Chapitre - VIII - Les relations familiales
p. 215-257
Texte intégral
1Les relations à l'intérieur des oustaux sont orchestrées en fonction de la place reconnue à chacun. La maisonnée est dirigée par le chef de famille, généralement le père, qui règne sur tous ceux qui cohabitent avec lui : conjoint ou descendants. Se pose alors la question du pouvoir du pater familias. Ce dernier s’avère indéniablement limité, soit parce que le maître est contesté en raison de sa démence ou de sa prodigalité, soit parce qu'il renonce partiellement à son commandement par le biais de l'émancipation. En outre ; les institutions juridiques qui réglementent la gestion patrimoniale entravent occasionnellement la liberté d'action du chef de famille en imposant la présence de sa femme, ou de ses enfants, lors des transactions. La mort est le moment où la direction interne est remise en question, particulièrement en ce qui concerne le rôle de la veuve dont le statut est modifié. Toutefois quand l'homme s'est marié avec une héritière, c'est le sien qui risque d'évoluer après le décès de l'épouse. Les testateurs _et plus rarement les testatrices_ veillent alors attentivement à l'avenir du conjoint survivant et à sa place dans l'oustau. L'orphelin, pour sa part, occupe une place particulière. Juridiquement, tout doit être régler par les institutions de tutelle et de curatelle. C'est l'une des circonstances où la parentèle entre le plus souvent en action, soit par mandat testamentaire délivré par le défunt père, soit après investiture judiciaire. Ces questions sont élémentaires et concernent l'organisation de tout oustau qui, un jour ou l'autre, se verra confronté à ce type de situation ; mais il en est une, plus rare, qui se présente lors des naissances illégitimes. La place du bâtard au sein de la maisonnée nous intéresse, tant la question est souvent subordonnée à la seule connaissance du milieu nobiliaire et plus particulièrement militaire.
I - LE PERE, CHEF DE FAMILLE
2Paul Ourliac rapporte que "la patria potestas romaine était perpétuelle : elle était aussi absolue"1 ; après quoi il ajoute que de telles règles eurent du mal à se faire recevoir dans le midi, tant pour leur aspect absolutiste que perpétuel. Mais, le père pouvait battre son fils, sans le blesser, le séquestrer et décider de son établissement2. En Gévaudan, la puissance paternelle répond à la même définition que celle donnée pour le Rouergue du XIVe siècle par Anne-Marie Landès-Mallet qui déclare : "il semble donc que dans ces régions rurales, l'expression toute romaine de la "patria potestas" dissimule en fait l'autorité domestique du chef de famille sur l'ensemble de la communauté familiale"3. De son côté, la femme est tenue d'obéir à son mari et de suivre ses "raisonnables commandements"4. Dans les pays de coutume, Beaumanoir reconnaît au mari le droit de la corriger sans que cela mette sa vie en danger : "il loit bien à l'homme a batre sa fame sans mort et sans mehaing, quant ele le mesfet, si comme quant ele est en voie de fere folie de son cors, ou quant ele desment son mari ou maudit, ou quant ele ne veut obeïr a ses resnables commandemens que preude fame doit fere [...], li maris la doit chastier et reprendre en toutes les manieres qu'il verra que bon sera pour li oster de cel vice, excepté mort ou mehaing"5.
3Le chef de famille exerce son pouvoir sur les individus et sur les biens : il est donc le maître, le titulaire de l'autorité sur les autres et le seigneur du patrimoine, l'administrateur des biens dont il est le possesseur, le dépositaire ou le protecteur. Le droit qu'il a sur les biens est indéniablement lié à celui dont il jouit sur les personnes. Le problème est de définir les limites qui s'imposent à chacun et de vérifier qu'elles s'intègrent bien aux pratiques généralement en vigueur dans le midi de la France. L'autorité du chef de famille est remise en question s'il est dément, prodigue ou s'il décide d'émanciper son fils. En outre, les droits des enfants, ou de l'épouse, sur leurs biens propres a pour effet de les associer aux décisions portant sur leur patrimoine et d'entraîner ainsi un contrôle des actions du père.
A - L'autorité du chef de famille
4A priori l'autorité du père est incontestable ; toutefois il est des situations exceptionnelles qui remettent ce précepte en question Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga précisent que le dément peut être déchu de son pouvoir6. En fait, les aliénés étaient placés sous curatelle, comme Gervais Daude en 1442. Et le père de famille n'échappe pas à la règle générale, comme le prouve la mésaventure de la famille Gasc (Guasquet). En 1466, Jehanne Mons, femme de Pierre Gasquet senior, fils de feu Laurent Gasquet, de la Chaze (Les Laubies), comparaît devant le juge capitulaire de Mende et expose que son mari est "furieux et dément" au point de ne pouvoir administrer ses biens et ses enfants. Elle ajoute que le patrimoine des Gasquet est commun entre Pierre senior et son neveu Pierre Gasquet junior et que ce dernier s'est arrogé, de fait, le droit de gérer la totalité des possessions familiales, allant contre la volonté de Jehanne, jusqu'à vendre des immeubles au grand détriment et préjudice de Pierre senior et de ses enfants. En conséquence, Jehanne requiert le juge de nommer un curateur pour Pierre Gasquet senior et un tuteur pour leur progéniture. Le juge cite Pierre Gasquet junior et senior, ainsi que leurs "parents et voisins"7. Le lendemain le juge interroge Jehanne Mons, Pierre Gasquet junior, les exécuteurs testamentaires de Laurent Gasquet et quatre voisins pour savoir s'il est nécessaire de nommer des curateur et tuteur et tous déclarent que Pierre senior est "échauffé", "de sens, raison et faculté, furieux et dément". Il demande alors qui est propre à administrer les biens et à gouverner les enfants de Pierre senior, et tous lui désignent Jehan Ranvier et Philippe Pontier, "parents et voisins". En conséquence, le juge donne à régir la personne de Pierre senior et la tutelle et l'administration de ses enfants auxdits Ranvier et Pontier qui l'acceptent. En revanche, il remet les biens de la famille à Jehanne Mons qui y consent et promet de les administrer comme il faut et de ne rien faire sans le conseil des curateurs ou de la présente Cour. Dans la réalité, Jehanne Mons est investie de la direction de l'oustau, comme cela est confirmé quatre jours plus tard, lorsqu'elle engage un compromis avec Pierre Gasquet junior, à propos du partage des domaines familiaux. Jehanne agit comme tutrice et légitime administratrice de ses enfants, aux côtés de Jehan Ranvier, curateur de Pierre. En conséquence, à défaut d'un homme sain d'esprit, la femme est investie de la responsabilité de la direction de la maisonnée, sous le regard, toutefois, des mâles les plus proches chargés de vérifier que la maîtresse ne commet aucune erreur préjudiciable à ceux qui sont placés sous sa domination.
5Si ce n'est en cas de folie, le père était difficilement démis de son autorité ; mais nous avons déjà prévenu que la direction de la maison était relativement indissociable de la gestion patrimoniale. Ce principe apparaît bien avec Jehanne Mons qui obtient le gouvernement des possessions de son mari et se qualifie de tutrice et de légitime administratrice de leurs enfants alors que la tutelle est aux mains d'un tiers. Il est incontestable et logique que celui qui tient les "cordons de la bourse" détienne une grande partie de la seigneurie de l'oustau. Et vu que le père est généralement le possesseur de la fortune familiale, sa place est difficile à contester. Elle peut toutefois l'être, comme cela advint au sabotier mendois Jacques Esquieu. En 1462, le notaire Guillaume Romieu, beau-frère de Jacques, se présenta devant l'official de Mende et expliqua que sa soeur, Catherine, morte lors de l'épidémie qui venait de sévir, avait testé en faveur de Jacques Esquieu auquel elle laissa sa dot sans faire la moindre mention de leur fils Jehan Esquieu. Depuis, Jacques avait commencé à dilapider les richesses de Catherine et Guillaume Romieu redoutait que son neveu ne fût fortement lésé ; aussi demandait-il qu'un tuteur fût désigné pour protéger ce dernier. En présence de Jacques Esquieu, l'official donna gain de cause à Guillaume Romieu qu'il institua tuteur de Jehan en lui demandant de "bien et fidèlement régir et gouverner" Jehan et ses capitaux. En outre, l'official cassa le testament de Catherine Romieu. Il est impossible de savoir quelles étaient les limites de cette tutelle accordée à l'oncle maternel de Jehan Esquieu. Le père avait-il, par exemple, perdu le droit de marier son fils et de l'éduquer ? En 1463, Jacques cède, à son fils, tous les droits qu'il avait sur les héritages d'Etienne Negre. Toutefois il restait le tenancier de plusieurs immeubles puisqu'il vendit un champ en 1467 et un ouvroir en 1470. En 1474, il fut déshérité par sa propre mère au profit de son fils8 ; mais cela signifie-t-il pour autant qu'il fut déchu de toute son autorité paternelle par l'official de Mende ? L'instrument de 1462 mentionne que Guillaume Romieu veillerait sur les biens et la personne de Jehan, ce qui semble indiquer une déchéance totale des droits de Jacques, même si une réserve doit être observée.
6A l'exception de ces cas de dégradation paternelle, l'autorité du chef de famille s'impose à tous les enfants mineurs, ce qui soulève le problème assez controversé de la notion de majorité au Moyen Age. Dans ses Coutumes de Beauvaisis, Philippe de Beaumanoir fixe la majorité à quinze ans pour les garçons et à douze pour les filles9, les Coutumes de France la portent à vingt ans, précisant que le mariage d'une fille à douze ans ne l'émancipe pas10. La Coutume de Saint-Sever mentionne que l'âge requis pour tester est de quatorze ans pour l'homme et douze ans pour la femme11. La majorité du roi, depuis Charles V, se situait en sa "quatorzième année, soit treize ans accomplis"12. Après s'être référé au "Manuel d'histoire du droit privé" de Brissaud qui déclarait que la majorité coutumière variait selon l'état, noble ou roturier, et le sexe, mais que la pratique s'était efforcée de superposer la majorité pleine ou romaine de vingt-cinq ans, Hubert Richardot rapporte qu'en "Forez, comme à Rome, l'accès à la capacité comportait deux étapes : à douze ans pour les filles ou quatorze pour les garçons, l'enfant parvenait à la puberté ; puis à vingt-cinq, sans distinguer comme en Pays de coutumes s'il était noble ou roturier, mais sous réserve de la puissance paternelle, il devenait pleinement capable"13.
7En Gévaudan, la situation est identique à celle du Forez. En effet, nous avons déjà signalé dans la quatrième partie du second chapitre que l'âge des jeunes mariées qui donnaient quittance de leurs légitimes était indiqué par une fourchette : un minimum et un maximum de vingt-cinq ans. Sauf à une reprise où le minimum n'était que de dix ans, dans tous les autres cas il était supérieur à douze ans. Les garçons qui délivrent une quittance des biens familiaux se définissent en suivant la même logique. En fait, deux âges priment en Gévaudan : celui qui fait passer à la puberté et clôt la tutelle pour passer à la curatelle quand l'enfant est orphelin, et celui de la majorité absolue qui autorise la pleine prise de possession des droits individuels. Dans notre petite étude sur "les relations familiales en Rouergue et Gévaudan au XVe siècle", nous avions remarqué qu'entre quatorze et vingt-cinq ans l'individu jouissait d'une majorité relative et que c'est à cette époque que l'enfant entrait dans la vie d'adulte en commençant à travailler. Un garçon de neuf ans, une fille de quatorze commencent à garder jusqu'à deux cents ovins, mais il faut attendre qu'ils passent le cap de la puberté pour devenir serviteurs ou pages et pour qu'ils s'éloignent ainsi de l'oustau parental. Enfin, dès dix-huit ans, les jeunes partent dans les terres basses du Languedoc pour les travaux agricoles, ou prennent même la relève du père décédé à la tête du commerce familial14.
8Les testaments fournissent des mentions intéressantes à propos du moment où le fils peut devenir indépendant, après le décès du chef de famille. En 1433, le marchand mendois Bertrand Valdin prescrit que le posthume mâle de sa femme sera nourri jusqu'à sa vingtième année. En 1481, Vital Geymar retient la limite de vingt-quatre ans et Jehan Born "l'âge parfait" de vingt-cinq ans en 1483. Ces exemples sont puisés au sein de la bourgeoisie, mais plus nous descendons dans l'échelle sociale, plus la limite d'âge est abaissée. Le paysan Pierre de Fisto choisit le seuil de treize ans en 1435 et le tailleur Bertrand Jove celui de quinze ans en 1464. D s'agit alors de se référer, non pas à une règle juridique, mais à une évidence pratique : l'enfant sera pris en charge jusqu'à ce qu'il soit en état de s'autogérer. En 1464, Laurent Gasc recommande que son petit-fils bénéficie de tout le nécessaire jusqu'à ce qu'il puisse "gagner son pain". En 1470, Vital Martin laisse le fardeau de ses filles, à son héritier, "jusqu'aux années nubiles", après quoi chacune d'elles sera "installée et établie en mariage"15. Mais ces actes présentent des situations d'orphelins théoriquement placés sous tutelle. L'intérêt d'évoquer ces cas dès à présent sert à démontrer que la destinée peut parfois précipiter les enfants dans la vie active et dans l'indépendance avant les échéances prévues par la loi.
9Toujours est-il qu'à vingt-cinq ans la majorité joue le rôle de l'émancipation, du moins à partir du moment où le fils quitte le domicile paternel. D semble bien admis que le mariage fasse également sortir le fils de la soumission à l'autorité paternelle s'il quitte la maison du père. Ainsi, le juriste provençal Etienne Bertrand, bien qu'hostile à une "émancipation tacite qui résulterait de la séparation d'habitation", ne se prononçait pas sur les effets de cette séparation mais paraissait "bien admettre implicitement que pour avoir son plein effet la patria po-testas exige la communauté de vie"16. En conséquence, le mariage suivi du départ de la demeure familiale fait sortir le fils de la tutelle paternelle. C'est d'ailleurs ce qui apparaît nettement lorsque le mari installé sur ses propres biens délivre des quittances de la dot de sa femme alors qu'il les donne avec licence de son père s'il vit chez lui.
10En fait, que le fils soit mineur en raison de son âge ou par sa simple présence dans l'oustau parental, l'émancipation peut être accordée par le père. Selon Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga l'émancipation tacite ou expresse aboutit à restituer une large capacité au fils de famille, lui permettant de faire une donation à cause de mort ou de s'obliger, mais en aucun cas d'emprunter17. Comme à propos des conséquences du mariage, il faut donc le départ de la maison pour que la pratique plénière des droits soit reconnue. Aucun acte d'émancipation n'a été retrouvé dans notre fonds notarial ; toutefois nous avons découvert plusieurs fois la mention de fils émancipés de la noblesse. Ces émancipations ne sont pas une prérogative des nobles, et même si elles sont plus difficiles à découvrir chez les roturiers, un exemple nous est livré par le contrat de mariage passé par Gentiane, veuve de Pierre Pelhicier, au nom de sa fille, Agnès Pelhicier, de Chirac, en 139518. La dot est constituée par Gentiane, mais son frère, Etienne Salvatge, fils émancipé de Raymond, se constitue fidéjusseur. Et trois semaines plus tard, Raymond Salvatge, père d'Etienne, ratifie la constitution dotale. Il semble qu'Etienne, tout en étant émancipé, soit demeuré auprès de son père, assumant avec lui les obligations familiales, et c'est également le cas des nobles dont il a été question. En effet, nous savons que Bernard de Moriès, Guillaume de Montrodat et Pierre de Montesquieu succédèrent à leurs pères à la tête de leurs fiels. L'émancipation n'est nécessaire que dans la mesure où le garçon est un fils de famille, devenant inutile à partir du moment où il se marie et abandonne sa maison natale.
B - La gestion du patrimoine
11La première question qui se présente porte sur le statut des biens de l'épouse. Ensuite, nous devons démontrer dans quelle mesure le mari jouit, ou ne jouit pas, de la libre disposition du patrimoine de son épouse. Nous verrons que l'intégrité du fonds dotal doit être respectée à moins que la femme n'intervienne personnellement aux côtés de son mari ou seule. Par contre, le pouvoir du père sur les biens du fils se révèle bien plus marqué, toutefois, dès que le garçon possède des biens propres et atteint l'âge de raison il commence à jouir d'une certaine indépendance et s'associe aux actes de ses parents.
1°) Les biens de la femme
12Quelle est la nature du patrimoine féminin ? Nous avons déjà signalé que le Gévaudan ressortissait à la pratique du régime dotal selon lequel les biens du mari et de la femme sont théoriquement distincts. Dans ce cas, le mari est censé avoir l'usufruit des immeubles, alors que la femme en conserve la nue-propriété19. Les biens sont donc administrés par le mari20, mais sa liberté d'action est parfois largement entravée. Ainsi est-il prévu, en 1428, lors du mariage de Françoise Ros, que son mari gouvernera la pagésie obtenue en dot sous l'arbitrage de deux probes hommes21. L'application de ces impératifs juridiques est essentielle par les effets qu'elle exerce sur les relations à l'intérieur du couple et sur la domination absolue ou limitée que le chef de l'oustau peut ou non imposer à son épouse.
13Un peu plus de 10 % des mariées apportaient une dotalité universelle, ce qui implique que tous leurs biens suivaient les conditions du régime dotal ; toutefois les autres, soumises à la dotalité limitée, sont supposées avoir des biens paraphemaux, ou pouvoir un jour en disposer. En théorie, ces derniers appartiennent à la femme en propre et échappent au mari qui peut toutefois en obtenir la gestion de son épouse à laquelle il devra des comptes22. Dans le Rouergue des XIIIe et XIVe siècles, Anne-Marie Landès-Mallet a noté que le terme parafernalibus était connu des notaires mais peu utilisé, comme si les praticiens ne parvenaient guère à recourir à cette terminologie, même dans les cas où elle paraissait être de mise23. Le terme "paraphernal" n'apparaît pas pendant notre période24. Toutefois, l’existence de biens non dotaux est attestée. Nous avons déjà signalé des cas de filles ayant reçu à la fois une dot et une donation, comme Delphine Nivolier. En 1457, cette dernière obtint une constitution dotale de soixante moutons or, du trousseau de noces et de l'usufruit d'une maison, mais le même jour son père, Jehan Nivolier, lui fit donatio propter nuptias de tous ses biens mobiliers et immobiliers. Il est donc clair que tout ce qui n'était pas compris dans la dot et venait de Jehan Nivolier entrait dans la catégorie des paraphemaux. La nuance entre ces derniers et les biens dotaux est-elle importante ? Pour un juriste oui, pour un historien c'est moins sûr à partir du moment où la totalité des possessions de l'épouse était administrée par le mari. Or, il semble bien que ce soit le cas : en 1464 Jehan Brunei, clerc et tisserand mendois, délivrait une quittance à sa femme Isabelle, pour une somme de vingt livres "non de ses biens dotaux mais des autres propres d'Isabelle"25. Le mari reconnaissait donc avoir reçu des paraphemaux de sa conjointe comme il le faisait pour les possessions émanant de la dot, après quoi il les administrait et était astreint à la restitution ultérieure. Pour terminer, il ne faut pas oublier qu'un peu plus de 3 % des couples adoptaient un régime communautaire, mettant tous leurs capitaux en commun, ce qui rendait théoriquement les époux solidaires dans toutes leurs actions patrimoniales.
14Juridiquement la dot est protégée au point d’être inaliénable comme le défend l'intransigeant juriste Etienne Bertrand ; toutefois, lui-même reconnaît que l'aliénation est possible, avec le consentement des deux époux et le serment prêté par la femme de renoncer à tous ses privilèges résultant du droit romain26. Roger Aubenas conclut que l'inaliénabilité de la dot défendue par Etienne Bertrand ne triomphera qu'au XVIe siècle27. Comment les choses se déroulèrent-elles au quotidien chez les Gabalitains de la fin du Moyen Age ? En 1455, lorsqu'Etienne Folchier, des Violes (Cubières), se fiance avec Jehanne Trobat, de Pratlong (Cubières), il s'engage à ne pas faire cession de la dot en faveur de quiconque, afin de solder une dette, ni à l'aliéner28. Cette clause nous rend bien pessimiste sur l'inaliénabilité des biens dotaux puisque le fiancé se sent obligé de promettre de respecter ce que le droit romain impose ! En fait, il s'agit sans doute d'éviter un recours ultérieur au serment que pourrait faire Jehanne Trobat de renoncer à la protection du sénatus-consulte velléien. En somme, le serment du fiancé rendra impossible celui de la femme et la dot est ainsi protégée.
