Chapitre 7. L’or des médailles, le bleu des uniformes
Distinctions et fusions des mamelouks dans le mouvement des réformes
p. 239-275
Texte intégral
1À la recherche des effets des réformes sur la formulation et les pratiques des relations d’obéissance et de dépendance, nous essaierons de percevoir dans ce chapitre comment les mamelouks se sont situés dans le mouvement des réformes : ce qu’ils y ont perdu et ce qu’ils y ont gagné. L’alternative avancée à la fin du précédent chapitre, entre occidentalisation du service rendu par les mamelouks ou « mameloukisation » des serviteurs occidentaux recrutés librement au Bardo, sera étendue en appliquant à des domaines plus larges d’exercice de l’autorité tenue par des mamelouks, l’hypothèse émise par Ernest Gellner d’une « universalisation de la condition mamelouke1 ».
2Quand les hiérarchies et les bureaucraties se formalisent, font l’objet de lourdes réglementations, quand la figure du fonctionnaire devient commune, est-ce le mamelouk qui s’épanouit sous d’autres traits ou est-ce le fonctionnaire qui s’impose ? Entre ces deux options, sans aller jusqu’à enquêter sur l’ensemble de l’administration des husaynides, c’est donc au sein même du corps mamelouk, au gré des fonctions exercées par ses dignitaires et agents les plus obscurs, selon leurs places dans des hiérarchies refondées, que seront repérées des interactions entre perpétuation des dépendances, d’une part, et reformulations bureaucratiques, de l’autre.
DES HOMMES DE RÉFORMES
3Au début des années 1830 puis à la fin des années 1850, les mamelouks jouent des rôles déterminants dans deux vagues consécutives de réformes : d’abord lors de la mise en place de l’armée régulière, puis avec l’adoption d’une Constitution. D’une période à l’autre, les mamelouks ont envisagé les réformes de façon différente : peu à peu, ils ont moins subi un mouvement qu’ils n’ont influé sur le cours des choses. À trente ans d’intervalle, les formes du service se sont transformées : les mamelouks de la période constitutionnelle se voulaient plus que des officiers s’abreuvant aux ordres de leurs supérieurs et de leur premier maître ; des hommes promus par la faveur des beys pouvaient se glisser dans le profil du fonctionnaire. Le repérage de ces positions dans l’appropriation des réformes est de fait déterminant pour comprendre par la suite les gains et les pertes enregistrés par les mamelouks, leur promotion et leur fusion parmi de plus larges ensembles de serviteurs.
À la tête du niẓām al-jadīd
4Le premier type de réforme, la réforme de l’armée, n’est pas une pratique neuve à Tunis. Pour paraphraser la conclusion de Nelly Hanna au terme d’une enquête sur la vie d’un grand négociant du Caire, « certains aspects du changement » du début du xixe siècle sont en partie liés à un processus qui a débuté bien auparavant », au cours du xviie siècle2. Dans cette longue généalogie, une des formes antérieures les plus proches de ces réaménagements constants fut identifiée dans les dernières décennies du xviiie siècle : au Maghreb, l’« européanisation des forces navales […] [était] réalisée dès le début du xixe siècle, bien avant celle des forces terrestres3 ». Cette modernisation complétait, dans le beylik de Tunis, un important effort de constructions défensives4.
5Ce qui changea donc au début des années 1830, dans un empire assailli par les menaces européennes5, ce fut la démultiplication des angles d’observation et de relation de ces démonstrations de force. Des cérémonies entouraient la mise en place des armées régulières. L’adaptation volontariste décidée par la Sublime Porte fut appliquée dans les capitales provinciales. Les diplomates et observateurs issus des nations européennes en donnèrent un large écho. À l’échelle de Tunis, de façon formelle, pour s’engager dans les tanẓīmāt, il fallut adopter les habits de la réforme, les tenues militaires d’allure occidentale.
6Récits consulaires et chroniques de palais insistent sur cette étape initiale : à la fin de l’année 1831, « en un jour mémorable et au sein d’une assemblée majestueuse », le bey reçut du sultan l’uniforme de pacha. Ḥusayn Bey fut revêtu de cette tenue par son ministre en lieu et place de l’interprète du dey, affecté à cette tâche dans l’ancien usage. L’ordre de suivre l’exemple du maître fut ensuite énoncé aux hommes de sa dawla et à ses suivants : « Ses ministres, sa cour, toutes les personnes attachées au gouvernement et même les janissaires des consulats ont dû revêtir le nouvel habillement6. »
7Chacun des gestes, chacune des intentions apparentes qui accompagnaient ces transformations réorientaient l’organisation de l’armée et de l’administration. Les hiérarchies devaient être modelées moins à l’horizontale, entre divers corps au service des beys, qu’à la verticale, du maître des lieux jusqu’aux hommes affectés auprès des maisons européennes. L’ensemble des janissaires étaient appelés à disparaître7. Les survivants des troupes à base ethnique devaient trouver place dans un cadre plus fédérateur, sous l’autorité des chefs de province. Par ces superpositions d’intentions et de significations, parce qu’elles recevaient ce que ses principaux inspirateurs voulaient y placer, les premières réformes faisaient se rejoindre grands projets et calculs concomitants du centre impérial, des puissances européennes et du sérail des Husaynides8. Mais, pour que ces derniers puissent faire valoir leurs positions et avantages sur la capitale impériale et sur les maisons consulaires, il leur fallait placer, dans ces nouvelles tenues et aux fonctions d’encadrement, leurs propres hommes. Ḥusayn Bey chargea Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘ de la délicate mission d’organiser les troupes, d’amalgamer « des jeunes gens, pris parmi les enfants des militaires de la milice turque […] [et] parmi les indigènes [awlād al-balad] ».
8À la manière des beys tentant de se desserrer d’un étau entre prééminence des sultans et pression des consuls, des dignitaires mamelouks entendaient, eux aussi, contrôler l’instrument militaire et placer leurs créatures les plus proches aux rangs stratégiques9. À partir de 1831, Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘ ne perdit pas des yeux l’armée régulière. Son mamelouk, Muḥammad Khaznadār, l’informait d’accidents lors d’entraînements : le 27 mars 1832, il lui apprit que les deux mamelouks, Maḥmūd et Kharšīd avaient été blessés lors de manœuvres sur des canons10. Selon l’observation étonnée du consul de France, en 1835, le vizir déplaçait à sa guise des troupes régulières de Sousse vers « la campagne de Sidi Ismaël située à un quart de lieue du Barde […] sous le commandement d’un mameluck et d’instructeurs français qui lui sembl[aie]nt dévoués11 ». Obéi des colonels Salīm et Qāra Muḥammad et qui plus est d’éléments étrangers, Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘ en vint, d’après Ibn Abī Ḍiyāf, « à considérer ces troupes comme sa chose12 ».
9Par la suite, à l’avènement d’Aḥmad Bey, ce qui n’était que luttes d’influences, volonté de contrôle sur une nouvelle structure d’autorité s’apparenta à des formes de vocation pour le métier des armes. Après avoir ravi à Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘ la conduite du niẓām al-jadīd, Aḥmad Bey réformateur ne se contenta plus de s’appuyer sur « ses mamelouks et les gens de son sérail », il ne voulut pas seulement leur ordonner d’apprendre tous les jours dans la poussière des bataillons les « manœuvres en vigueur », il « consacra toute son activité aux soldats13 ». Le bey prit part aux exercices parmi ses mamelouks14. Il « se mêla [si] étroitement » aux militaires « qu’ils s’attachèrent à lui et se prirent pour lui d’une vive affection15 ». Des mamelouks serviteurs ou clients n’étaient plus seulement adjoints à l’armée régulière, ils étaient formés dès leur enfance pour y trouver place et, qui sait, y épanouir leurs talents. Dilāwār, un Caucasien acquis par le bey, put s’instruire en Italie « dans les sciences et notamment les sciences navales16 ». L’identité militaire n’était pas qu’un uniforme, une enveloppe, elle habitait le bey et ses mamelouks.
10Un des serviteurs d’Aḥmad Bey poussa plus loin encore cette identification. Le Géorgien Rašīd, passé sous le patronage de Ḥusayn Bey, « se passionna pour l’art militaire (‘ilm ṣinā‘a al-ḥarbiyya) ». Selon Ibn Abī al-Ḍiyāf, Rašīd fut le premier « attentif à prendre connaissance [des livres dédiés à cette science] dans la province17 ». Sur les étagères de la Bibliothèque nationale tunisienne, des manuscrits qui lui sont attribués ont rejoint une collection d’ouvrages d’instruction militaire le plus souvent traduits du turc. Un écrit sur les entraînements18 et un second sur les conditions d’entrée dans le corps d’armée19 côtoient ainsi des traités de formation militaire consacrés notamment à l’utilisation de la cavalerie dans les guerres20.
11Le général Rašīd incarnait ce nouveau type d’officier. Certains de ses actes étonnaient ses contemporains. Dans la notice biographique qu’il lui consacra, Ibn Abī al-Ḍiyāf montrait que le général opérait de nouvelles distinctions entre intimité et sphère publique : au contraire de ses pairs, Rašīd n’avait recours à aucun soldat pour ses affaires particulières, mais il s’investissait dans des chantiers d’intérêt général, demandant au bey l’autorisation de construire des ponts ou de remettre une route en état21. Lors de son commandement militaire en Crimée, Rašīd démontra une capacité à animer une solidarité de corps qui transcendait à la fois le service de sérail dont il était issu et la simple obéissance aux beys qui l’avaient promu. Loin de Tunis, aux abords de la mer Noire, il s’employa à incarner le parfait héros militaire, à l’écoute de ses modestes troupes, endurant la maladie avec ses hommes, tenant à rapatrier leurs corps et leurs dépouilles, s’opposant aux officiers turcs22.
12Mais cette inclination à se maintenir dans une rationalité autre que celle de son entourage professionnel désorientait : lors de la révolte de 1864, dépêché dans le Sahel, pour reprendre en main et dégager des troupes stationnées à Sousse23, le général ne parvint pas à empêcher l’entrée dans la ville d’un šaykh et derviche « à moitié nu, portant un large turban vert ornementé de fleurs, […] accompagné d’une foule de gens », venu des alentours prêcher le djihad. Les gardes des trois portes certifièrent ne pas lui avoir désobéi : « […] tous jurèrent que le “Sheik” n’était entré par aucune porte, insinuant qu’il avait miraculeusement jailli du paradis24 ». Une part du Rašīd devenu général, installé dans de nouvelles hiérarchies du beylik, semblait parler à ses hommes, mais une autre ne pouvait plus les entendre.
13À cette époque, à la fin des années 1850, ceux que les beys avaient placés et maintenus aux postes de commandement bénéficiaient encore aux yeux de leurs maîtres d’un statut d’hommes de confiance dans la conduite des réformes. Les fonctions d’encadrement étaient confirmées et leurs responsabilités s’étaient accrues au temps des réformes constitutionnelles. À la fin des années 1850, nombre de mamelouks, dont Khayr al-Dīn, Muḥammad Rašīd, Ismā‘īl Ṣāḥib al-Ṭābi‘, siégeaient dans un comité chargé d’élaborer, à partir de modèles turc et européen, une loi sur l’incorporation des soldats dans l’armée25.
14Leurs rôles actifs dans l’élaboration d’un édifice législatif et constitutionnel ouvraient un second temps fort des réformes. Avec la promulgation d’articles constitutionnels restreignant les champs d’intervention des beys, avec la prolifération de conseils et d’institutions de justice pour partie tenus par des mamelouks, il ne s’agissait plus seulement de se demander comment le gouvernement de la province s’appropriait une dynamique ottomane, il fallait aussi en venir aux façons dont des dignitaires entendaient influer sur le cours des choses, à leur possible balancement entre une volonté de promouvoir l’intérêt général et une instrumentalisation des rouages de la Constitution de 1861 à des fins privées.
Dans les rouages de la Constitution
15C’est à ce moment décisif, à l’adoption de la première Constitution du pays, que la perception historiographique du rôle des mamelouks de Tunis dans le mouvement des réformes s’est altérée. Une des lectures les plus répandues de cet épisode imputait toutes les faillites à venir aux hommes forts issus de ce corps de serviteurs. Dans leur ensemble, ils étaient accusés d’avoir détourné le sens des réformes voulues par les nations européennes, d’avoir empêché la modernisation de la province et d’avoir manipulé des institutions naissantes dans le seul but de maintenir leur domination sur le pays.
16Dans ce procès à charge, Les origines du Protectorat de Jean Ganiage paraissent avoir joué un rôle déterminant. Monument d’histoire positiviste appliquée à la Tunisie et d’expression de mépris si ce n’est d’aversion pour les populations étudiées, cette somme factuelle fondée sur des jugements parfois sommaires26 fut conçue à sens unique, par lecture prioritaire des archives des Affaires étrangères françaises. Sans distance et surtout sans la moindre nuance sur la question d’une domination mamelouke à Tunis, son auteur a repris et diffusé le point de vue d’un contemporain de la brève période constitutionnelle, le lieutenant-colonel Campenon, instructeur militaire hostile aux serviteurs des beys, porte-drapeau d’une prépondérance française alors menacée dans la régence par les stratagèmes anglais.
