La fronde des princes dans la région parisienne et ses conséquences matérielles
p. 253-286
Texte intégral
1Si le déroulement général des événements de la Fronde est bien connu, la réalité profonde de cette grande crise de la France monarchique nous échappe encore sur bien des points. Sa place dans l'évolution de l'absolutisme, son interprétation sociale, ses conséquences matérielles sont l'objet d'études récentes. Au dossier qui se constitue, notre propos est d'apporter, dans le cadre de la Région parisienne, quelques renseignements sur les souffrances du peuple des campagnes, l'ampleur des destructions, l'importance de la crise démographique, provoquées par la campagne de 16521.
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2La Première Fronde n'avait pas épargné la Région de Paris. De janvier à mars 1649, la tentative de blocus des troupes royales, leurs allées et venues autour de la capitale, les sorties des Parisiens pour protéger l'entrée des convois de grains et de bétail dans leur ville avaient entraîné les pillages, les exactions, les destructions inséparables de toute guerre. La crue de la Seine et de ses affluents, les fortes gelées de février s'ajoutèrent à ces malheurs. Terres en friches « à cause du mauvais temps, du la guerre et de la cherté des grains »2, du manque de chevaux, dérobés par les soldats et les « volleurs qui courent la campagne »3 ; récoltes médiocres ; mortalité anormale et misère furent la conséquence de ce trimestre de désordres. Mais ces souffrances semblent presque légères à côté de celles qui marquèrent l'été 1652.
I. — Le déroulement de la campagne
3La Seconde Fronde, à ses débuts, fut surtout provinciale. Après l'arrestation des Princes, leurs alliés et clients tentèrent, sans succès de soulever la Normandie et la Bourgogne et réussirent à soulever la Guyenne. Devant l'alliance du duc d'Orléans et du prince de Condé, Mazarin se résigna à quitter le royaume et se réfugia à Brühl, dans l'attente des divisions de ses ennemis. Il réussit, mais la seule annonce de son retour, dans les derniers jours de décembre 165 1, suffit à reformer la coalition : le 29, un arrêt du Parlement, bientôt approuvé par Gaston d'Orléans, ordonnait de lui courir sus et les Princes s'unissaient le 24 janvier4.
4A cette date, la Cour était à Poitiers. Mazarin y arriva le 28 janvier et le surlendemain, Turenne, habilement rallié, se présentait devant le Roi. Coudé et ses alliés tenaient le Sud-Ouest et Rohan, en Anjou, se préparait à les suivre dans la révolte. A Paris, le Bureau de Ville, le Parlement et le duc d'Orléans levaient des troupes. Déjà, les pillages commençaient et Louis XIV, le 18 janvier ordonnait à son oncle de mettre en quartiers d'hiver « ses troupes qui rôdent, pillent et ruinent tout, par la Brie, Hurepois, Gâtinois... »5.
5Le contrôle de la capitale était trop important pour que le théâtre de la guerre ne s'en rapproche point. Turenne, nommé commandant des forces royales se donna pour but d'empêcher la jonction de l'armée des Princes avec la capitale. Les combats se déplacèrent donc vers la Loire. Angers fut remis au début de mars en l'obéissance du Roi et les troupes du duc de Beaufort, venues de la Région parisienne trop tardivement pour soutenir la révolte de Rohan, s'établirent au nord de la Loire, vers Briare. Elles avaient été renforcées par l'arrivée du duc de Nemours, menant de Picardie des mercenaires, en partie fournis par l'Espagne. Les deux généraux, qui se détestaient, disposaient de six à sept mille fantassins et de cinq mille chevaux6.
6Turenne et Hocquincourt, chefs de l'armée royale, avaient autant de chevaux, un peu moins de troupes de pied. Ils franchirent la Loire le 4 avril à Gien, pour tenter de disperser l'ennemi. La Cour, qui suivait l'armée, s'installa dans cette ville. C'est alors que Condé, averti des dissensions de ses généraux et « qui savait que tout ce qui est inespéré transporte les hommes » (Voltaire), vint rejoindre son armée. Avec décision, il assura ses arrières en occupant Montargis, puis dans la nuit du 6 au 7 avril, il attaqua le corps d'armée d'Hocquincourt, qui plia sous le choc. Turenne était à Briare, à 20 km de là, avec le restant des troupes. Il contre-attaqua le lendemain, sauvant ainsi la Cour, un moment menacée d'être prise au piège.
7Paris, son importance politique, ses contingents, levés par Orléans et ses alliés, devinrent l'enjeu de la campagne. Condé regroupa son armée et descendit la vallée du Loing, par Châtillon et Montargis, puis, la confiant à ses généraux, il gagna directement Paris qui le reçut triomphalement le ii avril. Turenne tenait à gagner les frondeurs de vitesse : coupant au plus court par le plateau du Gâtinais, il arriva à Moret le samedi 20, et fila sur Fontainebleau et La Ferté-Alais. Ses troupes y entrèrent une heure avant l'avant-garde des Princes dont l'armée était à Maisse et Milly7. La route de Paris était coupée, la jonction des deux contingents révoltés impossible dans l'immédiat et les généraux de Condé durent chercher un refuge sûr. « Mais comme dans les desseins de guerre, il faut toujours commencer par éviter la disette, qui étoit fort à craindre cette année là, le blé ayant manqué partout, le comte (Saulx-Tavannes) ayant appris qu'il y en avoit une très grande quantité dans Étampes, tout celui des provinces voisines y étant retiré prit le parti de s'y aller poster, et fort à propos, puisque l'armée y en trouva en effet pour plus de quatre mois8. »
8Le 23 avril, vers i0 heures du soir, l'avant-garde se présentait à la porte du faubourg Saint-Pierre. Les paysans ouvrirent la barrière « sous les noms de Messieurs le Prince et de Beaufort que ces rustres ont juré depuis avoir creu estre du costé du Roi, ainsi que le premier estoit aux mouvemens de 1649 ». Deux officiers royaux de la ville et un capitaine de la milice essayèrent de détourner cette armée vers le Nord, en leur offrant de réparer les ponts de la Juine, mais les neuf mille hommes des Princes préférèrent se refaire à l'abri des fortifications. Les officiers logèrent en ville, les soldats se répandirent dans les faubourgs et les villages des environs9.
9Afin d'empêcher les renforts parisiens de parvenir à l'armée, Turenne avait disposé ses hommes autour de Châtres (Arpajon aujourd'hui). On s'observa quelques jours. Le 2 mai, Mademoiselle, qui revenait d'Orléans, fut reçue à Étampes. On décida de lui offrir le régal d'une revue aux portes de la ville. Les généraux du Roi, eux, décidèrent de lui montrer un combat. Dans la nuit du 3 au 4, laissant le bagage à Châtres, l'armée, évitant la grand-route, gagna Villeconin et déboucha au lever du jour sur le plateau qui domine Étampes au Nord-Ouest. Les deux mille hommes d'Hocquincourt surprirent les troupes revenant de la revue matinale dans le faubourg Saint-Martin et « comme Étampes n'est quasi qu'une rue, elle se trouva si pleine et embarrassée qu'on eut peine à passer ». Satisfaite de son succès, mais incapable de forcer les défenses de la ville, l'armée royale se retira en bon ordre et par Étréchy (où l'on campa une nuit) et Châtres fit mouvement sur Palaiseau. Turenne occupa les villages des environs. Une trêve de fait s'instaura que venaient troubler quelques escarmouches entre éclaireurs et fourrageurs10.
10La vraie lutte se déplaça aux portes de Paris : par d'incessantes sorties, le prince de Coudé tentait de maintenir ouvertes les routes du ravitaillement de la capitale, par Neuilly, par Saint-Cloud, par Charen-ton. Turenne, au contraire, s'efforçait de bloquer la ville sans pouvoir y parvenir, malgré la prise de Saint-Cloud et la reprise de Saint-Denis. Pourtant, il souhaitait déloger les troupes d'Etampes, les obliger à se retirer et « demanda pour cela les choses nécessaires à la Cour qui, n'estant point dans le moien, y fit ce qu'elle pouvoit, mais ne peut donner à beaucoup près ce qu'il estoit besoin d'avoir, tant en outil qu'en autre munition »11. Il y avait à cette volonté du général en chef une autre cause : poussé par les Espagnols, le duc Charles de Lorraine était entré en France avec 7 000 hommes. Les Princes intriguaient auprès de lui pour obtenir son soutien. Aussi, le 26 mai, les troupes royales firent de nouveau, mais dans l'autre sens, la route d'Étampes. Tavannes et ses collègues avaient préparé leur défense : les faubourgs avaient été évacués et bridés, les maisons trop proches des remparts et pouvant servir à l'assaut détruites. Aux trois ou quatre mille fantassins, dont ils disposaient encore, vinrent s'opposer les six mille hommes de pied et les quatre mille cavaliers commandés par Turenne et Navailles. Le camp dressé au-dessus de la ville, il fallait la bloquer du côté de la rivière. On commença donc de creuser la tranchée d'assaut, malgré les sorties de cavaliers, le 27 mai. Le lendemain, le jeune Louis XIV, accompagné du Cardinal, des ducs de Bouillon et de Ville-roy vint de Corbeil visiter son armée. Il s'arrêta à Brières-les-Scellés, au quartier général, parcourut le front des assiégeants, et s'en alla coucher au Mesnil-Racoin. Il essuya même, devant la porte de Châtres un coup de fauconneau qui fut pour Saulx-Tavannes l'occasion d'une disgrâce durable12.
11Dans les jours suivants, pendant que les troupes lorraines s'avançaient vers Paris (on les signalait le 3 juin, à Claye-Soully), Turenne poussa le siège : une attaque nocturne lui livra une demi-lune établie dans le faubourg Saint-Martin. Reprise par les assiégés, elle resta finalement aux mains du régiment de Turenne, malgré les efforts des ennemis (Ier-2 juin). Le duc Charles et ses cinq ou six mille hommes arrivaient le 6 juin, entre Marne et Seine, dans la plaine de Maisons. Un pont de bateaux était jeté sur le fleuve, face à Choisy13. Le Lorrain négociait avec les deux partis. A la Reine, il offrait de se retirer si le siège d'Étampes était levé ; aux Princes, il promettait de franchir la Seine pour se porter au secours de la ville assiégée. Pour éviter cette éventualité, Turenne préféra se retirer. Le 7 juin, l'armée royale commença son repli sur Étréchy, puis par la vallée de la Juine, campant à Itteville et Ballancourt, gagna Corbeil14.
12Cependant le duc de Lorraine s'engageait plus nettement aux côtés des révoltés. Le 12, Gaston d'Orléans, Beaufort, Condé et Mademoiselle vinrent dîner au quartier général, installé dans la ferme de Saint-Placide, entre Choisy et Villeneuve-Saint-Georges. L'armée manœuvra ensuite dans la plaine15.
