Décrire la terre en Italie centrale au haut Moyen Âge
p. 491-507
Texte intégral
1Comment pouvons-nous nous servir de l'ensemble des données contenues dans les actes dressés par les notaires du haut Moyen Âge, donc de celles comportant des chiffres ? Quels éléments pouvons-nous retenir pour décrire le paysage et noter ses évolutions ? Ce questionnement naïf est naturellement au centre de la réflexion du médiéviste. Selon les réponses que chacun lui apporte, de façon implicite ou raisonnée, le champ de l'investigation se trouve limité ou étendu de façon surprenante.
2Une vision minimaliste des choses conduit à admettre qu'une bonne part du travail du notaire consiste à reproduire purement et simplement des formulaires coupés de la réalité. Seules les données concrètes auraient ainsi une valeur. Le type de l'acte (vente, échange, contrat agraire), l'identité des acteurs et la nature des biens aliénés ou échangés (terre, vigne, portion de castrum) feraient sens, le reste, c'est-à-dire les formules de pertinence et les données chiffrées, devrait être écarté par prudence : les difficultés des hommes du Moyen Âge avec les nombres, les mesures et les prix seraient telles que ces éléments seraient inutilisables.
3Or, ces chiffres sont là, ainsi d'ailleurs que les énumérations descriptives. Pour ces dernières, qui occupent une large part des actes mais dont l'intérêt réel peut sembler problématique, M. Zimmermann a montré, voici quelques années, qu'elles adhéraient à la réalité concrète du paysage1. Elles ne servent pas à décrire tout ce qui est là sur la parcelle ou sur le territoire faisant l'objet d'une transaction, mais tout ce qui est susceptible de s'y trouver sans qu'il soit nécessaire que cela y soit effectivement. Le problème que rencontrent les notaires est ici lié à leur mauvaise connaissance du latin et à leur difficulté à trouver le mot juste qui désigne effectivement les objets qu'ils ont sous les yeux. Ce faisant, ils énumèrent en fait la totalité des situations possibles, simplement parce qu'ils n'ont pas à leur disposition le vocabulaire adéquat. L'énumération, quelque fastidieuse qu'elle soit, est une étape indispensable afin de ne rien laisser de côté qui pourrait éventuellement être là et faire partie de la terre cédée. Au bout du compte, elle est adaptée à la réalité observable et modulée en fonction du paysage présent ou en cours de construction. Le notaire décrit, à l'aide du formulaire, une réalité potentielle.
4Cette démarche est commune à tous les rédacteurs de chartes du haut Moyen Âge : les formulaires italiens obéissent aux mêmes règles que les formulaires catalans parce que le latin des notaires italiens est aussi exécrable que celui des catalans. Il est en tout cas patent que l'affirmation selon laquelle la description est un pur stéréotype doit toujours être nuancée. Le formulaire simplifie le réel mais il permet encore d'y accéder, parce qu'il est l'un des actes par lesquels se construit sa représentation.
5Les nombres constituent un autre versant du même problème : quelle est leur fonction dans la figuration de l'espace, comment les notaires s'en servent-ils et comment parviennent-ils à les agencer ? Nous laisserons de côté la question des prix, la plus complexe, pour nous en tenir dans le cadre de cet article, à celle des mesures et de leur cohérence2.
6Nous ne possédons aucune information concrète sur les conditions matérielles de l'évaluation des parcelles dont les documents italiens du haut Moyen Âge sont remplis. Le déroulement des opérations, les éventuels instruments de mesure dont disposaient ou pouvaient disposer les notaires et leurs aides nous sont également inconnus. Plus grave, nous sommes dans l'ignorance des techniques de calcul que ceux-ci pouvaient maîtriser même de façon approximative3. Quelle était également leur maîtrise des techniques d'arpentage ? On a cependant le soupçon que des éléments de la science de l'Antiquité sont passés dans le savoir-faire au moins des notaires italiens. Si tel est le cas, par quels circuits ces aspects pratiques de la science antique ont-ils transité ? L'absence d'indications de la documentation sur la constitution, la diffusion et la transmission d'un savoir technique lié à l'arpentage est, sur ces points, plus que gênante4. Par ailleurs, la question de la continuité des mesures antiques à l'époque médiévale ne peut pas recevoir de réponse tout à fait satisfaisante.
7Il faut, pour tenter d'y voir clair, examiner l'outillage intellectuel des acteurs, c'est-à-dire celui des notaires, ainsi que leur savoir-faire. Ceux-ci décrivent, on vient de le voir, mais également mesurent. Il est vraisemblable aussi qu'ils calculent, aussi bien pour estimer l'aire que la valeur du bien aliéné. Une maîtrise même sommaire de la multiplication et de la division semble effective lorsque l'on examine la façon dont travaillent les notaires abruzzais du IXe siècle. Par exemple, lorsqu'ils estiment les vignes, ils n'indiquent jamais la surface considérée, mais donnent une valeur monétaire, en sous ou en tremis, et le nombre de pieds de vigne que chaque unité monétaire recouvre. Un acte, mais il y en a plusieurs dizaines de cette nature, décrit ainsi une parcelle : elle est constituée d'une vigne de 3 sous et de 50 ceps, chaque tremis valant cent pieds5. La vente concerne donc 350 pieds de vigne et la terre les portant. Ce système suppose à la fois une connaissance intime du terroir qui permette de savoir ce que vaut une pièce plus ou moins densément plantée et montre une évidente capacité à effectuer des multiplications simples. Enfin, la gymnastique mentale qui consiste à passer de la valeur monétaire au nombre de pieds et donc implicitement à la représentation d'une certaine surface doit être remarquée.
