Le séjour des seigneurs de la suite de Louis I, duc d’Anjou à Dubrovnik (Raguse) de 1383 à 1385
p. 107-115
Texte intégral
1La réalité et les signes de pouvoir étaient, à l'époque que nous envisageons, étroitement associés entre les mains du prince et de son entourage. Leur séparation était la conséquence de circonstances particulières.
2L'histoire du séjour des seigneurs de la suite de Louis I, duc d'Anjou, dans la république slave de Dubrovnik (Raguse) de 1383 à 1385, nous permet, grâce aux riches archives de cette ville, et notamment aux registres des conseils urbains, de saisir au vif, un tel moment d'hésitation du destin, où des seigneurs-corsaires, au service du duc, venant de l'Italie du Sud, furent soudainement dépourvus de la réalité du pouvoir par les patriciens ragusains, qui leur témoignèrent néanmoins le respect dû à la situation princière de leur illustre suzerain.
3Louis I, duc d'Anjou, frère du roi Charles V, et fils adoptif de la reine Jeanne II de Naples, malgré sa brillante campagne d'Italie, entreprise en 1382 ne réussit pas à sauver la reine, qui fut mise à mort par ordre de son rival Charles III de Durazzo, au mois de juillet de la même année1.
4Entre juillet 1382, et le 21 septembre 1384, date de sa mort, Louis I d'Anjou tentait en vain de venger sa mère adoptive, et d'assurer ses anciens domaines, dans des conditions précaires, mal conseillé par ses proches collaborateurs et souvent harcelé par ses ennemis. Il échoua devant Naples, conquit cependant la Principauté de Tarente et le 30 août 1383 fut couronné roi de Sicile et de Jérusalem. Son armée fut durement éprouvée par l'épidémie de la peste qui ravageait l'Italie du Sud, et surtout par une grande pénurie d'argent, malgré l'aide qu'il reçut de son neveu Charles VI et du pape Clément VII2.
5Les tentatives de Louis d'Anjou de briser l'encerclement de Charles ΙII de Durazzo, et de remédier à sa situation financière, furent d'ailleurs à l'origine des premiers contacts entre les seigneurs de sa suite et les patriciens de la république slave de Dubrovnik.
6Les chroniqueurs ragusains nous apprennent que les seigneurs de la suite de Louis I s'embarquèrent vers Noël 1383 à Tarente, sur une "trirème et une birème, munis d'argent et d'une partie des bijoux de la couronne royale du duc d'Anjou, d'une valeur de 21 000 ducats, afin de recruter de nouveaux mercenaires pour l'armée décimée de leur suzerain"3. Quelques jours plus tard, les Conseils et le recteur ragusain furent mis au courant de l'équipée angevine. Les nouvelles n'étaient guère encourageantes : les seigneurs angevins auraient en effet débarqués dans une île au large de Dubrovnik, et après l'avoir pillée et dévastée, auraient emmené en captivité tous les habitants et un patricien ragusain, probablement le gouverneur de l'île.
7Le Conseil Mineur, présidé par le recteur décida immédiatement d'organiser la chasse aux navires angevins "jusqu'à la lagune de Venise si nécessaire". D'après les chroniqueurs ragusains qui divergent dans la présentation des détails, mais coïncident dans la description de la farouche détermination des poursuivants, les navires ragusains n'auraient mis que quelques jours à repérer et séquestrer les navires angevins. D'après les uns, près de l’île de Curzola (aujourd'hui Korcula), théâtre d'une grande bataille navale entre Génois et Vénitiens 1299, et d'après les autres, au Nord de l'Adriatique, près de la ville de Zara (Zadar)4.
8A la tête d'une république marchande, dont la prospérité reposait sur la bonne connaissance du monde et la maîtrise des échanges, ayant fréquenté l'Italie du Sud et la Sicile bien avant la période angevine, les patriciens ragusains ne devaient pas être particulièrement surpris par l'équipée des Angevins. Les registres urbains, d'où nous puisons la plupart des renseignements sur la capture, sont sobres et précis et ne laissent apparaître aucune trace de panique ou d'esprit vindicatif, contrairement aux chroniqueurs ragusains de l'époque baroque, bien plus prolixes et certainement moins dignes de confiance. Il n'en est pas moins évident que les gens qui devaient se côtoyer pendant plus d'un an, les seigneurs angevins et les patriciens ragusains, appartenaient à deux mondes profondément divergents.
