Annexes
p. 423-438
Texte intégral
1Annexe 1. Les perturbations du corps mamelouk (I) : 1823, l’intervention anglaise contre l’asservissement de Grecs
2Annexe 2. Les perturbations du corps mamelouk (II) : 1831, les fuites de mamelouks au consulat de France
3Annexe 3. Le lien de dépendance qui constitue le mamelouk : un exemple de fidélité filiale en 1832
4Annexe 4. Les mamelouks au temps des réformes (I) : la composition du Conseil suprême en 1861
5Annexe 5. Les mamelouks au temps des réformes (II) : 1860, un décret sur le service des fils de mamelouks
6Annexe 6. Parents et descendants des mamelouks (I) : ‘Alī b. Sulaymān Kāhiya, un fils de mamelouk qui se détache des beys
7Annexe 7. Parents et descendants des mamelouks (II) : 1867, lettre d’un parent du Khaznadār
8Annexe 8. Parents et descendants des mamelouks (III) : 1882, les revendications de mamelouks et de leurs descendants
9Annexe 9. Parents et descendants des mamelouks (IV) : 1888, la succession du général Ḥusayn
Annexe 1. Les perturbations du corps mamelouk (I) : 1823, l’intervention anglaise contre l’asservissement de Grecs
PRO, FO 77/14, arch. 2 : Tunis, 20 juin 1823, lettre adressée comte Bathurst, « principal secrétaire d’État de sa Majesté »
10My Lord,
11On the arrival here of His Majesty’s ship Euryalus, on the 31 May last, I had the honour of receiving the dispatch directed to me […] by M. Vilmet, […] containing instructions for the regulation of my conduct regarding the Greek slaves who have been brought to this country. Colt the Hon. […] Ponsonby, Capt Clifford and Mr Hippinsley came over from Malta in the said Fregat commissioned by Sir Thomas Maitland to claim from the Bey of Tunis, the six Greek boys who were brought here in the Maltese Brig, as well as to get the Bey to agree to an additional article to the Treaty of the 17th April 1816 prohibiting any more Greek slaves from being imported or sold in Tunis, excepting such as might be proved by legal certificate, to be bona fide domestic slaves or the passengers who were brought [to] them; but I am sorry to add that the Bey has been obstinate in refusing to accede to their demands.
12[…] His Highness positively denied having been aware of any Greek slaves having been brought to this country under the British flag, and stated that such Greeks who had come here, had embraced the Mahometan faith before their arrival, and that no Greek slave existed in Tunis. With regard to the additional article to the Treaty, he said he would consider it.
13The next day His highness sent a written answer, confirming what he had said at the audience with regard to the slaves, and stating that he could not agree to the additional article to the Treaty, the Greeks being subjects of the Grand Signore.
14The commissioners having in answer to this communication repeated to the Bey by letter, the object of their mission, and informed him that they had ascertained by indisputable proofs that several Greek Christian slaves were yet existing in Tunis, and that some had been forced here to become Musulmen; […] the Bey again replied that as the Greeks had embraced the Mahometan Faith, it was contrary to the Law of his country to give them up; and with respect to the Treaty he could not agree to it, as it regarded the Ottoman Government.
15In a subsequent conference which I had with the Bash Mamluke, (the Bey’s favorite and intended son in law) and Hassen Moraly, the Bey’s interpreter, having dissented with them the subject of the additional article to the Treaty, they both proposed a Declaration of the Bey that he would write immediately to all his subjects in the Levant, not to buy nor send Greek slaves here, and that in the event of any arriving here in the meantime, they would not allowed to be landed or sold, with the clause however, that if any Greek slaves arrived here with a firman from the Grand Signor, ordering that they should be landed and sold, the Bey would then be obliged to obey the orders of his sultan. I told them I would submit the proposal to the consideration of the commissioners, and they (the Bash Mamluke and Moraly) said that they would give me the Bey’s answer the next morning.
