186. Étrange madīna donc que cet ensemble dont la figure de proue occidentale, à l’opposé exact de l’alcazaba, était une basilique inachevée, entourée de vestiges que l’on interprète comme des bâtiments monastiques187. Ce complexe traduirait la place des chrétiens dans l’État ḥafṣūnide, certains spécialistes estimant même que sa construction daterait du retour d’Ibn Ḥafṣūn vers le christianisme en 286/898188, mais aurait été interrompue par la victoire califale189. La découverte récente d’une seconde basilique, placée à une centaine de mètres de l’alcazaba et dont la configuration semble assez proche de la première, semble renforcer l’image d’un centre de pouvoir postwisigothique encore peu marqué par l’islamisation190.
58C’est au cœur même du domaine omeyyade que les informations concernant la minorité chrétienne aux ixe et xe siècles sont les plus nombreuses. Effet de sources tout d’abord, mais aussi reflet de la dépendance des institutions chrétiennes à l’égard du pouvoir politique. En effet, les évêques et les notables laïcs jouaient un rôle d’intermédiaires entre le pouvoir musulman et les populations chrétiennes, notamment pour le prélèvement de l’impôt. Ils furent aussi les auxiliaires de la diplomatie califale, notamment en direction des royaumes du Nord de la Péninsule. La chute du califat ne fit donc qu’accroître la dislocation des institutions chrétiennes, désormais écartelées entre plusieurs entités politiques qui, en outre, privilégièrent de nouveaux acteurs dans leurs relations avec les États chrétiens du Nord. À la césure du ixe siècle doit donc s’ajouter la rupture provoquée par l’éclatement de l’unité politique d’al-Andalus. La présence chrétienne s’est toutefois maintenue jusqu’au xiie siècle, minoritaire mais sans doute pas aussi résiduelle que l’affirmait Mikel de Epalza, puisque des populations encore importantes, encadrées par des évêques, existaient encore en Bétique au moment de l’expédition d’Alphonse Ier et des mesures d’expulsion qui s’ensuivirent.
CONCLUSION
59Notre panorama du christianisme en al-Andalus laisse apparaître les contraintes que nous imposent les sources, très lacunaires et focalisées sur un territoire réduit. Plusieurs paliers se dessinent néanmoins dans le processus d’islamisation.
60Vers le milieu du ixe siècle, vingt évêchés sont attestés, sur un espace qui en comptait plus du double avant la conquête arabe. Les trois métropoles de Tolède, Séville et Mérida sont encore répertoriées comme telles, à l’inverse de Tarragone. Les sièges épiscopaux disparus semblent avoir périclité dans le sillage de la conquête, tandis qu’une restructuration du christianisme s’est effectuée autour des nouveaux pôles de pouvoir, la Bétique et Cordoue.
61À l’époque califale, les sources ne recensent plus que dix évêchés distincts. La diminution de moitié du nombre d’évêchés répertoriés constitue une preuve manifeste du rôle clé joué par le iiie/ixe siècle dans l’islamisation d’al-Andalus. Les conflits qui ont marqué la fitna de la seconde moitié du ixe siècle ont impliqué des groupes de populations chrétiennes, même si elles ne jouent pas un rôle de premier plan. La victoire du pouvoir omeyyade accentue donc encore la concentration des institutions chrétiennes, désormais présentées par les chroniques arabes comme des auxiliaires du califat, en Bétique. La destructuration de l’ancienne Cartaginense, déjà bien avancée, se confirme par la disparition des évêchés les plus septentrionaux. La confrontation militaire dont Mérida a été le théâtre semble provoquer aussi la dispersion de la communauté chrétienne locale. Les institutions chrétiennes paraissent donc plus dépendantes qu’auparavant de la protection du pouvoir islamique. Leur évolution suit le rythme des impulsions politiques, sociales et économiques de l’Islam andalou, comme le prouvent la résurgence d’un évêque à Carthagène vers 988 ou le déplacement de l’évêché d’Urci vers Péchina.
62La chute du califat et les guerres civiles des débuts du xie siècle, en mettant fin à la prééminence de Cordoue, atteignirent durement ce christianisme sous tutelle, dont le dynamisme semble avoir été concentré à Cordoue, à l’ombre du pouvoir. Incontestablement amoindrie, la minorité chrétienne n’apparaît qu’exceptionnellement dans l’histoire des royaumes de taifas. Saragosse, Tolède, Valence et Grenade possèdent des minorités chrétiennes autochtones, mais ce sont désormais les chrétiens du dehors, mercenaires ou anciens captifs élevés à la cour, qui jouent un rôle de première main. En effet, les principautés musulmanes soumises au système des parias ont alors besoin de ces « hommes de la frontière » pour négocier avec les puissances chrétiennes du Nord. Cette fonction n’est plus remplie par les chrétiens de l’intérieur, ce qui peut refléter une certaine léthargie sociale de la Çimma chrétienne à cette époque, ou bien une forme de suspicion des pouvoirs islamiques à leur égard, qui d’ailleurs se confirme sous les Almoravides où ils sont quelquefois assimilés à une cinquième colonne favorable à l’avancée des armées chrétiennes du Nord. L’arrivée de chrétiens du dehors islamisation et évolution du peuplement chrétien en al-andalus certaines communautés chrétiennes locales, comme à Valence, Lisbonne ou Séville, où se côtoient au début du xiie siècle des chrétiens de provenances diverses, selon Ibn ‘Abdūn. En revanche, la vision d’un christianisme méridional maintenu sous perfusion grâce à l’envoi de prélats et de clercs par les royaumes chrétiens du Nord semble excessive, ne reposant que sur des cas très limités : Valence où le Cid établit une véritable principauté autonome, et Malaga dont la minorité chrétienne s’adressa au pape Pascal II (1099-1118) pour régler un conflit ecclésiastique interne qui menaçait la vie religieuse locale. La progression des conversions et de l’absorption des structures ecclésiastiques chrétiennes se mesure cependant au moment de la dislocation finale du système épiscopal, vers le milieu du xiie siècle, où l’on ne compte plus que cinq sièges encore actifs.
Les mentions d’évêques en al-Andalus à la fin du ixe siècle
L’implantation chrétienne en Bétique à la fin du ixe siècle
Les mentions d’évêques en al-Andalus à la fin du xe siècle
Les mentions d’évêques en al-Andalus avant 1085
Les mentions d’évêques en al-Andalus vers le début du xiie siècle
Notes de bas de page
1 F.J. Simonet, Historia de los Mozárabes en España, Madrid, 1897-1903, rééd. Amsterdam, 1967 (désormais : HME).
2 M.de Epalza, « La islamización de al-Andalus : mozárabes y neo-mozárabes », Revista del Instituto Egipcio de Estudios Islamicos en Madrid,23, 1985-1986, p.171-179.