8Or, en Italie centrale, tout le monde a recours aux notaires, y compris les plus humbles des propriétaires fonciers. Un système qui ne serait pas compréhensible par les clients des notaires n'a guère de chances de s'imposer dans une société rurale, même si elle est bien encadrée par l'État6.
9Si l'on fait abstraction du système abruzzais de mesure de la vigne, entre le Ville et le XIIe siècle, deux systèmes coexistent en Italie centrale. Le premier utilise des unités de mesure linéaire. Il permet de calculer des aires en muids, s'il est avéré que les opérateurs sont capables de maîtriser la multiplication, ce qui semble bien être le cas. Le second est un système empirique et coutumier qui définit la surface d'une parcelle grâce à la quantité de grains susceptibles d'y être semés sans se référer aux mesures des côtés de la parcelle. L'expression chiffrée d'une aire, calculée grâce à une fonction, et la traduction concrète, matérielle, de cette représentation chiffrée sont donc en concurrence. Je me propose d'examiner ici les conditions de cette concurrence et les transformations des systèmes d'évaluation en Sabine réatine et dans les Abruzzes.
La documentation
10Le terrain d'enquête retenu est le duché de Spolète. Celui-ci est fort bien documenté, essentiellement grâce à ses cartulaires, ceux de Farfa et de Casauria étant les principaux et les plus riches7. Nous sommes de ce fait tributaires du mode de conservation et de transmission des documents monastiques et des choix éditoriaux faits par les cartularistes. Ainsi, pour les plus vieux des anciens titres de Casauria, les munimina du IXe et du Xe siècle, le compilateur de son cartulaire, Giovanni di Berardo, n'a, la plupart du temps, à sa disposition que des documents tronqués et déjà abrégés par ses prédécesseurs. La description des terres se limite alors à une localisation sommaire, à la mention de la superficie et à celle du prix. En revanche, les documents concernant directement le monastère sont, la plupart du temps, mais pas toujours, intégralement transcrits, c'est-à-dire avec leurs formules de pertinence. En revanche, à Farfa, Gregorio di Catino a, du moins dans le Regeste, procédé à des transcriptions complètes. Ce n'est pas le cas dans le Liber Largitorius, où les documents sont extrêmement abrégés.
11Le chartrier du Mont-Cassin, enfin, offre, du moins pour la partie sud-orientale du duché de Spolète, c'est-à-dire pour les Abruzzes, et à partir de la fin du Xe siècle, des points de référence, notamment en fournissant les formulaires complets. Ils permettent de vérifier ce dont on se doutait déjà : le caractère scrupuleux du travail de Giovanni di Berardo et de Gregorio di Catino.
Les systèmes de mesure du duché de Spolète aux VIIIe-XIIe siècles
12Les noms des mesures employées par les notaires varient d'un comté à l'autre. Ainsi, en Sabine réatine, l'unité dominante est le « pied public ». Dans la Marsica, nous trouvons la virga publica, tandis que, dans le comté de Valva, le dexter (destre) est fréquemment employé.
13Ces mesures linéaires donnent naissance à deux grands groupes d'évaluation. Dans le premier, le notaire se contente de donner la longueur des quatre côtés. Dans le second, il ne donne que la surface, mais spécifie à partir de quelle unité celle-ci a été établie (pied, verge ou destre). L'aire est toujours calculée en muids, celui-ci ayant une variante, le « petit muid » (modiolum), ainsi que des sous-multiples : le quartier (1/4 de muid), le setier (1/16e de muid) et la poignée (pugillum). À côté de ces systèmes on trouve le muid ad semitationem grani. C'est par lui que nous commencerons.
Le muid ad semitationem grani
14C'est le système employé dans la majeure partie des Abruzzes adriatiques (aux comtés de Penne, Chieti et Aprutium), sans altération d'un bout à l'autre de la période. Il apparaît au IXe siècle et ne disparaît jamais. Il s'agit d'un système coutumier, convenant tout à fait à une région de conquête agraire où les marques matérielles de l'occupation du sol de l'époque romaine ont disparu.
15L'emploi de cette unité de superficie suppose une part d'approximation de la part de ceux qui l'évaluent. La comprendre, c'est-à-dire la ramener à l'unité, supposerait une connaissance des techniques de semailles (sème-t-on lâche ou serré ?) qui nous est définitivement inaccessible. C'est une mesure intuitive ou, si l'on préfère, coutumière. Elle ne fait pas intervenir d'autorités dans son évaluation qui n'est guère autre chose qu'un ordre de grandeur. Le manque de précision de la mesure est compensé de façon naturelle par la négociation qui a lieu entre les deux parties prenantes à l'acte, personne n'ayant au fond intérêt à ce que l'unité de superficie s'avère par trop instable, voire qu'elle soit aléatoire ou purement arbitraire8. Le notaire, dans ce cas, sert de médiateur ou donne acte du résultat de la négociation. Il n'intervient pas lui-même, comme il doit nécessairement le faire lorsqu'il y a lateratio, mesure des côtés de la parcelle en cause.
16Ce caractère approximatif n'est guère compensé par une description attentive des limites.
17Les énumérations de confins n'ont en effet pour but que de situer approximativement une parcelle à l'intérieur d'un groupe, ou de situer un groupe de parcelles à l'intérieur d'un territoire. Dans le premier cas, les noms des voisins, les chemins et les bornes sont explicitement mentionnés. Ainsi, en 1046, dans le comté de Penne, une terre de deux muids cédée au Mont-Cassin est ainsi décrite9 :
A capo fine via, pede in limite, de uno lato, terra Simonis et Servati, de alio lato, terra Siattonis presbiteri et terra Adelberti.
