Un espace connecté durant notre époque médiévale : l’océan Pacifique
A Connected Space during our Medieval Epoch: the Pacific Ocean
p. 295-308
Résumés
Le Moyen Âge, que l’on peut délimiter du ive au début du xvie siècle, est marqué par trois temps : une reprise de la colonisation de la Polynésie orientale, suivie d’une période d’intensification du peuplement et des relations dans et entre les îles et, à partir de l’entrée dans le petit âge glaciaire, un isolement de plus en plus grand des archipels. Si l’Asie est toujours demeurée un monde à part, l’Amérique n’est plus alors touchée par les Polynésiens. Hommes de la mer, les Océaniens ont donc bénéficié d’une longue période de navigation facile qui a facilité leurs relations entre eux et correspond aussi à la mise en place de chefferies puissantes. On voit apparaître une véritable thalassocratie dont le centre est l’archipel de Tonga : elle survit à la raréfaction des relations qui affectent profondément l’île de Pâques, le monde maori et, dans une moindre mesure, l’archipel hawaiien, et au passage du pouvoir aux mains des guerriers.
The Middle Ages which began in the fourth Century and ended at the beginning of the sixteenth, can be divided into three periods: 1) A return to the colonization of Eastern Polynesia 2), followed by an intensification of the settlement of the islands coupled with increased interconnection within and between the islands and finally 3) with the beginning of the Little Ice Age, a period of increasing isolation for the archipelagos. While there had never been any contact with Asia, Polynesia at this time disappeared from America. Therefore, as men of the sea, the Oceanians enjoyed a long period of unhindered navigation which facilitated relations between islands and witnessed the establishment of powerful chieftainships. This period witnessed the emergence of a veritable thalassocracy centered in the Tonga Archipelago which managed to survive the vastly reduced contacts which deeply affected Easter Island, the Maori people and to a lesser extent the Archipelago of Hawaii as well as surviving the seizure of power by the warrior class.
Texte intégral
1Sur les murs du temple de Borobudur apparaît à plusieurs reprises un navire de haute mer tel qu’il en circulait au ixe siècle dans les mers voisines de Java. L’embarcation a la coque arrondie, mais elle est stabilisée par un balancier, emprunt technique fait au monde voisin des Océaniens. À l’autre bout du Pacifique, à l’embouchure du Lambayeque, une tradition recueillie au xvie siècle veut que Naymlap, le fondateur de la dynastie de Sipan, soit arrivé par la mer. Entre ces deux mondes, l’île de Wallis a un réseau impressionnant de forts qui sont les témoins d’une présence tongienne dans l’île au xve siècle. Or, presque mille kilomètres séparent Wallis de l’archipel de Tonga… Ces trois exemples ne sont pas les seuls et il existe bien d’autres traces de la circulation des hommes, des animaux et des produits de terre en terre, que ces dernières soient insulaires ou continentales. L’odyssée de la patate douce, dont la provenance sud-américaine est incontestée, est antérieure à l’arrivée des Espagnols dans le Pacifique. Les connexions sont donc nombreuses et, pour certaines, encore inconnues1 même si l’archéologie et l’analyse des traditions orales2 progressent.
2Les échanges sont donc aussi anciens que continuels sur les eaux du Pacifique. Seuls changent le rythme et le temps. Un aller-retour pouvait prendre des générations, d’autant que l’océan était soumis à de grandes variations climatiques3.
3La prise en considération d’une histoire environnementale s’est accompagnée de la possibilité d’utiliser en archéologie et dans d’autres sciences humaines de nouveaux marqueurs venus directement des sciences dures. Ainsi l’ADN mitochondrial de certaines espèces comme le rat du Pacifique (Rattus exulans), animal convivial de l’homme, permet de confirmer des relations entre des terres éloignées4. Enfin, on dispose de traditions orales, parfois difficiles à utiliser, mais donnant des informations qui, recoupées avec d’autres, permettent d’établir des certitudes. Ainsi est-il désormais établi que les Polynésiens eurent des contacts avec l’Amérique précolombienne.
Un monde où les connexions anciennes sont sans cesse redéfinies
4Certaines régions du Pacifique voient s’épanouir des civilisations brillantes en relation les unes avec les autres dès le haut Moyen Âge européen. Entre la fin du ive et le début du vie siècle, trois ambassades chinoises sont reçues en Corée, huit autres le seront au Japon durant la période suivante : il s’agit chaque fois de centaines d’hommes qui apportent à ces deux pays des techniques nouvelles et le bouddhisme. En Amérique, l’isthme mexicain et le monde andin voient s’épanouir et disparaître des civilisations. Certaines d’entre elles, comme la culture Mochica, s’évanouissent sous l’effet conjugué d’une forte activité séismique et du Niño, qui provoque des inondations. Terres exploitées et villes-palais de brique crue se transforment alors en un océan de boue.
