La mémoire fragile : falsification et destruction des documents publics au ier s. av. J.-C.
p. 121-147
Texte intégral
1On connaît les plaintes de Cicéron sur les imperfections du système d’archivage des lois à Rome à la fin de la République, et les mesures énergiques prises par Caton pour porter remède au fonctionnement défectueux de l'aerarium1. Outre les inconvénients mis en lumière par l’un et par l’autre : tradition fâcheuse de la conservation privée de certains documents élaborés par les magistrats et le sénat, faible compétence des jeunes magistrats en charge pour un an des archives publiques, autorité que s’arrogeaient les scribes, il se trouve que le choix des supports matériels et les conditions de transport des documents d’archives faisaient courir d’autres risques aux actes des autorités publiques, risques non négligeables si l’on en juge par la fréquence des allusions qui y sont faites2, ceux de la falsification et de la destruction. C’est ce point que l’on se propose d’étudier dans les pages qui suivent, en se limitant à deux affaires exemplaires des années 80 et à un type de documents, ceux qui concernent le statut civique et censitaire, avec l’idée que les ratés d’un système sont souvent éclairants et que les méthodes des faussaires devraient permettre d’affiner notre connaissance de celui-ci, qui seule importe.
2Le Pro Cluentio relate, parmi les nombreux méfaits que l’avocat de Cluentius attribue généreusement à Oppianicus, une affaire de falsification de documents du census municipal de Larinum, généralement utilisée comme argument dans le dossier de la juridiction pénale municipale sous la République, mais dont on essaiera de montrer qu’elle est en fait surtout révélatrice des procédures de conservation et de transmission des données du census et des risques qu’elles impliquaient.
3Les deux passages à prendre en compte sont les suivants : « les décurions ont jugé à l’unanimité qu’il avait falsifié les documents officiels du cens de Larinum », et : « aussi longtemps qu’il sera établi que c’est Oppianicus qui a été jugé coupable d’une falsification, effectuée de sa propre main, des documents officiels du municipe »3.
4Bien que la chronologie des événements rapportés par Cicéron dans ce discours soit, du fait d’une intervention consciente et volontaire de l’auteur, extrêmement embrouillée4, les opérations du census municipal auxquelles il est fait allusion peuvent être datées. Elles sont en effet postérieures à l’accession de Larinum au rang de municipe, après la Guerre Sociale5, et doivent se rattacher à un census effectivement accompli dans les années 89-746, qui sont celles des événements rapportés dans le discours7 : celui de 89 n’ayant pu être effectué complètement, et celui de 70 étant postérieur à la mort d’Oppianicus, survenue vers 728, c’est au census de 86-85 que Cicéron fait allusion9.
5Il faut dans un premier temps clarifier le sens de iudicare, employé à deux reprises par Cicéron à propos d’Oppianicus, une fois sans indication de l’organe qui a mis en œuvre cette procédure, quelle qu’elle soit, une fois avec référence expresse aux décurions du municipe10.
6Trois interprétations s’opposent : selon la première, iudicare marque un acte juridictionnel, en première ou en seconde instance après appel d’une amende infligée par un magistrat municipal, ce qui suppose donc qu’à cette époque les décurions exerçaient une juridiction pénale dans le domaine du faux en écritures publiques : cette opinion semble la plus représentée, et elle vient tout récemment d’être réaffirmée par U. Laffi11. Mommsen, séparant intervention des décurions et fonction juridictionnelle, voyait plutôt dans leur vote une invite adressée aux magistrats municipaux à mettre en route une procédure comitiale d’amende12. Enfin, Strachan-Davidson, F. de Martino et W. Simshäuser, excluant plus complètement encore que ne le faisait Mommsen toute intervention des décurions dans un procès effectivement intenté à Oppianicus, croient à l’expression d’un « vote de censure » à caractère seulement politique et moral13.
7A mon sens, les termes mêmes employés par Cicéron invitent à rejeter l’interprétation dominante : iudicare n’est pas condemnare ni damnare, verbes constamment et répétitivement employés par l’orateur à propos d’Oppianicus dans le Pro Cluentio, on est tenté de dire martelés, pour faire apparaître Oppianicus dans l’esprit des juges comme la figure du condamné par excellence14.
8Inversement, iudicium et iudicare sont utilisés par Cicéron en dehors de toute référence à un acte juridictionnel, pour marquer un jugement moral, la condamnation implicite d’un individu ou d’un acte, parfois à l’occasion du procès formel intenté à un autre. Ainsi dans le Pro Cluentio même : « mais le sénat unanime a jugé que ce tribunal avait été corrompu »15, ou dans les Philippiques, à propos précisément d’une affaire de falsification de documents publics : « nous (à savoir les sénateurs) avons jugé qu’il avait déposé des sénatus-consultes falsifiés »16.
9Plusieurs passages du Pro Cluentio montrent d’une part que condemnare, damnare, s’appliquent à une décision prise au terme d’une instance judiciaire formelle, alors que iudicare, iudicium, peuvent ne désigner au contraire qu’une condamnation morale sans portée juridique, et d’autre part que Cicéron, par une assimilation parfaitement captieuse, s’efforce d’amalgamer les deux sens au détriment d’Oppianicus17.
10Ces observations confortent évidemment la troisième interprétation, mais il faut dire aussi un mot de la position intermédiaire de Mommsen, qui attribue aux décurions de Larinum un rôle préliminaire dans la mécanique pénale. Cette interprétation laisse subsister bien des questions touchant à la cohérence du passage du Pro Cluentio : pourquoi Cicéron ne mentionne-t-il que l’étape initiale de la procédure ? L’instance elle-même a-t-elle eu lieu ? Oppianicus y a-t-il été condamné, et pourquoi Cicéron, si attentif à rassembler toutes les condamnations d’Oppianicus, n’en dit-il rien ? Le déroulement normal de la procédure a-t-il été perturbé ? Oppianicus a-t-il réussi à échapper au procès par quelque manœuvre ? En fait, à la lecture du texte, on ne peut s’empêcher de penser que le « jugement » d’Oppianicus par les décurions n’appelait aucune procédure subséquente.
11L’interprétation correcte me paraît donc la troisième, mais elle soulève à son tour des questions : si la décision défavorable prise par les décurions de Larinum à l’encontre d’Oppianicus n’a pas été une condamnation pénale, quelle en a été l’occasion ? La question doit être posée, puisque, si l’on met à part Strachan-Davidson et W. Simshäuser, pour qui l’intervention des décurions s’explique par une compétence juridictionnelle qui n’a pu s’exercer effectivement dans le cas d’Oppianicus pour cause de fuite de celui-ci et s’est trouvée limitée à une sorte de jugement par contumace, position qui revient en fait à supposer une compétence juridictionnelle théorique aux décurions dans ce genre de cas, l’autre auteur refusant de voir dans l’affaire qui nous occupe un acte de juridiction, F. De Martino, n’indique pas à quelle occasion les décurions de Lavinium ont été saisis.
12Or un passage de la Table d’Héraclée, dans lequel est réglementée la transmission à Rome des données du census local, fournit, me semble-t-il, une piste utile. Après avoir disposé que le magistrat revêtu de la charge la plus élevée dans les municipes, colonies et préfectures, effectuera localement les opérations nécessaires, la loi lui impose d’en faire retranscrire les données dans les tabulae publicae... municipi. L’étape suivante, celle de la transmission à Rome, est ainsi réglée : « et qu’il envoie ces livres par l’entremise des délégués que la majorité des décurions et inscrits a décidé, quand cette matière était débattue, de mandater et d’envoyer à cet effet à ceux qui effectueront le cens à Rome »18.
13A côté de l’autorité du magistrat19, portant sur l’accomplissement du census et l’enregistrement de ses résultats, les décurions exercent donc un contrôle subalterne, limité au choix des legati chargés de porter à Rome le support matériel sur lequel le magistrat a fait enregistrer ces résultats. Ils n’interviennent donc en fait que de manière ponctuelle au moment de la transmission, par le seul biais du choix des legati, que la loi, par une prudence significative, ne laisse pas cette fois au magistrat maître de la procédure jusqu’à cette étape. Mais un point important est bien établi : les décurions sont appelés à intervenir à un moment du processus complexe du census local, à un moment crucial même : alors que les opérations proprement dites, dans les colonies et municipes, se déroulent par la force des choses publiquement, et qu’à Rome, la collaboration nécessaire des deux censeurs constituait une forme de garantie au moment de l’archivage définitif, le point faible de la chaîne de transmission des données était bien leur transfert matériel. La loi dans sa prudence prévoit une pluralité de legati, et confie leur choix aux décurions, par précaution supplémentaire. Ceci constituait une innovation par rapport à la procédure exceptionnelle adoptée à titre de punition contre quinze colonies latines en 204, puisque dans leur cas les résultats du census local devaient être apportés à Rome et remis sous serment par les censeurs des colonies en personne20.
14C’est à ce titre, me semble-t-il, que les décurions de Larinum se sont prononcés sur le comportement d’Oppianicus : nullement au titre d’une quelconque fonction juridictionnelle, mais dans le cadre de la responsabilité qui leur incombait de veiller à la bonne transmission à Rome des résultats du cens et en exerçant un contrôle a posteriori sur l’accomplissement de la mission qu’ils avaient confiée à un legatus. On sait que les décurions jouaient un rôle dans l’organisation des ambassades en général : la loi césarienne de la colonie d’Urso soumet le choix des délégués, quel que soit l’objet de leur mission, à l’approbation de la majorité des décurions, et la loi municipale flavienne leur accorde également de larges pouvoirs dans le choix des legati, la fixation de leur uiaticum, prévoyant une action en amende au cas où un legatus ne se serait pas conformé aux instructions données par les décurions, ce qui suppose, d’une manière qui n’est pas spécifiée par la loi, une forme de vérification a posteriori, exercée par les décurions, de l’accomplissement des ambassades21.
15Bien entendu, le recours à un document aussi complexe et controversé que la Table d’Héraclée doit être explicité d’un mot : il y a désormais un assez large accord sur le fait qu’il s’agit d’un texte hétérogène, composé de parties de diverses leges rogatae du peuple romain, et plusieurs auteurs considèrent que la partie consacrée au census municipal peut remonter aux années qui suivent l’attribution de la citoyenneté aux Italiens par les lois de 90 et 8922. Il ne me paraît donc pas déraisonnable de présenter l’hypothèse que la règle énoncée par la table d’Héraclée était en vigueur en 86-85 av. J.C., au moment du census de Larinum, et qu’elle rend compte de l’intervention des décurions rapportée par Cicéron.