18Deux point fixes, une route et une borne. Ces confins sont pour nous fort insatisfaisants puisque ils juxtaposent une ligne (la route), un point (la limite) et les mentions de voisins, sans plus. À l'évidence, cette énumération est faite pour des gens connaissant bien les lieux et susceptibles de retrouver des marques dont ils ne se donnent pas nécessairement la peine de mentionner l'existence.
19Dans le second cas, seuls les éléments marquants du paysage sont patiemment énumérés10 :
... A capo, via que pergit de ipso fluvio Ocinio et quomodo pergit da ipso capo de Pratella et pergit ad ipsa ecclesia beati Sancti Bendicti et pergit in rigo Todari ; pede fine via que pergit da ipso fluvio Launora, et pergit da ipsa ecclesia beati sancti Leoni, et pergit da ipsa ecclesia beate sancte Marie, et pergit da Septe Vie, et pergit in ipso fluvio Ocinio ; de uno lato fine Ocinio, de alio lato, fine rigo Todari11.
20Il s'agit en l'occurrence d'une terre de 200 muids, constituée de plusieurs parcelles (singule petie insumul exunate). Plutôt que de les localiser une à une, le notaire a choisi cette façon plus expéditive de faire. Elle suppose que la description puisse demeurer incomplète parce que les parcelles sont suffisamment bien identifiées par ailleurs. Ce sont, de ce fait, les voisins et les témoins qui garantissent la stabilité des limites. Il y a, encore une fois, une part d'implicite dans ce système qui décrit un véritable itinéraire, celui qu'ont vraisemblablement parcouru le notaire et les parties au moment de l'aliénation.
21Le caractère incomplet de la description peut également provenir de ce que le terroir est en cours de constitution, qu'il n'est pas encore entièrement défriché. Il est, pour cette raison même, impossible à décrire avec exactitude : c'est vraisemblablement le cas ici, où le territoire désigné est une zone pionnière, en train d'être mise en valeur par les moines du Mont-Cassin. L'abondance de l'espace encore disponible autorise le maintien d'un certain flou dans la description.
22Une autre raison peut enfin être envisagée : l'impossibilité, dans un terroir pionnier qu'aucune ville ne contrôle effectivement, et d'où les autorités politiques sont longtemps absentes, sinon par intermittence lors des tournées missatiques, d'imposer et de maintenir des unités de mesure. Il y aurait là un effet conjugué du sous-gouvernement, de la faiblesse de l'empreinte romaine sur le territoire et de l'instabilité des terroirs pionniers. Les notaires actant pour Farfa habitués, lorsqu'ils sont en Sabine, à des procédures plus formelles et plus rigides, notent simplement, lorsqu'ils se trouvent dans les zones de confins avec les Abruzzes, qu'il s'agit du modius loci et ne se soucient pas de préciser les confins avec autant de soin que dans les environs de Rieti12.
23Dès le début du XIe siècle, le muid coutumier l'emporte sur toute autre forme d'évaluation, même dans des zones ayant connu des formes sophistiquées de calcul, comme dans la Sabine réatine. C'est une mesure conquérante, qui gagne du terrain par rapport à des modes complexes de calcul et d'évaluation. Son hégémonie signifie sans doute une perte des connaissances nécessaires au calcul, ou alors un changement dans la perception de l'espace. Celui-ci se fait sur la base de la façon la plus simple de procéder, ce qui n'avait rien d'évident.
Le muid calculé
24En effet, quelle que puisse être leur valeur, les unités de mesure linéaires citées plus haut (verge, pied et destre) ont toutes une fonction : permettre l'établissement des aires. Elles sont toutes employées dans ce but.
25Dans la Marsica du IXe au XIe siècle, la superficie est estimée en muids calculés en fonction de la virga publica13. De même, dans le comté de Valva aux Xe et XIe siècle, le dester, qui est la mesure la plus communément employée, permet aux notaires de donner les superficies et de les exprimer en modiola14 Enfin, en Sabine, le pied public sert à calculer le muid15. Contrairement à ce qui se passe s'agissant du muid coutumier, les notaires prennent donc soin d'indiquer à partir de quelle unité ils ont travaillé. Cela suppose une intervention de l'État qui, à défaut de définir les mesures, garantit la stabilité de celles qui existent. C'est du moins ainsi, je pense, qu'il faut comprendre le caractère public de ces mesures dont l'existence suppose que les notaires sachent calculer les aires.
Évaluations et correspondances
La valeur du muid
26Que vaut le muid ? La question n'est pas de savoir quelle est son équivalence à l'intérieur du système métrique mais de comprendre comment il était calculé, d'une part et, de l'autre, de savoir s'il existe des équivalences entre les différentes unités linéaires, qu'elles soient dites publiques ou non16. Nous ne pouvons, enfin, nous faire une idée du muid ad semitationem que par référence à un système employant des mesures linéaires. Le muid de semence doit équivaloir approximativement à une surface indiquée de façon théorique.
27Deux actes de Farfa donnent une définition du muid. Le premier est de 877. Il définit cette aire comme un carré de 100 pieds sur 100 pieds, soit 10 000 pieds carrés17. Le résultat est intéressant : le muid, dans le système romain, est égal à un tiers de jugères soit 9 600 pieds carrés. La méthode de calcul est cependant très différente, puisque le jugère est défini comme un rectangle de 120 pieds sur 24018. Dans ces conditions, il n'est pas illégitime d'avancer que les valeurs romaines ont été conservées, mais que la façon de les obtenir a été simplifiée par le passage à un système de calcul décimal. La question de savoir si le pied public est le pied romain de 0,29 m ou le pied lombard dit de Liutprand de 0,43 m est ici secondaire. Ce qui compte est la stabilité relative du résultat. Elle suppose toutefois un décrochement des méthodes et des valeurs romaines. S'il y a continuité, celle-ci est, en tout état de cause, approximative.