17Jean Ganiage lui a emprunté de nombreux points d’analyse sur les pratiques et limites de l’œuvre constitutionnelle, que l’on pourrait résumer en quatre points : le bey fut « écarté du pouvoir », « réduit aux fonctions presque honorifiques de chef de l’État » ; le Conseil suprême, installé par la Constitution et comparé à un « Sénat et une Assemblée législative », fut transformé en « chambre d’enregistrement docile » aux volontés du Muṣṭafā Khaznadār ; les réformes judiciaires ont avant tout visé à protéger ce vizir et ses pairs contre des « destitutions brutales » et des « exécutions sommaires » ; au final, la Constitution aurait consacré l’« accaparement du pouvoir par les mamelouks27 ». Exagérée ou atténuée, cette lecture s’est ensuite retrouvée validée dans nombre d’études sur cette période historique28. Au final, dans cette perspective, « le » mamelouk extérieur à la province rendait à son tour la réforme extérieure à la province : « Comme le mamelouk se juxtapose à la société en servant le pouvoir beylical, l’idée réformiste se juxtapose à la société et se sert de l’État29. »
18Ces derniers points de vue étaient confirmés par une série de comportements. De nouveaux rouages institutionnels n’avaient-ils pas permis d’inscrire noir sur blanc les hiérarchies de revenus et de garantir les corps et les richesses30 ? À Istanbul, un code pénal avait abrogé, depuis 1838, les confiscations des biens des serviteurs de l’État, les exécutions sur volonté du sultan31 et, en 1865, Khayr al-Dīn en était encore à insister auprès du représentant français sur la valeur de clauses comparables « de la Constitution qui ont pour effet de soustraire les biens et la vie des fonctionnaires tunisiens aux caprices de l’arbitraire si fréquent parmi les gouvernements orientaux32 ». Après la disparition d’Aḥmad Bey, qui s’était refusé à toute réforme administrative restreignant son autorité ou le plaçant plus nettement sous la tutelle d’Istanbul33, des dignitaires mamelouks pleins d’espérance n’avaient-ils pas forcé la main de leurs maîtres pour les amener à adopter la Constitution et son cortège de garanties ? En 1857, aux dires du consul de France, Muṣṭafā Khaznadār et le général Khayr al-Dīn étaient « indignés de la faiblesse de Sidi Mohamed Bey » et de son irrésolution face aux réformes34. Une fois le Pacte fondamental adopté, le doyen Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘ félicitait Muḥammad Bey : « C’est ce à quoi j’aspirais depuis que je vous connais. […] Je vois cette loi comme le renouvellement du pouvoir des descendants de Ḥusayn b. ‘Alī dans ce pays35. »
19Mais toute une série d’autres analyses plus conséquentes tendaient à fortement nuancer les lectures du lieutenant-colonel Campenon reprises par Jean Ganiage. Au milieu des années 1970, dans une biographie de Khayr al-Dīn, Gérard Van Krieken remettait en doute l’idée d’une perte de pouvoir des beys dans le cadre constitutionnel. Il affirmait :
« La Constitution laissait au Bey assez de moyens d’exercer son contrôle […], sur les mameluks. Ce n’est pas la Constitution qui a créé cette situation de concentration du pouvoir, mais le caractère de Muḥammad al-Ṣādiq Bey. Ce qui a permis à Campenon d’affirmer que les mameluks régnaient comme des maîtres absolus, c’est que le Bey refusait de gouverner lui-même et préférait donner les pleins pouvoirs à son Premier ministre36. »
20Qui plus est, les mamelouks ne pouvaient constituer un groupe dirigeant homogène puisque, entre eux, ces hommes étaient loin de partager les mêmes points de vue. Muṣṭafā Khaznadār se plaignait alors d’être l’« objet de la haine et de la jalousie de tous les ministres du Bey » qui l’accusait d’être le « champion de la politique française37 ». Khayr al-Dīn mettait en garde contre une extension de liberté qui favoriserait les « vues secrètes des sujets non musulmans38 ». Les mamelouks sont donc passés à l’action en ce temps des réformes mais chacun des hommes du bey a dû vivre les réformes dans de plus ou moins fortes tensions intérieures : selon l’intuition de L. C. Brown, un certain nombre d’entre eux ont pu être « attirés par de nouvelles idées révolutionnaires […] qui sapaient leur position39 ». Là encore, sur le degré de cohésion des mamelouks et d’allégeance à leurs maîtres, Gerard Van Krieken a ouvert une voie que nous approfondirons ici, en engageant un début de démonstration fondée non pas sur des conjectures hasardeuses à partir d’articles constitutionnels ou d’écrits polémiques, mais selon la composition et les travaux du majlis al-akbar, le Conseil suprême à l’œuvre de 1861 à 186440.
21Dans l’esprit de la Constitution, le Conseil suprême fut avant tout conçu comme l’ultime échelon d’une nouvelle hiérarchie judiciaire : la moitié des affaires que ses membres avaient à traiter touchaient à des points de droit. Cet organe ne fut cependant pas maintenu dans cet unique cadre. Ses compétences furent élargies : les conseillers pouvaient améliorer et reformuler une loi d’application difficile, voire impossible ; ils cherchèrent aussi à traiter d’affaires gouvernementales41.
22La maîtrise de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey ou de son vizir sur la composition du Conseil n’était pas toujours des plus assurée. Le bey pouvait bien se vanter d’avoir placé en son conseil « des hommes qui partagent toutes [s]es idées et qui, si Dieu [l’]appelait à lui, sauraient imposer leurs décisions à cette assemblée42 », Ibn Abī al-Ḍiyāf pouvait bien s’étonner que par un étrange hasard, sur les vingt hommes de gouvernement choisis pour le Conseil, il ne s’était trouvé que deux « fils du pays par la naissance » (lui et Joseph Raffo), il fallait pour être exhaustif ajouter à ce groupe de serviteurs, en grande majorité mamelouks, quarante autres conseillers choisis parmi les notables de la capitale (a‘yān al-ḥāḍira).Et sur le tiers de membres issus du gouvernement, la qualité de mamelouk et la dépendance au bey n’étaient pas du tout mises en avant. Dans l’Itḥāf et dans la troisième édition du Journal officiel tunisien qui déclinaient la liste des conseillers, seuls deux critères principaux de composition étaient explicites : d’abord le savoir (al-‘ilm), puis la notabilité ou considération sociale (al-wajāha)43.
23Au-delà des principes et de leur interprétation, la pratique au jour le jour, la lourdeur de la charge de travail bien souvent bihebdomadaire, cumulée à d’autres dignités, entraînaient un roulement dans la composition du Conseil suprême qui infléchissait l’a priori d’un bloc mamelouk prépondérant. Les volumineux cartons d’archives du Conseil abondent en courts billets pour excuser des absences ou demander d’être relevé de charge : dans une de ses missives, le général Ḥusayn présentait une demande de permission de trois mois « pour le bien de [s]on faible corps » et pour se rendre en voyage44. Au final, au terme de ces mouvements, quarante-trois des soixante « membres constituants du Conseil […] siégeaient encore en 1864 dont 18 ministres [ou] hauts fonctionnaires et 25 notables ». L’assemblée avait établi une liste de 40 remplaçants pour faire face aux décès ou aux expirations de mandats45. « L’élection des remplaçants eut lieu d’une manière démocratique sur la base d’une liste ne comptant pas moins de 108 noms46. »
24Le cadre matériel des débats et leurs fonds oscillaient, de surcroît, entre allégeance au palais et expérimentation de nouvelles formes de consultation ou de décision en l’absence physique du maître de la province. Le Conseil se réunissait dans la capitale au Dār al-Bey47, mais le lieu était identifié dans la correspondance officielle au « sérail du royaume dans la capitale » et, fait significatif, son entretien était confié à des domestiques issus du Bardo, les fameux muchachos48. Les membres du Conseil continuaient de plus à être rémunérés et distingués par le bey et son trésor49, mais l’aménagement de la salle des débats se différenciait de l’ameublement en apparence des divans pour se rapprocher des cadres plus formels des assemblées consultatives à l’européenne. Un menuisier chrétien avait conçu des tables hautes et des chaises, dont un fauteuil certainement destiné à la présidence du Conseil puisqu’il était orné d’un diadème doré et surélevé d’une marche50. Dans la salle des débats et des votes, les membres du Conseil étaient répartis en deux groupes de trente, entre une aile droite et une aile gauche. D’après une liste, chacune des places était nominative : les mamelouks ne faisaient pas bande à part dans les travées ; on pouvait discerner sept d’entre eux dans les rangées de droite et huit dans celles de gauche. Selon cette liste, ils trouvaient place à chaque séance parmi les notabilités du pays51.
25Embryon de parlementarisme ou décor en trompe l’œil, le conseil connaissait des ratés. Le Conseil suprême repassait peu à peu sous le contrôle du bey et de son gouvernement. Khayr al-Dīn s’était retiré de sa présidence et du ministère de la Marine fin novembre 1862, affirmant a posteriori ne pas vouloir « contribuer à la mystification de [s]a patrie d’adoption que l’on traînait impitoyablement à sa ruine52 ». Le mois suivant, le Premier ministre Muṣṭafā Khaznadār se retrouvait à la tête du Conseil53. Un an plus tard, à partir de fin novembre 1863, l’Assemblée se trouvait surtout chapeautée par le Conseil privé du bey. Ce conseil était composé et dirigé par le souverain ou par un membre de sa famille, en son absence. Ses vingt-cinq membres devaient être choisis parmi les ministres, les généraux des divers corps d’armée, les figures du gouvernement et du royaume (a‘yān aldawla wa a‘yān ahl al-mamlaka). Ils avaient à traiter des affaires du pays, dont celles de la « maison du souverain », à l’exception de l’administration journalière. Chacun des conseillers était invité à faire part de son avis ; un quorum de quinze membres était exigé pour prendre en compte les conclusions de la consultation54.
26Du point de vue du bey, le Conseil suprême devait être encadré. Il ne s’était pas montré assez docile durant sa courte existence, de 1861 à 1864. Dès ses débuts, le consul de France, qui avait redouté des réflexes de « servilité », se félicitait d’une opposition ferme et consistante contre un article des « lois organiques de la Constitution » « en faveur des princes de la famille » beylicale55. Dans ses missions d’examen de l’appareil d’État, cette cour d’appel avait dépêché à travers le pays des inspecteurs chargés de contrôler des hiérarchies judiciaires, des « tribunaux de première et de dernière instance56 ». Les membres du Conseil alertaient les autorités de l’augmentation des vols à Tunis par négligence des forces de police ou ḍabṭiyya57. Ils avaient à examiner des affaires qui impliquaient des proches du sérail58 refusant toute clémence en faveur d’un descendant de chef de mamelouks du palais astreint à payer ses dettes59, s’accordant à l’inverse pour augmenter les traitements de dignitaires mamelouks60 ou pour défendre le prince Muḥammad al-Ṭāhīr Bey contre un plaignant juif qui réclamait le remboursement de ses prêts61.
27Le Conseil se distingua surtout par des divisions fréquentes sur de nombreux projets financiers. Dans les procès-verbaux des séances, les signatures des présents se sont réparties à plusieurs reprises entre opposants et défenseurs des décisions beylicales : entre autres, sur des exemptions fiscales en faveur des soldats62 ; sur le montant du salaire annuel de chacun des conseillers que le bey fixait à 10 000 piastres et qu’une nette majorité souhaite limiter à 6 000 piastres63 ; sur les projets financiers de construction d’une voie ferrée entre Tunis et La Goulette64… Mais ces efforts d’opposition et d’autonomisation connurent aussi leurs limites : les budgets établis par Muṣṭafā Khaznadār étaient entérinés même s’ils n’étaient pas « conformes à la situation financière réelle » en 1863 ; les conseillers laissèrent le bey se prononcer sur la réforme de la majba, contribution financière dont la hausse fut à l’origine de la révolte de 1864. À l’unanimité, ils accordèrent les pleins pouvoirs au bey lorsque les troubles éclatèrent65.
28Tout en ne sous-estimant pas les faiblesses et les manques de cette fragile institution, nous voilà bien loin de l’analyse péremptoire du lieutenant-colonel Campenon, nous voilà aussi bien éloignés des premiers temps de la réforme : disséminés dans la salle du majlis al-akbār, inscrits dans un décorum de plus en plus solennel, avec la bénédiction des puissances européennes et, à moindre degré, de la métropole impériale, des serviteurs de bey se sont moins situés dans des positions d’obéissance que dans des débats d’intérêt général. Les mamelouks n’ont surtout pas constitué un front constamment uni autour de revendications de « caste ». Ils se sont divisés sur des questions juridiques et financières. L’un d’entre eux, le général Ḥusayn, a défendu la prééminence d’une sélection individuelle par le mérite sur une représentation communautaire par origine ou par ethnie66.
29Dans l’armée comme dans le Conseil suprême, dans des institutions qui se devaient de dépasser les clivages ethniques, un Rašīd s’est investi tandis qu’un Khayr al-Dīn s’est retiré. Ces premières mutations entraperçues sur les positions des dignitaires mamelouks de l’appropriation à la relative maîtrise des réformes, il faut désormais dresser un bilan plus large des gains et des pertes que les réformes entraînèrent pour le corps mamelouk entre les années 1830 et le début des années 1860, afin de déterminer si leur condition s’est universalisée ou bien si elle s’est dissoute dans le cadre du fonctionnariat et des réformes.
LES BÉNÉFICES DES RÉFORMES
Les privilèges de l’ancien régime et les avantages du nouvel ordre
30Au chapitre des gains, avec le surgissement des réformes, les mamelouks ont tout d’abord gagné des titres prestigieux et ont permis l’adoption de ces titres dans l’administration beylicale. Les titres de ministres ou wazīr étaient employés bien avant le tournant constitutionnel des années 1860. À l’époque de Ḥusayn b. ‘Alī, leur mention est d’un usage fréquent sous la plume des consuls de France, par recherche – il est vrai – d’équivalence avec la titulature européenne67, tandis que la fonction de vizir apparaîtrait dès le règne de ‘Alī Bey, dans les sources administratives et chroniques en arabe68. Mais, la dépendance à l’égard du sultan et la crainte d’user de termes réservés à la Sublime Porte dans la correspondance avec Istanbul69 auraient repoussé pour le moins, aux temps d’Aḥmad Bey, le recours affiché aux catégories administratives de « ministères » et de Premier ministre (wazīr al-akbār) au « sens plein » de ces mots70. La titulature aurait dès lors précédé la réalité des charges71.