15Mais le respect du Sénatus-consulte velléien est une exception. Le 25 mars 1460, Pierre de Lasfons, de Changefège (Balsièges), vend à un chaussetier mendois un ouvroir venant de sa femme Esclarmonde Michel. Le 16 décembre, Esclarmonde ratifie la cession en déclarant que l'immeuble venait de sa dot, puis avec licence de son mari elle renonce au bénéfice du "Sénatus-consulte velléien, à l'Authentique Si qua mulier, à la Lex Julia de fundo dotali non alienendo, à tout droit adopté en faveur de la femme, et généralement à tout autre droit canonique et civil". Si les immeubles dotaux peuvent être négociés, ces mutations ne changent rien à la masse globale de la dot qui demeure entière. En 1470, Anthoine Dumas, d'Alteyrac (Saint-Gervais), dote sa soeur, Marguerite, fiancée à Jehan Nauthon, tisserand mendois, avec quinze livres et un niveau de sa demeure du pan d'Aiguespasses29. Quatre ans plus tard, Jehan Nauthon donne quittance à Marguerite de cinquante moutons or reçus pour la vente dudit étage30. En fait, cette transaction se double d'une autre. En effet, avec l'argent ainsi réuni, Jehan Nauthon acquiert une autre partie de maison sise au pan d'Auriac qui lui est cédée par sa soeur, Hélix, et par le mari de celle-ci, Jehan Chalvet. Cette habitation peut être considérée comme un bien adventif d'Hélix qui l'avait obtenue en legs assigné en 1454 par un défunt prêtre qui n'était apparemment pas son parent. Il est vrai que le même jour, Hélix recevait en compensation la donation, par son mari, de la chambre acquise de Jehan Nauthon. Si Jehan Nauthon a d'abord procédé à une vente suivie d'un rachat d'immeuble, l'échange de possessions est parfois direct, ce qui ne changeait rien puisque la femme demeurait toujours la tenancière de son fonds dotal. Les biens dotaux suivent parfois des carrières bien longues avant de sortir du patrimoine familial. En 1457, Hélix, veuve d'Anthoine Aost, fille de Déodat Blachieyre, défunt cordonnier mendois, se marie avec Thomas Moys, originaire de Montmirat (Saint-Etienne-du-Valdonnez). Elle est dotée par sa mère, Yzende, et par son frère mineur, Grégoire, qui lui allouent, une maison sise au pan d'Aiguespasses. Par la suite, devenue veuve pour la seconde fois, Hélix se remarie avec noble Jehan Jehan, physicien de Mende, qui passe un accord, en 1474, avec le beau-frère d'Hélix, à propos de la succession des Blachieyre, dans lequel la possession de ladite maison au bénéfice dHélix est confirmée. A une date inconnue, Jehanne Moys, fille de Thomas et d'Hélix, s'unit à Jacques Tonel, apothicaire de la cité épiscopale. En 1503, au nom de sa femme, Jacques Tonel vend la susdite maison31.
16Les registres des notaires gabalitains fourmillent de tels instruments de mutations foncières réalisées par une femme et son mari, sans qu'il soit toujours fait mention de l'origine de l'immeuble cédé, l'essentiel étant de constater que le couple est solidaire dans les négociations. Il est d'ailleurs permis d'affirmer que toutes les transactions menées au nom des deux époux impliquent que la femme avait des droits sur les biens en question ; sinon la démarche n'eut guère eu de sens. Raymond Clerc, brassier des Salelles, et sa femme vendent des biens en 1443 et en l451. En l468, certainement devenu veuf, Raymond s’associe avec son gendre, Arnald Jacques, et avec sa fille Astruge, qui agit avec licence de sesdits père et mari, pour abandonner une vigne herme à dom Guillaume Aldebert. La double autorisation d’agir consentie à une femme, par son père et par son époux, est notée à plusieurs reprises, et l'épouse contractant en compagnie de son mari le fait toujours avec l'accord explicite de ce dernier. Le mari procède également seul, ut dominus rey dotalis, mais il s'engage alors à faire ratifier sa transaction par son épouse, comme Pierre Astruc, de Récénates (Salses), en 1463, et s'il a oublié de le faire, c'est l'acheteur qui le rappelle à l'ordre ; en 1471, Olivier Garinholes, alias Marcili, de Chirac, requiert que Raymond Rocher fasse homologuer par son épouse la vente d'une maison appartenant à cette dernière. Par la suite, l'épouse entérine la cession. En 1449, Guillauma confirma la vente d'un ort réalisée par son mari, Bertrand Virdula. La femme avait-elle réellement le choix dans ce cas ? Le lods avait déjà été accordé à l'acquéreur de fort, le jour même du désistement opéré par Bertrand. C'est sans doute la raison pour laquelle, en 1465, Cébilie ratifie la vente de sa maison au moment où son mari, Guillaume Boyer, se dévêt32. Mari et femme acquièrent aussi des biens en commun.
17Les deux conjoints s'unissent pour beaucoup d'actions touchant à la gestion de leurs intérêts, hommage féodal, obligation, quittance délivrée ou reçue33. Le mari représente occasionnellement son épouse, comme Jehan Joglar qui rend hommage à Olivier de Chirac, coseigneur de Chirac, en 1428. La ratification par la conjointe s'impose et, en 1394, Béatrice ratifie une obligation de son époux, le notaire chiracois Durand Grèze34. D'autres démarches sont assumées isolément par les maris. Gitbert du Lac, seigneur de Monteil, accorde un lods comme seigneur des biens dotaux de sa femme noble Catherine de Moriès, en 1467 ; le marchand Jehan Borses loue la borie du Ras que sa femme a reçue en dot ; maîtres Jehan Jehan, physicien, et Etienne Torrent, notaire, négocient comme commensaux de leurs femmes respectives et comme seigneurs de leurs biens dotaux en 147435.
18Curieusement, la femme intervient parfois seule. En 1468, Astruge, femme de Girald Cordesses, tailleur chiracois, vend un herme, et son mari se contente d'homologuer la transaction. La même année, la femme du tisserand Etienne Pélegrin reçoit un lods du procureur du monastère Saint-Sauveur, pour un achat réalisé par Etienne deux jours auparavant. En 1466, Catherine Boysson, femme de Guillaume Recofin, tailleur originaire de Chirac installé depuis à Albi, troque sa maison et son verger avec Jacques Aldin et obtient une quittance générale de noble Astorg de Bonas. Il est vrai que Catherine avait reçu une procuration de son mari36. En 1390, Agnès, femme de Jehan Seguin, adresse une reconnaissance féodale à noble Guillaume de Montrodat. En 1396, Bérengère fait enregistrer une procuration générale en faveur de son mari Bertrand Chalant, tavernier chiracois, qui l'autorise. Cet acte démontre que le droit d'intervention du mari n'était peut-être pas aussi général que nous poumons le croire puisque Bertrand Chalant a besoin d'une procuration. Il est toutefois envisageable que cette dernière ait été destinée à éviter la nécessité de ratifications ultérieures par Bérengère. Jehanne accorde une quittance avec la licence de son mari, Bertrand de La Marque, en 1465, et Hélix, femme de Guillaume Malizie, brassier de Chirac, avec celle de son père en 145137. En fait, nous constatons que la plupart du temps, quand la femme agit personnellement sans l'assistance directe de son mari, c'est avec sa licence, ou celle de son père, et en tout cas sous une surveillance plus ou moins manifeste. Parler de la liberté de la femme serait donc controuvé mais il faut reconnaître qu'elle jouit d'une capacité sur ses biens aussi large, et même sans doute un peu plus grande, que celle que son mari exerce sur ses avoirs dotaux ou paraphernaux.
19C'est seulement lorsque la femme devient veuve qu'elle retrouve la pleine maîtrise de son patrimoine. Elle vend, rend hommage et reçoit des reconnaissances féodales. Mais les mutations foncières sont parfois confirmées par la proche parentèle. En 1397, les frère et neveu de Philippa Fournier, veuve de Pierre Alboyn, homologuent sa vente d'une pagésie38.
2°) Les biens du fils de famille et des mineurs
20Le pouvoir du père est souvent présenté comme absolu sur le plan patrimonial ; ainsi son enfant ne peut-il tester sans son assentiment à partir du moment où il vit sous le toit paternel. Toutefois les droits du père sont légèrement amoindris si l'enfant possède ses biens propres, qu'il s'agisse d'un mineur ou d'un fils de famille. Les mineurs dépendent du père et leur sort ne devrait pas présenter de problème. Hubert Richardot rapporte que le père n'était jamais investi d'une tutelle sur ses enfants, car contrairement à la femme il était naturellement, en cas de prédécès de son épouse, le "legitimus administrator" de leurs biens et gardait ses droits antérieurs sur leurs personnes39. L'auteur ajoute que "l'insuffisance des textes ne permet guère, sans doute, de découvrir en quoi cette administration légale différait de la tutelle : mais on peut tenir pour certain que le veuf jouissait de plein droit de cette prérogative". "En Aquitaine, par contre, le père agissait en qualité de tuteur de ses enfants pour les biens qu'ils avaient hérités de leur mère"40.
21En Gévaudan, le père s'affirme toujours comme le légitime administrateur de son fils. Alors que leurs fils sont héritiers universels de tiers, c'est à ce titre qu'Arnald de Bozène fait concéder un lods, en 1447, et que Jehan David demande la publication d'un testament en 1404. En 1443, Jacques Cuoc, de Chirac, reconnaît tenir un champ du prieur du Monastier en tant que procureur, administrateur et usufruitier des possessions de sa fille. Dans ce cas, l'acte précise mieux le rôle du père : il a une procuration générale de ses enfants et jouit de l’usufruit de leurs biens. Ces derniers ne comportent pas obligatoirement que des avoirs maternels et peuvent provenir de la succession de parents plus ou moins éloignés, comme dans le cas de Bérenger de Bozène ou de Jehan David. La différence entre l'administration et la tutelle est simple : la tutelle consiste en la remise de l'autorité sur la personne, d'une part, et en la capacité à gérer le patrimoine des enfants, d'autre part. En conséquence, le père jouissant de l'autorité sur les personnes n'a pas besoin de se la voir octroyer, alors que son droit d'administrateur est moins naturel. C'est certainement en jouant sur cette dualité que Guillaume Romieu réussit à obtenir la tutelle de son neveu Jehan Esquieu. Il est alors plus surprenant de constater que des pères se soient vu octroyer une tutelle. En 1474, Pierre Ducels délivra une quittance comme administrateur de ses enfants, Jehanne, Astruge et Pierre Ducels, successeurs de leur défunte mère, Delphine, selon la tutelle constatée par acte reçu par Pierre du Masel, notaire de Meyrueis, en 147141. Cette tutelle n'est certainement pas dative, nous la croyons plutôt testamentaire.
22Si nous nous reportons aux testaments, nous remarquons que 3 % des testatrices nomment un tiers pour gouverner leurs enfants et que près de la moitié d'entre elles appellent leur époux encore en vie42. Nous avons déjà rencontré la plupart de ces familles : Catherine Sarron déclare que son conjoint sera le seigneur et le gouverneur de ses biens et de ses enfants sans qu'aucune cour ne puisse "s'introduire". En 1472, la Cévenole Saure de Carnac décrète son mari "puissant et usufruitier" de ses avoirs et recteur de leurs enfants. Tous ces hommes se font investir d'une simple administration des enfants, assortie du droit de jouissance et de gestion du patrimoine. Un seul d'entre eux, Jehan Aldebert, époux d'Isabelle Sirvens, est créé tuteur, gouverneur et légitime administrateur de ses enfants, en même temps qu'il est usufruitier des biens des Sirvens43. En fait, il semble que les tutelles attribuées à des pères soient toujours testamentaires. L'installation du couple s'étant faite uxorilocalement, le père ria toujours été qu'un hôte, chef de famille par son sexe, et le trépas de l'épouse risque de déstabiliser son autorité puisqu'elle ne repose plus sur la détention du patrimoine familial. En conséquence, même si l'institution d'une tutelle est juridiquement inutile, la mère conforte-t-elle le pouvoir du veuf en le déclarant plus qu'un simple administrateur ; elle lui confirme, en quelque sorte, son autorité. Cela démontre combien la notion d'autorité est liée, dans l'esprit des Gabalitains, au titre de possession que le chef a sur l'oustau. Au droit naturel du père sur le fils, au rang juridiquement reconnu au père, s'ajouterait la puissance provenant de la "propriété terrienne".
23La conséquence directe de cet état de fait est que le fils qui détient des biens propres commence à s'affirmer en tant qu'individu, tout mineur qu'il puisse être, même si c'est toujours sous la direction de son père. Ainsi, en 1450, Pierre Barran, majeur de vingt ans, mineur de vingt-cinq, donna-t-il quittance à son géniteur, avec licence de ce dernier, du legs que lui avait consenti sa défunte mère. De même, Etienne Masoyer, majeur de vingt-deux ans, mineur de vingt-cinq, procède-t-il à une vente avec licence de son père, aux côtés de ce dernier et de sa mère, Florence. C'est le premier pas vers l'indépendance. Mais l'héritier qui demeure sous le toit paternel reste bien sous l'autorité du père. En 1478, lorsque Guillaume Garin épouse Jehanne Rabayroles, son père Guillaume Garin déclare lui frire donatio propter nuptial de la moitié de ses biens car "ledit Guillaume Garin, son fils, comme fils de famille et placé in potestate patris, ria aucun bien, du moins propre". D ajoute qu'il réalise la donation afin de permettre à son fils d'entretenir son ménage comme cela doit être et aussi par amour de lui et en reconnaissance de ses services dispensés de jour en jour et qu'il continuera à lui rendre44. Apparaissent les notions de "fils de famille" et "d'autorité paternelle".
24Nous avons observé que les héritiers installés chez les parents étaient préventivement associés aux biens sur lesquels les géniteurs conservaient au moins l’usufruit et souvent la seigneurie jusqu'à la fin de leur vie. En conséquence, le père, puis très souvent la mère à la mort du père, restait généralement chef de famille. Nous en rencontrons plusieurs exemples. En 1435, Jehan Bastide, fils de Pierre, forgeron de Bastide (Saint-Léger-du-Malzieu), épouse Agnès Blanchon. En 1443 et 1446, ledit Pierre Bastide délivre des reconnaissances dotales aux cousins germains d'Agnès Blanchon et déclare agir comme père et administrateur de Jehan. Ce pouvoir du père sur le fils de famille perdure donc longtemps et cela même lorsque le second exerce de hautes responsabilités sociales. En 1434, Jehan Monbel, juge de la Cour temporelle de Mende, est qualifié de légitime administrateur de son fils Raymond45, or Raymond est déjà juriste et se définit comme "vénérable homme et magister".
25Au quotidien, de nombreux actes attestent que le fils de famille est allié aux principales actions touchant à la gestion de l'oustau familial. Les Bascle, les Regordel, les Valette, pères et fils côte à côte, vendent respectivement des immeubles en 1393,1395 et 1449, mais le fils est toujours autorisé par le père46. Ensemble, père et fils contractent des obligations, dressent des procurations, reçoivent des quittances47. Le garçon cautionne même le chef de l'oustau. En 1431, Jehan Parent se fait sous-arrenter par Michel Crespin, les revenus que le prieur du Monastier percevait sur l'aire d'Espinasse et il produit son fils comme fidéjusseur. Si le fils est absent lors d'une transaction, il homologue cette dernière un peu plus tard, comme Pierre Mercoeur junior, en 1469. Parfois le fils est associé à ses deux parents, tel Jehan Merle, fils de Guillaume et d'Hélène, le 28 avril 1452. Ce jour-là, la famille Merle cède un pré et une aire, mais le fils et la mère interviennent avec l'assentiment de Guillaume. Le fils acte également seul, avec le consentement de son père ou en son nom. En 1453, avec licence de son géniteur, Jacques Grégoire abandonne des cens aux moines du Monastier. En 1466, lorsqu'il négocie des cens, Jacques Aldin s'engage à faire ratifier l'acte par son père. En 1465, Etienne Pagès, originaire de Chirac, vivant à Bouniagues dans la sénéchaussée de Cahors, vend à Jehan et Jacques Pagès la part que son père et lui ont sur la borie familiale d'Alteyrac (Chirac). Etienne tient son pouvoir d'une procuration faite par son père. En l’absence de Durand Solignac, de Pin, son fils Bernard s'unit à sa femme Florette, mère de Bernard, pour acheter un herme48.
26Au décès du père, le garçon acte aux côtés de sa mère devenue veuve. En 1445, Raymond Bonet, alias Boscos, et sa mère Catherine, veuve de Jacques Bonet, du Monastier, ainsi que Genciane, veuve de Vincent Redon qui promet de faire ratifier par son fils, Michel Redon, moine et prêtre du monastère Saint-Sauveur, vendent un pré à Bernard Bessière. Si l'héritier du père intervient seul, il obtient confirmation de la transaction par sa mère. Pierre Mercoeur, alias Tarnac, et son fils Bernard, qu'il autorise, louent une vigne en 1471. Peu après, Jauside, veuve de Pierre Mercoeur, mère et grand-mère de Pierre et de Bernard, ratifie la location49.
27En conséquence, nous pouvons conclure que le pouvoir du père est loin d'être absolu. Le chef de famille décide indéniablement de l'orientation à suivre pour la gestion des affaires familiales, toutefois sa femme est partie prenante, sans doute en vertu de ses garanties velléiennes, mais peut-être aussi parce qu'une association unit le couple dans la domination et la jouissance usufruitière du patrimoine, ainsi que son fils et héritier, majeur ou détenteur de biens, lorsqu'il parvient à l'âge de raison et sans doute dès que son mariage et son travail le mêlent directement aux intérêts de l'oustau.
II - L'EPOUX SURVIVANT
28Comme nous l'avons déjà signalé, la position au sein de la famille du mari survivant à sa femme ne subit presque aucun changement ; c'est donc la situation de la femme qui retiendra le plus notre attention, même si celle du mari est parfois évoquée ; et notre problématique s'exposera par rapport à l'épouse. Toutefois, le rôle de tutrice dévolu à la veuve sera négligé afin d'être intégré à l'étude du sort de l'orphelin.
29En cas de prédécès de l'époux, sa conjointe se voyait généralement octroyer un gain de survie. Dans l'introduction nous avons remarqué que ce dernier prenait des formes assez variées : usufruit de l'ensemble des biens du mari, douaire, "augment de dot", gain de survie proprement dit. Le douaire est généralement considéré comme une spécificité des pays de droit coutumier et les juristes ont tendance à regrouper toutes les gratifications accordées à l'épouse dans l'aire du droit écrit comme un augment de dot. Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga écrivent à ce sujet : "Le mot de douaire est parfois employé dans les pays de droit écrit ; les droits de la veuve sont aussi appelés sponsalicium, osculum, agenciamentum et plus couramment augment. C'est un gain de survie accordé à la femme en contrepartie de la dot qu'elle avait apportée au ménage (et qu'elle reprend augmentée). L'augment est stipulé dans le contrat de mariage et les clauses varient beaucoup : usufruit d'un immeuble ou rente en argent, gain du tiers ou de la moitié de la dot, ou double dot"50. Roger Aubenas ne raisonne pas différemment en considérant que "la femme obtenait une part des biens du mari en plus de sa dot_ qu'on appelait augment de dot qui joue le même rôle que le douaire coutumier. Cet augment de dot est la donation propter nuptias du droit romain". Il ajoute que "le gain de survie était aussi prévu au profit du mari survivant, sous le nom de contraugment"51. En Gévaudan, les gains de survie alloués aux épouses apparaissent sous des formes assez variées : douaire pour la femme, usufruit de l'ensemble des biens, augment de dot, gain de survie et pensions à vie indifféremment octroyés au veuf ou à la veuve. En fait, le choix de l'une ou l'autre de ces gratifications correspond à la place spécifiquement réservée au survivant au sein de la famille.