28Le second acte date de 1002. Il est beaucoup plus contourné, puisque cette fois le muid est présenté comme un rectangle ayant 20 cannes de long sur 10 de large, chaque canne mesurant à son tour 10 pieds de long, le pied lui-même étant estimé selon le cubitalis legitimus. Donc, le muid vaudrait ici 20 000 pieds carrés19. L'unité de mesure a changé : c'est même la première fois que l'on voit apparaître la canne dans le Regeste de Farfa, du moins en Sabine. Le pied sert toujours de référence, mais il est secondaire et comme placé à l'arrière-plan, le cubitalis legitimus semblant être l'unité principale sous-jacente, celle à partir de laquelle les autres sont établies. Le rapport de un à deux constaté entre les deux textes ne correspond à aucune équivalence admise entre le système romain (qui est duodécimal) et le système lombard20. Les procédures antiques de calcul ont été oubliées. Elles l'étaient sans doute déjà au IXe siècle. Cette fois-ci, cependant, cela influe sur le résultat qui cesse d'être proche de la valeur (relative) romaine, soit 10 000 pieds carrés.
29Un dernier texte, enfin, nous propose une évaluation totalement empirique, employée en 940 dans la principauté de Bénévent21. Cette fois le muid est un carré de trente pas sur trente pas, ce qui nous rapproche évidemment de la première méthode. Mais la longueur du pas est désormais celle parcourue par un homme en marchant. Il n'est plus possible, dans ces conditions, de se référer à un mode de calcul que tous pourraient employer. Le pas est, dans ce cas, une longueur approximative, incompatible avec la notion même de mesure publique que l'acte de 1002 essaye de recomposer sans y parvenir.
30Le premier système, celui du IXe siècle, est évidemment d'une utilisation simple : on le dirait issu d'un manuel de géomètre. La seule condition à son emploi est que l'on sache ce que vaut le pied public. Cela ne fait pas problème au IXe siècle où le pied, en Sabine, et la verge, dans la Marsica sont des références implicites que l'on n’a pas besoin de définir. Il est remarquable que, en 1002, le notaire ait éprouvé le besoin de tenter de dire ce que valait le pied. Le notaire de l'acte bénéventain de 940 a, quant à lui, évidemment renoncé à de telles prétentions et se contente d'approximations, comme d'ailleurs devaient le faire la plupart des gens. La question qui se pose maintenant est celle de savoir s'il existe un rapport entre ces différentes mesures linéaires. La seconde est celle de savoir à quoi correspond la modification notée au début du XIe siècle.
Les relations entre le muid et les unités linéaires
31Les textes montrent qu'il existe une relation entre la verge et le pied. Il semblerait en fait que la verge soit un multiple du pied22. La relation n'est pas d'une clarté absolue et n'est établie que pour le XIe siècle. Au IXe, le notaire ne donne que la mesure en verge. Au XIe, il peut la donner en mains et en verges : per manuum, ad virgam publicam. Cependant, des longueurs manifestement plus petites que la verge sont estimées en pieds (et non en mains) : a pede, virgas V et unum pedem, ad manus (sic)23. Cette façon de formuler les choses prend plusieurs significations. Tout d'abord, les notaires s'efforcent de maintenir des équivalences entre les différentes mesures. Ensuite, les systèmes de référence évoluent probablement entre le IXe et le XIe siècle : il n'est pas possible d'établir que la virga publica du IXe siècle et la virga publica a manus soient une seule et même chose. Enfin, la capacité de calculer une aire se maintient, puisque nous trouvons des superficies en muids (ou en sous-multiples du muid) établie per mensuram manuum, ad virgam publicam. D'autres textes autorisent la formulation d'hypothèses sur les rapports entre le destre et le pied.
32Le destre n'apparaît, dans la documentation du comté de Valva, qu'à partir du milieu du Xe siècle et n'est jamais qualifié de “public”, contrairement à la verge ou au pied. Un acte relativement tardif, il est vrai, puisqu'il date de 1109 et par ailleurs fort obscur permet de proposer une équivalence approximative entre le pied et le destre : celui-ci vaut, dans ce document, 1,5 pieds, ce qui, si la base de calcul est le pied romain (0,29 m) fait que le destre vaut un pied de Liutprand (0,43 m)24 Il ne serait guère prudent d'aller au-delà et de proposer cela autrement que comme une hypothèse. En revanche, quel que soit le mode de calcul du muid, il y aurait dans ce cas une possibilité de passage entre les deux systèmes. Enfin, ce même texte semble établir une relation entre le destre de Valva-Sulmona et une mesure employée à Atri, puisqu'il est calculé ad iusta mensura... cum anglone de Atri. La référence étant unique est énigmatique. Elle laisse simplement entendre qu'il existe, au début du XIIe siècle, un rayonnement régional de certaines mesures linéaires. Enfin, on peut avancer que les différents systèmes locaux comuniquent entre eux et qu'il est possible de passer d'un système de mesure à un autre.
33Dans ces conditions, la seconde évaluation du muid de Farfa, celle de 1002, devient totalement incompréhensible, parce qu'elle semble exclure toute équivalence avec d'autres systèmes, alors que les rapports sont, auparavant, une évidence. Cette estimation mêle de façon inextricable plusieurs mesures que l'on ne voit jamais apparaître auparavant : la canne, le pied, le cubitalis legitimus sont alors mentionnés pour la première fois. Qu'indique cette cascade de références obscures sinon que le notaire qui l'a faite ne sait plus ce que vaut le pied public, ni comment, grâce à lui, on calculait, un siècle auparavant, la superficie d'un carré ?