5Le peuplement de l’Océanie a commencé en nos temps préhistoriques. Le début du Moyen Âge en Occident correspond à la reprise de la colonisation vers le bassin oriental du Pacifique. Celle-ci se fait en plusieurs étapes. Dans un premier temps, les îles sont atteintes lors de campagnes de pêche. Puis elles sont occupées de façon définitive. Les îles Marquises répondent à cette chronologie en deux temps, mais les dates de l’arrivée des colons varient selon les spécialistes. Les îles de la Société sont le centre d’une dispersion humaine5 dans trois directions vers l’île de Pâques, vers Hawaii et, pour finir, entre 1000 et 1200, vers la Nouvelle-Zélande. Pendant ce temps, et sans que l’on puisse établir une chronologie fine, des Polynésiens reviennent vers la Mélanésie et la Micronésie et vont laisser une empreinte durable sur les terres où ils s’installent : une forme de chefferie héréditaire remplace, par exemple, une chefferie qui s’acquiert dans une compétition perpétuelle où le plus riche s’impose (big man)6.
6Les populations riveraines des continents7 se caractérisent déjà par le rapport particulier qu’elles entretiennent avec l’océan. La mer est omniprésente non seulement physiquement, mais aussi mentalement. Les Polynésiens, Micronésiens et, dans une moindre mesure, Mélanésiens ont l’océan comme milieu naturel. Cependant, quelques insulaires font exception. Les Japonais, par exemple, familiers de la mer intérieure, semblent avoir craint la navigation hauturière jusqu’aux tentatives d’invasion mongole de 1274 et 12818. Par la suite, certains d’entre eux, devenus pirates (wako), écumeront les mers qui les séparent du continent asiatique jusqu’au xvie siècle. Mais ils resteront le dos tourné au vaste Pacifique.
7Trois types d’embarcation sillonnent l’Océanie. Les deux premiers sont aussi anciens que le premier peuplement austronésien : le radeau et la pirogue monoxyle. Si cette dernière est encore utilisée comme moyen de transport sur les fleuves, pour le cabotage et la pêche côtière, le premier n’a pas disparu. Utile pour les voyages de peuplement, il pouvait servir de cargo9. Le troisième type, plus sophistiqué, évolue dans le temps et l’espace10 : il s’agit de la pirogue à balancier, simple tronc monoxyle évidé auquel on fixe latéralement un balancier ou va’a à deux coques, ancêtre des grandes pirogues du xviiie siècle. En se complexifiant, les techniques de construction deviennent peu à peu l’affaire de spécialistes11.
8Possédant des bateaux souples et solides12, les Polynésiens n’hésitent pas à s’aventurer dans un univers qu’ils maîtrisent totalement. Ils se repèrent par une observation fine du milieu océanique. Durant le jour, la forme d’une vague, celle d’un nuage, un reflet dans le ciel, le vol d’un oiseau et, pour finir, la direction que prend le porc ou le chien jeté par-dessus bord, durant la nuit l’observation des étoiles et le son de la houle frappant la coque sont autant d’indices qui leur permettent d’atteindre des îles dont ils connaissent parfois la proximité. Enfants et adolescents emmenés en expédition apprennent à considérer les repères qui jalonnent les routes. Dès leur plus jeune âge, leurs jouets ont été des pirogues miniatures. On leur a ainsi enseigné à maîtriser les vents, à connaître les courants et à les utiliser. Dans le monde micronésien, à un moment qu’on ne peut dater, des cartes faites de bambous entrecroisés sur lesquels sont fixés des coquillages13 servirent à l’enseignement. Car elles n’étaient pas nécessaires en mer : les Océaniens semblent bien avoir eu une représentation mentale assez exacte du monde qui les entourait. Le fac-similé dressé d’après un original dessiné par Tupaïa en 1769/1770 pour James Cook est là pour le prouver14. En Polynésie, on donne le titre de tohunga à des spécialistes comme Tupaïa15.
9Apprivoisé, l’océan ne peut être qu’un monde favorable. Tout ce qui vient de lui est a priori source de vie et, donc, est bon. C’est sur sa pirogue qu’une tradition orale ancienne fait arriver Tangiia le pacificateur de Rarotonga16, la plus grande des îles de l’archipel Cook, alors en proie à des troubles violents. Il aurait ramené la paix et l’unité.
10L’océan est un monde changeant. Les vents et les courants sont en perpétuelle transformation. Le Niño est un élément perturbateur important. Plus ou moins lourd de conséquences selon une périodicité qui nous échappe, il peut apporter la ruine durable d’une région, voire d’une civilisation comme celle déjà évoquée du royaume Moche vers 700 de notre ère. En provoquant de nouvelles trajectoires pour les courants marins et les vents, le Niño permet aux navigateurs d’atteindre des îles et des terres inaccessibles en d’autres temps. Mais qu’il cesse, et le groupe d’explorateurs ou de pionniers est prisonnier de sa découverte ou de son nouvel établissement.
11Mais il n’est qu’un élément parmi d’autres et varie lui-même en fréquence et en intensité en fonction de tendances climatiques pluriséculaires. Ces dernières sont responsables sans doute de la disparition des hommes sur les îles d’Henderson et de Pitcairn. Ces minuscules îles ont été peuplées entre le xe et la fin du xve siècle. Durant ces six siècles, elles ont été en communication avec l’archipel des Gambier et les îles Marquises. Mangareva, aux Gambier, est alors au centre des flux d’hommes et de marchandises. Or, dans la première moitié du xve siècle, les relations cessent alors même que la sécheresse grandit et rend la vie si difficile dans ces terres lointaines qu’elles sont évacuées par leur population17. À Mangareva même, la situation se dégrade aussi sous l’effet conjugué des conditions météorologiques difficiles et de la surpopulation18. Les guerres sont de plus en plus fréquentes et, avec elles, le cannibalisme se répand.