31Dans ce processus, les dignitaires mamelouks et les autres serviteurs des beys eurent l’honneur d’opérer une série de médiations entre d’anciennes dénominations de services personnels et l’établissement de départements d’administration. Ce sont les « plus notables des hommes » de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey (a‘yān rijāli-hi) qui furent consultés afin de concevoir la « législation de service du Premier ministère et des autres ministères ». Dans une lettre datée du 6 mars 1860, les signataires, Muṣṭafā Khaznadār, Muṣṭafā Āġā, Khayr al-Dīn, Muḥammad ‘Āmil al-Sāḥil, Ismā‘īl Ṣāḥib al-Ṭābi‘, mais aussi Aḥmad Ibn Abī al-Ḍiyāf, se présentaient comme des « esclaves du service » tout en mettant en avant « les lois du gouvernement comme un fondement authentique des lois tunisiennes72 ». La maison husaynide réempruntait donc à des cadres d’administration européens et ottomans, quand ces agents pouvaient s’y inscrire, s’yillustrer.
32Exerçant des fonctions aussi bien administratives que militaires, les mamelouks profitèrent aussi de la montée en puissance de l’armée régulière et de la réorganisation de l’administration dont la hiérarchie tendait à s’inspirer de l’ordre militaire. Une discipline militaire de plus en plus précise dans les textes73 devait structurer les autres champs réordonnés de la dawla. Les seuils entre métiers militaires et civils74 étaient traversés avec aisance par des généraux mamelouks, par les Aḥmad Zarrūq ou Rustum qui étaient aussi bien dépêchés à la tête d’expéditions militaires qu’attendus dans des ministères. Le décret du 26 avril 1861 (15 šawwāl 1277) divisait les « fonctions civiles » (al-khiṭāṭ al-siyāsiyya)« en six classes assimilées aux grades militaires. La première classe correspondant au grade de général de division et la sixième à celui de chef de bataillon75 ». Un document des archives détaillait ces classes souvent constituées de mamelouks. Après le souverain, le premier rang revenait aux tenants de vizirats. La deuxième classe incluait les membres du Conseil suprême, les hommes du tribunal « charaïque », le président du tribunal correctionnel et le chef des « policiers » ; la troisième catégorie rassemblait les conseillers des ministères, les premiers secrétaires, les membres du tribunal correctionnel. De là jusqu’à la cinquième classe, commençaient alors à être pris en considération les représentants de l’autorité beylicale dans la province. La dernière section rassemblait enfin « les fonctionnaires du gouvernement, qu’ils fussent dans le service général/public ou dans le service particulier/privé76 ».
33Des positions administratives, des hiérarchies favorables aux mamelouks étaient affermies. À la différence d’Istanbul, dans les tanẓīmāt à la tunisienne, l’establishment religieux n’était pas arrimé au makhzen en un ensemble tripartite s’ajoutant aux branches administratives et militaires. Des choix manifestes de classification paraissaient entériner sur le papier, par la réglementation, un rapport de force qui, du point de vue financier et de l’influence politique, avait, depuis la fin du xviiie siècle, plutôt tourné en faveur des hommes armés et intimes des beys, au détriment de leurs secrétaires et des savants en religion.
34À cheval entre civils et militaires, entre nouvelles et anciennes titulatures, les serviteurs les plus favorisés des beys surent se maintenir dans les usages de la générosité princière tout en acquérant des places privilégiées dans les échelles de salaires. Ces traitements devenaient plus notables que des šahriyyāt davantage constituées par des gratifications en nature77. Les premiers classements du début des années 1860 déroulaient le plus souvent une même hiérarchie de noms et de fonctions : le bey du camp appelé à succéder au bey régnant était suivi du principal vizir, des autres ministres jusqu’aux officiers moyens et gouverneurs dans les provinces. Mais les montants des traitements (murattabāt) variaient d’une source à l’autre, selon la période et l’objet des rémunérations. Dans le registre 552 de 1860, « pour le mois de septembre et pour deux ans », le général Ḥammūda Bey et Muṣṭafā Khaznadār devaient toucher 16 666 piastres chacun, deux autres ministres avaient à percevoir 4 166 et 5 000 piastres, les caïds les plus éloignés de Tunis étaient gratifiés de 2 083 piastres, et ainsi de suite jusqu’aux dignités les moins prestigieuses78.
35Dans chacun des ministères, il fallait en outre compter sur de nouvelles gradations : dans le département de la Marine, quand Khayr al-Dīn empochait annuellement 50 000 piastres sur le budget du palais et du Premier ministère, son représentant à La Goulette, Ḥasan, n’en récoltait que 1 000 par mois tandis qu’un simple marin plafonnait à 5 piastres par mois79. La hiérarchie des militaires et celles des mamelouks de sérail disposaient elles-mêmes de leurs gradations : de 50 piastres pour un adjudant-major ou un mamelouk de sérail à 1 250 pour les généraux, et des sommes plus que décuplées, nous l’avons vu, pour les favoris les plus en grâce qui avaient atteint une charge administrative d’excellence80.
36Consigner ces différents niveaux de rétribution dans la loi et sur des registres de plus en plus volumineux officialisait des formes administratives d’inégalité sociale profonde au profit des agents les plus appréciés de leurs maîtres81. D’autant que les cumuls de fonctions aggravaient ces contrastes : Muṣṭafā Khaznadār pouvait collecter sans aucune difficulté 20 833 piastres par mois en additionnant les 5 833 piastres de son traitement de Premier ministre, ses 5 000 piastres de ministre de l’Intérieur (al-‘amāla) et encore deux fois la même somme pour la direction des Affaires étrangères et celle des Finances82.
37Le versement de tous ces traitements ne constituait de surcroît que la partie la mieux entendue de notre compréhension contemporaine du fonctionnariat. Pour affiner l’observation de ces distorsions financières, il fallait encore considérer toutes les autres formes de libéralités du prince, les gains en nature bien connus dans le sérail et qui se maintenaient au temps des réformes constitutionnelles. Parmi toutes ces gratifications, les mensualités ou šahriyyāt, plus modestes que les traitements ou murattabāt, continuaient à être versées aux proches des beys, qu’ils aient à vivre ou non à ses côtés83.
38Grâce à la générosité de ces chefs, un général pouvait vivre au crochet du beylik. Un court traité composé d’un feuillet rabattu en accordéon détaillait, en son premier pli, l’ensemble des avantages matériels auxquels pouvait postuler un amīr al-umarā’ dans l’année : aux 15 000 piastres de traitements, s’ajoutaient 2 880 piastres de pensions ou de dépenses alimentaires (maṣrūf nafaqāt),le prix d’un bélier pour la fête du sacrifice (120 piastres), 365 qanāṭir de pailles, 500 piastres de savon, autant en pains de semoule, plus de 850 piastres d’uniformes de pied en cap pour l’hiver et pour l’été84…
39Ajoutons à cela que, de temps à autre, tout intime du bey était honoré par des bienfaits ou iḥsān dont la valeur avait souvent plus que centuplé depuis la fin du xviiie et le début du xixe siècle : en octobre-novembre 1860, le colonel de cavalerie Farḥāt et le lieutenant-colonel Ḥusayn recevaient l’un après l’autre 1 250 et 2 000 piastres d’iḥsān des mains du bey qui voulait célébrer de la sorte la réception en son honneur de décorations française et sarde85. Après les titulatures et la hiérarchisation, les mamelouks bénéficiaient là encore, pour leurs rémunérations, non pas de la transition mais d’une superposition de pratiques administratives.
40Dans ce double régime, la consolidation d’acquis matériels, l’officialisation des rangs militaire et administratif participaient de réévaluations plus profondes, de nouvelles perceptions de soi parmi des dignitaires décorés, costumés. Ces nouvelles représentations, que nous étudierons à travers l’adoption de nouveaux costumes et l’apparition des portraits, atténuaient la part de dépendance que chacun portait en lui et dévoilaient des statures de hauts serviteurs d’un État que l’on souhaitait remettre au goût du jour, hisser en quasi-monarchie à l’européenne.
Le prestige de l’uniforme
Les costumes
41Le port d’uniformes militaires constitua la première transformation majeure de ces représentations. La petite révolution vestimentaire de 1831, cantonnée à ses débuts aux palais des beys, heurta des esprits dévots qui y percevaient au pire un « acte de mécréant », au mieux une « innovation blâmable86 ». Elle offusqua, selon le consul de France, la « milice turque » et la « population fanatique » qui voyaient d’un « très mauvais œil » ce « pas de plus vers l’adoption des mœurs des chrétiens87 ». Les « vaincus », pour citer Ibn Khaldūn, ne cherchaient-ils pas, une fois encore, à imiter « les vainqueurs dans leurs marques distinctives, leurs vêtements, leurs occupations » et, ce faisant, « dans tous leurs comportements et leurs habitudes88 » ?
42Parmi les mamelouks des palais, en revanche, cette adoption des habits de la réforme ne fut ni conçue selon des références religieuses, ni même vécue de façon intense dans le cadre d’une confrontation culturelle. Elle prit une tout autre tournure. Dans ce corps, ceux qui revêtaient les uniformes neufs de l’armée, puis de l’administration échappaient aux tenues particulières de serviteurs maintenus dans un pur travail domestique. Un voyageur anglais et un noble prussien, sir Grenville Temple et Hermann von Pückler-Muskau, le constataient avec nostalgie : au début des années 1830, les peu seyantes tenues du niẓām al-jadīd, noires selon l’un, bleues selon le second, avaient succédé aux « splendides uniformes », étincelant d’« or et de diamants », que les mamelouks arboraient lors de leurs parades au sérail89. Seuls quelques groupes comme ceux des šāttar conservaient leurs accoutrements d’un autre âge90. Pour le reste, à l’instar des pages d’Istanbul sous Maḥmūd II91, les mamelouks de Tunis délaissaient les habits dispendieux92 qu’ils avaient endossés à leur entrée au sérail93 : les sarouels en soie94, les ceintures d’un même tissu95, rouges96 ou dorées97, du milieu du xviiie siècle, les tenues blanches98 du temps de ‘Alī Bey. Ils laissaient derrière eux un monde où des privilèges vestimentaires identifiaient le serviteur99, où l’habit faisait le corps et traduisait l’appartenance à une fonction.
43Le sombre et le sobre des tanẓīmāt emportaient, sur leur passage, les couleurs chatoyantes et les coupes fantasques d’hommes jadis confiants dans leur singularité de style, dans leur capacité à transmettre jusqu’aux deux premières décennies du xixe siècle une identité vestimentaire à des corps captifs. Cette remise en ordre partait, selon sir Grenville Temple, d’une base commune, d’une tonalité foncée, pour n’opérer que des distinctions de détail : revers pistache pour les mamelouks, orange pour les ḥānba100. Tout s’unifiait au service de la dawla réformée, et les particularités s’atténuaient en fines coutures, en traits de couleur. Des spécificités demeuraient mais elles ne déterminaient plus les apparences. Elles étaient atténuées, ramenées à l’échelle du détail.
44Dans ces nouvelles tenues, le premier des gouvernants après le bey, le vizir Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘, apparaissait aux yeux de von Pückler-Muskau à l’égal des autres serviteurs du bey :
« Son costume était d’autant plus frappant pour des yeux européens qu’il ne se distinguait en rien de celui des autres courtisans qui, tous, jusqu’aux domestiques, étaient vêtus de même. Ce costume consistait dans le fez rouge, dans une jaquette ronde et une veste bleue, sans aucun ornement, dans le pantalon bleu nouvellement adopté, large par le haut et étroit par le bas ; autour du corps ils portaient tous une ceinture rayée rouge et blanc ; et ils étaient chaussés de bas de coton blancs et de souliers pointus. L’ensemble avait tout à fait l’air d’un habit de matelot ; négligé et fort commode, il est vrai, mais tout-àfait dépourvu de dignité. Une longue chaîne de montre avec plusieurs breloques me parut être la seule marque de distinction que portât le ministre ainsi que quelques autres hauts personnages101. »
45Le bleu des costumes, le rouge des fez, les « coupes plus serrées », épousant la « forme du corps » caractérisaient par le « vestiaire », pour reprendre l’analyse de L. Blili, un ensemble masculin de plus en plus distinct des femmes du sérail102. Mamelouks et autres serviteurs du bey s’affranchissaient par le costume d’un ordre domestique. Ils portaient en eux le nouvel ordre militarisé.
Les décorations
46Accrochées dans un second temps aux tenues militaires, les décorations ont contribué à reformuler un discours de l’obéissance que le corps des mamelouks avait pour partie incarné. Insignes coûteux et de plus en plus recherchés des efforts de hiérarchisation, médailles, rubans et ordres de toute sorte ne se sont pas aussi vite imposés que les uniformes dans le nouvel univers esthétique initié par les tanẓīmāt. Ces marques de distinction, connues auparavant par des échanges de présents, par des pillages ou des confiscations103, ne furent mises en valeur dans l’apparat officiel qu’à compter de la fin des années 1830, à nouveau dans le sillage du centre ottoman et du fait de la présence européenne dans la province. Selon Mohamed El-Aziz Ben Achour, la « Tunisie husseïnite fut [… alors…] le troisième pays musulman, après la Turquie, en 1798, et la Perse, en 1808, à créer des décorations » et la seule province de l’Empire à imiter avec une certaine audace l’initiative des sultans104.
47D’Istanbul vers Tunis, des dignitaires mamelouks envoyés en mission ont contribué à diffuser les pratiques ottomanes : Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘ est revenu de la Sublime Porte, porteur d’un nīšān pour son maître, Muṣṭafā, fin 1835105. Pourtant, le nīšān al-iftikhār imité d’Istanbul sur ordre de ce même souverain106 « semble n’avoir été décerné qu’à un nombre infime de gens », à commencer par Joseph Raffo107. Voix écoutée des beys pour les affaires diplomatiques, ce descendant de captif, très au fait des pratiques européennes, avait réclamé dès septembre 1835 « une distinction de la part du gouvernement du roi » de France et obtenu en mai 1836 une croix des mains du consul, en présence d’un bey Muṣṭafā « bien flatté de voir que sa majesté avait bien voulu accorder une distinction aussi honorable à une personne de sa cour108 ».