A - Le douaire
30L'usage du terme douaire risque de paraître impropre dans l'aire d'influence du droit écrit, en particulier en Gévaudan, dans la mesure où il n'apparaît jamais dans les actes conservés dans le minutier lozérien, du moins dans ceux que nous avons consultés ; toutefois nous n'hésitons pas à y recourir dans la mesure où il est le plus propre à illustrer le phénomène que nous allons décrire et pour le distinguer des autres gains de survie. En outre, il est juridiquement acceptable car il est utilisé dans des contrats de mariage émanant de la grande noblesse régionale qui sont conservés dans les "titres de familles" de la série E des Archives départementales. Ainsi l'absence du terme douaire pourrait-elle résulter du fait constaté par Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga qui déclarent que "dès le XVe siècle [... le douaire...] ne répond plus à l'état social mais bien souvent à un souci de vanité" (52. En conséquence, seule la grande noblesse constituerait un douaire en le qualifiant ainsi.
31En 1451, lorsqu'il épouse Annette, fille de Charles, comte de Ventadour, Jehan d'Apcher, seigneur d’Arzenc et de Montaleyrac, frère du baron d'Apcher, donne en doaire à sadite espouse le château d'Arzenc ou du Villaret. Il est vrai que l'origine limousine d'Annette pourrait laisser penser que l'utilisation du mot "douaire" découle de cette influence. Toutefois, en 1452, Pierre Gain, baron du Tournel, épouse noble Louise de Crussol, native du diocèse de Valence, et lui attribue in doario le château de Montialoux. Après avoir utilisé le terme "douaire" à plusieurs reprises, le notaire précise toutefois que le seigneur du Toumel fait de ces biens donatio propter nupcias _ce qui confirme le propos de Roger Aubenas. Lorsqu'il se maria, en 1398, le père de Pierre Garin, Odilon, alias Armand, seigneur du Toumel, constitua à sa femme, Marquèze, fille de noble Marquez de Beaufort, baron de Canilhac, vicomte de la Mote, le château du Chapieu in dotalicium etpro dotalicio53. Il est bien évident que cette gratification est entièrement identique à celles qui précèdent.
32En 1470, Anthoine Grégoire, d'Ispagnac, de petite noblesse, attribue à sa fiancée, Isabelle Monbel, s'il venait à mourir avant elle en laissant ou non des enfants, tous ses cens et rentes sur les lieux de Cheminades et de Moriès. Là aussi, nous sommes bien en présence d'un douaire non dénommé. Si le mot n'apparaît pas, le concept existe. D'ailleurs, le testament de Pierre Garin, baron du Tournel, en 1461, précise que la veuve, noble Louise de Crussol, sera "maîtresse, puissante, administratrice et gouvernante et aussi usufruitière" de tous ses biens. Le baron ajoutait qu'il confirmait les clauses du contrat de mariage, mais le fameux terme "douaire" est ignoré. En fait, tous ces douaires, ainsi nommés ou non, sont préfix, jamais coutumiers, et ont des caractéristiques communes qu'il convient de préciser. Ils sont formés au bénéfice des futures veuves. En général, le mariage doit nécessairement se révéler prolifique, c'est une condition résolutoire avancée par Pierre Garin mais l'exemple d'Anthoine Grégoire prouve que ce n'est pas une obligation. Une clause révocatoire est envisagée : la veuve doit le demeurer, sous peine d'annulation ou de diminution. Ils portent sur une partie des biens du mari : un château ou des manses qui fournissent une rente annuelle. Toutefois leur aspect limité a subi quelques exceptions. En 1410, avant de partir combattre les Sarrasins de Grenade, Raymond d'Apcher, baron de Saint-Alban, Calvisson et Marcilhargue, déclare que sa femme, noble Bourguine de Narbonne, sera usufruitière de toutes ses terres et baronnies et de tous ses biens pendant huit années pleines à compter de sa mort. Mais il est vrai que cette jouissance universelle était temporellement limitée, et une fois les huit annuités écoulées, si Bourguine ne s'entendait pas avec l'héritier de Raymond, elle ne disposerait "en sa main" que du château de Saint-Alban et de ses revenus54. Enfin, nous avons vu que Pierre Garin, lors de son testament, a confirmé les clauses de son contrat de mariage, tout en laissant une jouissance universelle de ses biens à sa femme. En fait, l'usufruit de l'ensemble des avoirs s'avère être une prérogative accordée à la veuve tant qu'elle reste avec l'héritier, mais si elle doit se séparer de ce dernier, par désaccord ou par désir d'indépendance, elle entre en possession de son douaire. Ce dernier doit toujours retourner à l'héritier universel du mari après le trépas de sa détentrice.
33Les choix de Pierre Garin démontrent qu'il existe deux façons de procéder. Lors du contrat de mariage, ou plus rarement au moment du testament, est constitué un douaire qui permettra à la veuve exclue de la maison conjugale de jouir d'une partie, et rien que d'une partie des ressources de son défunt époux. Toutefois, Louise de Crussol pourra fort bien profiter des revenus de son château de Montialoux et vivre près de l’héritier de la baronnie si ce dernier est d'accord, car ses droits sont limités à Montialoux et à sa rente. Le nouveau chef de famille aura intérêt à entretenir la veuve sous son toit, afin d'éviter qu'une partie de ses fiefs ne lui échappe. Cependant, peu avant sa mort, par voie testamentaire, le mari a la possibilité de faire de sa femme l'usufruitière et la maîtresse de la totalité de son patrimoine, le douaire du mariage est alors largement dépassé, mais il conserve son rôle originel et permet toujours à la veuve de quitter le domicile du vrai détenteur de l'hoirie afin de vivre en toute autonomie.
B - L'usufruit
34En tout, 43,75 % des testaments émanant d'hommes laïcs mentionnent l’attribution d'un usufruit au profit d'une veuve survivante, alors que ce n'est le cas que de 4,35 % de ceux des femmes. Toutefois, si nous tenons compte du fait que celui qui a fait rédiger ses dernières volontés avait encore un conjoint en vie, nous constatons que 55,95 % des hommes réservent la jouissance de leurs biens à leur veuve potentielle, pendant que 14,15 % des épouses en font autant à l'attention de leur mari éventuellement survivant. Selon les cas, l'usufruit est universel ou limité. 36,45 % des hommes et 10,85 % des femmes mariées accordent ainsi le bénéfice de l'ensemble de leurs possessions au partenaire qui leur survivra, pendant que 19,50 % des maris et 3,25 % des épouses n'attribuent que le droit de vivre sur leurs biens, dans leur maison. La nuance entre ces deux types d'usage est énorme. Si elle a l'usufruit universel, la veuve est la maîtresse de maison ; elle est "maîtresse, puissante, gouvernante" et souvent "administratrice", alors que dans l'autre perspective elle n’est qu'une hôte admise à demeurer à charge de l'héritier universel. Le veuf se trouve dans la même situation. Il n'y a guère de différence observable dans la fréquence de ce phénomène entre les diverses régions du Gévaudan. Seules des variations dans l'application de telles mesures apparaissent, chez les hommes, dans le temps et en fonction de l'origine sociologique. En effet, à Mende, à partir de 1460, l'octroi d'un usufruit universel est deux fois plus fréquent qu'aux dates antérieures, et celui d'un usufruit limité trois fois plus. Sur le plan sociologique, le nombre de testaments prévoyant que la veuve restera la maîtresse de la maison est uniformément réparti entre les ruraux et les citadins ; par contre, la constitution d'un hébergement n'est que de 35 % chez les gens des villes, ce qui signifie, compte tenu de l'importance des contingents de chacune de ces catégories, que les citadins laissaient plus souvent leur veuve assumer la direction de l'oustau que les paysans chez lesquels la femme était plutôt hébergée et placée sous l'autorité de l'héritier. La différence tient sans doute au fait qu'un oustau rural fait généralement partie d'une exploitation qu'une femme ne peut que très précairement diriger, alors que la demeure citadine passe plus facilement sous une gestion féminine.
35La place privilégiée de l'épouse chargée d'administrer l'oustau est largement soumise à contestation. En effet, en cas de séparation entre la veuve et l'héritier, plus de 22,60 % des testateurs qui lui accordent l'usufruit complet de leur patrimoine décident que la première recevra un domicile distinct et une pension alimentaire, 34,25 % un gain de survie et 17,80 % les deux à la fois. La rupture entre un hoir et la femme hébergée du défunt est sanctionnée à 35,30 % par une pension, à 21,20 % par un gain de survie et à 22,35 % par les deux genres de gratification. En fait, la pension remplace l'usufruit en cas de mésentente entre ceux qui auraient dû cohabiter, alors que le gain de survie est alloué pour le remariage de la veuve qui entraîne systématiquement son éviction de la maison familiale. Enfin, quelques hommes envisagent, au cas où la veuve quitterait leur domicile sans se remarier pour autant, que l'épouse ainsi isolée disposerait de quelques immeubles. En 1464, Anthoine Astier accorde à Guillauma son moulin de Vanels. Tous ces biens doivent faire retour à l'héritier du testateur après la mort de la bénéficiaire. Mais Guillaume de Fisto n'envisage rien en cas de conflit entre la veuve et l'héritier. Il ne semble pas y avoir de séparation de prévue et pourtant si elle survenait ? Il est certain que la veuve ne disposerait alors que de la restitution de sa dot.
36En fait, la raison pour laquelle un homme laissait l'usufruit de ses héritages à sa conjointe survivante a déjà été évoquée : il s'agissait d'asseoir la position de la survivante au sein d'une maison où elle n'exerçait pas d'autorité naturelle, tant par désavantage de son sexe que par le frit que la plus grosse partie des capitaux appartenait au mari, et après lui à son héritier. Il n'y a guère de raison pour que les femmes n'aient agi en suivant la même logique. En 1472, Saure de Carnac déclare que son mari, Guillaume Pic, sera "puissant et usufruitier" de ses biens, qu'il s'en alimentera, vêtira et qu'il pourra tester. Or, nous savons que Guillaume s'installa sur les terres des Camac à la suite de son mariage contracté en 143655. Ainsi Saura transmet-elle à Guillaume le titre de seigneur des terres qu'il assurait jusqu'alors en tant que maître des biens dotaux et qu'il risque de perdre, après la mort de Saura, en raison des règles de restitution. Jehan Hilaire, cite P. Luc qui exposait "[qu'] en Béarn en cas de mariage d'un cadet avec une héritière, celle-ci, dans son testament, conférera le rôle de chef au mari survivant, sans la même réserve qu'il demeure en veuvage"56. Il existe une nuance en Gévaudan où la testatrice n'évoque jamais le remariage éventuel de son conjoint, comme s'il était normal que ce dernier convole à nouveau. Il est plus surprenant de constater que le mari se voie, parfois, seulement réserver l'asile sur les terres. En 1473, Isabelle André, femme de Pierre Bragose, lui octroie le victum et vestitum à vie, la capacité de tester pour cinq livres, une pension et un logis s'il ne s'entendait pas avec les héritiers d'Isabelle, leurs fils Guillaume et Anthoine. Pierre se trouve donc dans une situation délicate, mais Guillaume Bragose est marié depuis onze ans et s'est affréré avec Anthoine quand celui-ci a pris femme en 1470. Pierre avait donc progressivement dû se laisser supplanter par ses fils et était sans doute trop âgé pour travailler ; tout conflit d'autorité s'avérait sans doute jugé inutile, Isabelle préférant lui assurer ses moyens de subsistance. En 1419, Vierne, épouse successive de deux notaires, laisse au second son séjour dans sa maison de Serverette57. Là, les motivations sont différentes. Vierne a institué héritier son fils du premier lit ; elle répugne donc à laisser la domination de ses possessions à un mari dont elle n'a pas eu d'hoir et se contente de lui laisser un domicile en se justifiant par le fait qu'il a réalisé plusieurs travaux dans cette demeure. Dans tous les cas, le danger de la restitution de la dot guide le choix de l'épouse : en bonne intelligence et par amour, le veuf est protégé des obligations juridiques.
C - Le gain de survie
37Le gain de survie se distingue de l’usufruit susdit par son aspect limité et non usufructuaire. La terminologie le concernant est presque inexistante, contrairement à celle utilisée en Rouergue : nous ne rencontrons jamais les termes "gensamentum ou sponsalicium" mentionnés par Anne-Marie Landès-Mallet, mais seulement un "augment de dot"58 ; encore cette expression n'est-elle pas toujours usitée. Il est aussi bien constitué dans les contrats de mariage que dans les testaments. Le cas échéant, lors des fiançailles, le terme donatio propter nuptias sert de synonyme. Ainsi, en 1435, Raymond Delort déclare-t-il qu'ordinairement la constitution de dot et la donatio propter nuptias sont concomitantes, et alloue-t-il à sa fiancée un "augment de dot". Si Raymond Delort considère son geste comme la compensation de l'apport de sa future, en 1451, Guillaume Châteauneuf baille un "augment de dot" par "amour charnel, affection du sang, et en faveur ou contemplation du futur mariage". En fait, si la terminologie est assez floue, ces gains de survie sont présentés de deux façons différentes. Dans les contrats de mariage, presque toujours qualifiée d'augment de dot, une constitution est allouée à la fiancée, par le fiancé. Il s'agit clairement d'une augmentation de la dot, d'une contrepartie de la dot. Parfois, mais moins souvent, les parties évoquent une gratification allouée au conjoint survivant. Dans cette dernière perspective, la notion de gain de survie est tout à fait appropriée, car il n'y a aucune relation d'établie avec la dot, mais seulement avec la mort, et cela a pour effet que le bénéfice en est parfois accordé à un des époux, soit l'homme, soit la femme, ou aux deux. Lorsque le testament envisage un tel legs, nous sommes bien évidemment en présence d'un gain de survie versé au seul survivant.
38Les travaux des juristes que nous avons cités ont apparemment coutume de regrouper tous ces apports dans la même rubrique des gains de survie ; personnellement et par commodité pour notre exposé, nous maintiendrons une nuance entre ce que les notaires mettent uniquement en relation avec la dot et ce qu'ils relient à la mort. Nous justifierons aisément notre choix. Le gain de survie n'est alloué qu'à l'époux survivant, non au prédécédé. Au contraire, l'augment de dot pur est supposé s'intégrer à la dot ; en conséquence, même si l’épouse meurt la première, ses enfants auront autant de droits sur la dot que sur l'augment. La preuve en est fournie avec les vêtements offerts par le fiancé et donnés pendant le mariage : il les fait entrer dans le patrimoine de la femme et par conséquent dans sa succession En 1433, Raymond Tiern promet ainsi de fournir à sa fiancée, Agnès Bayrac, une robe de couleur avec laquelle elle se mariera59. D'ailleurs notre affirmation à propos de la distinction entre ce que nous nommons "augment de dot" et "gain de survie"60 est confortée par certains actes. Quand Anthoine Olivier baille soixante livres à sa fiancée, il prévient qu'elles seront solvables, après sa mort, à raison de dix livres par an, suspendant pendant ce temps les termes de restitution de la dot qui étaient de cinq livres. Dans la perspective où sa femme décéderait la première, il prévient qu'elle n'aura que trente livres dont elle fera à sa volonté, les trente autres revenant au constituant En suivant notre logique, Anthoine Olivier forme un augment de dot de trente livres réellement acquis avec lequel son épouse testera, et un gain de survie égal qui ne sera remis qu'en cas de mort anticipée d'Anthoine.
39Lorsque l'augment de dot est uniquement formé à partir d'une somme d'argent, les instruments ne précisent pas toujours s'il reviendra en pleine propriété à la future à compter du mariage ou du prédécès du fiancé. Nous en tenir au fait que l'homme déclare "augmenter" la dot n'est pas forcément un argument, car la gratification, qui ne prend effet qu'en cas de survie, est parfois accompagnée de cette terminologie. En conséquence, la différence n'est pas toujours aisée à faire entre ces deux allocations, mais nous pouvons estimer, sans trop de risque d'erreur, qu'un augment de dot est constitué par 13,20 % des fiancés et un gain de survie par 5,70 %. Dans le Rouergue des XIIIe et XIVe siècles, Anne-Marie Landès-Mallet qui n'a découvert que des "sponsalicia" prenant effet à compter de la mort, nous rapporte qu'une telle mesure est adoptée dans 17 % des contrats de mariage61. Par contre, elle en trouve dans 30 % des testaments évoquant un conjoint survivant, en ajoutant que ce sont presque exclusivement les hommes qui en concèdent un62. En Gévaudan, 42 % des testateurs qui citent leur épouse en vie lui laissent un gain de survie, ainsi que 15,20 % des testatrices. L'une des différences fondamentales entre les deux types de dons consentis par le conjoint tient à leur composition. 65,35 % des augments de dot sont versés en nature alors que 15,15 % des gains de survie épousent cette forme. En outre, la presque totalité des augments en nature porte sur l'octroi d'un complément de trousseau, alors que les gains de survie sont formés d'immeubles ou de meubles. Le rapport s'inverse lors des constitutions en numéraire. 29,35 % des augments et 75,75 % des gains de survie sont fixés en argent. Enfin, 5,35 % des premiers et 9,10 % des seconds sont mixtes.
40Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga considèrent que ces libéralités sont proportionnelles à la dot ; elles sont du tiers en Quercy, de la moitié pour les nobles et du tiers pour les roturiers à Grenoble, de la moitié à Toulouse, de la moitié ou du tiers à Bordeaux63. Anne-Marie Landès-Mallet précise qu'en Rouergue aucune relation n'existe entre la dot et le "sponsalicium"64. En Gévaudan le rapport entre les deux n'apparaît pas plus. D'après quelques exemples, les rapports sont de 5,35 %, de 9,25 %, de 12,50 %, de 16 % et de 40 % entre dot et gain65. L'aspect inégalitaire concerne aussi les parts revenant concurremment à l'homme et à la femme. L'augment de dot, nous l'avons dit, ne profitait qu'à la femme, comme 31,75 % des gains de survie formés dans les contrats de mariage. Par contre, 17,45 % de ces derniers ne bénéficient qu'aux seuls maris ; il s'agit alors souvent de rémunérer le travail du mari dans la maison de sa femme. En 1434, Gilie Aldebert promet, si elle mourrait dans les trois premières années de son union, que son fiancé, venu séjourner chez elle, aurait six moutons or par année de vie commune. Enfin, 31,75 % des gains de survie fixent l'égalité entre époux, 12,70 % avantagent l'homme et 1,60 % la femme. La disproportion entre les valeurs des gains distribués aux deux époux est souvent le résultat d'une égalité en proportion. En 1429, Pierre Malaboche vient résider chez sa femme, Astruge Pelhicier, avec quarante-cinq moutons or66. Les deux conjoints décident que le survivant aura la moitié des biens du prédécédé : la différence entre les deux gains de survie provient donc de celle des apports de chacun. En fait, nos sources démontrent que l'homme jouit généralement d'un gain de survie quand il s'installe sur le domaine de sa conjointe, même si ce n'est pas systématique.