12Au même moment, des difficultés surgissent partout dans le Pacifique. À l’optimum climatique qui correspond en Europe au siècle de saint Louis succèdent des temps plus difficiles. Vers 1300 et jusqu’en 1500, on entre dans une période qui annonce le petit âge glaciaire : les Niño et les cyclones sont plus fréquents. Les sécheresses et les fortes pluies frappent ici et là. Le niveau de la mer varie de plusieurs dizaines de centimètres19… À cela s’ajoutent des phénomènes volcaniques, comme l’explosion du Kuwae en 1452, aux répercussions planétaires20. Le volcanisme surimpose alors ses effets aux tendances climatiques.
13Les trois pointes du triangle polynésien sont peu à peu coupées du monde de la Polynésie centrale comme en témoignent les embarcations maories, beaucoup plus rudimentaires que leurs homologues du Pacifique central21, ou encore l’isolement de l’île de Pâques. La fin du xve siècle marque la fin de l’époque des moai22 et le début de luttes qui vont provoquer un changement d’ordre politique dans l’île. Pour les uns, la situation prend des allures de fin du monde, car la déforestation est telle que les habitants sont pris au piège de l’océan23. Pour les autres, la disparition des arbres, sans doute après une longue sécheresse, obligea les habitants à revoir leur mode de production, leurs structures sociales, les guerriers dépossédant de leurs pouvoirs les chefs traditionnels, et leurs croyances24 : les grands moai auraient alors été couchés volontairement. Au début du xvie siècle, le monde maori aussi perdait tout contact avec le reste de la Polynésie. Du coup, les Maoris gardèrent une organisation sociale établie sur le clan et ne se structurèrent pas en chefferie plus importante, même si, à partir du début des années 1300, les terres les plus riches et les plus convoitées de l’île du nord se couvrirent de villages fortifiés, les pa.
14À partir de 1300 aussi, l’archipel hawaiien se ferme peu à peu. L’isolement vient progressivement à mesure que les courants marins et les vents modifient leurs trajectoires. La première des conséquences est que l’archipel doit s’auto-suffire. La mise en culture de nouvelles parcelles, parfois irriguées, s’accompagne d’une recomposition de la société qui, à Hawaii, aboutit à la fin du xviiie siècle à la création d’un proto-État.
Un monde qui se remplit
15Quel que soit le degré d’isolement, les îles se remplissent et leur mise en valeur progresse. Cette dernière s’accompagne d’une régression progressive de la couverture végétale, de la disparition d’espèces endémiques, d’une érosion parfois importante et d’une refonte des écosystèmes. La forêt primaire cède la place à des vergers d’arbres à pain complantés25.
16Aux Marquises26, cette période d’expansion connaît son acmé entre 1025 et 1300 environ. L’accroissement des terroirs s’accompagne de nouvelles formes architecturales en pierre et de constructions de forts où existent des structures de stockage. Ces édifices, qui se multiplient à partir du xive siècle, témoignent des guerres dans un monde touché par la sécheresse et les conditions climatiques défavorables. D’ailleurs, au début de la période classique (1400-1700), les populations achèvent de quitter les côtes par crainte des raids maritimes. L’architecture, plus élaborée, se laisse aller à un gigantisme qui manifeste le pouvoir des chefs, des guerriers et des prêtres désormais capables de lever et d’encadrer une main-d’œuvre importante. L’apparition et le développement d’un artisanat élaboré confirment le prestige de cette nouvelle aristocratie.
17Cette évolution se retrouve avec des formes et une chronologie qui ne sont pas identiques dans toute l’Océanie. Les plus petites îles connaissent une surpopulation qui alimente un flux de départ. Certains de leurs habitants sont poussés à partir. Les jeunes mâles turbulents forment ainsi des groupes d’aventuriers, embarqués dans leurs pirogues sans toujours un espoir de retour. Ainsi s’expliquent beaucoup de voyages et de nouvelles tentatives de colonisation. Les pertes humaines ont dû être énormes. Rien ne peut les quantifier.
18Dans les îles plus étendues, l’archéologie montre une densification de l’occupation des sols. Sur la Grande Terre de la Nouvelle-Calédonie, par exemple, les travaux de mise en valeur agricole prennent un tour remarquable dès le premier millénaire. Entre 670 et 990 est édifié le complexe des tarodières du col de La Pirogue. Durant cette période, preuve de nombreux déboisements et essartages, un alluvionnement intense recouvre les premiers sites et modifie les embouchures des fleuves27. La mise en valeur se poursuit. Les nouveaux terroirs se dotent de villages souvent organisés à partir d’une grande case construite sur un tertre devant laquelle part une allée centrale. La grande chefferie se complexifie. Elle prend l’allure que découvriront les Européens au xviiie siècle : un réseau d’hommes soumis par un contrat synallagmatique à un chef choisi dans un clan ou des clans unis souvent par des liens de sang réels ou fictifs. L’apparition de chefferies plus importantes s’accompagne de la fabrication d’œuvres d’art dont très peu nous sont parvenues28.
