Chapitre 3. La mise en valeur des mamelouks des années 1770 aux années 1830
p. 91-114
Texte intégral
1Comment évaluer et démontrer la montée en puissance d’un groupe social restreint ? L’impression répandue en plusieurs études d’un recours croissant aux mamelouks, à partir de la fin du xviiie siècle, à Tunis, est fondée sur la répétition d’un même fait posé comme acquis : c’est Ḥammūda Bāšā qui aurait favorisé, à la suite de son père ‘Alī Bey, l’arrivée d’un grand nombre de mamelouks issus le plus souvent d’Orient, afin de contrebalancer, voire d’annihiler la force rebelle des miliciens turcs1. L’affirmation, abreuvée d’extraits de chroniques, recèle une série de propositions qu’il s’agit d’examiner une à une.
2D’abord, et de manière évidente, un poids du nombre qui, pour être vérifié, suppose des sources et des critères homogènes de décompte du xviiie siècle jusqu’au milieu du xixe siècle, des premiers beys husaynides au temps des réformes. Ensuite, liée à cette épineuse question du quantitatif, doit aussi être posée celle du qualitatif, en s’interrogeant sur les finalités éventuelles qu’il y eut à étoffer un corps si ce n’était pour mieux traiter et mettre en valeur ces composantes au sein du makhzen beylical ? Enfin, en relation avec l’idée d’une promotion de ses serviteurs, le problème d’une compétition, d’une succession de prépondérances entre Turcs et mamelouks laisse perplexe : les deux corps armés se recoupent sans, pour autant, occuper, aux yeux des beys et de leurs hommes de plume, une importance comparable dans les documents administratifs.
CHIFFRER L’ASCENSION
Les précautions d’usage
3Ce retour des mamelouks peut d’abord se démontrer par des chiffres. Dans les années 1970, dans son étude des réformes au temps d’Aḥmad Bey, Leon Carl Brown s’ingénia à déduire un nombre hypothétique de mamelouks du palais à partir d’un corpus bien restreint, en se fondant sur la recension d’une trentaine de notices biographiques que Ibn Abī al-Ḍiyāf avait consacrées à ces serviteurs de beys, aux termes de sa chronique. En resituant l’entrée en carrière de ses hommes de 1782 à l’année 1824 et en jugeant que ces notices biographiques ne distinguaient qu’un mamelouk du palais sur dix, l’historien américain projeta un ordre de grandeur : il jugea que, dans cet intervalle d’une quarantaine d’années, le Bardo comptait entre quatre-vingt-dix et trois cents mamelouks du palais2.
4Afin de démontrer une montée en puissance entre la fin du xviiie siècle et les trois premières décennies du xixe siècle et parvenir à une estimation du nombre de mamelouks au service des beys de Tunis, nous avons procédé autrement. Nous nous sommes surtout fondé sur les mentions d’un type particulier de gratification, la ṯamra, versée à l’occasion de chaque maḥalla, le camp fiscal bisannuel d’hiver et d’été. La hiérarchie de ces distributions a peu varié au cours du xviiie siècle et au début du xixe siècle : parmi les soldats, les troupes turques sont les premières servies puis vient le tour, dans la proximité du bey, d’un ensemble mamelouk fragmenté avant que les effectifs makhzen ne soient pourvus. Dans les quelques lignes consacrées aux mamelouks, deux formes de présentation sont déclinées. La plus sommaire ne fournit qu’une addition des gratifications alignée parfois à une ou deux catégories de mamelouks : grands et petits mamelouks, mamelouks de la chambre et mamelouks du vestibule3. Les mentions les plus nourries laissent apparaître, au regard de gratifications distinguées et totalisées, les noms de chefs de chambrée (les uḍā-bāšī), de leurs lieutenants (répondant au même titre ou à celui de kāhiya), et un nombre de mamelouks anonymes parfois divisés en quatre sous-ensembles4.
5Mais ces données ne sont ni homogènes, ni perpétuelles. Les catégories qualifiant les mamelouks varient. À la fin du règne de Ḥusayn b. ‘Alī, deux groupes émergent : les grands mamelouks (al-mamālīk al-kibār) et ceux du fils aîné du souverain, Muḥammad Bey5. Sous les trois successeurs de Ḥusayn, les mamelouks sont, un temps, répartis entre les princes régnants et leurs descendants6. Mais, en parallèle, à partir de 1740, ceux de la chambre (mamālīk al-bayt) sont distingués des grands, ou mamālīk al-kibār7. Sept ans plus tard, les premiers sont dits « petits » (ṣiġār) par opposition aux seconds8. Et les choses se compliquent encore, en 1766, sous l’autorité de ‘Alī Bey, lorsque émerge la mention de mamālīk bi-al-sqīfa, de mamelouks du vestibule9. Par la suite, l’ensemble des qualificatifs ne s’excluent guère : ṣiġār et kibār s’imposent sous le règne de Ḥammūda Bāšā10 avec, malgré tout, un usage de sqīfa de 1800 à 180511, puis, à partir de 1810 jusqu’en 1813, une absence de caractérisation des grands mamelouks, uniquement présentés comme des mamālīk12. À leur tour, à partir de 1814, et pour le moins jusqu’en 1829, les ṣiġār deviennent des mamelouks du sérail, des mamālīk al-sarāy13. Une partition se stabilise, dès lors, entre serviteurs du sérail et du vestibule.
6Au-delà de ces changements de taxinomie, pour évaluer un nombre de mamelouks dans chacune des deux catégories, il est nécessaire de diviser chaque somme de gratifications par un montant unitaire : de 20 piastres pour chacun des grands mamelouks ou mamelouk du vestibule au moins jusqu’en 183614 ; et de 25 piastres par petit mamelouk, mamelouk de la chambre ou du sérail. Mais le compte le plus proche n’y serait pourtant pas car, parmi les grands mamelouks, il faudrait toujours avoir à l’esprit les distinctions entre un chef de corps qui touche 92 piastres et chacun de ses adjoints doté d’une soixantaine à une quarantaine de piastres15, tandis qu’entre les mamelouks du sérail, il ne faudrait pas sous-estimer l’impact d’une faveur princière qui permet, par exemple, de quadrupler les ṯamra de trois serviteurs intimes du bey, en 178616.
7Autre difficulté dans le dénombrement des mamelouks : l’oubli d’un ou plusieurs hommes le jour du versement des gratifications17. En 1831, les autorités beylicales ont tardé avant de réclamer à la maison du consul de France deux jeunes mamelouks qui avaient fui le Bardo après avoir trouvé place dans le même corps de service que leur père napolitain18. En outre, certains mamelouks ne sont pas inscrits à la suite de leurs pairs et se retrouvent dans d’autres corps de serviteurs présentant tout de même des indices onomastiques d’appartenance au corps mamelouk : ainsi de Rajab al-Mamlūk, wakīl ou intendant à Béja19, ainsi du maçon Ḥusayn al-Mamlūk, de brodeurs20 et autres artilleurs21 au milieu du xviiie siècle.
Les surprises du chiffre
8Ces limites posées, l’évolution du nombre de mamelouks peut être représentée ici dans trois graphiques. Le premier graphique suit, à partir de 1787 et jusqu’en 1829, l’évolution du montant des gratifications pour les deux sous-ensembles de mamelouks. La série a toutes les apparences de l’homogénéité, à la double condition d’avoir bien en tête les modulations de la faveur princière et les éventuelles augmentations de gratifications pour les mamelouks du sérail en fin de période. Le deuxième graphique figure un temps plus long, plus d’un siècle, du début des années 1730 à la fin des années 1830. Les losanges noirs représentent le nombre moyen annuel de mamelouks du bey au pouvoir, comprenant les mamelouks encadrés par des chefs de chambrée, les catégories de grands mamelouks et mamelouks du vestibule. Les rectangles et les triangles figurent un nombre maximum de mamelouks du sérail et un nombre minimum de mamelouks de princes, de la chambre et du sérail22. Enfin, le troisième graphique représente les données calculées et estimées du deuxième graphique, sous d’autres formes, en progression et en proportion. L’analyse de ces graphiques sera sciemment menée du détail vers le général : de la distinction de phases chronologiques jusqu’à une approche générale de ce corps de serviteurs.
9Dans le détail, l’ensemble des graphiques et surtout les deux premiers confirment cette montée en puissance des mamelouks. Ils déterminent trois grandes périodes dans la distribution des gratifications et les variations des effectifs mamelouks. Par effet de sources, le premier temps est le plus long et le plus elliptique. Des années 1730 aux années 1770, le nombre de mamelouks, limité à une cinquantaine à la fin du règne de Ḥusayn b. ‘Alī, est doublé par son neveu avant de connaître un léger recul, puis une récupération sous Muḥammad et ‘Alī Bey. En une seconde phase, le règne de Ḥammūda Bāšā, loin d’afficher une courbe croissante, révèle un premier et léger regain à la fin des années 1780, puis au tournant du siècle, un tassement du nombre de mamelouks autour de la centaine. De fait, pour rencontrer cette fameuse montée en puissance mamelouke tant exposée par les chroniques et les études historiques, il faut attendre la fin du long règne du pacha, le début des années 1810 pour les hommes du vestibule et surtout l’année 1815, pour les créatures du sérail. Décalage des ascensions et de leur contexte, la fin des années 1800 et le début des années 1810 constituent d’abord un tournant dans la gestion militaire de la province. Les troupes de Tunis parviennent à repousser les offensives d’Alger en 1807 et 180823. L’année la mise en valeur des mamelouks
10suivante, le bey étoffe les rangs turcs24 avant que des janissaires ne se compromettent dans une première révolte en 181125.
