La rente foncière, indice conjoncturel ?
p. 59-80
Texte intégral
1Prix, production, revenus... Toute la réflexion des historiens à la recherche de la conjoncture s'exerce avant tout sur ces éléments dont les fluctuations rendent compte des mouvements profonds ou rapides de l'inconnue qu'on traque1. Le premier volet est maintenant connu avec une précision suffisante2. On peut sans doute éditer de nouvelles mercuriales, constituer de nouvelles séries complétant notre information régionale ou permettant d'ajouter de nouveaux produits à ceux dont on possède déjà les prix. Pour les siècles des Temps modernes, l'esquisse est tracée avec force, le mouvement d'ensemble bien défini. La production est moins bien connue, mais les premiers résultats de l'enquête sur les dîmes sont prometteurs, au moins pour la céréaliculture, dont nous savons qu'elle représente l'essentiel des fruits de la terre, en un temps où l'agriculture demeure l'activité économique prioritaire3. Et la thèse d'Hugues Neveux, pour le Cambrésis, montre toutes les possibilités d'une étude sur la longue durée4.
2Les revenus résistent encore aux investigations. Non que les historiens ne s'en soient, et très tôt, préoccupés. Depuis Levasseur et Zolla, bien des auteurs ont recueilli des « séries » de salaires, de loyers, tenté d'évaluer le profit. Mais la nature même de la documentation, sa dispersion et son hétérogénéité sont des obstacles à peu près insurmontables au niveau des méthodes classiques. Ici aussi, l'histoire doit se faire sérielle pour aboutir à des résultats suffisamment généraux.
3Revenu fondamental des groupes possédants, la rente foncière mérite une attention particulière par son importance sociale, sa liaison avec le niveau général de la production, et donc avec la plus ou moins bonne santé de l'économie, enfin sa relative facilité d'approche5.
4Dans cette brève étude, il ne s'agit évidemment pas de renouveler, après tant de chercheurs et de théoriciens, l'étude de la rente foncière6. On souhaite plutôt dresser un état de la question, agrémenté de quelques interrogations, voire d'inquiétudes, prétexte non pas au découragement de l'hypercritique, mais bien plutôt à de nouvelles recherches.
I. — Comment connaître et mesurer la rente foncière ?
5« La rente est cette portion du produit de la terre que l'on paie au propriétaire pour avoir le droit d'exploiter les facultés productives et impérissables du sol », ainsi s'exprime Ricardo, auquel il faut toujours revenir7. Les choses paraissent claires, elles le sont moins lorsqu'on les examine de plus près dans la France d'Ancien Régime. Les redevances foncières seigneuriales, cens recognitif, champart sous ses noms variés, ne sont-elles pas une expression de ce « droit d'exploiter », obtenu du « propriétaire éminent » qu'est le seigneur ? On écartera facilement l'objection. La perpétuité et la fixité des charges liées à la seigneurie en font un type de revenu différent. Et ni Ricardo, ni Marx, ni aucun économiste classique n'a confondu la rente seigneuriale et la rente foncière. Celle-ci existe bien avant 1789 : fixée par un contrat temporaire, elle est versée par l'exploitant au détenteur de la « propriété utile », elle néglige le statut juridique du sol comme celui du propriétaire. Elle varie selon les lieux, les temps, les circonstances. Ce sont deux types de revenu bien différents. Mais qui se trouvent parfois mêlés d'une manière inextricable.
6L'exemple de la Gâtine poitevine le montre : le métayer verse un loyer en grains pour les terres du domaine, une somme d'argent représentative de la jouissance des bâtiments, des suffrages variés mais il acquitte également les droits et devoirs seigneuriaux, cens, champarts, corvées, même si le seigneur se confond avec le propriétaire bailleur, un peu comme s'il était censitaire sur la réserve8. Malgré ces situations marginales, les choses sont généralement assez claires.
7Si nous posons le problème des sources, nous pouvons privilégier deux catégories de documents utilisables. D'une part, des séries de baux concernant une même exploitation sur une longue période, assez souvent du xve siècle à la Révolution, voire au-delà jusqu'à nos jours. Par la force des choses, ces longues séries se trouveront surtout dans les archives des communautés religieuses ou hospitalières, assurées de la perpétuité. D'autre part, une masse énorme de baux parcellaires, conservés dans les minutiers notariaux, analysés et rassemblés dans les registres du contrôle des actes, hélas, bien tardivement9. Ces baux fournissent, à une date donnée, un loyer et une consistance du bien amodié. Deux grandes séries documentaires, l'une plus monographique, plus qualitative, l'autre, plus sérielle, plus quantitative, justiciables de traitements différents, et qui réclament une critique différenciée.
8S'agissant de baux concernant une exploitation, plusieurs difficultés préalables se présentent. D'abord l'opposition entre bail à part de fruits et bail à loyer fixe. Dans le premier cas, en l'absence d'une comptabilité d'entreprise, le mouvement de la rente nous échappe. Or, il est évidemment très rare de disposer du document éclairant10. L'inquiétude s'accroît si l'on songe que le bail à part de fruit, à l'échelle du royaume, est sans doute le mode de faire-valoir le plus répandu et qu'ainsi, la majorité des exploitations affermées ne peut entrer dans notre enquête. On peut cependant se rassurer en constatant que le bail à terme et à loyer fixe prédomine largement dans toutes les provinces du Nord et n'est jamais absent ailleurs.
9Seconde difficulté à écarter : la nature composite de certains baux. Si nous souhaitons retrouver le mouvement de la rente foncière pure, il convient, dans un premier temps, de mettre à part les contrats qui englobent à la fois la jouissance d'une ferme et des éléments du complexum feudale — levée des cens et des champarts, perception des lods et ventes, des amendes de justice, collecte des dîmes —-, ou d'autres sources de revenu, comme des coupes de bois11. Non que ces baux ne puissent, à leur manière, témoigner : l'exploitation en est généralement l'élément essentiel. Mais les fluctuations sont ici animées d'un mouvement propre.
10Restent les difficultés « ordinaires » qui amèneront le chercheur à éliminer bien des séries. Il faut connaître la superficie de l'exploitation et ses éventuelles modifications. Bon nombre de baux, surtout dans les régions de petite culture, se contentent de nommer le domaine, la closerie, la métairie, et l'on peut s'interroger, surtout dans le long terme, sur la constance de l'objet affermé12. Beaucoup de fermes, à travers le pays, ont accru peu à peu leur surface au rythme du patient labeur des rassembleurs de terre13. On peut songer, dans ce cas, à une correction proportionnelle des loyers. Mais ce procédé risque d'être trompeur : nous verrons tout à l'heure que le taux de la rente n'est pas le même pour les parcelles, les petites exploitations, les grandes fermes. De même, il faudrait tenir compte du remembrement qui, sans modifier la surface globale, concentre les parcelles et améliore les conditions d'exploitation. Pour une superficie presque identique — 414 et 420 arpents —, la ferme du chapitre de Notre-Dame de Paris à Wissous passe de 178 pièces en 1700 à 107 pièces en 177414. Au milieu du xvie siècle, le même domaine couvrait 381 arpents, mais se répartissait en un bien plus grand nombre de parcelles. Peut-on affirmer que ces modifications de structure ont été sans effet sur le niveau de la rente foncière exigée ?
11Lorsqu'on passe de la collecte de séries de baux concernant une exploitation bien définie à la masse des baux parcellaires fournis par le dépouillement des fonds notariaux, les problèmes sont différents, mais les précautions à prendre ne sont pas moindres. D'abord, on sera amené à éliminer les très nombreux baux qui englobent des parcelles de nature différente : ici, une maison et des terres, là, des labours et des vignes, là encore, des champs et des prés. De même, tous les contrats ne mentionnant pas les superficies. On est alors frappé, compte tenu de la masse des minutes dépouillées, du nombre relativement limité de contrats pouvant être utilisés avec certitude. Ajoutons qu'on devra, dès ce stade, se méfier des pièges de la métrologie ancienne. Le même nom de mesure agraire peut dissimuler, à l'intérieur d'un même terroir, des réalités différentes. A Ferrières-en-Brie, selon les chantiers, l'arpent équivaut à 35 a 28 ca ou à 42 a 21 ca15... Parfois, le bail précise heureusement la mesure employée, mais le plus souvent, le document reste silencieux.