9Les patriciens ragusains, fiers de la richesse et de l'indépendance de leur ville (toute relative d'ailleurs, car elle reconnaissait toujours un pouvoir souverain, byzantin jusqu'en 1204, puis vénitien jusqu'en 1358, puis Hongrois) n'en étaient pas moins les héritiers d'humbles pêcheurs et marins, qui six siècles plus tôt avaient fondé la ville sur un rocher escarpé, non loin de l'ancienne colonie grecque Epidaurus. Bien déterminés à garder cette relative indépendance de droit par rapport à leurs puissants voisins, et une réelle indépendance sur le plan économique, qui s'épanouissait dans le monde méditerranéen et dans l'arrière-pays balkanique, les Ragusains, à la différence des Vénitiens, dont ils se sentaient à juste titre les émules, ne recouraient que très rarement à la force pour défendre et promouvoir leurs intérêts. Garder de bons rapports avec tous leurs voisins, et tous les pays riverains de la Méditerranée, tel était l'idéal politique de Dubrovnik, et de ce fait, toute action à main armée, n'était pour les dirigeants de la ville qu'une action de police, visant à désarmer et à neutraliser l'agent de désordre, sans pourtant offenser de quelque manière son pouvoir souverain. Cette extrême circonspection du pouvoir ragusain est très évidente dans la correspondance de la République avec les grandes puissances voisines, la Serbie, la Hongrie, Venise, le Royaume angevin de Naples. Parfois elle tranchait étonnamment avec la position de force dans laquelle se trouvaient les habitants de la ville slave, notamment lors de la capture des seigneurs angevins au service de Louis I. Evidemment, la situation de ces derniers étaient exactement inverse : représentants d'un puissant souverain, ils étaient cependant poursuivis, séquestrés et pris en otages par les autorités d'une ville dont ils ignoraient probablement jusqu'à l'existence, avant d'y être amenés de force. C'est précisément ce décalage entre une mentalité traditionnelle et une réalité du pouvoir qui a basculé, ne serait-ce que pour une durée limitée, qui suscite l'intérêt pour cette rencontre des seigneurs angevins avec leurs geôliers ragusains. Comment ces derniers surent-ils maîtriser une situation qu'ils n'ont pas recherché et qu'ils n'ont certainement pas apprécié ? Mais qui étaient ces seigneurs dont les noms reviennent, pendant plus d'un an dans les registres officiels de la ville, jusqu'à devenir une véritable obsession pour les patriciens ? Nous n'évoquerons que quelques noms, parmi les plus célèbres : Jean IV de Bueil, maréchal du duc d'Anjou qu'il accompagnait dans sa campagne d'Italie, plus tard chambellan du duc d'Orléans (1393), ambassadeur auprès du pape Benoît XIII (1395), il trouva la mort à la bataille d'Azincourt. Particulièrement honoré par les Ragusains, pendant sa captivité, il était en quelque sorte reconnu par eux comme chef du groupe "angevin" et à ce titre il pouvait communiquer avec les cours étrangères, du roi de France, du duc d'Anjou du duc de Milan, etc.. Les Ragusains lui accordaient certains privilèges qu'ils refusaient systématiquement à d'autres captifs de son entourage, par exemple celui de se promener "extra muros civitatis" jusqu'au port de la ville, de choisir une demeure en ville auprès d'un patricien local, etc.. Les Ragusains s'intéressaient particulièrement au testament du duc d'Anjou, que ce dernier avait confié à Jean de Bueil, mais nous ignorons dans quel objectif.
10Autre seigneur du cortège angevin, Pierre de Craon, qui d'après les chroniqueurs ragusains était de sang royal (cuius sanguis erat ex regibus Franciae). Il participa dès le début à la campagne d'Italie, durant laquelle il fut chargé d'obtenir de la duchesse d'Anjou de grosses sommes d'argent pour son mari. Plus tard il fut accusé par ses ennemis d’avoir dilapidé cet argent qui ne lui appartenait pas. Brutal et querelleur, il éveilla dès le début de sa captivité le soupçon des Ragusains, qui ne lui accordèrent aucun de ces avantages dont ils gratifiaient Jean de Bueil. Il faut aussi mentionner dans ce cortège le nom de Gadifer de la Salle, le futur voyageur, aux cotés de Jean de Bethencourt aux îles de Canaries. D'autres seigneurs (au nombre de 80), d'après les chroniqueurs ragusains, et dont les noms et les faits d'armes sont tombés dans l'oubli, connurent aussi la captivité ragusaine.