19La conquête de l’espace à des fins horticoles va de pair avec la mise en place d’une organisation sociale structurée et de nouveaux rapports politiques. La culture du taro, un des tubercules essentiels dans l’alimentation des insulaires du Pacifique, est une culture irriguée, qui nécessite une hiérarchisation et un encadrement des agriculteurs. Confrontée au manque d’espace, cette culture peut faire basculer une société insulaire dans les troubles civils. Souvent les chefs traditionnels y perdent leur pouvoir politique et religieux. C’est ainsi qu’aux alentours de l’an 1100, la société fidjienne devient guerrière et cannibale29.
20La mise en place de chefferies fortes a laissé ici et là des traces monumentales. Nan Madol témoigne encore de la puissance de ceux qui firent édifier le site. Il se trouve dans l’archipel des Carolines, sur l’île de Pohnpei unifiée à la fin du ixe siècle, sous l’autorité du saudeleur30. L’île a alors 20 000 à 30 000 habitants. Le saudeleur régnait à partir d’un centre formé de quatre-vingt-treize îlots artificiels construits entre la côte et le lagon en utilisant des tubes de basalte posés les uns sur les autres comme des rondins de bois. L’agglomération était occupée par les résidences des dieux, celles du saudeleur, de sa cour, des prêtres, sans doute des hommes de l’administration, et de nombreuses tombes prestigieuses. Vivants et morts se côtoyaient selon des modalités fréquentes en Océanie. Les constructions se poursuivirent pendant une période allant de 1200 à 1600.
21D’autres constructions de même type existent sur l’île : Sapwtakai dans le district de Kiti date ainsi de la période entre 1325 et 1700, quand l’autorité du saudeleur s’estompe et laisse la place à des chefs de guerre (Nahnmwarki) qui gouvernent avec des prêtres (Nahnken). À 550 km des côtes de Pohnpei, à Kosrae, débute, vers 1250, l’édification de la cité de Lelu selon des modalités identiques à celles employées à Nan Madol. Ici aussi, Lelu témoigne du résultat d’une hiérarchisation de la société. L’évolution en Micronésie est identique à celle des îles polynésiennes. Les premières n’ont cessé de recevoir une influence de la Polynésie centrale, sans doute de Samoa, comme en témoigne l’abondance des vestiges de la pratique du kava31 dans cette partie de la Micronésie.
22Les évolutions qui se passent dans les mers côtières du monde extrême-oriental appartiennent-elles aussi à l’histoire du Pacifique ? Les contacts mal connus entre l’Asie insulaire et la Micronésie n’ont jamais cessé. En témoignent, en Micronésie, la permanence de poteries, la culture du riz, qui modèle le paysage32, ou encore ces monumentales maisons chamorros de l’île de Guam avec leurs piliers de pierre, parfois de taille remarquable : les lattes33. Mais, pour le reste, force est de constater que les mers bordières du continent asiatique sont d’abord en relation avec l’océan Indien. Les voyages de l’amiral Zheng He (1371-1433)34 en sont sans doute la meilleure preuve. Les deux thalassocraties d’Okinawa35 et des Mojopahit de Java36, qui datent de la fin du Moyen Âge, ignorent le Pacifique : elles sont remarquables par leur dynamisme commercial, par leur éclat, mais aussi par l’orientation de leurs affaires vers les contrées d’Asie ou du pourtour de l’océan Indien.
23La même remarque pourrait sans doute être faite sur l’autre rive du Pacifique. Les rives de l’Amérique centrale et celles de l’Amérique du Sud étaient sillonnées par des embarcations comme celle arraisonnée au nord de Tumbes par le conquistador Bartolomé Ruiz en 152637 : il s’agissait d’un grand radeau léger ayant à son bord une cargaison de bijoux en or et d’étoffes. De temps à autres, ces dernières pouvaient dériver vers le large, mais on pense aujourd’hui que les poteries amérindiennes retrouvées aux Galápagos n’ont pas été amenées par des Précolombiens, mais plutôt par des Espagnols partant du Pérou38. En fait, il y a peu de traces d’une volonté de braver les eaux de l’océan chez les Amérindiens. Une tradition mentionne une expédition envoyée par l’Inca Tupac Yupanqui (1471-1493)39. En tout cas, si elle a existé, elle est sans lendemain et, sans doute, à replacer dans l’effort idéologique mené par les souverains incas de se présenter comme la seule autorité légitime des quatre parties du monde.
Voyages des insulaires du Pacifique
24Aux rares tentatives des peuples littoraux pour naviguer sur les eaux du Pacifique s’opposent les voyages fréquents des insulaires.
25Les conditions naturelles obligent souvent les insulaires à établir des relations avec leurs voisins. Il est cependant difficile de dater avec précision l’apparition et le développement de cycles d’échanges dont les plus connus sont celui de la Kula40 ou celui du Sawei41. Les échanges codifiés de produits permettent d’atténuer les effets d’intempéries, de tisser des alliances matrimoniales ou d’entretenir des liens d’amitié entre deux groupes lointains. Parfois, un des membres étend son hégémonie sur les autres. Cette dernière n’est pas seulement liée au rôle central de l’île ou à sa situation d’interface : elle est politique ou due à des croyances surnaturelles. Ainsi les habitants de Yap avaient une redoutable réputation de sorciers au sein de leurs partenaires du Sawei42.