16Si l’on veut affiner l’hypothèse, il faut tenter de reconstituer les étapes du census de Larinum, et de préciser les circonstances de l’intervention délictueuse d’Oppianicus. Les deux seuls auteurs ayant à ma connaissance exprimé une opinion à ce propos sont Mommsen et Boyancé, de manière d’ailleurs aussi peu claire l’un que l’autre. Dans la notice « Larinum » du CIL IX23, Mommsen renvoie, à propos des quinquennales, au §41 du Pro Cluentio, qui fait état de l’atteinte portée par Oppianicus aux tabulae publicae censoriae (cf. n. 1). Faut-il comprendre que pour Mommsen Oppianicus a été quattuoruir quinquennalis de Larinum, et que c’est à cette occasion qu’il falsifia les données du cens ? Ou seulement que ce passage atteste l’existence d’un quinquennalis inconnu, qui fit rédiger ces tabulae qu’Oppianicus falsifia par la suite ? Si la première hypothèse correspond bien à la pensée de Mommsen, on aurait affaire, plutôt qu’à une falsification, à l’introduction volontaire, dolo malo, de données fausses dans des actes publics24. C’est peut-être cette notice sibylline de Mommsen que développait P. Boyancé quand, dans une note elle aussi ambiguë25, après avoir rappelé le rôle attribué par la Table d’Héraclée au quattuoruir dans les opérations du census, il supposait qu’Oppianicus a eu « entre les mains les registres lors de sa magistrature ». Si je comprends bien l’hypothèse, c’est pendant son seul quattuorvirat attesté, en 8226, qu’Oppianicus aurait falsifié les registres conservés dans les archives municipales de Larinum, trois ou quatre ans après les opérations elles-mêmes27. Il s’agirait donc d’une falsification d’archives déjà anciennes. Mais on ne peut exclure que pour Boyancé comme pour Mommsen Oppianicus ait été quattuoruir quinquennalis en 86 et ait effectué à ce titre les opérations du census. Une précédente magistrature d’Oppianicus, conforme aux règles, n’est nullement exclue par son quattuorvirat exercé ultérieurement en 82 dans des conditions exceptionnelles, mais elle reste simplement hypothétique.
17Une autre solution peut être proposée : Oppianicus a pu être un des legati chargés par les décurions de transmettre les résultats du cens à Rome. Les trois suppositions rendent également compte de l’accès d’Oppianicus aux documents, et rien ne permet, semble-t-il, de trancher en faveur de l’une ou l’autre, puisque Cicéron raconte la falsification des tabulae publicae de Larinum et l’accession d’Oppianicus au quattuorvirat en 82 dans des séries narratives distinctes dont on ne peut combiner les données28.
18L’examen de la matérialité de l’acte délictueux commis par Oppianicus est peut-être susceptible de conduire à une solution. Le texte de Cicéron donne à ce propos deux indications : la première concerne l’intervention d’Oppianicus, corrumpere, la seconde, le type de support, tabulae.
19On a parfois compris corrumpere au sens de « détruire physiquement un support »29, parfois au sens de « falsifier les données conservées sur un support »30. C’est ce dernier sens qui est le bon, comme on peut s’en convaincre en étudiant les occurrences de corrumpere tabulas chez Cicéron : certaines impliquent clairement, par leur contexte, la conservation du support matériel31, et le terme vise soit la seule suppression de données32, soit leur suppression suivie de leur remplacement par des données fausses33, soit la simple addition de données fausses34. De même, l’emploi de corrumpere associé au nom abstrait iudicium, dans le Pro Cluentio35, exclut toute idée de destruction physique.
20On peut également tirer quelques informations du rapprochement opéré à deux reprises par Cicéron entre le comportement délictueux d’Oppianicus dans l’affaire des tabulae de Larinum et dans deux affaires de faux testaments, concernant Dinaea et le jeune Asuuius36. Ce rapprochement ne peut reposer sur l’identité de qualification pénale des deux délits, puisque le premier acte relevait probablement des catégories du peculatus ou de la maiestas37, et le second, de celle de la falsification38. C’est plutôt la matérialité des actes qui, à mon sens, explique le rapprochement effectué par Cicéron. Et, par chance, il est un peu moins avare de détails quand il traite des testaments de Dinaea et d’Asuuius : dans le premier cas, Oppianicus effaça du doigt (donc, sur une tablette enduite de cire), en plusieurs endroits, des legata inscrits par Dinaea, puis, pour ne pas être dénoncé par les blancs introduits dans le texte, il retranscrivit la partie subsistance du texte sur d’autres tablettes, qu’il scella de sceaux contrefaits. Dans le cas d’Asuuius, il fit apposer des sceaux falsifiés sur un testament supposé (voir n.36).
21Tout ceci nous invite à supposer plutôt, s’agissant des tabulae publicae de Larinum, l’adultération de leur contenu, le transfert d’un support sur un autre, peut-être la contrefaçon de sceaux. En effet, bien que la Table d’Héraclée ne mentionne pas l’apposition de sceaux, à titre de précaution, sur les libri destinés au transfert des données du cens à Rome, Suétone indique que, dans un cas comparable de transmission à Rome de données locales, le support (non spécifié) contenant le vote des décurions des colonies aux élections des magistrats urbains était, sous Auguste, envoyé à Rome muni d’un ou plusieurs cachets39.
22La seconde information fournie par Cicéron porte, on l’a vu, sur la matérialité du support des données censitaires : des tabulae. Or, un passage de la table d’Héraclée, dont on n’a pas encore, à ma connaissance, tiré toutes les conséquences quant aux procédures matérielles de transport des documents administratifs, emploie, quand il est fait mention du census, deux termes différents : tabulae, qui s’applique aux supports conservés dans les colonies, municipes et préfectures40 et aux supports conservés à Rome sous l’autorité des censeurs41, et libri, employé à quatre reprises pour désigner le support remis aux legati des cités, qu’ils transportent à Rome, présentent aux censeurs qui les réceptionnent et en font transférer les données dans leurs tabulae42. Il semble donc bien, sans forcer le texte, que la Table d’Héraclée désigne par des termes différents les supports qui ne sont pas destinés à être déplacés (tabulae) et ceux qui ont vocation à l’être (libri). Les traducteurs marquent d’ailleurs bien cette distinction43.
23Les Romains de l’époque de Cicéron distinguaient deux types principaux de support de l’écriture : les tabulae de bois enduit de cire, qui pouvaient être reliées, au nombre de deux ou davantage, pour former des codices, et le liber constitué de feuilles de papyrus, le plus souvent, et roulé en uolumen44. La distinction est encore nette sous les Sévères selon l’opinion du jurisconsulte Ulpien45.
24D’ailleurs, les apparitores chargés à Rome comme dans les colonies et les municipes d’élaborer et de conserver les documents officiels disposaient des deux types de support : la lex repetundarum épigraphique distingue tabulas libres leiterasue pop[licas]46 ; un sénatus-consulte de 11 av. J.C. connu par Frontin, ordonne que les auxiliaires des curatores aquarum publicarum soient fournis en tabulae et chartae47 ; enfin, une clause de la loi municipale flavienne, connue par la tabula Irnitana, prévoit que les scribae municipaux écriront sur des tabulae et sur des libri48.
25L’utilisation parallèle de deux supports principaux avait d’ailleurs fourni la dénominations de deux types d'apparitores spécialisés dans les tâches d’écriture : les scribae librarii ou librarii49, d’une part, dont on ne doit pas considérer qu’ils travaillaient exclusivement sur des « livres » de papyrus : en fait, alors que les scribae, hiérarchiquement supérieurs, avaient un rôle de rédaction des actes, impliquant la capacité à utiliser des formules, à classer selon des procédures constantes, un rôle d’authentification et de contrôle aussi50, les librarii semblent avoir été confinés aux tâches matérielles de copie de documents élaborés par les scribes51 ; on relève d’autre part des cerarii52.
26Les données du census romain étaient conservées sur des tabulae, le fait est bien connu par les textes53, mais aussi par un document figuré dont la date est fort proche du census de 86-85 : le relief dit de l’autel de Domitius Ahenobarbus, que Filippo Coarelli place en 95. On y voit un scribe portant, ouvert sur ses genoux, un codex composé de deux tables de bois, dans lequel il inscrit les données que lui fournit un citoyen debout devant lui54.
27Nous savons également que la copie des documents officiels dont les originaux étaient conservés dans des codices se faisait parfois sur un support d’un autre type, un liber : Caton d’Utique, après avoir accompli sa questure en 65 ou 64 av. J.-C., se procura, écrit Plutarque, des βιβλία renfermant les comptes de l’État : il ne peut s’agir que de copies, les originaux que le même Caton avait manipulés étant des δέλτοι55. Et, quelques années auparavant, en 70, quand Cicéron, pour les besoins de son enquête, dut faire prendre copie des registres des publicains de Sicile, on fit pour lui, sur uolumen, une copie des tables de cire si fidèle qu’elle reproduisait jusqu’aux lignes effacées de l’original56.
28Faut-il généraliser les deux anecdotes, et considérer que, tandis que les documents officiels, par tradition peut-être, étaient conservés sur des supports que leurs dimensions et leur poids devaient rendre peu maniables, les copies qui en étaient faites l’étaient le plus souvent pour des raisons de commodité de transport, sur un autre support, le liber, c’est-à-dire le uolumen de papyrus ? Un détail de l’anecdote contée par Cicéron inciterait à le croire : il est à première vue surprenant, puisqu’il s’agissait précisément de fabriquer le fac-simile parfait d’une table de cire, que Cicéron ait fait utiliser du papyrus, et non un support de même nature qui aurait à l’évidence permis une reproduction plus parfaite. Il ne peut y avoir qu’une explication : quand on voulait réaliser une copie aux fins de transport, on recourait tout naturellement au rouleau de papyrus. La Table d’Héraclée ne nous fournit donc peut-être qu’un exemple supplémentaire de ces transferts d’un support sur un autre.
29Il est en tout cas remarquable que la Table d’Héraclée, si minutieuse57 pour la dernière partie des opérations, à Rome, et qui mentionne expressément, 1. 155 (voir n. 41), une transcription (referre) de données (quae ibei scripta erunt) d’un support (ex ieis libris) à un autre (in tabulas publicas), laisse implicite le passage des tabulae locales aux libri : lors de la première mention des libri à transmettre à Rome, la Table porte, 1. 149 : eosque libros, faisant clairement référence aux tabulae publicae municipii mentionnées l. 148. L’adjectif anaphorique eos, qui implique d’une manière ou d’une autre une certaine forme d’identité des tabulae et des libri, exprime en fait l’identité de contenu existant entre les unes et les autres et constitue la seule référence à un processus de transcription.
30Ceci signifie que l’ensemble de la procédure supposait trois supports successifs pour les mêmes données, et que les tables originales enregistrant les résultats du census local restaient conservées sur place et ne voyageaient pas. Ici encore, le parallèle des Verrines est instructif : alors qu’une clause de la lex Cornelia repetundarum autorisait l’accusateur à saisir tous les documents, une exception lui interdisait de transporter à Rome les tables portant les comptes des sociétés de publicains58, ceci évidemment pour permettre la continuité de l’administration fiscale. C’est sans doute pour les mêmes raisons administratives que la table d’Héraclée prévoyait le transfert des données sur un autre support : on avait besoin, sur place, des tabulae publicae censoriae59.