13Afin d'intimider le duc, l'armée royale passa le pont de Corbeil le 14 juin, traversa la forêt de Sénart et déboucha au-dessus de la vallée de l'Yerres, à la vue des troupes ennemies, renforcées d'éléments venus de Paris. Un mouvement hardi portait les soldats de Turenne vers l'est, dans les bois qui entourent le château de Grosbois. Les lignes du duc Charles, avec ses arrières et le pont de Lagny, menaçaient d'être coupées. Au matin du 16, les deux armées étaient rangées en ordre de bataille, mais ni l'un ni l'autre des adversaires ne désirait combattre. Entre les deux camps, les négociateurs s'entremirent : le plus actif fut le roi Charles II, dont le frère, le duc d'York servait à l'état-major de Turenne. On s'accorda donc « et l'on convint que M. de Lorraine sortirait du royaume dans quinze jours et du poste où il était, dès le lendemain ; qu'il remettrait entre les mains de M. de Turenne les bateaux qui lui avoient été envoyés de Paris pour faire un pont sur la Seine, et qu'aussi M. de Turenne ne se pourrait servir de ces bateaux pour passer la Seine et pour empêcher le passage des troupes sorties d'Etampes, que celles de M. le Prince qui étaient dans son camp pussent rentrer dans Paris en sûreté et que le Roi fît fournir des vivres à l'armée lorraine dans sa retraite »16.
14Le jour même du retrait des troupes lorraines, celles d'Étampes faisaient mouvement vers Paris. Condé alla les accueillir à Liuas, puis les installa autour de Bagneux. La ville ayant refusé l'entrée de son armée, le Prince contourna la capitale et vint s'emparer de Saint-Cloud « poste considérable, parce que le pont lui donnait lieu de la porter, en cas de besoin, où il lui plaisait. » Pendant ce temps, afin de pousser les troupes lorraines vers l'Est, l'armée royale, renforcée par la venue du Maréchal de La Ferté-Senneterre avec quatre mille hommes, contournait Paris par le pont de Lagny, Claye-Souilly, Dammartin-en-Goële et venait rejoindre la Cour à Saint-Denis. Un pont de bateaux fut établi à Épinay-sur-Seine et l'armée commençait à le franchir en direction de Saint-Cloud, lorsque Nicolas Fouquet fit savoir à Mazarin que Condé, désireux de toujours garder une rivière entre ses troupes et celles du Roi, regagnait la rive droite17. Ne pouvant traverser Paris, il se glissait à travers les faubourgs. Turenne, averti de ce mouvement, fit demi-tour. Au matin du 2 juillet, l'armée royale harcelait les arrière-gardes de Condé, qui se retrancha dans le faubourg Saint-Antoine, encore garni des barricades que les Parisiens avaient élevées contre les « alliés » lorrains18.
15Nous ne referons pas, après tant d'autres, le récit du combat de la Porte Saint-Antoine. On sait que les troupes de Condé, pressées par les Royalistes, ne durent leur salut qu'aux coups de canon tirés sur l'ordre de la Grande Mademoiselle et à l'ouverture de la porte. Elles ne firent que traverser la capitale et s'en allèrent camper au delà du faubourg Saint-Victor, à Ivry et Vitry. Suivirent quelques semaines de calme : les armées s'observaient tout en vivant sur le pays. Vers le 15 juillet, on apprit l'entrée en France de troupes espagnoles. Avec les Lorrains, c'était plus de vingt mille hommes et le Roi n'en avait pas le tiers. La Cour s'affola, parla de gagner Lyon. Turenne (au moins s'en attribue-t-il le mérite) imposa sa solution : la Cour à Pontoise, l'armée à Compiègne, couvrant la route de Paris19. Autour de la capitale, le poids de la guerre se lit un moment moins lourd. N'y restaient que les troupes des Princes, réduites par les défections et les maladies à moins de deux mille hommes, toujours campes au faubourg Saint-Victor20.
16Dans la capitale, après l'émeute et les désordres sanglants du 4 juillet, la lassitude grandissait. Les notables désertaient la ville envahie de réfugiés, que frappait la maladie. Beaucoup de parlementaires avaient obéi à l'ordre du Roi les convoquant à Pontoise, les autres, pour ne pas prendre parti, et pour protéger leurs biens, s'étaient retirés dans leurs maisons des champs. Il fallait frapper l'opinion : Mazarin décida de s'exiler de nouveau. Il quitta la Cour le 19 août et, accompagné par Le Tellier, se dirigea par La Ferté-sous-Jouarre et Reims vers Bouillon. Turenne ramena ses troupes sur Paris et installa son camp au Nord-Est, de Dammartin à Claye-Souilly (du 24 au 31 août, il réside entre ces deux villes à Saint-Mesme).
17C'est (m'en effet les terribles troupes lorraines, après avoir satisfait aux clauses de l'accord du 16 juin en sortant du royaume, y étaient aussitôt rentrées, grossies de contingents espagnols et allemands. Parties des environs de Châlons, empruntant le plateau briard, elles se dirigeaient de nouveau sur Paris : le 30, on les signalait vers Sézanne. Pour leur barrer la route, Turenne repassait la Marne à Lagny et, à marche forcée, venait s'emparer de Corbeil et de Villeneuve-Saint-Georges, tendant un rideau de troupes entre les Lorrains et l'armée de Condé. On était le 5 septembre. Un quart d'heure après l'occupation de Villeneuve les avant-gardes ennemies s'y présentaient21.
18On se retrouvait sur les lieux des combats de juin, mais dans des conditions très différentes. Les troupes royales, inférieures en nombre, tenaient la butte de Villeneuve et la ville. Grâce à quelques bateaux trouvés sur la Seine, reliés par des poutres prises aux maisons du bourg, elles établirent un pont. Condé, maître de la rive gauche, opérait sa jonction avec les Lorrains par le pont de Charenton et un autre pont de bateaux. Le duc Charles et Ulrich de Würtemberg avaient disposé leurs soldats de Limeil à Villecresnes, fermant presque le cercle autour de l'armée de Turenne. Celle-ci « n'ayant dans ses caissons que pour quatre ou cinq jours de pain tout au plus, et les fourrages lui manquant », risquait d'être affamée. Une garnison de cent cinquante mousquetaires, placée au château d'Ablon, menaçait le ravitaillement qu'on faisait par le pont de bateaux. Turenne se libéra de l'étreinte, d'abord en prenant Ablon par surprise au matin du vendredi 13 septembre, puis en construisant un second pont provisoire en face de son camp. Ainsi ses fourrageurs pouvaient-ils aller vers Corbeil, toujours aux mains des royalistes. La ville leur servait d'entrepôt et de relais, permettant de chercher plus loin le ravitaillement. Du camp, on faisait savoir aux convois par quelle rive de la Seine il convenait de passer pour éviter les partis ennemis. On put ainsi demeurer sur ces positions, du 6 septembre au 4 octobre. « Il y avoit souvent des escarmouches entre les armées, mais auquune de considération22. »
19Dans la capitale, le mécontentement grandissait : on souhaitait de toutes parts la retraite des troupes. De plus en plus, le Roi apparaissait comme le seul garant de l'ordre. Cependant, son armée se trouvait en difficulté : « Les chemins estans devenus fort mauvais, à cause des pluies, les chevaux ne pouvoient plus aller au fourrage si loin, de sorte que l'on fust obligé de songer à déloger23. » On le fit dans la nuit du 4 au 5 octobre, sans que ni les Lorrains, ni les Frondeurs s'en avisent. Par les deux rives du fleuve l'armée royale échappa au piège, se regroupa à Corbeil, puis traversa la Brie par Chaumes et Tournan, passa la Marne à Trilport le 11 octobre, pour s'installer aux environs de Senlis. Les Lorrains avaient suivi le mouvement24. Quant aux troupes des Princes, les Parisiens en réclamaient le départ rapide, « le 12, Monsieur fit beaucoup d'excuses au Parlement de ce que les troupes ne s'éloignaient pas avec autant de promptitude qu'elles auraient fait sans le mauvais temps », et le Cardinal de Retz ajoute, désabusé : « Vous êtes sans doute étonnée de ce que je parle en cette façon de ces mêmes troupes qui, huit ou dix jours auparavant, étaient publiquement, avec leurs écharpes rouges et blanches, jaunes, sur le pavé en état de combattre même avec avantage celles du Roi25. »
20C'était la fin du mouvement. Pendant que le Prince de Condé, accompagnant l'armée lorraine mettait son épée au service de l'Espagne, une délégation de Parisiens partait pour Saint-Germain. Louis XIV la recevait le 18. Trois jours plus tard, conduit par Turenne, il faisait son entrée dans sa bonne ville, mais le cortège royal avait dû traverser une banlieue dévastée. Les environs de Paris avaient lourdement souffert de ces opérations confuses, de ces camps prolongés, de ces allées et venues savantes entre des adversaires peu enclins à s'affronter dans un combat décisif.
II. — Ruines matérielles
21Guerre civile, la Fronde n'en est pas moins semblable à toute guerre du xviie siècle, interminable, avec son cortège d'exactions et de ravages, qui, par leur excès même, « entraînaient de longues périodes d'arrêt presque complet des opérations »26. Elle a laissé la Région parisienne dévastée et dépeuplée, surtout au sud et à l'est de la capitale, où les armées des différents partis s'étaient succédé d'avril à octobre.
22Le souvenir encore vif des événements de la Première Fronde rendait les paysans attentifs au moindre bruit de guerre. « Leur effroi leur fait tout croire et tout craindre », écrivait en mars, au moment où le conflit était encore localisé en Bordelais, la Mère Angélique à sa voisine, la Prieure de Gif27. L'arrivée des armées dans le pays a été marquée par d'innombrables violences. Mémoires, lettres et documents permettraient de multiplier les exemples, sans distinction de parti.
23Dès le mois de mars, les troupes qui viennent de Picardie pour renforcer les armées de la Loire, commencent leur triste besogne. Celles de Nemours, pour les Frondeurs, pillent Houdan et imposent une contribution de guerre de 4 000 livres à la petite ville de Montfort-l'Amaury. Celles du Roi, passant à l'Est, pillent la Brie. Le châtelain de Courcelles à Mormant, évalue ses pertes et celles de son fermier à plus de 25 000 livres28. Lorsque l'année de Turenne arrive le 24 avril à La Ferté-Alais, une avant-garde de Croates et d'Allemands, passant à gué, vient investir et piller l'abbaye de Cerny. Les officiers n'intervinrent qu'après sept heures de pillage et les dégâts furent estimés à 25 000 livres pour les religieuses, et 12 000 livres pour les habitants qui avaient mis leurs biens à l'abri supposé de leurs murs29. Quelques jours plus tard, les mêmes troupes dévastent la région d'Arpajon : l'église et le château de La Norville mis à sac, les deux presbytères des paroisses de Brétigny vidés de leurs meubles, les terres des fermes ravagées — plus de 60 arpents à celle de la Maison-Neuve qui en couvrait 20030. Puis les mêmes scènes se déroulèrent aux environs de Palaiseau : « Nota que le lundi sixième jour de mai 1652, l'armée du Roi est arrivée en ce lieu de Palaiseau, qui y a fait de grands dégâts et dans les lieux circonvoisins : l'église d'Orsay fut brûlée et beaucoup d'autres désordres à Igny, Massy, Champlant et Longjumeau...31 ».
24Pendant ce temps, l'armée des Princes pillait les environs d'Étampes. Après avoir occupé la ville, les soldats « se renversèrent aux hameaux et villages circonvoisins jusqu'à deux ou trois lieues d'alentours du costé d'Orléans et de Chartres, où peu de filles et de femmes qu'ils rencontrèrent purent éviter leurs brutalités ». Corbreuse fut mis à sac le 25 avril, le lendemain, le curé de Guillerval inhuma un de ses paroissiens, « lequel — écrit-il — a esté tué par des soldats de l'armée des princes pillant cette paroisse ». Deux mois plus tard, « après avoir langui environ cincq semaines », Antoine Chesneau, « blessé d'un coup de pistolet par les gens de guerre », meurt à Bonnelles32.