26L’origine de la thalassocratie tongienne est aussi à rechercher dans des échanges vitaux entre petites îles de la Polynésie centrale. L’archipel est constitué de 170 îles et îlots répartis sur 800 km du nord au sud. Le voyage en mer est donc banal. Dans ces conditions, aucune chefferie ne peut se permettre d’ignorer la pirogue, seul vecteur d’unité et de puissance43. Sous le règne du onzième Tu’i Tonga, Tu’itatui, au xiiie siècle44, les Tongiens se lancent dans une politique visant à contrôler les systèmes de redistribution des productions vivrières dans les archipels voisins de Samoa et de Fidji, dans les îles comme Wallis et Futuna, Nuie ou certaines de Tuvalu. Dans sa nouvelle capitale Heketa, Tu’itatui fait construire des sépultures royales (langi) ainsi qu’un monumental trilithe, le Ha’amonga a Maui, composé de blocs dont le plus gros pèse plus de 50 tonnes. Ces éléments mégalithiques sont attribués à des tailleurs de pierre wallisiens45. Pour maintenir leur hégémonie régionale, les Tu’i Tonga s’appuient sur deux choses, des réseaux d’alliances scellés dans des unions matrimoniales et une flotte de solides pirogues pouvant intervenir jusqu’en Mélanésie. Le système d’alliances est complexe. Il se met en place alors entre la famille du Tu’i Tonga, des familles apparentées et de nobles lignages samoans ou d’îles voisines. Cette politique d’intermariage se retrouve dans toutes les îles qui font partie de ce que certains appellent l’empire tongien46. Chaque conquête ou reconquête s’accompagne d’envoi de princes ou de princesses tongiennes suivis d’une escorte de serviteurs et destinés à se marier avec des princesses ou des princes de l’île dominée.
27Les Tongiens bénéficient pour maintenir leur autorité régionale d’une supériorité technique en matière navale. Il est difficile de savoir à quel moment apparaît la kalia, cette grande pirogue double qui peut transporter jusqu’à cent hommes, mais elle semble être précédée de tentatives qui donnent très tôt à Tonga une véritable supériorité sur mer. Cette longue embarcation à deux coques et à voile triangulaire pouvait effectuer des trajets de centaines de miles.
28Vers le milieu du xve siècle, le règne du Tu’i Tonga Kau’ulufonua47 marque l’apogée tongienne. Kau’ulufonua pousse à une intégration définitive des îles comme Wallis, où les siens sont déjà présents. Cette conquête est sanglante. Au même moment, des changements politiques affectent Tonga. Kau’ulufonua fait alors de son frère Moʻungāmotuʻa, un véritable vice-roi, premier membre d’une nouvelle dynastie, les Tu’i Ha’atalalaua, qui confina peu à peu celle des Tui Tonga à un rôle religieux plus que politique. On a justifié ce premier démembrement de la fonction de Tu’i Tonga, par la longue absence de Kau’ulufonua, occupé à des opérations militaires au nord de la zone d’influence tongienne. Mais nombreux furent les Tu’i Tonga qui résidèrent à Samoa au milieu de leurs parents maternels et c’est peut-être la raison essentielle de ce démembrement de la fonction de chef. À moins qu’il faille lire ici, comme dans de nombreux autres espaces de l’Océanie à la même époque, une prise du pouvoir effectif par les guerriers. Les Tui Tonga revinrent cependant peu après à Tongatapu et partagèrent le pouvoir et, en partie, l’espace avec les Tu’i Ha’atalalaua.
29Alors que Tonga domine la Polynésie centrale, les trois pointes du triangle polynésien vivent de plus en plus en vase clos pour deux d’entre elles, l’île de Pâques et le monde maori. En revanche, les Hawaiiens poursuivent quelque temps encore la tradition des grands voyages qui, entre autres, les mènent vers l’Amérique précolombienne.
30Ces voyages entre le monde insulaire et le monde américain sont de mieux en mieux connus. L’existence de contacts entre Polynésiens et Mapuches au centre du Chili aux xive-xve siècles est désormais certaine48. Par la suite, deux autres points de contacts ont été repérés, le golfe de Guayaquil sur la côte de l’Équateur actuel et la région de Santa Barbara aux États-Unis49. Ici, en effet, les Indiens Chumash et leurs voisins, les Gabrielino, ont emprunté aux Polynésiens la technique des embarcations cousues et du vocabulaire50 : deux vagues semblent les avoir atteints au départ de la Polynésie, une vers le viiie siècle (avant même le peuplement d’Hawaii) et une plus récente au xive siècle, à partir cette fois-ci de l’archipel en voie d’isolement.
31Ces derniers voyages semblent confirmés par une tradition orale51 : le chant de Kualii52. La langue archaïque dans laquelle il a été conservé permet de fixer sa composition au xive siècle53. Les Polynésiens disposent alors d’embarcations plus grandes et plus stables que celles des Européens à la même époque54, sur lesquelles peuvent prendre place des dizaines de personnes.