11À partir de 1814, à la gestion des troupes, aux perturbations de la milice, s’ajoutent de manière plus déterminante le conflit dynastique et les complots de palais. Ḥammūda Bāšā s’éteint à la mi-septembre 181426. Son frère et successeur ‘Utmān est exécuté trois mois plus tard à l’instigation de son cousin, l’aîné de la famille, Maḥmūd27. Ce dernier lie ses principaux mamelouks avec les princesses de sa famille au lendemain de sa cérémonie d’allégeance, après l’élimination d’une branche dynastique. Fin janvier 1815, il fait exécuter l’ancien vizir Yūsuf Ṣāḥib al-Ṭābi‘28. Dès lors, en une troisième époque, avec une nouvelle configuration au sein des palais, les effectifs mamelouks connaissent une pleine croissance. L’élévation est alors constante avec, dans la mention des gratifications, un pic entre 1825-1827 et au beau milieu de cet intervalle, en avril 1826, une courte période durant laquelle l’ensemble des récompenses distribuées aux mamelouks du sérail dépassent le montant des distributions aux mamelouks du vestibule. À ce moment, le chef des mamelouks du palais, le bāš mamlūk Ḥusayn Khujā, s’est hissé à la tête de l’administration beylicale. Il mène sous la bienveillance de son maître Ḥusayn Bey une politique dispendieuse, fondée sur une stratégie commerciale plus qu’hasardeuse29.
12C’est bien le seul moment durant lequel les « petits », comme ils étaient désignés au cours du xviiie siècle, l’emportent en somme global sur les « grands ». Dans le passé, comme le démontre le troisième graphique, les enfants et adolescents élevés dans la proximité des beys ne sont parvenus à atteindre la moitié des effectifs mamelouks qu’au début du xixe siècle30. En proportion, le corps des mamelouks est avant tout un bouclier, un ensemble de gardiens du temple. En qualité, c’est une réserve d’intimes. Ce décalage entre les deux sous-ensembles de mamelouks s’explique également par des raisons économiques : il est moins coûteux d’entretenir un gardien du sérail qu’un serviteur intime.
13En se dégageant de ces tendances et de ces périodes, un dernier constat s’impose : la modestie du nombre de mamelouks. La montée en puissance est là mais, au plus haut des estimations illustrées dans le deuxième graphique, en 1826, le Bardo accueillait plus de deux cent soixante-dix mamelouks, dont au bas mot cent trente-deux rattachés à l’ensemble du « vestibule31 ». C’est peu, très peu, comparé aux fantaisies militaires avancées à partir de la fin du xviiie siècle par les observateurs français qui estimaient le nombre de renégats des beys de cinq cents32 à « quinze cents33 ». Ce palier de moins de trois cents mamelouks rejoint peu ou prou ce qui fut estimé par L. C. Brown et par les diplomates les mieux introduits dans les palais, qui parvenaient à identifier « quatre compagnies » de vingt-cinq hommes destinées à la garde du bey34, ou les évaluer à un quart des habitants du Bardo, soit à deux cents35.
14Moins de trois cents dans les années 1820, une centaine dans les années 1780, près de deux cents en une phase intermédiaire, dans les années 1810, c’est, au final, pour sortir du cadre tunisois, autant que les deux à trois cents renégats estimés par un chancelier britannique dans l’entourage du pacha de la Tripoli voisine, à la fin du xviiie siècle36, c’est deux à trois fois moins que les six cents « pages » du sultan ottoman en 178837, c’est surtout bien modeste face aux deux milliers de mamelouks concentrés, aux dires du chroniqueur al-Jabartī, dans l’ensemble du Caire avant l’avènement de Muḥammad ‘Alī et tout de même divisés en unités plus modestes entre les maisons de grands dignitaires : six cents sous le patronage d’Ibrāhīm Bey, quatre cents sous celui de Murād Bey, d’après Volney38, et une cinquantaine à deux cents mamelouks pour les beys les moins en vue39.
15Bien sûr, entre des estimations fondées sur des registres beylicaux et des calculs de témoins à vue de nez, la comparaison est malaisée. Seulement, à défaut de travaux simultanés sur les archives des provinces arabes, ce survol révèle les similarités de composition entre les maisons de grands dignitaires provinciaux en une période de redéfinition des liens avec le centre de l’empire, de troubles provoqués par des janissaires en de nombreuses provinces et de patrimonialisation des fonctions de gouverneur. Sans pour l’heure pouvoir se hasarder à embrasser tout ce panorama impérial, il nous faut passer d’une perception quantitative à une analyse qualitative pour mieux comprendre le sens de cette montée en puissance. Il nous faut suivre, à l’échelle de la province de Tunis, ce que les prix de ces créatures, les coûts de leur éducation et les fluctuations de leurs récompenses dévoilent des traitements, des promotions et des abaissements des mamelouks.
DERRIERE LES EFFECTIFS
Le prix des hommes
16Dans la gradation bien connue des prix entre hommes et femmes issus d’Afrique et d’Europe, les mamelouks blancs occupent une position intermédiaire entre Noirs à la base et Caucasiennes au sommet40. Les êtres les moins chers à l’achat restent bien souvent les khuddām et les wuṣfān, les servantes et les domestiques noirs. Dans un registre des revenus et des dépenses du vizir mamelouk Yūsuf Ṣāḥib al-Ṭābi‘, pour le compte du bey, au début de l’année 1806, un waṣīf est acheté pour 480 piastres et, six mois plus tard, dix-sept khuddām et treize wuṣfān sont acquis pour une somme globale de 10 900 piastres, soit 363 piastres en moyenne par tête, soit encore l’équivalent des gratifications semestrielles de dix-huit mamelouks du vestibule41.
17Autour de 300 à 500 piastres : à ce haut niveau médian, malgré tout, la valeur d’un waṣīf ou d’un khādim reste deux à quatre fois inférieure aux prix les plus faibles rencontrés pour les jawārī, ces odalisques parvenant parfois à se hisser au statut envié de mères de princes dans la famille beylicale. En 1787, cinq d’entre elles sont monnayées pour 9 000 piastres, soit en moyenne 1 800 piastres par femme42, tandis qu’en 1849, lors même que la vigilance britannique pèse sur la traite des Blanches en Méditerranée, une jāriya serait vendue 1 000 piastres. En 1835, lors d’une mission du vizir mamelouk Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘ auprès de la Sublime Porte, une jāriya dénommée Ḥanīfa revient tout de même à 30 000 qurūš ottomanes alors que, à 13 250 qurūš, Riẓwān, le plus cher des onze mamelouks mentionnés, n’en représente guère la moitié, les prix des dix autres recrues oscillant entre 4 500 et 11 000 qurūš43.
18Dans cette hiérarchie, l’achat d’un mamelouk est un investissement notable, sans être le plus dispendieux44. La relative faiblesse de la valeur des mamelouks comparée à celle des jawārī est liée, bien sûr, aux différents usages de ces hommes et de ces femmes au sein des palais. Cette différence se fonde aussi sur la capacité des recruteurs à puiser dans une plus large réserve masculine sur les rives chrétiennes de la Méditerranée. De ce point de vue, la durable modicité des rançons et des prix des captifs d’origine européenne au début du xviiie siècle peut tirer à la baisse l’ensemble des prix des mamelouks. À la fin de l’année 1717, la maison beylicale débourse 565 piastres pour acquérir trois chrétiens, 510 pour trois autres et 130 pour un Corse45. Au début du xixe siècle, le coût des mamelouks est en revanche perturbé par un resserrement progressif des traites et des activités corsaires46 : en 1804, le vizir Yūsuf Ṣāḥib al-Ṭābi‘ retire, pour 6 515 piastres, cinq chrétiens du butin recensé au nom du caïd Maḥmūd al-Jallūlī47. Le prix unitaire d’un captif chrétien dépasse le millier de piastres et approche celui d’un mamelouk. De fait, les valeurs et les catégories des captifs et des mamelouks sont loin d’être aussi distantes qu’avec les jawārī, d’une part, et les khuddām et ūṣafā’, de l’autre. Les valeurs des mamelouks se rapprochent de celles des chrétiens asservis.