34Si nous reprenons les actes privés de Farfa, au demeurant singulièrement clairsemés pour la seconde moitié du Xe siècle, nous nous apercevons que, depuis 940, plus aucun notaire ne mentionne le pied public25. Il n'y a même plus aucune indication concernant les superficies de 960 à 1002 et les mentions de lateratio deviennent exceptionnelles26. En revanche, les indications concernant les confronts et les limites gagnent alors en précision, mentionnant de plus en plus fréquemment les staffila et les petrae fictae qui bornent les parcelles.
35Or, les références faites par l'acte de 1002 ne s'intègrent que très imparfaitement dans ce cadre, justement parce que l'on a cessé de calculer les surfaces. Celles-ci, lorsqu'elles sont données de façon abstraite en muids, c'est-à-dire en pieds carrés, sont moins utiles que les confronts exacts des champs et que leur localisation. Le mode de calcul de 1002 renvoie à un arrière-plan savant où les mesures s'agencent naturellement entre elles. Le soupçon vient que ces précisions sont données justement parce que l'on ne se sert plus du vieux système fondé sur le pied public. Le notaire (ou son employeur) s'emploierait alors à restituer une cohérence abstraite à un mode d'estimation qui n'en a pas parce qu'il est empirique. Il ne vaut, justement, que parce qu'il a de pratique, de souple et même de variable. En bref, il n'est pas impossible que le notaire de 1002 ait procédé à rebours, partant d'une surface concrète, un muid ad semitationem, et mesurant ensuite ses côtés. En d'autres termes encore, les référents accessibles en 877 (les valeurs absolues romaines) ont cessé de l'être en X1002.
36La première mesure du muid, celle de 877, est fort éloignée de tout ce que les systèmes de calcul antique proposent. Il y a eu un décrochement et une simplification dans la représentation matérielle de l'aire. Toutefois, les notaires savent que l'aire est une fonction du second degré. Le résultat qu'ils obtiennent est proche des résultats romains. Ce décrochement n'est donc pas incompatible avec une recherche de la stabilité. On peut en induire l'hypothèse que la mesure linéaire, le pied, est, à son tour, stable. Nous n'irons pas au-delà, mais nous noterons que les discontinuités sont ici réelles, mais qu'elles sont limitées. Au fond, comme dans Lampedusa, tout a changé, mais tout est demeuré semblable (et non pas identique).
Continuités et discontinuités
37Quelles significations ont ces variations pour la lecture du paysage médiéval ?
38Comme le note fort justement E. Gruter, savoir calculer une aire est relativement dépourvu d'intérêt pour les paysans puisque cela ne donne ni la quantité de semences nécessaire à son exploitation, ni la quantité de travail que représente le champ ainsi décrit27. Il s'agit d'un autre savoir, qui suppose d'autres compétences. Il ne passe pas par l'abstraction des opérations de multiplication, mais par l'observation et l'expérience.
39Le système du muid coutumier permet de diminuer l'importance du notaire On a besoin de lui pour ses compétences juridiques, pas pour sa capacité à évaluer, compter et calculer. L'absence de mesure précise permet également de se passer des pouvoirs publics. La stabilité de l'unité qu'ils imposent n'a pas toujours des raisons avouables : le souci d'ordre public et la garantie offerte à la propriété foncière recouvrent, ou peuvent recouvrir, des préoccupations fiscales et ne sont donc pas nécessairement perçues comme un avantage par le paysan. Éviter que l'autorité publique ne joue un rôle dans la transaction peut donc être, au contraire, un atout. Il est de ce point de vue tout à fait remarquable que ce soient des zones indubitablement pionnières (les comtés de l'Abruzze adriatique) qui, dès le IXe siècle, aient systématiquement eu recours au muid ad semitationem grani28. Les autorités y sont physiquement moins présentes qu'ailleurs et la société rurale peut s'y organiser en marge de leur contrôle (ou de leur protection). Par ailleurs, le moment où les mesures publiques cessent d'être systématiquement utilisées, au profit de systèmes peut-être bricolés, ou reconstitués de façon faussement rationnelle, correspond aussi à un moment de crise.
40La chronologie de la disparition du pied public dans la Sabine réatine nous renvoie en effet encore une fois, et immanquablement, à l'incastellamento qui pourrait bien avoir bouleversé aussi ce compartiment de la vie rurale au Xe siècle. L'abandon ou l'oubli du pied public est concomitant des transformations du paysage liées à la vague de fondations d'habitats et aux remembrements qui l'accompagnent. Le paysage a changé. La perception qu'en ont les notaires aussi. L'emploi du pied public, de la verge ou du destre est sous-tendu par l'existence d'autorités publiques. C'est d'ailleurs moins la crise de l'État et l'échec de la remise en ordre carolingienne qui sont ici en cause que la construction d'un nouveau paysage et l'abandon des anciens repères.
Les paysages de Rieti et de Sulmona : hypothèses sur une mutation
41Il nous faut une contre-épreuve. Le territoire de Sulmona va nous la fournir, parce qu'il n'a pas été soumis à l'épreuve castrale avant le XIIe siècle29. Même alors, d'ailleurs, les modifications territoriales sont demeurées limitées, parce que contrôlées par la ville qui a systématiquement empêché les fondations de castra. Cette politique n'est pas originale : les Lucquois, par exemple, ont poursuivi la même avec tout autant d'obstination, mais avec plus d'ampleur30.