12Quoi qu'il en soit, à la fin d'un long travail de dépouillement et de critique « externe », le chercheur peut espérer rassembler, pour un secteur géographique limité, une masse d'informations solides, qu'il s'agit de traiter.
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14Dans une première phase de l'enquête, il convient de préserver l'individualité des grosses exploitations et de ramener les baux collectés à une série homogène, susceptible d'être « visualisée » en une courbe aussi longue que possible. Le problème délicat est posé par la composition du loyer. Le cas le plus favorable est fourni par un fermage en nature, exprimé en grains. Mais il s'agrémente souvent de prestations supplémentaires, en nature, en travaux, en argent, dont le poids n'est pas négligeable. J. Meyer l'évalue, pour la Bretagne du xviiie siècle, à 15 ou 20 %, parfois plus16. Souvent, c'est au niveau de ces suffrages que se traduit la pression croissante des exigences des propriétaires, alors que le loyer principal reste à peu près stable. Le fermier du prieuré de la Saussaye, à Villejuif, livre aux religieuses 16 muids et 4 setiers de grains, en 1648 comme en 1628, mais les 6 chapons qui s'y ajoutent sont devenus 12 et il y ajoute 900 L.t.17. 11 est nécessaire de ramener tous ces éléments à une commune unité. Les baux le permettent parfois en établissant une équivalence : par exemple, 4 porcs gras ou 12 L.t. Mais certaines charges sont plus difficilement quantifiables : les bottes de paille, les charrois, les « hottées » de fruits, les voitures de fumier pour les vignes, le « labour du clos ». Il reste assez souvent une marge d'incertitude, sans effet dans les moments de forte hausse ou de forte baisse, mais de nature à fausser l'interprétation dans les périodes plus calmes. Beste que, le plus souvent, le loyer en nature a fait place, à une date variable, à la rente en argent et qu'il faut ajuster les séries. Le problème est d'importance. Disons de suite qu'il ne nous paraît pas résolu de manière satisfaisante. Dans son étude sur les baux des domaines du chapitre de Notre-Dame de Paris, J.-P. Desaive a écarté les baux à loyer mixte ou arrêté les séries au moment du passage d'un type de loyer à l'autre18. On peut songer à « déflater » et la plupart des études récentes ont sacrifié à cette mode. Mais l'examen des résultats incite à la méfiance. Développons un exemple précis19. La ferme du Petit-Vivier couvre 200 arpents de bons labours au-dessus d'Orsay. En 1605, Pierre Poussepin la loue pour neuf ans. Le fermage, deux tiers blé, un tiers avoine est de 7 muids 4 setiers 4 boisseaux, soit 66 setiers et 2 boisseaux de blé et 22 setiers un boisseau d'avoine. Au milieu du siècle, les propriétaires optent pour le loyer en argent : 500 L.t. en 1644, 600 L.t. en 1646 (le fermier est mort), 600 L.t. en 1653. Cette même année, la ferme est vendue aux Célestins de Marcoussis qui reviennent en 1658 au loyer en grains : 90 setiers, dont 72 de froment, 12 de méteil et 6 d'avoine. Si l'on défiate les loyers en argent avec les prix relevés sur le marché voisin de Montlhéry, on obtient 35,7 setiers (1644), 42,8 setiers (1646), 37,9 setiers (1653)20. La cohérence de ces résultats entre eux paraît satisfaisante, mais la comparaison avec l'aval ou l'amont est pratiquement impossible. Cet inconvénient n'est pas mince. Sur bien des graphiques publiés, de brusques mouvements en hausse ou en baisse traduisent uniquement le passage d'un loyer en grains à un loyer en argent déflaté par l'historien. Ils ont de fortes chances d'être purement fictifs21.
15Mais nous sommes ici dans l'individuel d'une exploitation précise... On pourra trouver rassurant le rassemblement de centaines ou de milliers de chiffres concernant les loyers parcellaires. Encore faut-il, ici aussi, prendre conscience des pièges. Sur un même terroir, les terres sont de qualités différentes. Les tentatives de taille tarifée du xviiie siècle comme l'expérience beaucoup plus ancienne des compoix méridionaux tiennent compte de ce fait. Il est naturel que les loyers à l'unité de surface soient différents. Même lorsqu'il y a une réelle unité du terroir — sur les plateaux à limon de la France du Nord —, le chercheur est frappé par des discordances surprenantes22. Il s'agit parfois, comme la lecture du bail le montre, d'un arrangement entre cohéritiers, d'une liquidation de dette.
16Heureusement, la loi des grands nombres et des compensations joue. Encore faut-il que la population statistique soit assez nombreuse pour cela. Il serait utile que soit toujours mentionnée, par les auteurs de tableaux et de courbes, la base du calcul. Malgré les inconvénients de toute moyenne, il paraît inévitable de devoir regrouper les données par périodes quinquennales ou décennales. Au bout du compte, on peut espérer obtenir, pour un terroir donné, une assez longue série de loyers moyens, respectivement calculés pour les terres, les vignes, les prés, etc. La majorité des loyers parcellaires, dès le xvie siècle, est stipulée en argent. Nous retrouvons donc le problème de la conversion permettant la comparaison sur le long terme, et d'une province à l'autre. Redisons nos inquiétudes devant l'emploi d'un réducteur aussi sensible que le prix des grains, même si les variations étonnantes des cours sont atténuées par l'emploi d'une moyenne mobile, voire d'une moyenne tronquée mobile. On nous dira que l'indice céréalier n'est ici qu'un pis aller, le substitut imparfait d'un « indice général des prix » impossible à construire. Mais les résultats obtenus n'en suscitent pas moins l'étonnement.
17Prenons l'article pionnier, en ce domaine, publié par B. Veyrassat-Herren et E. Le Roy Ladurie, à partir d'un abondant matériel23. Tableaux et courbes couvrent une très longue période, de 1520-1525 à la décennie de la Révolution. Les loyers nominaux des terres passent, en gros, de l'indice 4 à l'indice 125 (100 = 1670-75), ce qui ne fait que traduire la profonde dépréciation de la monnaie de compte. En traduction métallique, le loyer révolutionnaire est huit fois plus élevé que celui du temps de François Ier. C'est exactement ce que nous montre la courbe déflatée qui passe de l'indice 16,2 à l'indice 124,5. Ceci dit, en valeur réelle, en pouvoir d'achat, on peut s'interroger sur ce résultat : comment croire que le propriétaire a multiplié par cinq ou sept l'équivalent grains de son prélèvement ? Et quelle signification économique et sociale tirer de ce résultat si l'on se place du point de vue de l'exploitant ? Même sur le moyen terme, le procédé reste sujet à caution.
18Pour en terminer avec cette série d'observations critiques, et sans doute excessivement critiques, il convient de rappeler qu'entre les séries les plus continues et les plus sûres et la réalité, il y a encore des écarts. Tout d'abord, parce que les fermages fixés par les baux sont souvent modifiés par la pratique des pots-de-vin ou des contre-lettres. Le « vin du marché », ou plus galamment les « épingles de la dame », ont longtemps mérité leur nom de pourboire. Dans la région parisienne, même au temps de la rente triomphante du xviie siècle, ils ne représentent qu'un supplément minime, surtout si on le rapporte à la durée du bail. Les choses semblent changer au xviiie siècle. D'un bout à l'autre du royaume, le pot-de-vin se généralise, en Bretagne comme en Bourgogne, en Hainaut comme en Anjou24. Mieux, il s'alourdit jusqu'à représenter couramment plus d'une demi-année de loyer. En 1774, selon Louis Michel, il s'élevait autour d'Angers entre 34 et 83 % d'une année. Vingt ans plus tard, pour ses domaines du Saumurois, l'abbaye Saint-Aubin exige des sommes bien supérieures : ici, 2 400 L. pour un bien affermé 1 300 L., et, record absolu, 5 100 L. pour 1 600 L. Nous sommes en présence d'un véritable droit d'entrée.