3 Id., « Falta de obispos y conversión al Islam de los cristianos de al-Andalus », Al-Qanṭara,15, 1994, p.385-400.
4 Id., « Les mozarabes, état de la question », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée,63-64, 1992, p.50.
5 M.de Epalza, E.A. Llobregat, « ¿Hubo mozárabes en tierras valencianas ? Proceso de islamización del Levante de la Península (Sharq al-Andalus) », Revista del Instituto de Estudios Alicantinos,36, 1982, p.7-3 ; M.de Epalza, M.J.Rubiera, « Los cristianos toledanos bajo dominación musulmana », Simposio Toledo hispanoárabe, Tolède, 1986, p.129-133.
6 À l’exception notable de M. Acién Almansa, « Poblamiento indígena en al-Andalus e indicios del primer poblamiento andalusí », Al-Qanṭara, 20, 1999, fasc.1, p.47-63.
7 J.-P.Molénat, « La fin des chrétiens arabisés d’al-Andalus. Mozarabes de Tolède et du Gharb au xiie siècle », ¿ Existe una identidad mozárabe ? Historia, lengua y cultura de los cristianos de al-Andalus (siglos ix-xii), éd. C.Aillet, M.Penelas, Ph.Roisse, Madrid, 2008 (Collection de la Casa de Velázquez,101), p.287-298.
8 Epalza, « Falta de obispos », art. cité, p.393.
9 Élipand de Tolède fit briller les derniers feux de cette culture postwisigothique à la fin du viiie siècle.
10 Corpus Scriptorum Muzarabicorum, éd. J.Gil, Madrid, 1973 (désormais : CSM), I, p.135-141.
11 Comprovincialibus et confinitimis episcopis electus, Alvare, Vita Eulogi, CSM, I, p.336.
12 Epalza, Rubiera, « Los cristianos toledanos », art. cité, p.129-133.
13 Éd. et trad. Y. Bonnaz, Chroniques asturiennes (fin ixe siècle), Paris, 1987, p 30 ; Ibn ayyan, Muqtabis.III, éd. M Antuña, Chronique du règne du calife umaiyade Abd Allah (888-912) à Cordoue, Paris, 1937, p 109.
14 Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, ms. Ashburnam 17.
15 Tolède, Biblioteca Capitular, ms. 14.23.
16 Sur la topographie des églises « mozarabes », voir B Pavón Maldonado, Arte toledano: islámico y mudéjar, Madrid, 2e.édition, 1988, p 58-62.; J A Aparicio Bastardo, « Evolución de la topografía religiosa cristiana altomedieval en la urbe toledana.: las iglesias de los mozárabes », IV Congreso de Arqueología Medieval Española, Sociedades en transición, Alicante, 1994, t II, p 31-37, et Id., « Notas para la aproximación al estudio de las iglesias de mozárabes en la urbe toledana », Anaquel de Estudios Árabes,.4, 1993, p 9-24 ; J Porres Martín-Cleto, « La iglesia mozárabe de Santa María de Alficén », Historia mozárabe, Tolède, 1978, p 29-44.
17 Al-.azragi, Kitab maqami‘ al-.ulban, trad. F de la Granja, « Milagros españoles en una obra polémica musulmana (el Kitab Maqami‘ al-.ulban del Jazragi) », Al-Andalus.33, 1968, p 353-354.; Al-qur.ubi, Kitab al-I‘lam bi-ma fi din al-na.arà min al-fisad wa l-aw’ham, éd. A.igazi al-Saqqa’, Le.Caire, 1978, p 384-386.
18 Le calendrier de Cordoue, éd. R Dozy, revue et traduite en français par Ch Pellat, Leyde, 1961, p 178-179.
19 Aparicio Bastardo, « Evolución de la topografía religiosa cristiana », art. cité, p 37.
20 M Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, arte español de los siglos ix al xi, Madrid, 1919, rééd. fac-similé, Madrid, 1990, p 14-27 ; L Caballero Zoreda, « La “forma en herradura” hasta el siglo.viii, y los arcos de herradura de la Iglesia visigoda de Santa María de Melque », Archivo Español de Arqueología, vol..50-51, n°.135-138, 1977-1978, p 323-364 ; Id., La iglesia y el monasterio visigodo de Santa María de Melque (Toledo). Arqueología y arquitectura, Madrid, Excavaciones arqueológicas en España.109, Madrid, 1980 ; Id., « Un canal de transmisión de lo clásico a la alta Edad Media española. Arquitectura y escultura de influjo omeya en la península ibérica entre mediados del s viii e inicios del s x », Al-Qan.ara,.25-26, 1995, p 107-124 ; Id., M Fernández Mier, « Notas sobre el complejo productivo de Melque (Toledo) », Archivo Español de Arqueología,.72, 1999, p 199-239 ; S Garen, « Santa María de Melque and church construction under Muslim rule », Journal of the Society of Architectural Historians,.51-3, 1992, p 288-306.
21 D de Bruyne, E Tisserant, « Une feuille arabo-latine de l’Épître aux Galates », Revue biblique internationale,.7, 1910, p 321-343.
22 L Torres Balbás, « Complutum, qala‘at ‘Abd al-Salam y Alcalá de Henares », Boletín de la Real Academia de la Historia,.144, 1959, p 155-188 ; B Pavón Maldonado, Alcalá de Henares medieval. Arte islámico y mudéjar, Madrid-Alcalá de Henares, 1982.
23 Calendrier de Cordoue, op. cit., p 124-125.
24 Éd. A C. Floriano, Diplomática española del período astur, Oviedo, 1949, t II, n°.165, p 269-277.
25 L Torres Balbás, « Ciudades yermas de la España musulmana », Boletín de la Real Academia de la Historia,.141, 1957, p 35-44 ; M Osuna Ruiz, Arqueología conquense. Ercavica, I. Aportaciónal estudio de la romanización de la Meseta, Cuenca, 1976 ; Id., « Diez años de excavaciones arqueológicas en Ercávica (Cañaveruelas, Cuenca) », Homenaje al Profesor Martín Almagro Basch, Madrid, 1983, t III, p 263-273 ; Y Álvarez Delgado, « Cerámicas comunes con y sin decoración, siglo.ix. Arcávica (Cuenca) », II Congreso de Arqueología Medieval Española, Madrid, 1987, p 403-412 ; C Monco García, « El eremitorio y la necrópolis hispano visigoda de Ercavica », I Congreso de Arqueología Medieval Española, Saragosse, 1986, t II, p 241-257 ; A J Lorrio, Ercavica. La muralla y la topografía de la ciudad, Madrid, 2001 ; R Barroso Cabrera, J Morín de Pablos, « La ciudad de Arcávica y la fundación del monasterio servitano », Hispania sacra,.48, 1996, p 149-196. Un dirham daté entre 252 et 262 (866-876) pourrait fournir la fourchette d’occupation la plus tardive.