42Quelles conséquences cette politique a-t-elle eu pour le paysage ? Celui-ci est demeuré parfaitement stable, le parcellaire n'ayant pas été bouleversé par des remembrements. Or, les unités de mesure sont, elles aussi, demeurées stables.
43La façon de décrire les parcelles est identique dans la conque de Sulmona et dans la Sabine réatine : dans l'un et l'autre cas, les notaires procèdent par lateratio. Ils savent, d'autre part, calculer des aires, ainsi que nous venons de le voir. Les parcelles sont toujours décrites de la même manière. Les variantes n'ont guère d'importance et ne changent pas la signification des mesures. Le notaire donne d'abord les grands côtés. Il les décrit a capite et a pede : per longum, a capite, pedes (destros) tot, a pede, pedes (destros), tot... Les petits côtés sont décrits de la même manière : per latum, ab uno latere... ab alio latere. La description peut être inversée, c'est-à-dire que caput et pes soient rapportés aux largeurs et que les deux latera le soient aux longueurs. Il est difficile, faute de précisions, d'en tirer argument à propos d'une éventuelle orientation de la parcelle.
44Vient ensuite l'énumération des confronts. Celle-ci dessine la parcelle en lui adjoignant le plus possible d'éléments concrets, réellement présents dans le paysage : voies publiques, églises, maisons, champs voisins. Elle donne toujours une localisation approximative pour les capita : il est assez vraisemblable que, dans ces cas, au moins, il faille admettre l'existence d'une borne au caput.
45Contrairement à ce que l'on peut observer dans le Midi de la France, l'énumération ne se fait pas en fonction des points cardinaux. Elle ne prend en compte que des éléments matériels et non des directions. Il arrive enfin, très rarement, que le notaire inclue une cinquième mesure. Sans correspondre nécessairement à la hauteur, elle doit jouer un rôle, difficile à saisir, dans le calcul de l'aire31. La méthode employée pour ce faire peut en effet très bien s'approcher d'une forme rudimentaire de calcul infinitésimal, le notaire cherchant à ramener une forme complexe (un trapèze ou un parallélogramme) à une autre plus simple (le rectangle ou le carré), pour laquelle le calcul est aisé. Il suffit ensuite de procéder par additions32.
46Une conclusion s'impose : la connaissance de l'aire risque fort d'être approximative. Même si le notaire sait l'établir, ce ne peut être qu'un à peu près, suffisant pour les besoins du marché foncier local, mais non pas une valeur absolue. En revanche, la localisation des parcelles, d'une part, leur place et leur forme à l'intérieur du parcellaire, de l'autre, sont au centre de ses préoccupations. Or, pour que l'acte dressé soit compréhensible et utilisable, il est nécessaire que des repères existent.
47Il est impossible, en toute rigueur, de voir dans les listes de confronts données par les cartulaires la preuve de l'existence d'un quadrillage et d'un paysage orthonormé. Le paysage dessiné, aussi bien à Sulmona qu'à Rieti, est un classique openfield mosaïque, aux formes trapues mais irrégulières : les champs ont beau être ramassés, les formes parfaites ou simples sont rares, sauf dans quelques cas où l'on a de bonnes raisons de penser que les notaires ne sont pas allés sur le terrain.
48Ainsi, par exemple, lors des aliénations faites par de gros alleutiers de la part qu'ils détenaient du gualdus exercitalis de la Val Torana33 : toutes les parcelles cédées alors mesurent 1000 pieds sur 100 pieds. Toutes ont, d'autre part, la même délimitation : d'un côté la terre restant au vendeur, de l'autre le domaine du monastère de Farfa qui est l'acquéreur. Les parcelles ainsi acquises par le monastère ont la même forme régulière et la même surface. L'explication la moins insatisfaisante que l'on puisse trouver à ce fait est qu'il s'agit d'estimations que personne n'est allé vérifier sur place. Il faudrait autrement imaginer que le paysage du gualdo a fait l'objet d'un arpentage et qu'il a été distribué en lots dont il est ensuite aisé de détacher des fractions régulières. Ce n'est pas absolument impossible mais, comme nous ne disposons d'aucune documentation sur les conditions concrètes d'attribution des terres fiscales et que, dans d'autres cas, les lots sont tout à fait irréguliers, il vaut mieux s'en tenir à la première hypothèse, celle d'une estimation non vérifiée34.
49D'autre part, dès la première moitié du Xe siècle, la lateratio, du moins en Sabine réatine, semble être réservée aux plus petites parcelles, et même employée spécifiquement en ville. Ainsi, à l'intérieur d'un même acte, il arrive que l'on trouve mention de casalina situés dans la ville de Rieti, mesurés en pieds et de terres à l'extérieur de celle-ci estimées en muids sans que l'unité de référence soit donnée. Les parcelles urbaines sont petites, inférieures à un muid. Quant aux champs dont il est question, ils dépassent les dix muids. La différence de taille peut être l'un des éléments entrant dans le choix d'une unité au détriment d'une autre. La facilité de la localisation en est sans doute un autre, les parcelles urbaines étant évidemment plus aisées à repérer que les autres35.
50C'est justement cette question de la localisation des limites qui s'avère être la plus difficile à comprendre. Nous avons déjà émis l'hypothèse de la présence de bornes au caput et au pes de la parcelle. Cela ne rend pas entièrement compte du caractère du paysage et de la cohérence de la mesure.