32Les relations entre Hawaiiens et Chumash semblent cesser avec l’entrée définitive du monde dans le petit âge glaciaire. De façon générale, le xve siècle voit la fin des grands voyages pour les Hawaiiens. Dans les mêmes décennies, les voyages au long court cessent un peu partout : l’espace polynésien se rétracte. Cette fermeture des horizons lointains pour des raisons naturelles ne signifie pas pour autant la fin des échanges à l’intérieur des espaces mélanésiens et polynésiens. Les archipels poursuivent les échanges entre leurs îles, mais la pêche devient surtout côtière. Les Polynésiens se tournent désormais vers la Mélanésie pour s’installer dans des îles et des archipels plus ou moins peuplés. Ceux qui s’établissent sont toujours minoritaires, mais ils imposent des traits de civilisation aux Mélanésiens, dans tous les domaines : Tikopia est sans doute l’exemple le plus étudié et offre une situation précoce de ce que seront les autres terres touchées par le « retour polynésien », puisqu’il date d’une période située entre le xe siècle et la moitié du xiiie siècle.
33Le (sur)peuplement des espaces insulaires s’accompagne donc, pendant la période qui correspond à notre Moyen Âge, d’une intensification des relations entre îles et archipels au moins jusqu’au xive siècle. Les nouvelles tendances climatiques qui affectent le monde alors changent les choses : des îles sont abandonnées, d’autres sont isolées… Partout naissent et se structurent de nouvelles sociétés fondées sur la guerre. Le phénomène touche une Océanie qui a peu de contacts avec les continents voisins.
34En dépit de cette situation et des évolutions ultérieures qui vont multiplier les raisons de suspendre des relations pluriséculaires, les Océaniens restent des hommes de la mer, gardant un rapport unique avec l’océan malgré la violente crise démographique qui commence au xvie siècle et s’intensifie au cours des deux siècles qui suivent.
Notes de bas de page
1 L’utilisation de l’ADN mitochondrial en archéologie et en anthropologie révolutionne actuellement l’étude du peuplement de celle des connexions dans le Pacifique.
2 J. Vansina, Oral Tradition as History, Londres/Nairobi, 1985 ; Remembrance of Pacific Pasts : an Invitation to Remake History, éd. R. Borofski, Honolulu, 2000.
3 P.D. Nunn et J. M. R. Britton, « Human-Environment Relationships in the Pacific Islands around AD 1300 », Environment and History, 7/1 (2001), p. 322.
4 P. V. Kirch, On the Roads of the Winds, Berkeley/Los Angeles/Londres, 2002, p. 244.
5 Ces fouilles précoces ont fait croire à un moment que les Marquises étaient à l’origine des courants migratoires vers les pointes du triangle polynésien. Les fouilles ou, au contraire, l’absence de fouilles peuvent ainsi donner de fausses certitudes.
6 Voir l’exemple très étudié de Tikopia. P. V. Kirch et D. E. Yen, Tikopia : the Prehistory and Ecology of Polynesian Ouliers, Honolulu, 1982 (Bernice P. Bishop Bulletin, 238).
7 Sauf de l’Australie, où le système des vents dans le Pacifique rend quasiment impossible le départ. G. Irwin, « Les voyages maritimes et le peuplement de l’Océan Pacifique à la préhistoire », Vivre la mer. Expressions océaniennes de l’insularité, éd. H. Guiot, Rennes, 2013, p. 15-34, ici p. 18. Seuls les Aborigènes du détroit de Torrès sont des marins.
8 P. Souyri, « Le Moyen Âge », Histoire du Japon des origines à nos jours, éd. Fr. Herail, Paris, 2009, p. 398.
9 Une tradition rapporte qu’à Mangareva, un chef puissant étendit l’utilisation du radeau et interdit la pirogue, beaucoup plus rapide, dans le but de pacifier l’archipel. H. Guiot, « Les radeaux », Va’a. La pirogue polynésienne, Tahiti, 2007, p. 66-67.
10 Irwin, « Les voyages maritimes… », loc. cit. n. 7, p. 27.
11 Sur le processus de construction des pirogues dans l’archipel de la Société : H. Guiot, « La construction navale polynésienne traditionnelle. Dimension culturelle d’un processus technique », Construction navale, expressions symboliques - Asie-Pacifique, dans Traversée, 35-36 (2001), disponible sur https://tc.revues.org/306
12 La technique de construction avec des planches reliées entre elles par des nœuds donne à la pirogue une souplesse que n’auront pas les navires européens pour affronter les océans.
13 W. H. Davenport, « The Marshall Islands Navigational Charts », Imago Mundi, 15 (1960), p. 19-26 ; P. Whitefield, The Charters of the Oceans, Londres, 1996, p. 9 ; J. Genz et al., « Wave Navigation in the Marshall Ocean. Comparing Indigenous and Western Scientific Knowledge of the Ocean », Oceanography, 2 (2009), p. 234-245 ; A. Di Piazza, « Cartographie océanienne et construction savante du grand Océan : la rencontre de Cook et Tupaia », Vivre la mer…, op. cit. n. 7, p. 35-51, ici p. 45-46.
14 A. Di Piazza et E. Pearthree, « A New Reading of Tupaia’ Chart », Journal of the Polynesian Society, 3 (2007), p. 321-340.
15 Ce mot polynésien, que l’on retrouve avec des variantes (tahu’a ou ta’unga, par exemple), désigne des maîtres dans un art ou une technique. Un autre terme précise souvent leur domaine de compétence. Partout, les hommes qui portent ce titre ont des compétences religieuses.
16 Sur Tangiia : « Te Ariki-Tara-are, High Priest of Rarotonga », trad. S. P. Smith, Journal of the Polynesian Society, 28 (1919) et 29 (1920). Disponible sur http://pvs.kcc.hawaii.edu/ike/moolelo/tangaiia_and_tutapu.html, consulté le 1er avril 2016, et M. Gunn, Atua. Sacred Gods from Polynesia, Londres, 2014, p. 70-71.