25Campées clans la proche banlieue, les troupes levées par Gaston d'Orléans et le Parlement ne se conduisaient pas mieux. Juvisy et Athis furent pillés dans les derniers jours d'avril et dès le 8 mai, on évoquait au Parlement la désolation des villages33.
26Mais ce furent surtout les troupes du Duc de Lorraine qui exercèrent les pires cruautés, en véritables mercenaires que ne retenait aucun frein. Installés en juin dans la plaine de Maisons, ils « avoient fait un pont de bateaux sur la Seine au droit du village de Choisy et exerçoient au delà et au deçà de l'eau toutes sortes d'actes d'hostilité, forçant les maisons, pillant tout ce qu'il y avoit, coupant les foins et les blés, dont l'on ne s'osoit plaindre parce que l'on disoit qu'ils étoient venus pour chasser le Mazarin »34. Leur traversée de la Brie avait été marquée par de nombreuses exactions : à Liverdy, le curé atteste sous la foi du serment « que les soldats de l'armée dudit duc de Lorraine n'ont laissé aucune vache, ny veau, brebis, moutons, ny agneaux, bleds, pain, ny farine, sel, beurre n'y (sic) mets que ce soit »35. Les habitants de Thiais, qui portèrent le 15 juin, à Paris, les reliques de leur patron saint Loup, ne purent sauver leurs maisons de l'incendie. Six ans plus tard, certaines de ces habitations, « bruslées par les gens de guerre en l'année 1652 », étaient encore en ruine. De l'autre côté de la Seine, la ferme Saint-Placide servit de quartier général au Duc36. En l'abandonnant, les soldats enlevèrent portes et planchers. Le prieuré de La Saussaye fut aussi mis à sac37.
27Aux Lorrains succédèrent dans la proche banlieue les troupes de Condé qui vinrent camper à Ivry, « pillant en deux jours tous les villages à plus de trois lieues de là », allèrent ensuite dévaster les coteaux de Saint-Cloud pour revenir au début de juillet piller Vitry. A la fin du mois, elles s'éloignèrent vers Juvisy, sur les réclamations des Parisiens, laissant derrière elles « grande ordure et puanteur »38.
28Les troupes de Turenne occupaient cependant le nord de la capitale. La veille de la Saint-Pierre, le village de Saint-Leu avait été pillé. Les soldats brisèrent les portes de l'église où les habitants avaient entassé « tous les coffres, bahuts et armoires, remplis de leur linge, vaisselles, habits et bardes, avec leurs lits, matelas et couvertures ». Le tabernacle fut profané, les ornements de l'église volés. A Saint-Prix, le curé fut fouetté par les soldats, afin de lui faire avouer la cachette où les villageois avaient mis leurs biens les plus précieux39.
29A lire les documents, on finit d'ailleurs par ne plus savoir à quelle armée attribuer les responsabilités. Le récit des malheurs de Jean Harly, fermier receveur de la seigneurie d'Éprunes, à Réau près de Melun, est, de ce point de vue, bien caractéristique : de la mi-mai à la fin juin, Lorrains et Royalistes, passant et repassant, lui prirent 6 à 7 muids de blé (plus de 110 hectolitres), autant d'avoine, ses deux chevaux, trente vaches, ses volailles ; gâtèrent prés et moissons et lui imposèrent une rançon de 30 pistoles après avoir pillé son mobilier40.
30Rien n'était respecté par les mercenaires et l'on a vu que les églises n'étaient nullement épargnées. Celles de Videlles, de Dannemois, de Bouray-sur-Juine, d'Itteville, de Mondeville, d'Orsay furent pillées comme celles d'Etiolles, de Créteil. On pourrait allonger cette liste. Mère Angélique Arnauld notait qu'on avait dû ôter le saint Sacrement « dans presque toutes les paroisses, parce que ces malheureux soldats l'ont foulé aux pieds en beaucoup d'endroits, et en d'autres ils l'ont vendu, et quand, après avoir tout pillé auparavant, on ne pouvoit plus leur donner d'argent pour le racheter, ils le fouloient aux pieds »41. Lorsqu'on septembre, Mme de La Guette vint à l'église de Sucy-en-Brie pour l'inhumation de son fils, elle y vit « un désordre épouvantable ». Comme à Saint-Leu, les paysans avaient entassé leurs meubles, espérant « que les Lorrains auroient du respect pour les lieux saints ». Tout était mis à sac, le crucifix retourné. On retrouva, par extraordinaire, un ciboire non profané qu'un prêtre vint chercher pour le mettre en sûreté42.
31Cette longue série de violences pourrait être poursuivie. On pourrait citer ces habitants de Combs-la-Ville assommés par les Lorrains pour n'avoir pu porter la charge qui leur avait été imposée, monter les chanoines de Champeaux, fuyant à Melun, tandis que leur collégiale et le village étaient ravagés. Jusqu'aux derniers jours, les troupes furent en pays conquis : le 7 octobre, sous les yeux de Turenne, ses soldats pillent le village de Presles-en-Brie, forçant les portes, rasant les vignes et les arbres, volant le bétail et les grains43.
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32A ces exactions s'ajoutait pour les paysans la difficile nécessité de ravitailler des armées dont les effectifs, pour l'époque, n'étaient pas négligeables. Turenne, en avril 1652, commandait à six mille fantassins et quatre mille cavaliers. A la même date, l'armée de Condé était forte de sept à neuf mille hommes. Mais ces forces étaient toujours suivies d'une masse d'irréguliers et de vagabonds et de filles à soldats. Si l'on en croit Dubuisson-Aubenay, lorsque le duc Charles arriva en juin dans la Région parisienne, il n'avait que cinq ou six mille soldats, mais trente à quarante mille bouches à nourrir. Cette masse humaine, sans doute un peu gonflée par la crainte populaire traînait avec elle le produit de ses rapines, plus de quinze mille vaches et moutons44. Ces effectifs variaient de jour en jour : les désertions, la maladie plus encore que les opérations creusaient les rangs.
33Même réduits ces contingents n'en représentaient pas moins une lourde surcharge pour la région qu'ils traversaient. C'était bien pis lorsqu'ils séjournaient plus longuement : Étampes et Palaiseau, les villages environnants, la banlieue immédiate de la capitale, la vallée de l'Yerres furent, de ce fait, les plus touchés. Comment nourrir ces milliers de bouches supplémentaires, alors que la récolte de 1651 avait été médiocre ? Sans doute l'armée des Princes avait-elle trouvé dans Étampes assez de grains pour survivre quatre mois sans difficulté, mais il fallait nourrir les chevaux. On les emmenait donc fourrager « à trois ou quatre lieues de la ville » et même plus loin : René Hémard nous montre ces coureurs montés sur de « simples bidets cravate », revenant en ville avec un grand sac de blé ou d'avoine, deux gros paquets de volailles », et le plus souvent deux moutons attachés de la teste à la queue ou quelque jeune taure »45.
34L'armée royale s'essayait à un embryon d'organisation. Pendant le siège d'Etampes, un intendant des finances, M. de Bordeaux, fut chargé de ravitailler en pain les dix mille hommes de Turenne. Les rations venaient de Corbeil ou de Chartres et les boulangers s'affairaient dans ces villes. Le 5 juin, l'intendant écrivait au Cardinal qu'il attendait quatre bateaux de pain de Corbeil. En même temps, il faisait acheter du blé aux environs de Dourdan46.
35Malheureusement, ces ressources en fourrages et en grains furent épuisées rapidement. Dès le début de juillet, les chevaux des armées mangeaient les blés que les soldats moissonnaient à leur profit. Un religieux de Saint-Denis note le 15 que les « bledz qui, jusqu'à ce jour, étaient restez sur pied, du moins à trois ou quatre lieues autour de Saint-Denis commencèrent... à être moissonnés et vendus par les soldats, et en ces deux jours de lundy et mardy, toute la récolte fut faite ». Et il ajoute, résigné : « Il y avoit plus de vingt ans que l'on avoit vu une si bonne et si riche année que celle cy. Mais Dieu, qui par sa bonté nous avoit donné une si abondante moisson, par un secret de sa justice adorable nous voulut priver de sa récolte47. » Tout le monde ne partageait pas cette chrétienne résignation. Mme de La Guette, avertie des ravages que l'on faisait sur ses terres vint trouver les soldats, la canne à la main et leur en imposa si bien qu'ils allèrent... piller ses voisins. « J'en voyois plusieurs — écrit-elle — qui se servoient de faux, d'autres de fléaux, d'autres de faucilles, d'autres de tonneaux pour battre le blé, d'autres qui portoient des trousses, et la plupart étaient faits comme des démons48. » Auprès de la capitale, les bourgeois propriétaires protestaient et Condé, sur leurs plaintes dut se rendre au camp du faubourg Saint-Victor, le 26 juillet. A Ta vannes, qui lui remontrait la nécessité de couper les blés pour avoir du fourrage, il répliqua en colère : « Qu'ils fissent manger de la terre à leurs chevaux, qu'ils fissent le diable, mais qu'enfin il ne vouloit pas qu'ils arrachassent un épi de blé. » C'est à la suite de cet incident que les troupes furent provisoirement éloignées de Paris et installées vers Juvisy : on ne savait que déplacer les ravages, on ne pouvait les supprimer49.
36Les semaines de l'été passant, la situation s'aggravait. Dès la fin du siège d'Etampes, les chevaux se nourrissaient de bourgeons de vigne. En septembre, Turenne ne pouvait se ravitailler aux environs de Villeneuve-Saint-Georges et, écrit-il : « Les trois ou quatre premiers jours que les armées estoient en présence, touts (sic) les chevaux de celle du Roi ne mangeoient que des feuillies de vigne...50 » On a vu plus haut comment les deux ponts de bateaux que le Maréchal avait pu jeter sur la Seine lui permirent, en allant fourrager au delà de Corbeil, de tenir un mois dans sa position critique.
37L'automne venu, Parisiens et villageois tentèrent de sauver la vendange pour se consoler de la perte de la moisson. Des protestations s'élevaient contre les ravages, des délégations de vignerons venaient au Palais-Royal, « aucuns mêmes, des plus hardis, ont dit aux Princes qu'ils iroient demander au Roi ses forces pour chasser de Saint-Cloud, Suresnes et toute cette vendange là, leurs troupes qui la ruinent ». Le vin pressé était immédiatement amené dans la capitale, car les soldats se seraient volontiers régalés de vin nouveau51.
38Au ravitaillement de ces armées de pillards s'était bien sûr ajouté celui de la capitale qu'il fallait assurer, coûte que coûte, pour éviter des troubles graves : la campagne avait été sacrifiée à la ville et le dénuement des villageois jusqu'à 8 et 10 lieues de Paris était complet.
39Devant ces violences, ces pillages renouvelés, ces exactions, le premier mouvement des habitants du plat pays était de fuir. Ils en avaient d'ailleurs la longue habitude, héritée de la sagesse et de l'expérience de leurs pères : à chaque période d'insécurité, à chaque « bruit de guerre », ils retrouvaient tout naturellement le chemin des asiles sûrs ou réputés tels52.