19A l'inverse, entre le loyer fixé, qui exprime une estimation réciproque et contradictoire du partage possible du revenu escompté, qui traduit un rapport de forces à une date donnée et le loyer effectivement versé par l'exploitant et reçu par le propriétaire, l'événement introduit de sensibles différences. Par nature et par tradition, le paysan essaye de reculer les échéances, de fragmenter les payements, qu'il s'agisse du quartier de la taille, des deniers dus au maréchal ou au forgeron du village, des gages aux valets de cour, et, bien sûr, du loyer. La rareté des comptes de fermage nous prive de la documentation de base, mais nous voyons très bien ce recul des versements à chaque fois que nous appréhendons leur réalité25. Cette tendance naturelle s'exaspère en temps de crise et s'accompagne alors de demandes expresses de reports et, plus encore, de réduction. Les propriétaires, à leur corps défendant, finissent par se résigner. Entre 1550 et 1569, pour les domaines de l'hôpital Saint-Julien de Cambrai, 1' « indice de versement » varie de 1,03 à 0,35, la moyenne n'étant que de 0,78... Le poids réel de la rente foncière a été amputé d'un quart26. Il en fut ainsi dans les mauvaises années des guerres de Religion, au lendemain de la Fronde, dans les années difficiles des bas prix des grains vers 167027.
20Au terme de ce trop long exposé critique, il est souhaitable de reprendre courage. Nous devons continuer à rassembler, à critiquer, à traiter l'information, en utilisant toutes les ressources d'une statistique profondément bouleversée par les possibilités de l'ordinateur. Mais il convenait de rappeler, peut-être sur un ton trop sceptique, que les historiens de la modernité travaillent sur un matériel de qualité souvent médiocre, sur un échantillonnage fourni par le hasard de la conservation des documents et qui est loin de répondre aux exigences de nos sondages scientifiques contemporains. Et que, comme la plus belle dîme, la plus belle série de baux ne peut donner que ce qu'elle a28.
II. — L'état de nos connaissances : esquisse du mouvement de la rente foncière du xvie siècle à la Révolution
21Les publications nombreuses qui ont traité de la rente foncière et de son mouvement permettent, d'ores et déjà, à la lumière des mouvements concordants de dessiner, à l'échelle de grandes régions, voire du royaume, quelques lignes d'évolution. Encore reposent-elles surtout sur des séries de baux d'exploitations plutôt que sur le traitement statistique des baux parcellaires. Dans ce domaine, tout, ou presque, reste à faire.
22Le xvie siècle est le moins bien connu des trois siècles des Temps modernes. On ne s'en étonnera pas. D'abord, et nous y reviendrons, parce que la pratique de l'amodiation n'est pas encore universellement répandue, surtout dans les premières décennies. Le bail à cens, le bail à rente d'héritage, le bail emphytéotique sont encore des formes normales de la mise en valeur, par les seigneurs ou les propriétaires non ruraux. Mais le bail à ferme existe pour les grandes exploitations dans les provinces du Nord. La courbe établie par J.-P. Desaive à partir des baux en nature de huit domaines du chapitre cathédral de Paris donne une bonne image séculaire29. La rente en nature s'accroît sensiblement : 0,45 setier pour un arpent vers 1475, dans la phase de reconstruction ; 0,7 vers 1500 ; 0,95 vers 1590. Cette montée globale s'accompagne de fluctuations : baisse sensible vers 1510, entre 15G5 et 1575, poussée vers 1560 (0,85 setier). Nos propres observations confirment ce mouvement30. Le loyer en grains des 25 arpents de labours formant la dotation de l'office des Anniversaires à Wissous passe de 8 setiers de grains en 1479 à 20 en 1494, 25 en 1520, 1528, 1547, 30 setiers en 1560 (plus un porc gras) : on est passé de 0,33 à 1,1 setier par arpent31.
23Cambrésis et Picardie viennent renforcer cette esquisse et attester d'une certaine unité de la France du Nord. Ici, la rente s'élance après 148532. Si la part de grains reste sensiblement la même, des suffrages annexes (bétail, foin, paille, petite somme en argent monnayé) viennent alourdir le poids réel des fermages. Les maxima sont atteints vers 1540 et la rente plafonne durablement. Mais nous savons déjà qu'après 1555, les versements se font irréguliers. Aux alentours d'Amiens, sur les domaines de l'Hôtel-Dieu, la rente, déjà élevée en 1530, continue sur sa lancée : en trente ans, le total des adjudications de onze domaines passe de l'indice 100 à l'indice 10833. Palier donc, jusqu'aux malheurs de la Ligue. Les trente dernières années du siècle offrent un aspect contradictoire. La courbe parisienne montre de très hauts niveaux entre 1575 et 1592, mais ce n'est là qu'illusion, typique de la différence entre les stipulations d'un contrat et la rente réellement perçue. Les remises de loyer, les ruptures de baux se multiplient dans ces mêmes années et le chapitre cathédral, comme tous les propriétaires, doit renoncer à faire respecter les clauses des baux. Les nouveaux baux conclus après le rétablissement de la paix enregistrent cette crise de l'exploitation : la chute des loyers est de 20 à 35 %.
24A cette image septentrionale — forte ascension jusque vers 1540, sommet maintenu, parfois durablement, divorce entre les textes et le réel après 1580, chute dans la dernière décennie du siècle, on peut opposer la courbe languedocienne fournie par E. Le Roy Ladurie. Ici, le xvie siècle est celui d'une relative stabilité (ferme du Viala, domaine de Montadin, terres de Creissan) ou d'une ascension tardive (grange Saint-Pierre après 1540, domaine des Salles) qui préfigure plutôt le « triomphe de la rente » du xviie siècle34.
25Notre grande inconnue, dans l'état actuel des publications, c'est la France moyenne, celle de la petite culture, celle du bail à part de fruits.
26Avec le xviie siècle, la documentation disponible s'accroît, aussi bien dans les publications que dans les dépôts d'archives encore inexplorés. Mais c'est aussi le siècle où les problèmes de critique et de traitement de l'information sont les plus délicats : abondance des mutations monétaires, passage du loyer-nature au loyer-argent, conséquences des crises et surtout de la longue et profonde crise de la paysannerie sur le niveau réel de la rente foncière.
27La France du Nord offre de nombreuses études et les concordances sont assez fortes pour autoriser à tracer un profil général. Par-delà les effets négatifs des guerres civiles et de la période de reconstruction, la rente foncière retrouve assez tôt ses hauts niveaux des années 1560-1570. Sur les domaines de Notre-Dame de Paris, la hausse est continue de 1610 à 1680. On atteint alors, selon J.-P. Desaive, un loyer à l'arpent de plus d'un setier de grain (1,4 environ). Dans le Hurepoix, certaines fermes louées en nature voient leur loyer gonfler d'un tiers, voire d'une moitié entre 1600 et 166035. Mêmes constatations dans le Beauvaisis ou la Picardie36. Partout, après les accidents du milieu du siècle, les propriétaires, au lendemain de la crise de 1660-1662, demandent et obtiennent les plus hauts loyers du siècle (et souvent les plus hauts jusqu'à la veille de la Révolution). Mais il faut bien constater, à la lumière des plaintes des bailleurs, des règlements de comptes, des faillites de fermiers, que cette ascension est sans cesse contredite par les effets de la crise générale du monde rural. Lorsque s'ouvre la longue période des blés à vil prix, la fragilité du système éclate : baisse sensible des loyers en nature après 1670, là où ce mode de payement est encore utilisé, maintien relatif du loyer nominal jusqu'à ce que la détresse des exploitants et la difficulté de remplacer ceux qui renonçaient obligent les propriétaires à baisser leurs exigences37. Mais la baisse est tardive, souvent après 1700. Elle se maintient alors assez longtemps.