31Pour en revenir au délit d’Oppianicus à la lumière de ce que l’on vient de voir à propos des procédures de copie et de transport des documents officiels, si l’on s’en tient à la lettre des deux passages de Cicéron où il n’est question que de tabulae, on est tenté de conclure que c’est sur les supports de bois et de cire qu’Oppianicus est intervenu frauduleusement, donc soit à Larinum, soit, ce qui est fort peu probable, à Rome, et non sur les libri, au moment de leur confection à Larinum ou durant leur transport. Mais il faut y regarder de plus près et apprécier à sa juste valeur le témoignage de Cicéron, que l’on ne peut utiliser de la même manière que la clause légale connue par la Table d’Héraclée : on ne doit pas surestimer sa propre information sur ce délit, vieux d’une vingtaine d’années au moment où il y fait brièvement allusion, ni l’importance qu’il attachait aux détails matériels de l’acte d’Oppianicus. Il est d’ailleurs révélateur de constater que Cicéron ne rapporte pas directement le délit d’Oppianicus, mais bien, à deux reprises, l’appréciation exprimée à ce sujet par les décurions : ce qui importait à l’avocat de Cluentius était le désaveu infligé à Oppianicus par ses concitoyens, qu’il tente à toute force de faire passer pour un praeiudicium. Autant l’orateur peut être minutieux dans sa description d’un processus de copie ou de modification d’un document, on l’a vu, quand il y a lui-même participé personnellement (cf. n. 39 et 56) ou que cela touche directement à sa démonstration (cf. n. 31 et 36), autant il est allusif ici, et je ne crois pas que l’on puisse prendre tabulae publicae autrement qu’au sens générique de « document officiel », ni y voir une référence spécifique à un type de support. Ce qui a pour nous l’inconvénient de laisser dans l’incertitude une partie des événements advenus à Larinum ou entre Larinum et Rome en 86 ou 85. La Table d’Héraclée, malgré sa précision relative, reste donc un document beaucoup plus utile pour reconstituer ces transferts et ces archivages de données.
32Si l'on prend au mot les deux passages de Cicéron, on considérera qu’Oppianicus a introduit dans les tabulae de Larinum des données considérées comme inadéquates par les décurions, et que ceux-ci ont pu refuser d’envoyer à Rome des legati, comme la loi les y invitait, et justifier ce refus en arguant de la falsification. Si au contraire c’est au moment du transport des libri qu’Oppianicus est intervenu, en tant que legatus, la fraude a pu être découverte par un autre membre de la délégation, par exemple au moment de la retranscription à Rome de données différentes de celles dont il gardait le souvenir, ou encore au retour à Larinum des legati, s’ils rapportaient avec eux les libri, dont on a pu alors constater la discordance par rapport aux tabulae conservées dans le municipe. Notons au passage que la Table d’Héraclée ne se préoccupe pas du sort du support provisoire, les libri : étaient-ils conservés à Rome, rapportés dans le municipe ou la colonie, laissés entre les mains des legati ?
33Quant au but recherché par Oppianicus, il est clair : il s’agissait de modifier frauduleusement la composition du corps civique larinate et, du même coup, d’intégrer dans la citoyenneté romaine des individus ou des groupes qui n’avaient pas pu l’obtenir du fait des lois lulia et Plautia Papiria60. Son acte délictueux n’est d’ailleurs pas isolé, et Cicéron nous fait connaître des fraudes tout à fait comparables, bien que ne portant pas sur les supports matériels du census, mais sur les divers registres qui devaient être tenus en application, justement, de la lex Plautia Papiria de 89 av. J.C.
34C’est ainsi qu’il mentionne, dans divers municipes d’Italie du sud, après les deux lois de 90 et 89 (donc à peu près au moment où Oppianicus « manipulait » les tabulae censoriae de Larinum), et même encore après la loi Papia de 65, l’introduction irrégulière61 d’individus dans les tabulae contenant des listes civiques, avec évidemment pour objectif de les faire bénéficier a posteriori de la citoyenneté romaine, qu’ils auraient reçue en toute légalité s’ils avaient figuré sur ces tabulae antérieurement aux deux lois62. A Rome, on n’accordait donc pas grande valeur à ces documents municipaux : l’accusateur d’Archias, Grattius, prétendait que ces tabulae étaient souvent falsifiées63.
35Tout comme la procédure décentralisée du cens, l’acquisition de la citoyenneté par la lex Plautia Papiria nécessitait deux séries de documents parallèles, les uns dans le municipe, les autres à Rome, avec toutefois une différence : dans le cas du census, c’étaient les autorités municipales qui transmettaient à Rome les résultats locaux, alors que la loi de 89 obligeait le futur citoyen romain, déjà inscrit dans les tabulae de son municipe, à faire enregistrer une professio sur les tabulae d’un préteur, à Rome64 et peut-être, comme on essaiera de le démontrer plus loin, d’un autre magistrat. Mais, pas moins que la copie, la double inscription n’était sans inconvénients, et, toujours selon le témoignage de Cicéron, les tabulae des magistrats romains étaient parfois falsifiées65.
36Ce détail nous assure qu’il s’agissait bien des tabulae personnelles des magistrats, puisque ce qui a fait perdre toute valeur probante à celles de Gabinius, c’est sa condamnation dans une affaire de res repetundae66, à l’occasion de laquelle, comme toujours dans ce type de procès, la sincérité de ses livres de compte dut être mise en cause. D’autre part, ces tabulae étaient conservées indépendamment les unes des autres par les préteurs eux-mêmes, à l’expiration de leur magistrature, et la loi n’imposait pas de les regrouper par exemple sous la garde des questeurs, sinon, on ne pourrait expliquer ni l’état de conservation très différent de ces diverses tables, ni l’émotion de Q. Metellus Pius découvrant une rature dans ses registres, émotion qui n’aurait pas lieu d’être si ces documents n’avaient pas été conservés sous sa responsabilité personnelle67.
37Il ne s’agit encore que de falsification a posteriori, mais il y avait plus grave : l’introduction volontaire, dolo malo, de données fausses dans les documents publics par les magistrats mêmes qui étaient chargé de les établir. C’est ce que fit Sulpicius Rufus, tribun de la plèbe en 88, si l’on suit l’interprétation donnée par G. Niccolini, précisée ensuite par G. Luraschi, d’un passage de Plutarque : « il vendait le droit de cité romaine aux ‘métèques’ et aux affranchis et en recevait ouvertement le prix sur un comptoir dressé en plein forum »68. La notice de Plutarque, qui s’inspire d’une source hostile à Sulpicius, la résume fortement, jusqu’à l’absurdité même si on la prend à la lettre, puisqu’il n’y avait pas lieu de « vendre » la citoyenneté romaine à des affranchis qui la possédaient déjà. Elle semble en fait combiner deux points, concernant l’un l’acquisition de la citoyenneté par les ‘métèques’, l’autre son exercice par ces mêmes ‘métèques’ et par les affranchis : à savoir d’une part un plébiscite de Sulpicius permettant aux nouveaux citoyens et aux affranchis de voter dans toutes les tribus69, et d’autre part l’attribution de la citoyenneté aux ‘métèques’ par une application frauduleuse de la lex Plautia Papiria (c’est l’hypothèse de Niccolini). Plutarque emploie une terminologie peu adéquate aux catégories du droit public romain, ‘ métèques’, pour désigner des Latins ou des pérégrins n’ayant pas encore en 88 reçu à titre individuel ou collectif la citoyenneté romaine par application des deux lois des années précédentes et résidant alors à Rome70 et auxquels Sulpicius, contre argent comptant selon la source pro-sullanienne, assurait leur inscription individuelle, car c’est bien une succession de procédures concernant des individus que suggère la table dressée au forum, plutôt que la négociation d’une mesure unique et collective.
38Selon G. Niccolini, Sulpicius ne pouvait agir sans la complicité d’un préteur, qui inscrivait frauduleusement sur ses tabulae des individus ne remplissant pas les conditions légales, ou, peut-on ajouter, après le délai de 60 jours imposé par la loi Plautia Papiria. Mais, en s’appuyant une fois encore sur la Table d’Héraclée, on peut reconstituer autrement le mécanisme de la fraude, donc surtout, dans la perspective qui nous occupe, les mécanismes d’enregistrement mis en place par la loi. Dans les clauses initiales réglementant les professiones71, il est prévu que celles-ci doivent être effectuées à Rome auprès d’un des consuls, ou en leur absence, auprès du préteur urbain, ou si celui-ci également est absent, du préteur pérégrin, ou, si tous sont défaillants, auprès d’un tribun de la plèbe72.
39On peut alors avancer l’idée que, malgré le silence de Cicéron73 qui ne fait état que des registres des préteurs pour la simple raison que c’est sur le registre de l’un d’entre eux que fut enregistrée la professio d’Archias, la lex Plautia Papiria prévoyait diverses modalités de professio, non seulement auprès des préteurs, mais aussi à titre subsidiaire auprès des tribuns de la plèbe. Ce qui signifie les tribuns de 89 (y compris les deux rogatores, dont la charge expirait le 9 décembre 89), mais aussi, pour les premiers jours de leur charge à partir du 10 décembre ceux de 88 (dont Sulpicius)74. Si, comme l’a soutenu pour d’autres raisons E. Badian75, la loi Plautia Papiria fut votée vers la fin de 89, il est parfaitement concevable que Sulpicius Rufus, vers la fin du délai légal de soixante jours et au tout début de son année de charge, ait enregistré de nouveaux citoyens dans le cadre des compétences que lui accordait la loi, parallèlement aux préteurs de 89 qui s’apprêtaient à quitter leurs fonctions et peut-être même aux préteurs de 88, pendant les premiers jours de l’année : plus le vote de la loi a été tardif, plus élevé était le nombre des collèges de magistrats susceptibles de l’appliquer.
40S’il est vrai que, comme la Table d’Héraclée et le texte de Plutarque nous conduisent à le penser, la loi multipliait les magistrats habilités à recevoir les déclarations : six préteurs et dix tribuns76, pour ne rien dire des consuls, les démarches des déclarants étaient certes facilitées, tout comme celles des professi de la bienveillante clause comparable de la Table d’Héraclée, mais le travail administratif ne l’était guère : Cicéron n’indique à aucun moment que les diverses listes (quel qu’ait été d’ailleurs leur nombre) aient été fusionnées et que le résultat en ait été transcrit dans une liste unique déposé dans les archives officielles. Le recours à ces tabulae exigeait donc des nouveaux citoyens, en cas de contestation de leur statut (ce fut le cas pour Archias), qu’ils s’adressent précisément au magistrat qui les avait enregistrés, ou à ses descendants.