26 Fatḥ. al-Andalus, éd. L Molina, Madrid, 1994 (Fuentes Arábigo-Hispanas,.18), p 102 ; Aḫbār mağmū ‘a fī fatḥ. al-Andalus, éd. et trad. D E Lafuente Y Alcántara, Ajbar Machmua (colección de tradiciones). Crónica anónima del siglo xi, Madrid, Colección de obras arábigas de Historia y Geografía, Real Academia de la Historia,.I, 1867, éd. p 111, trad. p 102 ; Ibn Ḥayyān, Muqtabis.II-1, trad. F Corriente, M A. Makki, Crónica de los emires al-.Ḥakam I y ‘Abdarraḥmān II entre los años 796 y 847, Saragosse, Instituto de Estudios Islámicos y del Oriente Próximo, 2001, p 87, 283, 287 ; Ibn al-Aṯīr, Kitāb al-kāmil fī l-tā’rīḫ., trad. partielle E Fagnan, Annales du Maghreb et de l’Espagne, Alger, 1898, trad. p 206 et 245 ; P Guichard, Structures sociales « orientales » et « occidentales » dans l’Espagne musulmane, Paris-La Haye, 1977, p 274.
27 Epalza, Llobregat, « ¿.Hubo mozárabes. ? », art. cité, p 8.
28 J Pascual Pacheco, R Soriano Sánchez, « La evolución urbana de Valencia desde época visigoda hasta época taifa (siglos.v-xi) », IV Congreso de Arqueología Medieval Española, op. cit., t II, p 67-76 ; J Martí Oltra, J Pascual Pacheco, « Arqueología y proyecto urbano. Nuevas aportaciones para el conocimiento de la ciudad de Valencia en época medieval », Boletín de Arqueología Medieval,.9, 1995, p 81-100.
29 É Lévi-Provençal, « La toma de Valencia por el Cid », Al-Andalus,.13, 1948, p 123 ; L Peñarroja Torrejón, Cristianos bajo el Islam, los mozárabes hasta la reconquista de Valencia, Madrid, 1993, p 115-116.
30 Epalza, « Les Mozarabes », art. cité, p 43.
31 Peñarroja Torrejón, Cristianos bajo el Islam, op. cit., p 110-111.
32 Lévi-Provençal, « La toma de Valencia », art. cité, p 125 et 147 ; V Lagardère, « Communautés mozarabes et pouvoir almoravide en 519.H./1125 en al-Andalus », Studia Islamica,.67, 1988, p 101-102 ; Peñarroja Torrejón, Cristianos bajo el Islam, op. cit., p 115-116.
33 E Lapiedra Gutiérrez, Cómo los musulmanes llamaban a los cristianos hispánicos, Alicante, 1997, p 298-307.
34 On trouvera une bibliographie très complète dans Peñarroja Torrejón, Cristianos bajo el Islam, op. cit., p 74-86 (l’auteur défendant l’authenticité de la charte).
35 S Puig y Puig, Episcopologio de la Sede Barcinonense, Barcelone, 1929, p 388-391, et Peñarroja Torrejón, Cristianos bajo el Islam, op. cit., p 74-86 et 299-305.
36 M. Barceló, « La qüestio dels documents d’un suposat acord entre ‘Ali b. Mujahid de Daniya i el bispe Guislabert de Barcelona », Revista del Instituto de Estudios Alicantinos, 39, 1983, p. 9-10.
37 Peñarroja Torrejón, Cristianos bajo el Islam, op. cit., p 84.
38 Ibid., p 79.
39 T. Bruce, « An intercultural dialogue between the muslim Taifa of Denia and the christian county of Barcelona in the Eleventh Century », Medieval Encounters,.14, 2008, p 153-186.
40 S Gutiérrez Lloret, La cora de Tudmīr de la antigüedad tardía al mundo islámico. Poblamiento y cultura material, Madrid-Alicante, 1996 (Collection Casa de Velázquez,.57), p 256-264.
41 Madrid, Biblioteca Nacional, ms. Vit. 13.1, f 375 ; M C Díaz y Díaz, Manuscritos visigóticos del sur de la península : ensayo de distribución regional, Séville, 1995, p 94-104.
42 E Ruiz Valderas, S Ramallo Asensio, M D Laiz Reverte, M del Carmen Berrocal Caparros, « Transformaciones urbanísticas de Carthago Nova (siglos iii-xiii) », IV Congreso de Arqueología Medieval Española, op. cit., t II, p 59-66.
43 A Cañada Juste, Los Banu Qasi (714-924), Pampelune, 1980, p 6 ; Ibn Ḥazm, Ğamharat ansāb al-‘arab, éd. É Lévi-Provençal, Le.Caire, 1948, p 502-503, trad. F de la Granja, « La Marca Superior en la obra de al-‘Uḏrī », Estudios de Edad Media de la Corona de Aragón,.8, 1967, p 532 ; Chroniques asturiennes, op. cit., p 56-57.
44 A Ubieto Arteta, « Sobre la conquista de la Rioja por los Pamploneses », Príncipe de Viana,.3, 1986, p 755-763.
45 Ph. Sénac, C Laliena, Musulmans et chrétiens dans le haut Moyen Âge : aux origines de la reconquête aragonaise, Paris, 1991, p 35-37 ; Ph. Sénac, La frontière et les hommes (viiie-xiiie siècle).Le peuplement musulman au nord de l’Èbre et les débuts de la reconquête aragonaise, Paris, 2000, p 123-127 ; M J Viguera Molins, Aragón musulmán : la presencia del Islam en el Valle del Ebro, Saragosse, 1988, p 22, 25, 33, 39, 48.
46 Euloge, Memoriale sanctorum, CSM,.II, p 406-408 ; A Christys, Christians in al-Andalus (711-1000), Richmond, 2002, p 68-71.
47 Sénac, Laliena, Musulmans et chrétiens, op. cit., p 36.
48 F Balaguer, « Notas documentales sobre los mozárabes oscenses », Estudios de Edad Media de la Corona de Aragón,.2, 1946, p 397-416.
49 Contrairement à ce que disent F Balaguer, ibid., p 397-416, et L Torrés Balbás, « Mozarabías y juderías en las ciudades hispano-musulmanas », Al-Andalus,.19, 1954, p 179-180.
50 Balaguer, « Notas documentales », art. cité, p 9-10, 17-19.
51 Portugalia Monumenta Historica,.I, Documenta et Chartae, p 392-393 ; R Menéndez Pidal, E García Gómez, « El conde mozárabe Sisnando Davídiz y la política de Alfonso.VI con las taifas », Al-Andalus,.12, 1947, p 30. Pour une analyse critique de ce document, P David, « Regula Sancti Augustini », Revista Portuguesa de Historia,.3, 1947, p 27-39, et G. Pradalié, « Les faux de la cathédrale et la crise à Coïmbre au début du xiie siècle », Mélanges de la Casa de Velázquez,.10, 1974, p 81.
52 Portugaliae Monumenta Historica, I, Diplomata et Chartae, p 419-420 ; Livro Preto. Cartulário da Sé de Coimbra, éd. M Augusto Rodrígues, C Avelino Da Costa, Coimbra, 1999, doc 2, 16, 19, 20, 21, 28, 78, 87, 101, 119, 170, 170A, 317, 331, 331A, 390, 398, 434, 535, 578, 578A, 609.