51On sait que la conque de Sulmona-Corfinio a été soumise à la centuriation36. Cela a probablement été également le cas de celle de Rieti. Que reste-t-il aux IXe-Xe siècles de ce paysage ? Tout d'abord la façon de le représenter : même si le contenu diffère, la forme même est demeurée. Des éléments matériels, d'autre part, doivent subsister : si les traces de cadastration sont encore lisibles sous les paysages actuels, celles-ci doivent être bien plus abondantes, évidemment, durant le haut Moyen Âge. Le réseau des chemins tout d'abord, celui des bornes ensuite doivent encore être utilisables comme repères. Il n'est donc pas interdit de penser que c'est par rapport à ces signes laissés sur la terre que les notaires prennent leurs repères. Mais il s'agit de formes mortes, détachées de leur signification initiale. Les notaires remploient un matériau ancien, déjà là, mais présent hors de son contexte social et économique et l'agencent de façon différente.
52Autrement dit, le paysage, tant qu'il est mesuré, c'est-à-dire tant que sa description donne lieu à un calcul effectué sur des mesures linéaires, s'appuie sur l'organisation antique du parcellaire. La stabilité des mesures autour de Sulmona pourrait ainsi provenir de l'absence de modifications substantielles de l'organisation de l'espace. En revanche, là où l'incastellamento a été massif, les mesures utilisées seraient devenues des mesures coutumières, calquées sur celles des zones pionnières. Il n'y a pas là une régression culturelle, mais la marque dans les nombres du passage d'un paysage à un autre.
53Jusqu'à l'incastellamento, les éléments structurant l'espace peuvent encore être employés pour mesurer et décrire. Ensuite, les repères antiques, quelle qu'ait pu en être la nature, ne sont plus alors d'aucune utilité. Un nouveau paysage s'est surimposé à l'ancien, avec ses formes propres. Pour le décrire, les mesures coutumières sont plus pratiques, parce qu'elles font immédiatement sens. Elles présentent d'autre part l'avantage de reposer sur le consensus des communautés paysannes à un moment où personne ne se trouve en situation de garantir la stabilité de mesures linéaires dont l'emploi, alors, tombe en désuétude.
Notes de bas de page
1 M. Zimmermann, Glose, tautologie ou inventaire ? L'énumération descriptive dans la documentation catalane du Xe au XIIe siècle, dans Cahiers de linguistique hispanique médiévale, Université de Paris XE, 1989-1990, p. 309-338.
2 Le débat sur le marché de la terre durant le haut Moyen Âge a été ouvert voici déjà une dizaine d'années par C. Wickham : C. Wickham, Vendite di terra e mercato della terra in Toscana nel secolo XI, dans Quademi storici, 65, 1987, p. 355-377.
3 J.-M. Martin et J. Lefort proposent des réponses négatives à ces questions. Pour eux, le savoir des notaires en matière de nombres ne dépasse pas la connaissance de recettes plus ou moins bien mémorisées mais rarement comprises. J.-M. Martin, La mesure de la terre en Italie centrale (VIIIe-XIIe siècle), dans Histoire et mesure, VIII, 3/4, p. 285-293.
4 A. Mailloux, Perception de l'espace chez les notaires de Lucques (VIIIe-IXe siècle), article sous presse dans les Mélanges de l'École Française de Rome (MÉFRM). L'auteur y insiste, avec raison sur la transmission des textes des gromatiques et sur la présence à Lucques, dans les archives archépiscopales, d'un manuscrit du début du IXe siècle reproduisant des textes techniques de l’Antiquité. Je remercie très vivement A. Mailloux de m'avoir permis de prendre connaissance de son papier avant parution.
5 Cartulaire de Casauria (CC), Paris, BNF, Lat 5411, f. 9 v.
6 Voir à ce sujet les pages roboratives de E. Gruter : E. Gruter, Le concept de mesure, dans Introduction à la métrologie historique, B. Garnier, J.-C. Hocquet, D. Woronoff (dir.), Paris, 1989, p. 3-22.
7 Sur le cartulaire de Farfa, P. Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du IXe siècle à la fin du XIIe siècle, Rome, 1973, p. 71-88. Sur Casauria, L. Feller, Le cartulaire-chronique de S. Clemente a Casauria, dans Les cartulaires, Actes de la Table Ronde, Paris, 5-7 décembre 1991, Paris, 1993, p. 261-277. Rappelons que l'ensemble des cartulaires de Farfa, et spécialement le Regestum farfense sont édités : I. Giorgi et U. Balzani, Il regesto farfense compilato da Gregorio di Catino e pubblicato dalla Società Romana di Storia Patria, 5 vol., Rome, 1879-1914 (dorénavant abrégé en RF suivi du numéro de l'acte). Il n'existe pas encore, en revanche, d'édition complète du cartulaire-chronique de Casauria, conservé à la Bibliothèque Nationale de France : Paris, BNF, Lat 5411. L'édition de Muratori est très incomplète, quoique correcte : A. L. Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, (RIS), Π, 2, Mediolani, 1726, col. 767-1018.
8 Cf. E. Gruter, op. cit. à la note 6, p. 13.
9 Archivio dell'Abbazia di Montecassino, (AAM), caps, cx, fasc. 6, no 77 (a. 1046).
10 AAM, caps. CX, fasc. 5, no 75 (a. 1045).
11 De cette énumération, seules les rivières sont identifiables. Le Cigno et la Nora sont deux affluents du Pescara, coulant parallèlement à quelque cinq kilomètres l'un de l'autre. Le territoire concerné devrait donc être celui de la commune de Nocciano. Voir carte IGM au 1/100 000e, f. 141.
12 RF, no 305 (a. 872), no 339 (a. 890).
13 CC, f. 66, dossier Marsica, no 6, terram mensuratam ad virgam publicam modiorum trium ; no 7 : terram et vineam mensuratam ad virgam publicam modiorum trium ; no 12 : 80 modia calculés ad virgam publicam (s.d., mais vers 850).