40Pour les plus proches, Paris était le traditionnel refuge. L'arrivée des deux armées dans la région de La Ferté-Alais déclenche le mouvement : à la date du 25 avril, Dubuisson-Aubenay décrit : « Les gens des champs amenant leurs blés, vins et bétail en sûreté à Paris. » De Villejuif, de Thiais, d'Orsay, d'Athis, les villageois venaient s'entasser dans les faubourgs et la cité, souvent malades, toujours misérables, posant par là même aux autorités et à la charité publique des problèmes dont nous aurons à reparler53.
41Les fermiers des communautés parisiennes venaient demander asile à leurs propriétaires : Nicolas Trotin, fermier de l'Hôtel-Dieu à Wissous et Antoine Antheauhne, son collègue à Marly, obtiennent le 17 mai, l'autorisation de mettre leurs bestiaux, déjà amenés à Paris, dans le cimetière Saint-Louis, en attendant que les chemins soient libres. Le 22 juin, la veuve de Nicolas Herbillon, laboureur à Villejuif, est logée au Collège de Beauvais54.
42Les communautés religieuses suivaient le mouvement. Dès la mi-avril, les sœurs de Port-Koyal-des-Champs avaient regagné leur couvent du faubourg Saint-Jacques. Mère Angélique, dans une lettre du 1er mai, s'en félicitait, citant le cas de leurs voisines (sans doute celles de Notre-Dame-de-Gif), qui « ayant tardé d'un jour se sont vues voler leurs chevaux sur la route et ont dû gagner la capitale à pied »55. Une partie des religieuses de l'abbaye de Villiers à Cerny se trouvait à Paris lors du pillage de leurs biens56. Et, le 25 mai, fuyant leur ville occupée et assiégée, vingt-cinq sœurs de la Congrégation Notre-Dame d'Étampes venaient demander asile à Port-Royal, après avoir fait 14 lieues de route dans la journée, traversant les lignes des deux armées57.
43Plus loin de la capitale, les villageois se réfugiaient dans les châteaux voisins, soit pour la solidité de leurs murailles, soit parce que la qualité de leur propriétaire permettait d'espérer qu'on les respecterait. Les gens d'Épinay-sur-Seine reprirent, comme en 1649, le chemin du château des Lefèvre d'Ormesson, ceux de Montlhéry cherchèrent refuge au couvent des Célestins de Marcoussis et dans l'enceinte fortifiée du château des Balzac d'Entragues. Λ Fontenay-lès-Briis, le château de Soucy recueillait les habitants des hameaux voisins58. Lorsque les gens de guerre pillèrent Corbreuse, « tout un chacun prit la fuite à Sainte-Mesme où Monseigneur Anne-Alexandre, comte dudict lieu nous reçus deux mois durant ». Les murs du château de Palaiseau abritaient le peuple des paroisses voisines et l'on y baptisait les nouveau-nés en attendant des jours meilleurs. Le vicaire d'Arcueil célébrait la messe pour ses fidèles au château de Cachan, « où les habi-tans s'estoient retirés en la crainte des gens de guerre »59. Le seigneur d'Ablon, un protestant, avait mis les récoltes de ses tenanciers avec les siennes à l'abri de sa demeure60. Même une ville comme Corbeil, que ses remparts ne protégeaient plus et que son pont sur la Seine (le premier en amont de Paris) vouait aux passages des troupes, s'était vidée de ses habitants. Le gouverneur, Jacques Bourgoing, ne pouvait, à cause de cela, assurer le ravitaillement des troupes ni lever la taxe de 6 000 livres qu'on destinait aux fortifications de la ville. La demeure d'un officier du Roi, à Chantemerle avait servi d'abri à certains61.
44En Brie, les mêmes causes produisirent les mêmes effets. Les habitants de Créteil, se réfugièrent à Paris et dans la presqu'île de Saint-Maur qui accueillit, avec La Varenne, des paysans de Chennevières, de Sucy, de Brevannes, fuyant devant les Lorrains. Le curé de Cham-pigny inhuma dans son cimetière des habitants de Coeuilly, de Villiers-sur-Marne, de Chennevières également62. Mme de La Guette s'était d'abord retirée à Grosbois chez la duchesse d'Angoulême, lors du premier passage des Lorrains. Elle regagna ensuite ses terres pour mieux surveiller ses moissons et demanda à un officier de demeurer sous son toit, afin de lui servir de sauvegarde. « Aussitôt — écrit-elle — que l'on sut que j'avois un officier chez moi, toutes les femmes et filles y accoururent, et quantité d'hommes pour se mettre en sureté63. »
45Un nouvel exode eut lieu avec le retour des Lorrains : « Le septiesme jour de septembre... moys (sic) et tous mes pauvres paroissiens avons esté contraincts de quitter et abandonner nostre paroisse pour céder à la violence des troupes rebelles... et nous sommes réfugiés chacun où il a peu pendant cette misérable guerre... et le dix-huictienne du moys d'octobre de la mesme année nous sommes retournés en nos maisons. » Ainsi s'exprime le curé de Boissy-Saint-Léger dans son registre d'état civil64. Sa voisine, Mme de La Guette, après avoir elle-même dirigé l'évacuation de ses dépendants de Sucy au delà de la Marne, retourna à Grosbois. Quatre officiers y servaient de sauvegarde, aux noms du Roi, de M. le Prince, du duc de Lorraine et d'Ulrich de Würtemberg. Ainsi, dit-elle, « le château étoit conservé comme la prunelle de l'œil. Il y avoit plus de dix mille paysans réfugiés et plusieurs de la noblesse du pays, car tout y accourut ». Les soldats ne laissèrent que les quatre murs de ses maisons et de celles de ses protégés65. Quant à la ville de Melun, elle avait abrité des milliers de réfugiés, tous misérables66.
46A l'autre extrémité de la région Sud, Port-Royal-des-Champs était devenu une sorte de camp retranché. Dès avant Pâques, le duc de Luynes, fils de la duchesse de Chevreuse, avait accueilli, dans son petit château de Vaumurier, tout proche de l'abbaye, les Solitaires des Granges « comme en un lieu moins exposé aux insultes des coureurs, tant à cause de la qualité de celuy à qui il appartenoit que des fossez dont il étoit entouré, et de la garde qu'on y faisoit »67. Une vie quasi monacale s'y organisa : on logeait sur la paille, on mangeait et on priait en commun. Avec les habitants des environs, qui avaient mis leurs biens meubles à l'abri dans les dépendances du château, le duc forma quatre ou cinq compagnies que les Messieurs commandaient. Λ cette occasion, ils avaient repris l'épée qu'ils avaient quittée en quittant le monde. Dans la journée, des ouvriers travaillaient à construire des tours de défense sur l'enceinte du monastère : onze furent édifiées en trois semaines68. « Cela — écrit Pierre Thomas du Fossé — produisit tout le bon effet qu'on en avoit espéré. Car les soldats qui passoient ou qui alloient au fourrage, prévenus du bruit qui s'êtoit répandu partout que l'abbaye de Port-Royal êtoit remplie de gentilshommes et d'anciens officiers de guerre, la respectoient de telle sorte qu'ils n'osoient en approcher. Ainsi on eut presque la même facilité de travailler au mois d'août et de recueillir les grains que si l'on eust été en pleine paix69. » La ferme de l'abbaye dut cependant accueillir une nuit le régiment d'Apremont. Mère Angélique constatait avec plaisir qu'ils n'avaient que brûlé du bois et fauché un peu de blé ; mais le jeune Thomas du Fossé, qui avait à l'époque dix-huit ans, venant voir le campement le lendemain, fut stupéfait de voir la paille des granges répandue dans les cours « comme si on y avoit tenu le marché aux veaux », les chambres des officiers pleines encore des reliefs de leur souper et toute la ferme transformée en écurie. Les Solitaires passèrent ainsi tout l'été et ne revinrent aux Granges qu'en octobre70.
47Tous les paysans ne pouvaient trouver asile aussi sûr, et d'ailleurs beaucoup préféraient ne pas trop s'éloigner de leurs champs et de leurs maisons. Les bois, alors, les accueillaient. Les habitants de Torfou, par exemple, trouvèrent refuge à la ferme des Bois-Blancs, qui se dissimule dans les taillis dominant Avrainville71. Les bois entourant Chevreuse, Dampierre et Port-Royal servaient, comme en 1649, d'asile.
48Parfois les victimes pensaient éviter un sort pire en composant avec l'ennemi. Les habitants d'Orsay, après avoir vu brûler leur église, traitèrent avec le major commandant le régiment de Turenne qui occupait le pays. Ils durent verser dans les trois jours 200 louis d'or, qu'ils empruntèrent à la Dame d'Orsay. Ils ne les avaient pas encore remboursés en 169972. A Thiais, pays de vignoble où la vendange revêtait une importance vitale, la communauté employa des gens de guerre pour escorter les vendangeurs. On dut emprunter 600 livres à M. Le Juge, Conseiller, Secrétaire du Roi, Maison et Couronne de France, un des riches propriétaires parisiens de la paroisse73.
49De l'excès même de la misère surgissait parfois la révolte. Certains notables s'en inquiétaient : Omer Talon écrivait le 10 juin : « Nous craignons que la campagne étant toute ruinée ne fonde, ne tombe sur les grandes villes comme il a été fait en plusieurs de nos voisins »74 et la Relation sommaire de mai 1652, faisant appel à la charité pour secourir les pauvres réfugiés des faubourgs de Paris jugeait utile de préciser qu'au delà des devoirs évangéliques, il y avait à cette aide une obligation de police « pour empescher le désordre que pourroit exciter un peuple affamé »75.
50Ces craintes n'étaient pas vaines. Les Parisiens manifestaient ouvertement leur hostilité envers les pillards et n'hésitaient pas à prendre les armes pour s'en protéger. Le Bureau de Ville refusa avec persistance l'entrée de la capitale aux troupes. A la fin du mois d'août ; tandis que les vignerons de Saint-Cloud et de Suresnes manifestaient leur mécontentement, les petites gens des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Victor résistaient en armes à l'installation des troupes des Princes76. Si les bourgeois d'Étampes avaient dû subir passivement l'occupation d'une armée plus nombreuse que la population de la ville, ceux de Corbeil se soulevèrent à la fin du mois de juillet et voulurent détruire le pont « pour en détourner le passage des armées ». Le régiment de Carignan dut entrer en ville pour y rétablir l'ordre et le gouverneur écrivait au Secrétaire d'État : « Il est vrai, Monseigneur, qu'il y a issi (sic) de bons habitans, mais parmy ces bons, il y a de mauvais français77. »
51La résistance paysanne était évidemment beaucoup plus diffuse, elle n'en existait pas moins. De leurs refuges forestiers, les villageois sortaient pour attaquer les soldats isolés. Y eut-il beaucoup de cas semblables à celui de ce laboureur de Milon-la-Chapelle, « grand homme bien pris dans sa taille, assez bien fait », dont Pierre Thomas du Fossé nous a conté l'histoire ? Fatigué des pillages de la soldatesque de tous les partis, il groupa quelques compagnons dans les bois de Chevreuse, les arma et « composa une compagnie de païsans, tous bien armez et très résolus, qui le choisirent pour leur capitaine... Il prit le nom de Sauvegrain, marquant par ce nom même qu'il n'avoit dessein que de sauver et les bleds et les autres grains de la campagne ». A l'heure du pillage, il attaquait et les voleurs s'en retournaient, « eux mêmes pillez et dévalisez ». Turenne s'inquiéta de ce mouvement paysan et chargea le duc de Chevreuse, leur seigneur, « de la part du Roy, de donner ordre que ces gens-là se tinssent dans leur devoir et se contentassent d'empescher qu'on ne les pillast ». La compagnie des Milonois devint célèbre dans la région et la chevaleresque duchesse de Chevreuse tint à leur rendre visite dans leurs bois. Sauvegrain lui offrit la collation et les amateurs de pittoresque peuvent rêver à cette rencontre entre la noble héroïne et le paysan devenu homme de guerre. La campagne terminée, Sauvegrain « rentra sans la moindre peine dans son premier état de laboureur », et Thomas du Fossé affirme l'avoir rencontré, poussant sa charrue78. Nous n'avons malheureusement pas trouvé d'autres exemples de ces groupes d'auto-défense paysanne dans la région étudiée.