D - La pension
41Le dernier gain de survie est alloué sous la forme d’une pension généralement versée à la Saint-Michel, sauf quelques exceptions comme celle que Pierre Charles senior constitue dont les céréales et le fromage étaient payables à la Toussaint et la viande à Noël (_95_67). Il riest pas sans rappeler le douaire évoqué au début de ce chapitre puisqu'il est toujours usufruitier et majoritairement composé d'un immeuble et d'une rente en nature, ou en argent, voire mixte. Pierre Garin, baron du Tournel n'a-t-il pas attribué un château avec deux cents livres de rente à sa friture veuve ? Or, il est bien évident que des roturiers ne peuvent asseoir de la sorte les pensions consenties aux veuves. Toutefois, la distinction essentielle qui s'impose au regard du douaire réside dans le fait que les veufs bénéficient occasionnellement d'une telle largesse. De plus, comme le douaire, la pension n'est généralement perçue par la veuve que lorsqu'elle décide de quitter le domicile de l'héritier de son mari. 42,05 % des épouses auxquelles une rente est offerte se sont d'abord vu accorder l'hébergement, comme Marguerite, femme de Jehan Folcon, alias "Raynalt" 28_, et 57,95 % l'usufruit des biens de l'époux, telle l'épouse de Jehan Anthoine _92. En conséquence, dans la demeure familiale, les veuves jouissaient de tout ce dont elles avaient besoin et ce dernier type d'allocation constitue surtout une garantie. Si son hôte la chasse, il devra assumer une charge annuelle.
42Les constitutions de pensions alimentaires sont moins fréquentes pour l'ensemble du Gévaudan que n'auraient pu le laisser supposer les travaux d'Alain et Nicole Molinier réalisés sur des paroisses des diocèses de Mende, de Nîmes, d'Uzès, du Viviers et de Valence pour la fin du XVe siècle et le XVIe siècle68. Ces auteurs en ont relevé dans 48,50 % des actes, et plus encore, 62,50 % pour la période 1450-1560, alors que nous n'en relevons que dans 31,15 % des testaments émanant d'hommes ayant une épouse et dans 1,10 % des testaments de femmes mentionnant un conjoint en vie. Les pourcentages monteraient à 33,15 % et à 3,25 % si nous comptabilisions les rentes attribuées à des proches parents : mère, fille, bru, belle-soeur. D'autre part, un peu plus d'un pour cent des contrats de mariage prévoient déjà une telle libéralité à l'avantage de la future.
43Un peu moins des deux dixièmes de ces allocations ne sont pas décrits, les testateurs s'en remettant à un tiers. En 1422, Jehan Dumas, d'Altayrac (Saint-Gervais), demande que sa chère épouse ait son victum et vestitum d'assuré dans sa maison à la charge de son héritier, leurs fils Raymond. Il ajoute que si ce dernier n'y pourvoyait pas, ce serait ses exécuteurs testamentaires qui y suppléeraient, et cela sans la licence, ni la volonté ou le consentement de Raymond69. Les gens s'en remettent donc aux exécuteurs, à des prêtres ou à des hommes honnêtes. Les testaments restants montrent que les rentes étaient versées, soit en argent, soit en nature, soit de façon mixte ; mais celles du premier type, relativement rares, sont généralement accompagnées de l'usufruit d'un domicile et même, le cas échéant, de terres qui procureront une partie de la nourriture 74. En 1472, un tisserand n'octroie qu'un étage de maison, un ort et des meubles à sa veuve, mais ce n'est pas par négligence : il semble considérer qu'elle pourra subvenir à ses propres besoins et, dans le cas inverse, il ajoute qu'elle disposerait d'une somme de soixante livres versables, dix d'un coup, puis trois par an. Il est vrai qu'il utilisait alors cette somme théoriquement prévue comme un augment de dot à remettre en cas de remariage. Le contenu des pensions est assez uniforme et se compose d'environ onze types de biens : le laitage, les céréales, la viande, l'huile et le sel, le vin, les produits tirés des prés et des orts, les vêtements, les animaux, les terres et les logements. C'est la combinaison entre ces divers éléments qui crée une certaine variété. La prévision d'un hébergement accompagne 74,75 % des rentes. Que faisaient celles qui rien bénéficiaient pas ? Impossible à dire ! Peut-être les biens dotaux comportaient-ils un immeuble ou leur restitution en permettrait-elle l'acquisition. 71,15 % des actes annoncent l'attribution de vêtements : en général une robe par an. Par robe, il faut comprendre une cotte ou une gonelle, souvent un an l'une, et l'autre l'année suivante. Beaucoup décident que la robe tiendra vingt-quatre mois. La chemise vient ensuite, mais elle est parfois remplacée par une canne et demie de chanvre 99.
44Ensuite, les deux aliments de base sont les céréales et la viande. 90,10 % des instruments mentionnent une ration de viande de porc salée plus ou moins riche, allant d'un cartayron _27_ à un quintal _41_ lorsque le poids est précisé, ce qui devrait correspondre à une fourchette de 4,3 à 43 kilogrammes puisque le cartayron vaudrait un dixième de quintal70 et le quintal du Gévaudan à cent livres ou 43,508 actuels kilogrammes71. En fait, la quantité la plus souvent exprimée est le demi-quintal, soit une vingtaine de kilogrammes par an. A d'autres reprises, le prix du porc est évalué : un demi-porc valant un franc en 1417 _7_ ou trente sous de viande en 1441 _33_, voire un écu en 1470 _64_. Pour le reste, le poids est ignoré et remplacé par la description de la, ou des pièces elles-mêmes. Sont ainsi cités des petassons, du bacon, des quartiers, des pieds de porc salés et des quarts ou moitiés de porc salé. En occitan, la "petasso" désigne une grosse pièce, un gros morceau, ce qui ne nous aurait guère édifié si nous n'avions parfois rencontré une synonymie avec le bacon : "petasso ou bacon" _57 ; une question s'impose toutefois : le bacon est-il un synonyme ou une alternative laissée dans le choix d'une pièce de viande différente ? La coutume rhétorique observée chez les notaires gabalitains d'utiliser d'abord un terme général, puis de le faire suivre par un second plus précis nous incite à considérer la synonymie comme probable. Une fois cette argumentation acceptée, nous devons nous demander en quoi consiste exactement le bacon. Les bouchers du XXe siècle distinguent le bacon anglais à base de lard maigre, et le bacon français formé à partir de filets de porc, fumé dans les deux cas bien sûr. Pour le XVe siècle, la réponse est impossible à formuler, même si nous avons tendance à affirmer qu'il s'agit de toute la chair de porc transformée en viande salée désossée qui s'opposerait ainsi au jambon. En effet, cette autre partie de l'animal est bien évoquée par le "pied de porc salé" légué par Jehan Chantarel dans la pension de sa veuve potentielle, Marguerite _90_. Ce pied ne saurait être identifié comme étant un simple pied, il correspond à un jambon, sans doute avec l'arrière-train de l’animal car les actes ajoutent en principe le terme "un quart de part de porc salé" afin de mieux définir le morceau _40, 90_. Lorsque la seule expression quartier de porc est usitée, il n'est pas impossible qu'il s'agisse du quart avant, ou arrière, ou peut-être de la moitié de la carcasse moins le jambon arrière. En guise de céréales, trois sortes de graminées sont allouées : le seigle, l'orge et le froment. Le premier est cité dans 78,35 % des pensions, le second dans 41,45 % et le troisième dans 17,10 %. En outre, 6,30 % de ces testateurs attribuent des blés sans les détailler autrement que comme étant mêlés (mescla) _79_ ou mangeables (mangadores) _ 56_. La répartition alimentaire des céréales diffère légèrement de celle qui est fixée pour le XVIe siècle. En effet, Alain et Nicole Molinier ont relevé du froment dans 17,60 % des actes seulement et de l'orge dans 11,50 % des rations ; par contre tous les constituants assignaient du seigle. Or, en Gévaudan, quelques actes ignorent complètement ce dernier type de graminées, préférant souvent le froment _18, 27, 84_, ou le froment et l'orge à la fois _19, 83_. En fait, très fréquemment, la pension est composée de deux ou trois des catégories de grains. Si certaines veuves ne se voient consentir que deux setiers _2, 28_, ce qui équivaut à deux cent quarante litres dans la cité épiscopale ou à deux cent soixante dans celle du Malzieu, d'autres jouissent de cinq _7,75_ à six setiers _1,77_, soit six cents à sept cent vingt litres à Mende, mais la grande majorité se contente d'environ trois setiers.
45L'assiette des Gabalitaines se remplit aussi de légumes ; mais environ 30 % d'entre elles seulement sont concernées par une clause de ce style. La description est rare et les documents nous confrontent à des termes génériques. Tout d’abord, la quantité n'est pas indiquée et la bénéficiaire a simplement le droit de ramasser les légumes dans les orts de l'héritier universel. En général, la veuve a droit aux raves, aux choux et au bois _81_. Les légumes sont parfois opposés aux raves ce qui implique qu'il y en ait d'autres _69_. Ensuite, viennent les fruits, très rares et décrits à une seule occasion, par un habitant de Barjac qui laisse les légumes et le bois selon ses terres, deux sacs de pommes et deux de noix, chaque sac faisant cinq cartes, soit cent cinquante titres de pommes et autant de noix _80_. Contrairement aux travaux d'Alain et Nicole Molinier, nous ne trouvons jamais de châtaignes. Le bois est laissé à discrétion, selon les terres possédées, ou bien quantifié : quatre charretées en 1427 _10_ ; un paysan en donne quatre à livrer à domicile et si l'obligé ne le faisait pas la rente monterait à six charretées _70_. Sans doute afin d'entretenir les animaux, sont octroyés foin et paille, deux charretées du premier en 1427 _10_, et une meule en 1454 _42_. Un rural promet du bois à ramasser, deux charrettes de foin et une de paille _13_.
46Si l'on excepte Agnès, femme de Jehan Torres, qui se voit accorder le lait d'une chèvre à sa volonté, le laitage est uniquement représenté par des portions de fromage. Les deux tiers de ces dernières sont d'un cartayron ou dix livres ; un peu plus de 15 % sont de cinq livres, les autres montent à quinze _79_, vingt-cinq _14_, trente _91_, voire cinquante livres _105_. Nous trouvons également deux fromages qualifiés caseos chabanentos dont nous ignorons tout. La relativement faible attribution de fromages est toutefois compensée par 17,10 % des testaments qui attribuent des animaux, généralement des vaches, des brebis ou des chèvres, et ce n'est qu'à partir de 1470 que la rente annuelle cumule fromage et animaux ; antérieurement c'est soit l'un, soit l'autre, ce qui augmente sensiblement le nombre de pensionnaires recevant du laitage. Les animaux sont souvent conservés dans la maison de l'héritier universel qui est chargé de les garder et de les nourrir _4, 49, 96_ et à défaut, l'hoir doit fournir le foin nécessaire pour l'alimentation _82_. Occasionnellement, l'homme laisse un boeuf _24_, deux ou trois ruches 61, 64_.
47Assez curieusement, alors que nous poumons penser que le vin était fréquent sur la table des ruraux et même des citadins de notre pays, puisque la contrée ne semble pas manquer de vignes, cette boisson est très rare et n'apparaît que dans 6,30 % des pensions, alors qu'Alain et Nicole Mobilier la retrouvent dans 34,60 % de leur fonds. Nous avons d'ailleurs pu constater que les expressions utilisées pour établir la vie commune mentionnaient plus souvent le partage de l'eau que celui du vin, comme si les Gabalitains n'utilisaient pas quotidiennement ce dernier. Soit par économie, soit par sagesse, il n'est pas impossible que le vin ait été d'un usage rare dans notre pays. Et quand l'allocation en comporte, la ration ne saurait pousser au vice : six setiers ou cent quatre-vingt-quinze titres pour la femme d'un tailleur ou d'un marchand 48,91_, le double pour celle d'un autre marchand _68_. Il est vrai que les épouses de deux fustiers obtiennent un demi-muid, soit trois cent vingt litres _52, 56_. La conjointe du riche marchand mendois Raymond Germain bénéficie d'un demi-muid de vin du Tarn et d'autant de vin du Vivarais, soit six cent quarante titres par an _20_, de quoi abreuver la maisonnée chaque jour. Dans près de 11 % des pensions de veuves et à partir de 1460, l'huile et le sel commencent à apparaître : trois émines d'huile et quatre cartes de sel au Malzieu _50_, ou dix sous pour en acheter au Born _51_, parfois cinq sous seulement _83_ ou un écu _82_, mais ces sommes servent aussi à d'autres achats.
48Ces produits sont augmentés par l'usufruit de terrains consenti dans 23,40 % des instruments : une vigne et deux champs sont transmis en 1411 _5_, un pré et un ort en 1426 _9_, une bande de safranière en 1480 _90_. Ces biens fonciers s'ajoutent au droit de prendre des subsistances sur les possessions de l'hoir, ou le remplacent, mais parfois la cession d'un ort est subordonnée à la mauvaise volonté que ce dernier mettrait dans la livraison des subsides _92_.
49Il est permis de considérer que la veuve devait pouvoir se nourrir avec vingt kilogrammes de porc salé, trois setiers de céréales et dix livres de fromage par an, soit soixante-quinze grammes de viande72, un titre de blé et douze grammes de laitage par jour. Cette ration est augmentée par quelques raves et choux, peut-être pas de façon quotidienne. Ces ressources paraîtront faibles à un contemporain de nos sociétés industrielles, et cela d'autant plus que certaines femmes ont encore moins pour vivre. Pour juger de la valeur de cette rente "moyenne", le mieux est de se référer à des exemples concrets illustrés par des. familles supposées à l'aise. En 1445, Delphine, femme de Raymond Boyer, hôtelier de Chanac, se voit reconnaître par ce dernier une rente de deux setiers de seigle, deux de froment, un demi-quintal de porc salé et quatre-vingts sous pour s'acheter des vêtements, en plus d'une chambre et d’un ort _37_ ; ce qui est légèrement supérieur aux subsides nécessaires pour vivre. Or, Delphine est la mère du chanoine Etienne Boyer et la parente de Raymond Bonot qui fut official de Mende, puis du Puy73. En 1456, Jehanne, femme de Guillaume Clapier, notaire de Mende, reçoit trois setiers de seigle, deux de froment, soixante-quinze sous et une maison, mais elle n’a ni viande, ni vêtement, ni légume, ni vin, ni huile, ni sel _44.
50Si nous nous référons aux pensions attribuées aux femmes de la vieille noblesse découvertes lors de contrats de mariage, nous constatons que noble Marguerite d'Oyde, fiancée en 1454 à noble Eustache du Boschet, fils et héritier de Jehan, seigneur de Broussoux, du Mazel et coseigneur de Vébron, obtient : une chambre, six setiers de céréales, un muid de vin, un quintal de porc salé, un cartayron de fromage, et trois livres tournois. A la même époque, Hermestende de Meyrueis, mère d'Eustache du Boschet, héritière de la coseigneurie de Vébron, qui fait donation de ses biens à son fils, se réserve, pour le cas où elle ne pourrait pas vivre avec Eustache : ses "maisons principales" de Vébron, neuf setiers de céréales, un cartayron de fromage, deux porcs, un muid de vin pur, une livre de cire, quinze sous, un lit et le nécessaire qui va avec, ainsi qu'une domestique pour la servir. En outre, elle aura quinze autres sous chaque mois. Si nous tenons compte du fait que les femmes issues des maisons de d'Oyde ou de Meyrueis devaient maintenir un train de vie digne de leur rang, nous constatons que les pensions des roturières devaient suffire pour vivre. Enfin, il ne faut pas oublier que ces rentes sont octroyées à des veuves dont l'inactivité réduit les besoins alimentaires, et si l'épouse survivante est active, ses revenus seront forcément augmentés par son travail. D'ailleurs, Jehan Malaboche, de Colombèche, opère une différence entre sa femme et sa fille infirme _87, 105_.
51Ces pensions reviennent parfois plus cher qu'une dot. Quand elle teste, en 1473, Isabelle André, héritière de l'oustau paternel, constitue à son mari une pension de dix livres de fromages, deux setiers d'orge, deux de froment, vingt-cinq livres de porc, vingt sous, quatorze livres de laine et un logis ; elle en donne autant à sa fille Hélix "mal disposée de sa personne" I et II_. Mais elle ajoute qu'au cas où Hélix parviendrait à se marier, elle recevrait une dot de vingt livres, solvables, quatre aux noces, puis vingt sous par an. Or, Hélix devait déjà toucher cette somme de vingt sous, chaque année, en plus de ses aliments. Il est bien évident que la dot est une moindre charge pour l’héritier.
52En outre, chaque veuve rentre en possession de sa dot, restituée en termes annuels qui lui permettront d'améliorer sa vie. Ainsi, en 1474, Anthoine Ebrard, d'Altayrac (Saint-Gervais), constitue-t-il une rente à sa femme Philippa Passabost, avec cinq livres de fromage, dix livres de porc, trois setiers de céréales, une robe et un étage de maison _77_. Or, lors de leur mariage en 1450, Philippa avait obtenu une dot de trente-cinq livres à verser, et à restituer, deux livres en premier terme, puis une livre par annuité. Il est vrai que la veuve n'aura pas intérêt à épuiser son capital si elle est encore suffisamment jeune pour se remarier ; par contre, si elle est trop âgée, elle pourra le faire et c'est son fils, si elle en a un, qui devra éviter la dépense occasionnée par la restitution autant que le risque de dilapidation de la dot, et pour cela le plus sûr moyen sera de garder sa mère sous le toit familial. De plus, 40 % des testateurs formant une pension la jumelle avec l'attribution d'un augment de dot, comme Guillaume Arzalier en 148274.
E - Les veufs et les veuves de la parentèle
53Outre le fait que quelques testateurs appelaient leurs ascendants à leurs successions, les testaments démontrent que 4,95 % des hommes à l'état laïc, 4,20 % des ecclésiastiques et 1 % des femmes se souciaient du sort de leurs parents ou beaux-parents encore vivants. De plus, 0,80 % des hommes veillaient aussi à la destinée d'une veuve de leur parenté : bru ou belle-sœur.
54La pensée des testatrices s'oriente principalement vers leurs mères. En 1436, Primevaire Arlier, successivement veuve de Guillaume Chastanier et d'Etienne Renidat, demande que sa mère Hélix, veuve de maître Privat Arlier, jouisse du victum et vestitum sur son hoirie laissée à son fils, Pierre Chastanier. La plupart des prêtres qui assurent l'avenir de leurs parents se préoccupent également avant tout de leurs mères, comme Jehan Cavalier, prêtre et bachelier en décret de Florac, en 1419. D'autres font nourrir leur père par leur successeur tel Pierre de Chaldoreilhe, prêtre de la cathédrale en 145075.
55Près de la moitié des hommes qui citent leurs mères autrement que pour en faire leurs héritières, leur offrent l'usufruit de leurs successions76. Quelques-uns ajoutent qu'en cas de désaccord avec leurs héritiers, elles bénéficieront d'une pension, comme Pierre Bonet, en 1471 ; d'autres les instituent usufruitières, comme Pierre Raymond, en 1427, ce qui indique qu'elles resteront chefs de famille, envers et contre tout ; cela malgré la survie des épouses des testateurs elles-mêmes. A chaque fois, la concession d'un usufruit semble confirmer une situation antérieurement établie. Ainsi Jacques Pelhicier, de Recoules (Vébron), exige-t-il en 1475 que sa mère, Philippa, soit "maîtresse et puissante" comme son père l'avait naguère prescrit77. Les pensions concédées par le père à la mère sont également prorogées par le fils. Pierre Bonet procède ainsi ; d'autres, tel Guillaume Ebrard, augmentent celles qui furent naguère constituées à leurs mères. Mais cette attention particulière est aussi l'expression de la seule volonté du fils.
56Le fils constitue les mêmes types de gains de survie que celui qu'accorde un mari. Et ceux-ci se perpétuaient après le décès de ceux qui les devaient, comme toutes les obligations d'un testateur. Quand une femme était pourvue de certains droits par son mari, l'héritier devait s'y tenir, et après lui ses successeurs. Cette astreinte est évoquée par Marcébilie Bonhomme, veuve de Jehan Petit, notaire et meunier mendois. En 1477, elle fait donation entre vifs à son fils, Etienne Petit, de tous ses biens et de tous ses droits, retenant toutefois la pension que constitua le défunt Jehan ; elle reconnaissait toutefois que la pension ne lui serait pas versée si elle vivait avec son fils ou les siens et précisait que sa dot lui reviendrait si elle venait à se remarier. Parfois, la constitution d'une rente n'est que le fruit d'une telle donation. En 1462, Alasacie, veuve de Pierre Raymond, heureuse des services rendus par son fils, Pierre Raymond, cède à ce dernier toutes ses prétentions sur sa dot, se réservant en contrepartie le victum et vestitum, le droit de tester et l'annulation de la cession si Pierre décédait avant elle. Le même jour, Pierre rédigeait ses dernières volontés et énumérait la pension revenant à Alasacie _51_. Et dans ce cas précis, il ne s'agit pas d'une prorogation d'une gratification accordée par le défunt père de Pierre. En effet, En 1427, le mari d'Alasacie, s'était contenté de reconnaître sa dot et d'octroyer un augment de cinq moutons or78.