28La France moyenne reste la parente pauvre mais l'étude de Louis Michel permet de suivre la conjoncture de la seconde moitié du siècle en Anjou38. Au point de départ le « sommet national » du milieu du xviie siècle. Une première contraction accompagne les années du ministère de Colbert. Vers 1680-1690, la baisse des loyers nominaux va de 15 à 35 %, au moment où les chanoines de Beauvais et les officiers parisiens tentent encore de faire inscrire dans les contrats des exigences stables. Le fond est donc atteint dès 1690 et la récupération commence très tôt. Entre 1700 et 1730, on retrouve les loyers nominaux de 1660.
29En Languedoc, alors que le xvie siècle était celui des hésitations, le xviie siècle, au moins jusqu'au début du troisième tiers, est celui du « triomphe de la rente »39. Vers 1650, la rente réelle, rapportée à l'hectare est double de ce qu'elle était un siècle plus tôt. Rappelons, pour l'Ile-de-France, qu'elle retrouve alors les niveaux du temps d'Henri II. Ces hauts niveaux se maintiennent une vingtaine d'années avant de s'effondrer durablement : la terre n'est plus rentable...
30Dès 1932, Ernest Labrousse a tracé d'une main sûre la courbe de la rente foncière au xviiie siècle40. Si la rente en nature disparaît à peu près dans les contrats de fermage de cette époque, la stabilisation monétaire, à partir de 1726, permet des comparaisons faciles, de région à région, de décennie à décennie. Depuis l'Esquisse, de nombreux travaux régionaux sont venus compléter, confirmer, nuancer41. Mais l'ensemble a bien résisté. Les conjonctures régionales restent assez différentes. Les loyers réels à l'arpent présentés par J.-P. Desaive baissent sensiblement de 1680 à 1735, tout en restant au-dessus du setier de grain. La remontée est timide jusqu'en 1765, date à laquelle la courbe s'interrompt malheureusement. En parallèle, les baux en argent manifestent la même tendance, pour grimper allégrement après 1770. Autour d'Amiens, on retrouve la lente remontée des loyers, sous toutes les formes, après 1720 et la même explosion après 1760. Plus au nord, dans l'Avesnois, pourtant assez pauvre et assez isolé, la rente tend à stagner pendant les deux premiers tiers du siècle mais connaît une progression de plus de 20 % dans les vingt dernières années de l'Ancien Régime42.
31Bourgogne et Bretagne offrent un autre visage, au demeurant assez proche43. Jean Meyer date de 1750 le décollage de la rente foncière armoricaine, après les mécomptes du xviie siècle et « un premier tiers de siècle incertain ». Ici aussi, le mouvement s'accélère après 1765. Même lourdeur de la rente au début du siècle en Bourgogne, avec une hausse lente suivie d'une stagnation durable. Mais quel changement en 1770 : les baux conclus alors sont en hausse de 60 à 80 % sur les contrats précédents, en valeur nominale. Même les rares cas de rente en grains participent à ce mouvement : tel domaine loué pour 34 mesures en 1728, 42 mesures en 1749, l'est pour 70 mesures en 1778. La hausse avait été si brutale et si forte qu'ici, en contraste avec d'autres régions, les deux dernières décennies paraissent calmes. En Anjou, après avoir retrouvé vers 1730 son niveau du temps de Colbert, la rente se stabilise jusqu'à la rapide hausse d'après 1770 : en vingt ans, 30, 40, parfois 50 % — en valeur nominale. Enfin, les pays du Midi témoignent aussi d'une montée timide après 1730 se transformant en ascension brutale après 177044.
32Que conclure de ce panorama rapide, simplificateur, tiré des études actuellement publiées ? Deux regrets d'abord. Le premier, c'est le trop petit nombre de travaux fournissant des données sur le très long terme. Il peut paraître souhaitable d'entreprendre une vaste enquête qui s'efforcerait de rassembler, comme on l'a fait pour les dîmes, des séries de données, soigneusement critiquées, couvrant toute la période moderne, de la fin du xve siècle à la Révolution45. Le second, c'est la minceur des études utilisant la masse des baux parcellaires et reposant ainsi sur une base statistique plus large que celle fournie par un nombre réduit d'exploitations précises. Nous dirons plus loin l'intérêt de cette double appréhension de la rente foncière.
33A côté des regrets, les certitudes. Au-delà des problèmes posés par le traitement de l'information, et des disputes d'école, les esquisses proposées montrent des concordances rassurantes, et de plus en plus rassurantes au fur et à mesure que l'économie nationale tend à s'unifier. Concordances, mais non identité. La France se nomme diversité, et l'analyse doit s'en souvenir au moment de s'attacher à découvrir la signification du mouvement de la rente foncière.
III. — La signification de la rente foncière et de son mouvement
34S'interroger sur la valeur de la rente foncière comme indice de l'activité économique amène évidemment à dégager les rapports des éléments constitutifs de ce type de revenu avec cette même activité. Encore faut-il, par une restriction préalable, apprécier le caractère dominant ou exceptionnel du mode d'exploitation qu'elle recouvre et de la proportion des revenus distribués qu'elle représente. La rente foncière ne peut prétendre représenter le mouvement général de l'économie que si l'exploitation et la propriété utile du sol sont séparées sur une portion importante de l'espace cultivé et mis en valeur et lorsque le prélèvement purement féodo-seigneurial cède la place à de nouveaux rapports. Comme Marx l'avait déjà noté, la « rente se développe dans la mesure même où la production agricole devient production marchande ». C'est heureusement le cas pour la plus grande partie du royaume à l'époque moderne, quelle que soit la part de l'autoconsommation — celle de l'exploitant et celle du propriétaire vivant « du sien ».
35Sur le plan d'une étude de la conjoncture régionale, la prédominance du bail à part de fruit introduit un nouvel obstacle. Si les exploitations affermées à loyer fixe ne représentent qu'une infime minorité, peut-on les considérer comme des témoins sûrs ? C'est alors de la corrélation positive avec les provinces voisines, où prévaut le fermage, que pourra naître la conviction intime. Ainsi, les provinces du Nord de la France sont naturellement privilégiées dans cette analyse.
36La rente foncière représente une part du produit de l'exploitation, une fois assurée la vie de celle-ci et sa durée : subsistance de l'exploitant, de sa famille et du personnel nécessaire, avances à la culture, particulièrement sous la forme des semences nécessaires. Elle n'est qu'un des éléments entre lesquels se partage ce produit brut, à côté du prélèvement décimal, des exigences seigneuriales, de l'impôt d'Etat et du profit de l'exploitant. Elle se trouve liée, sans doute possible, à la production globale de la terre et à sa valeur marchande. Un premier groupe de relations, plus spécifiquement économiques, s'établit donc avec les quantités produites et avec les prix des productions végétales et animales.