52La guerre n'était d'ailleurs pas une ruine pour tout le monde. Comme toujours, certains tiraient parti des circonstances. Entre les camps et la capitale, un commerce illicite s'organisait. Les soldats du duc Charles, en juin échangeaient les vaches et les moutons volés contre des bottes, des baudriers, des habits et des chapeaux que des Parisiens leur portaient et « il y avoit quasi une foire dans le camp »79. Le 10 juin, une ordonnance du Bureau de Ville, « afin d'empescher le commerce illicite qui se fait depuis deux jours en çà avec les troupes qui sont aux environs de cette ville et qui les porte à une licence effrènée d'aller butiner partout », interdit aux Parisiens « d'achepter aucuns bestiaux, habicts, linges, meubles, ornements d'église, ustan-cilles de maisons, plombs, ferrures, menuiserye et ny autres choses quelconques ». Les mêmes défenses furent renouvelées le 29 juillet, en y ajoutant grains et verjus, et sans plus de succès, semble-t-il80. De son côté, le duc d'Orléans, assailli de plaintes par les notables parisiens, propriétaires de fermes et de maisons de plaisance aux environs de Paris, interdisait à ses soldats de venir en ville. Un mois plus tard, il fallait renouveler ces interdictions, preuve de leur inefficacité81.
***
53Pillages, meurtres, destructions des récoltes, désordre général, tout cela permet de comprendre la misère affreuse de toute la Région parisienne. De mai à décembre, on peut suivre la progression du désastre. A l'automne, il ne s'agissait plus, pour des centaines de paroisses et des milliers de pauvres gens que de survivre.
54Toute vie normale s'était peu à peu arrêtée. Les travaux des champs avaient été abandonnés par les paysans qui n'osaient sortir de leurs retraites. Vers la mi-juillet, on voulut faire partir de Paris les laboureurs pour récolter les grains, ou ce qu'il en restait, mais les gens de guerre volaient au fur et à mesure ce qu'on coupait82. Le cas de l'abbaye de Port-Royal, où l'on put faire la moisson sous la protection des gardes, est une exception. Les voisins des religieuses furent volés comme l'avaient été les moines de Saint-Denis, les Lazaristes, l'Hôtel-Dieu, et bien plus sûrement, les modestes paysans. Pas de moissons, pas de labours non plus, tous les chevaux ayant été volés, pas de semailles d'automne : le rythme des travaux agricoles était bouleversé et la pacification intervint trop tard dans la saison pour qu'on puisse rattraper le temps perdu.
55Les échanges, si actifs entre les environs de la capitale et celle-ci, étaient aussi réduits : la mercuriale des grains du marché de Montlhéry n'existe pas du 22 avril au 4 novembre 1652, « au subject des mouvements de guerre et armées qui ont esté et séjourné en ces quartiers », et l'on dut à Dourdan, réduire les termes de juillet et d'octobre de la ferme du droit de mesurage83. Même les notaires chômaient : celui de Thiais qui recevait en moyenne une centaine de contrats par an, n'en rédigea, en 1652, que 58 — aucun en mai et en juillet, un seul en juin. Son confrère de Villejuif consigne dans son répertoire 85 actes au lieu des 120 à 140, des années normales. Encore 73 sont-ils passés avant la fin d'avril et l'arrivée des gens de guerre. Le notaire de Brie-Comte-Robert serrant la maigre liasse de 1652, écrivit sur le registre : « Année de la guerre des Lorrains84. »
56Lorsque la campagne s'acheva, en octobre, on put faire un premier bilan. Déjà de mois en mois les relations publiées par les milieux charitables qui gravitaient autour de la Compagnie du Saint-Sacrement, de Port-Royal et de Saint-Vincent-de-Paul, permettaient de suivre l'aggravation de la situation. Celle des mois de septembre et octobre complète l'enquête menée sur l'ordre du Grand Vicaire de l'Archevêché de Paris85.
57« En ce qui est des églises, l'on a trouvé les vitres cassées, les bancs rompus, les Tabernacles ouverts, les saints Ciboires emportez, les ornements pillez, en quelques-unes les saintes Hosties respandues ; et plusieurs ont servi de corps de garde.
58« Les lieux, villages et hameaux déserts et destituez de Pasteurs.
59« Les rües et voisinages infectez de charognes, puanteurs et de corps morts exposez.
60« Les maisons sans portes, fenestres, cloisonage, et plusieurs sans couvert ; et toutes réduites en cloaques et étables.
61« Toutes les femmes et filles en fuite, et les habitans restez sans meubles, ustanciles, vivres et destituez de tout secours spirituel et temporel.
62« Mais sur tout les malades languissans, moribonds et mourans, sans pain, sans viande, remèdes, feu, lits, linge, couverts, et sans Prestre, Medicin, Chirurgien, ny aucun pour les soulager...86. »
63Des centaines de malades : plus de trois cents dans les vingt-deux villages briards victimes des Lorrains, plus de quatre cents à Savigny-sur-Orge, et encore d'autres autour de Gonesse, de Palaiseau, d'Étampes. Tous s'entassaient « dans les greniers, caves et estables », gisaient dans les rues, sous les porches des églises.
64Dès le printemps, les secours avaient été organisés87. Des « potages » furent créés dans les faubourgs parisiens. On y distribuait aux pauvres et aux réfugiés du bouillon et du pain. Mais l'ampleur du mal déborda vite les possibilités des bonnes volontés. La Relation du 16 juillet fait état de quinze à seize mille indigents à prendre en charge. Déjà, au faubourg Saint-Victor, on ne pouvait donner de la soupe que trois fois par semaine et les malheureux étaient allés « couper des morceaux de la chair des chevaux tués au combat du Faux-bourg Saint-Antoine ». Les progrès de l'épidémie étaient tels qu'on dut à partir du mois d'août renoncer à secourir les pauvres pour « se renfermer dans le soin des Malades »88.
65Partout où les troupes avaient séjourné, leur départ laissait villes et villages infectés. Les ordres religieux se dévouèrent, cependant que les âmes charitables réunissaient des fonds. Saint Vincent de Paul envoya des prêtres de la Mission et des sœurs de la Charité à Étampes et à Palaiseau. Des chariots de ravitaillement allaient chaque jour soulager les misères des paysans. Mais le mal se développait plus vite que les secours : « Les premiers malades qui ne sont pas morts sont maintenant dans le besoin des convalescents et ceux qui étaient sains sont maintenant malades89. »
66Les Jésuites et les prêtres de la communauté de Saint-Nicolas-du-Chardonnet autour de Villeneuve-Saint-Georges, les Capucins à Corbeil, les Récollets à Juvisy, les Lazaristes à Étampes, les Picpuciens à Brie-Comte-Robert, les Carmes à Tournan, les Jacobins à Saint-Denis : c'était comme une mobilisation générale de la charité90. En octobre, on décida de collecter argent, meubles, habits, vivres. Un Magasin général de Charité fut installé à l'hôtel de Bretonvilliers, à la pointe de l'île Saint-Louis. Un nouvel appel fut lancé en novembre91. On avait établi des Stations pour répartir les secours dans les secteurs les plus atteints : 193 villages étaient ainsi secourus en janvier 165392.
III. — La crise démographique
67Le long tableau que nous venons de dresser permet d'imaginer l'ampleur de la mortalité de cette terrible année de guerre et de destruction. Les contemporains en ont été frappés. A plusieurs reprises, la Mère Angélique y revient dans ses lettres : « Tous les hommes sont presque morts et il ne reste que des enfants orphelins... le tiers du monde est mort... » Le vieil André d'Ormesson, qui avait connu pourtant les tristes lendemains des guerres de Religion, écrivait en 1653 : « Les deux tiers des gens des villages des environs de Paris estoient morts de maladie, de nécessité et de misère93. » L'étude des documents semble confirmer dans l'ensemble cette impression de catastrophe exceptionnelle94.
68Les registres de catholicité sont notre seule source pour l'étude statistique de la population ancienne. On en a dit l'intérêt et les faiblesses, surtout pour les périodes antérieures au milieu du xviie siècle95. Beaucoup de communes n'ont pas de registres anciens. D'autres séries présentent des lacunes importantes : à Choisel, les trois séries d'actes s'interrompent de 1648-1649 à 1700 ; à Gometz-la-Ville, de 1634 à 1670. Parfois une ou deux des trois séries est en déficit : à Arcueil, sépultures et mariages de 1629 à 1666. Lorsque l'interruption va de 1648 à 1652 comme à Dannemois, de 1648 à 1653 comme à Dourdan, de 1649 à 1654 comme à Gometz-le-Châtel, de 1650 à 1654 comme à Sceaux ou même de 1644 à 1653 comme à Ballancourt, il est bien légitime de voir une éloquente preuve des troubles qui ravagèrent le pays dans ce silence des documents. Le témoignage est parfois plus explicite : le curé de Saulx-les-Chartreux écrit : « Pour l'année de la guerre commencée le jour de Saint Marc (25 avril) 1652, le registre depuis 1649 jusqu'à la Saint Marc a été perdu à cause de ladite guerre »96 ; à Videlles, entamant en 1654 un nouveau registre, le desservant précise que « les autres livres ont été perdus par les gens de guerre qui emportèrent calices, ciboires et les beaux ornements de l'église de Videlles pendant le siège d'Étampes, l'an 1652 »97.
69Souvent plus négligée en temps normal, c'est la série des sépultures qui a le plus souffert : le curé était souvent réfugié en lieu sûr et les desservants — vicaires, prêtres habitués ou religieux venus secourir les misères —, débordés par la mortalité, se succédant les uns les autres quand la maladie les frappait à leur tour, ne tenaient pas les registres.
70A Saint-Pierre-d'Étampes, aucun décès n'est transcrit pendant la durée du siège, d'avril au 17 juillet ; à Noisy-le-Sec, de mai à décembre, pendant les opérations militaires, la même série s'arrête aussi98. Parfois la transcription des actes a été faite longtemps après. Par ailleurs, la tenue des registres est fort médiocre, le cas de Champigny, où le curé indique presque toujours l'âge des défunts est exceptionnel. Partout ailleurs, au fur et à mesure que les décès se multiplient, les mentions se font de plus en plus brèves, de plus en plus imprécises. A Bonnelles, par exemple, après une inhumation du 27 mai, le curé écrit : « Et environ ce temps là sont morts les enfans cy dessous desnommés... », et cinq noms suivent.