53 Euloge, Epistula ad Wiliesindum, CSM, II, p 500.
54 Aimoin, Translatio Beati Vincentii in Monasterium Castrense, Patrologie latine,.126, col 11011124.; A Christys, « St-Germain-des-Prés, St Vincent and the martyrs of Cordoba », Early Medieval Europe,.7/2, 1998, p 199-216.
55 España Sagrada, t 30, p 216-217. Il faudrait reprendre point par point la très ancienne critique des deux autres chartes par L Barrau-Dihigo, « Étude sur les actes des rois asturiens », Revue historique,.46, 1919, p 69-72, 87-88, 155-156.
56 Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, op. cit., p 76.
57 Al-Maqqari, Naf. al-.ib, éd. R Dozy, G Dugat, L Krehl, W Wright, Analectes sur l’histoire et la littérature des Arabes d’Espagne, Leyde, 1855-1861, t I, p 534, et t III, p 405 ; M.-Th. Urvoy, « que nous apprend la poésie arabe des chrétiens d’al-Andalus. ? », ¿ Existe una identidad mozárabe ?, op. cit., p 160.
58 A Ubieto Arteta, Jáca : documentos municipales (971-1269), Valence, 1962 (Textos Medievales,.4), p 17-19, 36-41, 52-54.
59 É Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Paris-Leyde, 1950 (désormais : HEM), I, p 296.
60 Al-.imyari, Kitab al-Raw. al-Mi‘.ar, éd et trad. É Lévi-Provençal, La péninsule Ibérique au Moyen Âge, Leyde, 1938, éd. p 177, trad. p 212-213.
61 P Mateos Cruz, « La cristianización de la Lusitania (ss iv-vii) : Extremadura en época visigoda », Extremadura arqueológica,.4, 1995, p 239-263 ; P Mateos Cruz, M Alba Calzado, « De Emerita Augusta a Marida », Anejos del Archivo español de Arqueología,.23, 2000, p 143-168 ; M Alba Calzado, « Mérida, entre la Tardoantigüedad y el Islam : datos documentados en el Área Arqueológica de Morería », La islamización de la Extremadura romana, éd. F Valdés, A Velázquez, Mérida, 2001, p 267-307 ; Id., « Apuntes sobre el urbanismo y la vivienda de la ciudad islámica de Mérida », Mérida. Excavaciones arqueológicas,.7, 2001, p 417-438.
62 P Mateos Cruz, La basílica de Santa Eulalia de Mérida. Arqueología y urbanismo, Madrid, 1999 (Anejos del Archivo español de Arqueología,.19).
63 Ibid., p 89 ; M Terrón Albarrán, El solar de los Aftásidas. Aportación temática al estudio del reino moro de Badajoz (s. xi), Badajoz, 1971, p 40-41.
64 El Escorial, Real Biblioteca del Monasterio, ms. arab. 1623, f 4v.; Simonet, HME, t IV, p 810.
65 R Dosma Delgado, Discursos pátrios de la Real Ciudad de Badajoz, Badajoz, 1601, f 42 ; A Hübner, Inscriptiones Hispaniae Christianiae, Berlin, 1871 (désormais : IHC), n°.213, p 69.
66 Ibn Sahl, Aḥkam al-kubrà, éd. partielle M ‘A. Ḫallāf, Waṯā’iq fī aḥkām qaḍā’ -. ḏimma fī -l-Andalus, Le Caire, 1980, n°.6, p 58-60, et n°.12, p 80-81.
67 L Berrocal Rangel, R Caso Amador, « El conjunto monacal visigodo de San Miguel de Los Fresnos (Fregenal de la Sierra, Badajoz) : estudio preliminar », Cuadernos de Prehistoria y Arqueología,.18, 1991, p 299-317.
68 Mateos Cruz, « La cristianización de la Lusitania », art. cité, p 255-256 ; L Caballero Zoreda, F Sáez Lara, La iglesia mozárabe de Santa Lucía del Trampal, Alcuéscar (Cáceres). Arqueología y arquitectura, Mérida, 1999 (Memorias de Arqueología Extremeña,.2).
69 M L. Real, « Os Moçárabes do Gharb português », Portugal islâmico : Os últimos sinais do Mediterrâneo, Lisbonne, 1998, p 49-51, et pl 16, p 80 ; Id., « Portugal : cultura visigoda e cultura moçárabe », Anejos de Arqueología española,.23, 2000, p 66.
70 Ch. Picard, « Les mozarabes de l’Occident ibérique (viiie-xiie siècles) », Revue des études islamiques,.51, 1983, p 77-88 ; Id., « Les chrétiens mozarabes : encadrement religieux et déclin. L’exemple du Gharb al-Andalus », Mutations d’identités en Méditerranée, dir. H Bresc, Ch Veauvy, Paris, 2000, p 101.
71 Éd. J A. de Oliveira, Conquista de Lisboa aos Mouros (1147), Lisbonne, 2e édition, 1936, p 107 ; Ch.-E Dufourcq, « Les mozarabes du xiie siècle et le prétendu “évêque” de Lisbonne », Revue d’histoire et de civilisation du Maghreb,.5, 1968, p 125-130.
72 Calendrier de Cordoue, op. cit., p 86-87.
73 Euloge, Memoriale sanctorum, CSM, II, p 405.
74 Real, « Os Moçárabes do Gharb português », art. cité, p 43-44 ; Id., « Portugal : cultura visigoda e cultura moçárabe », art. cité, p 68 ; Cl Torres, « A igreja de Santo Amaro », Núcleo visigótico, Museu Regional de Beja, Béja, 1993, p 19-27.
75 Ch. Picard, L’océan Atlantique musulman. De la conquête arabe à l’époque almohade, Paris, 1997, p 499-501.
76 Parmi une bibliographie assez vaste, Picard, « Les Mozarabes de l’Occident ibérique », art. cité, p 77-88 ; Id., « Sanctuaires et pèlerinages chrétiens en terre musulmane : l’Occident de l’Andalus (xe-xiie siècles) », Pèlerinages et croisades, 118e congrès des Sociétés savantes, Pau, 1993, Paris, 1993, p 235-247.
77 Real, « Os Moçárabes do Gharb português », art. cité, p 40, et pl 24, p 88.
78 Ibn Ḥayyān, Muqtabis.III, op. cit., éd. p 15-16 ; trad. p 172-173. Picard, L’océan Atlantique musulman, op. cit., p 94.
79 Ibn Ḥayyān, Muqtabis.III, op. cit., éd. p 15-16 ; trad. p 172-173.
80 Cité au xiiie siècle par Al-qazwinī, Kitāb aṯār al-bilād, trad. F Roldán Castro, El Occidente de al-Andalus en el Aṯār al-bilād de Al-Qazwinī, Séville, 1990, trad. p 129-130.