57Quand la pension est attribuée à une fille, c'est souvent afin de parer à l'incapacité dans laquelle celle-ci est de se marier _105 et I_, mais si c'est une cognate qui remporte ce type de privilège, c'est pour confirmer une situation antérieure. En 1439, Astruge Masso obtient une pension de son beau-frère, Raymond Delcros, au cas où elle ne pourrait vivre avec ses enfants et ceux de Raymond. Or nous savons que ce dernier s'était autrefois affréré avec l'époux d'Astruge. En conséquence, la pension de la belle-soeur était incontournable et résultait des conventions d'affrèrement.
58Plus étranges peuvent paraître les gains de survie octroyés à un père ou un beau-père. En 1435, Guillaume Damat, de Chanteruéjols (Saint-Gervais), laisse le victum et vestitum à son beau-père, après l'avoir institué tuteur, aux côtés de sa femme, de son fils et héritier Bartholomé. En frit, c'est sans doute la reconnaissance du statut de chef de famille revenant entre les mains du mâle le plus âgé de l'oustau. Cette déduction est attestée par les dernières volontés de Pierre de Fisto, enregistrées avec licence et volonté d'Etienne et Jehan de Fisto, grand-père et père de Pierre, qui remet sa succession à son fils Bertrand, un augment de dot à sa femme qui devra nourrir leur fille, et fait d'Etienne et Jehan les maîtres et usufruitiers de ses possessions, en rapportant que cette volonté est conforme à un acte antérieur79.
III - LORPHELIN
59Nous avons vu que la personne et les biens de l'orphelin de mère étaient placés sous la régence de son père ; aussi ne nous intéresserons-nous qu'à l'enfant qui a perdu son père, ou le cas échéant ses deux parents. Notre objectif est de voir quelles modifications entraînait la mort du chef naturel de la famille, puisque cette dernière exposait l'enfant à tous les risques encourus par quelqu'un qui ne jouit pas de ses pleines capacités juridiques, physiques et psychologiques80, et confrontait la mère à un nouveau rôle, plus indépendant, d'abord face à elle-même dans la mesure où elle retrouvait le plein usage de sa dot et de ses paraphemaux, mais aussi face à ses enfants. Le trépas du père ouvrait aussi la porte de l'oustau aux regards extérieurs. Lesquels ? Celui de la justice, des amis et peut-être même des voisins. Le but est de révéler comment s'opérait cette transformation de la famille à travers la situation de l'enfant l'institution de sa tutelle ou de sa curatelle, l'identité de ceux sur lesquels sont reportés l'autorité paternelle et les pouvoirs impartis à chacun.
A - Institution de la tutelle et de la curatelle
60Dans son étude sur le juriste Etienne Bertrand, Paul Ourliac déclare que "le droit romain connaissait trois sortes de tutelles : les tutelles légitimes, datives et testamentaires. La tutelle légitime n'a plus cours. La mère, qui d'après les textes du Bas-Empire aurait dû être de plein droit tutrice de ses enfants, tire seulement de son officium matris le droit de faire désigner un tuteur. La tutelle testamentaire n'existe pas : il est bien vrai que le père ne manque jamais d'y pourvoir dans son testament ; mais toujours la désignation du tuteur ainsi faite doit être confirmée par le juge [...]. On reconnaît seulement au tuteur désigné dans le testament la prérogative d'être préféré à tout autre et la clause que l'on trouve fréquemment dans les actes que le tuteur désigné entrera en fonction absque alicuius presidis ve/ iudicis licentia petita nec obtenta paraît n'avoir aucune portée. Les tuteurs datifs sont nommés par le juge compétent"81. La distinction s'opère donc en fonction du mode d'institutions. Selon le même auteur, la distinction romaine entre la tutelle et la curatelle n'avait plus de raison d'être. Dans son autre ouvrage, rédigé avec Jean-Louis Gazzaniga, Paul Ourliac précise sensiblement son propos en déclarant que c'est à partir des XVIIe et XVIIIe siècles que tutelle et curatelle sont confondues82. Quelle est la situation en Gévaudan ?
61Est-il réellement possible de considérer que la tutelle testamentaire n'est pas reconnue alors que 25,35 % des hommes laïcs nomment un tuteur, un curateur ou un administrateur lorsqu'ils rédigent leurs dernières volontés ? En fait, si nous tenions compte du nombre d’hommes sans enfant ou avec une descendance ayant atteint l'âge mur, il est certain que la presque totalité des pères qui laissent un enfant en bas âge recourent à l'institution par testament et la plupart d'entre eux excluent le droit d'intervention du juge en déclarant que le titulaire de la délégation d'autorité agira sans intervention de quelque juridiction que ce soit83. De plus, des testatrices en état de veuvage en font autant*84. D'ailleurs l'expression tutor testamentarius est fréquemment utilisée dans des actes de la vie courante85.
62La dation de tutelle par l'autorité judiciaire est assez répandue et nous avons relevé une cinquantaine de décisions de justice portant sur des investitures de ce genre : 33,30 % de tutelles, 14,60 % de confirmations de tutelle, 33,35 % de curatelles, 18,75 % de tutelles et de curatelles conjointes. Les quelques confirmations de tutelle consenties par un juge en faveur de tuteurs testamentaires doivent-elles nous inciter à reconsidérer notre propos sur la validité des élections faites par un testateur ? Nous ne le pensons pas. L'expérience que nous avons de la manipulation de notre fonds notarial nous a accoutumé au recoupement d'actes. Nos documents se complètent tous très souvent : contrats de mariage, testaments, quittances de biens familiaux ou de dot, pactes familiaux et arbitrages. Les testaments émanant de prêtres, par exemple, doivent donner lieu à une publication ; or, si nous n'avons pas retrouvé la publication de tous ces testaments, parmi les publications découvertes, un certain nombre concernait les dernières volontés dont les instruments sont parvenus jusqu'à nous. Or, presque aucune tutelle ou curatelle dative ne confirme le quart de testaments évoquant ce problème. La seule homologation accordée par un officier concerne la famille Gasquet (Gasc), déjà évoquée à plusieurs reprises, et cela pour la seule raison qu'un des membres de la famille était dément. On pourrait nous répliquer que ce vide est dû à l'aspect purement judiciaire de la dation Cette objection n'est pas valable car elle vaudrait aussi pour les publications testamentaires. En outre, la connaissance de nos sources nous autorise à affirmer que les registres de notaires fourmillent d'actes juridiques, et cela pour une raison bien simple, la plupart des tabellions sont greffiers des diverses Cours détenant une parcelle de justice : celle de l'officialité, de la Cour commune, du chapitre et des nombreux autres seigneurs. En fait, si la confirmation de la tutelle avait été obligatoire, nous sommes convaincus que nous aurions découvert plus de minutes de ce type.
63Alors pourquoi certaines personnes firent-elles confirmer la nomination imposée par voie testamentaire ? Il y avait sans doute des situations spéciales, comme celle de la famille Vital. En avril 1429, Guillaume Vital, du Chastelnouvel, est à l'agonie et décide de tester, en présence de divers habitants dignes de foi et d'un prêtre mendois qui, en l'absence de notaire, transcrit la déclaration sur papier. Ensuite, en juin 1429, Jehan Vital, frère de Guillaume, demande au bailli capitulaire de lui accorder la tutelle et la curatelle de ses neveu et nièce, comme l'avait prescrit Guillaume Vital, ce qui lui est accordé en même temps que la publication du testament du défunt. Toutefois, les autres exemples d'entérinement de la volonté de testateurs ne sont pas dus à de telles exceptions, et il est probable que l'appel à la justice serve à asseoir le pouvoir qui découle du testament. Ce pouvoir n'est pas exercé à des fins coercitives contre l'enfant, mais pour assurer sa protection. Il semble donc logique de penser que la tutelle testamentaire, si elle pouvait être attaquée en justice, n'en était pas moins valide et permettait à son titulaire de gérer l'orphelin et ses biens. D'ailleurs, certaines familles ne se préoccupent que très tardivement de ce problème. En 1445, à Vébron, les oncles paternels et la mère des six filles de Jehan Gras, exposent au bailli du lieu que Jehan Gras décéda intestat, puisque Catherine, l'aînée, fut fiancée "à l'état nubile" avec le consentement des oncles paternels et d'autres amis sans qu'aucune dot ne fût constituée car aucun d'eux n'avait le pouvoir de le faire. Après quoi Saure, secondement née, fut également promise en mariage. En conséquence, les oncles requéraient la constitution de tuteurs et de curateurs au profit des pupilles86. Les enfants Gras étaient donc demeurés sans tuteur légal jusqu'au mariage des premières filles, et cette pratique ne surprend par Hubert Richardot qui note, à propos du Forez, "qu'à défaut de disposition testamentaire du père, ou de requête de l'enfant et de ses parents ou amis, le juge négligeait parfois sa mission."87. Un autre exemple est révélateur : en 1445, Jehan Guilabert, du Monastier, est le "gouverneur" de ses petits-enfants. Son mandat n'est pas celui d'un tuteur, mais d'un simple administrateur ; il s'est donc factuellement substitué à son fils88 et ce n'est qu'après son trépas qu'un décret de tutelle fût accordé à un tiers89.
64Si nous délaissons les conflits ouverts devant les parlements vers lesquels les historiens du droit se tournent pour voir quelles règles de droit triomphaient, ou les doctes ouvrages des personnages qui tentèrent d'imposer progressivement le droit savant face aux pratiques notariales et coutumières, nous observons que la réalité quotidienne sanctionnée par les notaires donne une autre vision des problèmes. Quand le père meurt, la vie continue au sein de l'oustau, sous la responsabilité de la mère, voire de la grand-mère, du grand-père ou d'un proche parent, qui élève les pupilles. Dans le meilleur des cas, le défunt a rédigé un testament et presque systématiquement désigné celui qui exercera la tutelle ou la curatelle ; dans le pire des cas il est resté intestat. Si les enfants n'ont pas de biens à gérer, l'appel à la justice est totalement inutile et les magistrats qui désireraient imposer leur droit de regard, ne serait-ce que pour accroître les revenus seigneuriaux, ont souvent autre chose à faire que de se mêler d'une affaire dont personne ne les saisit. La publicité des faits divers campagnards, ou même urbains, n'est pas toujours assurée et le juge n'est pas informé de tout. En outre, un pouvoir n'est toléré que tant qu'il est dirigé avec sagesse et pondération. Dans notre pays où chaque oustau veille à ses affaires, où les parents "cabalon" entre eux, où les particuliers préfèrent souvent recourir à l'arbitrage de probes hommes pour se départager, l'officier de justice n'est pas forcément le bienvenu, et ce dernier, à trop vouloir imposer son autorité, pourrait exposer celle-là à un rejet populaire et même provoquer des révoltes. Il suffit de songer au comportement des insulaires méditerranéens, Corses, Sardes et Siciliens, qui au début du XXe siècle, et même encore il y a peu de temps pour une minorité, se livraient à la "vendetta" en réprouvant l'appel à la justice. Les Gabalitains se satisfont donc amplement de l'autorité du testament et seul un petit nombre d'individus éprouve le besoin de faire confirmer une tutelle testamentaire, sans doute pour éviter que les mutations immobilières ou les partages du patrimoine ne puissent être ultérieurement contestés, en particulier lorsque le tuteur désigné n'est pas un parent. C'est donc surtout en cas d'intestat que les parties adressaient une requête à la justice.
65L'institution de la tutelle et de la curatelle datives s'opère à peu près selon le même processus90. Pour une tutelle, le juge, voire le bailli, ou l'un de leurs lieutenants, est généralement saisi par le plus proche parent des enfants. Parfois, c'est un officier qui intervient : En 1465, Pierre Martin, procureur du chapitre de Mende, ayant appris que les enfants Crosat étaient orphelins de père et de mère, redoutant la déperdition de leurs biens, se transporte à Rieutort-de-Randon, où vivent les Crosat et s'informe afin de saisir le juge capitulaire. Après, le juge fait ajourner les parents afin de choisir le plus apte d'entre eux auquel il confère alors l'investiture. Si le juge préfère un volontaire, il peut aussi "procéder par voie d'autorité"91. En 1445, Pierre Clavel, lieutenant du juge de Marvejols, interroge Plasense, veuve Valentin, pour savoir si elle veut être tutrice, laquelle répond négativement en arguant de la simplicité de son sexe, et pourtant, après quatre jours de réflexion, il lui impose la tutelle. Mais dans la plupart des cas nous voyons la personne appelée consentante et volontaire, la mère renonçante étant remplacée par un oncle, comme Guillaume Badaros institué à la place de Marguerite, veuve de Bertrand Badaros92. L'élu promet alors de gouverner les enfants, de bien gérer leurs avoirs et de rendre ces derniers à la fin de son mandat.
66Lors d'une curatelle, c'est généralement l'enfant devenu pubère qui requiert le magistrat de le confier à un curateur. Mais cette distinction due à l'identité du demandeur est loin d'être impérative, comme le prouve les cas où la procédure commence juste après le décès d'un père laissant des enfants impubères et d'autres adolescents. En 1429, Jehan Vital demande que son neveu Etienne soit pourvu d'un tuteur, et que sa nièce Béatrice, majeure de quatorze ans, mineure de vingt-cinq, le soit d'un curateur. Mais, en 1427, Pierre Brunei, de Bruguière (Rieutort-de-Randon), réclame un curateur pour lui et un tuteur pour ses germains. Ce type de demande au profit d'enfants qui sont nubiles alors que d'autres ne le sont pas encore pourrait nous inciter à penser que les deux institutions se confondaient et cela d'autant plus que Pierre Brunei et ses frères ne sont pas les seuls dans cette situation. En 1427, Pierre Fabri reçoit les cure et tutelle de Guillaume Branède, majeur de quatorze ans, mineur de vingt-cinq, et d'Etienne et Vital Branède, frères impubères du précédent. De même, en 1471, Jehan Jove, carrier de Mende, précise-t-il que son fils et sa fille seront sous la tutelle de leur mère, et par la suite sous sa curatelle. Pourtant il y a, entre les deux, une distinction énorme qui s'exprime, non à travers l'identité du protecteur, mais, comme nous le verrons plus loin, par les droits qu'ont l'enfant et son administrateur. Et la démarcation est même imposée par certains enfants. En 1429, Jehan Passabost était sous la tutelle de sa mère, et un an plus tard, Jehan qui venait de passer ses quatorze ans requit la justice de lui donner Privat Cobe, notaire de Mende, comme curateur93.
67Juridiquement la fin de la tutelle est fixée à l'âge de la "mini-majorité" engendrée par l'entrée dans l'adolescence. Mais bien d'autres cas peuvent la motiver. Tout d'abord, lorsqu'une femme est instituée tutrice testamentaire, le mari indique généralement qu'au cas où sa veuve se remarierait elle cesserait de l'être. Plusieurs actes confirment une telle destitution. En 1465, Jacques Portanier chargea sa femme, Guillauma Fabri, et le notaire récipiendaire de son testament, Etienne Torrent, d'être les "tuteurs et légitimes administrateurs" de ses trois filles et héritières. Peu après, Guillauma s'unit avec le barbier Jehan Chambarlenc. En 1466, un pacte précisa que les trois filles restaient de fait quasiment sans recteur et Etienne Torrent transigea avec Guillauma et son nouvel époux. Les comptes rendus, le nouveau couple s'engagea à assurer le victum et vestitum des trois héritières pendant cinq ans, délai durant lequel il pourrait jouir des héritages, après quoi les filles en reprendraient possession. Ainsi le notaire demeura-t-il seul tuteur, la mère étant administratrice des biens, ce qui n'empêcha pas la vie commune de durer bien plus longtemps, car une fille, sa mère et Jehan Chambarlenc vendirent un ort en 147594.
68Si la défaillance de la mère laissait la tutelle totalement vacante, il devenait nécessaire d'en appeler au juge. En 1470, la Cour capitulaire décerna la tutelle de Jehan Tranchaceps, de Chanteruéjols, à Jacques Tabolh et Marguerite, ses grand-père et mère, ses "plus proches parents". En 1470, Marguerite, autorisée par son père, s'associa un paysan Jehan Fuelbar. Le temps s'écoula jusqu'en 1474, lorsque Marguerite et son père se présentèrent devant le lieutenant du bailli capitulaire, et lui exposèrent que Jacques devait partir pour longtemps dans les terres basses, alors que Marguerite venait récemment de se remarier, les empêchant ainsi de régir valablement la tutelle laissée vacante. En conséquence, Jehan Fuelbar réclamait auprès du procureur du chapitre, que la tutelle et l'administration du pupille lui fussent remis, ce à quoi consentit le tribunal. Avec Jacques Tabolh a été évoquée la renonciation volontaire à l'exercice de la tutelle. Cette dernière ne pouvait être prise unilatéralement puisque le juge jouit d'un pouvoir de contrainte. Il faut donc une sérieuse raison. En 1443, le bailli de Barre confie la tutelle des enfants de Guillaume Fort à leur grand-père maternel et à leur grand-mère paternelle, Pierre de Gado et Gaudiose, veuve de Pierre Fort, préférant ceux-là à la mère, Alasacie, qui est jeune et pour laquelle des secondes noces paraissent nécessaires. En 1445, devant la même Cour, Gaudiose expose qu'elle est vieille, faible et fragile au point de ne pouvoir se rendre de sa maison jusqu'à l'église, ce qui fait obstacle à son administration des enfants. Sur cette déclaration, les officiers citent quelques probes hommes de la ville qui confirment que Gaudiose est inapte, impotente et incapable d'assumer une telle responsabilité, et Pierre de Gado se retrouve institué comme seul tuteur95. La tutelle était aussi interrompue et devait être renouvelée à la mort du gouverneur. Et il est certain que la curatelle était soumise aux mêmes aléas.
B - Le choix des tuteurs et des curateurs
69Lors de la dation d'une tutelle le magistrat fait ajourner la parentèle des enfants, les amis charnels et les parents, termes sur lesquels les historiens se sont interrogés, en particulier depuis Juliette M. Turlan96, ainsi que les affins, amis et voisins. Qui sont ces proches parents et amis charnels ? Chez les Valentin, l'expression concerne la mère, la grand-mère paternelle, l'oncle paternel et l'oncle maternel ; pour les Guilabert ce sont un oncle et une tante97. En fait, l'énumération des autres exemples confirmerait ces degrés de parenté et, dans un acte de 1433, les mêmes individus sont successivement qualifiés "amis charnels et proches parents" et "agnats et cognats"98. Les lignages paternel et maternel sont donc convoqués, ce qui répond à la question posée dans notre quatrième chapitre sur l'importance des liens cognatiques. La parentèle gabalitaine est avant tout cognatique99 et s'il arrive que certaines successions, par le biais des substitutions, fassent primer la lignée agnatique par la préservation des biens entre les mains des descendants mâles porteurs du patronyme familial, les relations quotidiennes entre ego et ses cognats sont très intimes. Parfois, le voisinage, sans doute celui qui se limite aux amis et avec lequel le système d'échange généralisé que nous avons mis à jour crée un lien de parenté, participe aux décisions. En 1465, le juge capitulaire Pierre Enjalvin fait convoquer deux oncles paternels, deux oncles maternels, ainsi que six hommes qui sont apparemment des gens du voisinage ; un autre jour, il réunit la mère, le grand-père maternel, et huit voisins100. D'autres actes démontrent que le juge Enjalvin semble avoir eu tendance à inviter ainsi un large cercle de témoins ; sans doute était-il plus pointilleux et plus soucieux de s'informer que ne l'étaient d'autres magistrats qui suivaient rapidement les désirs des proches parents. De toute façon, en général, des représentants des lignages paternel et maternel sont présents.