71Malgré ces imperfections, notre documentation permet d'étudier l'exceptionnelle mortalité de l'année. Si elle pèche, c'est par défaut. La première constatation, c'est qu'il s'agit de l'année la plus meurtrière du siècle. A Romainville, où sont morts 39 paroissiens, les autres pointes de la courbe des décès sont 1684 (27), 1661 (24), 1673 et 1678 (21). A Bièvres, 117 morts en 1652, 63 en 1693, 61 en 1661 ; à Morangis, 32 en 1652, 17 et 12 en 1661 et 1709. Exceptionnelle dans tout le siècle, la mortalité de l'année 1652 l'est aussi par rapport à la moyenne annuelle : 4 fois plus forte à Bonnelles, à Thiais, à Bagneux, à Bièvres, à Bouffemont, 7 fois plus forte à Montmorency, près de 10 fois à Champlan.
72Quelle proportion de la population ces chiffres représentent-ils ? Nous ne possédons aucun dénombrement pour cette époque, aussi avons-nous essayé de rapporter le nombre des décès de l'année 1652 à celui des feux indiqués dans le livre de Saugrain99. La méthode est imprécise : le dénombrement de 1709 n'est qu'approximatif et la population a très probablement baissé entre le milieu et la fin du xviie siècle. Pourtant, dans cette région proche de la capitale, les évaluations ont des chances d'être assez sérieusement faites. Aux dernières pages du registre des années 1679-1692, le curé de Bièvres a dressé une statistique de ses paroissiens en 1711. Il dénombre 259 communiants et 144 enfants de un à quatorze ans, soit 403 habitants, répartis en 95 familles. Or le dénombrement de 1709 indique 98 feux. Ce détail serait de nature à inspirer quelque confiance. Par ailleurs, sur un exemple précis, il permet de considérer comme acceptable le chiffre moyen de quatre personnes par feu, avancé par plusieurs auteurs.
73Dans la plupart des paroisses pour lesquelles nous avons un chiffre de décès pour 1652, celui-ci est sensiblement égal au nombre des feux. Si nous retenons l'équivalence proposée, ce serait à peu près le quart de la population qui aurait disparu en une seule année. Tous les villages n'ont pas payé un tribut aussi lourd et l'on observe des variations importantes. Les paroisses les moins touchées sont, évidemment, celles qui se trouvèrent hors de la zone opérationnelle, comme Pecqueuse et Bonnelles, ou bien celles dont les habitants avaient pu, le plus facilement, se réfugier dans la capitale, comme Romainville et Bagneux. Il est juste de remarquer qu'un certain nombre de décès nous échappent peut-être dans ce cas. Les zones de séjour prolongé des armées se détachent par l'importance de leur mortalité : 1,8 par feu à Palaiseau et Champlan (camp de Turenne en mai), 1,7 à Montmorency (camp royal de Saint-Denis puis de Gonesse), 1,4 à Combs-la-Ville (camp des Lorrains), les chiffres les plus élevés étant ceux des villes refuge où l'épidémie trouvait un terrain plus favorable. Il conviendrait alors de séparer les décès des habitants de ceux des horsains. A Champigny-sur-Marne, le curé inhume en 1652, 139 personnes, mais 111 seulement sont du village. Huit étaient des réfugiés du hameau de Coeuilly, cinq venaient de Chennevières ; sept nourrissons parisiens et quelques errants, Picards ou Lorrains, complètent ce nombre. Dans la boucle de la Marne, la minuscule paroisse de La Varenne (17 feux en 1709), où mouraient une ou deux personnes par an en moyenne, détient un triste record avec 156 décès : sa situation géographique et la proximité de Saint-Maur, domaine du prince de Condé, en avaient fait un refuge surpeuplé. Il en fut de même à Melun, ville royale et à Saint-Denis.
74La mortalité frappait à tous les âges. A Champigny, le curé a pris soin de noter les âges des décédés : sur 139, 19 ont moins de 18 mois, 21 de 18 mois à 10 ans. On peut y joindre 13 « enfants ». Neuf morts ont de 11 à 20 ans et il faut ajouter un « garçon ». Vingt-huit ont de 21 à 40 ans, 25 de 41 à 50 ; 16 de 51 à 70, 4 ont plus de 71 ans. Restent une « femme » de Villiers-sur-Marne et deux pauvresses. La population adulte est donc très lourdement frappée. A Bagneux, 24 des 51 défunts ont moins de 21 ans, 15 ont de 21 à 50 ans, 12 ont plus de 50 ans. A Saint-Leu, en mars 1653, les enquêteurs de l'Election venus dresser procès-verbal des dégâts notaient que 75 chefs de famille étaient morts du 1er janvier 1652 jusqu'à la date de leur venue, le nombre total des défunts étant de 170. La mortalité a donc fait disparaître, non seulement les jeunes enfants et les vieillards, mais aussi une bonne partie de la population adulte. Le manque de main-d'œuvre se fit sentir dans les années qui suivirent.
75La comparaison des courbes fournies par le relevé mensuel des décès est particulièrement intéressante : la marche de la mortalité diffère, en effet, beaucoup dans les quatorze villages pour lesquels nous avons dressé ces graphiques. Un premier groupe présente un maximum de sépultures en mai-juin. Tous sont situés dans la zone des premiers combats : Saint-Cyr-la-Rivière, Brétigny, Guillerval, Palaiseau. Il convient de mettre ces courbes en rapport avec les mouvements de troupes autour d'Étampes.
76Ailleurs, la mortalité s'élève à partir de juin pour atteindre son point culminant en août et en septembre, se maintenir en octobre et décroître rapidement dès novembre. A la fin de l'année civile 1652, la crise est terminée. Les témoignages des relations permettent d'accuser la maladie : il s'agit d'une épidémie qui a touché toute la région, ou presque : Pecqueuse, à l'écart des routes et des zones d'opération est touché comme Thiais ou Bagneux. Rares sont les villages épargnés, comme Combault, où la mortalité est presque normale, ou le bourg d'Arpajon100.
77Les villages du premier groupe connaissent eux-mêmes une seconde pointe de mortalité. Il ne nous est pas possible d'identifier la nature de la maladie : Vincent de Paul ne la nomme pas, non plus qu'aucun des curés dans les registres que nous avons dépouillés.
78Cette mortalité extraordinaire peut-elle être imputée uniquement aux conséquences de la guerre avec ses destructions, ses exactions et ses occasions multipliées de contagion ? M. Goubert a noté, en Beauvaisis, le faible rôle de la guerre sur la démographie ancienne101. La mortalité de l'année 1649, dans la Région parisienne est certes supérieure à la moyenne, mais n'a, en aucune manière, le caractère catastrophique de celle de la Seconde Fronde. La campagne, il est vrai, avait été beaucoup plus courte, mais la véritable explication nous paraît être ailleurs.
79Si l'on considère la courbe des conceptions, dressée par années-récoltes, la chute contemporaine de la Fronde apparaît nettement, mais c'est l'année 1651 qui est celle de la catastrophe. Bien sûr, un certain nombre de femmes enceintes ont été frappées par l'épidémie, supprimant par là même quelques vies à naître. Mais le résultat d'ensemble est incontestable. Depuis les études de M. Meuvret, on sait qu'il convient de mettre ces phénomènes en liaison avec les crises de subsistances102. La récolte de 1651 avait été médiocre, succédant à d'autres mauvaises années. Les circonstances étaient donc favorables à une poussée de la mortalité et à une chute des naissances en 1652. La guerre a amplifié dans des proportions inhabituelles un phénomène trop fréquent de la démographie ancienne. L'épidémie a éclaté dans une région qui souffrait déjà de la sous-alimentation et elle y a trouvé un milieu favorable à son extension.
80Comme d'habitude, la crise semble anticiper les décès. La courbe de ceux-ci s'effondre dans les années suivantes, au moins jusqu'en 1655-56. On sait que la crise de 1660-1662 devait frapper de nouveau durement un pays qui se relevait à peine d'un tel désastre. L'accumulation sur une douzaine d'années de ces crises démographiques devait avoir à longue échéance des conséquences graves : la population de la Région parisienne a très certainement diminué assez fortement dans la seconde moitié du siècle. A Morangis, de 1629 à 1648, la moyenne annuelle des naissances est de 9,1, à Thiais de 28,4. Dans les deux décennies qui suivent la Fronde, la moyenne est légèrement plus élevée : 10,7 et 30,5. Mais elle s'effondre avec l'arrivée à l'âge adulte des générations creuses : de 1674 à 1693, elle n'est plus que de 7,8 à Morangis et de 23,3 à Thiais. Même observation à Rosny-sous-Bois : de 1638 à 1647 : 26 ; de 1674 à 1683 : 20,8 ; de 1694 à 1703 : 15,6. La natalité ne remonte qu'aux environs de 1720 ; limitée à 8 jusqu'en 1718, la moyenne annuelle de la paroisse de Morangis passe à 9 dans les vingt ans qui suivent ; à Rosny, la moyenne se relève à 20,4 de 1724 à 1733. Il serait évidemment excessif d'attribuer, à la seule année 1652, ces conséquences durables, mais elle y a contribué, de tout le poids de son exceptionnelle mortalité.
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81« J'intitule ces pièces démanchées, les Restes de la Guerre d'Estampes : tu as sceu çà que cette iadis ville est devenüe depuis : un moyen village, un désert, un cimetière... quelques privilèges que le Roy accorde à ce païs, il pourra bien l'empescher de mourir, mais non pas de languir un longtemps... », ainsi s'exprime René Hémard, bourgeois d'Étampes, dédiant en 1653 à un ami un recueil de poèmes103. La région devait, en effet, subir durablement les suites de la Fronde des Princes et les ruines accumulées en si peu de temps ne furent que lentement relevées.
82Il fallut d'abord remettre le sol en culture. Si les fermiers de Port-Royal avaient pu semer les blés en temps voulu, grâce à l'organisation de la défense, il n'en fut pas de même ailleurs. On manquait de main-d'œuvre : « On a grand-peine à cultiver la terre faute d'ouvriers104. » On manquait de matériel et de bêtes de trait. Les habitants de Saint-Leu, en mars 1653, exposaient ainsi leur situation après avoir rappelé les pertes matérielles subies pendant la campagne : « Outre les pertes ci-dessus, lesdits habitants en souffrent une très grande, parce que, la présente année, pour n'avoir eu de chevaux, ils n'ont pu labourer et semer que quelques vingt arpents de blé, au lieu de cent vingt qu'ils ont coutume de semer, et n'ont labouré que quelques quarante arpents pour semer en mars... De plus, faute de monde, il est demeuré et demeurera à labourer quantité de vigne, tellement que, l'août et vendange prochaine, ils ne peuvent pas espérer grande récolte105. » La remise en culture fut parfois très longue. Mathurin Goffier, vigneron de Villejuif, éteignait une dette de 60 livres en cédant à son créancier, en octobre 1654, 3 quartes de vigne « délaissées de toute fassons ordinaires au sujbect des mouvement de la guerre dernière et de peu de valeur et sans eschalatz ». En 1660 encore, des experts venant estimer quelques pièces de vigne au même terroir consignaient dans leur procès-verbal « qu'icelles vignes estoient délaissées depuis le temps et espace de sept années entières sans avoir estés labourées, fumiées, ny provignes et eschallassez et estant en friche et de nulle valeur, moings que terre labourable »106.