81 Picard, L’océan Atlantique musulman, op. cit., p 88 et 500-501.
82 Al-. Ḥimyarī, Kitāb al-Rawḍ. al-Mi‘.ṭār, op. cit., éd. p 35, trad. p 44.
83 Ibid., éd. p 110-111, trad. p 135-136.
84 F Fita, « San Dunala, prócer y martir mozárabe del siglo.x », Boletín de la Real Academia de la Historia, 55, 1909, p 433-442.
85 En ce qui concerne les lieux de culte : Simonet, HME, II, p 326-336 ; Torrés Balbás, « Mozarabías y juderías », art. cité, p 176-178 ; E P Colbert, The Martyrs of Córdoba (850-859). A Study of the Sources, Washington, 1962 ; D Millet-Gérard, Chrétiens mozarabes et culture islamique dans l’Espagne des viiie-ixe siècles, Paris, 1984.
86 CSM, II, p 431, 450, 667 ; Calendrier de Cordoue, op. cit., p 116-117, 138-139, 168-169 et 178-179.
87 Léovigilde, Liber de habitu clericorum, CSM, II, p 667-684.
88 Aimoin, De translatione SS. Martyrum Georgii monachi, Aurelii et Nathaliae, ex urbe Corduba Parisios, Patrologie latine,.115, col 942, §.7, évoque la présence des tombeaux de Jean et Adulphus, ce qui entre en contradiction avec le Calendrier de Cordoue qui les situe à Saint-Zoïle.
89 Euloge, Memoriale sanctorum, CSM, II, p 403 ; Calendrier de Cordoue, op. cit., p 166-167.
90 F. Fita, « Alcaracejos, Adamuz y Córdoba. Nuevas inscripciones », Boletín de la Real Academia de Córdoba (désormais : BRAC),.64, 1914, p 559-563.
91 Ibn ‘Iḏārī, Kitāb al-Bayān al-Muġrib, éd. R. Dozy, revue par G S Colin et É Lévi-Provençal, Histoire de l’Afrique du Nord et de l’Espagne musulmane, Leyde, 1948, t II, p 3, 5, 11, 37, 49 ; Lévi-Provençal, HEM,.II, p 282, 304. Sur sa carte du pays de Cordoue, Évariste Lévi-Provençal place ce toponyme à 15.km de Cordoue, au sud, vers Alcolea, ce qui contredit les sources : Id., L’Espagne musulmane au xe siècle, institutions et vie sociale, Paris, 1932, rééd. 1996, p 36, 309.
92 CSM, II, p 402, 422, 444, 448, 450.
93 Ibid., p 430-431.
94 Ibid., p 444, 452 ; Aimoin, De translatione SS. Martyrum, op. cit., col 939-960 ; Calendrier de Cordoue, op. cit., p 28-29, 82-83. Le site de cet établissement, qui se situait à quatre milles au nord de Cordoue (soit environ 6.km), n’a pas été identifié. On ne doit pas le confondre avec Mellaria, cité romaine à l’ouest d’Espiel, mais distante de plus de cinquante milles de Cordoue.
95 CSM, II, p 431 ; Calendrier de Cordoue, op. cit., p 124-125.
96 CSM, II, p 403, 412 ; Calendrier de Cordoue, op. cit., p 122-123.
97 Calendrier de Cordoue, op. cit., p 28-29, 98-99, 170-171.
98 Ibn Ğulğul,. Ṭabaqāt al-aṭibbā’ wa-l-.ḥukamā’, éd. F Sayyid, Les générations des médecins et des sages, Le.Caire, 1955 (Publications de l’Institut français d’archéologie orientale du.Caire, Textes et traductions d’auteurs orientaux,.10), trad. J Vernet, « Los médicos andaluces en el “Libro de las generaciones des los médicos y sabios”, de Ibn Ŷulŷul », Anuario de Estudios medievales, 5, 1968, éd. p 100-102 ; trad. p 445-462.
99 Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, op. cit., p 387 ; R Castejón Calderón, « Los mozárabes del s viii al s x », BRAC,.102, 1981, p 226.
100 Les épitaphes de Cisclus, famulus dei (m 962), et d’Eresvide, prêtre (m 981), proviennent des alentours de Villaviciosa, peut-être du même site, nommé Alfayata, à 2.km de distance : Hübner, IHC, n°.224, p 74 ; Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, op. cit., p 367 ; Castejón Calderón, « Los mozárabes », art. cité, nos.417 et 418. L’épitaphe de Martin, ancien moine devenu évêque d’Écija avant sa mort en 931, provient d’un site que nous n’avons pas identifié, El Monedero, dans la sierra de Cordoue : Simonet, HME,.III, p 605 ; Hübner, IHC, n°.223, p 74 ; A Riesco Terrero, « Tres lápidas funerarias con epigrafes latinos de los siglos.ix-xiconservadas en la alcazaba de Malaga », Mainake,.10, 1988, p 185-211, n° 3. À une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Cordoue, en suivant le fleuve vers Almodóvar del Río et Hornachuelos, le site de Los Marmolejos a livré au moins trois stèles. La première commémore une certaine Eugenia, considérée comme martyre et décédée en 923. Les deux autres sont dédiées à une mère et à sa fille (Speciosa et Tranquilla), cette dernière (morte en 966) étant désignée comme « vierge sacrée » (sacra virgina), donc probablement moniale : Simonet, HME,.III, p 591 ; Hübner, IHC, nos.220 et 222, p 72-73 ; Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, op. cit., p 365 ; Castejón Calderón, « Los mozárabes », art. cité, p 230 ; Riesco Terrero, « Tres lápidas », art. cité, n°.2.
101 CSM, I, p 341, et II, p 430, 493.
102 .P Riesco Chueca, El pasionario hispánico, Séville, 1986-1987, p 321.
103 CSM, II, p 452, 454. Fragellas est orthographié Kerillas ou Careilas dans le Calendrier de Cordoue, qui précise que la basilique se trouvait au lieu-dit Casas Albas, Calendrier de Cor-doue, op. cit., p 170-171, 178-179.
104 Al- Ḥimyarī, Kitāb al-Rawḍ. al-Mi‘.ṭār, op. cit., éd. p 34, trad. p 43-44.
105 Calendrier de Cordoue, op. cit., p 42-43, est la seule source qui mentionne ce lieu, en précisant in eo est congregatio.
106 F. Naval, « Lápidas mozárabes de Córdoba », BRAC, 64, 1914, p. 467-468, et Fita, « Alcaracejos », art. cité, p. 557-558. Une autre étude prétend, apparemment à tort, que les trois pièces proviennent du nord de la ville : Castejón Calderón, « Los mozárabes », art. cité, p. 230-231.
107 Concernant ce quartier : Calendrier de Cordoue, op. cit., p 74-75, 166-167 ; Ibn Ḥayyān, Muqtabis II-1, op. cit., trad. p 165. La liste des faubourgs d’al-Maqqarī nous le situe à l’ouest de la ville : Al-Maqqarī, Nafḥ. al-. ṭībb, op. cit., t I, p 465-466 ; Lévi-Provençal, L’Espagnemusulmane au xe siècle, op. cit., p 207 ; A Arjona Castro, « Aproximación al urbanismo de lo Córdoba musulmana a la luz de las recientes excavaciones arqueológicas », BRAC, 125, 1993, p 88-89.
