L’islamisation du maghreb central (viie-xie siècle)
p. 103-130
Texte intégral
1Les auteurs des travaux classiques sur le Maghreb médiéval confondent expéditions militaires et conversion à l’islam. Ils semblent avoir pensé que la conquête du Maghreb avait pour objectif de diffuser l’islam grâce à des mesures destinées à favoriser les conversions. En se fondant sur des textes narratifs, ces travaux décrivent une série de razzias qui permirent de contrôler et d’islamiser un monde berbère qui avait déjà connu des cultures et des religions étrangères depuis la domination punique1. Ernest Mercier symbolise cette thèse développée depuis la fin du xixe siècle :
Ainsi, dans l’espace d’un demi-siècle, l’asservissement du peuple berbère aux Arabes se trouva consommé. Mais, si l’Afrique septentrionale avait ainsi changé de maîtres et de religion, aucun élément nouveau de population n’y avait été introduit ; ce qui restait des races latine et grecque avait, au contraire, disparu. Le Maghreb demeurait purement berbère, et, sous l’impulsion d’idées nouvelles, les jours de grandeur de ce peuple allaient commencer. C’est donc à tort, et par une grande erreur, qu’on a appliqué à la conquête de l’Afrique par les Arabes, au viie siècle, le nom de la première invasion arabe2 […].
2Cette thèse a été reprise par certains auteurs du xxe siècle comme, à titre d’exemple, Georges Marçais qui a affirmé que l’islamisation avait été rapide et que la majorité de la population s’était convertie pendant les cinquante premières années de la domination arabe, même si quelques groupes chrétiens et juifs avaient survécu pendant encore trois siècles. Sous le règne du calife omeyyade ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz, l’islamisation fut méthodiquement poursuivie3. Au Maghreb, elle est située, selon Émile-Félix Gautier, entre deux invasions arabes dont l’histoire est obscure, même si elle se fit à un rythme bien plus rapide que l’arabisation. Mais cette islamisation n’a pas fait disparaître le passé latin et punique des Berbères4.
3Roger Le Tourneau a montré que nos connaissances de la conquête et de l’islamisation sont réduites à une idée très vague de la politique des premiers gouverneurs musulmans. Sont quasiment inconnus la part respective des Byzantins et des Berbères dans la résistance aux troupes arabes, le rôle du clergé chrétien au moment de la diffusion de l’islam et la manière dont cette nouvelle religion put pénétrer dans les populations maghrébines. Le Tourneau s’est interrogé sur la fiabilité des textes arabes qui laissent entendre qu’une islamisation de la majeure partie du Maghreb eut lieu au début du viiie siècle, au temps de Mūsā b. Nuṣayr5. Un peu plus tard, Mario Dall’Arche a repris les affirmations d’Ibn ‘Iḏārī al-Marrākuši pour parler d’une islamisation totale des autochtones au début du viie siècle, complétée par la conversion des hérétiques Ġumāra et Barġawāṭa6.
4Des travaux récents contestent les résultats des auteurs classiques et invitent à reprendre un thème complexe. Comment et quand les communautés autochtones se convertirent à la religion musulmane ? Tout d’abord, une attention a été portée aux causes des conquêtes, notamment par Fred Donner7, et aux processus de conversion8. Dans son importante étude intitulée Conversion to Islam in the Medieval Period. An Essay in Quantitative History9, Richard W. Bulliet met l’accent sur la diversité du processus d’islamisation d’une région à l’autre, après avoir étudié séparément les diverses provinces du monde de l’Islam : Iran, Irak, Syrie, Égypte, Tunisie et Espagne. Si Bulliet a fondé son analyse sur deux dictionnaires biographiques de Nishapour et d’Ispahan pour étudier le cas de l’Iran10, les pages qu’il consacre à l’ancienne Afrique byzantine sont moins importantes. Il a conclu que l’émergence des noms arabes populaires en Tunisie eut lieu entre 913 et 1010, ce qui renvoie, selon lui, à une conversion massive pendant la période fatimīde11.
5Depuis la reprise des réflexions sur les processus de conversion, beaucoup de médiévistes travaillant sur le Maghreb se sont penchés sur la question12. Dans son chapitre rédigé pour l’Histoire de la Tunisie, Hicham Djaït évoque une intégration et une assimilation des communautés chrétiennes de l’Ifrīqiya à l’Islam, et une islamisation qui opéra sur les tribus autochtones, « bien que leur comportement oscillatoire et apostasique laisse deviner tout ce que cette conversion avait de politique et de superficiel. ». Cette islamisation, écrit-il, fut souvent dictée par la terreur à l’époque du gouverneur Mūsā b. Nuṣayr et eut des motivations matérielles, fiscales, psychologiques et politiques. L’armée, l’administration et les réseaux urbains furent les instruments de cette islamisation qui se situait entre 100/718 et 120/73713. Ces propos de Djaït ont été repris par Mohamed Sadok Bel Ochi14, qui affirme que l’islamisation commença au temps de ‘Uqba et se poursuivit durant la fin du premier siècle de l’hégire en employant notamment la force des armes, le recours au pardon, à la tolérance et à la persévérance. Une vision dogmatique domine cette réflexion pour montrer une société soudée grâce au message divin porté par les conquérants arabes.
6La synthèse de Clelia Sarnelli Cerqua sur l’islamisation et l’arabisation de l’Afrique du Nord prend les conclusions d’Émile-Félix Gautier comme point de départ. Mais elle note que le processus d’islamisation ne comporta pas toujours l’adoption forcée de l’islam, à l’exception des polythéistes. Selon elle, la simplicité de l’islam facilita les conversions, dont les principaux motifs étaient la possibilité de se joindre à la classe arabe dirigeante et d’être exempté d’impôt de capitation15.
7Dans son étude portant sur la conversion des communautés au ḫariğisme ibaḍīto-.ṣufrīte, Mohamed Talbi16 parle d’un compromis entre les Arabes et le chef autochtone Kusayla pour diffuser l’islam au Maghreb avant qu’une action violente de ‘Uqba n’intervienne pour arrêter le processus. Il évoque une islamisation rapide et superficielle au temps de Mūsā b. Nuṣayr. De son côté, l’Égyptien Maḥmūd Ismā ‘īl17, dans son étude sur les Idrisīdes du Maroc, pense qu’il est difficile de parler d’une islamisation totale vers la fin du IIe siècle de l’hégire : les raisons évoquées sont notamment la survivance des communautés chrétienne, juive, mais aussi autochtones qui continuaient à pratiquer des cultes païens. Dans une autre étude centrée sur l’islamisation du Maroc, Michael Brett18 tente de retracer les processus de l’islamisation, depuis le passage de la région sous le contrôle des Arabes jusqu’au xiie siècle, montrant le rôle des dynasties musulmanes, depuis les Idrisides jusqu’aux Almoravides, dans ce processus et soulevant le problème des traditions concernant le développement de l’islam.
8Plus récemment, Ḥayāt ‘Amāmū19 a conclu, à travers son étude sur les fondations de l’Islam au Maghreb, que la politique omeyyade appliquée aux autochtones eut des conséquences considérables sur les rapports entre Arabes et Berbères. L’islamisation totale des communautés autochtones intervint avant la fin du premier siècle de l’hégire, pendant et après les expéditions. Mais le progrès de cette islamisation fut différent d’une province à l’autre et se poursuivit sous les Idrisīdes et les Fatimīdes.
9Pourtant, des travaux sur les minorités religieuses au Maghreb médiéval ont montré la survivance des communautés non musulmanes, voire des croyances animistes avant et peu après la crise du milieu du xie siècle. Ces travaux, d’une valeur inégale, remettent donc en cause une islamisation rapide et totale des différentes communautés du Maghreb20.
10En l’absence de documents et de textes médiévaux qui s’attachent à décrire les processus par lesquels le Maghreb est devenu un territoire musulman, les travaux contemporains sur le sujet se sont donc souvent fondés sur les rares récits de soumission ou de conversions, dont les interprétations sont très divergentes.
11Dans les différentes études menées sur la conquête et l’islamisation, le sort du Maghreb central a été souvent lié à celui de l’Ifriqiya, c’est-à-dire que la diversité des conversions dans l’espace et dans le temps n’a pas été prise en considération par les chercheurs. Pourtant, l’historiographie arabe du haut Moyen Âge distingue nettement l’Ifrīqiya, centre de gravité du pouvoir arabe, du pays des Berbères (Arḍ al-Barbar), autrement dit le Maghreb central. Même si ce dernier n’eut jamais des limites fixes, car il est le vocable par lequel les géographes arabes désignent un espace politique en mouvement. Le territoire étudié ici correspond grossièrement à la Numidie, à la Mauritanie sitifienne et à la Mauritanie césarienne de l’époque romaine.
CONQUÊTE ET CONVERSION : UNE CONFUSION TOTALE
12Les récits des futūḥ sont à l’origine d’interprétations divergentes de l’islamisation du Maghreb. Élaborés deux siècles après le début des conquêtes arabes et ayant un caractère tardif et rétrospectif, ils posent à l’historien de sérieux problèmes21. Le Maghreb central est ainsi décrit dans les cinq traditions relatant la conquête du Maghreb et d’al-Andalus.
13La plus ancienne tradition est irakienne. Elle fut élaborée par al-Wāqidī (m. 207/822) et consignée notamment par al-Balāḏurī (m. 279/892), Ibn A‘.ṯam al-Kufi (m. 310/923) et l’auteur du Kitāb al-imāma wa-l-siyyāsa. Dans cette tradition, les récits de conquêtes concernent en particulier l’Afrique byzantine et la région de Tanger, et la soumission des grandes confédérations du Maghreb central, les Ṣanhāğa et les Kutāma, au temps de Mūsā b. Nuṣayr. Dans son livre des « conquêtes. », al-Balāḏurī, un proche du pouvoir abbasside, tire ses informations des traditionnistes (ahl al-‘ilm bi-l-.ḥadīṯ. wa-l-sīra wa futūḥ. al-buldān), dont la principale autorité fut al-Wāqidī. Il consacre un chapitre aux conquêtes de l’Égypte et du Maghreb, dans lequel il relate des raids contre l’Ifrīqiya et la prise de Mağğana, et passe ensuite à la conquête de Tanger22. Le Maghreb central est passé sous silence dans ce texte. En revanche, l’auteur du Kitāb al-Siyyāsa wa-l-imāma23, attribué souvent à Ibn qutayba (m. 276/889), évoque la soumission des Ṣanhāğa et des Kutāma, deux confédérations tribales du Maghreb central, à l’époque de Mūsā b. Nuṣayr. Il n’y a aucune mention de la conversion des communautés tribales durant cette période. La tradition égyptienne, quant à elle, fournit un peu plus de renseignements, légendaires en grande partie, sur la conquête du Maghreb. Ibn ‘Abd al-Ḥakam (m. 257/870) est l’auteur d’un traité sur la conquête de l’Égypte et du Maghreb, dans lequel il relate une série de razzias permettant de neutraliser la résistance berbère et de détruire la stratégie défensive byzantine24. Il mentionne un événement intéressant notre propos : il s’agit de la mise en place de la première organisation administrative et fiscale musulmane. Ainsi, en 76/695, Ḥassān b. al-Nu‘mān « organisa les bureaux de l’administration et imposa le paiement de l’impôt foncier (ḫarāğ) aux ‘Ağam de l’Ifrīqiya et à ceux qui demeuraient chrétiens parmi les Berbères, dont la plupart étaient des Baranis et quelques-uns des Butr25. ». Ce passage n’évoque donc pas une islamisation des chrétiens latins, byzantins et autochtones dans le dernier quart du premier siècle de l’hégire, mais on peut aussi penser à des conversions autochtones durant cette période parmi les communautés pastorales. Bien que le texte d’Ibn ‘Abd al-Ḥakam attribue la soumission totale des populations maghrébines (‘ammat al-magrib) à Musa b. Nuṣayr, certains récits qu’il relate montrent une poursuite des razzias contre les communautés autochtones, ce qui laisse entendre une conversion limitée. Après ces événements qui marquèrent la fin du premier siècle de l’hégire et la reprise de l’organisation administrative byzantine comprenant la province d’Afrique sans le Maghreb central, ce dernier est à nouveau absent du texte, jusqu’à ce que l’auteur appelle Awwal fitnat al-barbar bi-arḍ Ifriqiya, qui renvoie au premier grand soulèvement des Berbères après l’annexion de leur territoire au dar al-islam. Les autochtones sont mentionnés comme musulmans à propos de ces révoltes ibaḍite et ṣufrite. Ce qui se dégage donc des récits d’Ibn ‘Abd al-Ḥakam est un territoire islamisé, mais pas totalement, car des ahl al-ḏimma, chrétiens sans doute, qui avaient été libérés par le gouverneur de Kairouan à la suite de leur rapt par les Ṣufrῑtes étaient encore fidèles à leur religion dans la région de Nafzawa26.