17 Une synthèse du peuplement et, surtout, de la disparition des populations de ces deux petites îles a été faite par J. Diamond, Collapse : How Societies Chose to Fail or Succeed, New York, 2005, trad. A. Botz et J.-L. Fidel, Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, 2006, p. 186-211. Kirch, On the Roads…, op. cit. n. 4, p. 265-270, donne une périodisation plus longue.
18 Ce phénomène de surpopulation est sans doute à l’origine du peuplement de certains atolls appartenant au groupe des Gambier, comme celui de Temoe, situé à 48 km au sud-est des îles hautes. Les premières traces d’établissements durables datent de la période comprise entre 1300 et 1420. É. Conte et P. V. Kirch, « Origines, peuplement et archéologie », Mangareva. Panthéon de Polynésie, Paris, 2009, p. 56-57.
19 P. D. Nunn et J. M. R. Britton, « Human-Environment Relationships… », loc. cit. n. 3, http://www.environmentandsociety.org/node/3067.
20 P. Boucheron, « Introduction, les boucles du monde : contour du xve siècle », Histoire du monde au xve siècle, éd. P. Boucheron, Paris, 2009, p. 10-11.
21 I. C. Campbell et J.-P. Latouche, Les insulaires du Pacifique. Histoire sociale et politique, Paris, 2001, p. 42-43.
22 Les plus anciens moai qui ornent les ahu de l’île de Pâques (Rapa Nui) datent des alentours de l’an 1100 alors que l’île est peuplée depuis plusieurs siècles (entre le iiie et le viie siècle selon les analyses faites sur les plus anciennes traces de déforestation). La tradition orale remonte à Hotu Matua, qui s’installa sur la plage d’Ana Kena et répartit les terres de son royaume nouveau entre ses six fils. A. Metraux, L’île de Pâques, Paris, 1940, p. 120. On peut aussi consulter sur cette île le petit ouvrage de C. et M. Orliac, Des dieux regardent des étoiles. Le dernier secret de l’Île de Pâques, Paris, 1995.
23 Diamond, Effondrement…, op. cit. n. 17, p. 111-185.
24 C. et M. Orliac, Trésor de l’Île de Pâques, Paris, 2008, p. 23-25. Voir également N. Cauwe, L’île de Pâques, le grand tabou, Louvain-la-Neuve, 2011, qui revisite par l’archéologie un certain nombre de sites, ce qui lui permet de donner une interprétation moins violente de l’histoire de Rapa Nui.
25 L’arbre à pain (ulu ou uru – artocarpus altilis) comme le mûrier à papier (broussonetia papyrifera), qui sert à faire le tapa, est un arbre qui provient de l’Asie, témoignage supplémentaire s’il en faut de l’origine asiatique des migrations de l’homme vers l’Océanie.
26 Voir la synthèse rapide de B. V. Rolett, « Les Ènata : leurs origines, leurs ancêtres et leurs chefferies », Mata Hoata. Arts et société aux îles Marquises, éd. C. Ivory, Paris, 2016, p. 82-85.
27 Chr. Sand, « Le temps d’avant ». La préhistoire en Nouvelle-Calédonie, Paris, 1995, p. 117-144.
28 La flèche faîtière d’une grande case kanake conservée au pavillon des sessions du musée du Louvre semble bien dater de la fin du xive ou du xve siècle. R. Boulay, « Flèche faîtière de grande maison cérémonielle », Sculptures, éd. J. Kerchache, Paris, 2000, p. 248-250.
29 Kirch, On the Roads…, op. cit. n. 4, p. 159-160, qui voit dans ce changement s’accompagnant de la construction d’espaces fortifiés et de l’adoption d’un nouveau type de poterie (style Vunda) l’effet d’une surpopulation de l’espace agricole.
30 D. Hanlon, Upon a Stone Altar : a History of the Island of Pohnpei to 1890, Honolulu, 1988.
31 Le kava (Piper mysticum) est une plante originaire de la Papouasie. À partir des racines, on obtient un breuvage euphorisant. Ce dernier était associé à des cultes, à des cérémonies protocolaires ou encore aux règlements de conflits, donnant lieu parfois à des rituels élaborés et codifiés, surtout dans le centre de l’Océanie.
32 Palau est couverte de terrasses fossiles datant de 500 c à 1400 c, que Patrick V. Kirch compare à celles des Ifugaos du centre de Luçon aux Philippines voisines. Kirch, On the Roads…, op. cit. n. 4, p. 187-191.
33 W. N. Morgan, Prehistoric Architecture in Micronesia, Austin, 1988 ; R. L. Handerson et B. M. Butler, An Overview of Northern Marianas Prehistory, Saipan, 1991 (Micronesian Archeological Survey Report, 31).
34 Zheng He est d’ailleurs un eunuque chinois appartenant à la communauté musulmane de Canton, qui a toujours fourni des pèlerins pour La Mecque.
35 P. Souyri, « Le Moyen Âge… », loc. cit. n 8, p. 403-404 et id., « Japon, Corée, Okinawa », Histoire du monde…, op. cit. n. 20, p. 223-225.