37Les choses seraient assez simples si la rente, à l'image du prélèvement décimal, représentait une proportion constante. Mais la fixation du niveau de la rente exigée de l'exploitant résulte d'un contrat où les intérêts à la fois solidaires et contradictoires du propriétaire et du locataire doivent s'ajuster au terme d'une négociation. Le résultat dépend du rapport de force des deux contractants : l'offre et la demande des candidats à la prise en ferme des biens, la volonté, pour le capital foncier d'obtenir un rendement jugé convenable de l'investissement opéré, et, à l'inverse, pour l'exploitant de préserver un profit suffisant jouent leur rôle dans ce débat. Aux paramètres purement économiques se mêlent ainsi des paramètres sociaux qui viennent modifier, infléchir, voire contrarier la tendance du mouvement global de la rente.
a) Renie foncière et produit d'exploitation
38Lié au mouvement du produit d'exploitation, celui de la rente foncière peut témoigner de la conjoncture agricole. Un accroissement régulier de la production et de sa valeur marchande incite le propriétaire informé à réclamer sa part du profit nouveau. A l'opposé, un marasme persistant entraîne, plus ou moins rapidement, un resserrement des exigences du bailleur. Dans un cas comme dans l'autre, un certain temps de « réponse » sera nécessaire, qui se traduit par un décalage effectif entre les fluctuations du produit brut et celles de la rente. La relation cherchée est indirecte. Elle existe cependant, comme un exemple précis peut le montrer.
39Le prieuré de la Saussaye, à Villejuif, possédait, aux abords du couvent une ferme importante : 269 arpents de bons labours sur le plateau limoneux « fertile comme petite Beauce » et 7 arpents de prés. La sole était de 90 arpents (une trentaine d'hectares). En année normale, l'arpent de méteil pouvait rapporter 4,5 setiers (mesure de Paris), celui d'avoine 3 setiers (de plus grande contenance). A partir de ces données, on peut construire un modèle et le confronter avec la réalité vécue46.
40La première sole fournit 405 setiers de blé, la seconde, 270 setiers d'avoine. Sur ce produit, il faut réserver la semence, soit 60 setiers de blé et 34 setiers et demi d'avoine. Les aoûteux reçoivent un tiers de setier de blé par arpent scié mais fauchent pour rien les avoines : 30 setiers. Le battage des grains est aussi payé en nature, ordinairement au 1/24 des quantités battues. Compte tenu de la dîme qui ne pèse ici que sur 70 arpents de l'exploitation, on peut compter 16 setiers de blé et 11 setiers d'avoine. Reste à assurer la vie quotidienne : le pain de la famille et des valets à demeure, celui des saisonniers : on doit s'en tirer avec 40 setiers de blé. Il faut nourrir les six chevaux nécessaires à l'exploitation, soit environ 48 setiers. En année normale, le solde est de 259 setiers de blé et de 177,5 setiers d'avoine. Un bilan complet devrait faire leur place aux autres produits de l'exploitation : élevage des ovins sur la jachère, nourriture de quelques bovins, de volailles. Dans le cas présent, nous nous en tenons aux grains.
41En 1517, Hugues Berger prend la ferme pour 12 muids de grains, 2/3 méteil, 1/3 avoine. Ce loyer représente 23 et 17 % de la récolte brute, 37 et 27 % du solde positif calculé. Un siècle plus tard, le loyer est de 16 muids et 4 setiers, dont 12 de méteil, 2 d'avoine et le reste en orge47. Deux hypothèses se présentent : les exigences du propriétaire se sont accrues, la production brute a augmenté. Dans le premier cas, le loyer représente 55 % du solde calculé en blé. Dans le second cas, en supposant un rendement de 5 setiers à l'arpent (soit 450 setiers de blé pour la sole), les mêmes frais, sauf le battage, légèrement plus coûteux, les douze muids perçus représentent 48 % du nouveau solde (300 setiers). Les deux hypothèses se valent — et, dans la réalité, les deux phénomènes semblent bien avoir joué.
42On peut cependant légitimement penser qu'un mouvement massif et concordant du poids de la rente foncière témoigne d'une montée réelle du produit brut et d'une certaine croissance. Lorsque tous les fermiers d'une région, avec un bel ensemble, acceptent sur un tiers de siècle un alourdissement de 20 à 30 % des loyers en nature, c'est bien qu'ils espèrent un meilleur rapport de l'exploitation et pensent « faire leur profit ». Au contraire, la pression des propriétaires dans le cas d'un revenu brut stagnant, si elle peut expliquer une hausse générale des loyers en nature, reste limitée par la force des choses. D'après les observations faites en Ile-de-France et confirmées par les études d'H. Neveux, la part des grains retenue par le bailleur est ordinairement de 30 à 40 %, en tout cas moins de 50 %48. Cette proportion est dépassée dans le cas du métayage, mais le propriétaire participe alors aux avances à la culture. Relativement clair dans le cas du loyer en nature que nous avons jusqu'ici considéré, le rapport entre montant de la rente et niveau du produit brut tend à s'obscurcir dans le cas du loyer en argent. Un nouvel intermédiaire apparaît : la valeur marchande de la production. Or nous savons, d'une part que le loyer en argent gagne du terrain tout au long de l'époque moderne, d'autre part que l'économie d'échanges concerne un secteur croissant du monde des exploitants ruraux. L'interprétation des données, à cause même des inconvénients de la méthode de la « déflation » soulignés plus haut, est plus difficile. Les fermes voisines de Mons (208 à 215 arpents de 1597 à 1789) et de Champagne (506 arpents de 1600 à 1651, puis 546) sont louées à prix d'argent au xviie siècle49. Si l'on déflate à l'aide des prix parisiens, on obtient les équivalences suivantes :
43Ce que l'on peut savoir par ailleurs du mouvement de la production grâce aux séries décimales, ce que nous enseigne le mouvement de la rente foncière en nature ne concorde guère avec le profil ici défini : les années d'après la Fronde, qui coïncident avec les exigences maximales des bailleurs apparaissent en creux, les prix anormalement bas des années 1666-1678 gonflent les équivalents en blé des loyers nominaux et peuvent faire croire à une prospérité que tout dément par ailleurs. Le « temps des gros épis » n'est pas celui du bonheur.
44Pierre Goubert l'avait déjà montré : le mouvement de la rente foncière, en nature et plus encore en argent, traduit mieux le mouvement de l'économie rurale en phase A qu'en phase B de la conjoncture. Et c'est pourquoi notre indicateur redevient si disert après 1730.
b) Rente foncière et forces sociales
45La rente foncière ne représente pas seulement une part du produit d'exploitation variable suivant les résultats effectifs de la mise en valeur du sol, enregistrant avec un certain décalage les mouvements profonds du produit global de l'agriculture. Elle est aussi influencée par des éléments humains qui introduisent dans sa fixation toute la marge de liberté que l'histoire laisse aux individus et aux groupes sociaux. On tâchera d'apprécier cette « fourchette d'indétermination » en se plaçant successivement du point de vue des bailleurs et du point de vue des preneurs.
1. Les intérêts des propriétaires
46De l'amodiation de ses biens, le propriétaire attend d'une part, la conservation de son patrimoine comme moyen de production, d'autre part, un revenu conforme à ses besoins et à la conception qu'il se fait de son intérêt.
47Le premier élément n'est pas négligeable. Une ferme mal soignée, mal entretenue, une exploitation mal conduite n'entraînent pas seulement un manque à gagner immédiat mais handicapent l'avenir pour plusieurs années. En période difficile, mieux vaut encore un fermier connu et apprécié, même s'il demande une réduction de fermage que pas de fermier du tout, ou qu'un exploitant insolvable. De là les anomalies souvent constatées au niveau de l'exploitation individualisée, marquées dans les baux ou les accords entre propriétaire et preneur50. On préfère conserver un fermier endetté, mais connu, plutôt que de conclure un nouveau contrat avec un autre paysan. On accorde volontiers une réduction de fermage pour éviter une rupture dans la mise en valeur. Au lendemain des grandes crises, on consent de substantielles concessions pour hâter la remise en valeur des terres en friche. L'attachement du propriétaire à une famille d'exploitants est souvent un élément déterminant du contrat. Il peut contribuer à ralentir la montée de la rente foncière sur bien des exploitations. Il fallait bien tenir compte des qualités nécessaires à la prise en charge d'une grosse ferme, qualités et moyens que peu de paysans possédaient.