14La tradition kairouanaise occupe une place importante dans nos connaissances de la conquête et de l’islamisation du Maghreb. Elle est apportée notamment par Abu-l-‘Arab (m. 333/944)27, Abū Bakr al-Mālikī (m. vers 447/1055)28, Ibn al-Aṯīr (m. 630/1233), al-Nuwayrī (m. 733/1332) et Ibn Ḫaldūn (m. 808/1406). Elle a aussi un caractère tardif et légendaire, dans la mesure où elle est traversée par le récit des mérites du pays (faḍā’il al-buldān) et de la gloire arabe. Dans le préambule de son œuvre, Abū Bakr al-Mālikī attire l’attention du lecteur sur ses sources d’information émanant des dévots et des savants de Kairouan ainsi que de l’ouvrage biographique composé par Abū-l-‘Arab29. Sept ḥadīṯ-s attribués au prophète Muḥammad sont rapportés pour montrer les mérites de l’Ifriqiya30. Ces ḥadiṯ-s, qui auraient servi une propagande visant à amener les gens à se convertir, montrent une récupération des lieux religieux chrétiens par les musulmans, comme dans le cas de Monastir, décrit comme l’une des portes du paradis31. Trois groupes sociaux non arabes se distinguent dans les récits d’al-Mālikī : les ‘Ağam, les Afāriqa et les Rūm32. Aucun détail n’est fourni à propos de ces trois éléments, mais comme nous allons le voir plus bas, il s’agit bien des communautés chrétiennes d’origine latine, byzantine et autochtone. L’apparition des autochtones islamisés et païens n’intervient, dans ces récits, qu’à propos du rapprochement du chef arabe Abū-l-Muhāğir Dīnār avec le chef autochtone Kusayla. Dans la suite des événements, ‘Uqba entreprit une expédition dans le Maghreb central, avec des affrontements contre les Byzantins, même dans les régions qui n’étaient pas dominées par les Byzantins. ! Des résistances autochtones se déclenchèrent contre les troupes arabes chargées de butin de guerre. Al-Mālikī parle ensuite de la soumission du pays et du début des conversions. Ainsi, deux fils de la Kahina de l’Aurès se seraient convertis à l’islam avec nombre de Garawa33. Et en concluant ses récits, al-Mālikī écrit : « L’Ifrīqiya est devenue dār al-islām jusqu’à nos jours et elle le sera jusqu’à la dernière destinée, si Dieu le veut34. ». Un territoire islamisé se dégage donc des récits d’al-Mālikī à la fin du viie siècle, mais il ne dit pas comment se fit le processus. Pourtant, les notices biographiques qu’il consacre aux personnages connus pour leur piété et leur savoir dans son ouvrage, le Riyyāḍ., montrent une présence exclusive des éléments orientaux.
15Les textes d’Ibn al-Aṯīr35, de Nuwayrī36 et d’Ibn Ḫaldūn, qui reproduisent une tradition kairouanaise élaborée par al-Raqīq (m. 420/1029)37 et transmise par Ibn Šaddād (c. 600/1203. ?), sont presque conformes au texte d’al-Mālikī, à l’exception de quelques renseignements fournis par Ibn Ḫaldūn. Ce dernier mentionne ainsi le christianisme de Kusayla et le judaïsme de la Kāhina, et il affirme, d’après Ibn Abī Zayd al-qayrawānī (m. 386/996), que « depuis Tripoli jusqu’à Tanger, les Berbères apostasièrent douze fois, et l’islam ne fut solidement établi chez eux qu’après la conquête du Maghreb et le départ de Mūsā b. Nuṣayr et de Ṭāriq b. Ziyyād pour al-Andalus38. ». On ne retrouve nulle part cette citation dans les ouvrages d’Ibn Abī Zayd, en particulier celui qui intéresse les conquêtes, Kitāb al-ğāmi‘ fī-l-sunan wa-l-.ḥikam wa-l-maġāzī wa-l-tārīḫ39. quant à la compilation de Nuwayrī, elle reprend les affirmations d’une islamisation quasi totale du Maghreb (ġalaba al-islām ‘alā al-Maġrib kullih) en 101/720, à la suite des efforts du gouverneur Ismā ‘īl b. ‘Abd Allāh b. al-Muhāğir40.
16La tradition andaluso-marocaine des conquêtes, quant à elle, est à la fois tardive et beaucoup plus explicite sur la pénétration de l’islam au Maghreb central et extrême. Elle est représentée notamment par ‘Abd al-Malik b. Ḥabīb (m. 238/852), Ibn ‘Abd al-.Ḥalīm (viiie/xive siècle), les Mafāḫir al-Barbar et Ibn ‘Iḏārī al-Marrākušī (c. 712/1312). Dans l’ensemble, elle n’est pas seulement une chronologie des conquêtes, mais aussi une histoire dynastique et généalogique. Cette tradition a été en grande partie employée dans le cadre des mérites des peuples et des pays. Ainsi, Ibn ‘Abd al-Ḥalīm veut montrer la primauté des Berbères dans l’islam. Un premier chapitre, consacré à la pénétration de l’islam en Berbérie, rapporte plusieurs récits légendaires sur la rencontre des Berbères avec Muḥammad et ses successeurs ‘Umar et ‘Uṯman à Médine41. Il relate ensuite les événements ayant un lien avec le Maghreb central : la soumission de Constantine au temps de ‘Uqba, puis celle des communautés tribales du Zāb, Bāġāy et de Tāhart, comme les Luwwāta, les Huwwāra, les Zuwwāġa, les Maṭmāṭa, les Zanāta et les Miknāsa42. Ces tribus, qui auraient été soumises au milieu du viie siècle, allaient être gagnées une cinquantaine d’années plus tard par les mouvements ḫariğītes. Un passage d’Ibn ‘Abd al-Ḥalīm évoque un événement important concernant l’islamisation en 82/701 : « Quand Ḥassān tua la Kāhina, les gens du Maghreb se soumirent à l’islam (’ad‘ana ahl al-Maġrib), mais Ḥassān leur refusa la soumission à condition qu’ils fournissent douze mille cavaliers comme otages. Ces derniers durent participer aux combats à côté des Arabes contre les Berbères et les Byzantins (Rūm) infidèles. Ils acceptèrent la condition et se convertirent à l’islam (aslamū). Ḥassān chargea Yafran et Yazdyān, deux fils de la Kāhina, de commander six mille soldats et laissa avec eux treize hommes appartenant à [la catégorie] des tābi‘īn, pour leur faire apprendre le Coran et les lois [de l’islam]43. »
17Ce passage pose problème à cause d’une certaine ambiguïté sémantique du mot aslama, car il pourrait s’agir d’une conversion à l’islam entendue comme une soumission au dominant. La prise des otages serait la cause de la conversion des Ğarāwa à la nouvelle religion. Un autre passage d’Ibn ‘Abd al-.Ḥalīm s’accorde avec la tradition égyptienne sur le fait que Ḥassān b. al-Nu‘mān imposa le ḫarāğ à ceux qui demeuraient chrétiens parmi les Byzantins de l’Ifriqiya (Rūm Ifrīqiya) tandis que les Berbères se convertirent et fondèrent des mosquées. Le nouveau chef Mūsā b. Nuṣayr aurait envoyé des missionnaires pour initier à l’islam les Berbères Kutāma, Huwwāra et Zanāta. Si l’on en croit Ibn ‘Abd al-Ḥalīm, l’islamisation de ces trois confédérations tribales du Maghreb central intervint vers 90/708, et le Maghreb occidental devint alors totalement musulman, à l’exception des Barġawāṭa qui apostasièrent44.
18Les propos du traité anonyme du Mafāḫir al-Barbar, composé en 712/1312, confirment les dires d’Ibn ‘Abd al-Ḥalīm, tout en partant de la primauté des Berbères en Islam. Rejetant l’idée communément admise de la sous-humanité des Berbères, il rapporte plusieurs ḥadīṯ.-s sur leurs mérites et leur conversion ancienne à l’islam, au temps du Prophète. Une liste des savants berbères islamisés vient appuyer ses propos, mais elle ne concerne que des personnages ayant vécu à partir de la fin du iie/viiie siècle45.
19Le Bayān al-Muġrib fī aḫbār al-Andalus wa-l-Maġrib, une chronique d’Ibn ‘Iḏārī al-Marrākuši compilée entre 690/1291 et 712/1312, apporte des éléments importants sur la conquête et l’islamisation du Maghreb central. Après avoir parlé des razzias menées par ‘Uqba contre les communautés autochtones, il rapporte plusieurs récits montrant la domination du Maghreb central et la soumission des tribus pastorales : Luwwāta, Huwwāra, Zuwwāġa, Maṭmāṭa et Zanāta46, c’est-à-dire des communautés installées sur la route traversant les plateaux intérieurs. Avant la désignation de Ḥassān b. al-Nu‘mān comme chef des troupes arabes envoyées en Ifrīqiya, Ibn ‘Iḏārī n’évoque pas de conversions et mentionne deux communautés : les Naṣāra et les Afāriqa, qui seraient des chrétiens autochtones47. Cependant, il rapporte des récits de conquêtes et de conversions dans les épisodes concernant les dernières années de l’Afrique byzantine. Ainsi, la soumission des Huwwara et des Kutama est acquise pendant cette période et des conversions massives auraient eu lieu sous le règne du calife ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz. « Il [‘Umar] était engagé à inviter les Berbères à se convertir à l’islam. Ceux qui demeuraient non musulmans en Ifrīqiya se convertirent grâce à ses soins48. »
20L’affirmation d’une islamisation totale de l’Ifrīqiya au début du iie/viiie siècle pose beaucoup de problèmes, lorsqu’on aborde la question du processus et de l’étendue des conversions hors de l’Ifrīqiya omeyyade, héritière de l’Afrique byzantine. Pourtant, la politique omeyyade imposée aux autochtones laisse entendre que le territoire situé à l’ouest de l’Ifrīqiya dans le Maghreb central et extrême n’était pas totalement islamisé. Ainsi, ‘Abd Allāh b. al-.Ḥabḥāb, gouverneur de Kairouan, continua à organiser des razzias et exigea le versement du quint (ḫums) pour son Trésor49.
21Une cinquième tradition concernant la conquête provient des communautés tribales des marges du désert. Son auteur est Ibn Sallām al-Luwwāṭī (m. 274/887), qui donne une version ibaḍīte de l’histoire de sa communauté, et de celle du Maghreb en général. Ses renseignements s’approchent des quatre traditions précédentes en décrivant un territoire islamisé avant les révoltes ibaḍīte et ṣufrīte du iie/viiie siècle. Dans un chapitre consacré aux mérites des Berbères, il évoque la venue des Berbères à Médine au temps du calife ‘Umar et l’envoi de missionnaires musulmans au Maghreb au cours des expéditions militaires50.