83Ruinés par les soldats, les paysans étaient dans l'impossibilité de payer leurs dettes. Les fermiers obtinrent des réductions de leurs termes pendant deux ou trois ans107. Un peu partout, il fallait régler des comptes fort embrouillés. Le fermier de La Noue-Rousseau, à Brétigny, traîne ses dettes et finit par faire faillite en 1658. La même année, le bail général de la terre de Brétigny laisse au preneur le droit de résoudre le bail, au cas où se produiraient des mouvements de guerre de Paris108. Si les salaires des manouvriers avaient augmenté, en raison même du manque de main-d'œuvre, le poids des tailles était encore plus lourd. La disparition de nombreux contribuables accroissait d'autant la part des survivants. Les arriérés s'accumulaient : en mars 1653, les taillables de Saint-Leu devaient encore une partie des impôts de 1647. Les assesseurs et collecteurs durent refaire leur répartition. Il fallait aussi payer les sommes empruntées pendant la campagne pour calmer les soldats. A Thiais, certains se refusaient à verser leur quote-part des 600 livres consacrées au payement des gardes pendant la vendange. En 1656, il restait douze sentences à exécuter et deux obligations à honorer ; deux ans plus tard, Geneviève Matard était encore poursuivie de ce chef109. Les habitants d'Orsay, qui avaient emprunté à leur Dame la contribution de guerre imposée par le commandant de la garnison, ne purent la rembourser lorsqu'elle leur en fit commandement en septembre. Ils obtinrent des délais, tant et si bien que la transaction finale n'intervint qu'en 1699 : Charles Boucher d'Orsay leur en fit remise contre reconnaissance du droit de corvée, réduit à un jour, par an110.
84Les ruines matérielles subsistèrent encore longtemps. Nous avons déjà cité ces maisons de Thiais et de Wissous, brûlées en 1652 et toujours en ruine une dizaine d'années plus tard. Le prieuré de La Saussaye était encore en fort mauvais état en 1659 et les religieuses ne pouvaient payer les réparations nécessaires111.
85L'insécurité durait. Des bêtes féroces couraient la campagne : à Vayres-sur-Essonnes, le 2 décembre 1654, le curé inhumait une femme « dévorée par la bête qui, depuis trois ans en çà, dévore les chrétiens, qu'on estime être des loups acharnés depuis ledit temps au sang humain », et il conclut, après avoir fait une description du cadavre mutilé : « Dieu veuille nous préserver d'une pareille mort112. »
86Peu à peu la vie reprit. Dès l'année 1653, veufs et veuves se remariaient en grand nombre, créant de nouveaux foyers, que de nouveaux enfants venaient peupler. Mais le souvenir de cette année terrible devait s'effacer moins vite dans la mémoire des hommes113.
Notes de bas de page
1 Rappelons simplement l'ouvrage de B.-P. Porchnev, présenté et critiqué par M. Roland Mousnier, Revue d'Histoire moderne et contemporaine, 1959, t. v, pp. 81-113, les articles de M. Holand Mousnier, Bulletin de la Société d'Études du xviie siècle, n° 2, 1949 ; n° i6, i952 ; nos 42-43, 1959 et la thèse encore inédite de M. Pierre goubert, sur le Beauvaisis.
2 Bertandry-Lagarane, Brétigny-sur Orge, Paris, 1885-1886, t. ii, p. 722.
3 Registres de l'hôtel de ville pendant la Fronde, Paris, 1846, t. i, p. 398, lettre du 21 mars i649.
4 Le récit des événements peut être retracé à partir des Mémoires des participants : Turenne, éd. Société de l'Histoire de France, Paris, i909-i914, York, coll. Michaud-Poujoulat, 3e série, t. iii ; Mlle de Montpensier, ibid., 3e série, t. iv ; Saulx-Tavannes, éd. Moreau, Paris, 1858 ; Le journal des guerres civiles de Dubuisson Aubenay, Mémoires de la Société d'Histoire de Paris, Paris, 1883, est particulièrement précieux.
5 Dubuisson-Αubenay, o. c., t. ii, p. 154.
6 Saulx-Tavannes, o. c., pp. 112-113.
7 Dum Basile Fleureau, Les Antiquitez de la ville et du duché d'Estampes.., Paris, i683, p. 267.
8 Saulx-Tavannes, o. c, p. 133.
9 René Hémard, La guerre d'Estampes en 1652, publ. par P. Pinson, Bull. de la Société historique du Gâtinais, 1883, p. 228. Ce récit écrit par un bourgeois de la ville complète les autres sources.
10 Turenne, O. C, t.I, pp. 188-190 ; Hémard, o. c, p. 231 ; Mlle de Montpensier, o. c, p. iii.
11 Turenne, O. C, t. i, p. 191
12 Saulx-Tavannes, o. c, p. i38 ; Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, p. 230.
13 Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, p. 232.
14 On levait le siège à l'heure où, selon Basile Fleureau, o. c, p. 279, les fourrages manquaient, permettant d'espérer la prise de la ville. Mlle de Montpensier, o. c, p. 113, parle du manque de munitions. Saulx-Tavannes, o. c, p. 147, est plus optimiste.
15 Turenne, o. c., pp. 195-200 ; Dubuisson-Aubenay, o. c, pp. 234-239.
16 Retz, Mémoires, éd. de la Pléiade, p. 681.
17 Conrart, Mémoires, coll. Michaud Poujoulat, 3e série, t. iv, p. 560 ; Retz, .. c., p. 686. Le départ des troupes semble s'être échelonné du 17 au 23 juin, cette dernière date donnée par les chroniqueurs d'Étampes, Hémard et Fleureau.
18 Turenne, o. c, t. i, p. 204.
19 Turenne, ibid., pp. 206 - 208.
20 André d'Ormesson, Mémoires, dans Olivier d'Ormesson, Journal, éd. Chéruel, Paris, 1860, t. ii, p. 666 donne 2000, le correspondant de Mazarin, cité par Chéruel, Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV, t. i, p. 237, dit 1 200 hommes le 9 août.
21 Turenne, o. c, t. i, pp. 21o-212 ; Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, p. 252.
22 York, o. c, p. 553.
23 Turenne, o. c, t. i, pp. 215-317.
24 Ibid., p. 217.
25 Retz, o. c, p. 738.
26 Roland Mousnier, Les xvie et xviie siècles, II. G. C, t. iv, p. 175.
27 Mère Angélique Arnauld, Lettres, Utreclit, 1741-1744, 3 vol. , t. ii, p. 65.
28 Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, Paris, 1883, t. ii, p. 18υ ; G. Leroy, Documents inédits sur les ravages des troupes dans la Brie au temps de la Fronde, Revue des Sociétés savantes des départements, 5e série, t. iii, 1872, pp. 670-676.
29 B. Fleureau, Histoire de l'abbaye de Villiers, publ. par Paul Pinson, Annales de la Société hist. et arch. du Gâtinais, t. xi, 1893, pp. 1-125, pp. 80-83.
30 Abbé A.-E. Genty, Histoire de La Norville, Paris, 1885, p. 89 ; Bertandry-Lacabane, Brétigny-sur-Orge, Paris, 1885-1886, t. i, 338 ; t. ii, pp. 301 et 306, Arch. de S.-et-O., Ε 5393, procès-verbaux des dégâts, 16 juillet 1652.
31 Reg. Par. de Palaiseau, cité par F. Cossonnet, Recherches historiques sur Palaiseau, Versailles, 1895, p. 355.
32 R. Hémard, o. c., 230 ; Joseph Guyot, Histoire d'une ville royale, Dourdan, Paris, 1869, p. 112 ; Charles Forteau, Les registres paroissiaux du canton de Méréville, Étampes, 1910, p. 191 ; Arch. Comm. de Bonnelles, Reg. Par., 26 juin 1652.
33 Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, pp. 209, 214 et 210.
34 Omer Talon, Mémoires, coll. Michaud-Poujoulat, 3e série, t. vi, p. 488.
35 Attestation du 23 juin, publ. dans Bull, et compte rendu des travaux de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Brie-Comte-Robert, t. i, 1898, p. 58.
36 Dom Bouillart, Histoire de l'abbaye Saint-Germain-des-Près, Paris, 1724, p. 247 ; Arch. Nat., S 3191, f 127, 154, 163 et S 2999, f° 199 (Terriers).
37 Arch. Nat., ZZ1 552, Acte du 31 mars 1659.
38 Dom Felibien et Dom Lobineau, Histoire de Paris, Paris, 1755, t. ii, p. 1430 ; Dubuis-Son-Aubenay, op. cit., t. ii, p. 263.
39 Auguste Rey, Épisodes de la Fronde dans la vallée de Montmorency, Paris, 1905, extr. des Mémoires de la Société historique et archéologique de Pontoise et du Vexin, t. xxvi, pp. 8-9 et 12.
40 G. Leroy, Documents inédits, op. cit., p. 673.
41 Mère Angélique Arnauld, Lettres, t. ii, p. 98.
42 Mme de La Guette, Mémoires, éd. Charles Moreau, Paris, 1856, pp. 109-110.
43 Reg. Tar. cité par Charles Mottheau, Brunoy, esquisse historique, Paris, 1904, p. 29 ; G. Leroy, op. cit., p. 674 ; C. Legras, Passage d'une armée royale à Presles, Bull, de la Société hist. et arch. de Brie-Comte-Robert, t. i, 1898, p. 166. Cf. aussi Chéruel, op. cit., t. i, p. 358 (Lettre du 11 octobre).
44 Turenne, o. c, t. i, p. 191 ; Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, p. 234.
45 Saulx-Tavannes, o. c, p. 147 ; Hémard, o. c., pp. 236-237.
46 Paul Pinson, Le ravitaillement de l'armée royale à la fin du siège d'Étampes en 1652, Bull, de la Soc. de Corbeil, d'Etampes et du Hurepoix, t. v, 1899, p. 74.
47 Extrait du Livre des choses mémorables de l'abbaye de Saint Denis, publ. dans Le Roux de Lincy et Douet d'Arcq, Registres de l'Hôtel de Ville de Paris pendant la Fronde, Paris, 1846-1848, t. iii, p. 432.
48 Mme de La Guette, o. c, p. 92.
49 Conrart, o. c, p. 586.
50 Turenne, t. 1, pp. 216-2t7.
51 Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, p. 279 ; cf. aussi pp. 288-289 et une lettre du 9 août à Mazarin, citée par Chéruel., o. c, t. i, p. 237.
52 Dans un inventaire après décès du 18 janvier 1616 (Arch. Nat. ZZ1 538), d'un laboureur de Villejuif, la veuve déclare avoir fait porter à Paris la récolte de vin de l'année « à cause de bruit de guerre qui coure à présent ».
53 Dubuisson-Aubenay, o. c, t. ii, pp. 211 et 214 ; les registres des Insinuations du Châtelet (Arch. Nat., Y 189, inv. analytique) mentionnent de nombreux campagnards « actuellement demeurant à Paris ».
54 Délibérations de l'ancien Bureau de l'Hôtel-Dieu, publ. par M. Briele, Coll. de Documents pour servir à l'histoire des Hôpitaux de l'aris, t. i, Paris, 1881, p. 94 ; Arch. Nat. ZZ1 550.