48Le second élément est encore plus difficile à mesurer. Dans une société où l'argent n'est pas le critère dominant du classement social, même s'il y joue un rôle qu'on ne saurait, évidemment, réduire à néant, la possession de la terre, « signe » social, est plus importante que le revenu qu'on en tire. Pour bien des propriétaires, communautés religieuses, établissements hospitaliers, vieilles familles nobles, il suffisait de conserver un patrimoine reçu et de tirer de ses domaines de quoi « tenir son rang », remplir les fonctions sociales dévolues aux corps et communautés, sans se préoccuper outre mesure de la rentabilité réelle51. Au vrai, si même la notion n'était pas étrangère aux maîtres du sol, comment pourrait-on évaluer le capital à rémunérer lorsqu'il s'agissait de biens immémoriale-ment détenus par eux ? Cette remarque d'ordre psychologique n'exclut pas, dans certains cas, le souci d'une gestion aussi profitable que possible, et, dans tous les cas, la revendication d'un revenu minimal. C'est parfois au détour d'une mutation foncière qu'on saisit le retard pris peu à peu par la rente sur l'ensemble de la conjoncture. J. Meyer cite le cas des domaines des Rosmadec, où les fermages stagnaient parce que le chef de famille « aimait voir ses fermiers dans l'aisance ». Les fermages sont triplés lorsque les biens passent, en 1784, aux Talhouët52. Deux images, deux conceptions socio-économiques, peut-être deux mondes spirituels. On a souvent dit que les bourgeois ou les nouveaux nobles furent plus soucieux de leurs intérêts matériels et apportèrent à la gestion de leurs biens un peu de l'esprit de la « marchandise ». C'est sans doute vrai, mais on ne saurait oublier qu'il leur fallait s'aligner plus ou moins sur les habitudes du milieu social auquel ils souhaitaient s'intégrer.
49Ces limites posées, l'historien de l'économie peut et doit considérer les réalités. Quel rendement pouvait-on espérer de l'acquisition d'un domaine foncier ? Dans le Hurepoix du xvie ou du xviie siècle, 3 à 4 % du capital investi lorsqu'on rapproche le prix d'achat et le montant du bail le plus proche53. Ce sont les mêmes pourcentages qu'on trouve en Bourgogne et en Auvergne au xviiie siècle. Et les mêmes encore dans la Normandie du xixe siècle54.
50Le taux de rentabilité pouvait être plus élevé lorsqu'il s'agissait, non d'une exploitation complète, mais de petits lots de terre ou de parcelles dispersées. Le phénomène a été souvent signalé. A Villejuif, entre 1585 et 1664, la rente du capital, calculée par périodes quinquennales, va de 3,6 à 6,1 %, le mode se situant à 4,5 %. Sur le terroir voisin de Thiais, l'écart va de 3,7 à 5,2 %, le mode se situant à 4,8 %. On trouve des taux plus élevés lorsqu'on s'éloigne de la capitale : à Boissy-sous-Saint-Yon, la fourchette s'ouvre de 4,5 à 10 % (mais la base statistique pour ce quinquennat est un peu mince), le mode est de 6°%55. L'explication du phénomène réside dans l'attrait plus grand des terroirs proches de la ville pour les acheteurs, ce qui gonfle le prix des biens fonciers. Au vrai, les mouvements généraux des prix et des loyers sont les mêmes, près et loin.
2. Les intêrêts des preneurs
51Aux désirs des propriétaires s'opposent les intérêts des locataires. Mais il convient ici, derrière la forme juridique des contrats d'amodiation, de distinguer plus nettement les deux types de location signalés. Il n'y a rien de commun entre les motivations du petit tenancier parcellaire qui loue quelques lopins pour arrondir ses propres et tenter d'améliorer son revenu par la disposition d'une superficie utile accrue et celles du gros laboureur qui prend à bail une grande ferme en y amenant son cheptel, mort et vif, ses disponibilités monétaires, son savoir-faire et ses ambitions sociales.
52Pour les premiers, les plus nombreux, la loi du marché joue à plein. Face à la masse des ruraux, une quantité de biens possédés par des citadins, des petits officiers, des notables campagnards, voire de solides laboureurs, une quantité non extensible au gré de la demande. Le mouvement des locations et celui du taux de la rente expriment ici bien davantage la plus ou moins grande faim de terre, la plus ou moins grande concurrence entre les amateurs potentiels que les fluctuations de la production56. Tout au long de la période, et spécialement aux temps forts des flux démographiques attestés par d'autres recherches, la rente foncière parcellaire s'envole et dépasse très largement la rente foncière d'exploitation. On ne peut vraiment étudier le phénomène au début du xvie siècle, faute d'une base statistique suffisante dans l'état actuel des dépouillements, mais il est très net au lendemain des guerres de Religion en Ile-de-France. Tandis que les corps de ferme, loués contre des grains, voient les loyers passer, entre 1600 et 1660, de l'indice 100 à 102, 105, 125, 134 selon les cas, le comportement des loyers des parcelles est très différent. Aux portes de Paris, là où la population est plus dense et la faim de terre plus grande, là où les possibilités d'accès direct au marché urbain sont plus faciles, la rente, déflatée, passe de 100 à 167 et 192 sur les labours de Thiais et de Villejuif. La hausse est moins forte sur les parcelles de vigne : la demande est ici moins pressante car la plupart des villageois ont quelques ceps. A Boissy-sous-Saint-Yon, où les tenures moyennes sont un peu moins exiguës, où l'accès au marché parisien est plus difficile, où la densité de peuplement est moins forte, la montée de la rente est plus faible, mais elle se détache quand même de celle qui pèse sur les fermes.
53Le même phénomène s'observe au xviiie siècle. Selon G. Postel-Vinay, en Soissonnais vers 1760, tandis que le taux de la rente par hectare atteint 13,8 L.t. pour les corps de ferme, il s'élève à 22,7 L.t. pour les baux conclus par des manouvriers et 33,5 L.t. pour ceux qui concernent de petits exploitants cherchant à atteindre le seuil minimal de rentabilité de leur exploitation57. Le phénomène requiert une tentative d'explication. A la variable démographique, qui a certainement joué un rôle important, au xviiie siècle comme au début du xviie, G. Postel-Vinay joint une analyse économique et sociale originale. L' « éclatement de la rente foncière » a favorisé la promotion des grands fermiers déjà « capitalistes » en prolétarisant les paysans moyens, écartés par le taux des fermages des possibilités de profit et d'accumulation, sans toutefois les ruiner totalement et les chasser des campagnes. Ainsi se trouvait fixée la main-d'œuvre nécessaire à la grande exploitation. L'explication est ingénieuse, elle s'appuie sur une documentation assez sûre. Elle suppose néanmoins une rationalité des choix économiques de la part des gros fermiers du Soissonnais dont on peut douter.
54Quelle que soit la cause profonde de cette différenciation du taux de la rente foncière selon la superficie amodiée, le phénomène revêt une généralité impressionnante. Il renforce les handicaps de la petite tenure paysanne, il perpétue l'aliénation des faibles.