22Les textes narratifs permettent de déterminer deux périodes de conversions à l’islam. Une première période (27-82/647-701) se caractérise par des raids, des prises d’otages et des premières conversions limitées. Une deuxième période (82100/701-718) se distingue, durant laquelle des conversions massives sont à signaler, notamment parmi les confédérations tribales pastorales du Maghreb central et du Sud de l’Ifrīqiya. La politique fiscale et religieuse des Omeyyades serait à l’origine de ces conversions, notamment sous le règne du calife ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz. Enfin, il faut noter le silence total des sources quant à la soumission et l’islamisation des communautés agricoles du Nord du Maghreb central.
23Les textes narratifs nous fournissent donc des renseignements notables, mais ils sont conditionnés, comme pour le début de l’Islam, par leur caractère tardif et rétrospectif51. Ils ont été élaborés dans des contextes idéologique et politique différents. Les plus tardifs auraient eu la volonté de donner un rôle constructif aux Berbères des débuts de l’Islam, à la suite de la prise du pouvoir au Maghreb par des dynasties autochtones. Cette affirmation d’une islamisation totale du Maghreb central est remise en cause par les textes descriptifs et juridiques.
UNE CONVERSION TARDIVE DES CHRÉTIENS
24Les premiers textes géographiques arabes intéressant le Maghreb mentionnent des « colonies. » orientales implantées dans le pays au milieu des communautés rurales autochtones. Ibn al-Faqīh al-Hamaḏānī (iiie/ixe siècle) évoque brièvement la nature des pouvoirs fondés par les Orientaux, notamment dans la région de Tāhart et de Fès. Les communautés autochtones dont l’islamisation semble acquise sont marginalement citées52. Des traditions prophétiques recueillies par l’auteur rangent les Berbères parmi les nations les plus éloignées des valeurs humaines, à l’exception de leurs femmes53. Le Maghreb central du iie/viiie siècle semble avoir joué le rôle de passage vers al-Andalus et de réserve de concubines. Cette image que donnent les auteurs orientaux du pays des Berbères eut une large diffusion dans les milieux lettrés de Kairouan et de l’Orient. Ainsi, al-Mas‘ūdī (m. 346/956) semble avoir été convaincu des récits légendaires attachant les autochtones du Maghreb aux personnages mythiques orientaux, comme Ifrīqaš54.
25À partir de la seconde moitié du iie/viiie, nos connaissances de la géographie historique du Maghreb commencent à s’élargir grâce aux voyages effectués par les missionnaires et les marchands dans l’Occident musulman. Al-Ya‘qūbī (m. vers 284/897) est l’un des premiers à donner une description détaillée des principales régions dans son ouvrage intitulé Kitāb al-Buldān55. Sur le plan religieux, il mentionne des Afāriq et des Rūm dans les villes du Zāb, comme Ṭubna (Thubunae), Bāġāy et Qaṣr al-Ifrīqī, et dans les oasis de Biskra56. Ces communautés, distinguées des populations urbaines arabes mais aussi autochtones islamisées, attiraient encore l’attention des voyageurs. Ce témoignage montre bel et bien la survivance du christianisme local au iiie/ixe siècle. Le vocable Rum était le plus répandu pour désigner les éléments grecs installés dans le Maghreb du haut Moyen Âge tandis que le mot Afariq désignerait des chrétiens romains et autochtones latinisés. Ces derniers ont fait l’objet d’un débat historiographique dans la première moitié du xixe siècle. Pour Georges Marçais, le mot Afāriq désignerait les autochtones ou les étrangers latinisés et christianisés57. Madeleine Vonderheyden, dans son étude sur l’Ifrīqiya aġlabīde, estime, quant à elle, que les Afāriq étaient des descendants de Romains n’ayant pas repassé la mer après la chute de leur empire58. Mario Dall’Arche rejoint la thèse émise par Georges Marçais sur le fait que les Afāriq seraient des éléments issus des Rum et des Berbères romanisés59. Pour Hicham Djaït, les Afāriq seraient des Romains, entendons par là des Africains, essentiellement d’origine berbère, romanisés et christianisés60. Ces trois hypothèses s’accordent sur le fait que les Afāriq auraient été témoins de l’ancienne domination romaine et auraient continué à pratiquer leur foi au iiie/ixe siècle.
26La communauté du Zāb qualifiée de Rūm61 serait en revanche, d’après les témoignages textuels et archéologiques qui ont montré une pénétration byzantine dans le Zab et le Sud de l’Ifrīqiya, composée des survivants des Byzantins62. L’historiographie arabe évoque quelquefois les Rūm afāriqa, que l’on désigne parfois comme des Romains africains (latinisés)63. Les sources identifient en revanche les communautés berbères qui habitaient dans le Zāb avec les tribus arabes et persanes. Au iiie/ixe siècle, les campagnes du Zab étaient donc entièrement autochtones ibaḍītes, tandis que les villes étaient habitées conjointement par les tribus arabes et persanes, et les communautés chrétiennes autochtone, latine et byzantine. Aucune source ne permet de connaître l’organisation ecclésiastique de ces communautés. Ces chrétiens habitaient les villes situées dans la région du Zāb qui contrôlait l’accès à Kairouan, centre des autorités politique et religieuse arabes.
27La christianisation des cités du Zāb et de la Numidie remonte au iiie siècle de l’ère chrétienne, période durant laquelle cette religion connut une large diffusion parmi les communautés intégrées à l’empire romain64. De Tertullien à saint Augustin et en passant par saint Cyprien, les provinces romaines d’Afrique connurent la constitution des évêchés dans les cités. Mais l’Église romaine d’Afrique fut affaiblie par des hérésies et des schismes, surtout celui des donatistes65. Au ve siècle, elle semble avoir perdu de son influence au moment de l’invasion des Vandales, adeptes de l’arianisme, et elle connut une renaissance relative pendant la domination byzantine66.
28Du christianisme des autres régions du Maghreb central, nous avons une seule mention, à propos d’une communauté à Tahart à la fin du ve/xie siècle. Ainsi, Ibn al-Ṣaġīr, témoin des dernières années de la Tāhart rustumide, mentionne les ‘Ağam, à propos d’une guerre civile qui déchira la dynastie ibaḍīte67. On ne sait rien de l’origine de cette communauté, même si tous les éléments laissent entendre qu’il s’agissait de chrétiens qui allaient, selon le récit d’Ibn al-Ṣaġīr, s’installer dans un fort près de Tāhart, connu sous le nom de Tanābġīlat68. L’utilisation du terme ‘Ağam, comme équivalent de nos ḏimmī-s (ahl . ḏimmatinā), est attestée à la même époque en Ifrīqiya aglabīde où ces derniers furent recrutés par le pouvoir dans l’armée69.
29Un siècle plus tard, les textes ne mentionnent plus les communautés chrétiennes de la région et donnent l’impression d’un territoire totalement islamisé. Ainsi, al-Muqaddasī (m. vers 374/984) énumère les villes et les localités d’un Maghreb musulman depuis la Cyrénaïque (Cyrenaica) jusqu’à l’océan Atlantique70. Dans sa Configuration, Ibn Ḥawqal (m. vers 367/977) considère le Maghreb « comme un territoire de l’Islam71 », où il évoque une fiscalité lourde et variée, comprenant le ḫarāğ et le ğawālī, et une organisation sociale dans la région du Zāb, y compris les massifs de l’Aurès72. Bien qu’il admette la ruralité des Berbères, il mentionne des communautés urbaines et rurales, dont l’identification pose problème. Il dit par exemple que la localité de Dufāna dans l’Aurès était habitée par des Lihān73. Aucun texte ne permet d’identifier cette communauté villageoise, distinguée à la fois des Berbères islamisés et des Arabes74. De même, quand il décrit la ville de Ṭubna, chef-lieu du Zāb, il cite deux communautés urbaines distinctes, les Arabes et les Barqağāna75. Rappelons qu’au iiie/ixe siècle, les textes mentionnaient les Afariq, les Rum, les Arabes et les Berbères comme étant les habitants de cette ville. Un siècle plus tard, on voit la disparition de ces noms et donc de ces communautés urbaines, et on voit apparaître une nouvelle appellation, les Barqağāna. Seraient-ils des survivants de la communauté chrétienne de la ville ? Une réponse se trouve dans un texte de la même époque, d’Ibn Yūsuf al-Warrāq (m. 363/974), reproduit par le géographe al-Bakrī (m. 487/1094) : « Ṭubna était peuplée d’Arabes et de Ağam, avec lesquels ils étaient en conflit76. » Il ne précise pas l’identité de ces ‘Ağam, mais il appelle cette communauté du nom de muwalladūn lorsqu’il relate les affrontements qui les opposèrent aux Arabes. Al-Bakrī mentionne cette communauté de muwalladun à Biskra et dans ses oasis (Banṭiyūs, Ṭūlqa) et à Mila (Milev). Il nous apprend que la communauté de muwalladūn de . Ṭubna faisait appel à celle de Biskra quand les affrontements se déclenchaient contre les Arabes77. Ces données d’al-Bakrī ne laissent aucun doute sur la survivance des communautés romano-byzantines et peut-être autochtones chrétiennes qui habitaient les villes faisant partie du système défensif byzantin instauré par l’empereur Justinien pour défendre la Maurétanie sitifienne et la Numidie. Mais ce vocable de muwallad signifie-t-il une conversion à l’islam de cette communauté ? Il semblerait que oui, car le même auteur écrit à propos de Biskra qu’elle était habitée par les muwalladūn adeptes de la doctrine de Médine78. Des communautés chrétiennes donc, islamisées mais qui étaient en conflit avec les Arabes de Ṭubna. Il est difficile de connaître le processus de leur conversion durant le ive/xe siècle, dans un contexte marqué par une perte du contrôle du Zab par les Aġlabīdes et par un attachement culturel de la région à Kairouan79. Les villes frontières du Zāb et de Kutāma constituèrent donc les derniers refuges des communautés chrétiennes avant leur conversion, communautés qui partageaient l’habitat avec les tribus arabes et persanes installées pendant la conquête, en supplantant les familles terriennes byzantines80. Elles étaient également ceinturées par des communautés rurales berbères dont l’islamisation semble remonter au début du iie/viiie siècle81.
30Les communautés chrétiennes implantées en dehors des villes frontières sont peu mentionnées par al-Bakrī. À propos de Bône, il écrit qu’elle était la ville de saint Augustin, le savant chrétien (al-‘ālim bi-ḍīn al-naṣrāniyya), mais il ne dit rien à propos de la communauté chrétienne. Comment ce géographe a-t-il pu faire un lien entre saint Augustin et Bône comme lieu de mémoire sans citer une présence chrétienne à son époque. ? Fort heureusement, les documents latins donnent des éléments de réponse à cette interrogation. Au ive/xe siècle, l’évêché de Bône (Hipponensis) était encore en place et a perduré jusqu’au milieu du ve/xie siècle. Les documents font ensuite état de la disparition de cet évêché, d’où le refus du pape Grégoire.VII de désigner un évêque en 107682.
31La région occidentale du Maghreb central est aussi décrite dans la Géographie d’al-Bakrī où on relève trois passages importants. La transformation des vestiges de la cathédrale d’Alger (Ğazā’ir Banī Mazġanna) en une esplanade pour prêcher les deux fêtes musulmanes83, comme symbole d’une islamisation de la cité médiévale supplantant la ville antique. Les Barqağāna sont à nouveau mentionnés comme habitants de la ville antique de Tāhart, et en conflit avec les Andalous et Kairouanais de la localité rurale des Banī Ğallidāsan84. Ces Barqağāna seraient comme nous l’avons vu des chrétiens convertis à l’islam. Nous avons un témoignage de l’existence au viie siècle d’une confédération de Berbères christianisés dans cette région85. Enfin, une communauté chrétienne à Tlemcen au milieu du ve/xie siècle disposait d’une église antique bien fréquentée (ma‘mūra)86.