48Entre l’accueil de symboles sulfureux aux lourdes références chrétiennes et les réceptions d’honneurs accréditant l’idée d’une suprématie ottomane, c’est seulement au cours du règne suivant, sous la vigueur Aḥmad Bey, que des ordres propres au beylik finirent par s’épanouir. Le souverain réformateur ajouta au nīšān al-iftikhār une distinction dynastique réservée à ses parents, la décoration du sang ou nīšān al-dam109. Tant et si bien que le début des années 1840 fut aussi retenu comme le véritable point de départ de cette politique symbolique dans la régence de Tunis110.
49Le goût sans cesse confirmé pour les décorations commença à révéler des mutations plus profondes que l’adoption des uniformes. Les inventions et les remaniements fréquents d’ordres du beylik contribuaient à reformuler des fragments de discours sur l’origine et le mérite, l’obéissance et la récompense, la distinction et l’association au beylik d’un nombre toujours croissant de sujets fonctionnaires111. À intervalles réguliers, les beys instauraient de nouvelles distinctions afin de célébrer un groupe ou un événement, afin surtout de réaffirmer à intervalle régulier leur prépondérance ainsi que celle de leurs proches au sommet des honneurs.
50Le nīšān al-dam particularisa ainsi à partir de 1840 la dynastie de ses serviteurs. Ce nīšān al ‘ā’ila (de la famille) ou encore nīšān al-bayt al-ḥusaynī (de la dynastie husaynide) était au départ réservé aux descendants de la famille régnante. Il devait être remis aux princes à l’âge de dix ou onze ans, à leur sortie du harem112. Comme ses différents noms l’indiquaient, ce nīšān tentait de prévenir toute éventuelle remise en cause de la prééminence familiale par le principe de mérite propre qu’incarnait, entre autres, un corps de mamelouks aux origines reconstruites et dont les cursus étaient autant orientés par des qualités physiques et par l’aptitude à l’administration que par leurs capacités à attirer les regards des maîtres.
51Hormis les princes et autres membres de familles royales européennes, un seul « roturier » put être distingué dans cet ordre dynastique : seul Muṣṭafā Khaznadār reçut le nīšān al-dam. Le mamelouk et époux de princesse eut beau protester113, cela ne dissuada guère son maître, Muḥammad Bāšā Bey, de récompenser ce « fruit de l’éducation » de la maison beylicale, son « total dévouement » de « fidèle » et « bon fils » « à servir notre personne et défendre nos intérêts ». Au cœur du décret de remise du nīšān rédigé par Ibn Abī al-Ḍiyāf au début du mois novembre 1856114, l’écart creusé entre dynastie et serviteurs fut comblé en apparentant tout bonnement le vizir car :
« il n’y a certes rien d’étonnant à placer les amis sincères au rang des parents et des enfants […] et qu’il convient de pallier l’absence des liens naturels de parenté par l’instauration de liens acquis ; lesquels suscitent d’autant plus la fierté des gens d’excellence que la parenté spirituelle équivaut à leurs yeux à la parenté biologique115 ».
52L’attribution exclusive de ce nīšān fut inscrite officiellement dans le premier article du décret de 1861116. Le successeur du Khaznadār, Khayr al-Dīn, ne l’obtint pas. Ce n’est qu’à la veille du Protectorat, puis à l’établissement de l’administration coloniale que cette attribution devint d’usage pour les Premiers ministres117.
53Dans ce mécanisme de constantes distinctions, à partir de 1860, ce fut au tour des intimes des beys, de leurs hommes de confiance d’être séparés du tout-venant, des échelons les moins prestigieux du nīšān al-iftikhār. Le nīšān al-‘Ahd al-amān, décoration du Pacte de confiance commémorant le Pacte fondamental de 1857, fut placé au-dessus de la première classe de l’iftikhār, mais pas de sa classe majeure. Il resserrait le cercle des serviteurs décorés à l’élite de l’élite. Composé d’une classe unique, cet ordre pourvu de riches décorations ne pouvait excéder le nombre de sept bénéficiaires. Il ne devait compter que des ministres, des généraux de division en temps de paix et des généraux de brigade s’étant distingués en temps de guerre : autant dire, une grande majorité de mamelouks.
54Les premiers bénéficiaires furent d’ailleurs en plus du bey lui-même, Muṣṭafā Khaznadār en 1860118, Khayr al-Dīn119, Aḥmad Zarrūq en 1865120, le général Ḥusayn en 1872121, Muḥammad Khaznadār deux ans plus tard122, Rustum en 1874123 et le général Salīm en 1879124. Comme si, après avoir fourni les premiers bataillons de l’iftikhār, la fine fleur du mameloukat devait, au risque de se recroqueviller, être préservée d’une compétition administrative par le mérite. Comme si, pour ces hommes, il y avait encore à hésiter entre des formes nobiliaires et un statut de fonctionnaire.
55Dans le cadre élargi et plus commun du nīšān al-iftikhār, année après année, laisser les souverains attribuer des décorations aboutissait au final à maintenir une faveur princière et, dans le même temps, à encadrer et bureaucratiser des formes de distinction. Les nīšān conciliaient une persistance de la valeur, de l’autorité personnelle et des mouvements constants d’imposition de normes administratives125. Dans le décret de février-mars 1861, il était spécifié que le souverain fixait les promotions à l’iftikhār, qu’à lui seul appartenait « le choix des hommes doués de qualité méritant une récompense126 ». Le bey jouait surtout de sa présence ou de son absence lors de la remise des promotions : pour la remise du nīšān al-‘Ahd, il devait réunir « un divan composé des ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement », se lever, proclamer les raisons de son choix, le nom du bénéficiaire, et attacher « les insignes, debout, de sa propre main127 » ; pour l’iftikhār, il n’avait à assister qu’aux remises de la grand-croix et à celles des 1re et 2e classes ; les autres décorations étaient données aux promus par l’administration, en présence du ministre autorisé par le souverain128.
56Les trois types de décoration standardisaient des logiques de récompense du mérite et de la faveur princière dont les mamelouks avaient pu bénéficier. À des paliers différents, ces ordres distinguaient en même temps qu’ils resituaient les récipiendaires des récompenses dans une hiérarchie générale. Cette logique de distinction individuelle et de hiérarchie générale qui favorisait les dignitaires mamelouks tout en les homogénéisant était à l’œuvre dans les portraits dessinés, peints puis photographiques.
Représentations iconographiques
57Une haute chéchia sur un visage grave et fermé. Au-dessous de galons dorés, une longue veste noire tenue par une ceinture richement décorée. Un pantalon sombre et parfois rouge. Des nīšān et autres décorations européennes accrochés à la poitrine… Quand, à partir du règne d’Aḥmad Bey, les portraits de dignitaires du beylik commencent à être peints, les tenues sont similaires : pas de vêtements « orientaux », les souverains et leurs proches ne sont représentés que revêtus de leurs uniformes militaires et parés de leurs plus belles distinctions. Les modèles ne se distinguent que par leurs chevelures, leurs postures et l’arrièreplan des tableaux. Joseph Raffo, moustache poivre et sel, redressée à la turque, pose devant un panorama urbain et un fond de campagne129. Khayr al-Dīn, plus jeune, moustache et boucles blondes, trône sur un cheval blanc en première ligne d’un paysage vallonné et d’une cavalerie disposée pour un entraînement130 ; Muṣṭafā Khaznadār s’appuie sur un sabre, un rouleau de papier à l’autre main, laissant percevoir dans la pénombre une base de colonne et un lourd rideau de velours cramoisi131.
58La représentation figurative, tout comme l’attribution de décorations ou la remise de tenues, distinguait et homogénéisait. Elle individualisait et posait le modèle à l’égal de ces contemporains : le fonctionnaire des réformes n’était plus un serviteur personnel, une figure graphique, fondu dans un univers avant tout scripturaire, c’était un individu homogène susceptible de trouver place dans des figurations imagées du pouvoir. Dans des portraits individuels et surtout les tableaux de groupes encore conservés132, illustrant le retour des troupes de Crimée en 1856, une rencontre au sommet à Alger avec Napoléon III en 1860 ou le souverain Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey entouré de ses ministres, rien ne distinguait un mamelouk des autres hauts serviteurs du beylik. Tous, à leur manière, par la belle régularité de leurs traits, ne reproduisaient qu’une même image, chacun démultipliait à sa façon la représentation du bey lorsque ce dernier était placé à cheval, à l’avant du tableau. Dans ces démultiplications, la dépendance au maître n’était que timidement esquissée. Les mamelouks se coulaient dans un vecteur occidental, accédaient à l’image figurative lorsqu’ils adoptaient l’uniforme, quand la représentation de l’autorité se mécanisait et perdait de son éclat.
59Les principaux intéressés, les hommes des palais, n’ont pourtant pas subi cet imaginaire pictural, ils ont eux-mêmes participé à sa confection. L’admiration pour la geste napoléonienne, à partir du règne de Ḥammūda Bāšā, fut une des premières sources d’identification aux images d’un monde militarisé133.
60Des mamelouks ont, dès les années 1810, reçu des images du Premier Empire : un bonapartiste affiché, le chirurgien Lombard, répandait « dans le Palais du Bey toutes les gravures qu’il a[vait] pu ramasser et qui [rappellaient] le dernier gouvernement134 ». Certaines de ces reproductions ont pu finir sur les murs de l’appartement de Joseph Raffo : au début des années 1830, Hermann von Pückler-Muskau remarquait, dans le salon du conseiller diplomatique des beys, « quelques mauvaises gravures représentant les victoires de Napoléon », côtoyant un peu plus en profondeur, dans le cabinet de travail, « quelques figures érotiques gravées au pointillé135 ». On ne sait comment ces premières gravures furent reçues, mais l’introduction de ces images annonça un des désirs ou une des illusions majeures de la réforme : l’idéal de puissance assuré par l’ordre militaire et par des représentations de ce qui était perçu comme la modernité.
61De surcroît, cette diffusion de gravures par le Dr Lombard ne fut pas un épisode isolé. Le culte de l’empereur fut entretenu sous Aḥmad Bey : au milieu des années 1840, le souverain disposait d’un portrait de Napoléon Ier près d’un piano136. En 1857, soit deux ans après le décès du bey, la plus grande salle du Bardo, dite encore « salon français », était ornée de « nombreux tableaux représentant les principales batailles d’empire137 ». Dans l’intervalle, en 1853, lors d’un voyage en France, Rašīd, le général des troupes de Sousse, chargeait le médecin Clément d’acheter vingt et un livres sur l’histoire de Napoléon à l’adresse de Khayr al-Dīn138. L’image devait receler une promesse de niẓām et de victoires qu’à leur tour les tableaux des années 1850 et 1860 ne cessaient de vouloir annoncer et exposer.
62Dans la voie de la reproduction et de la démultiplication mécaniques des agents, de leurs tenues, de leurs hiérarchies, les représentations de soi et de ses semblables devinrent peu à peu des objets banalisés et quotidiens. L’image accompagnait les mamelouks dans leurs missions à l’étranger et dans la province. En 1868, Muṣṭafā Khaznadār relevait qu’un médecin de la maḥalla avait reproduit sur un carton les combats que le camp avait connus, avant d’offrir l’illustration au bey139. Au fil des ouvrages rédigés par ou pour des dignitaires mamelouks, dans les manuscrits à vocation militaire, les dessins devinrent plus fréquents. Des épures de fantassins en vestes bleues, pantalons et chéchias rouges exécutaient des manœuvres détaillées à l’écrit. Tout un livre conservé au début du xxe siècle par un prince husaynide illustrait la campagne menée par Aḥmad Zarrūq dans l’Ouest du pays, en 1867140. Enfin, l’image commença aussi à célébrer la mémoire d’un serviteur décédé aux combats : la mort du général Farḥāt fut héroïsée dans une peinture à l’huile conservée au Bardo et reproduite par Pierre Grandchamp en frontispice de son édition d’archives sur la révolte de 1864141.
63Mais ces portraits ne furent pas collectés dans le seul exercice du métier ou à des seules fins de prestige afin d’impressionner le visiteur européen, ils pénétrèrent aussi les foyers. Au début des années 1840, James Richardson avait pu entrapercevoir dans la chambre d’une beya des modèles de femmes portant des costumes de différents pays et, dans celle du bey Aḥmed, le portrait du consul britannique, Thomas Reade142. Hors du Bardo, dans « la rue Zarkoum », à Tunis, les murs du palais familial des Raffo s’étaient emplis de madones de Raphaël et de grands portraits en pied peints à Paris143, tandis qu’un salon des palais de Muṣṭafā Khaznadār abritait en 1873 au moins un tableau de la mosquée de Ben Laghat qu’un ingénieur français devait édifier sur les deniers du vizir144.
64Et ce processus d’appropriation domestique de l’image figurative se confirma avec l’apparition d’ateliers photographiques à Tunis. En 1861, Muḥammad fils de Muṣṭafā Khaznadār avait fait sertir « quatre bagues » de « son portrait photographique » à 85 francs pièce145. Huit ans plus tard, le prince al-Amīn Bey avait commandé des clichés de l’« ancienne famille des beys », du « Bey actuel et de ses frères », du « Kasnadar et Gal Keredine146 ». Un second prince, Ṭāhir Bey, devait lui aussi régler à ce dernier photographe 1 125 piastres pour « 75 portraits de sa personne, de ses ancêtres et des officiers de sa maison147 ». Produites en aussi grand nombre, toutes ces représentations devaient certainement être distribuées à des proches au sein et hors du sérail. En 1871, l’épouse de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey avait offert à Aḥmad b. ‘Utmān une « montre en or enrichie de pierres précieuses, avec le portrait du bey » car il avait rendu « obligatoires, pour la garde du palais, les honneurs aux femmes du bey, à leur passage en voiture, au même titre que leur mari148 ».