19Mais situer les prix des mamelouks entre ceux des Noirs et ceux des odalisques ne peut suffire à évaluer la valeur des mamelouks dans une période de plus grand recrutement. Au sein même de chaque catégorie, il faut aussi considérer de très forts écarts. Les tarifs varient du simple au triple en 1816, entre six jawārī recherchées à Istanbul pour le bey Mahmūd (de 1 850 à 5 500 qurūš)48. En 1837, ces prix doublent entre le moins cher des mamelouks (7 500 qurūš) et le plus onéreux (14 250)49 avant de quadrupler pour les mêmes hommes, l’année suivante (de 5 500 à 20 000 qurūš)50. Bien sûr, les propriétés de l’homme acheté jouent à plein. À l’instar d’autres marchandises, l’humain se négocie selon ses qualités, ses origines, son physique et ses talents. Tout au long du xixe siècle, d’entre toutes les ethnies, les « élites » ottomanes se réservent les Caucasiens et, en priorité, les Circassiens, le plus souvent acquis en quantité réduite51. En 1834, un grand mamelouk pourra coûter plus cher qu’un petit (6 000 contre 4 000 qurūš)52 et quarante ans plus tard, une jāriya pianiste sera plus recherchée qu’une simple courtisane par Khayr al-Dīn al-Bāšā53. Ces modulations s’intensifient par l’addition de gratifications aux intermédiaires, de dépenses pour nourrir et vêtir les créatures passées de main en main, et surtout par ajout des impositions étatiques54.
20Les tarifs subissent de surcroît des conversions et dévaluations avec les pièces européennes et ottomanes. Revenus à Tunis, que valent, en effet, les prix de mamelouks évalué en qirš à Istanbul alors que les mouvements monétaires avec la piastre tunisienne sont notables : 1 qirš pour près d’une piastre et demie en 178355 ; 1 riyāl pour 3,54 qurūš en 183556 ? Que valent ces hommes comparés à d’autres, en prenant, par exemple, pour étalon, leurs montures et les prix de chevaux qui atteignent, à l’unité, la trentaine de piastres en 175857, la centaine en 183558, les 150 en 184059, les 900 en comprenant l’achat d’une mule en 186060 ? Dans cette volonté de comparaison avec d’autres biens, avec les domestiques noirs et les odalisques, en tentant de prendre la piastre tunisienne pour unité de compte, trois principaux enseignements peuvent être tirés.
21En cette période, l’achat de mamelouks constitue donc un investissement en hommes comparable à celui de la catégorie voisine des captifs chrétiens. C’est un investissement moyen, s’il est ramené aux prix astronomiques que peuvent atteindre les jawārī, et notable s’il est rapproché des montants des domestiques noirs, voire de prix de chevaux dépassant à l’unité la centaine de piastres dans la seconde moitié des années 1830. Mais, dans le corps mamelouk, comme au sein des autres groupes dépendants, les serviteurs acquis ne se valent pas. Les contrastes sont saisissants à la fin des années 1830 entre des êtres onéreux et d’autres à bon marché.
22En dépit de ces contrastes, la valeur des mamelouks semble avoir été tirée vers le haut entre la fin du xviiie siècle et les premières décennies du xixe siècle. Jusqu’à la fin des années 1810, la progression suit d’abord un rythme mesuré, disjoint d’une première forte croissance des effectifs mamelouks. Au milieu des années 1820, elle paraît connaître un temps mort alors que le montant des gratifications versées aux mamelouks du sérail connaît un pic et que les marchés anatoliens sont pourvus d’enfants, de captives et de prisonniers débusqués lors de campagnes militaires contre la rébellion grecque. Enfin, dans les années 1830, cette tendance à la hausse repart de plus belle : dans un moment concomitant de réduction progressive des traites, hommes et surtout femmes du Caucase sont hors de prix et trouvent pourtant preneurs. La demande ne se résigne pas aux interdits, elle s’adapte au marché et le stimule. De fait, l’observation des prix aide à évaluer toute la part d’investissement qu’a constituée l’acquisition de mamelouks. Mais cette nécessité de lier la quantité à la qualité peut être poursuivie selon une autre voie, en repartant du Bardo, en prêtant attention aux modalités d’éducation scripturaire inculquées aux mamelouks.
Le coût du savoir
23La mise en valeur des mamelouks dès les dernières décennies du xviiie siècle se perçoit dans l’organisation d’une éducation collective au sein du sérail. Jusqu’aux premières décennies du xixe siècle, ces formes d’apprentissage de l’écrit ne sont connues que dans les grandes lignes, par quelques allusions dans les annales des palais et les registres, par quelques remarques dans les récits de voyages européens ou les relations consulaires. Bien souvent, un fin lettré, un homme de religion proche du bey et précepteur des fils du souverain, se voit confier l’éducation des mamelouks élevés dans l’entourage des princes. Sous Ḥusayn b. ‘Alī, le cadi du Bardo, le ḥājj Yūsuf Burtaġīz, officie auprès des uns et des autres avant que son fils Aḥmad ne lui succède à la tâche à la fin des années 172061. Deux précepteurs ne sont parfois pas de trop pour instruire les serviteurs intimes des beys : début 1800, le faqīh ‘Alī Khalīf et le ḥājj Muḥammad Khūjā al-Ḥijāz reçoivent des tamrāt pour l’exercice de la même charge tandis que le faqīh Aḥmad al-Saqādamī est récompensé pour l’instruction des enfants du prince ‘Utmān62. Mais, de manière plus fréquente, ces gratifications semestrielles ne sont remises qu’à une seule personne pourvue du titre de muaddib al-mamālīk : ‘Alī Khalīf remplit cette fonction, dans les registres de 1787 à 180063, Ḥasan al-Taṭāwinī est mentionné en tant que muaddib du sérail, dans une liste de dépenses de 182964, et en tant que précepteur des jeunes maîtres et des mamelouks l’année suivante65, avant d’être cité aux deux fonctions en 183566, puis à nouveau au début des années 184067. Entre ces figures, de 1802 et au moins jusqu’à 182268, la charge est dominée par Aḥmad Sinān, avec – semble-t-il – deux intermittences : à la fin du règne de Ḥammūda Bāšā, de 1810 à 181269, puis sous Maḥmūd Bey, en 181770.
24Le long magistère acquis par Aḥmad Sinān sous trois beys démontre à la fois le respect d’une fonction qui résiste aux passations de pouvoir, mais aussi son caractère marginal dans les rapports de force au sein du sérail. C’en est fini de l’influence sociale et financière du ḥājj Yūsuf Burtaġīz au début du xviiie siècle. Les précepteurs des mamelouks n’ont plus un poids si déterminant au Bardo, au point de valser avec les avènements. Les modestes traitements qu’ils reçoivent corroborent cette combinaison d’humilité et de dignité qui sied tant aux hommes pieux : d’une main, les précepteurs des mamelouks acceptent un faible salaire mensuel, une šahriyya71 de près de 3 piastres à la fin du xviiie siècle72 ; de l’autre, ils perçoivent une ṯamra non négligeable de 50 piastres minimum73, soit deux fois et demie de plus qu’espéré par un grand mamelouk du vestibule, mais un peu moins qu’un chef-adjoint de chambrée mamelouk.
25À ces tarifs, que transmettent les précepteurs ? Certainement un apprentissage de la lecture, des principes religieux, l’accès à une culture livresque… Les registres n’aident pas à le préciser formellement. Dans les notices biographiques qui viennent clore sa chronique, Ibn Abī al-Ḍiyāf valorise chez quelques mamelouks leur plus ou moins bonne connaissance du Coran et leur degré d’éloquence en arabe74. Pour sa part, à partir de 1772-1773, le chroniqueur Ḥammūda b. ‘Abd al-‘Azīz apprend aux fils de ‘Alī Bey l’arabe tandis que l’imam Ḥammūda b. Bākīr professe le fiqh selon les interprétations hanéfites75. À l’occasion, l’historien ne précise pas s’il eut aussi à dispenser son savoir à des mamelouks. Néanmoins, il ouvre une autre piste dans l’exploration de leurs connaissances en un passage ultérieur de son Kitāb al-Bāšī, lorsqu’il rapporte une discussion juridique lancée par Rajab Khaznadār au cours d’une séance de justice de ‘Alī Bey : le mamelouk s’interroge sur les manières de statuer dans un cas qu’il a rencontré dans une de ses lectures, sur les sentences à proclamer à l’encontre d’imprudents qui ont entraîné, par mouvements de foule, d’autres curieux dans la gueule d’un lion76.
26L’observation des muaddibūn ne suffit pas à préjuger de la qualité de traitement des mamelouks au sein des sérails. Les mamelouks acquièrent une grande valeur lorsqu’ils cultivent par eux-mêmes leur goût du savoir. Sans inscrire Rajab Khaznadār dans une lignée d’élèves qui remonterait à un précepteur de sérail, Ḥammūda b. ‘Abd al-‘Azīz dévoile en effet, par ce profil singulier, une autre face de l’acquisition des connaissances, une autre voie d’ascension pour un mamelouk : une sortie des voies coraniques et juridiques bien balisées, la plongée individuelle en un large champ de l’adab. À la fin du xviiie siècle, un profil similaire se dessine : celui de Muṣṭafā Khūjā. Le premier des vizirs mamelouks sous les Husaynides ne se contente pas de bien parler le turc, l’arabe ou l’italien77. Muṣṭafā sait aussi écrire78 et il n’est jamais trop éloigné des livres. À la reconquête de Tunis par les fils de Ḥusayn, le mamelouk trouve refuge à Tunis, « près de la vénérable mosquée », dans la médersa bašiyya fondée par son premier maître, ‘Alī Bāšā. Il acquiert quelques rudiments de sciences et, « pour ne pas mourir de faim », se met à relier des ouvrages79.