108 Parmi les sources : Aḫbār Mağmū ‘a, op. cit., éd. p 10-14, trad. p 23-27 ; Ibn ‘Iḏārī, Bayān al-Muġrib, op. cit., t I, éd. p 12, trad. E. Fagnan, Histoire de l’Afrique et de l’Espagne intitulée al-Bayano l-Moghrib, Alger, 1901-1904, p 16. Une autre version raconte qu’ils furent brûlés vifs, enfermés dans l’église, d’où son surnom d’ «église des brûlés ».
109 Millet-Gérard, Chrétiens mozarabes, op. cit., p. 54-57.
110 CSM, II, p 554.
111 Calendrier de Cordoue, op. cit., p 110-111.
112 Ibid., p 102-103, 164-165, 170-171.
113 CSM, II, p 415. Le procès-verbal du concile de 839 fut rédigé par un prêtre de cette église, CSM,.I, p 141.
114 Calendrier de Cordoue, op. cit., p 150-151.
115 P Marfil Ruiz, « Córdoba de Teodosio a Abd al-Rahmán.III », Visigodos y Omeyas. Un debate entre la antigüedad tardía y la Alta Edad Media, Madrid, 2000 (Anejos de Arqueología de España,.23), p 134-135, ne présente aucun argument cohérent. Il pense que l’inscription en l’honneur des cinq saints est d’époque « mozarabe ». De même, il fait de la basilique le siège de l’évêché sans apporter la moindre preuve. Voir aussi J R Carrillo, R Hidalgo, J F Murillo, A Vallejo, A Ventura, « Córdoba : 300-1236 D.C. Un milenio de transformaciones urbanas », Papers of the Medieval Europe Brugge Conferencia, vol..I, Urbanism in Medieval Europe, Zellik-Asse, 1997, p 56 ; J R Carrillo, R Hidalgo, J F Murillo, A Ventura, « Córdoba. De los orígenes a la Antigüedad tardía », Córdoba en la Historia. La construction de la Urbe, éd. F R García Verdugo, F Acosta, Cordoue, 1999, p 39 (articles disponibles sur http://www.arqueocordoba.com).
116 Ce quartier ne figure pas dans la liste des faubourgs d’Al-Maqqarī, Nafḥ. al-. ṭībb, op. cit., t I, p 465-466 ; Lévi-Provençal, L’Espagne musulmane au xe siècle, op. cit., p 208.
117 CSM, I, p 331, 338, 341, et II, p 405-406, 431, 553 ; Calendrier de Cordoue, op. cit., p 72-73, 102-103, 162-163.
118 Lévi-Provençal, L’Espagne musulmane au xe siècle, op. cit., p 208.
119 P Marfil Ruiz, « Córdoba de Teodosio a Abd al-Rahmán III », art. cité, p 121-123.
120 Ibn Ḥayyān, Al-Muqtabis VII, éd. ‘A ‘A Al-. Ḥāğğī, Beyrouth, 1983, p 91-92.; trad. E García Gómez, Anales palatinos del califa de Córdoba al-. Ḥakam II, por ‘Isà Ibn Aḥmad al-Rāzī, Madrid, 1967, p 115-116.
121 Parmi une ample bibliographie.: R Hidalgo Prieto, P Marfil Ruiz, « El yacimiento arqueológico de Cercadilla.: avance de resultados », Anales de Arqueología Cordobesa,.3, 1992, p 277308.; A Arjona Castro, « Aproximación al urbanismo de la Córdoba musulmana », art. cité.; M Fuertes Santos, M González Virseda, « Avance al estudio tipológico de la cerámica medieval del yacimiento de Cercadilla, Córdoba. Materiales emirales », IV Congreso de Arqueología Medieval Española, op. cit., t III, p 771-778 ; R Hidalgo Prieto, F Alarcón, M Fuertes Santos, M González Virseda, M Moreno, « Cercadilla. Un yacimiento clave para la historia de Córdoba », Revista de Arqueología,.163, 1994, p 41-51 ; R Hidalgo Prieto, M Del Camino Fuertes, « Córdoba, entre la Antigüedad clásica y el Islam. Las transformaciones de la ciudad a partir de la información de las excavaciones en Cercadilla », La islamización de la Extremadura romana, éd. F Valdés, A Velázquez, Cuadernos Emeritenses,.17, Mérida, Museo Nacional de Arte romano, 2001, p 225-263 ; dir. D Vaquerizo Gil, Guía arqueológica de Córdoba, Cordoue, 2003, p 102-109 et 169-171.
122 Vaquerizo Gil, Guía arqueológica de Córdoba, op. cit., p 193-194.
123 Le site du Pago de Aguijones correspond en effet à la zone de Cercadilla. Sur cette inscription, Hübner, IHC, n°.464 ; Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, op. cit., p 367 ; Castejón Calderón, « Los mozárabes del s viii al s x », art. cité, p 232.
124 Samuel de los Santos Giner, lors des prospections de 1955, avait repéré plus au sud, au niveau du Cortijo de Chinales, des vestiges qu’il pensait être ceux de Saint-Aciscle : Hidalgo Prieto et alii, « Cercadilla. Un yacimiento clave », art. cité, p 280.
125 I Sánchez Ramos, « La incidencia del cristianismo en el mundo funerario romano cordubense », Espacio y usos funerarios en el Occidente romano : actas del Congreso internacional, éd. D Vaquerizo Cordoue, 2002, vol..2, p 1-25 (en ligne sur http://www.arqueocordoba.com).
126 Castejón Calderón, « Los mozárabes del s. viii al s. x », art. cité, n°.10686 et n°.11546 ; Sánchez Ramos, « La incidencia del cristianismo », art. cité, p 53, 56.
127 La Huerta de San Rafael (barrio de Santa Rosa) a livré au moins trois tombes, Hidalgo Prieto et alii, « Córdoba : 300-1236 D.C », art. cité, p 52.
128 Castejón Calderón, « Los mozárabes del s. viii al s. x », art. cité, nos.23290 et 23291.
129 Une inscription funéraire est dédiée à l’évêque Martin, mort en 931 : Hübner, IHC, n°.223, p 73-74. Par ailleurs, le Calendrier de Cordoue signale qu’on célébrait à Astigi la fête de la Vierge Trepes et qu’on y vénérait saint Crépin, le premier évêque de la ville, dans un monastère extramuros : Calendrier de Cordoue, op. cit., p 80-81, 168-169.