41Dans le cas des professiones de la Table d’Héraclée, qui se firent sur des tabulae publicae, il est fait expressément mention du transfert des listes sur un autre support, le « tableau blanc » qui doit être affiché les jours de distribution frumentaire 77, mais il n’est question ni de fusion des données recueillies par les divers magistrats, ni de reclassement de celles-ci. Malgré le silence de la loi sur ces détails techniques, on ne court guère de risque à supposer l’existence de ces deux opérations, pour la simple raison que des listes multiples de noms enregistrés dans l’ordre chronologique des professiones auraient été absolument inutilisables pour leur objet même : attester l’exclusion des distributions frumentaires qui frappait les inscrits, sauf à relire intégralement à chaque vérification toutes les listes retranscrites.
42Une autre affaire, peut-être contemporaine des deux précédentes, est mentionnée rapidement par Cicéron dans une liste de « causes célèbres » : un personnage nommé L. Alenus a transféré des tablettes originales sur un autre support, évidemment pour y introduire ce faisant des données fausses ou supprimer des données authentiques77, et imité l’écriture des chefs des scribes qui authentifiait le document initial78. On ne peut dater approximativement l’affaire qu’en se fondant sur la date dramatique du De natura deorum,79 ou 76 av. J.C., et sur une étude chronologique des cinq autres procès fameux jugés par des quaestiones, cités dans le même passage, du moins des quatre affaires elles-mêmes datables : le pillage en 106 de l’or de Toulouse, jugé en 104, le procès en 109 des citoyens corrompus par Jugurtha, le jugement du préteur Tubulus en 141, l’affaire des trois Vestales en 11380. Si on tient compte du fait que ces quatre procès sont cités après celui d’Alenus, et qu’ils le sont, à une exception près, en remontant graduellement dans le temps, on est conduit à placer cette affaire entre 106 et 77.
43E.S. Gruen81 a proposé une datation plus précise, entre 81 et 77, en considérant que le délit d’Alenus relevait de la lex Cornelia de falso de Sulla, mais il n’y a sur ce point aucune certitude : s’il s’agissait bien d’un crime de faux, il a pu être jugé par une quaestio extraordinaire présullanienne, et cette qualification pénale du délit est elle-même fort douteuse : Mommsen évoque également à son propos le peculatus et, dans le cas d’un magistrat (le statut d’Alenus nous échappe), la maiestas82. Ajoutons que l’évocation des quatre quaestiones créés par Sulla (assassinat, empoisonnement, péculat, faux testamentaire), qualifiées de quotidiana pour les opposer aux affaires relevant de l'histoire plus ou moins éloignée, prend place dans l’énoncé de Cicéron après tous les cas historiques et qu’elle reste générique, sans référence à des cas précis. Plus encore, la mention finale de la quaestio traitant les faux testamentaires, précisément en vertu de la lex Cornelia de falso, affaiblit à mon sens un peu plus l’hypothèse de Gruen, et on reste sur l’impression que les six « causes célèbres », y compris les deux premières, non attestées par ailleurs, sont pré-sullaniennes. En tenant compte du fait que l’affaire Alenus est la seconde de la liste et en considérant que celle-ci est, on l'a vu, à peu près chronologique, on avancera une datation aux alentours de 95-85 av. J.-C.
44Quant au but de la falsification, il pouvait avoir trait à l’acquisition frauduleuse de la citoyenneté, mais aussi à des affaires financières83, et il faut remarquer que sur les quatre délits utilisables mentionnés parallèlement, trois ont trait à l’argent.
45C’est à Oppianicus encore une fois qu’il faut revenir, pour ce qui est peut-être une autre falsification de liste officielle : Cicéron rapport qu’après s’être enfui de Larinum sous le coup d’une accusation de meurtre portée contre lui par les parents de M. Aurius, Oppianicus se rendit au camp de Q. Metellus Pius, alors rallié à Sulla, puis revint dans le municipe, s’y prétendit investi d’une mission par Sulla, déposa les quattuoruiri en charge, les remplaça et « déclara... avoir reçu du même Sulla l’ordre de faire exécuter la proscription et la mise à mort d’A. Aurius..., d’un second A. Aurius et de son fils Caius, et de Sex. Vibius »84. Une fois ces mesures accomplies, Oppianicus s’empara des biens d’un de ces proscrits, A. Aurius Melinus85.
46La proscription fut-elle conforme aux règles posées par Sulla, et Oppianicus était-il réellement investi d’une mission officielle ? Cicéron s’emploie à faire planer le doute dans l’esprit du lecteur en faisant dépendre tout ce passage d’un dicit, et les opinions sont partagées sur ce point86. Alors que nous sommes bien informés des aspects pratiques de l’affichage à Rome des listes successives de proscrits, ce texte est le seul à ma connaissance qui fasse allusion à une « proscription » au sens premier d’« affichage d’une liste de noms » en Italie, dans un municipe ou une colonie. L’édit de Sulla, qui ordonnait l’affichage de la liste sur un tableau de bois blanchi, dans un endroit du forum que nous ne connaissons pas87, ordonnait-il également l’affichage du dispositif de l'edictum et de la liste qui le complétait, en totalité ou en partie (les citoyens locaux uniquement, ou peut-être même les citoyens ayant une résidence, ou des biens, dans la cité concernée) ? La réponse à cette question nous échappe, ce qui nous interdit malheureusement d’apprécier le degré d’élaboration administrative de la proscription de 82 : l’envoi dans les colonies et municipes de copies de l’édit et de listes, surtout de listes partielles impliquant une répartition « fine » de la liste principale en sous-listes partielles, serait la marque d’une activité administrative sophistiquée, ce qui serait déjà moins vrai si un personnage recevait une sorte de délégation de pouvoirs du dictateur pour agir selon les circonstances locales. Ce qui ne serait pas du tout le cas si, comme Cicéron le laisse entendre, Oppianicus a purement et simplement rédigé et affiché une liste inauthentique.
47Au minimum, les épisodes rapportés ci-dessus confirment l’idée de la fragilité des documents publics, comme le font également des actes plus violents que les simples falsifications : les destructions d’édifices dans lequel on abritait les archives. Dans le Pro Rabirio perduellionis reo, Cicéron rappelle l’acquittement lors d’un procès célèbre d’un chevalier, C. Curtius, accusé d’avoir mis le feu au tabularium, ce que l’on a rapproché du passage du De natura deorum déjà vu qui mentionne, sur le même mode allusif, l’incendie du tabularium avoué par le chevalier Q. Sosius88. Les deux textes, à presque vingt ans de distance, font-ils allusion à la même affaire ou s’agit-il de deux événements différents ? On ne peut guère se prononcer, puisque seule la référence du De natura deorum, qui appartient à une série globalement chronologique, on l’a vu, permet une analyse. L’affaire de Q. Sosius est la première mentionnée, donc la plus proche de la date dramatique du dialogue, 77-76, que l’on a elle-même rapprochée de la toute proche reconstruction par Catulus en 78 du tabularium brûlé en 83 dans l’incendie du Capitole89 : il y aurait dans cette mention allusion à un fait récent pour le personnages du dialogue. Quant à l’affaire de C. Curtius, que Mommsen identifiait avec réserves à celle de Q. Sosius, et que Stein associait à la mort de Saturninus en 100, sans autre raison particulière semble-t-il que la parenté par alliance existant entre Curtius et C. Rabirius90, nous devons avouer notre ignorance.
48Ce ou ces incendies volontaires d’archives pouvaient avoir un objectif précis : détruire la trace de créances, de lois ou sénatus-consultes, de listes censoriennes ou autres : H. Galsterer a supposé avec vraisemblance que c’était pour cette raison que l’on avait brûlé pendant la Guerre sociale le tabularium d’Héraclée91, et, comme l’a démontré C. Nicolet, c’est pour supprimer la liste des bénéficiaires du blé public que R Clodius a mis le feu au temple des Nymphes92. Mais même si le but précisément recherché par les incendiaires comme Sosius n’était pas de détruire des listes, c’était en tout cas une des conséquences de leur acte, et il faut s’arrêter un instant sur les effets de l’incendie de 83. Pour justifier une reconstruction du bâtiment, il a dû provoquer des dégâts extrêmement étendus : il suffit de penser à l’effet du feu sur les tabulae ceratae, en se rappelant qu’on les utilisa comme combustible pour le bûcher improvisé de Clodius, et que c’est par le feu qu’on détruisit sous Auguste et sous Hadrien les tabulae où étaient enregistrées les créances du trésor, cette dernière scène étant représentée sur un relief du forum93. C’est toute une partie de la mémoire administrative romaine qui disparut en fumée, les archives fiscales entre autres94 ; alors que les documents du census, y compris les résultats du cens de 86-85, étaient préservés, puisque conservés dans l'atrium Libertatis, situé à peu près derrière l’emplacement qu’occupa ensuite le temple césarien de Vénus Genitrix95. Nous n’avons pas dans nos sources d’attestation directe de ces destructions de documents, ni d’éventuelles mesures destinées à les reconstituer, alors que nous savons par Denys d’Halicarnasse, plus attentif à démontrer la piété des Romains que leur minutie administrative, que des documents religieux brûlés dans l’incendie du Capitole, les libri Sibyllini, furent reconstitués avec de grandes difficultés à partir des copies partielles qui en existaient dans l’ensemble du monde grec et romain96. Un tel travail était sans doute possible, à partir des copies privées conservées dans les familles des magistrats, telles plus tard celles de Caton97.
49Falsifications et destructions, que les sources ne cessent de mentionner au ier s. av. J.C., ne pouvaient avoir qu’un effet : inspirer la méfiance envers les documents publics. On a vu en commençant que Cicéron, qui avait beaucoup réfléchi à ces questions, aussi bien en tant que magistrat et sénateur que comme avocat, avait à ce propos une vision pessimiste, partagée par Caton et par Grattius. Et s’il est vrai qu’il lui arrivait de plaisanter sur les sénatus-consultes falsifiés mentionnant mensongèrement sa présence parmi les rédacteurs98, ce sujet était douloureux pour lui, puisqu’un des motifs de son exil était précisément la falsification de documents publics99. A plusieurs reprises, il a exprimé sa défiance envers la « mémoire documentaire » des actes officiels, dévalorisée au profit de la « mémoire vivante » que constituaient les témoignages : plusieurs auteurs ont cité des textes significatifs à ce propos100, mais le plus net est peut-être un passage du Pro Archia, dans lequel Cicéron oppose la faible valeur probante des tabulae, susceptibles d’altération ou de destruction, et la fidélité du témoignage humain, garantie par le serment et la rigueur morale des personnes, la litterarum memoria et l'hominum memorial101. Il faut bien entendu faire la part de l’argument d’avocat, mais on ne peut écarter purement et simplement ce texte, corroboré par d’autres, et surtout par le comportement de Caton.
50Le personnel politique et administratif romain se trouvait, au ier s. av. J.-C., dans une situation paradoxale : d’un côté, les nécessités d’une administration de plus en plus complexe et sophistiquée imposaient la rédaction de documents toujours plus nombreux, dont ce volume rappelle la diversité : listes de nouveaux citoyens, bénéficiaires ou exclus des distributions frumentaires, listes de juges, listes de propriétaires, etc., continuellement créées par de nouvelles lois, et l’extension à l’Italie de la citoyenneté romaine contraignait à recopier et à transporter ces documents.