27Son successeur Yūsuf Ṣāḥib al-Ṭābi‘ n’est pas en reste. En contradiction avec un jugement émis par le consul Devoize en 1795, le dignitaire ne saurait être qualifié de stupide ou d’incapable ne pouvant qu’apposer un cachet « aux ordonnances du Bey80 ». Le vizir a le goût des livres qu’il accumule pour la fondation de sa mosquée en faubourg tunisois81. À sa suite, l’« enfant de son éducation », Ḥusayn Khūjā, s’évertua surtout à des lectures historiques. À l’instar de son premier maître, Ḥusayn se constitua une bibliothèque qui dota, après sa chute et par bienfaisance d’Aḥmad Bey, la grande mosquée de la Zitouna82.
28La mise en valeur des mamelouks dès les dernières décennies du xviiie siècle se conçoit donc autant par une éducation collective que dans ces goûts individuels pour le savoir. Une troisième dimension démontre tout l’intérêt des beys pour la formation de ces serviteurs : l’effort de contrôle et de discipline de ce corps. À en croire Ibn Abī al-Ḍiyāf et le médecin belge Louis Frank, Ḥammūda Bāšā afficha un visage sévère à l’égard des mamelouks au début des années 1790. Il « considérait le plus innocent » des mamelouks comme fautif. Il « sanctionnait un défaut de courtoisie comme s’il avait à punir un crime ». Il ne lui suffisait pas d’interdire à ses mamelouks « de dialoguer en arabe, de crainte que cet usage n’encourageât les abouchements », il « ne leur parlait qu’en turc » pour avoir cette langue en mémoire83 et « il leur défendait de converser entre eux ; […] dès qu’il s’apercevait que deux de ses esclaves se disaient deux mots à voix basse, il leur faisait payer cette communication interdite par cent ou deux cents coups de bastonnade84 ».
29La rigueur du patron fut d’ailleurs si pesante, selon les deux auteurs, qu’elle fut à l’origine du geste sacrilège de trois jeunes mamelouks, de leur tentative d’assassiner leur maître en pleine nuit, le 10 février 179285. Accueilli au Bardo plus d’une décennie après le drame, le médecin Louis Frank jugea que le bey avait tiré les leçons d’un attentat qui l’aurait rendu « plus circonspect, plus modéré et plus indulgent surtout avec les gens attachés à son service86 ». Il est vrai qu’à cette période, au milieu des années 1800, un captif italien pouvait se promener à loisir « dans une partie des corridors assignés aux gardes » du Bardo et causer « librement avec ceux des Européens ou renégats qui s’approchaient de lui87 ».
30L’intérêt porté à cette éducation nous est apparu de manière plus explicite encore au début du xixe siècle, selon un quatrième type d’indice, dans les registres beylicaux. Ces comptes font alors référence aux iḥsān, aux bienfaits sonnants et trébuchants alloués à de savants fuqahā’ et à de doctes précepteurs pour célébrer les khatma, les lectures et l’apprentissage du Coran par tel ou tel mamelouk88. Ces mentions ne sont pas nouvelles et encore moins réservées aux seuls serviteurs de palais : en juin 1770, 10 piastres étaient versées à un muaddib pour la khatma d’une fille du bey et, cinq mois plus tard, le faqīh Salīm Dwīra en recevait le double pour celle d’Ismā‘īl Bey89. Mais à partir de la fin des années 1810, il nous a semblé que ces annotations devenaient plus fréquentes : dans un registre des années 1818-1819, entre les feuillets 33 et 55, pas moins de seize khatmāt sont récompensées, dont celle du prince Muḥammad Bey et celle du domestique noir, Sa‘d al-Šūšān90 ; dans un autre livre, de 1823 à 1825, les iḥsān pleuvent pour trente-cinq khatmāt, dont celles d’un prince et de quatre mamālīk al-siġār91. Enfin, pour faire bonne mesure, entre ces multiples récompenses, plus le récitant est distingué aux yeux et au cœur du souverain, plus les montants des bienfaits deviennent conséquents : 9 piastres pour la moindre créature d’Ismā‘īl al-Mamlūk92 à Sa‘d al-Šūšān en 1817 et 1818 jusqu’à Farḥāt al-Ṣaġīr en 183693, soit autant que ce qui était versé pour une princesse au xviiie siècle ; 45 piastres pour Muḥammad Bey en 181894, 50 pour le client d’un garde des Sceaux ; 200 pour Sādiq Bey fin 1824-début 182595 ; autant l’année suivante, pour Aḥmad Zarrūq, félicité pour sa connaissance de la sourate de la Vache96.
31La plus grande visibilité de ces libéralités, à partir de la fin des années 1810, et au cours des deux décennies suivantes, suit de près la prodigieuse augmentation du montant des tamrāt amorcée à partir de 1809 pour les mamelouks du vestibule et à partir de 1814 pour les mamelouks du sérail. L’ensemble de ces mouvements à la hausse, accompagnés d’un soutien des prix sur des marchés de captifs, permettent de distinguer, à partir des années 1810, un moment de promotion majeure des mamelouks en nombre et en qualité au sein du Bardo. Un nouvel état d’esprit peut émerger sous ‘Alī Bey. Il ne prête à conséquence notable qu’au terme du règne de son fils Ḥammūda Bāšā et sous ses successeurs Maḥmūd, puis Ḥusayn Bey.
32Ultime indice de cette montée en puissance : la modulation des iḥsān entendus comme bienfaits du prince et prêts gracieux97. Seule une piastre est versée aux hommes en charge de circonscrire les mamelouks convertis98. Une à deux piastres sont remises à tout nouveau serviteur en guise de bienvenue au palais dans les années 174099. Trois piastres reviennent à un mamelouk porteur de tissus en 1718100, 25 pour Muṣṭafā le Spahi, uḍā-bāšī des mamelouks en 1784101. Après 1815, les iḥsān évalués entre une quarantaine et une cinquantaine de piastres102 deviennent plus fréquents. Ces bienfaits atteignent des montants inégalés : en 1816, les iḥsān peuvent dépasser les 100 piastres pour Muḥammad Šūlāq103 (un mamelouk qui s’illustrera plus tard au côté du vizir Šākīr), les 1000 piastres pour le mamelouk ‘Utmān après son voyage « au pays des Turcs104 ». Explosion des montants maximums des iḥsān, tendances à la hausse du prix des hommes, liées à une croissance tardive du nombre des mamelouks à partir des années 1810 : rassemblés, valorisés, ces chiffres indiquent une mise en valeur des mamelouks, mais à quelle fin ? Ou plutôt selon quelles configurations ? Dans une volonté de marginaliser les Turcs et de prendre ses distances avec le centre de l’Empire ottoman ?
DES MAMELOUKS TERRASSANT LES TURCS ?
Une succession de primautés ?
33Au xviie siècle, l’idée d’une prééminence des convertis sur les miliciens turcs de Tunis court tout au long des relations en français ou en anglais, annonçant une domination chrétienne sur cette terre barbaresque. À partir de la fin du xviiie siècle, le topos subit une inflexion lorsque le terme de mamelouk se répand des écrits d’acteurs en prise directe avec Le Bardo. Dans les années 1780, ce sont deux représentants occidentaux à Tunis, Venture de Paradis et Antoine Nyssen, qui décèlent une influence croissante des mamelouks aux dépens des Turcs, avant que le constat ne soit affiné en France par l’abbé Raynal105. L’antienne réapparaît au début du xixe siècle. Le médecin belge de Ḥammūda Bāšā, Louis Frank, témoigne de la confiance que le bey se plaisait à accorder à l’« assez grand nombre » de chrétiens à son service, à un point supérieur « aux Turks eux-mêmes et surtout […] aux Maures naturels du pays106 ». Certes, ces perceptions n’étaient pas erronées, elles se fondaient sur des indices concordants, mais ces résumés péchaient par excès de rapidité et de généralité.
34Les sources en arabe aident à comprendre ce basculement de la faveur par toute une série de perturbations intérieures. Ibn Abī al-Ḍiyāf établit certes que, après la grande révolte janissaire de 1811 à Tunis, Ḥammūda Bāšā « limita la confiance qu’il vouait aux Turcs ». Il n’en infère pas pour autant une promotion en chaîne des mamelouks. Il évoque avant tout une mise en valeur de zouaves adjoints aux miliciens, chargés de les cornaquer dans leur service107. Lorsque le chroniqueur sfaxien Maḥmūd b. Sa‘īd Maqdīš al-Ṣfāqsī fait état du remplacement des janissaires par des mamelouks « amenés de Turquie », il lie cela à la désillusion d’un bey jugeant que « la concession du pouvoir aux habitants du pays n’est ni un bien pour eux ni un bien pour la dynastie (dawla)108 ». Enfin, en 1816, quand une nouvelle révolte des janissaires éclate, quand les miliciens contestent l’ascension d’« hommes sans mérite », ils en viennent à déployer toute une série de revendications qui ont peu à voir avec les mamelouks : ils en appellent au sultan et s’emportent contre l’émancipation de captifs gagnés au prix du sang ; ils s’en prennent à l’entrée de citadins, pour ne pas dire de non-Turcs, dans leurs casernes109.