70L'une des premières questions de l'officier de justice porte sur l'existence ou non d'un testament ; ensuite il s'instruit sur l'identité de celui qui pourrait assumer la tutelle. C'est la première intervention d'un cercle élargi de parents et d'amis dont le rôle est de dire qui est "apte" à gouverner les enfants, leurs biens et leur tutelle à l'officier qui s'informe pour savoir qui est le plus proche en parenté, en affinité et en voisinage desdits pupilles, ainsi que le plus idoine et habile pour gérer, exercer et tenir leur administration101. Et, sauf pour de rares exceptions, ces familiers sont exaucés102. En fait, un peu plus 56 % des tutelles datives et autant de tutelles testamentaires sont confiées à une épouse103. D'ailleurs, en 1432, devant le bailli du chapitre de Mende, Mondette, épouse du défunt Pierre Thoreyre, de Chadenet, supplie d'être pourvue de "l'office de tuteur" qui lui incombe en tant que mère. Et Colombe, veuve de Jehan Meyssonier, de Colagnet (Saint-Gervais), se voit même octroyer la tutelle et la curatelle des six enfants de Jehan, dont certains sont nés d'une première union104 ; ce qui pourrait exposer ces derniers à quelque injustice. Deux causes peuvent s'opposer à la nomination de la mère : son inaptitude, comme pour tous les autres parents, et son éventuel désir de se remarier105 ; c'est pourquoi Pierre Enjalvin demande à Guillauma, veuve de Pierre Gisquet si elle compte demeurer célibataire, et c'est seulement ensuite qu'il lui donne la charge de ses enfants. De plus, 15,25 % de ces femmes auxquelles un testateur confia la garde des enfants furent associées à un tiers, leur père, leur beau-frère, ou les exécuteurs testamentaires du mari, voire le notaire ayant reçu le testament106. Ce sont donc des exécuteurs testamentaires ou des parents très proches qui accompagnent généralement la veuve dans son devoir.
71D'ailleurs, 27,35 % des testateurs remettent la tutelle ou (et) la curatelle de leurs pupilles à leurs exécuteurs testamentaires. 8,57 % de ces derniers agissent de concert avec la veuve, 2,85 % avec la grand-mère des orphelins alors que la mère vit encore107, mais 68,55 % d'entre eux opèrent seuls alors que l'épouse du défunt lui a survécu. En fait, quand les veuves sont évincées par leurs maris de la direction de la tutelle ou de la curatelle, elles bénéficient, pour la moitié d'entre elles, de la seigneurie et de l'usufruit des biens, sous seule condition de rester veuves auprès de l'héritier, et presque toutes les autres jouissent de l'hébergement dans l'oustau familial, avec une réserve identique. Seule une infime minorité dont nous ignorons le sort n'est pourvue que d'un augment de dot108. Ainsi, la veuve, même lorsqu'elle ne reçoit pas la "patria potestas", rien demeure-t-elle apparemment pas moins dans la maison familiale, près de ses enfants. Il est certain qu'elle est la maîtresse au quotidien, sauf dans les rares cas où elle cohabite avec un aïeul, comme Delphine qui reçoit la seigneurie de l'oustau aux côtés de son beau-père, Pons Salvanh, qui vivait indéniablement avec elle et son mari, Pierre Salvanh, en 1470109. Elle vit logiquement avec ses enfants dont l'un est généralement l'hoir du père ; elle les nourrit, les éduque et décide de la vie journalière. Dans cette perspective, les tuteurs et exécuteurs testamentaires sont surtout appelés à jouer le rôle d'un conseil de famille par lequel la veuve devra passer pour tout acte qui sort du quotidien.
72Ensuite, 7,80 % des tutelles sont accordées à la grand-mère paternelle des enfants, alors que la plupart du temps la mère n'est pas décédée110. La préférence portée sur Meule plutôt que sur la mère pourrait s'expliquer par le fait que la première, alors veuve, est devenue trop vieille pour se remarier, contrairement à la seconde. L'aïeule des pupilles est fortuitement assistée par un tiers, frère ou exécuteur testamentaire du testateur111. Dans d'autres circonstances, les enfants reçoivent un aïeul paternel, un oncle paternel, laïc ou prêtre, un oncle maternel, un beau-frère ou un cousin112. Lorsque les tutelles datives n'échoient pas à la mère des orphelins, elles sont donc remises à un aïeul, homme ou femme, paternel ou maternel, un oncle, un cousin, un exécuteur testamentaire ou à plusieurs personnes issues de ces degrés de parenté ou d'amitié.
73Si l'élection du tuteur se fait presque toujours parmi les familiers, il n'est pas impossible qu'il y ait parfois des sortes de "professionnels". Il suffit de prendre l'exemple de Jacques Balmas, un personnage notablement connu de la cité mendoise113, qui fut institué tuteur des enfants de Jehanne Bert, femme de Durand Cordolh, de Mende, en 1443, de ceux du marchand Guillaume Cobe en 1466. Il assura encore les tutelles de Guillaume Marquez en 1459, de Je han Orlhac en 1466, et conseilla la veuve d'Etienne Jove, tutrice des enfants d'Etienne, en 1464114. Contrairement aux exécuteurs testamentaires, les tuteurs ne reçoivent pas de legs115 et la tradition romaine imposait d'ailleurs la gratuité en ce domaine116 ; aussi l'appât du gain ne peut-il être une explication En lait, la renommée de Jacques Balmas lui donnait une aura qui inspirait une foi raisonnable à ses concitoyens.
74Nous avons vu que les tuteurs formaient parfois une sorte de conseil de famille chargé d'entourer la veuve qui gérait l'oustau dont le chef avait disparu. Certaines tutelles datives dont bénéficient des mères laissent deviner et mettent parfois clairement en évidence l'existence de telles "tables de parents" autour desquelles seront prises les grandes décisions. En 1465, Catherine, veuve de Vital Garnier, qui a obtenu la tutelle de ses enfants sur les recommandations de ses nombreux parents et amis, s'oblige à rendre les biens de ses enfants en produisant ses père et frère, Astorg et Etienne Borrel, comme fidéjusseurs. Or, à partir du moment où les richesses des Borrel sont mises en danger, il est bien évident qu'Astorg et Etienne surveilleront les actions de Catherine et conseilleront cette dernière, sans y être réellement astreints. En 1420, Agnès Farsat, en 1439, Isabelle Ferrier et, en 1466, Guillauma, veuve de Pierre Gisquet, en font autant117. Mais de véritables conseils de famille, dignes de ce titre, sont assignés lors de quelques tutelles datives"118. En 1439, le juge royal dé Marvejols et le lieutenant du bailli royal accordent la tutelle de ses enfants à Jehanne, veuve de Jacques Robin, et déclarent qu'elle bénéficiera des conseils de Jehan Robin, prêtre, Pierre Robin, Urbain Aragon, oncles paternels et maternel des enfants, ainsi que de Guinot Delcros, notaire de Marvejols. Un même individu pouvait siéger dans plusieurs conseils de sa propre famille. En 1444, le lieutenant du juge du Monastier adjoint à Jehanne, veuve de Benoît Bodet, tutrice de ses enfants, Jehan Manhe, du Villard, son frère, Jehan Bodet, alias Alvemhas, né du premier mariage de Benoît, et Guillaume Froment, du Monastier. Puis, en 1445, le même Jehan Manhe reçoit mandat de conseiller son autre soeur, Plasense, veuve de Raymond Valentin et tutrice de ses enfants, et cela aux côtés de Bernard Valentin, frère du défunt119.
75Jusqu'à présent, nous nous sommes surtout intéressé à l'identité des tuteurs, pour constater que celle des curateurs ne différait guère dans la mesure où les deux institutions étaient liées. C'est vrai lorsque tutelle et curatelle sont décrétées le même jour, par voie testamentaire ou judiciaire ; cela l'est moins quand la seconde fait l'objet d'une décision isolée. En effet, la curatelle est demandée par l'enfant pubère qui peut se démarquer des influences familiales et même accroître son indépendance en faisant appel à un étranger qui tiendra plus le rôle d'un conseiller que d'un maître, comme Jehan Passabost dont nous avons déjà parlé. Ainsi, près de la moitié des curateurs dont nous avons retrouvé le décret d'institution sont-ils apparemment pris en dehors de la parenté après une demande volontaire de l'adolescent. Pour ceux qui sont choisis parmi les proches, nous constatons que le lien cesse d'être ascendant pour devenir collatéral. Moins du quart des jeunes se réfèrent à une relation avunculaire, paternelle ou maternelle, et le quart restant élit un frère ou un beau-frère120. Ce deuxième écart dans l'identité du conseiller résulte très certainement de l'épuisement des ascendants. Pendant que les enfants passaient de l'impuberté à l'adolescence, les années se sont écoulées et les collatéraux ont atteint l'âge mûr alors que les aïeux et les mères se sont pour la plupart éteints. La difficulté éprouvée par les juristes à percevoir une différence entre les deux types d'institution découlerait d'une bonne entente familiale et de la survie des tuteurs. En effet, tant que les choses se déroulent dans la quiétude, l'adolescent n'a pas d'intérêt particulier pour demander un curateur et le tuteur continue, plus ou moins légalement il est vrai, à s'occuper de l'enfant. Par contre, si un conflit surgit, qu'il soit matériel ou psychologique, le pubère peut saisir la justice afin de décréter l'ouverture d'une curatelle dont il proposera lui-même le postulant au magistrat.
76Le mineur est alors souvent assisté d'une sorte de conseil de famille qu'il a lui-même élu et qui le guide ou parfois le remplace grâce à des procurations. En 1425, nobles Jehan de Chapelu, seigneur de La Vigne, et Soubayrane de Chapelu, soeur de Jehan, réclament chacun de leur côté que leur beau-frère, Philippe du Chaylar, seigneur du Chaylar, soit leur curateur. Puis ils dressent plusieurs procurations en faveur de divers juristes et de Guinot de La Panouze, seigneur de Fabrègues, Jacques Grégoire, alias de Gardies, seigneur de Laldonnès, leurs autres beaux-frères, et de dom Guillaume de Chapelu, leur frère. Ce sont donc tous les hommes de la génération de Jehan de Chapelu qui sont unis dans la défense de la maison des seigneurs de La Vigne. En 1437, François Valdin prend son oncle dom Guillaume Valdin, chanoine de Mende, son cousin aux 3°-2° degrés le marchand Jehan Valdin, comme tuteurs, et son oncle Pierre Valdin, juriste nîmois, comme procureurs121.
C - Le rôle des tuteurs et des curateurs
77L'étude des attributions reconnues aux tuteurs et aux curateurs illustre parfaitement les droits adjugés à l'enfant dont le père est décédé et le moment où l'adolescent commence à affirmer son indépendance. La situation de l'orphelin pose trois problèmes : la protection de ses biens, l'exercice de la "patria potestas" et la garde de sa personne physique.
78Le tuteur est en premier lieu un gestionnaire, avec un statut différent selon qu'il est nommé par testament ou par un juge. En effet, contrairement au Forez,122 les testateurs les relèvent systématiquement de l'obligation de faire dresser un inventaire et de rendre les comptes dont nous parlerons plus loin ; les rares exceptions à ce sujet concernent des veuves, comme Hélix, femme d'Anthoine Sirvens, qui y sera astreinte si elle se remarie, et seulement dans ce cas. Que valait juridiquement une telle dispense ? Elle est judiciairement confirmée lors de deux homologations de tutelle testamentaire et la validité de ces décisions en est difficilement discutable. La première est consentie par Bertrand Pareur et Jehan Durand, bailli et juge du chapitre de Mende, en 1430123. Or, Bertrand Pareur était bachelier en décret en 1422 et bachelier en lois en 1421. Il occupa plusieurs offices : lieutenant du bailli de la Cour temporelle de Mende en 1422, bailli du chapitre de 1424 à 1434, lieutenant du bailli du Gévaudan en 1443, de l'official de Mende en 1444-1461, et fut aussi juge de la Cour d'Appel en 1451 et 1456124. Il baignait culturellement dans un milieu de juristes, apparenté aux Valdin dont un fils étudia à Bologne125. Jehan Durand, notaire et bachelier en décret depuis 1417, occupa également de nombreuses fonctions : lieutenant du juge temporel de Mende, de 1427 à 1449, juge capitulaire de 1427 à 1461, procureur royal de la Cour commune du Gévaudan de 1424 à 1459, et surtout lieutenant de ladite Cour126. La seconde décision fut rendue en 1436 par Jehan Monbel, un autre juriste renommé de Mende127. En conséquence, ces décrets, toujours discutables devant un parlement, ne sont pas vraiment contestables.
79Les capitaux à gérer sont parfois très importants ; en 1445 les enfants de Jacques Robin possèdent un oustau et deux paillers, dont un avec étable, un ouvroir à l'intérieur des murs de Chirac, deux maisons et des chasaux au faubourg du Rieu, un ouvroir à Marvejols, un chasal, sept champs, cinq hernies, trois vignes, deux orts, cinq prés, un "pradet", et un petit bois dans les divers terroirs de Chirac, des animaux et un mobilier important. La responsabilité est donc considérable et les tuteurs donnés sont contraints par le juge de faire dresser un inventaire des possessions placées entre leurs mains ; après quoi ils doivent s'engager à les rendre par serment sur les Evangiles128. La femme, comme le rapporte Hubert Richardot, renonce aux protections que le droit romain lui reconnaissait129. En 1477, Alde, veuve de Jehan Bolat, renonce au bénéfice du "Sénatus-Consulte Velléien" et à la "Loi Julia de fundo dotali"130.
80Comme nous l'avons vu, la garde physique de l'enfant était souvent déléguée à la mère encore en vie qui se chargeait de l'entretenir dans la demeure familiale, tant qu'elle était veuve. Que se passait-il quand cette dernière se remariait et se trouvait donc contrainte de quitter l'oustau ? Le pupille la suivait-il ou bien était-il élevé par un tiers ? La logique voudrait que le tuteur continuât à administrer les biens tout en laissant le mineur sous la dépendance quotidienne de sa génitrice et du parâtre qui devaient recevoir une pension en compensation.
81L'exercice de la "patria potestas" découlant de la tutelle devait permettre d'influencer l'éducation, et d'orienter vers le sacerdoce l'enfant voué à l'Eglise par son défunt père, rôle qui pouvait d'ailleurs relever de l'exécuteur testamentaire. Le désir qu'avait le géniteur mourant d'imposer le respect de ses dernières volontés concernant l'avenir de sa progéniture expliquerait que les mêmes personnes aient été si souvent appelées pour faire appliquer les clauses du testament et pour veiller sur la descendance, les deux actions n'ayant rien d'incompatible et se complétant même très bien. Les détenteurs de l'autorité consentent au mariage du mineur, comme Astruge Masso et Anthoine Delcros, lors du contrat de leur fille et soeur dont ils assuraient la tutelle et l’administration. Ils veillent à l'instruction, comme Clarette, veuve de Jehan Coderc, qui place son petit-fils en apprentissage en 1434131.
82En conséquence, la triple vocation de la tutelle entraînait parfois une répartition des charges et Hubert Richardot estime que les institutions multiples pouvaient résulter de l'ampleur du travail ou "répondre aussi à des divergences d'intérêts entre les enfants" de deux lits132. Son propos est sage mais, toute action étant mise en marche par des motivations variées, il est logique d'ajouter que les tutelles confiées à plusieurs personnes ne se justifiaient pas seulement par l'excès de travail mais aussi par une plus saine administration de chaque domaine en fonction des capacités de chacun. La mère, ou l'aïeule, était la mieux disposée pour donner à son enfant l'amour indispensable, la sécurité affective, peut-être même pour pratiquer une coercition que tout individu subit naturellement, ou presque, de la part des auteurs de sa vie mais ne tolère pas, ou mal, d'un tiers. L'oncle, le prêtre, le juriste ou le probe homme investi de l'exécution testamentaire, capable sur le plan juridique, administratif ou professionnel, s'occupait de la conservation du patrimoine. Quant à l'autorité, elle devait se répartir selon les individus, les impératifs et les enjeux mis en cause ; l'autorisation au mariage, par exemple, nécessitait bien deux consentements : celui de l'administrateur en raison du versement de la légitime, et celui du gardien pour le respect des moeurs et de la tradition familiale. Les actes qui opèrent une différence entre les divers pouvoirs afférents à la tutelle sont rares ; toutefois l'exemple de la famille Crosat est édifiant. Pierre Crosat et son épouse Astruge décédèrent en laissant leur fils d'un mois, Anthoine. En avril 1465, le procureur du chapitre, craignant la déperdition du patrimoine des Crosat, fit dresser inventaire et confia la borie d'Anthoine à Jehan Crosat, oncle paternel, et l'enfant à Guillaume et Anthoine Constans, oncles maternels, qui promirent, l'un de bien régir le capital d'Anthoine, les autres de bien nourrir l'enfant. Un mois et demi après, le juge capitulaire décréta que les possessions de l'enfant seraient administrées par Guillaume et Anthoine Constans, et qu'Anthoine serait mis sous la garde de Pierre Crosat, autre oncle paternel, qui aurait vingt sous par mois pour l'entretenir133. Le silence observé par les instruments notariés à propos de la répartition des responsabilités est sans doute justifié par la logique. Les gens de ce temps savaient pertinemment que la double institution imposait la division des pouvoirs, et la mère, recevait naturellement la charge de son enfant.
83L'un des premiers gestes du tuteur consiste à demander la publication du testament lorsqu'un doute risque de germer sur sa légalité ; c'est ce que fait Pierre Avinhon, de Saint-Gervais, en 1424, juste après l'obtention du décret de tutelle. Pierre rappelle que son frère testa devant un prêtre, faute de notaire. Après quoi il fait dresser l'inventaire des biens. Si les avoirs sont nombreux, ou disséminés, le recensement peut s'étaler sur plusieurs jours. L'inventaire des biens du notaire Jehan Farsat commencé le 25 novembre 1420 fut achevé le 31 décembre134. Tout est impérativement consigné car la restitution sera opérée d'après cet acte. Généralement, les tuteurs, en particulier les mères, requièrent l'autorisation du juge, le jour même de l'investiture, pour créer des procureurs. Parfois la supplique s'avère urgente car elle consiste à favoriser le regroupement des biens du défunt. Souvent il s'agit de dresser une procuration générale à plusieurs juristes afin de s'apprêter à tous procès ou conflits à venir135.
84Selon les principes romains, il était interdit d'aliéner les immeubles d'un pupille, et si les meubles ou l'argent ne suffisaient pas pour solder les dettes, il fallait l'autorisation du juge pour emprunter ou pour vendre. "Tout se passait sous le contrôle et par l'autorité du juge, et les parents ou amis n'intervenaient que par des conseils". De même la transaction était permise "lorsqu'elle portait sur une difficulté vraiment sérieuse et ne dissimulait pas l'abandon gratuit d'un droit certain ou d'une prétention fondée". Seul l'échange demeurait libre si les deux prestations étaient de même nature136. S'il arrive que les testateurs autorisent expressément l'aliénation, comme Pierre Astier, en 1433, pour solder ce qui doit l'être137, la plupart des testaments restent silencieux à ce sujet ; toutefois, la licence de ne pas rendre de comptes inclut certainement l'octroi du pouvoir d'aliénation, sous réserve que cette dernière soit justifiée. Lors des tutelles datives, le juge déclare les tuteurs incapables de porter atteinte à l'intégrité du patrimoine sans consentement préalable de l'autorité judiciaire138. Et le minutier lozérien conserve des permissions de ce type accordées à des veuves soutenues par un conseil de famille. En 1449, Jehanne, la veuve de Benoît Bodet, requiert ponctuellement la permission du juge pour vendre un "sotol" afin de pourvoir à l'alimentation de son pupille. Mais il existe aussi des autorisations générales. En 1433, les tuteurs des enfants Malafosse, du Monastier, revendiquent la possibilité de jouir pleinement des biens des pupilles afin de mieux exercer leur fonction139. A partir de ce moment, les administrateurs disposeront librement des possessions des mineurs, tant qu'ils le feront dans l'intérêt de ces derniers. Ces licences générales qui ne sont ni plus ni moins que la suspension d'une partie de la subordination à la justice et les clauses testamentaires dispensant les gardiens du patrimoine de recourir à une requête auprès d'un juge expliquent que nous rencontrions un nombre important de transactions passées en l'absence de toute intervention judiciaire. Les tuteurs font reconnaissance au seigneur foncier, procèdent à des mutations immobilières, reçoivent des quittances simples ou dotales, en délivrent à leur tour, louent des biens ou passent des accords140. La dispense de consentement réclamée à la justice ne dispensait pas la veuve de se faire conseiller par la famille. En 1470, Hélix Blachieyre, veuve Moys, acheta une maison à Jehan Albusson, notaire de Marvejols, avec "le conseil, la volonté et l'autorité" de ses cotuteurs testamentaires141.