14 CC f. 57, no 53 du dossier de Valva : et est collecta ipsa petia de terra per dester modiola viginti ; f. 60 v, no 17 : mensurata per dester modiola triginta ; ibidem collecta per dester modiola duo : f. 60 v, no 118, per dester ad iustam mensuram modiola decem. Cf. encore f. 61, no 122, 123, 124 ; f. 61 v, no 137, 138. Tous ces exemples proviennent de textes non datés, mais que l'on peut rapporter à la période 1030-1050.
15 RF no 308 (a. 872) : ad pedem publicum, I modium ; no 321 (a. 877) : per mensuram pedis publici XV modia. Surtout, no 325 (a. 877) : terras petias II per mensuras pedes publici modia II.
16 A. Mailloux vient de montrer, pour Lucques, la compatibilité de deux systèmes de mesure apparemment hétérogènes et irréductibles l'un à l'autre, mais utilisés en même temps : ils ne font pas appel aux mêmes compétences en matière de calcul des surfaces, et c'est là la principale raison d'être de leur coexistence A. Mailloux, op. cit. à la note 4.
17 RF, no 325 : et omnia modia centum pedes per longitudinam et centum per latitudinem. Il s'agit de pieds publics. Cela permet, si l'on cherche des équivalences métriques, d'avancer que le muid de Farfa, dans ce cas de figure, est de 0,3 ha. A. Villani, Per una storia della metrologia agraria medievale. L'area umbro-marchigiana e la marca d'Ancona, Serra de Conti, 1982, p. 9 sq.
18 A. Chiavari, Misure agrimensorie altomedievali dell'Italia centrale. Il piede di Liutprand ed il moggio nell'area marchigiana nei secoli 8-12, dans Atti e memorie della Deputazione di storia patrai per le Marche, 86, 1981, p. 895-953. A. Mailloux, op. cit. à la note 4.
19 RF, no 447 (a. 1002) : Per unumquemque modium habentem per longitudinem cannas viginti et per latitudinem cannas viginti in omni loco habentem cannas decem, ad cannam pedum decem legitimi cubitalis mensuratam.
20 A. Villani, op. et loc. cit à la note 17.
21 Chronicon Vulturnense, V. Federici (éd.), no 140, II, p. 216-233 (a. 964) ;...habente per singulum modium rationabiliter in longitudine passus triginta, et per singula capita per traversum passus triginta, ad mensuram de passu Landoni castaldi mensuratos. Je remercie J.-M. Martin de m'avoir fourni cette référence précieuse. Rappelons que, dans les Pouilles, la mesure est donnée en pieds et que les documents portent une entaille ou un trait de la longeur exacte du pied utilisé.
22 RF, no 1007 (a. 1073), per mensuram manuum ad virgam publicam (...) virgas LIII.
23 Ibid.
24 CDS, no 25 (a. 1109) : a pede unum dester et aliu dester qui abet minu unu pede et unu sentisse. Cette longueur du destre de Valva, enfin, est évidemment fort loin des 4 à 6 m proposés par Monique Bourin pour celui du Biterrois : cf. M. Bourin, Délimitation des parcelles et perception de l'espace en Bas-Languedoc aux Xe et XIe siècles, dans Campagnes médiévales : l'homme et son espace. Etudes offertes à Robert Fossier, É. Mornet (dir.), Paris, 1995, p. 73-85.
25 Dernière mention du pied public : RF, no 374 (a. 940).
26 RF, 410 (a. 941), apparition du pied summissalis. C'est celui-ci qui est employé dans les actes de Veroli commentés par P. Toubert, op. cit. à la note 7, p. 294, n. 1.
27 E. Gruber, op. et loc. cit. à la note 6.
28 L. Feller, Les Abruzzes médiévales. Territoire, économie et société en Italie centrale du IXe au XIIe siècle, (sous presse), p. 323-354.
29 C. Wickham, Studi sulla società degli Appennini nell'alto medioevo. Contadini, signori e insediamento nel territorio di Valva, Bologne, 1982, p. 72-86.
30 Id., Comunità e clientele nella Toscana del XII secolo. Le origini del comune rurale nella Piana di Lucca, Rome, 1995, p. 64 sq.
31 RF, no 342 (a. 920) : per latum, pedum CXV, a pede, pedum XL, ab uno latere in longitudinem, pedes CCLXX, ab alio latere in longitudinem, pedes CCL, et in medio, pedes CL. Il est difficile de reconstruire la figure ainsi décrite et de trouver une signification à la mesure in medio.
32 C'est ce que suggère avec finesse A. Mailloux, op. cit. à la note 4.
33 RF, 291 (a. 854), no 292 (a. 854), no 295 (a. 855). Sur l'arrière-plan juridique et social de cette affaire, voir G. Tabacco, I Liberi del re, Spolète, s.d., mais 1964, p. 113-138. Sur la signification du mot gualdo : J.-M. Martin, La Pouille du VIe au XIIe siècle, Rome, (Collection de l'É.F.R., 179), 1993, p. 194-196.
34 Il existe à Peltuinum, sur les hauts-plateaux de L'Aquila, un terroir de défrichement vraisemblablement gagné sur un gualdo. Les lots y sont irréguliers. Ils sont le reflet d'une société déjà économiquement différenciée. L. Feller, op. cit. à la note 27, chap. V et C. Wickham, op. cit. à la note 28, p. 28-44.
35 RF, no 351 (a. 938), no 370 (a. 962).
36 G. Chouker, M. Clavel-Lévêque, F. Favory, J.-P. Vallat, Structures agraires en Italie centro-méridionale. Cadastres et paysages ruraux, Rome, (Collection de l'É.F.R., 100), 1987, p. 69.
Auteur
Université de Valencienne
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