35La compétition entre Turcs et mamelouks n’était donc pas si directe. Elle impliquait un troisième ensemble d’enfants du pays, d’autres corps comme ceux des zouaves placés sous l’arbitrage du chef de la maison husaynide. La volonté de marginaliser les troupes turques n’était pas particulière à Tunis. Cette détermination s’illustrait aussi à Tripoli en 1814, avec des expulsions de miliciens110, et au Caire par l’éloignement vers le Ḥijāz de soldats albanais qui avaient aidé leur compatriote Muḥammad ‘Alī à se hisser au pouvoir111. Ce désir chronique s’inscrivait dans des équilibres fluctuants qui, sur le long terme, ne remettaient en cause ni une primauté « turque » dans les hiérarchies administratives ni une fidélité de liens au centre de l’empire pourvoyeur en janissaires et créatures de palais.
36Avant la disgrâce des janissaires turcs à Tunis en 1811, et après les conflits armés avec Alger, alors même que le nombre de mamelouks du vestibule ne cessa de croître, Ḥammūda Bāšā ajouta « cent maisons » au jund des Turcs112.
37Sans se départir d’une certaine méfiance sur les champs de bataille113, le bey apprenait l’osmanlı à quelques mamelouks114, et montrait un « faible » pour ses troupes. D’après Ibn Abī al-Ḍiyāf, il « aimait tellement se mêler à eux qu’il prit pour lui-même un logement dans la caserne115 ». Ḥammūda Bāšā se voulait alors à l’égal des autres soldats, leur pair. Il se nourrissait de l’esprit de caserne et y insufflait une prééminence accrue sur les jeunes serviteurs.
38L’agonie de la milice turque fut bien longue. Cette lente disparition coïncidait avec la montée en puissance des mamelouks, mais la faiblesse des uns n’impliquait pas directement le renforcement des autres. Les destinées se croisaient en une période de réorganisation militaire de la province, de concentration des richesses au sein de la maison beylicale, sans qu’une prépondérance honorifique de l’élément turc sur l’ensemble des forces armées se soit encore estompée.
Un corps arabe, une tête turque, un cou mamelouk
39Le pouvoir beylical est en effet un pouvoir turc, un pouvoir issu de la milice. Le passage de la chronique d’Ibn Abī al-Ḍiyāf campant Ḥammūda Bāšā en assidu des garnisons le rappelle avec vigueur : tout souverain qu’il puisse paraître, le patriarche de la maison husaynide demeure un soldat du sultan. À ce double titre, Ḥammūda Bāšā s’enrôle ainsi qu’un certain nombre de ses mamelouks dans la 41e dār de la milice116. Chacun des beys communie avec les troupes du sultan, chaque jour que Dieu fait, lors du rituel de la présentation du pain. Selon le consul sarde Filippi, ce serait d’ailleurs en « sa qualité de premier soldat de la Régence » que serait apporté au jour le jour, « en pleine justice » et aux mains du bey, la « ration de pain qu’il est en usage de goûter pour satisfaction des soldats qui se trouvent présens [sic]117 ». En ces circonstances, le « boulanger de la garnison » serait chargé, après avoir poussé un grand cri, de lui présenter les « quatre petits pains ». Ces parts ne sont pas toutes ingérées118 mais elles ne peuvent être repoussées : à Istanbul, retourner un plat, refuser de manger aux frais du sultan équivaut à rompre toute loyauté avec le maître par un geste répété jusqu’en 1826 dans les rangs janissaires119.
40Au fil des listes comptables des registres, au xviiie et durant une partie du xixe siècle, ce sont en apparence les éléments arabes, spahis et ḥānba, qui dominent les troupes beylicales par leur poids financier et par leur nombre (graphiquesci-contre). Mais, par ordre de préséance, ce sont les janissaires qui sont servis les premiers. Lors de distributions de tamrāt, les miliciens turcs côtoient les figures vénérables du beylik. En 1769, ils sont mentionnés avant quelques religieux et lettrés120. En 1773, ils doivent s’incliner devant ces serviteurs121 et le céder en primauté face à un ensemble mal identifié de grands hommes, de rijāl al-kibār dans les années 1830 et 1840122. Leur primauté n’est cependant jamais mise en péril, ni par les ḥānba arabes relégués en fin de liste ni par les mamelouks qui, malgré tout, émergent en ensemble intermédiaire entre Turcs et Arabes, au cours du xviiie siècle. Les mamelouks du vestibule ne parviennent pas à rivaliser avec les miliciens : chefs de chambrée (udā bāšī) ou lieutenants (kahiyā) des hommes du vestibule touchent souvent moins que des spahis et ḥānba de même rang. Seul un sans-grade mamelouk bénéficie de 3 piastres de plus qu’un spahi de base123. Il n’est pas jusqu’aux approvisionnements alimentaires qui ne fassent l’objet de distinctions. Lors de la maḥalla de 1762-1763, si 1 kilo de blé est prévu par tête et par jour, 3 kilos de riz sont reçus par vingt-sept ḥānba turcs et 3 par onze mamelouks124.
41Étranges relations donc que celles nouées entre mamelouks et Turcs : de domination souvent, de complémentarité parfois, de concurrence en quelques cas. Les uns et les autres ne sont guère en conflit ouvert et permanent. Néanmoins, les mamelouks sont d’un plus grand secours que les Turcs dans les volontés successives qu’eurent les beys de consolider leur place face à l’autorité impériale et de redéfinir leurs relations à Istanbul.
Des mamelouks ottomanisés
42Les mamelouks n’ont pas succédé aux Turcs. L’éventail de leurs origines de moins en moins « occidentales » et de plus en plus « orientales », de moins en moins latines, de plus en plus caucasiennes et grecques, indique, selon une autre perspective, un resserrement des liens entre Tunis et Istanbul, que certains conçoivent, pour l’ensemble des provinces arabes, en un double mouvement d’« ottomanisation-localisation des élites125 ».
43Ce qui fonde cette mutation souterraine, l’hypothèse d’un passage de témoin des rives latines aux contrées et marges ottomanes dans le recrutement des mamelouks n’est pas aisée à repérer dans le temps. Certains mettent en avant l’ensemble du xviiie siècle, après un premier essoufflement de la course126 ; d’autres resserrent la focale au début du xixe siècle, après un second déclin des activités navales127, ou bien encore aux années 1820, quand l’assèchement de la traite occidentale rompt, au sein du Bardo, un équilibre en faveur des Grecs et Circassiens128. D’entre tous ces jalons, le plus large et, de fait, le plus prudent, la longue transition du xviiie siècle, n’est guère pertinent pour tous les Orientaux. Les traces de mamelouks grecs furent déjà relevées dans les archives du consulat de France, pour le xviie siècle129.
44Il faut, nous semble-t-il, resserrer la focale, être sensible à une transformation durant la seconde moitié du xviiie siècle en examinant ici quatre dénombrements de mamelouks conçus entre 1730 et 1809130. Ces listes sont fragmentaires : une bonne partie ne recense que les hommes du vestibule mais les origines indiquées dans les nisba (al-Jinwī, le Génois ; al-Qurjī, le Géorgien…) nous ont amené à distinguer quatre groupes : un ensemble d’« Occidentaux » issus de terres tenues par un pouvoir chrétien et latin (royaume du Portugal, d’Espagne, de France, domaine italien, île de Malte) ; des « Orientaux » arrivés de la capitale impériale, de ses périphéries contrôlées ou naguère convoitées (aire grecque, Circassie et Géorgie, confins autrichiens…) ; des « autochtones », fils de mamelouks ou d’autochtones, kūruġlī, hommes présentés comme des Tabarquins ou Tripolitains ; ceux, enfin, dont l’origine n’a pu être déterminée par le seul nom. Ces regroupements révèlent une proportion non négligeable et déjà évoquée d’autochtones ; une part toujours consistante et en légère hausse pour les Européens de l’Ouest ; une portion surtout croissante de Caucasiens et de Grecs entre les années 1740 et le début du xixe siècle.
45Durant cette période, sous le règne de ‘Alī Bey puis sous celui de son fils, Ḥammūda Bāšā, les témoignages s’accumulent tant sur l’afflux de Géorgiens à Tunis que sur la remarquable prédilection des beys à leur endroit. Dans les années 1780, le chancelier Venture de Paradis et le consul Antoine Nyssen notent la propension de ces Caucasiens à s’accaparer des dignités militaires : le commandement des « Maures », les principales charges d’officier, de lieutenant131… D’autres relèvent la virtuosité des Géorgiennes à s’imposer dans les harems : à cette époque, un écrit vénitien attribue six femmes au bey régnant, dont pas moins de quatre originaires de cette lointaine contrée132. Plus frappant, sur vingt-huit mamelouks dont les origines sont mentionnées dans les notices biographiques rédigées par Ḍiyāf, dix-sept sont géorgiens. Et sur ce nombre, onze ont grandi et servi dans la proximité de Ḥammūda Bāšā avant d’être promis à de brillantes carrières133.
46De fait, ce qui compte dans une appréciation dynamique des aires de recrutements mameloukes, ce n’est pas tant le rapport quantité/provenance, difficile à établir, que les inclinations princières et leurs résultats, la propension de tel ou tel jins (ethnie) à s’imposer aux charges les plus élevées. Après les Géorgiens, à la fin du xviiie siècle, ce sont les Grecs et les Circassiens qui sont ensuite mis en avant.