85Nous ignorons si les comptes devaient être rendus à l'autorité judiciaire, comme en Forez142. En Gévaudan, un cas aurait pu le laisser croire, celui d'Agnès, veuve de Jehan Teyssier, de Champelos (Servières), et de sa fille Catherine, à l'occasion de leur mariage Jehan et Guillaume Peytavin, père et fils, en 1419. Avant de porter tous leurs biens en dot, la mère obtient du bailli de Servières la licence pour contracter le mariage et pour déposer ses comptes ; mais cela ne signifie pas que le bailli ait entendu ces derniers. En cas d'interruption de la tutelle, les comptes étaient remis au nouveau tuteur. C'est ce qui se produisit lorsque Marguerite, veuve d'Etienne Tranchaceps, renonça à l'administration du patrimoine de son fils en raison de son remariage, en 1474143. En temps normal, le tuteur ne restitue les avoirs de son pupille que lorsque ce dernier atteint la nubilité et en reçoit alors quittance144.
86Dès ce moment, l'orphelin commence à s'émanciper et le droit romain considérait qu'un mineur avait la capacité de s'affranchir de la présence d'un curateur145. En Gévaudan, comme en Forez146, les adolescents se déclarent souvent majeurs et aptes à intervenir seuls en plusieurs domaines. Les exemples sont nombreux de pubères agissant de leur propre fait. Privat Pascal, clerc majeur de quatorze ans, vend une maison avec sa mère, en 1457, et Jehan Guilabert junior, clerc de Chirac, vend la sienne en 1395 ; or nous savons que ce n'est pas le statut de clerc qui émancipe puisque les clercs Raymond Corsier et Guillaume Pons lurent placés sous curatelle147. Sans curateur, d'autres pubères délivrent quittance des comptes de tutelle, se marient ou constituent leurs dots148. Jehanne Ros, de Gizarac (Saint-Léger-du-Malzieu), convole alors qu'elle a entre seize et vingt-cinq ans et déclare acter avec l'accord de sa mère, qui fut sa tutrice, et de son oncle paternel, mais sans curateur car elle n'en a pas149. Cet exemple démontre, non pas que tutelle et curatelle se confondaient, mais que la seconde n'étant pas impérative, la première pouvait parfois donner l'impression de se poursuivre, en particulier si rien ne contraignait le pubère à rompre avec l'autorité antérieure.
87L'adolescent requiert souvent la nomination d'un curateur afin de régler une situation conflictuelle, pour se faire restituer des biens ou pour poursuivre des procès150. En 1437, François Valdin expose qu'il a plusieurs affaires devant la Cour du Présidial de Nîmes et devant d'autres juridictions, temporelles et spirituelles, mais qu'il ne peut agir en raison de son âge151. C'est donc avant tout la nécessité d'ester en justice qui contraint une partie des jeunes à présenter une requête d'attribution de curatelle152, ce qui explique que certains mineurs n'adressent leur supplique que bien des années après avoir atteint l'âge nubile : les Crosat ont tous plus de dix-huit ans, comme Valentin Vilaret, et Anthoine Montanhier est dans sa vingt-troisième année. L'interdiction d'aller en justice devait être incontournable car nous rencontrons même un marchand de Langogne, Jehan Ebrard, originaire de Pelouse, qui demande que son oncle Etienne Ebrard, prêtre de Pelouse, soit investi de sa curatelle en arguant de cette incapacité153. A d'autres occasions la nomination tend sans doute à renforcer la validité du pacte et à éviter les effets de la restitution "in integrum".
88Le curateur n'est donc pas indispensable au quotidien, mais quand il existe, il est aux côtés du mineur ou lui donne son autorisation pour toutes ses actions, et la première de celles-ci consiste généralement en la désignation de procureurs pour le représenter devant les juridictions auprès desquelles des confits sont ouverts. Valentin Vilaret en crée dans les villes de Mende, Marvejols, Toulouse et Nîmes ; noble Claude Guillaume en institue six à Marvejols, seize à Mende, huit au Présidial de Nîmes, quatorze à Avignon, neuf au Parlement de Toulouse, dix à Bourges et vingt en la Chambre des requêtes de Paris154.
89Le curateur, comme le tuteur, rendait compte de son administration à la fin de son mandat155. Mais la reddition de la comptabilité ne s'effectuait pas toujours facilement. Florette Codera hérita de sa grand-mère Clarette, veuve de Jehan Codera, et par elle de son père l'apothicaire Vital Codera, fils de Clarette, et de son oncle le prêtre dom Vital Codera. L'importance de la fortune des Codera est impossible à évaluer mais elle semble considérable. Florette fut placée sous la tutelle, puis curatelle, de maîtres Jacques et Jehan Traversier, ses grand-père et oncle maternels. A une date inconnue, elle épousa le notaire Pons Vacheri qui transigea avec Jehan Traversier en 1455156. Pons exigeait que Jehan déposât ses comptes et ce dernier rétorquait que son père et lui-même avaient nourri Florette jusqu'à son mariage, qu'ils avaient soldé ce que la jeune fille devait en tailles et autres dettes ainsi que les funérailles de Claire Codera. La situation devint conflictuelle et les parties convinrent de s'en remettre à l'arbitrage de leurs amis. Jehan Traversier fut tenu de restituer à sa nièce divers meubles qui ne devaient pas atteindre une grande valeur. En contrepartie, les époux Vacheri devaient se déclarer satisfaits.
90Pour conclure, nous pourrions reprendre le propos d'Hubert Richardot qui affirmait que dans le midi "les adolescents orphelins y jouissaient d'une aptitude précoce à gérer personnellement leurs intérêts"157, ce qui contraste fortement avec l'image du fils de famille soumis à la "patria potestas". Mais nous avons déjà constaté que ce dernier disposait aussi d'une certaine liberté lui permettant d'agir aux côtés du père. Toutefois, si les jeunes de quatorze à vingt-cinq ans bénéficient d'une relative autonomie, il ne faut pas oublier que leurs actes exposaient toujours les tiers au risque de la restitution "in integrum" qui devenait possible à partir du moment où ils atteignaient leur majorité, sauf si le serment de renoncer à ce privilège avait été prêté sur les Evangiles lors des transactions. Nous avons déjà vu qu'Hélix Jacques, fille d'un notaire mendois, parvint ainsi à se faire réintégrer dans les droits qu'elle revendiquait sur la succession de ses ascendants. C'est sans doute pourquoi il était préférable de faire ratifier les instruments antérieurs par celui qui parvenait à sa majorité, et le 7 février 1460, noble Claude Guillaume, seigneur du Poget, majeur de vingt-cinq ans, homologua un lods qu'il avait naguère consenti, sous la tutelle de Pierre Pontier, de Montbrun, et de sa mère, noble Jehanne, veuve de noble Aldebert Guillaume158.
IV - L'ENFANT ILLEGITIME
91L'existence des bâtards au Moyen Age est bien connue et leur étude est tellement incontournable qu'il n'est guère d'ouvrages qui n'en fassent mention. Les bâtards peuplèrent aussi sûrement l'espace médiéval qu'ils occupent aujourd'hui l'imagination des enfants, des romanciers et des historiens. Leur image d'exclus par la naissance confrontée au destin prestigieux de certains y contribue sans doute fortement : "Dunois" le bâtard d'Orléans, héroïque compagnon de Jeanne d’Arc, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie et roi d'Angleterre sont de bons exemples. La longue liste de ces personnages ne formerait qu'un miroir aux alouettes, car derrière cette représentation offerte par une minorité, il y a tous les autres, les petits, ceux qui périrent lamentablement comme ce Jacquet d'Apcher, fils du bastard d'Apchier qui, en août 1443, fut capturé, lié et noyé par des paysans qui le confondirent avec un routier du bâtard d'Armagnac159. La réalité juridique est rude car l'enfant illégitime est isolé de toute famille et il suffit de s'en tenir à Beaumanoir qui exprime bien l'avis général des juristes "car selonc nostre coustume n'ont il point de lignage"160.
92Derrière une terminologie assez variée, derrière ces destinées bien différentes, une question reste souvent en suspens : comment un bâtard entrait-il dans la famille du père et sortait-il de celle de sa mère ? Sa vraie place était-elle précisément auprès du géniteur ou de celle qui lui avait donné le jour ? Le schéma classiquement admis est celui d'un enfant reçu par les nobles mais rejeté par les roturiers. Dans sa très belle étude, Mikhaël Harsgor rapporte qu'il est relativement bien accepté dans le milieu nobiliaire mais que "lorsqu'un représentant du Peuple Gras voulut, dès la fin du XVe siècle, imiter les moeurs du premier ordre laïque, il se heurta à l'incompréhension des siens"161. Toutefois les sources manquent souvent pour décrire le processus d'admission et d'exclusion de l'enfant illégitime. Le Gévaudan offre des actes particuliers dont nous n'avons découvert la trace dans aucune recherche menée sur d'autres régions, tant par les historiens des Sciences Humaines que par ceux du Droit. Ces instruments notariés, désignés par les termes de donation ou de transaction, ne sont pas sans rappeler les principes de l'adoption en Provence162.
A - Terminologie
93Le terme le plus courant en français est "bastard" ; il désigne généralement tout enfant né en dehors des liens du mariage163. Le latin classique utilise les adjectifs "nothus" et "spurius".
94Dans les actes, l'enfant loyal est généralement dit legitimus et naturalis ; le second substantif ne doit pas être compris selon son acception contemporaine et ne doit pas être considéré comme l'antonyme du premier, au contraire il le complète et indique un état normal. Spurius n'apparaît pour ainsi dire presque jamais dans les actes, il est seulement utilisé dans une quittance délivrée par nobilis Hector Alamandi, filius spurius nobilis Ligeri en 1482164. La plupart du temps, les notaires utilisent classiquement le qualificatif bastardus. C'est même, comme dans presque toutes les régions du Royaume, un "titre" que l'homme porte devant le patronyme de sa famille. Le noble indique donc son prénom, son état naturel et le lignage paternel auquel il se rattache fièrement. Quelques-uns, tel Petrus de Fara, bastardus de Molina, arborent directement le nom du père et affichent leur bâtardise devant le fief héréditaire. Dans la bourgeoisie, le patronyme semble être plus facilement porté, la mention de "bastarderie" suivant plus le nom qu'elle ne le précède.
95Les actes dans lesquels figure le patronyme posent la question complexe du rattachement du bâtard à ses agnats et du procédé par lequel un enfant pouvait ainsi quitter le sein maternel pour recevoir la protection et l'assistance paternelles. Et le mot "bâtard" n'apporte pas de réponse. En fait, cette dernière commence à poindre derrière des expressions spécifiques qui portent presque en elles la définition du mode de réception de l'enfant dans sa famille d'accueil. La première se réfère à une donation : donatus ; c'est ainsi qu'est appelé Jehan, l'enfant de noble maître Vital de Recoules, en 1466, et nous y reviendrons bientôt ; la seconde à une adoption Lorsqu'il testa, en 1502, maître Guillaume Clapier junior, constitua un legs à Guillaume, filio suo naturali adobtivo. Nous pensons qu'il s'agit bien là d'un illégitime qui aurait été adopté, ce qu'il ne faut pas confondre avec une réelle adoption. Cette dernière a bien été pratiquée en Gévaudan et Claude Taurand, notaire de Mende, adressa des libéralités testamentaires à Anthoine Brenguier, fils de Bernard, de l'ordre des frères mineurs de Mende, filio meo adoptive165. Nous supposons que Bernard Brenguier s'éteignit en laissant des orphelins qui furent recueillis par Claude Taurand ; la fille, Marguerite Brenguier, occupa une place de servante et le garçon s'introduisit dans l'oustau en tant que fils avant de le quitter pour entrer dans les ordres.
B - La donation d'enfant : le "donat"
96La raison pour laquelle le phénomène que nous allons étudier est peu connu découle sans doute de la rareté des actes puisque nous rien avons retrouvé qu'une douzaine sur l'ensemble des cent cinquante-neuf cotes exploitées166. La collecte de telles informations ne peut donc décemment être poursuivie que dans le cadre d'une recherche plus vaste, comme la nôtre. En somme, nous bénéficions d'un effet secondaire de l'exploration des registres de notaires et il est probable que de tels documents existent dans d'autres régions même s'ils n'ont pas été systématiquement recensés afin d'être analysés par un chercheur intéressé par ce sujet. Les notaires paraissent bien ennuyés par ces contrats qu'ils devaient enregistrer et ils se sont rabattus sur les formulaires les plus proches de la situation qu'ils étaient appelés à résoudre. Ces actes sont intitulés "transaction et accord" par Jehan Julien et Vital Cortusson167, simplement "transaction" par Etienne Torrent, Anthoine Boet et Jehan Traversiez168, "donation, cession et rémission" par Vital Cortusson, "donation" par Vital de Recoules et "tradition" par Galhard Jalvin. En fait, à l'intérieur des actes, trois principes sont susceptibles d'être évoqués : la donation et sa contrepartie la réception, ainsi que l'indemnité. C'est sans doute ce dernier aspect qui motive l'appellation "transaction" ; en effet, à chaque fois qu'il n'y a que remise d'un enfant le notaire se réfère à la donation, et si l'accord se fait sur la future transmission de l'enfant et sur l'indemnisation de la mère, les parties conviennent d'un accord non gratuit. Cette pratique a déjà l'intérêt d'expliquer le terme "donat" ; et le testament de maître Vital de Recoules est à ce titre évocateur puisqu'il annonce que son fils Jehan est son donat comme le prouve l'instrument de donation reçu par maître Vital Ventajon, notaire de Mende169. Nous pouvons donc raisonnablement supposer que les régions, comme le Lyonnais ou la Bourgogne170, ou sont mentionnés des donats sont susceptibles d'offrir des actes notariés identiques aux nôtres.
97Toutefois, à notre connaissance, seul Roger Aubenas en a découvert qui s'approchent de notre problème et ses conclusions ont été communiquées dans sa recherche sur l'adoption en Provence171. Dans cette région, le processus est clair, les parents, ou l'un des deux seulement, cèdent leur enfant à un tiers qui pourvoira ainsi à son avenir, sans que l'enfant n'entre réellement dans la famille réceptrice. Tous les cas recensés par Roger Aubenas suivent cette logique : l'enfant donné ("alieni juris"), qui peut d'ailleurs être un adulte ("sui juris"), n'est jamais déclaré comme étant présumé être le fils de l'adoptant, mais impérativement comme issu de ceux qui s'en dessaisissent.
98En Gévaudan, le type d'adoption décrit par Roger Aubenas n'est illustré que par un acte concernant un "alieni juris". En 1474, Marguerite, fille de Berthon Pastorel, fait cession de son fils, Jehan, à Vital Martin, prêtre bénéficier de la cathédrale de Mende. Marguerite informe qu'elle est pauvre et sans ami qui puisse satisfaire à ses besoins172. Elle ajoute qu'elle partagea un "plaisir charnel" avec un vagabond dont elle ignore tout et duquel naquit Jehan qu'elle n'a pas les moyens de nourrir. Confiante en Vital Martin, jeune homme d'environ vingt-sept à trente ans, qui a promis qu'il élèverait l'enfant jusqu'à ce qu'il soit "à l'état parfait" après quoi il le fera instruire dans une école, elle décide de le lui donner. Et, ce jour-là elle donne "par donation pure, complète, simple et irrévocable" son fils audit Vital Martin. Le notaire précise qu'il n'existe aucune clause d'ingratitude autorisant une abrogation. Marguerite procède à l'investiture "par tradition de sondit fils dans les bras dudit dom Vital"173 en recommandant que ce dernier soit avec le garçon comme un frère. Et Vital le reçoit et promet sur les Evangiles de bien le nourrir puis de le faire instruire. Il n'est fait aucune allusion à la moindre décision judiciaire, comme pour tous les autres actes de ce type, simplement enregistrés sous la forme d'un contrat bilatéral en présence du notaire récipiendaire et de six témoins. Nous retrouvons donc les motivations et clauses des contrats analysés par Roger Aubenas : intention charitable, donation entre vifs, clauses de vest, de devest et d'irrévocabilité174 ; et le dernier point commun, désagréable, concerne le silence observé sur les effets juridiques du lien ainsi créé entre les deux personnes. Tout au plus pouvons-nous observer que Vital sera plus un frère qu'un père pour Jehan ; mais il ne faut pas oublier qu'un frère aîné à qui est remis l'éducation d'un cadet se comporte souvent en père ! Le lien fraternel n'est-il pas plus lié à la jeunesse de Vital175 ? Enfin, une dernière critique du document peut s'imposer, quitte à friser la médisance : le prêtre était-il si charitable que cela ? N'est-il pas surprenant que Marguerite soit totalement incapable de livrer l'identité du père ? En fait, ce type de contrat ne servirait-il pas à dissimuler une relation plus intime existant entre Marguerite et Vital ? A vrai dire, notre interrogation ria pas pour but de calomnier un homme dont la piété était peut-être très grande, mais seulement d'introduire ce que nous avons pu observer dans tous les autres cas176.
99Une chose est certaine, en Gévaudan, la donation d'enfant sert à faire accueillir le bâtard dans la maison du père, tout en le faisant sortir de celle de la mère. Une querelle oppose Jehan Dupont, alias Rastel, et Laurence, veuve de Jehan Ginhos, sergent de Mende. Laurence déclare qu'elle a été "engrossée" par Jehan et qu'elle demeure sans "aide ni secours" de celui-ci ; aussi demande-t-elle de porter sa fille, prénommée Marguerite, dans la maison du père. Au contraire, Jehan réplique qu'il est peu probable que la fille soit de lui mais qu'il veut bien la recevoir. En 1471, Laurence donne, cède, concède, remet transmet, abandonne complètement et à perpétuité Marguerite, puis s'en désempare en faveur dudit Jehan Dupont177. En outre, elle renonce à "tout et chacun de ses droits, actions, objets, plaintes et demandes" auxquels elle pourrait prétendre "pour cause de diffamation" et pour la nourriture de sadite fille. En conséquence, elle "se dévêt" et transmet Marguerite "dans les mains" de Jehan et "l'investit par tradition". Il n'y a donc pas de différence de forme entre la donation d'un enfant à un homme qui est présenté comme n'étant pas le père et celle qui est, pour ainsi dire, imposée à un père putatif. La nuance vient surtout du fond : dom Vital Martin est considéré comme un homme charitable venant au secours d'une pauvre femme égarée dans le péché et recueillant un enfant portant la faute de ses géniteurs par le simple fait de sa naissance, alors que Jehan Dupont est un coureur mal repenti, acceptant l'enfant d'une femme qu'il n'hésite pas à salir en doutant de son honnêteté après en avoir tiré tout le plaisir qu'il pouvait. Vital Martin sera un frère aîné, Jehan Dupont est le père putatif178.