55 Mère Angélique Arnaud, o. c., t. ii, p. 101.
56 Basile Fleureau, Histoire de l'abbaye de Villiers, p. 80. L'abbesse était restée aux environs, au château de Fleury-en-Bière.
57 Angélique Arnauld, .. c, t. ii, p. 120.
58 Olivier Lefèvre d'Ormesson, Journal, t. i, p. xvi ; Victor Malte-Brun, Montlhéry, son château et ses seigneurs, Paris, 187o, p. 65 ; abbé Lebeuf, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, rééd. Bournon, Paris, 1883, t. iii, p. 454.
59 Reg. Par. cité par Guyot, o. c., p. 119 ; Reg. Par. de Champlan, 25 mai 1652. Baptême d'une fille née le même jour au château de Palaiseau ; cité par Cossonnet, Recherches historiques sur Champlan, Paris, 1926, p. 107 ; Arch. de la Seine, E supp. , état civil d'Arcueil, attestation du vicaire du 4 août 1652, reliée après l'année 1682.
60 Dubuisson-Aubenay, o. c., t. ii, p. 288.
61 A. Dufour, Quatre lettres de Jacques Bourgoing, Bull, de la Société hist. et archéol. de Corbeil, d'Étampes et du Hurepoix, t. xviii, 1912, p. 109 ; Arch. de S.-et-O., E 6894, Inv. du 26 nov. 1652.
62 E. Galtier, La Fronde, Le Vieux Saint-Maur, 9e année, avril 1932, p. 158 ; Arch. de la Seine, Ε supp. , état civil de Champigny.
63 Mme de La Guette, o. c., pp. 90, 94.
64 Cité par E. Galtier, ibid., p. 158.
65 Mme de La Guette, ibid., p. 95.
66 G. Leroy, Histoire de Melun, Melun, 1887, p. 361.
67 Pour Port-Royal, voir Mère Angélique Arnauld, o. c., pp. 110, 112, 139, 144 et les Mémoires de Pierre Thomas du Fossé, édit. par F. Bouquet, Rouen, 1876-1879, t. i, pp. 217 à 239.
68 Pierre Thomas du Fossé, o. c., t. i, p. 218.
69 Ibid,, t. i, p. 220.
70 Ibid., t. i, p. 225 et A. Arnauld, o. c., t. ii, p. 112 (16 mai).
71 Lebeuf, op. cit., t. iv, p. 190.
72 Arch. Nat. T* 1871, p. 18.
73 Obligation du 3 octobre 1652 ; (Arch. Nat., ZZ1 471) et acte du 4 décembre 1658, indiquant l'utilisation des 600 livres (ibid., ZZ1 475).
74 Omer Talon, Mémoires, p. 487.
75 Recueil des relations contenant tout ce qui s'est fait pour l'assistance aux pauvres... Paris, 1655 (recueil factice, Β.Ν., Ib37 34).
76 Dubuisson-Aubenay, op. cit., t. ii, p. 281.
77 lbid., t. ii, p. 263 ; A. Dufour, op. cit., lettre du 4 août.
78 Pierre Thomas du Fossé, Mémoires, t. i, pp. 225-228.
79 Dubuisson-Aubenay, op. cit., t. ii, p. 234 ; Mme de Montpensier, Mémoires, p. 116.
80 Registres de l'Hôtel de Ville pendant la Fronde, t. ii, p. 362 ; t. iii, p. 129.
81 Registres de l'Hôtel de Ville, t. iii, pp. 117, 231.
82 Angélique Arnauld, Lettres, t. ii, p. 161 ; saint Vincent de Paul, Correspondance, éd. P. Coste, t. iv, p. 430.
83 Cité par Bertandry-lacabane, Brétigny-sur-Orge, t. ii, p. 723 ; J. Guyot, Histoire de Dourdan, p. 120.
84 Arch. Nat. ZZ1 471, ibid., ΖΖ1 530 (répertoire), E. M., Quelques mots sur la Fronde à Brie-Comte-Robert, Bull, et compte rendu des travaux de la Soc. d'Hist. et d'Archéol. de Brie-Comte-Robert, t. i, 1898, p. 57.
85 Recueil des relations ; Estat sommaire des misères de la campagne et besoins des pauvres aux environs de Paris, Paris, 1652, 12 p. (B.N. Lb37 3176).
86 Estat sommaire, pp. 2 et 3.
87 Alphonse Feillet, La misère au temps de la Fronde et saint Vincent de Paul, Paris, 1868 ; Alexandre Feron, La vie et les œuvres de Ch. Maignart de Bernières, Paris, 1930.
88 Recueil des relations, op. cit.
89 Vincent de Paul, Correspondance, t. iv, pp. 424, 435, 437, 487, etc.
90 Recueil des relations, Abrégé véritable contenant le particulier de ce qui s'est fait pour le soulagement des pauvres des villages du diocèse de Paris, 24 octobre 1652.
91 Estai sommaire, op. cit., p. 8 ; Mémoire des besoins de la campagne aux environs de Paris, du vingtiesme novembre 1652 (B.N., 1.b37 3181).
92 Magasin charitable, janvier 1653, cité par Feuillet, op. cit., p. 443.
93 Angélique Arnauld, Lettres, t. ii, pp. 263, 431 ; André d'Ormesson, Journal, op. cit., t. ii, p. 673.
94 Cette étude repose à la fois sur des dépouillements personnels des Registres paroissiaux et des monographies locales. Nous indiquons ces sources : Bagneux : Arch. Seine, E supp. ; Bessancourt : Auguste Rey, Épisodes de la Fronde dans la vallée de Montmorency, Mémoires de la Société historique et archéologique de Pontoise et du Vexin, t. xxvi, 1905 ; Bièvres : Arch. Comm ; Bonnelles : Arch. Comm. ; Bouffemont : A. Rey, op. cit ; Brétigny-sur-Orge : Bertandry-Lacabane, op. cit., p. II, p. 708 ; Champigny : Arch. Seine, E supp. ; Champlan : E. Cossonnet, Recherches historiques sur Champlan, Paris, 1926, p. 108 ; Chauvry : A. Rey, op. cit. ; Chevry : Roger Coulard, Chevry-en-Brie, Le vieux Saint-Maur, 10e année, fév. 1933, pp. 174-175 ; Chilly : Léon Risch, Le vieux Chilly, Revue d'histoire de Versailles et de S.-et-O., 1934, p. 110 ; Combault : Édouard Lebeau, Trois paroisses de la Brie française ; Pontault, Berchères-et-Combault, Pontattll-Combault, 1954, pp. 169-173 ; Combs-la-Ville : Gabriel Leroy, Histoire de Melun, Melun, 1887, p. 363 ; Coubert : ibid. ; Créteil : Emile Galtier, La Fronde, Le vieux Saint-Maur, 9e année, avr. 1932, p. 159 ; Épinay-sttr-Orge : abbé A.-E. Genty, Epinay-sur-Orge, Paris, 1893, p. 63 ; Guillerval : Charles Forteau, Les registres paroissiaux du canton de Méréville, Étampes, 1910, p. 191 ; Groslay : A. Rey, op. cit. ; La Norville : A.-E. Genty, Histoire de La Norville, Paris, 1885, p. 89 ; La Varenne, É. Gai.tier, op. cit. ; La Queue-en-Brie : É. Lebeau, op. cit. ; Lésigny : ibid. ; Limours : Alphonse Feillet, La misère au temps de la Fronde, Paris, 1868, p. 371 ; Melun : G. Leroy, op. cit. ; p. 363 ; Montmorency : A. Rey, op. cit. ; Morangis : Arch. Comm. ; Palaiseau : F. Cossonnet, Recherches historiques sur Palaiseau, Versailles, 1895, p. 355 ; Pecqueuse : Arch. Comm. ; Pontault : É. Lebeau, op. cit. ; Romainville Gabriel Husson, Histoire de Romainville, Paris, 1905 ; Rosny-sous-Bois, Arch. Seine, Ε supp. ; Saint-Cyr-la-Rivière : C. Forteau, op. cit., p. 336 ; Saint-Denis : Fernand Bournon, Histoire de la ville et du canton de Saint-Denis, Paris, 1892, p. 28 ; Thiais : Arch. Seine, Ε supp. ; Torfou : abbé Lebeuf, Histoire de la ville et du diocèse de Paris, éd. Bournon, Paris, 1883, t. iv, p. 190.
95 Michel Fleury et Louis Henry, Des registres paroissiaux à l'histoire de la population, Paris, I.N.E.D. ; nombreux articles, en particulier : Pierre Goubert, Une richesse historique en cours d'exploitation : les registres paroissiaux, Annales (E.S.C.), 1954, n° I, pp. 83-93.
96 Cité par Léon Risch, A travers quelques registres paroissiaux de Seine-et-Oise, Revue d'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1932, pp. 186-196.
97 P. M. Pages, Essai d'histoire de saint Vincent de Paul dans le diocèse de Versailles, Versailles, 1909, p. 16.
98 Charles Forteau, La paroisse Saint-Pierre-d'Etampes, Bull, de la Société de Corbeil..., t. xiii, 1907, p. 39 ; Henri Espaullard, Histoire de la ville de Noisy-le-Sec, Paris, 1905, p. 439.
99 Nouveau dénombrement du royaume par généralitez, élections, paroisses et feux, chez Saugrain, Paris, 2e éd., 1720 (cf. Les observations de M. Esmonin, dans L'abbé Expilly et ses travaux de statistique, Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. iv, 1957).
100 É. Lebeau, op. cit., p. 170 ; J.-M. Alliot, Les curés d'Arpajon, Arpajon, 1889, p. 32.
101 Pierre Goubert, En Beauvaisis : problèmes démographiques du xviie siècle, Annales (E.S.C.), 1952, pp. 453-468.
102 Jean Meuvret, Les crises de subsistance et la démographie de l'Ancien Régime, Population, n° 4, 1946, pp. 643-650.
103 René Hémard, Les restes de la guerre d'Estampes, éd. P. Pinson, Paris, 1880, p. 10.
104 Angélique Arnauld, Lettres, t. ii, p. 263 (29 janv. 1653).
105 Auguste Rey, Épisodes de la Fronde dans la vallée de Montmorency, op. cit., p. 13.
106 Arch. Nat., ZZ1 551, 28 oct. 1654, ibid., ZZ1 553, 9 mars 1660.
107 Délibérations de l'ancien Bureau de l'Hôtel-Dieu, op. cit., t. i, p. 96 ; Livre des choses mémorables..., dans Registres de l'Hôtel de Ville de Paris, op. cit., t. iii, p. 427.
108 Marc Venard, Bourgeois et paysans au xviie siècle, Paris, 1957, pp. 98-99.
109 Arch. Nat, ZZ1 474, f° 82; ZZ1 475, f° 176.
110 Arch. Nat., Τ* 1871, pp. 3 et 18.
111 Arch. Nat., ZZ1 452, 3 mars 1659.
112 P.-M. Pages, op. cit., p. 16.
113 Depuis la rédaction de cet article, M. le Curé de Savigny-sur-Orge nous a très aimablement communiqué les chiffres suivants, qui confirment les données que nous avons rassemblées. Dans cette paroisse-refuge, d'environ 120 feux, on inhume en 1652 18o personnes dont 67 horsains. La mortalité, de l'ordre de 20 % pour le village, atteignit son maximum en été : 53 décès en août, 38 en septembre et 24 en octobre — les deux tiers du total de l'année
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