47La recherche de mamelouks issus d’Orient s’articulait donc à la lente désagrégation de la milice turque, à la mise en valeur de ces créatures de palais (dans leurs prix d’acquisition, leurs traitements et leur éducation à partir des années 1810) dans un moment de redéfinition des liens avec le centre de l’empire. Par la mise en scène d’une primauté turque sur les troupes lors des distributions de gratifications, par un langage hiérarchique qui confirmait des hommages plus explicites aux sultans, les beys husaynides maintenaient leur province sous une prééminence ottomane sans s’interdire d’en perturber les équilibres internes à leur avantage, en disséminant aux positions clés de leur large famille et de l’encadrement des sujets des hommes et des femmes recherchés aux marges et au cœur du domaine sultanal.
48En définitive, selon cette perspective patrimoniale, le surgissement des mamelouks à l’orée du xixe siècle se distinguait, plus par degré que par nature, du souffle « renégat » de la fin du xvie et du premier xviie siècle. Au début du xviie siècle comme au début du xixe siècle, les deys puis les beys furent animés de desseins comparables d’affirmation d’un pouvoir patrimonial sur l’ensemble de la province. Durant ces périodes, ils n’ont pas cherché à favoriser leur parenté par le sang sur leur parenté par la dépendance dans l’exercice du pouvoir. Les mamelouks ont incarné, aux yeux des beys, des serviteurs plus dévoués que les princes (leurs fils naturels) ou que les Turcs. Dès la fin du xviiie siècle, les mamelouks pouvaient en effet être placés en position de médiateurs de confiance entre les membres de la famille beylicale, entre le sérail et la cité, entre les tenants de l’autorité et les sujets. Ces positions de médiateurs, qui expliquent la montée en puissance des mamelouks, seront observées au sein des maisonnées de Tunis dans le quatrième chapitre puis en dehors de ces maisonnées dans le cinquième chapitre.
Notes de bas de page
1 Dans ce sillon, L. C. Brown, 1974, 52 ; R. al-Imām, 1980, 17, 18, 147-148, 178.
2 L. C. Brown, 1974, 48.
3 Ant, reg. 11, 27, 36, 246, 247, 251, 260, 270, 273, 277, 295, 300, 308, 312, 321, 327, 330, 335, 344, 358, 360, 361, 371, 376, 388, 402, 406, 421 bis, 425 bis, 430/4, 436 bis, 436/4, 440/2, 441/2, 444/2, 451/2, 453/2, 463/2, 470/2 ; Bnt, ms. 21807, 21809.
4 Ant, reg. 40, 41, 74, 101, 139, 141, 85, 141, 156, 170, 175, 180, 192, 216, 220, 229, 233, 239, 243, 384, 3638, Bnt, ms. 21811.
5 Ant, reg. 11.
6 Ant, reg. 27, 36, 40, 41, 74, 101, 85. M. F. Al-Mustġānimī, 2007, 206.
7 Ant, reg. 27.
8 Ant, reg. 41.
9 Ant, reg. 85.
10 Ant, reg. 246, 247, 251, 260, 270, 273, 277, 300, 308, 335, 344, 358, 384.
11 Ant, reg. 308, 312, 321, 327, 330, 335.
12 Ant, reg. 295, 312, 360, 371, 376, 384.
13 Ant, reg. 388, 402, 406, 421 bis, 425 bis, 430/4, 436 bis, 436/4 ; Bnt, ms. 21811, 21807.
14 Ant, reg. 453/2, f. 57, 40 piastres pour un mamelouk du vestibule pour sa ṯamra de l’hiver 1251 et pour celle de l’été 1252.
15 Ant, reg. 243, f. 25, 19 janvier 1786 (18 rabī‘ I 1200) ; Bnt, ms. 21811, f. 91, 30 juin 1820 (19 ramadan 1235) : 4 uḍā-bāšīyya des mamelouks, chacun 61, et le bāš uḍā 92.
16 Ant, reg. 243, f. 104, 3 septembre 1786 (9 qa‘da 1200).
17 Ant, reg. 11, 1743, 1730-1731, f. 50, cas de Muṣṭafā le Génois, oublié pour une période de six mois. Bnt, ms. 21807, f. 45, 27 décembre 1828 (19 jumādā II 1244), 20 piastres pour Maḥmūd, Ḥusayn, Māmī Mamlūk manquant à l’appel (takhallafa).
18 Mae, CP, Tunis, vol. 1, de Lesseps, 12 juin 1831, f. 193 v.
19 Ant, reg. 74, f. 72, 1752-1753 (1166).
20 Ant, reg. 74, f. 266, 1752-1753 (1166) et f. 276, 1753-1754 (1167) : al-mamālīk al-ṭarrāziyya et Ḥusayn al-Mamlūk al-Bānnāy (le maçon).
21 Ant, reg. 101, f. 131, quatre mamelouks présentés comme des ṭabajiyya, canonniers et artilleurs.
22 Ant, reg. 243, f. 110, 3 septembre 1786 (9 qa‘da 1200), une somme globale de 1 170 piastres est affectée aux mamālīk al-bayt, dont 300 pour trois de ses serviteurs, 75 pour un quatrième, 50 pour un cinquième, 40 pour un sixième, 30 pour un septième (soit un sous-ensemble de 495 piastres).
23 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 65, 66.
24 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 67.
25 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 70-75.
26 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 119 ; Mae, CCC, Tunis, vol. 41, Astoin-Sielve, 16 septembre 1814.
27 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 126-127 ; Mae, CCC, Tunis, vol. 41, Astoin-Sielve, 23 décembre 1814.
28 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 136-137 ; Mae, CCC, Tunis, vol. 41, Astoin-Sielve, 30 janvier 1815, f. 16.
29 A. Demeerseman, 1972, 221-222 : selon un sondage effectué sur des ordres de paiement donnés à Maḥmūd al-Jallūlī par Ḥusayn Khujā : 60 % des paiements sont affectés en 1824-1825 à des dépenses marginales.
30 M. F. Al-Mustġānimī (2007, 211) limite à 33 le nombre maximum de mamelouks du sérail au temps de Ḥammūda Bāšā.
31 M. Emerit, 1948, 43-44.
32 Ant, reg. 436 bis, f. 84, 26-25 avril 1826 (18 ramaḍān 1241) ; f. 121, 25-24 juillet 1826 (19 ḥijja 1241). Pour sa part, Mohamed-Hédi Chérif (1981, 187) établissait un constat plus restrictif encore. En se fondant sur les registres 68 (f. 19-20), 161 (f. 21-22), 226 (f. 52) et sur les projections de L. C. Brown (1974, 48), il concluait que le nombre de mamelouks ne semblait jamais avoir « dépassé le chiffre de cent à deux cents personnes aux xviiie et xixe siècles ».
33 L. R. Desfontaines, 1838, 29.
34 Ch. Monchicourt, 1929, 20-22. Témoignage d’Antoine Nyssen. Sur cette famille, entre autres, L. Valensi, 2008, 315-316, et Nejmeddine Kazdaghli, « La famille Nyssen de Tunis et son rôle dans les relations extérieures de la Régence (xviiie-xixe siècles) », Mélanges en l’honneur du professeur Machiel Kiel, Zaghouan, Publications de la fondation Temimi pour la recherche scientifique et l’information, 1999 (non consulté).
35 Observation du consul Filippi. Ch. Monchicourt, 1929, 93. Pro, FO 102/29, J. Richardson, An Account of the Present State of Tunis, 1845, f. 151 r. Dans une autre partie de son manuscrit, J. Richardson (f. 48 r.) élève le nombre de mamelouks jusqu’à trois cents. Sir Granville-Temple repéra, pour sa part, trois cents mamelouks en 1832 (L. C. Brown, 1974, 48).
36 Estimation du chancelier Knecht rapportée par M.-A. Pey (1977, 106) et N. Lafi (2002, 96).
37 B. Miller, 1941, 179.
38 D. Crecelius, 1998, 130-132.
39 M. Winter, 1992, 70.
40 B. Lewis, 1993, 25-26 : en 1860, selon un rapport allemand, à Istanbul, « un esclave noir, fort et qualifié » vaudrait 200 à 300 dollars et une fille blanche particulièrement belle, dix fois plus.
41 Ant, reg. 331, f. 66, janvier-février 1806 (qa‘da 1220), f. 78, mai-juin 1806 (rābi‘ I 1221).
42 Ant, reg. 113, f. 53, octobre-décembre 1787 (muḥarram et ṣafar 1202).
43 Ant, SH, C. 221 d. 356, arch. 11, août-septembre 1835 (jumādā I 1251).
44 K. Chater (1984, 165) avançait que cet « article de valeur » était « passé sous silence dans les archives des commerçants sfaxiens ». Et pourtant, les registres rassemblent, de manière certes très fragmentée, des indications de prix sur un temps long.