36 D. Lombard, Le carrefour javanais. Essai d’histoire globale, t. II : Les réseaux asiatiques, Paris, 1990, p. 36-44 ; S. Subrahmanyam et Cl. Markovits, « Inde et Asie du Sud-Est : lendemain d’Empire », Histoire du monde…, op. cit. n. 20, p. 243.
37 C. Bernand et S. Gruzinski, Histoire du Nouveau monde, 1992, t. I, p. 444-445.
38 Des fragments de poteries Huancavilca (époque incaïque) découverts par Thor Heyerdahl et des archéologues de plusieurs nationalités en 1953 ont longtemps fait penser que l’archipel avait été touché par des navigateurs précolombiens. Depuis, ces résultats ont été revus lorsqu’on a constaté que ces fragments de poteries provenaient tous d’horizons d’époque hispanique. Il s’agirait donc de poteries péruviennes embarquées pour les besoins d’équipages hispaniques dans la région du Callao au xvie siècle.
39 J. A. del Busto Duthurburu, Túpac Yupanqui. Descubridor de Oceanía, 2006. Il s’appuie sur un témoignage unique, celui de Pedro Sarmiento de Gamboa, qui le recueillit au Pérou dans les années 1560.
40 Bien connu depuis l’étude ethnologique pionnière de B. Malinowski, parue en 1922 et depuis traduite en français, sous le titre Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, 1963. Ce double système d’échanges existe encore dans l’aire Massim.
41 Moins connu et disparu au début du xxe siècle, le Sawei s’organisait autour de Yap et touchait de nombreuses petites îles de Micronésie. Des tessons de céramique en provenance de Yap permettent de dire que les îles les plus occidentales participaient déjà à un mouvement d’échanges qui allait devenir le Sawei dès le viie siècle. Une intensification des échanges dans la même région est visible vers 1400. C. Descantes, Integrating Archeology and Ethnohistory : The Development of Exchange Between Yap and Ulithi, Western Caroline Islands, Ph.D. inédit, université d’Oregon, 1998.
42 Le Sawei est ainsi souvent présenté comme un des aspects de « l’empire de Yap ». Kirch, On the Roads…, op. cit. n. 4, p. 191-193 et P. Hage et F. Harary, Islands Network. Communications, Kinship and Classification Structures in Oceania, Cambridge, 1996.
43 M. Cl. Bataille-Benguigui, « Du mythe à la réalité. Le couple île-océan dans l’archipel des Tonga », Vivre la mer…, op. cit. n. 7, p. 197 et suiv.
44 P. Herda, The Transformation of the Traditional Tongan Policy : A Genealogical Consideration of Tongan’s Past, Ph.D., Australian National University, 1988.
45 Chr. Sand, « Empires maritimes préhistoriques dans le Pacifique : Ga’asialili et la mise en place d’une colonie tongienne à Uvea », Journal de la Société des océanistes, 108/1 (1999), p. 103-124, ici p. 107.
46 J. Guiart, Structures de la chefferie en Mélanésie du Sud, Paris, 1963, p. 661. Cependant, l’absence d’une administration et, surtout, la nécessité pour chaque Tu’i Tonga d’affirmer son autorité par des démonstrations armées ne permet pas de parler d’un empire comme nous l’entendons habituellement.
47 Vers 1470. N. Rutheford, Friendly Islands, Oxford, 1977. Mais la date du règne peut varier sur un siècle comme le démontre P. V. Kirch, Niuatoputapu : the Prehistory of a Polynesian Chiefdom, Seattle, 1988.
48 E. Matisoo-Smith et J.-M. Ramirez, « Human Skeletal Evidence of Polynesian Presence in South America ? Metric Analyses of Six Crania from Mocha Island, Chile », Journal of Pacific Archaelogy, 1/1 (2010), p. 76-88. Cette étude vient après une analyse d’ADN contenu dans des os de poulet trouvés, là aussi, au Chili et datés de 1304-1424. A. A. Storey et al., « Radiocarbon and DNA Evidence for a Pre-Columbian Introduction of Polynesian Chickens to Chile », Proceedings of the National Academy of Sciences, 104/25 (2007), p. 10335-10339.
49 T. L. Jones, A. A. Storey, E. A. Matisoo-Smith et J.-M. Ramirez Aliaga, Polynesians in America, Pre-Columbian Contacts in the New World, Plymouth, 2011, p. 71-88.
50 À commencer par le nom de la pirogue cousue : tomolo.
51 V. Clément, « Star Path to a New World : Reappraising an Account of a Polynesian Voyage to the American Continent from an Environmental History Perspective », Environment and History, 22/1 (2016), p. 29-48.
52 Ce chant a été publié en 1880 par A. Fornander, An Account of the Polynesian Race, its Origins and Migrations, and the Ancient History of the Hawaiian People of the Times of Kamehameha I, Londres, 1880, vol. 2, p. 371-399. La traduction a été revue quelques années plus tard (1893) par Curtis J. Lyons, qui a alors souligné l’importance du texte. C. J. Lyons et D. V. Alexander, « The Song of Kualii, of Hawaii, Sandwich Islands », The Journal of Polynesian Society, 2/3 (1893), p. 160-178.
53 Le temps des grands voyages se termine à l’orée du xve siècle.
54 D. L. Douglas, Polynesians in the Early Historic Times, Honolulu, 2002, p. 116.
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