32Au moment même où les évêchés du Maghreb oriental étaient en train de disparaître, deux communautés chrétiennes virent le jour à la qal‘a des Banῑ Ḥammād et à Bougie. La première est attestée par les textes latins, dont les interprétations sont très divergentes87. S’agit-il de chrétiens autochtones, ou plutôt de chrétiens marchands ou esclaves. ? Cette dernière hypothèse est la piste la plus vraisemblable, car on sait que la ville de M’sila, distante de 35.km de la qal‘a, était peuplée de ‘Ağīsa, d’esclaves rūm et d’Arabes88. La communauté chrétienne de la qal‘a pourrait donc être constituée d’esclaves rūm venus de M’sila après le déplacement des habitants à la qal‘a par le prince .ammad (395-419/10041029). Ces Rūm descendaient-ils de Byzantins. ? Il est difficile de l’affirmer, mais on sait qu’il s’agissait d’esclaves qui avaient été importés par les califes fatimides. C’est en ce sens que Pierre de Cenival avance que les chrétiens de la qal‘a seraient des esclaves et des marchands89. La Chronique du mont Cassin mentionne l’existence d’un groupe de chrétiens à la qal‘a autour d’un « calife. », mot dont la traduction pose problème90. Louis de Mas Latrie affirme qu’il était donné par les habitants de la qal‘a au chef de la communauté chrétienne91. Christian Courtois, quant à lui, met en cause l’authenticité et la fiabilité du texte, car il est écrit par un moine du mont Cassin à la plus grande gloire de son monastère. On peut pourtant en tirer certains renseignements concernant l’existence d’une communauté chrétienne à la qal‘a en 111492. Selon Pierre de Cenival, le vocable callifae ne pouvait pas être appliqué à un évêque, mais il désignerait le gouverneur de la ville93. Les fouilles n’ont pas permis d’asseoir l’existence d’une église, cependant les récentes découvertes archéologiques faites par ‘Abd al-Raḥmān Frāḥtiyya confirment une présence chrétienne à la qal‘a : des objets de liturgie portant des croix ont été mis au jour94.
33Des documents latins mentionnent une communauté chrétienne à Bougie, pour laquelle le pape Grégoire VII désigna le prêtre Servandus à la demande du prince al-Na.ir (454-481/1062-1088). Les chrétiens de Bougie seraient des captifs et des marchands mentionnés par un texte arabe95. La communauté chrétienne bénéficiait ainsi de la protection des princes ḥammadīdes.
34Le ive/xe siècle marque donc la disparition presque totale du christianisme africain96 du Maghreb central, à l’exception de Bône et de Tlemcen. Les nouvelles communautés chrétiennes à la Qal‘a et à Bougie étaient constituées essentiellement d’immigrés, d’esclaves et de marchands. Les causes de cette disparition du christianisme africain sont mal connues. Christian Courtois avance l’impact de l’immigration hilalienne et des conquêtes almohade et normande97, qui auraient porté les derniers coups au christianisme africain98. La thèse hilalienne est peu soutenable, car les communautés chrétiennes de Qasṭīliyya99 et du Zāb se convertirent en majorité avant l’arrivée des tribus bédouines. La situation juridique des chrétiens dans la société musulmane est aussi avancée comme cause de cette disparition100. Mais cette thèse ne concerne pas l’ensemble du monde musulman médiéval, car la population chrétienne de l’Égypte et de la Syrie, par exemple, s’est maintenue. Mohamed Talbi, quant à lui, avance des causes culturelles. Dans cette optique, les chrétiens du Maghreb n’auraient pas pu, ou su, adapter le christianisme à la culture dominante, comme l’avaient fait les juifs et les chrétiens d’al-Andalus et de l’Orient101. Enfin, Jean-Pierre Molénat minimise la thèse de l’alternative almohade, « la conversion à l’islam ou la mort », et estime que la minorité chrétienne de l’Occident musulman a été victime en premier lieu de la pression accrue exercée au vie/xiie siècle par les puissances chrétiennes sur le Sud de la Méditerranée, suscitant la révolte de la majorité musulmane, ce qui obligea la minorité à choisir entre la conversion et l’exil102. L’absence de monastères en zone rurale est aussi évoquée comme cause de cette disparition. Saint Augustin avait donné au christianisme d’Afrique une structure monacale, essentiellement urbaine103. Les thèses avancées ne peuvent pas être généralisées aux communautés chrétiennes du Zāb qui ont été islamisées bien avant les événements présentés comme causes de leur disparition104. L’absence de monographies locales rend la connaissance des causes de la conversion de ces communautés plus difficile que celle de leur disparition, car des témoignages font état d’une continuité sociale musulmane.
LE MYTHE DES ĞĀRAWA JUDAÏSÉS ET L’ÉNIGME DES MAĞĞĀNA
35En se fondant sur un passage mal traduit du texte d’Ibn Ḫaldūn, plusieurs études modernes prennent la Kāhina et les Ğarāwa comme un modèle des tribus autochtones judaïsées105. Je voudrais ici reprendre ce texte pour le replacer dans son contexte historique. Voici la traduction que j’en propose :
Aussi, il se peut que certains Berbères aient professé le judaïsme, religion qu’ils avaient reçue de leurs puissants voisins, les Israélites du Šam. Parmi ces Berbères, on distinguait les Ğarāwa, qui habitaient le massif de l’Aurès et auxquels appartenait la Kāhina, tuée par les Arabes dans le premier épisode de la conquête106.
36Ce texte est tardif et l’auteur lui-même n’affirme pas l’authenticité de ces renseignements. Il est le seul parmi les auteurs arabes à avoir évoqué le judaïsme de la Kāhina et des Ğarāwa et le christianisme des Awraba. On se demande si Ibn Ḫaldūn n’aurait pas inventé cette histoire pour lier la résistance autochtone à la conquête musulmane aux « infidèles. » de son époque, c’est-à-dire les juifs et les chrétiens. ? Il est impossible à mon avis de se fonder sur ce texte d’Ibn Ḫaldūn pour parler de Berbères judaïsés. Car même dans la période antique, la présence des juifs dans l’Aurès n’est pas établie de manière certaine, en l’absence de témoignages narratifs et épigraphiques107.
37L’implantation ancienne des juifs dans le Maghreb, notamment autour de Carthage et en Numidie, est démontrée par les témoignages archéologiques. Ces juifs seraient des rescapés de l’anéantissement des vieilles communautés juives d’Égypte et de Cyrénaïque. Leur identité onomastique a été en grande partie romanisée108. La présence juive continuait dans le Maghreb islamique, avec une forte concentration en Ifrīqiya, plus particulièrement à Kairouan. Les juifs de l’Ifrīqiya acquirent une identité locale, visible dans les sources juridiques malikītes qui les nomment Yahūd Ifrīqiya109, et l’autorité politique de Kairouan à l’époque du prince zirīde Bādīs (386-406/996-1016) nomma pour la première fois un Rā’is al-Yahūd, pour les représenter auprès du pouvoir musulman110. Les documents de la Geniza du Caire mettent en lumière certains aspects de la vie de cette communauté, dans laquelle on trouvait des personnes qui seraient originaires de Mağğāna.
38L’identification des Mağğāna pose problème, car cette communauté aurait donné son nom à une ville connue pour ses mines, à une localité située dans les Bibans, à un groupe social de Ouargla et à plusieurs marchands juifs de Kairouan. La première mention de Mağğāna concerne une forteresse contrôlant plusieurs mines, conquise par Arṭa’a b. Bišr en 90/709. Aucun texte n’évoque les habitants de cette ville fortifiée qui continue à être décrite par les géographies comme une ville possédant mines et moulins111. Aux ve/xie et vie/xiie siècles, on s’aperçoit que plusieurs marchands juifs figurant dans les documents de la Geniza du Caire avaient pour nisba al-Mağğānī. Ils sont évoqués parmi les personnages de Mahdia. Parmi ces grands marchands juifs originaires de Mağğāna, nous pouvons citer Moses b. Yihye al- Mağğānī 112 et Abu ‘Imran al- Mağğānī 113.
39Au viie/xiiie siècle, les Mağğāna sont mentionnés, mais cette fois comme une communauté de Ouargla qui habitait avec les Berbères iba.ites114. Dans son étude sur cette communauté, Tadeusz Lewicki émet l’hypothèse de la chrétienté de ce groupe, mais rien ne peut la confirmer115. Ces Mağğāna seraient-ils des juifs de Mağğāna qui auraient fui la ville dans des circonstances mal connues. ? Les sources, tant arabes qu’hébraïques, documentent la présence juive dans les oasis de Ouargla où ils jouaient un rôle non négligeable dans le commerce de l’or soudanais116.
40Les Mağğana constituaient donc une communauté mal connue durant la première période musulmane au Maghreb, et donnèrent leur nom à plusieurs localités et groupes sociaux. Mais l’état actuel de nos connaissances ne permet pas d’affirmer l’appartenance totale de cette communauté au judaïsme.
41Plusieurs documents de la Geniza du Caire rapportent les activités juives dans le Maghreb central. Une lettre écrite en rabi‘.I.406/août.1015, montre une participation de la communauté juive de l’Ifriqiya aux côtés du prince zirīde de Kairouan pour combattre les Ḥammadīdes à la qal‘a et à M’sila117. La communauté juive est mentionnée à la qal‘a, où naquit aussi le célèbre talmudiste Rabbi Isaac al-Fāsī (1013-1103)118, à M’sila, à Ašir et à Tlemcen119. Nous n’avons aucun témoignage de l’islamisation de cette communauté durant cette période.
L’AUTORITÉ POLITICO-JURIDIQUE ISLAMIQUE FACE À L’HERESIE DES CAMPAGNES
42Les textes narratifs donnent donc l’image d’une islamisation totale des sociétés rurales, mais ces dernières furent par la suite à l’origine de révoltes autochtones anti-Omeyyades à partir de 122/739. Des missionnaires orientaux avaient réussi, dans des conditions mal établies, à gagner à leur cause ces communautés récemment islamisées pour tenter de prendre le contrôle de la wilaya d’Ifrīqiya. Ce fut la première dissidence de l’Islam maghrébin, que l’historiographie arabe réduit à un simple soulèvement contre la politique fiscale du pouvoir omeyyade. Les communautés pastorales eurent un rôle moteur dans ces événements qui aboutirent à la formation de pouvoirs dynastiques, mais la réaction des communautés agricoles du Nord du pays demeure obscure. Il faut attendre la fin du iie/viiie siècle pour voir une pénétration religieuse et politique arabe dans la région, grâce aux réseaux de villes établis par les ‘Alīdes depuis Fès jusqu’à Ḥamza (Bouira), constituant des « colonies. » mixtes avec les autochtones au milieu des terres agricoles fertiles. De grandes mosquées furent fondées dans les villes et les localités rurales, ce qui montre une islamisation de ces communautés tribales, mais cette islamisation est à relativiser, du moins pour certaines régions.
43Les textes narratifs n’évoquent des communautés rurales qu’à propos des expéditions destinées à les soumettre pour prélever le ḫarāğ. On évoque souvent l’émergence de faux prophètes comme motif des châtiments infligés aux adversaires religieux. Ainsi, ‘Imād al-Dīn Idrīs (m. 872/1488) rapporte qu’en 335/947 le chef des troupes fatimides Gufna al-Hadīm fit prisonnier un homme qui s’était déclaré prophète chez les Masālita du Maghreb central120.
44Les premiers textes juridiques au Maghreb concernent la région où ils furent élaborés, l’Ifrīqiya, et donnent l’image d’une société totalement islamisée121, à l’exception d’un passage du juriste Abū-l-.Ḥasan al-Qābisī (m. 403/1011) qui interdit aux musulmans de célébrer les fêtes chrétiennes122. Mais pour le Maghreb central, le plus ancien texte juridique malikīte remonte à la fin du ive/xe siècle et apporte des éléments importants concernant l’islamisation des communautés rurales.