16When I arrived at the Palace next morning, I read to the Bash Mameluke the Declaration which I had prepared, and asked him if the Bey had agreed to it – he said yes. The interpreter Moraly then came in and read the document, and observed that he did not think the Bey would sign it, but as I explained to the Bash Mamluke, that it was nothing more than whad he had proposed the preceding day, he told me that it would be agreed to, and sent to me by six o’clock the next morning.
17The appointed time having expired and the Declaration not having been sent, I went again to the Palace to enquire into the course of the delay – on the Bey’s hearing of my arrival, he sent to call me, and told me that it was totally impossible for him to sign that Declaration, but that he was disposed to promise, as he did in fact promise that no slave would hereafter be bought or sold in his country, with the exception of those who might be brought here with a firman from the Ottoman Government.
18The commissioners then sent another letter to the Bey, by which they made a solemn protest against him for refusing to comply with the demands of the British Government, which refusal they considered as a breach of the friendship and good amity which had so long existed between England and Tunis. They informed the Bey that he would be responsible towards the King of England and every other Christian Prince that all Greek of any kind, resident in Tunis, will be treated with humanity. […]
Annexe 2. Les perturbations du corps mamelouk (II) : 1831, les fuites de mamelouks au consulat de France
Ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Tunis, vol. 1, 12 juin 1831, f. 191-195
19Un jeune homme de quatorze ans, mamelouk (acheté) du Sahab Tabah, Premier ministre du Bey, s’est réfugié il y a environ quinze jours, dans la maison consulaire de la France à Tunis, en disant qu’il recevait tous les jours des cruelles bastonnades, desquelles il montra même des marques, qu’on l’avait circoncis il y a quatre mois au Bardo ; et il ajouta sur les odieuses et criminelles tentations qu’on faisait pour le faire céder à des projets plus horribles encore des détails déplorables.
20Il déclara qu’il était grec de Scio, que son père était de Constantinople. Quoique enlevé très jeune pendant les désastres de cette île, il donnait sur sa famille et sur les lieux de sa naissance des détails circonstanciés qui parurent satisfaisants à M. de Bourville qui lui-même est né à Scio.
21Peu d’heures après le Sahab Taba m’envoya, avec deux de ses officiers, une lettre dans laquelle il réclamait ce jeune homme, comme son parent, Circassien, acheté à Constantinople, par un habitant de Gerbi1 qui se trouve à la cour du bey et duquel, il l’avait acquis lui-même. Je répondis que, ce jeune homme se disant chrétien, je ne pouvais le livrer jusqu’à ce que j’eusse des renseignements ultérieurs et que j’irais le lendemain au Bardo.
22Je m’y rendis effectivement et le Saheb Tabah insista fortement sur ce que le jeune homme, son parent circassien, disait-il, devait lui être rendu ; qu’il avait fait une légère faute et que certainement, il était sûr de son pardon, ce qu’il accorderait volontiers et que je le laissasse parler à ceux qu’il enverrait près de lui et particulièrement à son ancien maître, celui qui l’avait élevé et qui l’aimait et en était aimé comme un père, il retournerait volontiers au Bardo. Je répondis que je ne demandais pas mieux que de le voir retourner de plein gré au Bardo, qu’il m’était fort désagréable de voir à ma charge un jeune homme arrivé et sans ressources chez moi […] ; que je me fierais, pour qu’il ne fût pas maltraité, à la parole que j’exigerais du Bey lui-même parce qu’un mamelouk de Soliman Kiaya, beau-frère du Bey qui était aussi réfugié chez moi, il y a environ quatre mois et que son maître lui-même Sahab Tabah m’avaient promis de traiter favorablement a été après quelques jours cruellement maltraité et envoyé à Gerbi où il vit exilé et dans le plus affreux dénuement. »