11Dès le début le gouvernement de la ville fit preuve d'esprit politique, en dissociant nettement les marques de respect qu'il devait à de si hauts personnages de la démarche réelle, dominée par la ferme volonté de se dédommager et d'obtenir des garanties que de pareilles équipées ne se reproduiraient plus de la part des seigneurs de la suite de Louis I d'Anjou. Mais, déjà on distingue un décalage dans l'attitude du pouvoir ragusain : Les grands seigneurs, comme Jean de Bueil par exemple, bénéficiaient de marques extérieures de respect, sans que pour autant la surveillance se relâche d'un cran. Les petits chevaliers, et surtout le commun des rameurs, seront libérés, ou bien, s’ils s'étaient rendus coupables de quelque acte d'agression particulièrement grave, voués aux terribles "prisons inférieures" (des cachots situés au-dessous du niveau de la mer)5.
12Nous avons évoqué les faveurs accordées à Jean de Bueil ; d'autres seigneurs eurent droit à moindres égards. Les Ragusains eurent d'abord quelques difficultés à les installer et à assurer une surveillance efficace. Ils les répartirent entre la salle d'armes au-dessus du petit Conseil dans le palais du gouvernement, et la maison de la douane. Les moins fortunés eurent droit aux cales des navires séquestrés dans le ports de Dubrovnik6.
13Le gouvernement de la ville intervint à plusieurs reprises, pour rendre le sort des prisonniers plus supportable. Ainsi, en février 1384, le Sénat (Rogadi) permit à tous les prisonniers malades de se soigner à l'hôpital de la ville, et un peu plus tard le privilège de correspondre librement avec l'étranger, fut accordé à tous (à condition que les Conseils de la ville soient tenus au courant du contenu des lettres). Tout donc porte à croire que les seigneurs de la suite du duc d'Anjou, séquestrés et retenus à Dubrovnik, ne furent pas privés de signes de respect extérieurs dus à leur rang.
14Pour se dédommager des pertes subies, le gouvernement ragusain pouvait choisir entre deux voies. Soit obtenir des compensations et des garanties des suzerains des seigneurs angevins, parmi lesquels comptaient, comme nous le verrons, les plus puissants princes d'Europe. Soit, au cas où ces garanties et ces compensations s'avéraient insuffisantes mettre à contribution les prisonniers eux-mêmes.
15En été 1384, le gouvernement de Dubrovnik reçut les ambassadeurs des deux princes ennemis d'Italie du Sud, Louis d'Anjou et Charles de Durazzo : leurs exigences étaient, on se l’imagine bien, diamétralement opposées : relâcher et retenir les prisonniers sans conditions. Elles furent, toutes les deux refusées par les Ragusains. Les initiatives des princes rivaux, furent bientôt suivies par celles de Charles VI et du duc de Milan Jean-Galeas Visconti7.
16La petite république slave, avec son cortège de seigneurs angevins se trouva bientôt, à la suite d'un revirement d'alliances, au centre d'un vaste jeu diplomatique international, qui dépassait de loin les objectifs qu’elle s'était fixés en séquestrant les seigneurs-corsaires. Au début de 1384, un accord de principe fut conclu entre les maisons royales de Hongrie et de France, prévoyant le mariage de Louis d'Orléans, frère de Charles VI et de Marie, fille du roi défunt de Hongrie, Louis le Grand, décédé en 1382. Cet accord provoqua le plus vif mécontentement de Charles de Durazzo : non seulement il le privait du trône de Hongrie, mais il le menaçait jusqu'à son royaume de Naples, si âprement contesté déjà par Louis d'Anjou. Son alliée d'hier, la cour de Hongrie, devenait ainsi son pire ennemi8.
17Profondément inquiet, et craignant de se trouver entre deux pouvoirs, dont dépendait traditionnellement son indépendance et sa prospérité, le gouvernement de Dubrovnik tenta de mettre à profit la présence des seigneurs angevins, pour atteindre certains objectifs politiques. Au mois d'août, il envisageait d'envoyer des ambassadeurs à la cour de Charles de Durazzo, notamment Jean de Bueil. La mort du duc d'Anjou, dans la nuit du 20 au 21 septembre 1384, lui fit probablement changer d'avis.