45Ainsi, le juriste malikīte Abū Ğa‘far Aḥmad b. Naṣr al-Dāwudī (m. 402/1012) donne, dans une consultation juridique, une information singulière sur une hérésie au Maghreb central à la fin du xe siècle, pratiquée par les Suswāla qui constituaient une fraction des Ṣanhāğa. Cette communauté est localisée par ce texte dans la région des ‘Ağīsa et des Kutāma, près d’Ašīr123. Pour identifier la branche à laquelle appartenaient les Suswāla, al-Dāwudī utilise l’expression qawm min qawm, c’est-à-dire une subdivision des Ṣanhāğa. En outre, la consultation d’al-Dāwudī mentionne d’autres éléments qui vivaient aux côtés des Suswāla dans la région des Kutāma et des ‘Ağīsa, et professaient une religion hérétique semblable à celle des Suswāla (wa man kāna ‘alā ḥālihim bi-Kutāma wa ‘Ağīsa)124. Mais il n’est pas possible dans l’état actuel de nos connaissances de les cerner plus précisément.
46Nous n’avons pas de détails concernant cette communauté « hérétique », mais le fait que le juriste affirme qu’elle n’avait rien à voir ni avec le judaïsme ni avec le christianisme montre peut-être que la religion professée par les Suswāla correspondait à une forme de syncrétisme entre la religion musulmane et les cultes autochtones. Al-Dāwudī accorde une place identique au sujet des Barġawāṭa et des Suswāla, et ordonne de refuser le versement de leur ğizya, car cet impôt ne concerne que les gens du Livre et les Mağus. Il ressort que la religion des Suswāla était semblable à celle des Barġawāṭa125. Les textes arabes apportent un témoignage important sur la survivance de pratiques religieuses anciennes dans le Maghreb médiéval. L’existence des temples consacrés aux dieux Baal Hammon et Tanit pour la période antique est attestée par les découvertes archéologiques, ce qui montre une pénétration religieuse méditerranéenne, notamment dans le Maghreb oriental126. Tanit, la déesse antique, gardait son influence dans les communautés rurales du Moyen Âge. Elle est citée à propos des Ġumāra, qui professaient, comme les Suswāla, une religion hérétique, comme Talīt, une prêtresse considérée comme étant la cousine de Ḥāmīm127.
47Il semblerait que l’hérésie des Suswāla ait fait son apparition à la suite des révoltes autochtones ibaḍite et ṣufrīte, et à la fin de l’insurrection menée par le chef ibaḍīte Abū Yazīd à qal‘at Kiyyāna en 336/947. La transformation de cette communauté rurale des Ṣanhāğa pourrait être liée aux conséquences de sa défaite militaire contre les pouvoirs musulmans. Le mot kuffār, par lequel al-Dāwudī désigne les Suswāla et les Barġawāṭa, montre qu’il considère ces « hérétiques. » comme de véritables infidèles, et rejette sans appel ces formes islamo-autochtones de syncrétisme religieux. La consultation juridique rendue par al-Dāwudī distingue deux catégories de Suswāla : les convertis volontaires et ceux qui auraient hérité de la religion de leurs parents. Les premiers doivent être tués, les seconds doivent être traités comme les Barġawāṭa, c’est-à-dire razziés et réduits en esclavage. En effet, al- Dāwudī, lorsqu’il fait la distinction entre les deux groupes de Suswāla, précise bien le sort réservé à chacun. La pression exercée par l’autorité religieuse urbaine amena les éléments de cette communauté à dissimuler leur religion en la pratiquant secrètement dans les maisons.
48Les textes narratifs rapportent les campagnes de djihad organisées par le pouvoir politique, avec le soutien des juristes, contre les communautés rurales autochtones dans le Maghreb médiéval. Les princes zirīdes se distinguèrent dans ces pratiques bien avant les Almoravides et les Almohades. Ainsi, Ibn ‘Iḏārī al-Marrākušī rapporte fidèlement des razzias exercées par Bulukīn b. Zirī (361373/972-984) contre les Barġawāṭa au cours desquelles les hommes, les femmes et les enfants furent capturés et ramenés à Kairouan où ils furent réduits en esclavage128. L’alliance entre le pouvoir dynastique et les juristes, comme détenteurs de l’autorité religieuse et juridique, est à l’origine de l’anéantissement ou de la conversion forcée129 des communautés rurales hérétiques, comme les Masālita et les Suswāla au Maghreb central130.
DES PROCESSUS D’ISLAMISATION MAL CONNUS
49Les processus et les instruments de l’islamisation du Maghreb central, comme dans la plupart des territoires du dār al-islām, sont peu connus. Les textes signalent le passage de quelques communautés à l’islam, mais sans fournir aucun détail. Les témoignages archéologiques manquent également. Les premières mentions de fondations de grandes mosquées sont tardives. Al-Bakrī131 montre l’existence de grandes mosquées dans toutes les villes et localités rurales, qui attestent d’une islamisation des communautés urbaines et rurales et permettent la circulation du savoir musulman. Mais nous n’avons aucun témoignage archéologique sur la fondation des mosquées au cours du premier siècle musulman au Maghreb central132. Cependant, la présence remarquable des matériaux antiques dans les grandes mosquées de Constantine et de Mila (Sīdī Ġānam) montre bel et bien une transformation des lieux de culte antiques en mosquées par les musulmans. Même s’il est impossible de les dater avec précision, en l’absence de travaux archéologiques, il est possible de déduire que ces mosquées ont été fondées durant le premier siècle de la domination arabe, à la suite d’une conversion des communautés urbaines, et que leur construction a coïncidé avec les transformations des villes antiques en médinas médiévales à impasses, mieux adaptées à un mode de vie conforme aux prescriptions de la religion musulmane133. Le martelage des représentations animales et humaines figurées, dans les anciens édifices transformés, ou les matériaux réemployés attestent de ces transformations des paysages urbains. Malheureusement, la destruction des sites archéologiques par les fouilles du xxe siècle qui recherchaient les traces de Rome134 et par l’extension urbaine actuelle complique la mise en évidence de témoignages archéologiques sur l’islamisation.
50Ce même problème de la transition se pose pour le peuplement rural, l’absence quasi totale de fouilles archéologiques en Algérie empêchant de connaître avec précision la période des conversions à l’islam et les transformations de l’habitat et des paysages ruraux.
51Les témoignages numismatiques manquent aussi pour cette première période. Nous n’avons que des pièces de monnaie frappées par les dynastes arabes installés sur les territoires agricoles du Maghreb central. Ainsi, le plus ancien des sept dirhams frappés par les Sulaymanides135, une dynastie ‘alide, remonte seulement à 256/870, attestant une pénétration islamique au milieu des communautés agricoles de la région qui s’étendait de Ḥamza à Tlemcen. C’est un témoignage tardif par rapport aux données textuelles.
52Comment donc connaître les causes et les voies des conversions. ?
53Les premières conversions furent essentiellement rurales. On peut évoquer les structures tribales comme une des voies de la conversion massive ; la conversion des chefs amenait la communauté à la nouvelle religion, comme ce fut le cas avec les Ğarāwa par exemple. La majorité écrasante de ces communautés tribales étaient païennes, mais elles n’étaient pas étrangères au développement du monothéisme chrétien et judaïque136. On ne sait pas grand-chose des missionnaires envoyés pour les convertir bien avant la mission décidée par le calife ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azīz. Y avait-il des missionnaires qui auraient joué le rôle des ordres religieux dans l’Occident chrétien ? Quelles langues parlaient-ils ? Quels étaient les lieux de diffusion de l’islam primitif au Maghreb central ? Quel était le rôle de l’appareil d’État dans cette diffusion avant l’émergence des premiers groupes de théologiens dans les cités urbaines et dans les ribāṭ-s137 ? Ce sont des questions qui demeurent encore sans réponse. De même, l’approche proposée par Richard Bulliet138, qui considère que la profusion des noms musulmans traduit la diffusion de l’islam dans la société, ne peut pas être appliquée dans le Maghreb central, en raison d’une part de l’absence d’un dictionnaire biographique local dans les premiers siècles, et d’autre part du maintien de l’identité linguistique régionale dans plusieurs contrées du Maghreb central, qui montre une population islamisée mais gardant ses langues vernaculaires139. On a aussi avancé la fiscalité comme un indice d’islamisation, mais malheureusement nous n’avons pas de documents fiscaux, et même dans les textes juridiques et géographiques le mot ḫarāğ a perdu son sens précis pour un sens générique désignant l’ensemble de revenus d’une région. De même, la ğizya aurait pris la forme d’un impôt en êtres humains chez les Berbères chrétiens tout au long du dernier quart du premier siècle de l’hégire, mais après cette date, nous n’avons pas de données chiffrées140. La conversion des gens du Livre présente un indéniable intérêt pécuniaire, car elle évite le versement de l’impôt de capitation.
54À partir du iie/milieu du viiie siècle, il ressort des témoignages textuels qu’un véritable prosélytisme fut exercé par les réseaux constitués par les missionnaires ibaḍītes et ṣufrītes. Mais aucun lien ne peut être établi entre les conversions à l’islam et la première propagande ḫariğīte. Peut-on encore parler d’une consolidation de l’islamisation ? Ces mêmes communautés tribales étaient déjà islamisées avant les activités ḫariğītes. Il s’agit en effet d’une dissidence dans l’Islam maghrébin, car les premiers convertis autochtones se voyaient dominés par une élite militaire arabe, ce qui les incita à adopter un islam contestataire, le ḫariğīsme.
55La circulation des traditions (ḥaḍīṯ-s) attribuées au Prophète de l’islam est attestée par notre documentation. Une première catégorie de ces traditions méprisait les Berbères, poussant ces derniers à revendiquer une origine arabe. Une seconde catégorie visait à inciter les gens à se joindre aux lieux de culte musulmans. Il est impossible de les dater avec précision, mais elles auraient joué un rôle dans les processus de l’islamisation141. Ces traditions inventées au cours des premiers siècles musulmans donnaient à des lieux de culte antiques, transformés en hauts lieux de l’Islam maghrébin, un caractère vénéré. Le Monastir (monasterium) en est un exemple : « Sur le littoral de Qamūniyya, il y a une des portes du Paradis que l’on appelle al-Munastīr. On y entre par la faveur de la miséricorde de Dieu et on en sort par l’effet de son pardon142. » Il en est de même dans le Djebel Nefoussa, où d’anciennes églises, devenues des mosquées dites apostoliques (ḥawāriyīn), étaient vénérées, ou à Gafsa (antique Capsa), importante cité de tradition chrétienne latine, où l’église a été reconvertie en une mosquée vénérée (masğid al-Ḥawāriyīn)143. Mais un peu plus tard, des traditions, inventées elles aussi, donnent une autre image des Berbères comme porteurs du message divin en Occident musulman144. Cela montre que le besoin de la propagande était à l’origine des traditions qui circulaient tout au long des premiers siècle de l’Islam, notamment autour des lieux de culte.
CONCLUSION
56La lecture des textes arabes montre la complexité des processus de l’islamisation du Maghreb central tout au long de la première période musulmane. Une conversion massive des autochtones intervint après la fin de la résistance de la Numidie, région marquée par l’ancrage de la tradition chrétienne autochtone, latine et byzantine. Mais elle ne tarda pas à se joindre à la culture musulmane, à l’exception des communautés chrétiennes installées dans les cités formant l’ancien système défensif byzantin, qui continuèrent à professer leur foi jusqu’à la fin du xe siècle. Cette conversion, dans des circonstances mal établies, n’a pas fait disparaître totalement la tradition chrétienne, car ces nouveaux convertis continuaient à s’opposer aux élites militaires et tribales arabes des cités du Zāb. De même, la conversion autochtone amena certaines communautés tribales rurales à adopter une forme islamo-autochtone de croyances religieuses, marquée par une intégration du monothéisme musulman à des croyances anciennes, à l’image de la déesse Tanit.
57La constitution de réseaux urbains puis ruraux fut à l’origine de la propagation de l’islam et de la culture arabe. À partir de la deuxième moitié du iie/viiie siècle, des réseaux ibaḍīte, ṣufrīte, mu‘tazilīte, ‘alīde puis sunnīte ont été formés, permettant à la culture islamique de pénétrer des communautés autochtones, superficiellement islamisées, et des communautés chrétiennes. La construction des mosquées et la transformation des anciennes églises symbolisaient la large diffusion de l’islam. Le pouvoir politique des Aġlabīdes, comme des Sulaymanīdes et des Rustumīdes, a instrumentalisé progressivement ces réseaux à des fins politiques. Les communautés rurales, devenues proches du pouvoir politique ou point de départ d’une prédication religieuse, connurent une intégration rapide à l’Islam, comme dans le cas des Kutāma par exemple. Des pratiques sociales coutumières furent islamisées ou intégrées dans le savoir juridique urbain. Dans ces cas, l’islam fut généralement le résultat d’une acculturation de ces communautés rurales par la culture arabo-islamique.