130 Colophon de la Bible de Séville (988) : Madrid, Biblioteca Nacional, ms. Vitr 13.1.
131 ximénez de Rada nous informe que le titulaire du siège de Niebla dut s’enfuir vers Tolède après 1147. Peut-être est-ce le même individu que l’on retrouve dans la documentation mozarabe en 1186, portant le titre d’évêque de la kūra de Niebla (Labla) : R ximénez de Rada, Historia de rebus Hispanie, trad. J Fernández Valverde, Historia de los hechos de España, Madrid, 1989, p 163 ; M González Palencia, Los mozárabes de Toledo en los siglos xii y xiii, Madrid, 1926-1930, t I, p 181, et t III, p 237.
132 Ibn al-qu.iyya, Ta’ri. iftita., éd. et trad. J Ribera, Historia de la conquista de España de Abnelcotia el Cordobés, Madrid, 1926 (Colección de obras arábigas de historia y geografía de la Real Academia de la Historia, II), éd. p 11, trad. p 8 ; Lévi-Provençal, HEM,.I, p 33 ; G Martinez-Gros, L’idéologie omeyyade. La construction de la légitimité du califat de Cordoue, xe-ixe siècles, Madrid, 1992, p 77.
133 Madrid, Biblioteca Nacional, ms. Vitr. 13.1.
134 Colección documental de la Catedral de Astorga, éd. G Cavero Domínguez, E Martín López, León, 1999-2000 (Fuentes y Estudios de Historia Leonesa,.77), vol..1, actes nos.48 et 55.
135 Ibn Ḥayyān, Muqtabis V, éd. P Chalmeta, F Corriente, M Subh, Madrid, 1979.; trad. M J Viguera, F Corriente, Crónica del Califa ‘Abderrahman III an-Nasir entre los años 912 y 942, Saragosse, 1981 (Instituto Hispano-Árabe de Cultura, Textos Medievales,.64), éd. p 466-468.; trad. p 350-351.
136 Ibid., éd. p 63-64.; trad. p 80.
137 Voir la synthèse de A. García Sanjúan, « Declive y extinción de la minoría cristiana en la Sevilla andalusí (ss xi-xii) », Historia, Instituciones, Documentos,.31, 2004, p 269-286.
138 Urvoy, « que nous apprend », art. cité, p 160.
139 Ibn ‘Abdūn fulmine contre les passeurs qui permettaient aux musulmans de passer sur l’autre rive, où ils achetaient leur boisson préférée aux chrétiens : Ibn ‘Abdūn, Risāla fī l-qaḍa’ wa l-.ḥisba, éd. et trad. É.Lévi-Provençal, G S Colin, Documents arabes inédits sur la vie sociale et économique en Occident musulman au Moyen Âge, Le.Caire, 1955, éd. p 57, trad. p 128.
140 D Serrano, « Dos fetuas sobre la expulsión de mozárabes al Magreb en 1126 », Anaquel de Estudios Arabes,.2, 1991, p 174-175.
141 Vita sancti Theotonii, Portugaliae Monumenta Historica, p 84-85.; éd. A A Nascimento, Hagiografia de Santa Cruz de Coimbra. Vida de D. Telo, Vida de D. Teotónio, Vida de Martinho de Soure, Lisbonne, 1998, p 176.
142 Ximénez de Rada, Historia, op. cit., éd. p 118, trad. p 163.
143 Ibn Ḥayyān, Muqtabis III, op. cit., éd. p 54-56, 64-66.
144 Al-Maqqarī, Nafḥ. al- ṭīb, op. cit., t I, p 365 ; Jean de Saint-Arnoul, Vita Iohannis abbatis Gorziensis, éd. et trad. M Parisse, La vie de Jean, abbé de Gorze, Paris, 1999, p 156-157.
145 R Dozy, Recherches sur l’histoire et la littérature de l’Espagne pendant le Moyen Âge, Leyde, 1849-1850, 3e.éd., Amsterdam, 1965, t I, p 351-352 ; Simonet, HME,.IV, p 734 ; trad. Serrano, « Dos fetuas », art. cité, p 164-165.
146 Güejar Sierra.
147 Lagardère, « Communautés mozarabes », art. cité, p 99-119 ; Serrano, « Dos fetuas », art. cité.
148 M Pastor Muñoz, A Mendoza Eguaras, Inscripciones latinas de la Provincia de Granada, Grenade, 1987, n°.150, p 290-291.
149 Parmi une bibliographie abondante mais fragmentaire : M Gómez Moreno, Medina Elvira, Grenade, 1888, rééd en fac-similé, Grenade, 1986 ; A Rodríguez Aguilera, « Excavación arqueológica de urgencia “Cerro de los Cigarrones”. Yacimiento arqueológico de Madīna Ilbīra, Atarfe, Granada » Anuario Arqueológico de Andalucia, 2000, p 591-597.
150 L Vázquez de Parga, « Fragmento de epitafio mozárabe del Abad Recosindo », Memorias de los Museos Arqueologicos, 1958-1961, p 42-43 ; Pastor Muñoz, Mendoza Eguaras, Inscripcioneslatinas, op. cit., n°.163, p 318-319.
151 Pastor Muñoz, Mendoza Eguaras, Inscripciones latinas, op. cit., n°.149, p 287-289.
152 Translatio sancti Indaletii episcopi, Acta Sanctorum, 30.avril, p 734-735.
153 Bağğāna.
154 Hispalis est le nom antique de Séville, Išbiliyya le nom arabe.
155 Il s’agit de Baeza, qui a souvent changé de maître au cours du xie siècle. Propriété du souverain de Dénia Iqbāl al-Dawla ‘Alī b Muğāhid, elle fut ensuite occupée par les Zirides entre 1066 et 1075, avant de tomber entre les mains des Sévillans.
156 Il s’agit du miles du début.
157 Peut-être Baza, dont le nom antique est Basti.
158 Lévi-Provençal, HEM, I, p 348-356.
159 Al-Bakrī, Kitāb al-masālik wa-l-mamālik, trad. E Vidal Beltrán, Geografía de España de Abū ‘Ubayd al-Bakrī, Saragosse, 1982, p 17.
160 Al-. Ḥimyarī, Kitāb al-Rawḍ. fī l-mi‘ṭār, op. cit., éd. p 39, trad. p 49-50. Évariste Lévi-Provençal affirme qu’une représentation de la Vierge ornait l’une des portes de Péchina, mais les textes ne se réfèrent qu’à une « statue », sans plus de précision : Lévi-Provençal, HEM,.I, p 352.
161 Ibn Ḥayyān, Muqtabis V, op. cit., éd. p 466-468, trad. p 350-51.
162 Al-‘Uḏri, Tarsī ‘ al-aḫbār, éd A Al-Aḫwanī, Fragmentos geográfico-históricos de la jamī‘a l-mamālik wa l-masālik, Madrid, 1965, p 87.
163 M Acién Almansa, Entre el feudalismo y el Islam. ‘Umar b. Ḥafṣūn en los historiadores, en las fuentes y en la historia, Jaén, 1994 ; Martinez-Gros, Identité andalouse, op. cit., p 136.