55Le jeu est tout autre au niveau des gros exploitants (et des « fermiers généraux », là où cet intermédiaire parasitaire vient s'interposer entre le propriétaire et l'exploitant). Dans le rapport de force qui les oppose et les lie aux maîtres du sol, ils ne sont pas perdants au départ et peuvent infléchir les mouvements de la rente pour les adapter aux circonstances et à leurs intérêts bien compris. Leur nombre réduit les favorise : à ce niveau, la concurrence n'est presque jamais parfaite. Lorsqu'une ferme se trouve libre, les preneurs éventuels n'abondent point et la liberté du propriétaire en est réduite d'autant. Et ceci est accentué par la solidarité réelle de ces familles puissantes, liées par les mariages et les intérêts matériels. Lorsqu'on suit, de bail en bail, l'histoire de ces grandes exploitations, on a nettement le sentiment d'une chasse gardée. A la limite, comme en Picardie ou en Cambrésis, on aboutit au « droit de marché », dont II. Neveux a pu trouver des exemples précoces au milieu du xvie siècle et qui triomphe aux siècles suivants, malgré les protestations des propriétaires et les interdictions royales58. Pas de droit de marché en Ile-de-France, mais les choses ne s'y passent guère différemment. La force des dynasties fermières se manifeste aux heures difficiles, lorsque les exploitants exigent et obtiennent des réductions ou des remises de loyers, lorsqu'ils freinent la montée des fermages, lorsqu'ils obligent le bailleur à passer du loyer en grains au loyer en argent, ce qui leur permet de profiter au maximum des possibilités de spéculation sur les « bledz ».
56Cette position a aussi ses inconvénients. Dans leur désir de conserver, pour eux et pour leurs enfants, la jouissance d'une exploitation qui est la source de substantiels profits et l'origine de leur pouvoir social dans le village, les gros « marchands-laboureurs » peuvent être amenés à accepter, aux heures où les propriétaires sont en mesure de faire jouer une certaine concurrence et d'imposer leurs volontés, des conditions trop lourdes. C'est bien ce qui s'est produit au milieu du xviie siècle, à la fin d'une période qui fut assez bonne pour les gros exploitants. Les lourds fermages acceptés dans l'euphorie des lendemains de la Fronde et de la crise de 1660-1662 coïncidèrent avec les années de bas prix du temps de Colbert. Des blés abondants, certes... Mais le passage au loyer en espèces, bénéfique en période de hausse des cours, se retourna contre ceux qui l'avaient souhaité ou, au moins accepté. On sait la suite : les faillites de fermiers endettés, les propriétaires arrérages accumulés, les baux résiliés, la difficulté de trouver des exploitants. Et la langueur persistante de l'agriculture et de son produit global en termes d'échanges, jusqu'à ce qu'une nouvelle génération assure la relève au début du xviiie siècle.
57Dans ce jeu de forces autour de chaque contrat, il n'est pas niable que le candidat au bail, plus ou moins consciemment, tient compte des éléments de son bilan : production escomptée, prix, avances à la culture, charges de l'exploitation. C'est si vrai que le mouvement de la rente est très différent en pays de taille personnelle et en pays de taille réelle59. Mais, comme on vient de le voir, bien d'autres motivations intervenaient.
58Au terme de cette réflexion, la rente foncière et ses mouvements à moyen et à long terme nous apparaissent sous un jour un peu différent. Dans tous les cas, et aussi bien du côté du bailleur que du côté du preneur, elle ne traduit pas un simple rapport économique. Si elle est liée à la plus ou moins grande prospérité de l'agriculture, si ses variations peuvent refléter les grands mouvements séculaires de la production, elle intègre de nombreux autres éléments. En tant qu'indice économique, elle peut compléter les données tirées des séries décimales ou de l'analyse du mouvement des prix. Elle ne peut véritablement témoigner seule de la conjoncture agricole. Mais elle traduit avec plus d'efficacité la situation des groupes de la paysannerie face aux classes possédantes qui vivent en partie du travail des campagnes. Plus qu'un indice économique, la rente foncière est un indice social.
Notes de bas de page
1 Les problèmes abordés dans cet article ont fait l'objet d'une communication présentée devant l'Association des Historiens économistes français le 25 mai 1974.
2 Depuis les recherches de F. Simiand et l'Esquisse... d'E. Labrousse, les titres se sont multipliés. Imposante Bibliographie d'histoire des prix dans G. et G. Frêche, Les prix des grains, des vins et des légumes à Toulouse (1486-1868), Paris, 1967, p. 144-156.
3 Les fluctuations du produit de la dîme, éd. par .J. Goy et E. Le Roy-Ladurie, Paris, 1972, 398 p.
4 H. Neveux, Les grains du Cambrésis (fin du xive, début du xviie siècle). Vie et déclin d'une structure économique, Lille, 1974, 872 p. (Atelier de reproduction des thèses.)
5 Sur la rente foncière, il faut se reporter aux remarques toujours actuelles d'E. Labrousse, Esquisse du mouvement des prix el des revenus en France au xviiie siècle, Paris, 1932, xii-697 p., en 2 vol. Nous ne considérerons ici que la rente foncière rurale. Sur la rente foncière urbaine, E. Le Roy-Ladurie et P. Couperie, Le mouvement des loyers parisiens de la fin du Moyen Age au xviie siècle, dans Ann. E.S.C., 25e ann., n 4, juill.-août 1970, p. 1002-1023.
6 La bibliographie serait immense, aussi bien sur le plan de la théorie économique que sur le plan « monographique ». La plupart des travaux récents seront cités en référence dans les pages qui viennent.
7 D. Ricardo, Des principes de l'économie politique et de l'impôt, chap. ii : « De la rente de la terre. »
8 L. Merle, La métairie et l'évolution agraire de la Gâline poitevine, de la fin du Moyen âge à la Dévolution, Paris, 1958, chap. vi, p. 160-175.
9 Les registres du Centième denier, ou du Contrôle des Actes ne sont guère utilisables avant 1730-1740.
10 M. Morineau, Les faux-semblants d'un démarrage économique : agriculture el démographie en France au xviiie siècle, Paris, 1970, a présenté, p. 233-271, les comptes d'une métairie proche de Laval de 1747 à 1759. La richesse du document est assez exceptionnelle. Une recherche systématique permettrait sans doute d'en découvrir de semblables, au moins pour le xviiie siècle. Pour les époques anciennes, citons H. Delatouche, Le livre de raison de Guillaume de Chauvigny, président des élus d'Alençon, 1591-1605, dans Bull, de la Comm. hist. et archéol. de la Mayenne, 2e série, t. 64, 1954, p. 5-20.
11 Un seul exemple : Bail, le 6 avril 1652, par les religieux de Sainl-Germain-des-Prés à Jacques Boucicault, laboureur, de la terre et seigneurie d'Antony (Arch. nat., S 2896). Le bail comprend l'hôtel, la ferme avec 140 arpents de labours, 32 arpents de prés, 144 arpents de taillis, le moulin, la moitié des amendes et des lods et ventes, la levée des dîmes et la coupe de 723 arpents de bois dans le « buisson » de Verrières.
12 Cf. les données rassemblées par A. Poitbineau, La vie rurale en Basse-Auvergne au xviiie siècle (1726-1789), Paris, 1965, 2 vol. , 780 et 149 p., particulièrement p. 186-204 et 520-522.
13 Cf. les données rassemblées par A. Poitbineau, La vie rurale en Basse-Auvergne au xviiie siècle (1726-1789), Paris, 1965, 2 vol. , 780 et 149 p., particulièrement p. 186-204 et 520-522.
14 Arch. nat., S 447 et 448.
15 . E. Mireaux, Une province française au temps du grand roi, la Brie, Paris, 1958, p. 310-311.
16 J. Meyer, La noblesse bretonne au xviiie siècle, Paris, 1966, 2 vol. , p. 677.
17 Arch. dép. Yvelines, D 1381, f° 14-15.
18 J.-P. Desaive, A la recherche d'un indicateur de la conjoncture. Baux de Notre-Dame de Paris et de l'abbaye de Montmartre, dans Les fluctuations du produit de la dîme, p. 44-57.
19 Arch. nat., S 3903 (dos. 6) et 3904 (dos. 2).
20 Mercuriale de Montlhéry, Arch. dép. Yvelines, 13 Montlhéry, non coté (Relevé de Jean Meuvret). Nous utilisons une moyenne mobile tronquée sur une période de onze valeurs moins six.