58Des réseaux mystiques se sont développés dans des régions chrétiennes tardivement islamisées, comme à Monastir et à Tozeur. À Gafsa et dans le Djebel Nefoussa, les lieux de culte anciens ont été intégrés dans les traditions musulmanes145. De Tozeur était originaire le grand saint patron de la Qal‘a des Banī Ḥammād, Ibn al-Naḥwī (m. 513/1119)146, qui forma des réseaux mystiques dans le Maghreb central et extrême, permettant la circulation d’une forme spirituelle de l’islam, qui préparait le chemin à l’émergence des réseaux confrériques autour des zaouïas.
59Enfin, il faut souligner que les textes arabes s’inscrivent dans le cadre d’une littérature élitaire, de cour ou émanant de groupes sociaux urbains. Cette écriture urbaine a tendance à sous-estimer les communautés rurales, considérées comme une source de dissidences et de rébellions. La vision de l’islamisation que nous avons du monde rural est essentiellement urbaine. Il faut attendre les derniers siècles du Moyen Âge pour avoir une vision locale des communautés rurales grâce à leur intégration aux réseaux confrériques et à l’élaboration d’un savoir écrit, mais dans un autre contexte marqué par l’émergence des ordres de zaouïas, synomyme d’une islamisation totale des populations.
Notes de bas de page
1 Les auteurs égyptiens de notre époque continuent à souscrire à l’idée d’une islamisation totale qui accompagna les expéditions militaires. Cf. à titre exemple. Ḥasan Aḥmad Maḥmūd et Munā. Ḥasan Maḥmūd, Tārīḫ. al-Maġrib wa-l-Andalus min al-fatḥ. al-‘arabī. ḥattā suqūṭ. al-. ḫilāfa, Le Caire, 1999, p. 24-27.
2 E. Mercier, Histoire de l’établissement des Arabes dans l’Afrique septentrionale selon les documents fournis par les auteurs arabes et notamment par l’Histoire des Berbères d’Ibn Khaldoun, Constantine, 1875, p. 65.
3 G. Marçais, La Berbérie musulmane et l’Orient au Moyen Âge, Paris, 1946, rééd. Casablanca, 1991, p. 35-40.
4 É.-F. Gautier, L’islamisation de l’Afrique du Nord : les siècles obscurs du Maghreb, Paris, Payot, 1927, p. 28-29, 221-273. Les propos de Gautier ont été repris par Gabriel Camps, Les Berbères, mémoire et identité, Paris, 1980, p. 135-136, et W. Marçais, « Les siècles obscurs du Maghreb d’É.-F. Gautier », Articles et conférences, Alger, 1961 (Publications de l’Institut d’études orientales, 21), p. 69-82
5 R. Le Tourneau, « Le Moyen Âge et les temps modernes », Revue africaine, 100, 1956, p. 125.
6 M. Dall’Arche, Scomparsa del cristianesimo ed espansione dell’islam nell’ Africa Settentrionale, Rome, 1967, p. 152-156.
7 F. Donner, The Early Islamic Conquests, Princeton, 1981, p. 267-271.
8 Des études régionales sur l’islamisation ont été menées depuis une trentaine d’années. Cf. à titre exemple G. C. Anawati, « Factors and effets of arabization and islamization in Medieval Egypt », Islam and Cultural Change in the Middle Ages, éd. S. Vryonis, Wiesbaden, 1975, p. 17-41 ; J. Cuoq, Histoire de l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest des origines à la fin du xvie siècle, Paris, 1984 ; J.-M. Mouton, « L’islamisation de l’Égypte au Moyen Âge », Chrétiens du monde arabe : un archipel en terre d’Islam, Paris, 2003, p. 110-126 ; C. Jalabert, Hommes et lieux dans l’islamisation de l’espace syrien (Ier/viie-viie/xiiie siècles), thèse de l’université Paris.1 Panthéon-Sorbonne, sous la dir. de F. Micheau, 2004.
9 R. W. Bulliet, Conversion to Islam in the Medieval Period. An Essay in Quantitative History, Cambridge (Mass.), 1979.
10 .Ibid., p. 16-32.
11 Ibid., p. 92-103.
12 Parmi les travaux qui symbolisent l’orientation des recherches dans les quarante dernières années, on peut citer A. Laroui, Histoire du Maghreb, essai de synthèse, Paris, 1970 ; M. El-Fasi, « L’islamisation de l’Afrique du Nord », Histoire générale de l’Afrique, III, L’Afrique du viie au xie siècle, dir. M. el-Fasi, Paris, 1990, p. 84-92 ; P. Chalmeta, Invasión et Islamización. La Sumisión de Hispania y la formación de al-Andalus, Jaén, 2003.
13 H. Djaït, « La conquête arabe et l’émirat », Histoire de la Tunisie, Tunis (s.d.), p. 66-67.
14 M. Sadok Bel Ochi, La conversion des Berbères à l’islam, Tunis, 1981, p. 144-145.
15 C. Sarnelli Cerqua, « Islamisation et arabisation de l’Afrique du Nord », Maghreb médiéval. L’apogée de la civilisation islamique dans l’Occident arabe, Aix-en-Provence, 1991, p. 59-62.
16 M. Talbi, « La conversion des Berbères au ḫariğisme ibaḍīto-ṣufrīte et la nouvelle carte politique du Maghreb au iie/viiie siècle », Id., Études d’histoire ifriqiyenne et de civilisation musulmane médiévale, Tunis, 1982, p. 14-17.
17 M. Isma‘il, Al-Adarisa (172-375), aqa’iq gadida, Le Caire, 1991, p. 44-45.
18 M. Brett, « The islamisation of Morocco from the Arabs to the Almoravids », Journal of the Society for Maroccan Studies, 2, 1992, p. 57-71 (= Ibn Khaldun and the Medieval Maghrib, Aldershot, 1999, I).
19 Ḥ. . ‘Amāmū, Islām al-ta’sīs bi-bilād al-Maġrib min al-futūḥāt ilā żuhūr al-niḥal, Tunis, 2001, p. 119-121.
20 Parmi ces travaux, citons à titre exemple Ch. Courtois, « Grégoire.VII et l’Afrique du Nord, remarques sur les communautés chrétiennes d’Afrique au xie siècle », Revue historique, 195, 1945, p. 97-122 et p. 193-226 ; M. Talbi, « Hérésie, acculturation et nationalisme des Berbères barġawāṭa », Actes du premier Congrès d’études des cultures méditerranéennes d’influence araboberbère, Alger, 1973, p. 217-233, rééd. Id., Études d’histoire ifriqiyenne, op. cit., p. 81-104 ; T. Lewicki, Études maghrébines et soudanaises, Varsovie, 1978-1983 ; V. Prévost, « Les dernières communautés chrétiennes autochtones d’Afrique du Nord », Revue de l’histoire des religions, 224/4, 2007, p. 461-483.
21 Ces traditions qui « se recopient en général les unes les autres » ont été en grande partie analysées par Évariste Lévi-Provençal, « Un nouveau récit de la conquête de l’Afrique du Nord par les Arabes », Arabica, 1/1, 1954, p. 17-52. L’auteur a donné une présentation critique de ces récits, notamment ceux d’Ibn ‘Iḏārī al-Marrākušī et d’Ibn ‘Abd al-Ḥalīm.
22 Al-Bālaḏurī, Kitāb futūḥ. al-buldān, Beyrouth, 2000, p. 228-229.
23 Al-Imāma wa-l-siyāsa dit Tārīḫ. al-. ḫulafā’, Sousse, 1997, vol. II, p. 293.
24 Sur la lecture critique des récits d’Ibn ‘Abd al-.akam, cf. R. Brunschvig, « Ibn ‘Abd al-Hakam et la conquête de l’Afrique du Nord par les Arabes : étude critique », Annales de l’Institut d’études orientales, 6, 1942-1949, p. 110-155.
25 Ibn ‘Abd al-. Ḥakam, Futūḥ. Miṣr wa-l-Maġrib, éd. ‘A. M. ‘Umar, Le Caire, 1995, p. 229. En lisant le préambule et le colophon, on apprend que le présent texte d’Ibn ‘Abd al-. Ḥakam a été consigné au viie/xiie siècle après une transmission orale depuis le temps de l’auteur.
26 Ibid., p. 246.
27 Abū-l-‘Arab, Ṭabaqāt ‘ulamā’ Ifrīqiyya wa-Tūnis, éd. ‘A. al-Šābbī, H. al-Yāfī, Tunis, 1968.
28 Abū Bakr al-Mālikī, Riyyāḍ. al-nufūs fī. ṭabaqāt ‘ulamā’ al-Qayrawān wa-Ifrīqiyya, éd. B. al-Bakkūš, Beyrouth, rééd. 1994, 2.vol.
29 Ibid., vol. I, p. 3-4.
30 Ibid., p. 5-9.
31 Ibid., p. 7.
32 Ibid., p. 32-32.
33 Ibid., p. 33-56. Ces mêmes affirmations sont rapportées dans le fragment anonyme attribué par al-Munğī al-Ka‘bī à al-Raqāqī, Tārīḫ. Ifrīqiya wa-l-Maġrib, 1968, rééd. Tunis, 2005, p. 84-85.
34 Al-Mālikī, op. cit., p. 57.
35 Ibn al-Aṯīr, Al-Kāmil fī-l-tārīḫ., Beyrouth, 1983, vol. IV, p. 105-110, 539-540.
36 Al-Nuwayrī, Nihāyat al-arab fī funūn al-adab, éd. Ḥ. Naṣṣār, ‘A. al-‘A. al-Ahwānī, Le Caire, 1983, vol. 24, p. 7-40.
37 On n’est pas certain du fragment trouvé et publié plusieurs fois par al-Munğī al-Ka‘bī et d’autres, dont l’attribution pose problème, car il s’agit d’une copie acéphale qu’on ne peut attribuer sans fondements.
38 Ibn Ḫaldūn, Kitāb al-‘ibar wa-dīwān al-mubtada’ wa-l-.ḫabar fi ayyām al-‘arab wa-l-‘ağam wa-l-barbar wa-man ‘āṣarahum min.ḏawī al-sulṭān al-akbar, Beyrouth, (s.d.), vol. xI, p. 220. Trad. de la partie concernant le Maghreb par W. Mac Guckin De Slane, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, Alger, 1852-1856, nouv. éd. revue de P. Casanova, Paris, 1956, rééd. Paris, 1969, vol. I, p. 215.
39 Ibn Abī Zayd, Kitāb al-ğāmi‘ fi-l-sunan wa-l-ḥikam wa-l-maġāzī wa-l-tārīḫ., éd. A. M. Turki, Beyrouth, 1990.
40 Al-Nuwayrī, op. cit., vol. 24, p. 59.
41 Ibn ‘Abd al-. Ḥalīm, Kitab al-ansāb, éd. M. Ya‘lā, Tres textos sobre Berebéres en el Occidente Islámico, Madrid, 1996, p. 62-70, Bāb fī. ḏikr aqwām min ahl al-Maġrib waṣalū ilā al-Nabī.
42 Ibid., p. 79-87.
43 Ibid., p. 94.
44 Ibid., p. 97.
45 Kitāb mafāḫir al-Barbar, éd. M. Ya‘lā, Tres textos, op. cit., p. 237.
46 Ibn ‘Iḏārī al-Marrākuši, al-Bayan al-muġrib fi aḫbār al-Andalus wa-l-Maġrib, éd. É. Lévi-Provençal, G. S. Colin, Beyrouth, vol. I, p. 8-24.