164 Nous sommes au sud du Guadalquivir, dans les cinq provinces (kuwar) d’Écija (Istiğğa), Priego (Bāġa), Rayya, Elvira (Ilbīra), et Jaén (Ğayyān). La kūra d’Écija, prolongement de la Campiña cordouane, sert de zone tampon entre la capitale et les terres insoumises. En descendant le río Genil, commence réellement le territoire des rebelles. Ce territoire réduit dispose néanmoins d’un réseau épiscopal plus dense qu’ailleurs. La conquête provoque la disparition rapide de Castulo (Cazlona) et Mentesa (La Guardia), mais un maillage cohérent se maintient jusqu’à la fin du ixe siècle (Asidonia, Astigi, Egabro, Malaca, Iliberri, Acci, Basti, Beatia). L’évêque Astigi est attesté à l’époque califale, et à l’époque almoravide Asidonia, Elvira et Malaga possèdent encore des prélats. l’émir dans les terres de la fitna laissent affleurer les strates de la société locale, mettant au jour l’élément indigène.
165 Identifié à Aguilar, Lévi-Provençal, HEM, I, n 1 p 372.
166 Ibn Ḥayyān, Muqtabis III, op. cit., éd. p 96 ; Lévi-Provençal, HEM,.I, p 375.
167 Ibn ‘Iḏārī, Kitāb al-Bayān al-Muġrib, op. cit., éd. t II, p 182, trad. p 288. Belda est généralement assimilé à Antequera : Lévi-Provençal, HEM,.II, p 17-18. Voir aussi Martinez- Gros, L’idéologie omeyyade, op. cit., p 124-125.
168 Ces sept forteresses, « chrétiennes depuis les temps anciens », sont les suivantes : Olías (Alğaš), aux abords immédiats de Bobastro, Santopitar (Šant B.r) et Torrox (Ṭurruš) vers la côte, Comares (Qumāriš), Jotrón (ḫuṭrūn), Riana et Šaḏ liyya dans l’intérieur des terres : Ibn Ḥayyān, Muqtabis.V, op. cit., éd. p 85-86, 154-155, 171-172, 209-214, 217-218, 222 ; trad. p 75-76, 124, 134-135, 161-165, 167, 170-173. Le toponyme transcrit sous la forme Rāniyya n’est qu’une déformation de Rayyāna (Riana près de Jotrón).
169 À peu de distance de madīnat Ilbīra : Ibn Ḥayyān, Muqtabis.III, op. cit., éd. p 55.
170 Ibid., éd. p 55, 62-64.
171 Trévelez conserve une inscription du milieu ixe siècle : M Pastor Muñoz, A Mendoza Eguaras, Inscripciones latinas, op. cit., p 312-313. L’épigraphie funéraire confirme l’implantation chrétienne dans la région. Aux alentours de Puente Genil et de Lucena, deux épitaphes célèbrent des personnages morts au ixe siècle pour le premier, en 925 pour le second : une stèle versifiée de 829 signale la tombe d’un moine près d’Antequera : Hübner, IHC, nos.128, 215 et 455 ; Simonet, HME,.IV, p 834 ; Gómez Moreno, Iglesias mozárabes, op. cit., p 365 ; Riesco Terrero, « Tres lápidas funerarias », art. cité, n°.1 ; Castejón Calderón, « Los mozárabes del s viii al s x », art. cité, p 230.
172 Ibn Ḥayyān, Muqtabis V, op. cit., éd. p 60-61 ; trad., §.37-38, p 62.
173 Ibid., éd. p 179-180.; trad. p 140-141.
174 Ibid., éd. p 217-218.; trad. p 167.
175 Hübner, IHC, n°.214, p 70.
176 ‘Abd Allāh b. Zīrī, Kitāb al-tibyān, trad. É Lévi-Provençal et E García Gómez, El siglo xi en primera persona, las « memorias » de ‘Abd Allah, último rey Ziri de Granada, destronado por los Almorávides (1090), Madrid, 4e.éd. 1982, trad. p 188.
177 Simonet, HME,.III, n 1 p 515.
178 C de Mergelina, « De arquitectura mozárabe. La iglesia rupestre de Bobastro », Archivo español de Arte y Arqueología,.2, 1925, p 159-176.
179 Ibn Ḥayyān, Muqtabis V, op. cit., éd. p 113, trad. p 95.
180 Il est attesté vers 303-305/915-918, puis de nouveau vers 311/923-924, après sa disgrâce temporaire. Sur ce personnage, citons Ibn ayyan, Muqtabis V, op. cit., éd. p 112-116, 138-140, 183-185, 209-214 ; trad. p 95-97, 113-114, 142-143, 161-165. L’évêché disparut probablement avec la reddition de Bobastro en 315/928, suivie de mesures de destruction partielle et d’expulsion d’une partie de la population : ibid., éd. p 209-218 ; trad. p 161-167.
181 Ibn Ḥayyān, Muqtabis.III, op. cit., éd. p 108. Sur la construction de nouveaux lieux de culte par les. Ḥafṣūnides : Acién Almansa, Entre el feudalismo y el Islam, op. cit., p 88, et F Arce Sainz, « Arquitectura y rebelión : construcción de iglesias durante la revuelta de ‘Umar b. Ḥafṣūn », Al-Qanṭara,.22/1, 2001, p 121-145.
182 Ibn Ḥayyān, Muqtabis V, op. cit., éd. p 140 ; trad. p 114.
183 Ibid., éd. p 206, trad. p 160.
184 V. Martínez Enamorado, « Bobastro (Ardales, Málaga) : la ciudad de Ḥafṣūn », Archéologie islamique, 7, 1997, p. 27-44 ; Id., « Sobre las ‘cuidadas iglesias’ de Ibn Ḥafṣūn. Estudio de la basílica hallada en la ciudad de Bobastro (Ardales, Málaga) », Madrider Mitteilungen 45,2004, p. 507-531. Sur l’église de Bobastro, R. Puertas Tricas, « La iglesia rupestre de las Mesas de Villaverde (Ardales, Málaga) », Mainake, 1, 1979, p. 179-216. Sur la nécropole dite « mozarabe » : J. Ramos Fernández, « La necrópolis medieval de Las Mesas de Villaverde. El Chorro (Málaga) », Mainake, 2-3, 1980-1981, p. 168-185.
185 Ibn Ḥayyān, Muqtabis V, op. cit., éd. p. 152-153, trad. p. 122.
186 Ibid., éd. p. 215-217, trad. p. 165-166.
187 Les vestiges matériels allégués pour soutenir cette théorie (Martínez Enamorado, « Sobre las “cuidadas iglesias” de Ibn Ḥafṣūn », art. cité) semblent pourtant délicats à interpréter, tant par leur faible lisibilité que par l’absence de moyens de datation.
188 Ibn Ḥayyān, Muqtabis III, op. cit., éd. p. 128.
189 C. de Mergelina, « De arquitectura mozárabe », art. cité.
190 Martínez Enamorado, « Sobre las ‘cuidadas iglesias’ de Ibn Ḥafṣūn », art. cité.
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