65À notre connaissance, les portraits officiels ne bénéficiaient pas, comme au Caire, de cérémonies d’exposition publique149. À Tunis, la diffusion fut, semble-t-il, plus souterraine. Le bey et ses serviteurs vécurent un apprentissage progressif de nouvelles représentations de soi qui particularisaient chacun d’entre eux par des processus de reproduction mécaniques, au moment où les tenues et les décorations unifiaient et hiérarchisaient les agents de l’État réformé. Un grand mamelouk peint, photographié pouvait prendre conscience de sa figure, de son exception alors qu’il devenait interchangeable avec l’un de ses pairs aux fonctions d’encadrement administratif.
66Au fil de l’adoption des costumes, des décorations et des portraits, les mamelouks avaient influé, par leurs expériences passées, sur les formes et les contenus d’un fonctionnariat naissant à Tunis. En parallèle, cette nouvelle forme de service plus dépersonnalisée avait peu à peu atténué leurs rôles et leurs positions de serviteurs personnels. Le mouvement paradoxal était notable : ce que les mamelouks gagnaient par voie officielle était perdu dans des processus de dépersonnalisation. Plus les mamelouks trouvaient place dans les rouages des réformes, plus ils étaient distingués par des uniformes communs à toute la hiérarchie beylicale et plus ils se fondaient dans le niẓām al-jadīd, en tant qu’ordre nouveau.
67Le nīšān al-‘ahd avait été instauré pour distinguer du lot vizirs et haut gradés mais le critère du mérite qui présidait aux choix des médaillés transcendait les conditions et constituait un critère majeur pour récompenser tout sujet d’exception au-delà de son origine et de sa condition première. Les portraits observés à la loupe ne brouillaient pas les particularités physiques de chacun des modèles mais, une fois saisis de loin et dans leur ensemble, ces premiers tableaux de palais ne faisaient que reproduire une même silhouette, celle de l’homme de la réforme et, au premier rang, celle de souverains guidant ces mouvements. La prépondérance des dignitaires mamelouks, leur « âge d’or », éclipsait de fait un mouvement plus souterrain d’uniformisation, de fusion de cet ordre dans un État réformé, élargi, replacé sous la tutelle d’un bey fait monarque.
LES PERTES
La réaffirmation d’une primauté beylicale
68À partir du règne de Ḥusayn Bey, les souverains husaynides ont contribué à ces processus de mise à distance et de hiérarchisation générale par des cérémonies militaristes, peu à peu détaillées par l’écrit. Au départ mal à l’aise dans ces usages protocolaires, Aḥmad Bey se défendait de vouloir rivaliser avec le faste des sultans quand, le 4 mai 1841, il fit disposer sur la place de la casbah deux rangées d’officiers en habits d’apparat150. Mais il ne s’engageait que dans l’une des implications culturelles du niẓām al-jadīd, également peu à peu maîtrisées à Istanbul et au Caire où le vice-roi ‘Abbās avait multiplié les « rituels et cérémonies » durant son règne de 1849 à 1854151. Sous l’autorité d’Aḥmad Bey, les haies d’honneur semblaient devenir fréquentes. Le 22 septembre 1842, à l’occasion de la formation du cinquième bataillon (alāy), des « grands de l’armée » étaient divisés en deux rangées, dans le tribunal du palais où un discours devait être lu en présence du bey entouré de son successeur, de ses vizirs et d’étendards (sanājiq)152. Les cérémonies d’attribution de décorations étaient de plus en plus formalisées par des occupations délimitées de l’espace et des mouvements orchestrés autour des princes153.
69Sous le règne de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey, un retour d’Istanbul, celui de Khayr al-Dīn, donna lieu à une cérémonie dont les étapes étaient détaillées une à une. D’après un document officiel d’une grande précision, une fois le ministre parvenu au port de La Goulette, le bey se porta d’abord à sa rencontre en carrosse, accompagné de notables. Une translation plus formelle d’un nīšān et d’un firman transmis par le sultan fut par la suite organisée du « sérail de la capitale » vers celui Bardo où les hommes du gouvernement, du Conseil suprême, les zouaves, les « figures de la capitale », les officiers de l’armée régulière étaient conviés. Dans ce déplacement, Khayr al-Dīn fut accompagné par le général de division Ḥusayn, le ministre de la Marine Muḥammad et le général de brigade, Muṣṭafā b. Ismā‘īl.
70Seuil après seuil, le ministre était d’abord accueilli par le général Raffo et Élias Mussalli. Parvenu à la garde, il salua le sanjak, puis il fut reçu à la porte intérieure par Aḥmad Zarrūq et Muḥammad al-Bakkūš, un conseiller du Premier ministère. En dernière étape, le bey attendait son émissaire entouré de son Premier ministre et d’étendards. L’instant tant attendu approchait : Khayr al-Dīn et Muṣṭafā Khaznadār revêtirent Muḥammad al-Ṣādiq de son nīšān sultanien. Une fois le firman lu, vingt et un coups de canon résonnèrent aux trois points traversés par Khayr al-Dīn dans son long parcours pour se rendre auprès du bey : à La Goulette, à la casbah de Tunis et au Bardo. Enfin, pour couronner la présence de toute l’assistance, d’autres décorations du sultan de rangs inférieurs à celles du bey furent distribuées à des dignitaires de la dawla154. Par le cérémonial, les lieux, les objets d’autorité, les émissaires et le souverain se retrouvaient donc en parfaite harmonie : plus que les insignes, plus que les costumes qui se distinguaient par des détails, les rituels du temps des réformes mettaient davantage en lumière la place centrale que les beys devaient occuper au détriment de leurs intimes.
71Les serviteurs bénéficiaient bien de reconnaissances multiples, mais l’ensemble des dispositifs d’inspiration militaire devaient rappeler la prééminence des maîtres. De fait, dans les protocoles institués et réaménagés, à l’instar d’autres corps des palais, les mamelouks, qu’ils fussent simples gardes ou qu’ils devinssent chefs de troupes, simulaient par un geste, par une contrainte l’obéissance et la dépendance. Les particularités individuelles, les différentes origines s’estompaient dans les cérémonies. Une liste de participants au ‘īd plaçait les ūḍa-bāšiyyades mamelouks loin derrière les officiers des bataillons (alāyāt), les ḍabṭiyya, les bāš-ḥānba turcs. Les mamelouks du vestibule se trouvaient relégués en fin de liste après les kāhiya d’ūjaq, le conseil municipal, les descendants de familles chérifiennes et hommes des zaouïas155.
72Une autre liste d’organisation des cortèges ne faisait pas mention de grands dignitaires mamelouks mais du principal vizir suivi des autres ministres, des généraux, des membres des conseils, de leurs présidents et adjoints, de conseillers de ministères et autres agents de l’armée ou de l’administration156. D’après des règlements non datés, les ministères qui se consolidaient assignaient à chacun son rang : le « Grand Ministère », « premier dans l’ordre des préséances », comprenait les « ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères et des Finances et le contrôle de la comptabilité ». Le Premier ministre disposait de « lieutenants » qui le représentaient « dans le service des ministères157 ». Les ministres devaient, de leur côté, organiser leur propre département, en ayant un droit de regard sur le choix de leurs fonctionnaires, à l’exception des conseillers choisis par le souverain158.
73À la même période, en juin 1860, le souverain promulgua un décret qui réglementait fortement la pratique du baisemain au sérail. Cet hommage devait être rendu, primo, à la seule personne du bey lors des fêtes ou au quotidien ; secundo, au bey du camp durant sa maḥalla, et tertio, aux aînés de la famille régnante qui pouvaient être salués par leurs cadets. En temps normal, au sérail, les princes ne devaient exiger le baisemain ni d’un étranger ni même de leurs serviteurs. Hors de la sphère publique, dans les foyers, le geste était restreint aux relations de paternité : le fils pouvait ainsi saluer son père159.
74Le décret sur le baisemain, en cherchant à restaurer un ordre des choses, à corriger des abus, aboutissait en fait à marquer une nette distinction entre service et famille, entre sphères publique et privée, entre lesquelles les mamelouks n’avaient cessé de fluctuer et de s’affirmer. Seuls le bey et son successeur du camp pouvaient confondre les deux domaines en leurs personnes, en tant que chefs de la maison husaynide et du makhzen, en tant que maîtres présents et à venir d’un foyer et d’un domaine qui, à leurs yeux, continuaient à s’inclure. Le rôle de pater familias des beys au sens restreint comme au sens large fut à cet égard réaffirmé près d’un an plus tard, dans le troisième article d’un décret de 1861, sur l’organisation politique de la régence :
« Le chef de l’État est en même temps le chef de la famille régnante. Il a pleine autorité sur tous les princes et princesses qui la composent, de manière qu’aucun d’eux ne peut disposer ni de sa personne, ni de ses biens, sans son consentement. Il a sur eux l’autorité d’un père et leur en doit les avantages160. »
75Les lois n’étaient pas que de pures constructions formelles. Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey ne se priva pas d’intervenir dans la vie de ses parents. Ces vizirs l’informaient des affaires de famille : les naissances, les décès et les mariages faisaient l’objet d’une grande vigilance161. Au-delà de la dynastie, la réglementation du baisemain fut diffusée à plusieurs dignitaires chargés de la faire appliquer : au Premier ministre, Muṣṭafā Khaznadār162 ; au chef de la garde, Rustum163 ; au général Muḥammad, qualifié de ministre d’exécution (wazīr al-tanfīd)164, et plus largement dans le vizirat et parmi les officiers et soldats de l’armée165. Tout agent du palais, mamelouks compris, ne devait plus recevoir ce geste de vassalité166. La confusion qui avait tant profité aux mamelouks était à bannir. Le vieux mamelouk, Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘, qui un an avant sa mort se voulait des plus loyal, repoussa par ses mots un de ses fils qui s’inclinait vers sa main affaiblie :
« N’as-tu pas pris connaissance de la loi ? […] Tu es pour l’heure sur un lieu de travail (maḥall al-khidma). Toi et moi, sommes comme d’autres de ses employés (ka sā’ir rijāli-ha). Si nous étions dans notre demeure, la paternité et la filiation s’épanouiraient pleinement. Ceux que tu vois ici me perçoivent comme un père et je perçois chacun d’eux comme un fils. Je ne te préfère pas à eux […], certains me sont aussi chers que toi, sinon plus, en prenant en compte l’intérêt du pays167. »
76Le maintien de ces formes de soumission ne traduisait pas qu’une constante reproduction d’un modèle de servilité. Le bey et ses principaux conseillers ne cessaient de réaffirmer une autorité par des lois et des protocoles qui ébranlaient et dépersonnalisaient des manières de vivre et servir au sein du sérail, et qui, de fait, dénaturaient la relation de dépendance fondant la catégorie de mamelouks.
Routinisation, indistinction et dépersonnalisation
77L’emploi du temps que Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey tenta d’imposer à son entourage amena les mamelouks à expérimenter une autre distinction entre une sphère de l’intime et un temps de service administratif168. Au départ, en 1859, l’idée d’être présent au « palais dès sept heures du matin », d’y rester « jusqu’à deux heures de l’après-midi, heure à laquelle le bey prend son premier repas » ne satisfaisait que le vizir Muṣṭafā Khaznadār qui avait « l’honneur de manger avec son maître » puis de rester en tête à tête avec lui jusqu’à huit heures du soir. Aux dires du consul Léon Roches, tous les autres « personnages de la cour » « support[ai]ent difficilement un travail tellement en dehors de leurs habitudes169 ».
78Cependant, au fur et à mesure, certains personnages semblaient s’y faire. Ils ne choisissaient plus leurs heures, n’étaient pas constamment en service, ils distinguaient dans leurs journées un temps de travail. En 1877, dans un rapport de mission de l’Inspection française des finances, Muḥammad Khaznadār était dépeint en « travailleur infatigable », se consacrant « chaque jour » à l’exercice de la justice, « pendant d’interminables vacations » de six heures du matin jusqu’à deux heures de l’après-midi170. Pour sa part, une fois nommé vizir à Istanbul, Khayr al-Dīn étonna tous les hommes du sultan qui le voyaient s’acharner au travail et se tenir à de stricts horaires de bureau : alors que les grands vizirs avaient pris l’habitude de ne pas se rendre « à la Sublime Porte avant midi[,] Khérédine Pacha [était] à son nouveau bureau dès neuf heures et demie et il ne le quitt[ait]qu’à quatre ou cinq heures », amenant un des employés du sultan à se demander ce que pouvait « bien faire le grand vizir dans son bureau pendant tout ce temps-là171 ».
79La communication entre hommes de la dawla se formalisait tout autant. Les proclamations publiques, les lettres manuscrites ne suffisaient plus à relier et informer les serviteurs du makhzen : le journal officiel, al-Rā’id al-Tūnisī, apparu en 1860 et tiré à 1 500 exemplaires, fut lu pour moitié par des fonctionnaires172. Le bey et ses proches y répandaient leur parole, y aménageaient à leur guise des nouvelles précieuses173, auparavant transmises par reformulation de l’écrit ou par le bouche à oreille. C’est par le Rā’id que le général Ḥaydar, āġā de l’A‘rāḍ, avait appris la bonne santé du Premier ministre Muṣṭafā Khaznadār et du chef de la chancellerie Muḥammad al-‘Azīz Bū ‘Attūr, sortis sains et saufs – semble-t-il – d’un accident de carrosse174.
80Ces tendances croissantes à la bureaucratisation et à la dépersonnalisation se ressentaient dans le langage propre des serviteurs : au fur et à mesure, les lettres signées par des mamelouks bannissaient toute expression de sacrifice, d’abnégation personnelle pour le maître. Leurs revendications insistaient de façon croissante sur une nécessaire promotion par la fidélité et une nécessaire reconnaissance par l’ancienneté de service.