47 Ibid., p. 36.
48 Ibid., p. 42.
49 Ibid., p. 52.
50 Ibn Sallām al-Luwwātī (m. 274/887), Kitāb bad’ al-islām wa-šarāi‘ al-dīn, éd. S. b. Ya‘qūb et al., al-Islām wa-tārīḫih min wağhat naẓar ibāḍiyya, Beyrouth, 1985, p. 109-148.
51 M. Arkoun, « L’expansion de l’Islam dans la Méditerranée occidentale. Essai de définition de thèmes de recherche », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 20, 1975, p. 150.
52 Ibn al-Faqīh al-Hamaḏānī, Kitāb al-buldān, Beyrouth, 1996, p. 133-136.
53 Ibid., p. 135.
54 Al-Mas‘ūdī, Aḫbār al-zamān wa man abādahu al-.ḥadaṯān wa ‘ağā’ib al-buldān wa-l-ġāmir bi-l-mā’ wa-l-‘umrān, Beyrouth, 1966, p. 102-103.
55 Al-Ya‘qūbī, Kitāb al-Buldān, éd. M. J. De Goeje, rééd. Francfort, 1992 ; trad. G. Wiet, Le Caire, 1937.
56 Al-Ya‘qūbī (op. cit., p. 350/213) écrit : «. Ṭubna, résidence des administrateurs de la région du Zab, dont la population est très mélangée, comprend des qurayš, des Arabes, des ğund, des non-Arabes, des Afāriqa, des Rūm et des Berbères. »
57 G. Marçais, « La Berbérie au ixe siècle d’après El-Ya’qoûbi », Revue africaine, 386-387, 1941, p. 48-49.
58 M. Vonderheyden, La Berbérie orientale sous la dynastie des Benoû l-Arlab (800-909), Paris, 1924, p. 66.
59 Dall’Arche, op. cit., p. 9.
60 H. Djaït, « L’Afrique arabe au viiie siècle (86-184/705-800) », Annales, économies, sociétés et civilisations, 28/3, 1973, p. 613.
61 Le mot Rūm apparaît dans la littérature arabe pour désigner indifféremment les Romains, les Byzantins et les chrétiens melkites. Cf. N. El Cheikh, « Rum », Encyclopédie de l’Islam2, vol. VIII, p. 620. T. Lewicki, « Une langue romaine oubliée de l’Afrique du Nord : observations d’un arabisant », Rocznik orientaliotyczny, 17, 1951-1952, p. 421, estime que les Rum du Zab et de qas.iliya ont été islamisés récemment par rapport à ceux du Nord du Maghreb.
62 Depuis la publication de l’ouvrage magistral de Charles Diehl, L’Afrique byzantine, histoire de la domination byzantine en Afrique (533-709), Paris, 1896, la pénétration byzantine au sud de l’Aurès a fait l’objet d’un débat. Pierre Morizot, « À propos des limites méridionales de la Numidie byzantine », Antiquités africaines, 35, 1999, p. 151-167, a synthétisé les différentes opinions sur cette pénétration, concluant qu’elle reste une question entière en l’absence de fouilles archéologiques.
63 Les documents vandales découverts dans la région de Guelma, dans l’Est algérien, montrent le maintien de la culture romaine parmi les populations urbaines après l’effondrement de Rome : « L’extraordinaire continuité des institutions, du droit, et plus généralement du mode de vie romains qu’elles révélaient en Afrique, plus d’un demi-siècle après l’effondrement de l’empire romain dans cette région […]. Le seul indice évident de la présence germanique sur les tablettes est le nom du roi Gunthamund (484-496), utilisé pour dater les documents. » Y. Modéran, « Documents vandales : les tablettes Albertini et les Ostraka de Bir Trouch », Algérie antique, Arles, 2003, p. 250.
64 À travers l’étude de Caesarea (Cherchell), Philippe Leveau, Caesarea de Maurétanie, une ville romaine et ses campagnes, Rome, 1984 (Collection de l’École française de Rome, 70), p. 214214, a montré une christianisation de la société de cette cité et des habitants de son territoire rural, qu’on peut déterminer par les villae, mais son église n’échappa pas aux problèmes posés à l’Église africaine par le schisme donatiste.
65 Sur le christianisme romain, cf. F. Decret et M. Fantar, L’Afrique du Nord dans l’Antiquité, des origines au ve siècle, Paris, 1981, p. 276-304.
66 J. Mesnage, « Le christianisme en Afrique, origines, développements, extension », Revue africaine, 57, 1913, p. 440-658.
67 Ibn al-. Ṣaġīr, Aḫbār al-a’imma al-rustumiyīn, éd. M. Nacer, I. Bahhaz, Beyrouth, 1986, p. 108.
68 Ibid.
69 ‘A. al-K. al-Šablī, Dīwān al-ğund bi-Ifrīqiya ila. ḥadd al-‘ahd al-zīrī, thèse de doctorat, université de Tunis 1, 2003 ; vol. I, p. 245.
70 Plusieurs localités et villes du Maghreb central sont mentionnées, comme Tāhart, Constantine, Ténès… Cf. al-Muqaddasī, Aḥsan al-taqāsīm fī ma‘rifat al-aqālīm, Leyde, 1906, p. 318-336.
71 Ibn. Ḥawqal, Kitāb. Ṣūrat al-arḍ, Beyrouth, 1992, p. 64.
72 Ibid., p. 64-78.
73 Ibid., p. 38.
74 Al-Idrīsī, dans Uns al-Muhağ wa raw. al-farağ, éd. fac-similée, F. Sezkin, Francfort, 1984, f. 278, mentionne Dufana comme une localité située à l’ouest de Bagay, sur la route qui menait à. Ṭubna, mais il ne la décrit pas. P.-L. Cambuzat, L’évolution des cités du Tell en Ifrîkiya du viie au xie siècle, Alger, 1986, vol. II, p. 82, propose de la localiser près de Timgad, antique Thamugadi.
75 Ibid., p. 85.
76 Al-Bakrī, al-Masālik wa-l-mamālik, éd. Ğ. . Ṭalba, Beyrouth, 2003, vol. II, p. 228.
77 Ibid., p. 229-254.
78 Ibid., p. 230.
79 Al-Bakrī cite Abū ‘Abd Allāh al-Malšunī et son fils Isḥāq, comme deux savants de Malšūn, une oasis de Biskra, connus pour leur savoir. Ibid., vol. II, p. 231.
80 Des tribus arabes s’étaient installées dans les villes de Mila, Sétif, Ballazma, Ṭubna, Banṭiyūs, Ṭulqa et Tahuda (Thabudos).
81 Les Sadrāta, Maġrāwa, Banū. Ḫazar et Banū Yazmartī habitaient autour de Biskra. Ibid., p. 230.
82 Les trois lettres de Grégoire.VII sont les derniers documents qui attestent l’existence d’un épiscopat africain. Cf. P. de Cenival, « Le prétendu évêché de la Kal’a des Beni-Hammad », Hesperis, 15, 1932, p. 1.
83 Al-Bakrī, op. cit., vol. II, p. 247.
84 Ibid., p. 249, 251.
85 Charles Diehl, cité par Cambuzat, op. cit., vol. I, p. 51.
86 Al-Bakrī, op. cit., vol. II, p. 259.
87 L. de Mas Latrie (Relations et commerce de l’Afrique septentrionale ou Maghreb avec les nations chrétiennes au Moyen Âge, Paris, 1886, p. 124-127) affirme à tort que la communauté chrétienne de la qal‘a provenait d’une colonie nombreuse de chrétiens berbères qui vint peupler la ville lors de sa fondation. Il fait ainsi allusion aux Garawa, qui s’installèrent dans la capitale.ammadide sur les ordres de.ammad. Cette idée a été largement reprise par les auteurs. Ainsi, L. Miquesse (« Notice sur la Kalaa des Beni-Hammad », Revue africaine, 30, 1886, p. 294-296) note que.ammad fit venir dans la ville des juifs et des chrétiens de l’Aurès. L’origine berbère et africaine des chrétiens de la cité.ammadide est admise par Mercier, op. cit., vol. II, p. 8, et par L. M. E. de Beylié (La Kalaa des Beni-Hammad, une capitale berbère de l’Afrique du Nord au xie siècle, Paris, 1909, p. 20). quant à Jehan Mesnage (Le christianisme en Afrique, déclin et extinction, Alger-Paris, 1915, p. 206-207), il suggère qu’il s’agissait de chrétiens indigènes qui avaient dû se réfugier, lors de la conquête arabe, dans les montagnes du Hodna et dans la Grande Kabylie.
88 Ibn.aldun, op. cit., vol. VI, p. 171, trad., vol. II, p. 43.
89 Cenival, art. cité, p. 9-10. Le passage de Paul Diacre laisse penser que les chrétiens de la qal‘a étaient issus de l’immigration.
90 Dans le passage de Paul Diacre, traduit par P. de Cenival, art. cité, p. 5-6, on lit : « Il se leva et alla à la maison du khalifa (domum callifae) qui regardait l’église (luminebat ; ou qui dominait l’église, imminebat ; ou qui était près de l’église, liminabat). […] Alors le roi publia une décision autorisant les chrétiens à entrer librement dans les églises. »
91 Mas Latrie, op. cit., p. 33. Cette hypothèse a été reprise par Beylié, op. cit., p. 13, et Gautier, op. cit., p. 348.
92 Courtois, art. cité, p. 203-205.
93 Cenival, art. cité, p. 9.
94 Collection privée de M. ‘Abd al-Raḥmān Frāḥtiyya conservée dans la localité de Béchara.
95 Al-Baydaq, op. cit., p. 53, trad., p. 80.
96 Les régions de qasṭīlyya et de Nafzāwa ont conservé leur tradition chrétienne jusqu’au xiiie siècle. Le Sud de l’Ifriqiya connaissait donc les dernières communautés chrétiennes autochtones de l’Afrique du Nord. Prévost, art. cité, p. 462-464.
97 Cf. H. Bresc, « Le royaume normand d’Afrique et l’archevêché de Mahdiyya », dir. M. Balard, A. Ducellier, Le partage du monde, échanges et colonisation dans la Méditerranée médiévale, Paris, 1998, p. 347-361.
98 Courtois, art. cité, p. 121.
99 Sur la communauté chrétienne du Sud de l’Ifriqiya, on se reportera à Prévost, art. cité, p. 464-469.
100 M. De Epalza, « Note de sociologie religieuse médiévale : la disparition du christianisme au Maghreb et à al-Andalus », Mélanges offerts à Mohamed Talbi, Tunis, 1993, p. 72.
101 M. Talbi, « Le christianisme maghrébin de la conquête musulmane à sa disparition : une tentative d’explication », Conversion and Continuity. Indigenous Christian Communities in Islamic Lands Eighth to Eighteenth Centuries, éd. M. Gervers, R. J. Bikhazi, Toronto, 1990, p. 331.
102 J.-P. Molénat, « Sur le rôle des Almohades dans la fin du christianisme local au Maghreb et en al-Andalus », Al-Qan.ara, 18/2, 1997, p. 410-412.
103 H. Teissier, « Disparition de l’ancienne Église d’Afrique », Histoire des chrétiens d’Afrique du Nord, Paris, 1991, p. 60.
104 Il faut noter un événement important rapporté par al-Nuwayri : les communautés qui habitaient les marges de l’Ifriqiya (a.raf) avaient subi des expéditions répressives menées par Musa b. Nu.ayr et son fils ‘Abd Allah. Nous savons que les cités de ces marges étaient habitées à cette époque par des communautés chrétiennes. Al-Nuwayri, op. cit., vol. 24, p. 39.
105 Cf. à titre exemple H. Z. Hirschberg, « The problem of the judaized Berbers », Journal of African History, 4/3, 1963, p. 313-339.
106 Ibn.aldun, op. cit., p. 214/208 (traduction revue et corrigée).
107 Cf. Y. Le Bohec, « Inscriptions juives et judaïsantes de l’Afrique romaine », Antiquités africaines, 17, 1981, p. 165-207.