21 M. Baulant, Du bon usage des dîmes dans la région parisienne, dans Les fluctuations..., gr. 3 et 4, p. 41-42 : des « marches » apparaissent sur les courbes (ferme de Boutigny, en 1780, fermes d'Etrepilly en 1763) au moment du passage du loyer-nature au loyer-argent.
22 Exemple de Villejuif, dont le terroir de plateau limoneux est relativement homogène : en 1640, le loyer de l'arpent de labour varie de 8 L. 14 s. à 12 L.
23 B. Veyrassat-Herren et E. Le Roy Ladurie, La rente foncière autour de Paris au xviie siècle, dans Annales E.S.C., 23e an., n 3, mai-juin 1968, p. 540-555.
24 Observations convergentes de J. Meyer, ouvr. cit., p. 695-696 ; de P. de Saint-Jacob, Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier siècle de l'Ancien Régime, Dijon, 1960, p. 390 ; d'A. Poitrineau, ouvr. cil., p. 521 ; de A.-L. Defromont, L’Avesnois au xviiie siècle, thèse 3e cycle, Lille, 1972, multigr., p. 699 ; de L. Michel, La fortune et les revenus de l'Eglise d'Anjou au xviiie siècle, thèse 3e cycle, Paris I, 1973, dactyl., p. 87-89.
25 M. Venard, Bourgeois et paysans au xviie siècle..., Paris, 1957, donne, p. 89-90, l'état des versements du fermier de La Folie à Choisy entre 1655 et 1662 et conclut : « On voit que le fermage échu au 1er janvier n'est jamais acquitté avant le mois de mai ou de juin suivant... »
26 H Neveux, ouvr. cit., p. 261.
27 Nombreux exemples dans P. Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, passim et dans J. Jacquart, ouv. cil., passim.
28 E. Le Roy-Ladurie, Dîmes et produit net agricole, dans Le territoire de l'historien, p. 274.
29 J.-P. Desaive, A la recherche..., gr. II, p. 56-57.
30 J. Jacquart, ouvr. cit., p. 46, 204, 217.
31 Arch. nat., S 449 et S 684.
32 H. Neveux, ouvr. cit., p. 618-624.
33 P. Deyon, Contribution à l'étude des revenus fonciers en Picardie. Les fermages de l'Hôtel-Dieu d'Amiens et leurs variations de 1515 à 1789, Lille, s. d., 1967, p. 73-75 et graphiques.
34 E. Le Roy Ladurie, Les paysans du Languedoc, Paris, 1966, t. i, p. 280-291 et t. ii, gr. 38, p. 1022-1023.
35 J. Jacquart, ouvr. cit., p. 637-639. En s'en tenant aux corps de ferme loués à grains, on doit noter les grandes différences locales. La hausse n'est pas générale : si le loyer de la ferme de Milpas à Ivry augmente de 81 %, celui de la ferme des Célestins à Saclay de 37 % (1645 par rapport à 1603), ceux de fermes à Orsay, Nozay, Etampes stagnent.
36 P. Goubert, ouvr. cit., p. 520-523 ; P. Deyon, ouvr. cit., p. 74-77.
37 M. Venard, ouvr. cit., p. 99-104.
38 L. Michel, ouvr. cit., p. 106-107 et 110-118 pour l'analyse de la crise à la charnière du xviie et du xviiie siècle.
39 E. Le Roy Ladurie, ouvr. cit., p. 465-474 et 583-594.
40 E. Labrousse, ouvr. cit., livre vii.
41 E. Labrousse les a utilisés pour une nouvelle présentation dans Histoire économique et sociale de la France, t. ii, p. 454-460.
42 J.-P. Desaive, art. cit. ; P. Deyon, ouvr. cit., p. 108-117 ; A.-L. Defromont, ouvr. cit., p. 702-705.
43 J. Meyer, ouvr. cit., p. 714-720 ; P. de Saint-Jacob, ouvr. cit., p. 387-391.
44 L. Michel, ouvr. cil., p. 120-141 ; E. Le Roy-Ladurie, ouvr. cit., gr. 38, p. 1034.
45 Cette enquête devrait privilégier les baux en nature, qui évitent les manipulations statistiques, sans s'interdire, à l'évidence, le rassemblement des séries de baux en argent. Il serait souhaitable de publier, quel que soit le mode d'interprétation et d'analyse choisi, les résultats bruts à côté des résultats élaborés.
46 Nous reprenons le modèle présenté dans La crise rurale..., p. 370-377 auquel on se reportera pour la justification des données retenues.
47 Baux de la ferme, Arch. dép. Yvelines, D 1381, f° 11-19.
48 H. Neveux, ouvr. cit., p. 280.
49 Pour Mons, relevé de Sarrazin, Arch. nat., LL 335/336, chapitre Mons, s.v. Firma ; pour Champagne, à Savigny-sur-Orge, Arch. dép. Yvelines, I J 65. Pour les calculs, nous avons ramené le loyer à celui de 506 arpents pour le siècle. Les prix des grains sont empruntés à M. Baulant, art. cit.
50 Exemples dans J. Jacquart , ouvr. cit., p. 236-230, 264-267, 709-710.
51 Excellentes réflexions de L. Michel, ouvr. cit., p. 527 : « Pourvus de bénéfices, les ecclésiastiques étaient des usufruitiers plutôt que de véritables propriétaires. A de rares exceptions près, ils n'avaient pas édifié le patrimoine dont ils jouissaient et leur seule obligation était de le rendre tel qu'ils l'avaient pris... Rion ne les obligeait à accumuler pour augmenter et accroître les biens du bénéfice. »
52 J. Meyer, ouvr. cit., p. 713.
53 Quelques exemples : 1536, ferme de Gentilly, achat, 2 610 L.t., loyer, 80 L.t., rapport, 3 % ; 1644, ferme de Villetain, à Saclay, 24 300 L.t., 840 L.t., 3,4 % ; 1646, ferme des Mallards, à Saclay, 17 600 L.t., grains, 3 % ; 1657, ferme à Antony, 22 720 L.t., 1 000 L.t., 4,4 % ; 1650, ferme à Wissous, 39 000 L.t., 1550 L.t., 4 % ; 1664, fermette de La Buqueterie à Bullion, 5,5 %.
54 P. de Saint-Jacob, ouvr. cit., p. 499 (3 à 4 %) ; A. Poitrineau, ouvr. cit., p. 513-515 ; M. Levy-Leboyer, Le revenu agricole et la rente foncière en Basse-Normandie. Etude de croissance régionale, Paris, 1972, évalue le rendement du capital entre 1870 et 1939, de 3,2 à 5,6 %, le mode étant de 4,2 %. Dans les règlements, les biens loués s'évaluent au denier 25 ou au denier 30 (4 ou 3,33 %).
55 J. Jacquart, ouvr. cit., app. vi, p. 769-773.
56 Nos recherches et les données fournies par B. Veyrassat-Herren et E. Le Roy Ladurie, art. cit., montrent que les loyers sont plus élevés à proximité de la capitale. Cette constatation est aussi faite par L. Michel, ouvr. cit., p. 472-473. Il est certain que les parcelles jouissent d'une rente de situation. Mais il est non moins certain que la population est plus dense dans la banlieue proche. Ici encore, économie et société se mêlent inextricablement.
57 G. Postel-Vinay, ouvr. cit., p. 40.
58 H. Neveux, ouvr., cit., p. 120-127.
59 Remarque justifiée de E. Le Roy Ladurie, Les paysans de Languedoc, p. 468, comparant le mouvement de hausse du premier xviie siècle, en Languedoc et dans le nord du royaume. Les propriétaires d'Ile-de-France, de Picardie ou du Beauvaisis ont dû s'accommoder des exigences de l'Etat et décharger leurs exploitants, frappés par la taille, d'une partie de la rente qu'ils auraient souhaité obtenir.
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