18La république de Venise, qui n'avait aucun intérêt à voir les relations harmonieuses régner entre les deux maisons angevines, sur les bords opposés de l'Adriatique, suivait les événements à Dubrovnik, sans intervenir ouvertement dans la crise. Il semble pourtant, d'après certains documents qu'elle ait aussi souffert des actes de piraterie des seigneurs angevins.
19Mais si Venise n'intervint qu'à contrecoeur dans l'affaire des prisonniers angevins, il en fut tout autrement de son puissant allié, Jean Galeas Visconti. Leur ennemi commun, Gênes, obligeait le gouvernement vénitien à prêter oreille aux exigences du duc de Milan. D'ailleurs les Visconti étaient les principaux alliés de Louis I d'Anjou lors de son expédition en Italie. Jean Galeas était marié, par la volonté de son oncle Barnabo, à Isabelle, fille du roi de France Jean II le Bon, comtesse de Vertu9. Venise envoya donc son représentant, qui devait accompagner la mission des Visconti à Dubrovnik. Mais les Ragusains se montrèrent une fois de plus intransigeants, et la mission rentra à Venise sans avoir atteint son objectif - la libération des seigneurs angevins. A peine la Seigneurie fut-elle soulagée de la pression des Visconti, qu'elle dut accueillir une ambassade de Charles VI, chargée de la même mission.
20Dans une lettre de créance, datée du 16 août 1384, le roi Charles VI recommandait au gouvernement ragusain ses ambassadeurs Pierre Fresnel et Guillaume Mauvinet. Le roi évoquait la séquestration de son "cher et fidèle chambellan Jean de Bueil, et d'autres seigneurs de sa suite, que le duc d'Anjou, son oncle, avait envoyé à la cour de France, admettant tout à fait à la fin, que les seigneurs ont peut-être porté préjudice aux Ragusains, et invitant ceux-ci à se montrer cléments, et à pardonner leurs actes. Les ambassadeurs de Charles VI s'arrêtèrent à Venise, où le gouvernement leur conseilla d'aller plutôt en Hongrie qu'à Dubrovnik, invoquant à juste titre la dépendance de la ville slave de la couronne hongroise10. Il est vrai que, depuis le traité de Zara (1358), confirmé par le traité de Turin (1381) la ville de Dubrovnik reconnaissait la souveraineté hongroise. Bien que la ville fut entourée de puissants voisins (le royaume de Bosnie, le royaume, puis l'empire de Serbie) elle n'a jamais renoncé à la protection hongroise, jusqu'au début du XVIe siècle.
21La nouvelle rivalité entre les deux cours angevines, à l'époque de la captivité des seigneurs à Dubrovnik plaçait les dirigeants de la ville dans une situation particulièrement délicate. Dès le début, le gouvernement ragusain tenta d'intéresser le plus grand nombre de cours souveraines au sort des prisonniers. Cependant, les patriciens durent bientôt s'apercevoir que tout effort de négocier leur libération avec les pouvoirs suzerains, était condamné à l'échec. La présence des captifs à Dubrovnik faisait de cette ville un enjeu de plus dans le combat acharné qui s'annonçait entre les branches rivales de la dynastie angevine aidées de leur alliés respectifs.
22Les conseils ragusains, après une année de tractations inutiles avec les représentants du duc d'Anjou, du roi de Naples Charles III, des reines de Hongrie, de la République de Venise, du roi de France et du duc de Milan, décidèrent de traiter directement avec les prisonniers. Décision sage, dans la mesure où ceux-ci étaient seuls véritablement responsables de leurs méfaits ; mais décision impliquant des risques, dans la mesure où les prisonniers, s'ils ne s'engageaient que sur leur parole, pourraient bien vite, une fois la liberté retrouvée, changer d'avis et renoncer aux promesses.