108 M. Hadas-Lebel, « Les juifs en Afrique romaine », Histoire communautaire, histoire plurielle : la communauté juive de Tunisie, Tunis, 1999, p. 101-111 ; S. Sehli Kooli, « Les juifs en Afrique romaine d’après Tertullien et saint Augustin », ibid., p. 125-133.
109 Fatwāḫ d’al-Laḫmī dans Muḫtaṣar masā’il al-aḥkam mimmā nazala min al-qa.aya li-l-muftin wa-l-.ukkam, Bibliothèque nationale de Tunis, no.18356, f. 46.
110 H. Toukabri, « La communauté juive de l’Ifrīqiya au temps des Fatimides et des Zirides », Histoire communautaire, op. cit., p. 136-139.
111 Al-Idrīsī, Nuzhat al-muštāq fī iḫtirāq al-āfāq, trad. du chevalier Jaubert, revue par A. Nef, Idrīsī. La première géographie de l’Occident, Paris, 1999, p. 195.
112 Sh. D. Goitein, Letters of Medieval Jewish Traders, Princeton, 1973, p. 98-99.
113 N. A. Stillman, « Un témoignage contemporain de l’histoire de la Tunisie ziride », HesperisTamuda, 13, 1972, p. 42.
114 Yāqūt al-.Ḥamawi, Mu‘ğam al-buldān, Beyrouth, 1977, vol. V, p. 371.
115 T. Lewicki, « Une communauté chrétienne dans l’oasis de Ouargla au xe siècle », Études maghrébines, op. cit., p. 85-88.
116 Al-Darğīnī, Kitāb. ṭabaqāt al-maša’i. bi-l-Magrib, éd. I. .allay, Constantine, 1974, vol. I, p. 155.; S. D. Goitein, A Mediterranean Society, vol. I, Economic Foundations, Berkeley-Los Angeles, 1967, p. 63.
117 Cette lettre est écrite par Ben Berekhya Joseph à Abu-l-Farag Yusuf b. ‘Awqal. Voir le texte intégral dans Stillman, « Un témoignage », art. cité, p. 39.
118 H. Z. Hirschberg, A History of the Jews in North Africa, Leyde, rééd. 1974, vol. I, p. 111. Ce célèbre personnage composa plusieurs œuvres, dont le Talmud Qatan, et rédigea de nombreuses responsa. H. Zafrani, « Le judaïsme maghrébin entre l’Orient et l’Occident musulman », Actes du deuxième Congrès international des cultures de la Méditerranée occidentale, Alger, 1978, vol. II, p. 84.
119 G. Nahon, Métropoles et périphéries séfarades d’Occident : Kairouan, Amsterdam, Bayonne, Bordeaux, Paris, Jérusalem, 1993, p. 47.
120 .‘Imād al-Dīn Idrīs, ‘Uyūn al-aḫbār wa-funūn al-āṯār, éd. M. Yalaoui, Beyrouth, 1985, p. 416.
121 Les plus anciens textes juridiques malikītes de Kairouan n’accordent pas une grande place aux non-musulmans. Ainsi, Muḥammad b. Saḥnun (m. 256/870), auteur du plus ancien corpus juridique, ne mentionne la ğizya qu’une seule fois à propos du système fiscal. Muḥammad b. Saḥnun, Kitāb al-ağwiba, éd.Ḥ. al-‘Alwīnī, Tunis, 2000, p. 197. Les non-musulmans sont absents dans les consultations d’Ibn Abī Zayd al-Qayrawānī, Al-Fatāwa, éd. . .La.mar, Beyrouth, 2004. En revanche, Muḥammad b. . Ḥāriṯ. al-.Ḫušani, Uṣūl al-futyā fi-l-fiqh ‘alā maḏhab al-imām Mālik, éd. M. al-Mağdūb et al., Tunis, 1968, p. 431-437, aborde plusieurs questions relatives aux chrétiens et juifs (Bāb aḥkām al-.ḏimmī).
122 Abū-l-. Ḥasan al-Qābisī, al-Risāla al-mufaṣṣala fī aḥwāl al-muta‘allimīn, éd. A. F. al-Ahwānī, al-Ta‘līm fī ra’y al-Qābisī, Le Caire, 1945, p. 301. Traduction et analyse de ce passage par H.-R. Idris, « Fêtes chrétiennes célébrées en Ifriqiya à l’époque ziride x-xie, siècle » Revue africaine, 98, 1954, p. 261-276. « De même, il est blâmable d’accepter [des cadeaux] pour les fêtes des polythéistes au nombre desquelles figurent aussi : Nošl (milād), Pâques (fusḥ) et les Calendes de janvier (anbadās) chez nous, la Saint-Jean (al-ġibṭa) en al-Andalus et le baptême (al-ġaṭṭās) en Égypte. Ce sont toutes les fêtes de polythéistes à propos desquelles un maître qui enseigne les musulmans ne doit pas réclamer quoi que ce soit ; si, en l’occurrence, on lui apporte quelque chose, il se doit de le refuser même si on le lui offre gracieusement. »
123 Al-Dāwudī, Kitāb al-amwāl, éd. M. K. Šaḥāta, Rabat, 1987, p. 31.
124 Al-Dāwudī, cité par Ibn Ğuzay, al-Qawānīn al-fiqhiyya, Beyrouth, s. d., p. 97, est le premier malikīte du Maghreb à considérer le djihad comme obligatoire pour tout musulman luttant contre les infidèles. Il a remis en question l’opinion avancée par Saḥnūn qui consiste à considérer que le djihad est une sorte de « bénévolat » après la conquête du Maghreb.
125 Les Barġawāṭa formaient une confédération de tribus berbères qui fonda un royaume dans la Tāmasnā, le long du littoral atlantique du Maroc, entre Salé et Azemmour. Ce royaume fut créé après l’échec des révoltes.ufrites contre les représentants et les symboles du pouvoir omeyyade à Kairouan et au Maghreb au viiie siècle. Pour plus de détails sur les Barġawāṭa, cf. R. Le Tourneau, « L’Occident musulman du viie siècle à la fin du xve siècle », Annales de l’Institut d’études orientales, 16, 1958, p. 151 ; Talbi, « Hérésie », art. cité, p. 217-233 ; M. Redjala, « Les Bargawāta (origine de leur nom) », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 35, 1983, p. 115-125 ; M. Dernouny, « Aspects de la culture et de l’islam du Maghreb médiéval : le cas de l’hérésie Bergwata », Cultures populaires, peuples méditerranéens, 34, 1986, p. 89-97.
126 Sur Baal Hamoun et Tanit, cf. M. Kheir Orfali, « De Baal Hamoun à Saturne africain : les traces du culte en Algérie », Algérie antique, éd. Cl. Sintès, Y. Rebahi, Arles, 2003, p. 142158 ; Y. Aibeche, « De Cirta à Constantine : repères et histoire », Identités et cultures dans l’Algérie antique, éd. Cl. Briand-Ponsart, N. Abdelouahab, Rouen-Le Havre, 2005, p. 27.
127 Anonyme, Tārīḫ. al-Andalus, éd. ‘A. al-q. Būbāya, Beyrouth, 2007, p. 209. Même dans l’Antiquité, Tanit est considérée parfois comme une déesse parèdre de Baal et parfois comme une déesse de la fécondité et de l’accouchement. A. Berthier, La Numidie. Rome et le Maghreb, Paris, 1981, p. 168.
128 Ibn ‘Idārī al-Marrākuš, op. cit., vol. I, p. 237, écrit qu’un nombre impressionnant de captifs des Barġawāṭa furent exposés à Kairouan et à. Ṣabra al-Manṣuriyya en 370/981.
129 L’auteur anonyme de Tāriḫ. al-Andalus (op. cit., p. 209) rapporte que l’armée envoyée par le calife omeyyade al-Nāṣir tua. Ḥā mīm, le prophète des Gumāra, et ramena ses adeptes à l’islam. Ce même récit est rapporté par Ibn ‘Idārī al-Marrākušī, op. cit., vol. I, p. 192.
130 Cf. A. Amara, « Un texte méconnu sur deux groupes hérétiques du Maghreb médiéval », Arabica, 52/3, 2005, p. 348-372.
131 Al-Bakrī, op. cit., vol. II, p. 228-259.
132 On a souvent parlé d’une tradition apocalyptique (M. Cook, « An Early Islamic apocalyptic chronicle », Journal of Near Eastern Studies, 52, 1993, p. 25-29 (= Studies in the Origins of Early Islamic Culture and Tradition, Aldershot, 2004, Ix), qui aurait été à l’origine des constructions tardives de mosquées.
133 A. Lézine, Deux villes d’Ifriqiya, Sousse, Tunis, Paris, 1971, p. 170.
134 L’exemple le plus frappant est celui de Djemila (antique Cuicul), où les couches médiévales ont été systématiquement détruites. Un autre exemple vient de Tiddis (antique Castellum Tidditanorum), où les découvertes archéologiques montrent une occupation du site depuis la période préhistorique, se prolongeant jusqu’au début de la domination turque. Des pièces de monnaie antiques et des dénéraux musulmans ont été trouvés, mais ils ont été détachés de leur contexte historique, au profit des couches correspondant à la période romaine. Cf. le rapport des fouilles, A. Berthier, Tiddis, cité antique de Numidie, Paris, 2000, p. 282-319.
135 N. M. Lowick’s, « Monnaies des Sulaymanides de Suq Ibrahim et de Tanas », Revue numismatique, 20, 1983, p. 177-187.
136 Camps, op. cit., p. 136.
137 Une étude sur le rôle spirituel et miliatire du ribāṭ. a été publiée par Ch. Picard, A. Borrut, « Ribaṭa, ribāṭ., rābiṭa : une institution à considérer », dir. N. Prouteau, Ph. Sénac, Chrétiens et musulmans en Méditerranée occidentale viiie-xiiie siècle. Échanges et contacts, Poitiers, 2003, p. 33-65.
138 Bulliet, op. cit., p. 10.
139 L’identité onomastique du Maghreb central rural demeure berbère pendant les quatre premiers siècles de l’Islam. Al-Nuwayrī, op. cit., vol. 24, p. 156, rapporte bien une généalogie de Bulukīn b. Zīrī dans laquelle on lui donne une ascendance arabe, mais il s’agit là, comme souvent, d’une construction généalogique a posteriori et dénuée de fondement.
140 M. Talbi, L’émirat aghlabide (184-296/800-909), histoire politique, Paris, 1966, p. 31.
141 Ces traditions ont suscité des interprétations divergentes parmi les auteurs contemporains, tel Talbi, L’émirat aghlabide, op. cit., p. 18-24. Ces interprétations ont été reprises par A. Siraj, L’image de la Tingitane, l’historiographie arabe médiévale et l’Antiquité nord-africaine, Rome, 1995 (Collection de l’École française de Rome, 209), p. 185-187.
142 Abū Bakr al-Mālikī, op. cit., vol. I, p. 7 (trad. A. Siraj). Ces traditions circulaient encore au xive siècle autour du ribāṭ de Monastir, comme un lieu de mémoire des populations de l’Ifrīqiya. Al-Tiğānī, Riḥla, éd. H. H. Abdul Wahab, Tunis, rééd. 1981, p. 31-32.
143 Prévost, art. cité, p. 467.
144 Ibn Sallām, op. cit., chapitre « Les mérites des Berbères ».
145 Cf. Jalabert, op. cit., p. 219-220, pour l’intégration des lieux de culte de la Syrie et de Djéziré.
146 Pour la biographie et les activités d’Ibn al-Naḥwī, voir en particulier Ibn al-Zayyāt al-Tādilī,
al-Tašawwuf ilā riğāl al-taṣawwuf, éd. A. Faure, Rabat, 1958, p. 72 ; Ibn ‘Abd al-Malik al-Marrākušī, al-Ḏayl wa-l-takmila li-kitābay al-Mawṣūl wa-l-Ṣila, éd. M. Bencherifa,
Rabat, 1984, vol. VIII, t. 2, p. 434-436.
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