23Le consul essaie de convaincre l’enfant de revenir au Bardo en lui rapportant les garanties et promesses faites mais « les pleurs et les cris de cet enfant ne me permirent pas d’insister. Il dit qu’il ne sortirait que mort de l’ombre du pavillon français. Les efforts des envoyés du Sahab Tabah qui se succédaient chez moi et lui faisaient les plus brillantes promesses n’eurent aucun succès et son ancien maître, pour qui il montrait les plus vifs attachements de reconnaissance pour ses bons traitements, n’en obtenait pas davantage. Celui-ci demanda à me voir en secret en présence du jeune mamelouk qui me répéta les déclarations qu’il était chrétien, qu’il y avait quatre mois qu’il était accablé de mauvais traitements qu’on lui infligeait pour le faire consentir au crime, que jamais il ne retournerait au Bardo et qu’on l’y ramènerait que mort, que si son ancien maître disait qu’il était circassien, quoiqu’il sait bien qu’il était grec, c’est parce que sachant que les esclaves circassiens avaient une bien plus grande valeur à Tunis, que les Grecs qui pouvaient être vendus, il l’avait annoncé comme tel et l’avait engagé à ne pas le démentir. Alors le Maure gerbien qui m’a paru animé de très bons sentiments de véritable et paternel attachement pour son élève me dit les larmes aux yeux :
« Mon sort est entre vos mains, mon existence dépend du Sahab Tabah, j’ai rempli la commission qu’il m’a donnée de persuader ce jeune homme le retour auprès de lui ; mais ma conscience, mes sentiments pour cet infortuné autant que votre caractère qui me garantit que vous garderez pour ce qui me concerne un secret duquel dépend ma propre existence me font une loi de vous déclarer que si ce jeune homme retourne au Bardo et que vous l’abandonniez, il est perdu, il n’y a plus de grâce ni de pardon à espérer de lui. Je ne puis nier qu’il soit grec, que je ne l’affirmerais pas avec la même exactitude que son abjuration forcée qui a eu lieu il y a quatre mois et les mauvais traitements qui l’ont obligé de prendre la résolution de se réfugier chez vous. »
24Dans cette conférence, j’appris des détails touchant ce qui figurerait beaucoup mieux dans un roman que dans une dépêche diplomatique, aussi je me contenterai d’indiquer succinctement cet incident. Cet enfant, amené en très bas âge de Scio à Constantinople, retrouva dans cette capitale son père et sa mère, il fut arraché de nouveau de leurs bras, pour être vendu à un marchand de Gerbi (celui qui se trouvait chez moi) amené à Tunis et vendu comme Circassien au Sahab Tabah, Circassien lui-même.
Annexe 3. Le lien de dépendance qui constitue le mamelouk : un exemple de fidélité filiale
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », carton 9, dossier 92, archive 2 : lettre de Muḥammad Khaznadār à Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘, 5 juillet 1832 (6 ṣafar 1248) (nombreuses formules issues de l’arabe dialectal)
25Dieu soit loué. À mon maître, que Dieu vous conserve. Après que notre maître ait crié, qu’il se soit violemment fâché contre moi et qu’il m’ait dit : « Combien de choses fais-tu sans l’avis de ton maître ? Tu ne m’informes pas des recettes et des dépenses. Tu as amené ta mère sans prévenir. Et je n’ai pas la lettre envoyée par votre maître. » Aujourd’hui, je suis resté parmi les gens, humilié, plus vil qu’un dimmī.
26Je suis votre mamelouk que vous me jugiez ou que vous me condamniez.
27Dis à notre maître que j’ai fait chercher ma mère sans le signaler à Votre Excellence. Je n’ai ni mère ni père. Vous êtes ma mère, vous êtes mon père. Je n’ai que Votre Excellence.
28Si c’est le souhait de Votre excellence, jugez-moi fermement comme vous le voudrez.
29Votre Excellence recevra une liste où elle pourra examiner des recettes et des dépenses. Salut de votre fils, s’inclinant à vos pieds, Muḥammad. Jeudi 6 ṣafar 1248.