81L’idée d’abnégation jusqu’à la mort, au service du maître, était encore très affirmée de la fin du xviiie siècle jusque dans les années 1850. Vizir dans la force de l’âge, Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘ accepta en 1794 de conduire un camp pour reconquérir Djerba à la demande de Ḥammūda Bāšā : « Même si je me retrouvais sur une litière, à l’article de la mort, je serais présent, car il n’y a pas plus honorable à mes yeux que la mort à ton service175. » Dans la nuit du 22 décembre 1814, Sulaymān Kāhiya justifia, de la même manière, sa fermeté à défendre ‘Utmān Bey après que ce dernier fut assassiné par Maḥmūd Bey : « […] si mon [ancien] maître [‘Utmān] n’était pas mort, j’eusse combattu pour lui jusqu’à mourir sans lui, comme je combattrai pour toi176. » À la demande du bey Muḥammad al-Ṣādiq, en 1859, des courtisans voulaient encore consacrer leur vie au service du souverain et se jeter dans la rade de Tunis pour porter secours à des marins français en grande difficulté177.
82Ce don de soi n’était cependant pas inconditionnel. Il était formulé selon une conception du service qui faisait la part belle au mérite. Dans le cours de sa chronique, Ibn Abī al-Ḍiyāf louait Ḥammūda Bāšā car, « sous son règne, seul le mérite permettait la promotion178 » et dans les notices biographiques qu’il consacra aux dignitaires mamelouks, le même auteur liait de façon quasi systématique éducation au palais, loyauté et promotion : Muṣṭafā Khūjā fut distingué pour son excellence, sa dignité179, Yūsuf Kāhiya Dār al-Bāšā bénéficia d’une « ascension par sa loyauté et son honnêteté180 », Ismā‘īl Kāhiya181, Salīm Amīr Alāy182, Sulaymān Kāhiya183 Dilāwār al-Mamlūk184, Muḥammad Šūlāq185 avaient « grandi au service » (našā fī al-khidma) de leurs maîtres, fait preuve de leurs qualités et se sont « élevé aux principales charges ».
83Peu à peu, l’appréhension du service par le mérite fut assimilée à une nécessité de rétribuer les efforts consentis. L’un des instructeurs du Bardo, le capitaine de Taverne, consigna avec grand regret cette mutation généralisée dans un rapport rédigé en 1853. Il y affirmait « littéralement » ne rien percevoir en termes de « dévouement, obéissance, abnégation de soi, sens de la gloire et de l’intérêt de l’État » parmi les troupes beylicales. Il ne pariait dans ces conditions que sur le « dévouement du bey » et sur un « esprit militaire survivant à cette faiblesse initiale » par « émulation » et « juste répartition des récompenses et des grades186 ».
84L’un des critères de récompense du mérite, la prime à l’ancienneté, était revendiqué dans les relations quotidiennes entre mamelouks : les cadets devaient respecter les aînés, prendre conseil auprès d’eux. Tout manquement à ces usages était relevé. Le vizir Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘ ainsi que le chef de chancellerie Muḥammad al-Aṣrām n’avaient pas vu d’un très bon œil l’envoi de Muṣṭafā Khaznadār en France en 1839. Ils jugeaient que la jeunesse du Khaznadār empêchait de lui attribuer des compétences aussi larges187 et au début du règne de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey, c’est le doyen des mamelouks, Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘, qui vint rappeler au souverain l’importance du Pacte fondamental188.
85Dans les correspondances, le temps passé au service des beys devenait surtout un argument pour revendiquer un meilleur traitement. Acculé à l’exil, un ancien allié du vizir Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘, Muḥammad Šūlāq, en était réduit à demander le pardon du bey en 1841, rappelant qu’il avait servi l’État depuis sa jeunesse « autant que peut le faire une créature189 ». D’un rang plus modeste, un chef de chambrée mamelouk, Ismā‘īl al-Turjmān, se désolait de son sort auprès de l’épouse de Muṣṭafā Khaznadār : en 1865, il avait déjà travaillé « cinquante ans pour nos maîtres », il n’avait « jamais commis de crime ni de trahison », mais sur le tard, sa famille s’étant élargie, son revenu s’était réduit190. Beaucoup moins modeste, le général Ḥusayn légitimait selon un argument comparable la fortune qu’il avait acquise en 1867 : ce qui était entré en sa possession n’était que le fruit d’un labeur jamais interrompu depuis trente-trois ans191.
86Les retraites commençaient à être envisagées dans les règlements de fonctionnaires192. Les mutations tout comme les décès de mamelouks étaient répertoriés avec soin auprès du ministère de la Guerre193. Les carrières s’uniformisaient. Elles étaient désormais marquées par des étapes administratives communes : conscription ou nomination officielle, avancement par décisions écrites du bey, libération de charges et retraites. Les agents n’étaient plus contraints de se maintenir aux fonctions qui leur avaient été assignées. Des haut gradés pouvaient déterminer les rythmes et les ruptures de leur vie professionnelle. Ce qui s’était peu vu auparavant se produisait : des ministres renonçaient à leurs charges. Muṣṭafā Khaznadār avait étonné son monde fin 1861 lorsqu’il s’était retiré du ministère de l’Intérieur (wizāra al-‘amāla).
« C’était une situation étrange dans cette région, car d’habitude […], Dieu ne faisait grâce au ministre que par sa mort en fonction, qu’il fut tué ou limogé dans une condition qui faisait souhaiter la mort194. »
87Et d’autres suivirent ce précédent. Un an plus tard, le ministre de la Guerre ne fit pas de vagues, Muṣṭafā Āġā mit en avant son âge afin de se reposer195. En revanche, la démission de Khayr al-Dīn du ministère de la Marine et de la présidence du Conseil suprême « impressionna les sages de la province car elle n’avait pas de cause apparente196 ». D’autant que l’un de ses proches, le général Ḥusayn, amplifia le mouvement en 1863, quittant coup sur coup la tête de la municipalité de Tunis et la présidence du tribunal criminel197. Par de telles audaces, à ces sommets de l’État, la condition de ministre tendait à l’emporter sur celle du mamelouk. La première banalisait la seconde. Comme le relevait le consul de France, Léon Roches, dorénavant, « un fonctionnaire pouvait être révoqué de ses fonctions sans, comme c’était naguère l’invariable habitude, qu’il fût privé de sa fortune, de sa liberté et même de la vie198 ».
88L’or des médailles et le bleu des uniformes… L’ancien régime clinquant puis le nouvel ordre homogène, le gain et la perte ou bien encore l’entre-deux, le gain par la perte. Tout au long de ce chapitre, nous avons cherché à scruter les positions acquises par les mamelouks au temps des réformes. Ce qui était davantage en jeu ici, c’était une universalisation de la condition du mamelouk et, à l’inverse, une fonctionnarisation des serviteurs du bey.
89Sans conteste, des traits propres aux mamelouks ont influé sur l’expérience des tanẓīmāt, dans la naissance si ce n’est du fonctionnaire, du moins de l’homme de la réforme. Ce n’est pas un hasard si l’armée fut le premier laboratoire de ces transformations. La culture militaire était déjà répandue dans le palais : les mamelouks du vestibule, tout comme les zouaves ou les Turcs employés au sérail, avaient gardé un statut de combattants. Quand il a fallu rassembler une armée régulière, ce furent, selon un usage ancien, des Turcs et des mamelouks qui furent promus aux fonctions d’encadrement.
90Dans l’administration civile, les mamelouks ont assuré, de la même façon, une transition entre fonctions de services personnels et titres ministériels. Ils ont de ce fait bénéficié de la formalisation et de l’officialisation de nouvelles dignités gouvernementales. Oscillant pour la plupart entre charges de makhzen et commandements militaires depuis le xviie siècle, ces hommes ont trouvé bonne place dans des hiérarchies administratives organisées selon des grades militaires.
91Par ces usages, le corps des mamelouks a aussi contribué à façonner les institutions de la réforme. Les chaînons de commandement de l’armée régulière ont pu suivre des réseaux de clientèle noués dans le sérail. La hiérarchie n’était dès lors pas subvertie, mais construite par affinité et proximité. D’autres traits marquants des mamelouks (la valeur acquise, le savoir et dans une moindre mesure la notabilité) l’ont en théorie emporté sur l’origine à la fois dans la composition du Conseil suprême et dans les critères d’attribution des décorations aux agents de l’État. Le mérite ne dépendait pas de l’ascendance, il était récompensé à chaque génération. Dans ces transitions, les grilles de salaires et le rapport contractuel furent aussi établis dans une extension de la faveur princière. Les décorations militaires bénéficièrent d’un fort engouement, là encore parce que ces insignes de la réforme assuraient un passage aisé d’un registre à l’autre des services, du personnel vers l’administratif : l’attribution de nīšān perpétuait et encadrait dans des formes réglementaires une faveur princière dont les mamelouks furent les bénéficiaires premiers mais non exclusifs.
92Mais, par un retour des choses, ces réglementations administratives croissantes ont modifié dans un autre sens les relations de dépendance que les mamelouks entretenaient avec leurs maîtres. Avec l’instauration du niẓām al-jadīd, les corps d’armée étaient beaucoup moins juxtaposés et rapprochés du bey en fonction de leurs origines collectives. L’uniformisation des tenues militaires, l’adoption des décorations et de leurs échelons, l’organisation de cérémonies militaires replaçaient les mamelouks, les descendants de Turcs et les enfants du pays au sein d’une hiérarchie verticale qui s’étendait jusqu’aux beys.
93Les liens personnels tendaient à s’éroder : le langage des serviteurs insistait moins sur le don de soi que sur une fidélité routinière ; la faveur du prince distinguait encore les hommes, mais les carrières administratives commençaient à suivre des étapes toutes tracées par des lettres de nomination, de promotion et des demandes de mise à la retraite. Le patron et son protégé n’étaient plus tout l’un pour l’autre : ils avaient trouvé d’autres figures exemplaires. Ils s’inscrivaient dans un monde européano-ottoman de souverains et d’hommes d’État qui échangeaient et faisaient circuler leurs médailles et leurs portraits. Les seuils que les mamelouks avaient su traverser entre domaine intime et domaine extérieur, entre sphère privée et sphère publique devenaient plus difficiles à franchir : de nouveaux emplois du temps délimitaient les heures de bureau, les journées de travail ; la réglementation sur le baisemain impliquait de cloisonner un champ administratif, de le séparer nettement des foyers familiaux.
94Cependant, les réformes n’entraînaient pas seulement des mises à distance, des détachements, elles favorisèrent d’autres façons de penser, d’autres manières de se situer face à l’autorité. Avec l’installation du Conseil suprême, des dignitaires mamelouks se mirent à débattre en l’absence du maître et au milieu d’autres sujets de la province. De vieilles rivalités ethniques et personnelles, de violents contrastes de revenus avaient déjà démontré une hétérogénéité de leur corps. Une fois ouvertes, les séances du Conseil révélaient non seulement des mésententes parmi ceux qui avaient été distingués par le bey, mais surtout une capacité à nouer une opposition au souverain déjà palpable dans les divans du Bardo : au sérail comme au majlis, un intérêt général pouvait être disjoint de la volonté du maître…
95Enfin toutes les formes scripturaires qu’impliquaient les adaptations administratives et l’enseignement militaire – aussi bien les carnets d’instructions que les correspondances quotidiennes ou les décrets et les réglementations – amenèrent des mamelouks à se saisir de formes et de processus variés d’écriture, quitte dans le cas du général Rašīd à s’enferrer dans une rationalité rigide et à ne plus saisir les raisonnements de ses propres hommes. Mais ces adaptations ont également abouti à redéfinir les relations entre filiation, autochtonie et autorité beylicale.
Notes de bas de page
1 E. Gellner, 1981, 77.
2 N. Hanna, 1998a, 170.
3 D. Panzac, 1999, 43. E. Plantet, 1899, 170.
4 A. Moalla, 2003, 87. Sous le règne de Maḥmud Bey, une fabrique de poudre était ajoutée au dispositif (A.-M. Planel, 2000, 60).
5 La pression française sur le versant occidental du beylik est diversement appréciée. K. Chater (1984, 407) s’appuie sur Ibn Salāma pour lier formation de l’armée et avancée du péril. A.-M. Planel (2000, 96) entend pour sa part nuancer ce « déterminisme régional » par l’« originalité des relations pacifiques » entre la France et la Tunisie, et par l’« antériorité de cette alliance politique sur la première expérience coloniale française ».
6 Al-Bājī al-Mas‘ūdī, 1905, 143 ; Ḍiyāf, 1994, vol. i, 40 ; Ibn Salāma, ms. 18618, f. 58 v-f. 59 r ; Mae, CP, Tunis, vol. 1, Lesseps, 28 août 1831, f. 235, 23 décembre 1831, f. 246. Dans ce passage, Ibn Abī al-Ḍiyāf dit être revenu de mission à Istanbul en octobre-novembre 1831 (jumādā I 1247). Le consul de France rapporte avoir vu le bey apparaître en uniforme de pacha le 23 décembre 1831.
7 R. Mantran, 1989, 443.
8 R. Mantran (1956, 362) a démontré comment le souhait du bey Ḥusayn soutenu par le gouvernement français s’accorda à la volonté du sultan Maḥmūd II.
9 Dans le centre de l’Empire, l’influence de Khosrew Pasha sur les affaires militaires, par créature interposée, a été explorée par H. Inalcik (1986, 37).
10 Ant, SH, C. 3, d. 42, arch. 42, Muḥammad Khaznadār à Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘, 27 mars 1832 (24 šawwāl 1247).
11 Mae, CP, Tunis, vol. 2, Deval, 7 mai 1835, f. 91 r. Une lieue mesure environ quatre kilomètres.
12 Ḍiyāf, 1994, vol. i, 41.
13 Ḍiyāf, 1994, vol. i, 90.