51Et ces listes, enregistrées dans des tabulae publicae, constituaient des éléments de preuve de plus en plus pris en compte dans les procédures judiciaires, comme l’attestent les traités de rhétorique, avec quelque retard sur la pratique des tribunaux : il est frappant de constater qu’en 55, Cicéron nomme les tabulae en tête de sa liste des moyens de preuve, alors que vers 85 la Rhétorique à Herennius les ignore, tout comme vers 80 le De inuentione102. C’est précisément cette reconnaissance de la preuve littérale qui explique les falsifications, puisque la fabrication de faux n’est après tout qu’un hommage pervers rendu à la valeur probatoire des documents écrits.
52Mais d’un autre côté la technique et les supports de l’écriture avaient leurs limites, en particulier les tabulae ceratae dont Cicéron et Quintilien rappellent (mais ce dernier pour en marquer les avantages du point de vue de l’auteur littéraire corrigeant aisément ses erreurs) qu’on pouvait très facilement les effacer103. Il est très significatif que sur les quinze occurrences dans le corpus cicéronien de litura, « rature, effacement » (nombre élevé pour un terme technique), une seule exprime la correction innocente d’une erreur et qu’elle soit d’ailleurs due à un correspondant de Cicéron, lui-même écrivain104, tandis que toutes les autres, dues à Cicéron lui-même, font référence à trois cas de faux en écritures publiques105 et à trois cas de faux en écritures privées106. Quant aux précautions, essentiellement le signum107, elles étaient elles aussi techniquement rudimentaires et aisées à tourner.
53Telles sont les conditions qui ont provoqué cette prolifération de faux, dont la législation répressive est une autre attestation, indirecte celle-là108, et qui constitue un des traits frappants de la vie politique, judiciaire et administrative de la Rome de cette époque109.
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Notes de bas de page
1 CIC., Leg. 3, 20, 46 ; Sull. 15, 42, cf. Ph. Culham, 1989, 104, et dans ce volume M. Bonnefond-Coudry, 71 et n. 48.
2 Pour les s.-c., voir E. Gabba, Cicerone e la falsificazione dei senatoconsulti, SCO, 10, 1961, 89-96, et M. Bonnefond-Coudry, 1989, 571-573 ; pour les lois, C. Williamson, 1987, 174-178.
3 Clu. 14, 41 : illum tabulas publicas Larini censorias corrupisse decuriones uniuersi iudicauerunt ; 44, 125 : dum uero eum fuisse Oppianicum constabit qui tabulas publicas municipi manu sua corrupisse iudicatus sit. Pour le contexte de ces deux passages, voir n. 36.
4 D. Berger, 1978, 60-61.
5 L’attribution du statut municipal à Larinum est généralement placée après la Guerre Sociale : voir dans ce sens E. Gabba, L’elogio di Brindisi, Athenaeum, 36, 1958, 100 (en vertu de la lex Plautia Papiria) ; L. Ross Taylor, The Voting Districts of the Roman Republic, Rome, 1960, 112 et 310 ; U. Laffi, Sull’organizzazione amministrativa dell’Italia dopo la guerra sociale, Akten des VI. Internationalen Kongresses für Griechische und Lateinische Epigraphik, München 1972, Munich, 1973, 40 ; en revanche, A. La Regina, Larino : la città ellenistica e romana, in Sannio. Pentri e Frentani dal VI. sec. al I. sec. a. C., Rome, 1980, 287, note prudemment que la date de l’institution d’un municipium ne peut être précisée : il ne s’agit effectivement que d’une hypothèse vraisemblable. Il est en tout cas assuré que Larinum avait le statut municipal en 88, date de la mort du père de Cluentius, puisque Cicéron le présente comme ayant appartenu au municipium Larinas, Clu. 5, 11.
6 Sur leurs dates, J. Suolahti, 1963, 457. L’inclusion des données des census locaux dans le census général à Rome, à cette époque, n’est plus, semble-t-il, contestée : voir l’intervention de T. Wiseman, Les bourgeoisies municipales italiennes aux iie et ier s. av. J.-C. Paris-Naples, 1983, 399, abandonnant la thèse, soutenue dans The Census in the First Century B.C., JRS, 59, 1969, 67-68, de l’indépendance des deux procédures. La communication de C. Nicolet à ce même colloque de Naples, 1981, Les systèmes censitaires locaux, est demeurée inédite. Voir déjà Mommsen, Staatsrecht, 2, 368-370 = Droit public, 4, 45-47, et G. Piéri, L'histoire du cens jusqu’à la fin de la république romaine, Paris, 1968, 169-172, qui invoquent le témoignage du Clu. 14, 41.
7 Prise d’Asculum et vente comme esclaves des prisonniers, en 89 (cf. U. Laffi, Asculum I. Storia di Ascoli Piceno nell’età antica, Pise, 1975, XXIII-XXXVI) : Clu. 7, 21 ; iudicium lunianum de 74, Clu. 4, 9 : cf. Ph. Moreau, 1986, 175 n. 36.
8 Suolahti, 1963, 445-450. Sassia resta trois ans sans intenter d’action judiciaire après la mort d’Oppianicus, unum, alterum, tertium Sassia quiescebat (Clu. 64, 178), et n’entreprit de démarches que Q. Hortensio Q. Metello consulibus (ibid.), soit en 69 ; cf. DrumannGroebe, Geschichle Roms, 2e éd., 5, 1912, 396 ; W. Peterson, éd., Londres, 1920, XV.
9 Dans ce sens, Ph. Moreau, 1986, 175 n. 36.
10 Le parallélisme des deux textes est toutefois si net et si conforme à la pratique constante de Cicéron dans ce discours de répéter des griefs déjà formulés contre Oppianicus qu’il exclut à mon sens que les fieux passages puissent mentionner deux instances différentes, dont la deuxième se serait déroulée à Rome devant la quaestio instituée par la lex Licinia Mucia de 95, comme le suggère d’ailleurs avec prudence E. Deniaux, 1982, 276 n. 59.
11 H. Rudolph, 1935, 231 (suivi par son recenseur H. Strasbürger, 1937, 190) ; L. Ross Taylor, Caesar’s Agrarian Legislation and his Municipal Policy, Studies A. C. Johnson, Princeton, 1951, 74-75 ; J. Bleicken, 1962, 185 et n.7 (dubitativement toutefois) ; E. Ruoff-Vaananen, The Roman Senate and Criminal Jurisdiction during the Roman Republic, Arctos, 12, 1978, 132 ; J. González, The lex Irnitana : a New Copy of the Flavian Municipal Law, JRS, 76, 1986, 222 ; H. Galsterer, La loi municipale des Romains : chimère ou réalité ?, RHDFE, 65, 1987, 202 ; U. Laffi, I limiti della competenza dei magistrati locali, in J. González et J. Arce, Estudios sobre la Tabula Siarensis, Madrid, 1988, 152 et n.45, invoque le parallèle de la loi flavienne des municipes latins de Bétique, qui atteste une procédure en première instance pour la pecunia commuais, et un procès en appel d’une amende infligée par un magistrat local, mais l’éloignement dans le temps et la différence des délits concernés me semblent affaiblir ce rapprochement ; U. Laffi, Le funzioni giudiziarie dei senati locali nel mondo romano, RAL, 44, 1989 (1991), 74-75. Je prends « juridiction » et « juridictionnel » comme faisant référence à une compétence judiciaire, et non au sens de iurisdictio. Je remercie U. Laffi d’avoir attiré mon attention sur cette ambiguïté terminologique.
12 Mommsen, Strafrecht, 227 = Droit pénal, 1, 264 n. 1.
13 J.L. Strachan-Davidson, 1912, 146, qui interprète correctement iudicare : « a vote of censure », sans en tirer toutes les conséquences, puisqu’il maintient la possibilité d’une juridiction pénale des décurions de Larinum, à laquelle Oppianicus se serait soustrait par la fuite ; cette position est celle qu’adopte finalement W. Simshäuser, 1973, 176. F. De Martino, Storia delta costituzione romana, 2e éd., 3, Naples, 1973, 348 n. 25.
14 Sur 49 occurrences de condemno ou condemnatio dans le discours, 33 s’appliquent à Oppianicus, ainsi que 13 de damno ou damnatio sur 21.
15 Clu. 49, 136 : at enim senatus uniuersus iudicauit illud corruptum esse iudicium ; ceci n’implique aucune intervention juridictionnelle du sénat, mais une prise de position politique sur une affaire en cours, cf. Simshauser, 1973, 176 n. 100.
16 Phil. 12, 5, 12 : senatus consulta falsa delata ab eo iudicauimus. Il ne s’agit évidemment pas non plus d’une manifestation d’une quelconque compétence pénale du sénat dans les affaires de faux. L’importance de ce passage pour notre débat avait été vue par J.L. Strachan-Davidson, 1912, 146 n. 3.
17 Parmi les textes assimilant la condemnatio formelle d’un tiers à un iudicium défavorable à Oppianicus, Clu. 19, 54, est le plus net : Scamandro condemnato, il y a eu aux yeux de Cicéron un iudicium de Oppianico, et par la damnatio du premier, c’est en fait le second qui a été iudicatum. Voir encore 22, 59 (damnatione : les Fabricii ; iudicarant : Oppianicus) ; 36, 102 (damnatione : Staienus ; iudicatum est : Oppianicus). L’article de J.M. Cody, The Use of libero - damno and absoluo - condemno in the Judicial Proceedings of the Late Republic, CPh, 68, 1973, 205-208, ne concerne pas ce point.
18 Table d’Héraclée, CIL I2, 593 (FIRA, 2, 151), 1. 142-148 ; 1. 148-151 : eaque omnia in tabulas publicas sui / municipi referunda curato. Eosque libres per legatos, quos maior pars decurionum conscriptorum / ad eam rem legarei mittei censuerint tum, cum ea res consuleretur, ad eos, quei Roman censum agent, / mittito.
19 La loi le mentionne au singulier : faut-il comprendre que, dans un municipe, un seul des quattuoruiri était chargé des opérations ?
20 Pluralité de legati : Table d’Héraclée, 1. 149. 153 et 154. Mesures de 204, Liv. 29, 15, 9 : censumque in iis coloniis agi ex formula a Romanis censoribus data ; 10 : deferrique Romam a iuratis censoribus coloniarum, priusquam magistratu abirent. F. De Martino, 1955, 232, qui rapproche les deux procédures, ne marque pas la différence dans les modes de transmission des données.
21 Lex Vrsonensis, CIL I2, 594 (FIRA, 1, 186), ch. XCII ; lex Irnitana, JRS, 76, 1986, 160-161, ch. <G>, <H> et <I> Ajoutons que ce sont apparemment les décurions des colonies qui sont responsables de l’expédition à Rome de leurs propres votes, dans le système instauré par Auguste (cf. n. 39), si du moins on peut se fonder sur le texte peu descriptif de Suétone.