Annexe 4. Les mamelouks au temps des réformes (I) : la composition du Conseil suprême en 1861
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », C. 137, d. 474, arch. 13 265 et 13267 : « noms des membres du conseil supérieur », leur rang et leur disposition (les noms des mamelouks sont indiqués en gras)
Annexe 5. Les mamelouks au temps des réformes (II) : 1860, un décret sur le service des fils de mamelouks
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », carton 92, dossier 78, archive 6.
30Dieu soit loué, en vertu de l’édit […] daté du 3 rabī‘ al-anwar (I) 1277 [19 septembre 1860] émanant de notre maître […] ceux qui ont l’honneur de servir son éminente majesté, ceux dont les noms sont mentionnés ci-joint, sont autorisés à examiner pour les fonctions indispensables et pour leur traitement les articles qui se présentent ainsi à sa Haute majesté.
31Article 1 : Il est établi, en vertu de la loi sur les mamelouks daté du 20 rabī‘ al-anwar (I) 1277 et en vertu de l’article 2 et de l’article 3, que les mamelouks, et ceux de leurs fils qui auront atteint l’âge de quinze ans, obtiendront leur costume, leur approvisionnement, leurs armes, leurs montures et le fourrage tant qu’il y a une monture, comme de coutume. Il est nécessaire de préciser cela avec ce qui suit.
32Article 2, quant à la tenue d’hiver, […] elle sera constituée d’une veste, d’un pantalon (sarouel), d’une farmila2, d’un gilet en drap de Paris, brodé d’étoffes, d’une demi-douzaine de mouchoirs au fil pour le nez, d’autant de mouchoirs blancs, de la même quantité de chaussettes, de deux bretelles, de deux bottes, de chaussettes de soie, une demi-douzaine de calottes (‘araqiyyā).
33Article 3, quant aux vêtements de l’été : chacun recevra l’été des éléments du vêtement d’hiver, à l’exception du saroual, de la farmila et du gilet […].
34Article 4, sur ce que reçoit chacun, hormis ce qui a été avancé : pour chacun de ceux qui ont été évoqués, à chaque ‘īd, seront données deux chéchias et deux paires de chaussures. Dans la troisième année du vêtement, chacun d’eux recevra un pantalon et un burnous en drap de Paris.
35Article 5 : Quant aux literies, comme de coutume, ils en reçoivent en cas de nécessité.
36Article 6 : Pour chacun d’eux, [il sera donné] 4 livres de savon et 30 fois deux pains par mois.
37Article 7 : [il sera donné] cinq mesures quotidiennes de fourrage pour celui qui a une monture et une mule : trois pour la monture et deux pour la mule.
38Article 8 : L’ensemble de ce qui a été avancé doit l’être en vertu des conditions de la loi (du qānūn) daté du 20 rabī‘ al-anwār évoqué plus haut.
39Article 9 : S’il plaît à notre maître, que sa dignité et son honneur perdurent, il apposera sa signature. Cet exposé sera une pièce justificative pour le ministère des Finances en ce qu’elle est pour lui une garantie, et un appui pour le conseil des comptes et le Conseil suprême. Cela a été arrêté au sérail comblé du Bardo au mois de ša‘bān […] 1277.
40Au bas, signature de Muṣṭafā, de Khayr al-Dīn, d’Aḥmad b. Abī al-Ḍiyāf, d’un Ismā‘īl et plus bas Muḥammad al-Ṣādiq Bey.
Annexe 6. Parents et descendants des mamelouks (I) : ‘Alī b. Sulaymān Kāhiya, un fils de mamelouk qui se détache des beys
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », carton 77, dossier 894, arch. 8, déclaration de ‘Alī b. Sulaymān Kāhiya en anglais
41My name is Sedi Shlemou Kair of Tunis. My father, a celebrated general of the reign of Machmouda Basha and who married Lala Aziza Beya, daughter of Machmoud Basha the late Bey of Tunis, was Ambassador to Algiers […], for which he was honorably mentioned in the History of Algiers.