23Un traité fut enfin conclu avec les seigneurs angevins, leur rendant la liberté, au mois de février 1385, à condition qu'ils aillent à la cour de Hongrie, et obtiennent des reines Marie et Elisabeth, ainsi que des ambassadeurs des rois de France la confirmation de leurs promesses. Mais quelles promesses demander au roi de France ?11 Voilà qui fait retarder probablement de quelques jours la libération des prisonniers. Après avoir envisagé plusieurs formules de serments, le gouvernement ragusain se contenta enfin d'exiger que le roi prête serment "in verbo regali, absque quod iuret aliter in factis nobilum Francigenarum". Les seigneurs angevins, promirent solennellement à Dubrovnik, qu'ils dédommageraient leurs hôtes de tous les préjudices qu'ils leurs avaient portés pendant qu'ils étaient au service du duc d'Anjou. Les dommages furent évalués à 5 500 ducats sans compter les 2 971 ducats avancés sous forme de prêts à divers seigneurs, pendant les mois de captivité. Enfin les Ragusains gardèrent sept captifs, parmi les plus grands seigneurs (à l'exception de Jean de Bueil) qui devaient servir d'otages, jusqu'au paiement de la rançon, qui devait s'effectuer dans deux mois, au plus tard. Tous les seigneurs de la suite du duc d'Anjou, y compris les otages qui devaient rester à Dubrovnik furent finalement relâchés au cours des premiers mois de 1385. Ce n'est que plus tard, au printemps de la même année que certains suzerains acceptèrent d'honorer les promesses de leurs vassaux, notamment Jean duc de Berry et Jean Galeas Visconti12.
24Les chroniqueurs ragusains nous apprennent que les patriciens envoyèrent au roi de France quelques-uns des prisonniers dans la tenue des soldats ragusains. Le roi de France, voyant la pauvre tenue des habitants de Dubrovnik, aurait reproché à ses chevaliers de s'être laissés prendre, eux si brillamment armés, par des soldats ainsi équipés. Paroles flatteuses certes, mais jamais confirmées par les sources officielles.
25Le séjour des princes de la suite de Louis d'Anjou à Dubrovnik fut l'un des plus longs qu'effectuèrent des étrangers d'un si haut rang dans la ville slave, au cours de son histoire. L'expédition aux allures de piraterie qui lui précéda menaça gravement la liberté des Ragusains, d'abord en ravageant leurs médiocres possessions insulaires, puis en les situant au centre d'un vaste conflit international. Tout comme les seigneurs de la suite du duc d'Anjou furent les prisonniers des Ragusains, ceux-ci furent en quelque sorte les otages des grandes puissances directement intéressées, notamment du royaume de Naples de Charles de Durazzo et du royaume de Hongrie, qui jugeaient de la loyauté des Ragusains au comportement à l'égard de la troupe angevine. Sans oublier que les critères des deux puissances en question étaient diamétralement opposés. Les Ragusains réussirent à se tirer de cette situation délicate en intéressant d'autres cours souveraines, notamment celle de France, au sort des prisonniers. Alors, les Ragusains exerçaient-ils un pouvoir sur leurs prisonniers, ou n'étaient-ils simplement contraints de subir les contre-coups d'une situation qu'ils n’ont pas engendré, et qu'ils auraient certainement voulu éviter ? D'une manière plus générale, et dans le cadre du thème proposé pour notre Congrès, la question pourrait aussi être formulée comme suit : une république urbaine, avec son fragile tissu économique et social, était-elle dans certaines circonstances capable de concevoir l'idée du pouvoir et d'exercer la réalité du pouvoir, même lorsqu'elle en avait l'occasion, et même lorsqu'elle était obligée, comme dans le cas de Dubrovnik, de saisir cette occasion, au risque de mettre en péril sa liberté ?
Notes de bas de page
1 B. Krekic, Dubrovnik (Raguse) et le Levant du Moyen Age, Paris, Mouton, 1961.
2 E. Léonard, Les Angevins de Naples, Paris, PUF, 1954.
3 P. de Diversis, Situs aedificiorum, politia et laudabilium consuetudinum inclitae civitatis Ragusii Zara, 1879-1882.
4 Annales Raguisini Anonymi, item Nicolai de Ragnina, Zgreb, Monumenta spectantia historiam Slavorum meridionalium, 1883 ; Chronica Ragusina Junii Restii, item Joannis Gundulae, MSHSM, Zagreb 1893 ; Serafino Razzi, La storia di Raugia, Ragusa, 1595 ; J. Luccari, Copioso ristretto degli annali di Ragusa, 1605.
5 M. Dinic, Odluke veca dubrovacke republike, 10, 58.
6 M. Dinic, Odluke veca dubrovacke republike, 71.
7 M. Dinic, Odluke veca dubrovacke republike, 71.
8 E. Léonard, Les Angevins de Naples, 445.
9 E. Léonard, Les Angevins de Naples, 473.
10 J. Radonic, Acta et diplomata Ragusina, Fontes rerum Slavorum meridionalium, Belgardi, 1934, 131.
11 M. Dinic, Odluke veca dubrovaceke republike II, 116.
12 J. Radonic, Acta et diplomata Ragusina, 177.
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