22 H. Legras, 1907, 368 ; F. Schönbauer, Die Tafel von Heraklea in neuer Beleuchtung, AAWW, 8, 1952, 130-131, et Die Inschrift von Heraklea, ein Rätsel ?, RIDA, 1, 1954, 433 ; F. De Martino, 1955, 233 et 237 ; C. Nicolet, 1985, 18 ; P.A. Brunt, 1987, 521 ; E. Deniaux, 1982, 274. On sait que Mazzocchi plaçait cette partie de l’inscription aussitôt après 90. Sur la réorganisation globale des sénats locaux immédiatement après la Guerre Sociale, voir U. Laffi, I senati locali nell’Italia repubblicana, Les bourgeoisies municipales italiennes aux iie et ier s. av. J.C., Paris-Naples, 1983, 71.
23 Mommsen, CIL IX, 1883, 69.
24 Pour un cas parallèle d’introduction volontaire dans les tabulae publicae de données fausses par le magistrat chargé de l’enregistrement, cf. infra, 136 et n. 69.
25 Boyancé, 1953, 83 n. 3.
26 Oppianicus, agissant pour le compte de Sulla, déposa les quattuoruiri élus par les Larinates, et se déclara désigné par Sulla, avec trois collègues, pour les remplacer : Clu. 8, 25.
27 Les censeurs élus pour 86 n’ont, semble-t-il, achevé les opérations du census qu’en 84 : G. Tibiletti, The Comitia during the Decline of the Roman Republic, SDHI, 25, 1959, 120-121 ; J. Suolahti, 1963, 457. Les opérations locales à Larinum, n’impliquant ni une masse aussi importante de données ni une centralisation de données de multiples provenances, ont pu être achevées bien plus rapidement.
28 Quattuorvirat de 82 : 8, 25, dans la seconde série narrative, de 7, 21 à 9, 28 ; falsification : 14, 41, dans la troisième série narrative, de 10, 30 à 32, 88 ; et 44, 125, quatrième série narrative, visiblement non chronologique. Sur ces « séries », voir W. Stroh, Taxis und Taktik Ciceros Gerichtsreden, Stuttgart, 1975, 219-225 ; D. Berger, 1978, 61-62.
29 Dans ce sens : Rudolph, 1935, 231 ; Strasbürger, 1937, 190 ; J. Bleicken, 1962, 185.
30 Boyancé, 1953, 83 et 131 ; G. Publiese, Marco Tullio Cicerone. L’orazione per A. Cluenzio Abito, s. l., 1972, 104 et 184. Simshäuser, 1973, 176, propose concurremment les deux significations.
31 Rosc. Amer. 44, 128 ; 2 Verr. 2, 42, 101 (décrit concrètement l’effacement : uertit stilum in tabulis suis ; tollit ex tabulis id quod erat) et 104-105 (cinq occurrences de corrumpere) ; Flacc. 17, 39.
32 Rosc. Amer. 44, 128.
33 2 Verr. 2, 42, 104-105, avec deux occurrences de litura, une de interlinere.
34 Leg. agr. 2, 14, 37 ; Flacc. 9, 21 (deux occurrences de corrumpere). Sur ces trois modalités de la falsification, envisagées par la loi de Sulla dans le cas voisin des testaments, voir F. Marino, 1988, 640 et n. 35.
35 Clu. 30, 82.
36 Clu. 14, 41 : eadem Dinaea testamentum faciente, cum tabulas prendisset Oppianicus, qui gener eius fuisset, digito legata deleuit et, cum id multis lacis fecisset, post mortem eius ne lituris coargui passet, tetamentum in alias tabulas transcriptum signis adulterinis absignauit (suit la mention des tabulae de Larinum). Un grammairien du début du iie s. av. J.-C., Q. Terentius Scaurus, explique ainsi dans son De praepositione et aduerbio (GLK, 7, 32) la différence entre la « copie innocente » (describere), qui reproduit fidèlement, pour le multiplier, un original qu’elle laisse subsister, et le transfert illégitime d’un texte de son support originel à un autre, qui laisse supposer une modification coupable et la destruction du support initial pour le remplacer frauduleusement par le second : qui transscribunt tabulas, non describunt, sed exscribunt. Qui quales sint scribunt, ii describunt. Le sens péjoratif de transscribere n’apparaît pas, en revanche, dans les actes des arvales pour 155, puisqu’un esclave public y est dit être promu ad tabulas quaestarias transscribendas. Clu. 44, 125 (rappel de l’affaire des tabulae de Larinum), puis : qui testamentum interleuerit (affaire de Dinaea), qui supposita persona falsum testamentum obsignandum curarit (affaire du jeune Asuuius, cf. 13, 36-39).
37 Mommsen, Strafrecht, 766-768 = Droit pénal, 3, 73-75 (avec prudence : la falsification des livres publics, surtout quand il ne s’agit pas de livres de compte, pouvait ressortir de la maiestas ou du falsum) ; W. Rein, Das Criminal Redit der Romer, Leipzig, 1844, 526 et 779 (la lex Cornelia de falso ne concernait probablement pas la falsification des tabulae publicae) ; Chr. Brecht, 1940, 829 : la falsification des tabulae publicae relevait du peculatus ; J.A. Crook, 1987, 163 ; F. Gnoli, 1979, 150-151, citant entre autres CIC., 2 Verr. 3, 36, 83. On considère généralement, sur la base de Marcian., D. 48, 10, 1,4, que l’application de la lex Cornelia de falsis à la falsification de documents publics n’est pas antérieure à Septime-Sévère : A. D’Ors, Contribuciones a la historia del crimen falsi, Studi in onore di E Volterra, 2, Milan, 1971, 544 ; R. Mentxaka, Sobre el capitulo 73 de la lex lrnitana, Labeo, 38, 1992, 71-72.
38 B. Santalucia, La legislazione sillana in materia di falso nummario, AIIN, 1982, 47-48. Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la qualification pénale effective en droit positif, qui nous échappe, de ces délits commis dans un municipe vers 86 (donc avant la législation de Sulla), mais de s’interroger sur les catégories juridiques que Cicéron, au moment où il rédigeait le Pro Cluentio, donc postérieurement à la lex Cornelia de falsis et à une éventuelle lex Cornelia de peculatu, pouvait spontanément leur appliquer.
39 SUET., Aug. 46, 1 : excogitato genere suffragiorum, quae de magistratibus urbicis decuriones colonici in sua quisque colonia ferret et sub die comitiorum obsignata Romam mitterent. S’agissait-il des tabellae de vote elles-mêmes, ou d’un procès-verbal faisant état des résultats du dépouillement opéré sur place, le texte de Suétone ne permet pas de trancher. Dans la seconde hypothèse, le support scellé pouvait bien entendu être une tabula, mais aussi un liber, ainsi dans CIC., 2 Verr. 2, 74, 182 : inueni duos solos libellos... (cf. n. 55) ; 77, 190 (cité infra) ; Plaute, Pseud. 706. La précaution était banale dans le cas de documents publics et privés que l’on devait déplacer de l’endroit habituel de leur conservation : CIC., Flacc. 9, 21, nous apprend que les documents publics servant de preuve dans les procès repetundarum devaient être déposés entre les mains du préteur, revêtus des sceaux des juges, et, lors de son enquête en Sicile, Cicéron scella ou fit sceller plusieurs documents qu’il saisissait en vertu de la lex Cornelia repetundarum : les tables de compte de Verrès et de son père, 2 Verr. 1, 19, 50 : apud istum in aedibus, cum obsignandi uenissem ; 23, 60 : et istius et patris eius accepi tabulas omnes ; les tabulae portant une décision de la boulè de Syracuse, 2 Verr. 4, 66, 149 : hic ego postulare coepi ut mihi tabulas obsignare ac deportare liceret ; il fit sceller par les personnalités présentes les libri contenant une copie des comptes des publicains de Sicile, qu’il comptait emporter : 2 Verr. 2, 77, 190 : haec omnia... ab hominibus honestissimis obsignata sunt (cf. infra n. 56).
40 Table d’Héraclée, l. 148-149 : in tabulas publicas sui / municipi referunda curato.
41 Table d’Héraclée, 1. 155 : exque ieis libris, quae ibei scripta erunt, in tabulas publicas referunda curato ; 156 : easque tabulas/eodem loco, ubei ceterae tabulae publicae erunt, in quibus census populi perscriptus erit, condendas curato.
42 Table d’Héraclée, 1. 149-151 : eosque libres per legatos... mittito ; 152-153 : librosque eius municipi coloniae praefecturae / edant, 153-154 : isque censor... eos libros census quae ab ieis legateis dabuntur... accipito ; 155, cf. n. préc.
43 H. Legras, 1907, 32, distingue « registres publics » et « procès-verbaux », C. Nicolet, 1976, 87-88 : « registres publics » et « livres ».
44 Voir C.H. Roberts et T.C. Skeat, 1985, 12-13 ; 31-32 ; Ph. Culham, 1989, 107-108 ; 113. Je laisse de côté les tablettes de bois sur lesquelles on écrivait à l’encre, et les uolumina ou codices de parchemin.
45 ULP., D. 32, 52, pr., associe fortement liber et uolumen, et n’inclut les codices dans la catégories des libri que par raisonnement analogique et interprétation extensive, cf. Roberts et Skeat, 1985, 31-32.
46 Lex repetundarum, CIL I2, 583 (FIRA, 1,93), 1. 34 ; il s’agit des documents publics ou privés saisis par l’accusateur pour servir d’instruments de preuve.
47 Frontin, Aq., 100 : utique tabulas chartas ceteraque quae eius curationis causa opus essent, eis curatoribus... praebenda locent. Pline le Jeune, Epist. 1, 10, 9, décrivant ses activités de préfet du trésor écrit : subnoto libellos, conficio tabulas ; le second verbe, et peut-être aussi le premier, a le sens factitif.
48 Lex Irnitana, JRS, 76, 1986, 172, ch. <LXXIII>, I. 32-33. : scribae, qui tabulas libres (faute de gravure : liberos) rationes communes in eo mu/nicipio scripturi ordinaturi erunt, duumuiris apparento.
49 Sur ces catégories d'apparitores, voir entre autres Mommsen, Staatsrecht, 1, 46-355 = Droit public, 1, 397-407 ; R.F. Rossi, 1958, 955-965 ; B. Cohen, Some neglected ordines : the apparitorial status groups, in C. Nicolet, Des ordres à Rome, Paris, 1984, p. 23-60 ; J. Muñiz Coello, Etnpleados y subalternos de la administracion romana. I. Los «scribaebae », Huelva, 1982 ; N. Purcell, The apparitores, a Study in Social Mobility, PBSR, 54, 1983, 154-160.
50 Mommsen, Staatsrecht, 1, 349 et 352 = Droit public, 1, 399 n. 3 ; 400 et n.2 ; 404 ; voir par exemple un document de 69 av. J.C., dont copie est prise sous contrôle d’un scribe, CIL X, 7852 = FIRA, II, no 59.