42He amassed a fortune by commerce and not by the […] Government of oppression as reported, and in my own defense, I wish to state that I am giving facts which are well known to the people of Tunis and not praising the name of my late father […]. He died at the age of 95 years during the reign of Chemd Basha in the year 1254 of Mohamidan reckoning. He left four children, a brother, two sisters and myself to whom he bequeathed immense property consisting of lands and palaces […].
43Unfortunately my mother did not long survive to him, dying seven months after and also bequeathing to us property, which was 20.000 dollars per annum. The brother of the present king of Tunis petitioning the king to bestow on him one of the palaces belonging to us, the king thereupon seized the said palace, gave it to his brother and appointing himself our Guardian sold the palace for 27.000 piastres. He delivered to us 20 (?) piastres leaving a debt of 7.000 piastres, which has not yet been paid. We were at the time very young and could not defend ourselves […]. He also seized near 300 camels belonging to us, the value of which is near 300.000 piastres, one palace of my own of the value of 50.000 piastres for which I have received 2.000 piastres – 4 houses and a warehouse full of coal and oil, the houses being situated in the city of Tunis.
44I am also brother in law to the king. As being a very wealthy and influential man in my own country, it was proposed that I should marry the sister of Mohamod Bey, brother to the present king and first cousin to Chemd Bey, which meeting with the approbation of the King I did. At the time of my marriage, I was put to great expense amounting near 150.000 dollars in building a palace and furnishing according to my position but which was taken from me against all laws of justice, which I will relate, in proper time.
45Being falsely calumniated to the king by the officers of the Court, I was expulsed from thence by order of the King. He was not satisfied with the shame he had already cast me by and was the instigator of a quarrel between my wife and myself […]. My wife […] influenced by the counsel of the King also turned against me, heaped every indignity on my head and then left me to hide my shame without any friend to mourn with me or attempt to console me.
46[…] Not satisfied with having pursued me with such unrelenting animosity, I was by order of the King expelled from my house, which was with my furniture. Plate gold and diamonds given to his sister, my wife who forgetting all this conjugal affection deserted […] and took part of my enemies against me. I must mention the king also kept me in confinement in his palace for 7 months […]. I only mention a few cases of my unfair treatment […]. I have expended above 200 £ in coming here in hopes of government taking my case in hand and also to make it known to Englishmen knowing their detestation […] to despotism […].
Annexe 7. Parents et descendants des mamelouks (II) : 1867, lettre d’un parent du Khaznadār
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », carton 4, dossier 55, arch. 11 : lettre de Iānī Khalakiyās à son oncle, Muṣṭafā Khaznadār (27 avril 1867)
« Dieu soit loué. Traduction d’une lettre de Chios pour […] le Premier ministre […] »
47[…] Sīdī,
48J’ai appris avec une profonde tristesse par la lettre de mon frère Nicolas que Votre Excellence s’est plainte de moi car je ne lui avais pas écrit. Mais j’ai aussi été profondément heureux quand j’ai lu dans la même lettre que Votre Excellence continuait à penser à moi. Je demande à Dieu […] qu’Il maintienne son Excellence et qu’Il la conserve toujours en bonne santé et dans une pleine prospérité. Voilà ce que souhaite votre créature et votre neveu à son Excellence par la grâce de Dieu.
49Un grand bonheur a surgi pour l’ensemble des gens de ce pays quand ils ont appris dans les journaux les distinctions supplémentaires accordées par l’Empereur des Français à Votre Excellence. Ils ont tous remercié Dieu pour ses nouveaux bienfaits. Ils demandent avec moi leur maintien pour Votre Excellence.
50Les gens du pays […] insistent constamment auprès de moi pour que je demande […], auprès de Votre Excellence, une photographie de vous. C’est pour cela que je souhaite être personnellement présent à Tunis afin de m’incliner vers vos mains. Mais j’ai renoncé à mon voyage du fait de la mauvaise situation dans notre pays.