45 Ant, reg. 5, f. 66, décembre 1717-janvier 1718 (muḥarram 1130).
46 L. Valensi, 1967, 1285 : à partir de 1710 et jusqu’au milieu du xviiie siècle, le bey achète des chrétiens à près de 500 livres françaises, puis à près de 1 000 livres à la fin de ce même siècle. Parallèlement, le prix des « esclaves noirs » passe d’une centaine de livres autour de 1 750 à plus de 500 en 1810.
47 Ant, reg. 331, f. 8, juin-juillet 1804 (rabī‘ I (ašrāf al-rabī’īna) 1219), ġanīma, traduit par « prises » ou « butins ».
48 Ant, reg. 399, f. 23, août-septembre 1816 (šawwāl 1231).
49 Ant, C. 1 d. 10, arch. 2, avril-juillet 1837 (muḥarram- rabī‘ I 1253).
50 Ant, C. 1 d. 10, arch. 3, mai-juin 1838 (rabī‘ I al-anwār) 1254).
51 Y. H. Erdem, 1996, 55. À Tunis, au début des années 1830, un Circassien est plus cher qu’un Grec (Mae, CP, Tunis, f. 191).
52 Ant, C. 3 d. 42, arch. 208, ‘Umar al-‘Ibrī à Šākīr Ṣāḥib al-Ṭābi‘, 6 mai 1834 (26 ḥijja 1249).
53 Ant, C. 223 d. 390, arch. 225, Khayr al-Dīn al-Bāšā, 27 mai 1874 (10 rabī‘ II 1291) : elle est achetée pour 10 000 francs. L. Blili, 2004, 452, référence à C. 1 d. 10, arch. 6.
54 Y. H. Erdem, 1996, 19-20.
55 Ibrāhīm al-Sa‘dāwī, 1999, 592 : Ḥamīda b. ‘Ayyād amène, en 1197, 3 jawārī d’Égypte pour 19 017 ½ qurūš, soit 27 143 ½ piastres (1 qirš pour 1,42 piastre) et deux mamelouks pour 2 635 qurūš, soit 4 301 ¼ piastres (1 qirš pour 1,63 piastre)
56 Ant, reg. 450, f. 88, 1251, 1835-1836, au terme des comptes, la somme des dépenses est égale à 4 558 528 qurūš ; celle des revenus à 4 275 370 qurūš. Une différence de 273 157 en retirant une autre somme est jugée équivalente à 77 089 piastres.
57 Ant, reg. 101, f. 30, juin-juillet 1758 (šawwāl 1171) : dans cette page de registre, plusieurs prix de chevaux sont livrés : 30 piastres pour un cheval gris, 25 pour un cheval alezan, 40 pour un troisième, 42 pour un quatrième.
58 Ant, reg. f. 17, février-mars 1835 (qa‘da 1250), Yūsuf al-Mamlūk est doté d’un cheval pour 106 riyāl.
59 Ant, reg. 2522, f. 26, mai-juin 1840 (rabī‘ I 1256).
60 Ant, reg. 2146, f. 2, 29 octobre 1860 (13 rabī‘ II 1277) : le qāymaqām Ayyūb reçoit un cheval et une mule pour 900 riyāl.
61 M. H. Chérif, 1984, 303-304.
62 Ant, reg. 308, f. 86, 20 janvier 1800 (23 ša‘bān 1214).
63 Ant, reg. 246, f. 41, 28 février 1787 (10 jumādā I 1201) ; reg. 247, f. 121, 22 septembre 1788 (21 ḥijja 1202) ; reg. 251, f. 117, 13 septembre 1789 (22 ḥijja 1203) ; reg. 308, f. 86, 20 janvier 1800 (23 ša‘bān 1214).
64 Bnt, ms 21087, f. 72, 26 mars 1829 (20 ramaḍān 1244), f. 105, 19 avril 1835 (20 ḥijja 1250).
65 Ant, reg. 440/2, f. 109, 9 juin 1830 (17 ḥijja 1245) : muaddib al-su‘adā’ (…) al-ṣiġār wa al-mamālīk.
66 Ant, reg. 441/2, f. 70, 3 mars 1831 (19 ramaḍān 1246), et f. 98, 31 mai 1831 (19 ḥijja 1246) ; reg. 444/2, f. 31, 3 septembre 1833 (17 rabī‘ II 1249) et 1er mars (19 šawwāl 1249) ; reg. 448/2, f. 32, 24 août 1834 (18 rabī‘ II 1250), et f. 93, 19 mars 1835 (19 qa‘da 1250).
67 L. C. Brown, 1974, 43, référence aux registres 463 et 470 de dépenses des années 1255 à 1258 (1839-1842) : il y touche un revenu mensuel de 3 piastres ¾.
68 Ant, reg. 321, f. 37, 24 juillet 1802 (23 rabī‘ I 1217) ; reg. 327, f. 33, 9 juillet 1803 (19 rabī‘ I 1218), et f. 103, 8 décembre 1803 (23 ša‘bān 1218) ; reg. 330, f. 48, 30 juillet 1804 (21 rabī‘ II 1219), et f. 130, 24 décembre 1804 (21 ramaḍān 1219) ; reg. 335, f. 35, 21 juin 1805 (23 rabī‘ I 1220), et f. 109, 14 décembre 1805 (22 ramaḍān 1220) ; reg. 344, f. 30, 19 mai 1808 (23 rabī‘ I 1223) ; reg. 358, f. 60, 3 août 1809 (21 jumādā II 1224), et f. 122, 27 décembre 1809 (20 qa‘da 1224) ; reg. 376, f. 138, 26 décembre 1812 (21 ḥijja 1227) ; reg. 384, f. 88, 9 août 1814 (22 ša‘bān 1229), et f. 141, 4 décembre 1814 (21 ḥijja 1229) ; reg. 402, f. 91, 8 août 1814 (21 ša‘bān, 1229). Bnt, ms. 21811, f. 90, 29 juin 1820 (18 ramaḍān 1235), et 128, 29 septembre 1820 (21 ḥijja 1235). Ant, reg. 421 bis, f. 81, 19 juin 1821 (18 ramaḍān 1236), et f. 117, 16 septembre 1821 (18 ḥijja) ; 425 bis, f. 77, 7 juin 1822 (17 ramaḍān 1237).
69 Ant, reg. 360, f. 73, 20 août 1810 (19 rajab), et f. 132, 17 janvier 1811 (21 ḥijja) ; reg. 371, f. 58, 1er juillet 1812 (20 jumādā II 1227), et f. 131, 30 décembre 1812 (21 ḥijja 1227).
70 Ant, reg. 96, 1er août 1817 (18 ramaḍān 1232).
71 M. F. Al-Mustġānimī, 2007, 474 : versée en numéraire ou en nature au début du mois, la šahriyya bénéficie aux familles du palais.
72 Ant, reg. 192, f. 74, 3 juillet 1775 (4 jumādā I 1189) ; reg. 273, f. 1, 1793 (1208) ; reg. 295, f. 42, 1797-1798 (1212) ; reg. 312, f. 1, 1800 (1215). En 1775, un muaddib reçoit un revenu mensuel de 7 piastres (reg. 175, f. 244, 16 décembre 1771, 9 ramaḍān 1185).
73 .Ant, reg. 246, f. 113, 3 octobre 1787 (20 ḥijja 1201) ; reg. 247, f. 55, 20 mars 1788 (12 jumādā II 1202) ; reg. 266, f. 24, 17 avril 1792 (24 ša‘bān 1206). La ṯamra peut atteindre les 150 piastres (reg. 308, f. 86, 20 janvier 1800, 23 ša‘bān 1214).
74 .Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 88-89 : Ḥasan ‘Āmil de Monastir ; vol. viii, 133, Farḥāt al-Mamlūk ; vol. viii, 45, Dilāwār al-Mamlūk.
75 . Ibn ‘Abd al-‘Azīz, 1970, 223.
76 Ibn ‘Abd al-‘Azīz, 1970, 283-284.
77 J.-M. Venture de Paradis, 1983, 82.
78 Anf, AE B1 1151, Tunis, d’Esparron, 8 mars 1785.
79 Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 38.
80 E. Plantet, 1899, t. iii 252 : Devoize à Sémonville, ambassadeur à Constantinople, Tunis, 5 juin 1795, 18 prairial an III.
81 A. Saadaoui, 2001, 256.
82 Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 106 ; iv, 56.
83 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 28.
84 L. Frank, 1979, 69.
85 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 27-28 ; L. Frank, 1979, 69-70.
86 L. Frank, 1979, 69.
87 P. Grandchamp, 1917, 36.
88 M. Beaussier, M. Bencheneb, 1958, 966 : « lecture du Coran d’un bout à l’autre », « achever d’apprendre une division du Coran », « somme d’argent que l’élève donne à cette occasion ».
89 Ant, reg. 170, f. 61, 25 juin 1770 (2 rabī‘ I 1184) et f. 195, 29 octobre 1770 (9 rajab 1184).
90 Ant, reg. 411, f. 33, septembre-octobre 1818 (qa‘da 1233), pour trois mamelouks ; f. 34, pour Muḥammad Bey ; f. 43, octobre-novembre 1818 (muḥarram 1234), pour Rustum et Sa‘d al-Šūšān ; f. 54, février-mars 1819 (jumādā I 1234), pour sept mamelouks ; f. 55, pour trois mamelouks.