51 CIC., Leg. agr. 2, 5, 13 ; Mommsen, Staatsrecht, 1, 354 = Droit public, 1, 354 = Droit public, 1, 406 ; Rossi, 1958, 959. Sur CIC., Nat. deor. 3, 30, 74, voir infra, 139 et n. 79-82. CIC., Sull. 14, 40-15, 44, montre bien la répartition des tâches : les scribae « mettent en forme » et enregistrent dans les tabulae publicae les notes prises en tachygraphie par certains sénateurs pendant la dénonciation des Allobroges ; puis des librarii en tirent de multiples copies.
52 CIL XIV, 347 ; 353 ; 409, 1. 9-10 : patrono decuriae scribar(um) cerarior(um) / et librarior(um) ; 4662 ; voir un résumé de la discussion portant sur leur statut dans Rossi, 1958, 959-960. On trouve également des tabularii, qui semblent avoir été des comptables plutôt que des rédacteurs ; un seul est mentionné en liaison, et encore indirectement, avec l’aerarium, CIL VI, 1930 : tabularius uiatorum quaestoriorum ab aerario. Le mot est inconnu de Cicéron.
53 Voir entre autres la Table d’Héraclée, l. 156, citée n. 42.
54 F. Coarelli, L’ara di Domizio Enobarbo, DdA, 2, 3, 1968, 338-341 ; C. Nicolet, 1976, 119-121.
55 Plut., Cat. min. 18, 7-8. Assez comparable, s’agissant des documents des sociétés de publicains, est l’attitude de l’ex-magister L. Vibius, au moment de sa sortie de charge : il copie sur des libelli la correspondance adressée à la société, conservée, sous forme de tabulae (supports originaux ? copies ?), qu’il transmet bien entendu à son successeur : CIC., 2 Verr. 2, 74, 183, assure que cette pratique était usuelle chez les magistri cessant leurs fonctions.
56 CIC., 2 Verr. 2, 77, 189 : tabulas in foro summa hominum frequentia exscribo, litterae lituraeque omnes adsimulatae et expressae de tabulis in libros transferuntur, ces libri sont bien des volumina que l’on déroule, 190 : explicate descriptionem imaginemque tabularum ; ibid. : liber explicetur.
57 Un autre passage (cité infra n.76) au début de la Table, implique également une opération de transfert de données d’un support (tabulae ceratae) sur un autre (tabula dealbata), qui n’est marquée que par la répétition du verbe referre, et la mention des supports, l. 13 : in tabulas publicas referunda curato ; 14-15 : omnia quae uteique in tabulas/rettulerit, ita in tabulant in album referunda curato. Toutefois, le caractère hétérogène du texte de la Table rend le parallèle peu probant.
58 CIC., 2 Verr. 4, 66, 149 : ego legem recitare, omnium mihi tabularum et litterarum (le terme doit faire référence à d’autres supports que les tabulae) fieri potestatem ; cf. C. Venturini, Studi sut crimen repetundarum nell’età repubblicana, Milan, 1979, 180 n. 115 ; voir supra, n. 39 trois exemples de documents saisis en vertu de cette loi. 2 Verr. 2, 76, 187 : quod lege excipiuntur tabulae publicanorum quominus Romam deportentur (Cicéron semble paraphraser ici une clause de la loi Cornelia du type quominus... E.H.L.N.R.).
59 L’incertitude exprimée sur ce point par C. Nicolet, 1985, 18 : « une copie (ou bien l’original aux mains des magistrats locaux) » me paraît donc pouvoir être levée.
60 Je ne puis que mentionner brièvement ici l’intéressante hypothèse d’E. Deniaux, 1982, 276-277, qui, rapprochant deux remarques distinctes de Cicéron dans le Pro Cluentio, considère qu’Oppianicus falsifia les tabulae de Larinum pour y inscrire les Martiales, dont il prétendait qu’ils étaient liberos ciuisque Romanos (Clu. 15, 43). Je compte reprendre la question des Martiales dans une communication au colloque de Larino (décembre 1992).
61 Les expressions aliquo modo et inrepserunt de CIC., Arch. 5, 10 : cum ceteri non modo post ciuitatem datam, sed etiam post legem Papiam aliquo modo in eorum municipiorum tabulas inrepserunt, suggèrent des manœuvres peu conformes à la loi.
62 Dans ce sens, G. Luraschi, 1978, 369 n. 187.
63 CIC., Arch. 4, 8 : tabulas, quas idem dicis solere corrumpi (à propos de celles d’Héraclée).
64 Sur les provisions de cette loi, voir A.N. Sherwin-White, The Roman Citizenship, 2e éd., Oxford, 1973, 150-153 ; G. Niccolini, 1946, 121-124. Malgré le même G. Luraschi, Foedus ius Latii ciuitas, Padoue, 1979, 192 et n. 17, apud praetorem dans CIC., Arch. 4, 7 et Schol. Bob. 175 K.-S., ne signifie pas « auprès du préteur (urbain) », mais « auprès d’un préteur », comme l’avait montré E. Badian, 1958, 16 n. 34.
65 CIC., Arch. 4, 9 : iis tabulis professus, quae solae ex illa professione collegioque praetorum obtinent publicarum tabularum auctoritatem. 5, 9 Nam, cum Appii tabulae neglegentius adseruatae dicerentur, Gabinii, quamdiu incolumis fuit, leuitas, post damnationem calamitas omnem tabularum fidem resignasset.
66 Sur le procès de Gabinius entre 76 et 70, voir E S. Gruen, Pompey and the Pisones, CSCA, 1, 1968, 162. L’expression d'Arch. 4, 9, citée n. préc., montre bien qu’en fait ces tabulae sont essentiellement privées.
67 CIC., Arch. 5, 9 : Metellus... tanta diligentia fuit ut ad L. Lentulum praetorem et ad iudices uenerit et unius nominis litura se commotum esse dixerit. L’anecdote n’est pas datée précisément, et l’identité même du préteur L. Lentulus est discutée (Münzer, RE, 4, 1900, s.u. Cornelius no 195, 1371-1372 ; Broughton, MRR, 2, 464). F. Münzer place l’épisode entre 89 et 84.
68 PLUT., Sull., 8, 2 : τὴν ‘Ρωμαίων πολιτείαν ἐξελευθερικοῖς καί μετοίκοις πωλων αναφανδόν ἠρίθμει τιμήν διὰ τραπέζης ’εν άγορᾷ κειμένης. Les Latins et alliés s’adressaient au tribun là où ils savaient devoir le trouver, au forum, le long de la Curia Hostilia près de la tabula Valeria, où étaient installés les subsellia des tribuns : F. Coarelli, II foro romano. 2. Periodo repubblicano e augusteo, Rome, 1985, 56-57. G. Niccolini, 1946, 123-124 ; G. Luraschi, 1978, 367. E. Valgiglio, Plutarco. Vita di Silla, Turin, 1954, 41, indépendamment de Niccolini et plus allusivement, rapproche également PLUT., Sull. 8 et l’activité de Sulpicius en faveur des nouveaux citoyens et affranchis.
69 Sur la source de Plutarque, probablement les Commentarii de Sulla, voir E. Valgiglio, 1967, 163-164, et A. Lintott, The Tribunate of Sulpicius Rufus, CQ, 21, 1971, 442. Sur le plébiscite modifiant l’exercice du suffrage des affranchis et des nouveaux citoyens, voir LIV., Per 76 : ut... noui dues libertinique distribuerentur, cf. Mommsen, Staatsrecht, 3, 179 = Droit public, 6, 1, 201 ; G. Rotondi, Leges publicae populi Romani, 1912, 346 ; Valgiglio, 1967, 163-169 ; Lintott, 453 (qui croit à deux plébiscites distincts) ; A. Keaveney, 1983, 53-56.
70 Sur ces ‘métèques’, voir E. Valgiglio, Plutarco. Vita di Silla, Turin, 1954, 41 A. Keaveney, 1983, 54, repousse l’hypothèse d’un lien entre l’anecdote rapportée par Plutarque et la redistribution des affranchis et nouveaux citoyens dans les tribus (qu’il attribue au seul Valgiglio, n’ayant apparemment pas connaissance des articles de Niccolini et Luraschi), en raison du contexte immédiat du passage et pour raisons de chronologie, et il en propose une autre interprétation, moins satisfaisante à mon sens : Sulpicius aurait recruté contre argent comptant des hommes de main pour sa garde privée. Ceci laisse de côté un élément important du texte de Plutarque : l’acquisition (frauduleuse) de la citoyenneté romaine ; d’autre part, sur le peu de valeur du texte de Plutarque (portrait moral plutôt que narration suivie) pour l’établissement, très délicat, d’une chronologie des rogationes de Sulpicius, voir les bonnes remarques de Valgiglio, 1967, 164. Voir encore infra n. 109.
71 Sur ces professiones, voir désormais C. Nicolet, La Table d’Fléraclée et les origines du cadastre romain, L’Vrbs, Rome, 1987, 1-25.
72 Table d’Héraclée, l. 7-12.
73 On peut cependant se demander si la formulation de Arch. 4, 9 (cf. n. 65), en particulier la coordination - que de ex illa professione et de collegio praetorum, qui semble bien distinguer l’ensemble du processus de déclaration et le rôle du collège de préteurs, n’implique pas en fait déjà la participation d’un ou deux autres collèges de magistrats.
74 C’est à E. Badian, 1958, 3-5, que revient le mérite d’avoir tiré toutes les conséquences, quant à la datation du vote et de la mise en application de la lex Plautia Papiria, du décalage des entrées en charge des préteurs et des tribuns. Bien que sa remise en cause de la datation généralement acceptée, 89, des trois préteurs cités dans le Pro Archia, en faveur de 88, ait été réfutée par A. Keaveney et J. Madden, Metellus Pius : The Evidence of Livy, Epitome, 76, Eranns, 81, 1983, 47-51, qui ont d’autre part confirmé la datation du tribunat de Plautius (10 déc. 90 - 9 déc. 89), la démonstration de Badian reste valide en ce qui concerne la possibilité d’un vote de la lex Plautia Papiria vers la fin de 89 et de son application par des magistrats de 88, quelle que soit l’identité de ceux-ci, qui constitue un débat distinct.
75 E. Badian, 1958, 4-5, invoquant la chronologie des opérations militaires.
76 Pour le nombre de préteurs à cette époque, voir E. Badian, 1958, 5 et n.44, citant VELL. PAT. 2, 16, 3. Si des magistrats de 88 étaient concernés, on peut ajouter dix tribuns, et six préteurs.
77 Table d’Héraclée, l. 13-15 : is apud quem ea professio fiet in tabulas publicas referunda curato, eademque omnia, quae uteique in tabulas/rettulerit, ita in tabulant in album referunda <curato>. Sur la manière d’exprimer la transcription, voir n. 57.