14 Mae, CP, Tunis, vol. 3, Schwebel, 11 octobre 1837, f. 113.
15 Ḍiyāf, 1994, vol. i, 90.
16 A. Tunger-Zanetti, 1996, 59.
17 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 148.
18 Bnt, ms. 462, Ta’līf fī ta‘līm al-‘askarī
19 Bnt, ms. 404, Ta’līf fī kayfiyya tartīb al-šurūṭ al-makhṣūsa al-dukhūl fī silk al-‘askarī.
20 Bnt, ms. 18041, Risāla fī isti‘māl al-khayyāla fī al-ḥurūb.
21 K. Jerfel, 2007, 115.
22 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 149. K. Jerfel, 2007, 109-112 : sur un effectif de 9 503 soldats, « il ne resta que 4 500 valides et 2 000 malades ».
23 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 149.
24 Pro, FO 339/92, le vice-consulat de Sousse, Stevens à Wood, 20 mai 1864.
25 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 277 ; A. Chahed, 2000, 125-126.
26 Les jugements méprisants sur une prétendue incompétence du gouvernement beylical s’ajoutent aux nombreux passages antisémites.
27 J. Ganiage, 1959, 79-80, 87.
28 K. Chater, 1984, 547 ; L. Anderson, 1986, 83.
29 M. A. Ben Achour, 1994b, 85.
30 Pour le centre de l’Empire, C. V. Findley (1980a, 16) pointe, comme l’une des forces à l’origine de l’altération du modèle de relations entre élites dominantes et sujets, le désir de la classe régnante de se prémunir des dangers liés à son statut traditionnel et d’acquérir les privilèges typiques de l’aristocratie européenne.
31 Y. H. Erdem, 43
32 Mae, CP, Tunis, vol. 25, Duchesne de Bellecourt, 4 mars 1865, f. 4 v-5 r.
33 G. Van Krieken, 1976, 4-5.
34 Mae, CP, Tunis, vol. 17, Roches, 11 août 1857, f. 162-v. 163 r.
35 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 120 ; N. Sebai, 1995, 105.
36 G. Van Krieken, 1976, 53.
37 A. Chahed, 2000, 484
38 M. Morsy, 1987, 121.
39 L. C. Brown, 1974.
40 Ant, SH, C. 133 à 137, d. 483 à 492 ; reg. 2688 à 2692 ; 2697, 2699, 2702-2705 ; 2743-2745.
41 G. Van Krieken, 1976, 58, 59, 79.
42 Mae, CP, Tunis, vol. 20, Roches, 21 octobre 1860, f. 18 r.
43 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 37-44 (37 : šurūṭ al-intikhāb […] hiya al-‘ilm wa al-wājaha) ; Ant, al-Rā’id al-Tūnisī, 3, 25 août 1860 (7 ṣafar 1277, le document établit une équivalence avec le 23 août 1860).
44 Ant, SH, C. 134, d. 461, arch. 10 307, général Ḥusayn au président du Conseil suprême, 2 juillet 1862 (4 muḥarram 1279).
45 Ant, SH, C. 133, d. 457, arch. 9313, 26 juin 1861 (17 hijja 1277) : notification d’une liste de quarante membres tirés au sort.
46 G. Van Krieken, 1976, 78-79.
47 G. Van Krieken, 1976, 79. Ant, SH, C. 133, d. 457, arch. 9 908, Khayr al-Dīn à Muṣṭafā Khaznadār, 1er janvier 1862 (29 jumādā II 1278) : expression de « sérail du royaume dans la capitale ».
48 Ant, SH, C. 134, d. 459, arch. 9 908, Khayr al-Dīn à Muṣṭafā Khaznadār, 1er janvier 1862 (29 jumādā II 1278), sur le traitement des mūšāšū, C. 134, d. 460, arch. 10 052, Khayr al-Dīn à Muṣṭafā Khaznadār, 28 mars 1862 (27 ramaḍān 1278).
49 Ant, SH, C. 133, d. 458, arch. 9 710 : procès-verbal du 15 ḥijja 1278 (13 juin 1862) ; C. 134, d. 460, arch. 10 103, Khayr al-Dīn à Muṣṭafā Khaznadār, 29 avril 1862 (29 šawwāl 1278) : le chef du secrétariat (raīs al-kataba) de l’assemblée le Šaykh al-Ṣādiq al-Nūrī reçoit le nīšān al-iftikhār de troisième classe.
50 Ant, SH, C. 134, d. 460, arch. 10 221, liste de ce que le menuisier chrétien Bašīaša a conçu pour le Conseil suprême, avril-mai 1862 (qa‘da 1278).
51 Ant, SH, C. 137, d. 474, arch. 13 269, noms des membres du Conseil suprême selon l’organisation des sièges.
52 G. Van Krieken, 1976, 88.
53 Ant, SH, C. 135, d. 467, arch. 10 678.
54 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 71 ; M. Bey, 1968, 1457-1459 ; Ant, SH, C. 136, d. 471, arch. 11 849, procès-verbal 15 septembre 1863 (1er rabī‘ II 1280) ; arch. 11 850.
55 Mae, CP, Tunis, vol. 20, Roches, 7 janvier 1861, f. 73 v-f. 74 r.
56 G. Van Krieken, 1976, 59 ; Ant, SH, C. 134, d. 459, arch. 9 887, 10 054 mars-avril 1862 (šawwāl 1278) ; 9 816, Khayr al-Dīn à Muṣṭafā Khaznadār, 22 novembre 1861 (19 jumādā I 1278) : mission au Kef sur une affaire entre le cadi et le président du tribunal criminel.
57 Ant, SH, C. 135, d. 467, arch. 10 731, Muṣṭafā Khaznadār à Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey, 29 janvier 1863.
58 Ant, SH, C. 133, d. 457, arch. 9 414 : Ḥammūda b. Ṣmīda, représentant de Ismā‘īl Qā’id al-Sabsī ; C. 135, d. 464, arch. 10 475, sur la convocation de Muṣṭafā al-Mamlūk par un tribunal coutumier (al-majlis al-aḥkam al-‘urfiyya) ; reg. 2702, Salīm tābi‘ de Khayr al-Dīn.
59 Ant, SH, C. 134, d. 459, arch. 9 920, rapport du Conseil des 16 et 17 janvier 1862 (15 et 16 rajab 1278).
60 Ant, SH, C. 134, d. 460, arch. 10 066 : murattab pour Aḥmad Zarrūq chargé de la cavalerie de l’ūjaq des spahis ; la somme annuelle est de 12 000 piastres ; le principal intéressé se retrouve parmi les signataires début 1862 (rajab 1278).
61 Ant, SH, C. 135, d. 469, arch. 10 982 : rapport d’activité du Conseil du 5 juin 1863 (17 ḥijja 1279).
62 Ant, SH, C. 133, d. 458, arch. 9 786.
63 Ant, SH, C. 133, d. 458, arch. 9710, mai-juin (ḥijja 1278) ; G. Van Krieken, 1976, 77 : « 6 000 piastres par an à moins qu’ils ne remplissent déjà une fonction gouvernementale avec un traitement plus élevé. »
64 Ant, SH, C. 135, d. 463, arch. 10431.
65 G. Van Krieken, 1976, 81-87.
66 Bnt, ms. 18775, f. 9 ; L. Bercher, 1939, 75.
67 Anf, AE B I 1130, Tunis, vol. 6, 20 mars 1721, Bayle : « Il luy ay fait parler dans son camp par celluy de ses ministres qui me paroit le plus attaché aux interests de la France. »
68 I. Sa‘dāwī, 1999, 394 ; R. al-Imām, 1980, 103 : al-wizāra al-ūlā, wazīr al-ṣadr bi-al-mamlaka al-tūnisiyya.
69 A. Moalla (2003, 108) considère de fait que le terme de wazīr dans le sens arabe d’« assistant » et de « conseiller » ne correspondrait à aucune réalité administrative avant le milieu du xixe siècle. Aḥmad Bey se voit conférer le droit de nommer un ou deux hommes de son gouvernement, mais il n’utilise pas ce terme dans sa correspondance avec la Porte. Plus tard, Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey s’étonnera que Ḍiyāf ait privé de son titre de ministre de la Marine un Khayr al-Dīn envoyé en mission à Istanbul (C. Samaran, 2003, 53, note 112).
70 A. Raymond, 1994, vol. ii, 8.
71 A. Raymond, 1994, vol. ii, 8 ; M. A. Ben Achour, 1989, 127 ; M. Mabrouk, 1972, 181-183 : le Premier ministère fut ainsi constitué par décret du 27 février 1860, il comprenait les sections de l’Intérieur des Affaires étrangères et des Finances.
72 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 29.
73 Ant, SH, C. 144, d. 553, arch. 12 : Le général Réchid. Définitions composition organisation des armées, document en arabe et en français sur les treize des vingt premières pages ; arch. 16 : livre d’une cinquantaine de pages de révisions de traductions en arabe sur différentes questions d’ordre militaire : les devoirs des officiers, les cadres de leurs obéissances.
74 Alors qu’une partie de l’armée fut démobilisée, à la fin des années 1850, Muḥammad Bey adressa une lettre à chacun de ses officiers dans laquelle il leur précisait que s’il n’accomplissait pas le service militaire, il conserverait malgré tout l’espoir de se consacrer au service civil (al-khidma al-siyassiyya) (Ḍiyāf, 1989, vol. ii, 286 ; A. Chahed, 2000, 142). La distinction entre sphères civile et militaire devint nette au Caire dès 1828, selon R. F. Hunter (1984, 55).
75 M. Bompard, 1888, 400.
76 Ant, SH, C. 55, d. 592, arch. 66718.
77 Ant, reg. 552,
78 Ant, reg. 552, f. 13.
79 G. Van Krieken, 1976, 32.
80 Ant, reg. 534, f. 12, murattab al-nawāšīn pour trois mois ; reg. 552, f. 44, copie du règlement (qānūn) sur les mamelouks du sérail, 6 octobre 1860 (20 rabī I, al-anwār 1277) ; Bnt, ms. 18650, Risāla fī bayān al-murattabāt al-‘asākīr sanawīyya.
81 A. Larguèche (1999, 59) distingue, parmi les « niveaux de fortune », celui des grands artisans et commerçants s’élevant à plus de 1 500 piastres, celui des petits artisans et commerçants tournant autour des 450 piastres, et celui des petits métiers dépassant les 50 piastres.
82 Ant, reg. 552, f. 46.
83 Ant, reg. 534, f. 146, août-septembre 1860 (ṣafar 1277) : en août et septembre 1860, 822 piastres de šahriyya étaient accordées à Muṣṭafā Bāš-Āġā, 300 au lieutenant-colonel Muḥammad b. Farḥāt, 500 au šaykh du faubourg de Bāb al-Jazīra.
84 Bnt, ms. 18650, Risāla fī bayān al-murattabāt al-‘asākīr sanawīyya. Pour la fin du xviiie siècle, L. Bouzid (2007, 27) a calculé que la ration d’huile obtenue par un « simple mamelouk » représentait 12,58 % du total des sommes qu’il percevait à titre de traitements et de primes.
85 Ant, reg. 534, f. 84, (rabī‘ II 1277).
86 L. Blili, 2004b, 227.
87 Mae, CP, Tunis, vol. 1, Lesseps, 28 août 1831, f. 235, 23 décembre 1831, f. 246.
88 Ibn Khaldūn, 2002, 408, reprise du résumé. Plus loin, Ibn Khaldūn relève que « le plus souvent les habitants sont influencés par l’habillement de la garde et de l’armée du souverain, tout simplement parce que celles-ci les dominent ».
89 T. Grenville Temple, 1835, 238 ; H. von Pückler-Muskau, 1837, II, 117-118.
90 C. Kennedy, 1846, 154.
91 A. Miller, 1941, 155 : le 15 mars 1829 (9 ramaḍān 1244), ces pages devaient abandonner le caftan et la calotte pour la mode égyptienne.
92 Ant, reg. 327, f. 5, 4 mai 1803 (12 muḥarram 1218) : la tenue d’un Šākīr s’élève à 677 piastres, celle de Sulaymān Āġā se monte à 446 piastres.
93 Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 89 : cas de Yūsuf Ṣāḥib al-Ṭābi‘ revêtu à la manière de ses semblables avant d’être présenté au bey lors de la cérémonie d’allégeance.
94 Ant, reg. 74, f. 100, juillet-août 1573 (šawwāl 1166).
95 Ant, reg. 35, f. 117, été 1743/1156 : le registre détaille les tenues des serviteurs noirs bawwāba et waṣfān, les ceintures que reçoivent les mamelouks ne leur sont pas attribuées. La ceinture de soie (ḥizām ḥarīr) est mentionnée plus loin (f. 120).
96 Ant, reg. 74, f. 250, février-mars 1755 (jumādā I 1168) : ḥizām rouge de Ramaḍān le Maltais travaillant sur le nouveau carrosse (al-karūṣa al-jadīda). Le rouge distingue dans d’autres contextes un converti du xviie siècle (B. Bennassar, 1989, 330), les pantalons (šalwar) des mamelouks d’Égypte (M. Winter, 1992, 72), leur chapeau, le zamt, à la fin du sultanat (D. Ayalon, 1989, 422).
97 Ant, reg. 49, f. 34, juillet-août 1746 (rajab 1159) : les mamelouks de la chambre de ‘Alī Bāšā sont pourvus de 10 ceintures (maḥāzim) argentées.
98 Ant, reg. 156, f. 148, 25 juillet 1769 (21 rabī‘ I 1283) et reg. 170, f. 52, 27 juin 1769 (22 ṣafar 1183).
99 A. Demeerseman, 1996, 40 ; R. Brunschvig (1940, 36) cite, pour les temps hafsides, deux exemples de « personnages religieux appelés à des emplois publics, auxquels le sultan fait remettre un costume à cette occasion ».