51Mais mon frère Diyāmantis se rend aujourd’hui à Tunis pour baiser vos mains et nous représenter. Il présentera à Votre Excellence nos sentiments de respect et de considération. Il vous expliquera les agissements de Mumtāz Afandī à Constantinople qui a révélé une vive inimitié à l’égard de Votre Excellence et de votre représentant (wakīl) le qābū kāhiya (ce dernier ne vous en a pas informé car il le craint). Salīm et Ṣāliḥ, secrétaire du caïd de Sousse, rapportent à Constantinople tout ce qui se produit à Tunis et auprès de Votre Excellence. Mon frère Diyāmantis vous expliquera tout cela en détail.
52J’ai vu que mon frère Nicolas et Sīdī Muḥammad se sont plaints du mariage de Nicolas : Votre Excellence a affirmé qu’elle n’autoriserait pas cela ; vous n’avez pas reçu un écrit exposant mon avis sur cela. Maître, nous n’avons d’autre père que Votre Excellence. Nous entendons vos paroles. Nous obéissons à vos ordres. Ce que vous déciderez dans cette affaire sera chose faite car l’obéissance à vos ordres est un devoir pour nous. […] Après avoir baisé vos mains et celle de sīdī Khayr al-Dīn, nous demandons à Dieu le maintien de Votre Excellence et l’ensemble de ces proches en bonne santé et en paix. […] »
Annexe 8. Parents et descendants des mamelouks (III) : 1882, les revendications de mamelouks et de leurs descendants
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », carton 166, d. 865, arch. 46 : lettre de Ḥamda Bāš Khūjā et de son neveu, Muḥammad Bāš Khūjā au Premier ministre, « sīdī Muḥammad » 18 avril 1882 (26 jumādā I 1299) [extrait principal]
53[…] Depuis qu’a été publiée l’annonce […] de suspendre les traitements des mamelouks, c’est-à-dire de leur fils – et nous faisons partie de cet ensemble, car le gouvernement a jugé bon […] de nous ajouter à eux –, quand a été mis fin à la paie des Ḥanafiyya, nous avons été dans une grande peine par manque d’avantages et de pécules qui puissent nous permettre de faire face aux nécessités du quotidien.
54Aujourd’hui, nous sommes dans une telle situation que nous avons vendu tout ce que nous possédions. Il ne reste que ce qui est mis en gage et qui n’a plus d’intérêt pour nous. Durant ce temps, nous avons espéré les grâces du gouvernement, quelqu’un qui puisse nous pourvoir d’un bénéfice de sa part.
55Mais cela n’est pas arrivé. Et comme la situation a atteint un tel niveau, nous frappons à votre porte […]. Nous espérons […] un travail [khidma] qui puisse nous fournir ce qui peut suffire aux nécessités quotidiennes car nous sommes des serviteurs du gouvernement de génération en génération. […]
Annexe 9. Parents et descendants des mamelouks (IV) : 1888, la succession du général Husayn
Archives nationales tunisiennes, « Série historique », carton 11, dossier 113 b, archives 9 145-9 146 : ministère français des Affaires étrangères à M. Benoist, « Délégué à la Résidence générale de France à Tunis », Paris, 7 avril 1888. Réponse au mémoire de M. Santillana relatif à la succession des mamelouks de la régence de Tunis
56[9 145] Monsieur, le Résident général a adressé à mon Département, le 17 février dernier, une note de M. Santillana, qui contredisait sur certains points les informations fournies à notre ambassadeur en Turquie, relativement à la succession des mamelouks dans la régence.