78 Sur le sens de transscribere, cf. supra n. 36.
79 CIC., Nat. deor. 3, 30, 74 : sessum it praetor. Quid ut iudicetur ?... Qui transscripserit tabulas publicas ? Id quoque L. Alenus fecit, cum chirographum sex primorum imitatus est. Le nom d’Alenus n’est pas la seule leçon donnée par les manuscrits et a donc été suspecté, mais ce cognomen est attesté épigraphiquement au début du ive s. ap. J.-C. E. Badian, 1989, 591, donne des arguments épigraphiques en faveur de la leçon Aienus. Sur le chirographum, mention manuscrite du nom suivie de scripsi, comme moyen d’authentifier un document, voir H. Lévy-Bruhl, 1910, 167 et n. 1.
80 Voir l’éd. A.S. Pease, 1958, 2, 1161-1162, et E.S. Gruen, 1968, 304-307.
81 E.S. Gruen, 1974, 524.
82 Mommsen, Strafrecht, 558 = Droit pénal, 2, 259 et n. 2 ; Strafrecht, 766 = Droit pénal, 3, 73 et n.6. Voir contre cette hypothèse Brecht, 1940, 829, et J.A. Crook, 1987, 163 η. 14 ; F. Gnoli, 1979, 148-149, ne se prononce pas nettement. E. Badian, 1989, 591, avance prudemment l’hypothèse qu’Aienus ait été un scribe.
83 Hypothèse de Mommsen, Strafrecht, 766 = Droit pénal, 3, 73, n. 6.
84 CIC., Clu. 8, 25 : se a Sulla et alios tres praeterea factos esse dixit et ab eodem sibi esse imperatum ut A. Aurium (...) et alterum A. Aurium et eius C. filium et Sex. Vibium (...) proscribendos interficiendosque curaret ; cf. 66, 188, cité n. suiv.
85 CIC., Clu. : cum Oppianici esse opera proscriptum occisumque cognosset, eam sibi domum sedemque delegit (Sassia, en épousant Oppianicus) in qua cotidie superioris uiri mortis indicia et spolia fortunarum uideret ; cf. RA. Brunt, 1987, 302.
86 P.A. Brunt, 1987, 302, s’interroge sur la régularité de la procédure à Larinum, tandis que F. Hinard, 1985, 56-57, croit à la réalité d’un mandat de Sulla à Oppianicus et à la régularité de la procédure.
87 Tableau de bois : DIO CASS., fr. 109, 12 : λελευκωμένον πίνακα ; 13 : τὰ λευκώματα ; 14 : τὰ πινάκια ; 15 : τοῖς λευκώμασιν. Emplacement : DIOD. SIC. 39, et PLUT., Sull. 31. 11, attestent qu’il s’agissait du forum, et DIO CASS., fr. 109, 21, exclut qu’il se soit agi des rostres (dans ce sens, F. Hinard, 1985, 33) ; on peut songer aux environs de l'aerarium, puisque l’édit contenait un ordre de paiement adressé aux questeurs. F. Hinard, 1985, 56, suppose que des copies des listes furent envoyées dans toute l’Italie.
88 CIC., Rab. perd. 3 ; 8 : an de peculatu facto an de tabulario incenso longa oratio est expromenda ? Quo in crimine propinquus C. Rabiri iudicio clarissimo, C. Curtius, pro uirtute sua est honestissime liberatus ; Nat. Deor. 3, 30, 74 : quid ut iudicetur ? Qui tabularium incenderit ? Quod facinus occultius ? At se Q. Sosius splendidus eques Romanus ex agro Piceno fecisse confessus est.
89 A.S. Pease, 1958, 2, 1061 ; C. Nicolet, L’ordre équestre à l'époque républicaine, Rome, 2, 1974, 1025. E.S. Gruen, 1974, 531, admet que le procès peut être pré-sullanien. La responsabilité de l’incendie du Capitole n’avait pas été clairement établie à l’époque (APP., BC, 1, 391 ; TAC., Hist. 3, 72, 6 ; OBSEQ. 57) et, si l’incendie du tabularium n’est pas une affaire distincte, on comprend que deux individus (au moins), Curtius et Sosius, aient été mis en cause. Un détail cependant inciterait à distinguer les deux incendies : Cicéron rapporte que Sosius et Curtius ont été accusés précisément de l’incendie du tabularium, pas de celui du temple de Jupiter Capitolin, ni du Capitole tout entier, alors qu’en Cat. 3, 4, 9, il parle de Capitoli... incensionem (même formulation chez TAC. et OBSEQ.).
90 Mommsen, Strafrecht, 767 = Droit pénal, 3, 74, n. 1 ; Stein, RE, 4, 1901, s.u. Curtius no 5, 1863-1864 ; Brecht, 1940, 827, le place bien avant 80 av. J.C.
91 CIC., Arch., 4, 8 ; H. Galsterer, Herrschaft und Verwaltung im republikanischen Italien, Munich, 1976, 196 n.85.
92 C. Nicolet, Le temple des Nymphes et les distributions frumentaires à Rome à l’époque républicaine d’après les découvertes récentes, CRAI, 1976, 29-51.
93 ASC. 33 CI. : populus duce Sex. Clodio scriba corpus Clodi in curiam intulit cremauitque subselliis et tribunalibus et mensis et codicibus librariorum, et H.A. Sanders, Codices librariorum, CPh, 29, 1934, 251-252 ; SUET., Aug. 32, 4 : tabulas ueterum aerari debitorum... exussit ; cf. DIO CASS., 52, 2, 3. Sur la destruction des tabulae contenant les listes de débiteurs du fisc par ordre d’Hadrien, voir W. Seston, Les anaglypha Traiani du Forum romain et la politique d’Hadrien en 118, MEFR, 44, 1927, 154-183 (représentation figurée de la crémation des tabulae, outre celle des anaglypha, sur le revers de monnaies d’Hadrien : H. Mattingly, A Catalogue of Roman Coins in the British Museum, 3, Londres, 1936, 417-418, no 1207-1210). Je remercie Michel Christol d’avoir attiré mon attention sur cet article.
94 Sur les divers types de documents conservés à l’aerarium : lois, s.c., créances et contrats publics, comptes des promagistrats, voir F. Millar, The aerarium and its Officials under the Empire, JRS, 54, 1964, 34-40.
95 G. Lugli, Roma antica. Il centro monumentale, Rome, 1946, 101-102 ; Ph. Culham, 1989, 104. La seule attestation explicite, LIV. 45, 15, vaut cependant pour une date ancienne, 169 av. J.-C., et on a vu (n. 41) que la table d’Héraclée ne nommait pas le lieu de conservation à Rome des tabulae du census. Localisation : F. Castagnoli, Atrium Libertatis, RAL, ser. VIII, 1, 1946, 276-291 ; F. Coarelli, II Foro romano 2. Periodo repubblicano et augusteo, Rome, 1985, 79.
96 DEN. HAL. 4, 62, 5.
97 Tibère en 16 av. J.C., fit reconstituer des documents perdus ou effacés par le temps : DIO CASS. 57, 16, 2, où δημοσία γράμματα correspond plutôt à des tabulae ceratae qu’à des tabulae aeneae, puisqu’elles pouvaient être effacées, εξίτηλα, sans doute par l’effet de la chaleur ou du durcissement et de la contraction naturels de la cire. Voir aussi 47, 6, 4, où δημόσία γράμματα signifie registre des créanciers de l’État, conservé par les questeurs à l'aerarium, donc sur tables de cire. On sait aussi qu’après l’incendie du Capitole en 69 ap. J.-C., Vespasien fit reconstituer les lois, sénatus-consultes, traités et diplômes dont les tables de bronze avaient fondu : SUET., Vesp. 8, 5.
98 CIC., Fam. 9, 15, 4, avec le commentaire de M. Bonnefond-Coudry, 1989, 572-573.
99 CIC. Dom. 19, 50 : quod M. Tullius falsum senatus consultum rettulerit, cf. Ph. Moreau, La lex Clodia sur le bannissement de Cicéron, Athenaeum, 65, 1957, 473-474.
100 CIC., Leg. agr. 2, 14, 37 : les décemvirs agraires pourront forger de faux s.c. prétendument passés depuis 81 av. J.C., cum ex eo numero qui per eos annos consules fuerunt, multi mortui sunt, cf. PLUT., Cat. min. 17, 34 : Caton alors questeur refuse d’archiver à l’aerarium des s.c. suspects jusqu’à ce que les consuls viennent lui en assurer sous serment l’authenticité ; voir C. Williamson, 1987, 168 n. 30 : « the Romans privileged witnesses over records » ; M. Bonnefond-Coudry, 1989, 570-571, et dans ce volume, 71, n. 18-19.
101 CIC., Arch. 4, 8 : est ridiculum... de hominum memoria tacere, litterarum memoriam flagitare et. cum habeas amplissimi uiri religionem. integerrimi municipii ius iurandum fidemque, ea, quae deprauari nullo modo possunt, repudiare, tabulas, quas idem dicis solere corrumpi, desiderare.
102 Comparer Rhet. Her. 2, 9, De inu. 2, 14, 46, et De or. 2, 27, 116 ; cf. G. Pugliese, La preuve dans le procès romain de l’époque classique, La preuve. 1. L'antiquité, Recueils de la Société Jean Bodin, 16, Bruxelles, 1964, 308-310.
103 CIC., Flac. 9, 21 : ne corrumpi tabulae facile possint, idcirco lex obsignatas in publico poni uoluit, texte dont H. Erman, La falsification des actes dans l’antiquité, Mélanges Nicole, Genève, 1905, 124 n. 1, essaie en vain d’affaiblir la portée ; QUINT., 10, 3, 31 : scribi optime ceris, in quibus facillima est ratio delendi ; cf. n. 100 et Ph. Culham, 1989, 107-108 et n. 34.
104 A. Caecina, Fam. 6, 7, 1 : mendum scripturae litura tollitur.
105 CIC., 2 Verr. 2, 42, 104 (bis) et 3, 16, 41 ; 2 Verr. 2, 76, 187 (ter), 77, 189 et 78 181 ; Arch 5 9.
106 CIC., Rosc. com. 2, 5 ; 2 Verr. 1, 36, 92 (bis) ; Clu. 14, 41.
107 Voir n. 39. CIC., Q. fr. 1, 1, 3 ; PLINE, N.H., 33, 21 ; H. Lévy-Bruhl, 1910, 144 ; V. Chapot, Dictionnaire des antiquités, 4, 2, Paris, 1911, s.u. signum, 1328-1331.
108 Sur la législation concernant les faux en écritures publiques, cf. F. Gnoli, 1979, et en écritures privées, F. Marino, 1988, et J. Crook, 1987. Je n’ai pu consulter M.P. Piazza, La disciplina del falso nel diritto romano, Padoue, 1991.
109 M. Crawford, qui a bien voulu lire ces pages, m’indique qu’à son sens μέτοικοι dans PLUT., Sull. 8, doit correspondre à incolae et serui peregrini, et qu’il ne croit guère à une allusion au mécanisme de la lex Plautia Papiria.
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