100 T. Grenville Temple, 1835, 238. Pour une période ultérieure, avec la mise en place d’une hiérarchie civile et militaire, H. Hugon (1913, 91) rapporte que les dignitaires civils se distinguaient des militaires par le « pantalon noir de l’uniforme ».
101 R. Burgard, 1932, 223-224 ; H. von Pückler-Muskau, 1837, II, 253. Dans une autre partie (II, 117-118), le voyageur prussien reprenait une description comparable pour des soldats aperçus en promenade.
102 L. Blili, 2004b, 227, 236.
103 P. Grandchamp, 1917, 36 : « J’appris également que mon médaillon avait été donné par le Bey à Mariano son esclave favori », c’était une « médaille du roi et de la reine de Naples ».
104 M. A. Ben Achour, 1994a, 13.
105 Ḍiyāf, 1994, vol. i, 63.
106 Al-Bājī al-Mas‘ūdī, 1905, 145 : « C’est le premier à avoir porté un nīšān parmi les descendants de Ḥusayn b. ‘Alī ; il a reçu de la Sublime Porte (al dawla al-‘aliyā), le nīšān d’amīr al-umarā’ en novembre-décembre 1835 (ša‘bān 1251) […]. Il fut également le premier à façonner le nīšān al-iftikhār et à y graver son nom avec des pierres de diamants […]. »
107 M. A. Ben Achour, 1994a, 15 : l’auteur ajoute en note que l’« Islam est sévère sur le chapitre du port des bijoux et pierreries par les hommes ». H. Hugon (1913, 95-98) date l’adoption du nīšān al-iftikhār aux années 1832-1834, se fondant sur des écrits de L. Calligaris qui s’attribue l’idée de ce premier ordre beylical. Ḥusayn Bey aurait alors différé un projet qui prévoyait une dotation en terres.
108 Mae, CP, Tunis, vol. 2, Deval, 30 septembre 1835, f. 135, 21 mai 1836.
109 M. A. Ben Achour, 1994a, 13.
110 H. Hugon (1913, 98) argumente cette seconde hypothèse de création en se fondant sur trois indices : une référence à Ibn Abī al-Ḍiyāf, la décoration d’un instructeur militaire en 1842, la première mention d’une attribution de décoration au caïd de Sousse dans la correspondance consulaire de la même année.
111 Les travaux historiques de remise en perspective des décorations dans les xixe siècles européen et ottoman furent peu rencontrés. La réflexion d’Olivier Ihl, dans un numéro de Genèses. Sciences sociales et histoire (55, 2004), nous a, malgré tout, ouvert quelques pistes d’interrogation.
112 M. A. Ben Achour, 1994a, 35 ; H. Hugon, 1913, 122.
113 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 244 ; A. Chahed, 2000, 75.
114 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 244 : rabī‘ I, al-anwār 1273, le 1er correspond au 30 octobre 1856.
115 M. A. Ben Achour, 1994a, 72 ; Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 244 ; A. Chahed, 2000, 75.
116 H. Hugon, 1913, 125-126 : le souverain « ne devra nommer qu’un titulaire unique, lequel ne pourra être qu’un conseiller sincère, un autre lui-même ».
117 H. Hugon, 1913, 128.
118 Ant, SH, C. 3, d. 51, arch. 32, 18 janvier 1860 (23 jumādā II 1286).
119 M. A. Ben Achour, 1994a, 49-51 ; H. Hugon, 1913, 131-132.
120 Ant, SH, C. 9, d. 91, arch. 1, 30 juillet 1865 (6 rabī‘ I, al-anwār 1282).
121 Ant, SH, C. 12, d. 114, arch. 9392, 9 juillet 1872 (7 šawwāl 1289).
122 Ant, SH, C. 9, d. 93, arch. 13, 18 novembre 1874 (8 šawwāl 1291).
123 Ant, SH, C. 9, d. 90, arch. 1, novembre-décembre 1874 (šawwāl 1291).
124 Ant, SH, C. 9, d. 92, arch. 9, 14 janvier 1879 (20 muḥarram 1296).
125 Alliance mise en valeur par une plus grande complexité dans Jay M. Smith, The Culture of Merit. Nobility, Royal Service, and the Making of Absolute Monarchy in France, 1600-1789, University of Michigan Press, 1996.
126 H. Hugon, 1913, 112, art. 1 (traduction de C. Pellat, dossier de la Grande Chancellerie et de la Légion d’honneur).
127 H. Hugon, 1913, 140.
128 H. Hugon, 1913, 117, art. 19.
129 M. A. Ben Achour, 1994a, 16 : Raffo est représenté en tenue de général de division (farik), il porte l’iftikhār de Muṣṭafā Bey. Tableau non signé, conservé au musée de Qaṣr al-Sa‘īd.
130 M. A. Ben Achour, 1994a, 19 : le général Khayr al-Dīn en 1852. Tableau de Louis Simil, reproduit avec l’autorisation du musée de Qaṣr al-Sa‘īd.
131 Tableau reproduit avec l’autorisation du musée de Qaṣr al-Sa‘īd (Institut national du patrimoine).
132 N. Sebai, 1995, 18.
133 L. Valensi, 2008, 255-256 : d’après H. von Pückler-Muskau, des hommes de la tribu des Awlād Bū Ġānim prétendaient que le « seul grand homme digne de ce nom » était Muḥammad ‘Alī d’Égypte, depuis la « mort de Napoléon ».
134 Anf, AE B III 304, régence de Tunis, Tabarka, la Galite, 1801-1846. Missions en Barbarie, 1815-1847. Octobre 1820, Notice sur le gouvernement de la Régence de Tunis, le caractère des personnages qui le composent, ses forces, son commerce, ses revenus, les consuls qui y résident et les Français qui y sont établis.
135 H. von Pückler-Muskau, 1837, vol. 2, 152.
136 A. V. Brandin, 1846, 147.
137 Mae, CP, Tunis, vol. 17, Roches, 12 septembre 1857, f. 227 v.
138 Ant, reg. 2486, f. 88, 3 avril 1853 (23 jumādā II 1269), 11 livres pour 77 francs et 10 livres pour 65 francs.
139 Ant, reg. 2478, f. 14, Muṣṭafā Khaznadār à ‘Alī Bey, 14 avril 1868 (21 ḥijja 1284).
140 H. Hugon, 1913, 150-151 : l’ouvrage portait ce titre : Campagne dans la Kabylie tunisienne de S. Ex. Ackmet Zarrou, ministre de la guerre 1867 ; il était signé par un certain C. Bertholaja. L’expédition fut lancée pour mettre fin à la révolte du prince ‘Ādil Bey.
141 P. Grandchamp, 1935, vol. i.
142 Pro, FO 102/29, J. Richardson, 1845, f. 58 v., f. 61 r.
143 J. Cl. Winckler, 1967, 162.
144 Mae, Tunis, consulat, dossier 11, réclamations diverses, Colin à Vallat, 1873.
145 Ant, SH, C. 2, d. 19 bis, arch. 11, reconnaissance de dettes auprès d’Alphonse Alekan, le 15 mai 1867.
146 Ant, SH, C. 2, d. 19 bis, arch. 121, 29 mars 1869, compte tenu par un photographe dénommé Muhel.
147 Ant, SH, C. 2, d. 20, arch. 178, sans date.
148 H. Ben Othman, 1911, 8.
149 E. R. Toledano, 1990, 52 : en juin 1850, le gouverneur Abbās Ier reçoit en grande pompe trois portraits du sultan ‘Abdülmecit (‘Abd al-Majīd) ; une parade fut organisée à travers la capitale avant que les représentations ne soient accrochées à la citadelle du Caire.
150 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 60.
151 E. R. Toledano, 1990, 50.
152 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 71.
153 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 233 ; A. Chahed, 2000, 60.
154 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 13, le jour et le mois (le 14 du mois de ramaḍān) sont indiquées mais pas l’année sur un document qui fait, en outre, état de la présence des membres du Conseil suprême dissous en 1864 et de Muṣṭafā b. Ismā‘īl, favori de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey. Khayr al-Dīn avait entre autres été envoyé en mission à Istanbul en 1860 et 1864 (Ḍiyāf, 1989, vol. vi, 11).
155 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 2.
156 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 17.
157 Ant, SH, C. 55, d. 588, arch. 3.
158 Ant, SH, C. 55, d. 588, arch. 48.
159 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 21, copie du décret de juin 1860 (ḥijja 1276) ; M. Bompard, 1888, 399.
160 M. Bompard, 1888, 400, décret du 26 avril 1861 (15 šawwāl 1277).
161 A. Abdesselem, 1979, lettres de Khayr al-Dīn à Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey : 22, billet (biṭāqa) n° 41, 20 août 1874 (7 rajab 1291), sur la naissance de la fille de ‘Alī Bey ; 23, billet n° 44, 11 septembre 1874 (29 rajab 1291), sur le décès de la jeune enfant de ‘Alī Bey ; 36, billet n° 87, 11 septembre 1875 (10 ša‘bān 1292), Ṭayyb Bey révèle que l’épouse de Sī Zakariyya a eu un nouveau fils ; 38, billet 96, 8 novembre 1875 (9 šawwāl 1292), liste de parents pour qui un mariage est souhaité.
162 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 21, lettre de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey au terme de la copie du décret, 20 juin 1860 (1 ḥijja 1276).
163 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 20, de Muṣṭafā Khaznadār à Rustum, amīr liwā al-‘assa, juin-juillet 1860.
164 Ant, SH, C. 55, d. 594, arch. 19, 20 juin 1860 (1 ḥijja 1276).
165 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 35.
166 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 35-36, avis moral du chroniqueur.
167 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 120-121 ; N. Sebai, 1995, 25.
168 Selon l’analyse de Leïla Blili (2004, 136), en « s’installant dans le palais de La Marsa », Muḥammad Bey avait contribué à faire « du Bardo un espace politique […] séparé de son espace de vie ». Mae, CP, Tunis, vol. 19, Roches, 3 mars 1860, f. 163 v.
169 Mae, CP, Tunis, vol. 19, Roches, 4 décembre 1859, f. 108 v-109 r.
170 Mae, Mémoires et documents, Tunis, vol. 9, Inspection générale des Finances, mission de Tunis, La Marsa, 23 juillet 1877, f. 344 v.
171 Le Ministre Khéreddine et ses contemporains. xixe siècle, éd. A. Chenoufi, 1990, 24.
172 A. Tunger-Zanetti, 1996, 194.
173 Abdesselem, 1979, 48, 131, réponse de Muḥammad al-Ṣādiq Bāšā Bey à Khayr al-Dīn avec deux remarques sur le choix d’un mot et sur le nom du bey du camp dans l’édition du Rā’id, 30 juillet 1876.
174 Ant, SH, C. 180, d. 996, arch. 14, Ḥaydar, āġā de l’A‘rāḍ à Muḥammad al-‘Azīz Bū ‘Attūr, 12 avril 1866 (26 qa‘da 1282) : le général s’était fendu d’une lettre pour se réjouir du salut du vizir et du bāš kātib.
175 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 33.
176 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 127 (9 muḥarram 1230).
177 Chahed, 2000, 260.
178 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 112 ; L. Valensi, M. Ben Smaïl, 1971, 105.
179 Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 38.
180 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 22.
181 Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 13.
182 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 32.
183 Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 39.
184 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 45.
185 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 33.
186 Martel, 1956, 393.
187 Ḍiyāf, 1989, vol. iv, 32.
188 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 12.
189 Ant, SH, C. 3, d. 42, arch. 23, 27 juin 1841 (7 jumādā I 1257).
190 Ant, SH, C. 4, d. 51, arch. 64, Ismā‘īl al-Turjmān à Kaltūm Beya, la date n’est pas clairement indiquée, cet écrit du 26 šawwāl est classé entre une lettre du 20 novembre 1865 (1er rajab 1282) et une autre du 2 mars 1865 (4 šawwāl 1281).
191 Ḥusayn, 1991, vol. i, 46, lettre 13, Ḥusayn à Khayr al-Dīn, 24 avril 1867 (19 ḥijja 1283, 15 mai 1867, dans l’édition de la correspondance).
192 Ant, SH, C. 55. Dans l’administration du sultan, un décret d’octobre 1836 détaillait les conditions de versement des pensions aux proches d’officiers décédés (A. Lévy, 1971, 38). En Égypte, une loi de 1854 annule les régimes antérieurs et s’applique à tous les agents qui ont servi au moins quinze ans, puis trente ans à partir de la loi de 1871 (G. Alleaume, 1988, 79-80 ; R. F. Hunter, 1984, 56).
193 Ant, reg. 3413 (1874-1883) ; Ant, SH, C. 166, d. 865, arch. 13, 3 novembre 1873 (12 ramaḍān 1290), Ḥasan Bāš-Mamlūk au général Rustum, ministre de la Guerre, afin de lui apprendre la disparition de Sulaymān Afāndī, tābi‘ de Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘, et les mutations de ‘Utmān al-Mamlūk, Ḥamda al-Mamlūk et Ḥasan al-Mamlūk parmi les mamelouks du sérail puis à leur rang initial ; arch. 14, 18 décembre 1873 (27 šawwāl 1290), Ḥasan Bāš-Mamlūk au général Rustum, ministre de la Guerre, annonçant la disparition d’un autre Rustum al-Mamlūk ; arch. 15, 26 avril 1874 (9 rabī‘ I 1291) : lettre destinée au général de brigade Muṣṭafā Ṣafar, mentionnant le décès de Rašīd al-Mamlūk, tābi‘ du défunt Sīdī ‘Alāla le 11 avril.
194 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 104.
195 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 109. Ant, SH, C. 3, d. 49, arch. 16, 19 octobre 1862 (24 rabī‘ II 1279).
196 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 110.
197 Ḍiyāf, 1989, vol. v, 113.
198 Mae, CP, Tunis, vol. 21, Roches, 14 décembre 1862, f. 127 v-128 r.
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