57Le comte de Montebello à qui mon prédécesseur avait communiqué ce document vient de me faire savoir qu’il en avait donné connaissance, à la personne de qui il tenait ces renseignements sur la question dont il s’agit. Cette personne lui a remis une réplique au mémoire de M. Santillana et j’ai l’honneur de vous en transmettre ci-joint copie à toutes fins utiles. […]
58[9 146] Voici quelles sont les règles posées par le droit musulman en matière d’affranchissement des esclaves.
59L’affranchissement par la volonté du maître, le seul qui doive nous occuper à propos des mamelouks d’origine circassienne, n’a pas besoin d’être formulé ni par écrit ni par l’emploi de termes sacramentels pour être valable. Il suffit que le maître ait employé des mots qui expriment clairement sa pensée, tels que ceux-ci : « tu es libre » ou tout autre formule analogue, l’affranchissement est valable, quand bien même l’intention du maître n’aurait pas été telle, comme si, par exemple, ces mots lui échappaient malgré lui dans l’ivresse. Il est bien évident que la preuve peut en être faite par témoins, et que la délivrance d’un brevet d’affranchissement n’est que secondaire.
60Les personnages cités dans la notice du 7 décembre 1887 n’ont point entendu leur maître prononcer l’affranchissement en leur faveur.
61Il n’est dit, nulle part, en droit musulman qu’un esclave ne peut être ministre. L’esclave peut valablement être mandataire de son maître avec l’autorisation de celui-ci. Il lui est seulement interdit d’accepter une procuration sans cette autorisation. Le fait de remplir des fonctions publiques quelconques n’entraîne nullement de droit l’affranchissement ; il faut que le maître ait formulé explicitement la libération.
62Par conséquent, on ne peut inférer la présomption d’affranchissement pour les mamelouks qui ont été ministres du bey de Tunis. Il est bien entendu qu’il ne s’agit ici que du droit canonique musulman (le « chéri » [sic], à Tunis « chérâa ») ; quand bien même des dérogations auraient été apportées à ces principes par l’usage ou par l’arbitraire administratif (‘urf), ce que nous ignorons, le juge canonique n’a pas à en tenir compte ; il applique la loi du « chéri » dont les prescriptions sont formelles.
63Notons en passant que l’esclave ne peut valablement tester sans le consentement de son maître.
64Dans les cas de succession ab intestat des affranchis, si ceux-ci laissent des héritiers, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, le patron n’hérite pas ; il hérite au contraire de la totalité des biens, si l’affranchi ne laisse pas d’héritiers.
65Le projet de loi sur les successions en déshérence proposé par M. Santillana ne remédiera à la situation signalée qu’à condition d’être précédé d’un affranchissement général de tous les mamelouks ou esclaves du Beylik qui ne tombent pas sous le coup de la loi de 18443, qui a supprimé l’esclavage en Tunisie. Cet affranchissement devra-t-il être gratuit ? Il reste à examiner si les finances de la Régence permettent une pareille libéralité.
66En outre, il importera de se préoccuper des conséquences politiques considérables que peut avoir l’application de la loi proposée. Demander au bey de Tunis de renoncer dès maintenant à exercer les droits qu’il tient de la loi canonique musulmane, à l’endroit des mamelouks affranchis ou non, c’est mettre des sommes incalculables au service de nos ennemis. En faisant rentrer au contraire dans le domaine privé de S.A., les propriétés possédées par ces mamelouks, ces biens n’échapperont plus à la haute surveillance du gouvernement français.
67Il ne faut pas oublier d’ailleurs que la note à laquelle répond M. Santillana vise surtout les mamlouks réfugiés en Turquie sans l’autorisation de leur maître. Il est évident qu’en appliquant la loi canonique musulmane, les autorités ottomanes qui seront chargées, après la mort de ces émigrés, de régler leur succession, ne pourront sans illégalité, faire autrement que de la délivrer au bey de Tunis, leur héritier en vertu de la loi.
Notes de bas de page
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2010
Esclaves et maîtres
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Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval (viie-xiie siècle)
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2011
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Mathieu Tillier
2017
Gouverner en Islam (xe-xve siècle)
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