91 Ant, reg. 428, f. 2, septembre-octobre 1823 (muḥarram 1239), pour 14 khatma ; f. 8, novembre-décembre 1823 (rabī‘ I 1239), pour deux mamelouks ; f. 22, mars-avril 1834 (ša‘bān 1239) pour Sīdī Ṣādiq et pour deux mamelouks ; f. 36, août-septembre 1824 (muḥarram 1240), pour neuf mamelouks, f. 45, décembre 1824-janvier 1825 (jumādā I 1240), pour Ṣādiq Bey, pour le fils du wardiyān bāšā, pour Ismā‘īl, client (tābi‘) du Ṣāḥib al-Ṭābi‘ et pour les quatre mamālīk al-ṣiġār.
92 Ant reg. 403, f. 50, mai-juin 1817 (rajab 1232).
93 Ant, reg. 453, f. 8, mai-juin 1836 (ṣafar 1252).
94 Ant, reg. 411, f. 34.
95 Ant, reg. 428, f. 45, décembre 1824-janvier 1825 (jumādā I 1240).
96 Ant, reg. 434, f. 2, août-septembre 1825 (muḥarram 1241) : iḥsān du muaddib pour les khatmāt d’Aḥmad Zarrūq et pour celles de cinq mamālīk al-ṣiġār.
97 M. Beaussier, 1958, 204 : « bienfait », mais aussi « prêt gracieux dans le but de venir en aide ».
98 Ant, reg. 27, f. 42, 9 juin 1740 (14 rabī‘ I 1153) ; f. 53, 27 août 1740 (4 jumādā II 1153) ; reg. 35, f. 10, août-septembre 1742 (rajab. 1155) ; reg. 40, juin-juillet 1746 (jumādā II 1159) ; reg. 156, f. 32, 1er avril-31 mars 1769 (24 qa‘da 1182). Dans le registre 361, en 1812-1813 (1227), l’iḥsān d’un converti atteint les 18 piastres (f. 38) mais quelques mois plus tard, 4 nouveaux venus touchent 9 piastres (1228, f. 56) et deux autres 4 piastres (f. 74, septembre-octobre 1814 - šawwāl 1229).
99 Ant, reg. 35, f. 18, octobre-novembre 1742 (ramaḍān 1155).
100 Ant, reg. 5, f. 58, février-mars 1718 (rabī‘ I 1130), 3 piastres pour un mamelouk qui a apporté des safāsir (tissus très fin du Djérid avec des raies de soie).
101 Ant, reg. 233, f. 93, 7 septembre 1784 (21 šawwāl 1198).
102 Ant, reg. 403, f. 36, janvier-février 1817 (rabī‘ I 1232) ; reg. 411, f. 2, novembre-décembre 1817 (muḥarram 1233), f. 26, octobre 1818 (ḥijja 1233), 45 piastres, f. 148, juillet-août 1821 (qa‘da 1236), 40 piastres pour un mamelouk qui surveille un jardin d’une propriété de La Manouba ; reg. 438, f. 31, juin-juillet 1824 (qa‘da 1239), pour Yūsuf mamelouk de Sīdī ‘Utmān ; reg. 444, f. 4, juillet-août 1833 (rabī‘ I 1249), f. 8, mars-mai 1834 (qa‘da et ḥijja 1249).
103 Ant, reg. 403, f. 2 décembre 1815-janvier 1816 (muḥarram 1231).
104 Ant, reg. 400, f. 13, juillet-août 1816 (ramaḍān 1231).
105 J.-M. Venture de Paradis, 1983, 32 ; Ch. Monchicourt, 1929, 13 ; M. Emerit, 1948, 43.
106 L. Frank, 1979, 68, 75.
107 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 75.
108 R. al-Imām, 1980, 20 : Mahmūd b. Sa‘īd Maqdīsh al-Ṣfāqsī (mort 1813, Nuzha al-Inẓar fī ‘ajā’ib al-Tawārīkh wa al-Ikhbār), question traitée du remplacement des Turcs par les mamelouks que l’auteur dit « amenés de Turquie ».
109 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 152, 155. Présenté au palais pour y être châtié, l’un de leurs meneurs, Dālī Bāš, n’hésite pas à s’en prendre aux « ministres du bey » et au mamelouk Sulaymān Kāhiya en ces termes violents : « Toi le cochon, pour avoir aidé à sauver Ḥusayn Bey de la Murnāqiyya, tu encourras la mort et tu seras traîné vers une Église comme ton patron ? »
110 M. A. Pey (1977, 27) cite R. Cornevin, Histoire de l’Afrique, Paris, Payot, 1966, t. ii, 425.
111 K. Fahmy, 1997, 40.
112 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 67. Une maison (dār) équivaut à un bulūk ou une ūda, soit une unité de vingt à vingt-cinq janissaires en service actif (A. Moalla, 2003, 91).
113 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 57 : lors du départ du camp pour Constantine, début 1807, le bey restreint le nombre de soldats turcs.
114 L. C. Brown, 1974, 47 ; Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 113, Salīm Khūjā écrit en arabe et en osmanlı ; Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 129, Farḥāt al-Mamlūk, bon orateur dans les deux langues, et Rašīd Khūjā.
115 Ḍiyāf, 1989, vol. iii, 70 ; M. Kraïem, 1973, tome I, 414-416.
116 A. Moalla, 2003, 91.
117 Ch. Monchicourt, 1929, 136.
118 H. von Pückler-Muskau, 1837, t. ii, 277-278. L’auteur est souvent présenté comme un prince. Ce fut un « grand seigneur saxon, devenu prussien par les décisions du Congrès de Vienne » (R. Burgard, 1932, 217).
119 Y. H. Erdem, 1996, 11.
120 Ant, reg. 156, f. 185, 1er septembre 1769 (29 rabī‘ II 1183).
121 Ant, reg. 180, f. 156, février-mars 1773 (ḥijja 1186).
122 Ant, reg. 451/2, f. 91, 6 mars 1836 (18 qa‘da 1251) ; reg. 453/2, f. 41, 30 août 1836 (17 jumādā I 1252) ; reg. 463/2, f. 33, 1er août 1839 (20 jumādā I 1255) ; reg. 470/2, f. 33, 9 août 1841 (20 jumādā II 1257), jusqu’à f. 145, 21 janvier 1843 (19 ḥijja 1258).
123 Ant, reg. 156, f. 185, 1er septembre 1769 (29 rabī‘ II 1183) ; reg. 170, f. 97, 12 août 1769 (9 rabī‘ II 1183) ; reg. 180, f. 120, f. 156, février-mars 1773 (ḥijja 1186) ; reg. 216, f. 151, 2 août 1779 (19 rajab 1193), f. 180, 22 septembre 1779 (11 ramaḍān 1193) ; reg. 260, f. 67, 27 mars 1791 (22 rajab 1205) ; reg. 436 bis, f. 84, 26 avril 1826 (18 ramaḍān 1241) ; reg. 595, f. 538, 17 juin 1861 (8 ḥijja 1277).
124 Ant, reg. 74, f. 232. 2 riṭl de blé et 6 riṭl de riz, le riṭl de Tunis équivaut à un demi-kilo (S. Boubaker, Turcica, tome XVI, 1984, 159, 167).
125 E. R. Toledano, 1997, 145-162.
126 T. Bachrouch, 1989, 529. S. Boubaker (2003, 39) note un « recrutement, de plus en plus important, de mamelouks, venus du Levant » au xviiie siècle.
127 M. Smida, 1971, 23.
128 A. Martel, 1956, 78.
129 Une histoire des révolutions du royaume de Tunis au xviie siècle (…), 2003, 135 : un Circassien, « Asan Cherkes », était envoyé dès 1677, dans la plaine du Faḥs, par son patron, Muḥammad Bey le Mouradite.
130 Ant, reg. 11, f. 51, 1730-1731 (hiver 1143) ; reg. 27, f. 21, 1740-1741 (été 1153) ; reg. 36, f. 56, 1742-1743 (hiver 1155) ; reg. 3638, f. 6, 1804-1809
131 J. M. Venture de Paradis, 1983, 72, 74 ; Charles Monchicourt, 1929, 13.
132 P. Grandchamp, 1932, 249. Voir aussi L. Blili, 2004, 91.
133 T. Bachrouch, 1989, 530. Parmi les Géorgiens, Muṣṭafā Khūjā entre sous la tutelle de Alī Bāšā dans l’enfance (Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 38), il devient le vizir de ses successeurs ; Ismā‘īl Kāhiya et Sulaymān Kāhiya I furent placés au service de ‘Alī Bey et le second travailla ensuite pour son fils (Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 13 et 56) ; Yūsuf Kāhiya Dār al-Bāšā et son frère Rašīd (Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 22), Sulaymān Kāhiya II (Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 39), Ismā‘īl Kāhiya II (Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 135) Yūsuf Amīr ‘Askar Zwāwa (Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 144), Khayr-al-Dīn Kāhiya (Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 98), Muṣṭafā Ṣāḥib al-Ṭābi‘ (Ḍiyāf, 1989, vol. viii, 117), Salīm Khūjā (Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 113), Rašīd Khūjā (Ḍiyāf, 1989, vol. vii, 130) entourèrent Ḥammūda Bāšā.
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