100Les transactions ou accords s'éloignent des adoptions de Roger Aubenas, car la forme du document n'est plus la même ; par contre elles reprennent le fond des donations du style de celle de Laurence, veuve Ginhos. En fait, la priorité devient financière, mais elle n'occulte pas la remise de l'enfant. En 1480, Jehanne, fille de feu Jehan Maurin, de Combemaury (Lachamp), explique qu'elle a été mise enceinte par Pierre de Ranc, curé de sa paroisse, qui lui avait promis de la doter ; elle souhaitait que le prêtre se chargeât de l'enfant dès la naissance. Pierre de Ranc avoue l'avoir connue charnellement à plusieurs reprises mais il précise qu'il n'était pas le seul ; toutefois il accepte toutes les exigences de Jehanne, lui constitue une dot, puis il promet et convient d'accepter l'enfant né de ladite Jehanne, de le nourrir, ou de le faire nourrir, et de le garder à ses frais179. En fait, ces pactes consistent en un échange de promesses : la femme renonce aux poursuites et l'homme assume ses responsabilités de père putatif. La transmission de l'enfant n'a plus lieu le jour même, elle ne fait pas l'objet de l'investiture par placement "dans les bras" ou "dans les mains" du père, et l'acte consacre la renonciation aux poursuites par la mère et l'engagement du géniteur supposé. Mathieu Pagès devra "recevoir, nourrir, faire régir et gouverner" l'enfant, Anthoine Capdaviel sera tenu de nourrir, alimenter et tenir l'enfant né de ladite grossesse et de le reconnaître comme sien180. Pierre de Ranc et Anthoine Capdaviel doivent veiller sur les petits tam suum ; ce qui implique bien que l'enfant n'est pas un invité, une sorte d'orphelin accueilli par bonté ; au contraire il entre dans l’oustau en tant que fils. Si le bébé est généralement confié au père, ce n'est pas toujours immédiat ; noble Gabrielle Paulhan obtient une indemnité de son amant, le forgeron Guillaume Petit, mais elle décide qu'elle gardera son fils, François, et qu'elle le nourrira ; toutefois, si elle le désire, elle pourra le rendre et le transmettre à Guillaume Petit qui sera alors tenu de "le recevoir, de l'élever, de le nourrir, de le vêtir" et de le garder. Dans quelques cas, le sort de l'enfant est totalement ignoré. En 1463, Pierre Cobe transige avec Guillaume Boscarel, père de Delphine, qui plaça cette dernière comme servante chez ledit Pierre Cobe qui la mit enceinte. Les deux hommes conviennent d'une dot pour la fille mais conservent le silence sur la progéniture. Toutefois, nous savons, par les testaments de Pierre, que ce dernier recueillit chez lui ses trois enfants nés de Delphine181.
101La sentence judiciaire n'est pas indispensable, mais certaines transactions ont lieu sous les auspices d'un magistrat. En 1477, Bertrand Borrilho et Pierre de Lasfons, de Changefège (Balsièges), se présentent en la Cour capitulaire de Mende, afin de faire cesser les altercations qui les opposaient l’un à l'autre, pour parvenir par voie amicale à éviter les rigueurs et les dépenses d'un procès. Tous deux conviennent que Bertrand indemnisera la fille de Pierre qu'il avait mise enceinte et recueillera son enfant, puis ils requièrent l'officier de dresser un décret sur leur accord. En 1478, Anthoine Capdaviel et Agnès Vayssière paraissent au Chastelnouvel, dans la maison du capitaine du château, devant le susdit lieutenant et le procureur du chapitre, puis ils procèdent comme les précédents182. A chaque fois, les officiers ne sont là que pour entériner les conventions des parties sous la forme d'un décret alors qu'une procédure a été ouverte devant leur juridiction ; dans le cas de Borrilho, nous savons que les représentants du chapitre de Mende le firent capturer, arrêter et détenir sur la requête de Pierre de Lasfons qui demandait au juge de le condamner à recevoir et nourrir Hélix, sa petite-fille née du commerce illicite de sa fille Isabelle et dudit Borrilho ; et le pacte permet de régler le problème à l'amiable, ce qui démontre que la justice avait la capacité d'imposer la réception de l'enfant par le père ; mais cela n'implique pas du tout que la donation elle-même fût imposée par un juge.
102En conséquence, nous notons qu'en cas de naissance d'un enfant illégitime, la femme tentait de s'accommoder avec le père putatif ; et si le conflit faisait douter de la bonne volonté et de la valeur de la parole de ce dernier, l'intervention de la justice servait de caution, non seulement pour obtenir une indemnité mais aussi pour annoncer l'abandon de l'enfant par la mère et son placement chez le père. La dernière étape du processus consistait à la donation, suivant le formulaire de l'adoption pratiquée en Provence. La donation d'enfant répond indéniablement au besoin de résoudre juridiquement et financièrement la situation du bâtard ; mais ne fonctionnerait-elle pas parfois pour faire accepter ce que la morale réprouve toujours un peu : le fruit d'une relation interdite ; l'enfant ne pénètre pas alors dans la maison comme le résultat de la faute du maître de céans, mais comme le symbole de sa grande compassion envers une fille perdue et un enfant déshérité dès sa naissance, porteur des stigmates du péché originel.
C - Les indemnités versées par le père putatif
103Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga rapportent que "la mère peut demander des frais de gésine et, s'il s'agit d'une servante, une présomption de paternité qui pèsera jusqu'au XVIIIe siècle sur le maître de maison. Une fille séduite (mais non une femme de mauvaise vie) peut, dans les douleurs de l'accouchement et sous serment, désigner le père de l'enfant"183. Une déclaration de ce genre fut faite par Isabelle, femme de Vital Salaville, apothicaire longtemps absent de Mende, qui déclara, sous serment, devant la Cour temporelle, que le notaire Jehan Julien était le père de son fils Etienne. Jehan Julien refusa de reconnaître l'enfant et de le nourrir. Finalement, en 1458, alors qu'Isabelle s'apprêtait à partir à Pézenas pour y gagner sa vie, elle fit "tradition" d'Etienne à Julien qui devait l'entretenir et l'en investit184. Souvent, les pères putatifs ne paraissent guère heureux de l'événement et le réflexe de beaucoup d'entre eux consiste à nier mais la justice n'est pas clémente avec eux et la plupart plient devant elle et devant les exigences de la fille-mère185.
104De toute façon, une fois la paternité attestée par le serment de la mère, le père putatif était confronté à une double perspective : épouser ou doter186. En tant que sacrement, le mariage ne peut pas être imposé et requiert la libre volonté ; aussi n'est-il pas surprenant de voir les amants se contenter d'indemniser ; mais plusieurs filles se plaignent des fallacieuses promesses qui leur furent adressées afin de les séduire. Agnès Vayssière, de Saint-Denis, rapporta qu'Anthoine Capdaviel lui prodigua "des paroles douces et des promesses pour la recevoir comme femme et pour contracter mariage avec elle, à un point tel qu'il la dupa et la séduisit, et qu'elle fut connue charnellement par lui à plusieurs reprises". Toutefois, Anthoine riposta qu'Agnès travailla pour lui comme servante et avait très certainement été dépucelée par un bouvier qu'il avait engagé. En 1472, Cardette Cumbarel, de Canilhac, accusa le clerc Guillaume Chastanhier de l'avoir acceptée en mariage avant de se dédire, pendant que Guillaume se défendit en précisant que plusieurs hommes l'ont charnellement connue187. Il y a donc souvent suspicion à l'encontre de la femme, mais même les filles légères parviennent parfois à obtenir gain de cause. Catherine Folchier, originaire de La Volte (Cubières), fut poursuivie en justice avec son amant, le clerc Anthoine Hermentier, après avoir tué son bébé et l'avoir enterré dans la maison de l'hôpital de Saint-Jehan-de-Jérusalem où vivait Anthoine188. Il fut rappelé que Catherine vécut dans la cité de Mende et y mena "longtemps une vie impudique" jusqu'à ce qu'elle eût de "cet accouplement" une fille qui fut "reçue" par Pierre Ebrard, de Pelouse ; après quoi elle continua à vivre "sa mauvaise vie" en connaissant physiquement de nombreuses personnes, dont naquit l’enfant qu'elle tua, ce qui lui valut d'être arrêtée par les représentants de l'évêque.
105En conséquence, deux types d'indemnités s'imposaient au père : une pour la gésine elle-même, l'autre pour la dot, et la seule façon d'échapper aux deux était de contracter mariage. Pierre Cobe, riche sellier mendois, veuf de Falquette Michel, nièce du chanoine François Bompar, avait une servante nommée Delphine, fille de Guillaume Boscarel. Il la garda un certain temps chez lui pendant lequel il la mit enceinte. En 1463, Pierre Cobe expliqua qu'il ne pouvait la prendre pour femme car il était vieux alors que Delphine était jeune189 et il convint de la marier à ses fiais, promettant de lui octroyer "en secours de son mariage" et aussi pour toutes ses obligations en raison de la "défleuraison" (deffloracionis), une somme de trente et un moutons or, en compensation de quoi Delphine devrait "quitter, céder et remettre toutes actions et tous droits et injures et offenses" dont elle aurait pu se plaindre. Or, un mois plus tard, en janvier 1464, Pierre contractait mariage avec Guillaume Boscarel, représentant de Delphine qui lui attribuait une dot de quatre-vingts livres, en plus du trousseau Non seulement Pierre se retrouvait quitte de l'indemnité mais en plus il touchait une belle somme d'argent. L'hymen ne fut toutefois jamais noué car le testament de Pierre, en 1466, mentionne ses deux filles et son fils bâtards, alors que le second rédigé en 1471 révèle que ces enfants étaient nés de Delphine Boscarel. Pierre Cobe, homme au caractère fort et querelleur, a sans doute joué de rouerie afin de sauver son honneur en acceptant le mariage, tout en le retardant le plus possible, adoptant un comportement de grand seigneur au point d'entretenir ses trois bâtards dans son oustau mendois.
106En 1471, Laurence, veuve de Jehan Ginhos, renonce purement et simplement à tous les droits auxquels elle pourrait prétendre contre la réception, par son amant Jehan Dupont, de leur fille qu'elle abandonne. Elle ne sera donc apparemment pas indemnisée pour les frais qu'elle avait dû assumer pour la nourrir jusqu'à présent, et le problème de sa dot ne se pose pas non plus, puisqu'elle a déjà été mariée. L'échange est donc simple ; le père prend l'enfant et la mère s'en débarrasse ; car il ne faut pas oublier que c'est souvent là le marché : les mères doivent "céder, remettre et quitter [...] l'injure et toute autre chose"190 qu'elles seraient susceptibles de reprocher à leur amant qui se plie _selon les cas, les exigences, la situation, les risques de condamnation et le sens moral_ à une compensation prenant en compte le dol subi par la femme, ou par la jeune vierge déflorée, et l'avenir de l'enfant.
107Il est finalement assez rare de voir les deux types d'indemnisations octroyées ; seuls Anthoine Capdaviel et Mathieu Revel accordent de l'argent pour la nourriture de l'enfant et pour le mariage de la mère. En plus de la dot, le premier s'engage à "solder toutes les dépenses" occasionnées par la génitrice, alors que le second, dont l'enfant n'est pas encore né, promet de le recueillir dès sa naissance et de pourvoir aux "frais et dépenses". Sinon, le père putatif assume soit les frais d'alimentation, soit ceux du mariage : en 1472, Guillaume Chastanhier devra verser quinze livres au père et légitime administrateur de Cardette, qu'il a mise enceinte. Gabrielle Paulhan réclame vingt moutons or et rien obtient que douze lors du pacte passé avec Guillaume Petit191. De plus, lorsqu'une procédure a été ouverte devant une Cour de justice, les hommes se chargent apparemment d'en régler les dépens, comme Bertrand Borrilho et Anthoine Capdaviel, le premier devant surtout épurer ses frais d'arrestation et de détention Dans les contrats de mariage, il n'est pas exceptionnel qu'un prêtre ou d'anciens maîtres constituent un augment de dot à une jeune fille, ce qui doit souvent exprimer un sentiment d'amitié, d'amour, de reconnaissance ou de pure charité ; mais n'y a-t-il pas parfois une cause plus secrète ? En 1454, Marguerite Bon épouse Jehan Bastide, de Vayssière (Saint-Léger-du-Malzieu). La mariée est bien dotée par ses père et cousin. En plus, Jehan Pole, prêtre de sa paroisse192, lui fit donation entre vifs d'un pré. Jehan Pole affirme agir en considération du mariage et pour les serviciis amoribus et carnalitatibus sibi domino Johanni factis et impensis per dictam Margaritam [...] et que de die in diem incessanter impendem non cessat ac etiam per amorem carnalem quem gerit ergua ipsam. Ob idem in recompensas [...] dictorum servitiorum et propter contemplationem dicti juluri matrimoni. Comment devons-nous interpréter ces services amoureux et charnels ? Le terme "amicus camalis" utilisé pour "ami charnel" entraîne l'équivalence "amicitiam camalem" pour "amitié chamelle" ; aussi "amor" désigne-til bien l'amour, non l'amitié. Dès lors, les services amoureux et charnels paraissent impliquer l'existence d'une relation physique, ce qui n'a rien de surprenant en soi ; le problème de cette argumentation consiste à considérer que, selon Jehan Pole, Marguerite aurait continué à dispenser sa tendresse sans interruption jusqu'à une date récente. Le fiancé n'est donc pas trop jaloux et les familles des futurs époux ne s'offusquent pas ! En fait, certaines jeunes filles n’hésitent pas à s'offrir à des prêtres contre la promesse d'une dot sans que cela ne heurte particulièrement la société. En 1480, Jehanne, fille du défunt Jehan Maurin, enceinte de Pierre de Ranc, curé de Lachamp, expose que celui-ci, grâce à "des paroles caressantes", "l'a séduite pour qu'elle se laisse aller à se soumettre", et comme elle est pauvre, le curé lui a promis de la doter pour la marier, puis avec plusieurs autres douces paroles il parvint à ses fins et la connut plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle fut rendue grosse.
108Les sommes allouées sont loin d'être dérisoires : Bertrand Borrilho accorde dix livres, Mathieu Pagès vingt moutons or et une cotte en tissu de France, Anthoine Capdaviel seize livres, une robe en tissu burel et une gonelle en tissu gris du pays, Pierre Cobe trente et un moutons or ; dom Pierre Védrun, d'Aurelle dans le diocèse de Rodez, attribue trente-huit florins or193, dom Pierre de Ranc trente livres, une cotte en tissu de France, une gonelle en textile du pays, deux couvertures et deux draps, le sergent Guillaume Cros cinquante moutons or ; dom Mathieu Revel est le plus généreux avec la très belle dot de quatre-vingts livres194.
D - Les bâtards et la société
109Bien que nos déductions soient tirées d'un nombre peu élevé d'instruments, l'impression d'une certaine rareté des naissances illégitimes dans les milieux roturiers et l'idée du maintien du bâtard dans la famille maternelle quand le père était pauvre se trouvent sérieusement remises en question. En effet, Bertrand Borrilho et Pierre Ebrard ne sont que de simples paysans, Mathieu Pagès un bouvier195, Jehan Dupont un tisserand qui ne semble pas très riche, et cela ne les empêche pas d'assumer la charge et l'entretien de leurs bâtards. En fait, pauvre ou riche, le père putatif est soumis aux mêmes obligations face à ses responsabilités ; dès que la mère d'un enfant illégitime se signale et refuse d'élever ce dernier, c'est le père qui doit le faire. En conséquence et contrairement à ce que nous avions pu naguère supposer196, la pauvre femme ne conserve pas un fils qu'un père peu fortuné ne voudrait pas accueillir chez lui car la décision ne vient pas du géniteur mais de la génitrice197. La richesse du père putatif ne joue guère dans la volonté d'intégrer un bambin dans telle ou telle famille puisqu'on cas de refus paternel, c'est la justice qui tranche ; par contre nous pensons que cette dernière pouvait, comme aujourd'hui, statuer dans l'intérêt de l'enfant. Cette assertion est avancée grâce à deux exemples totalement opposés. Face à Catherine Folchier qui était une fille de moeurs très légères, probablement une prostituée, Pierre Ebrard, brave paysan, s'est vu placé dans l'obligation de recevoir la fille qui était née de leur liaison Si l'enfant était demeurée entre les mains de la première, ultérieurement arrêtée pour un infanticide suivi d'une dissimulation de cadavre, nous pouvons conclure aux tristes suites qui en auraient découlé. En revanche, lorsqu'une fille de la petite noblesse, Gabrielle Paulhan, est enceinte d'un forgeron, bien que ce dernier appartienne à une bonne famille mendoise198, les parties conviennent que le petit François, issu de cet amour illicite, sera élevé par la mère, tant que celle-là le souhaitera.
110Nous avons déjà noté dans la troisième partie du chapitre trois que les naissances illégitimes étaient répétitives dans certaines familles, nobles ou roturières. Citons pour mémoire Pierre Cobe, père de trois enfants hors mariage, et son fils François, géniteur adultère d'un enfant né d'Agnès Ranc. Toutes les couches de la société sont représentées et si la plupart des mères sont de jeunes servantes, comme Catherine Seguin, âgée de dix-huit ans à vingt-cinq ans, dont l'amant est son maître, Garin Roget, prieur de Saint-Privat-du-Fau, auquel elle délivre quittance de toutes offenses en 1452, ou comme Delphine Boscarel, Jehanne Maurin et tant d'autres, cela n'empêche pas une noble damoiselle d'être engrossée par un jeune forgeron. Parmi les pères putatifs, nous trouvons des bourgeois, mais aussi un nombre élevé de prêtres, et non des moindres, prieur ou curé. En un temps où la sexualité est bridée, il n'est guère surprenant que la conjonction des deux états de servante et d'ecclésiastique conduise à de telles situations, et le risque est tellement grand dans la confrontation de la domesticité féminine et des prêtres que nous assistons à la rédaction d'un acte assez curieux dans la demeure de Bernard Robin Ier. Ce dernier, chanoine de Mende et de Lodève, occupait en 1434 la fonction d'official dans cette dernière ville où il résidait. Finalement Bernard quitta Lodève en 1436, sans doute parce qu'il fut démis de son poste, à moins que ce ne fût la nostalgie de son cher Gévaudan ou la crainte de voir son père, qui venait de tester, décéder et laisser sa famille dans l'incommodité. Avant de partir, il passa un accord avec sa servante Garine, veuve d'Etienne André, à laquelle il versa un salaire de cinq moutons or, une cotte, une gonelle, un capuchon, une chemise, un voile, des chausses et des chaussures, tout en lui faisant certifier que ni Bernard, ni ses familiers ne l'avaient charnellement connue et qu'elle frétait pas enceinte199. Les lettres de rémission prouvent que les femmes qui côtoient de trop près des prêtres sont très mal renommées, au point qu'une telle fréquentation suffit à justifier des viols. Nous avons ainsi découvert qu'en 1493, une mendoise, Anthonie, veuve de Jehan du Fournil, fut victime d'une agression alors qu'elle sortait nuitamment de chez un prêtre200.
111Quelles étaient les réactions de l'entourage face à de telles situations ? En 1451, lorsque Catherine Seguin acquitte Garin Roget de toutes ses obligations, elle se fait autoriser par sa mère et par deux oncles, maternel et paternel. Lors des transactions, beaucoup de jeunes filles se font d'ailleurs représenter par leurs parents. Cardette Cumbarel l'est par son père et son frère, Jehanne Roquat et Isabelle de Lasfons par leurs pères. Agnès Vayssière, orpheline de père, agit en compagnie de sa mère. Jehan Poget, sabotier de Langogne, promet de faire ratifier la transaction qu'il a passée avec Mathieu Revel, par sa fille séduite, et par ses femme et fils. Ainsi, la fille abusée n'est-elle pas abandonnée par les siens et c'est toute la famille qui se dresse, solidaire, face au séducteur indélicat afin de lui demander des comptes.
112De plus, très souvent le lieu d'enregistrement de l'acte est le siège d'une autorité ou d'un symbole respectable : la maison du capitaine du Chastelnouvel, la Cour de Langogne, la chambre de l'official de Mende, la maison d'un prêtre, le couvent des carmes, le portique de la cathédrale, la Cour du chapitre, la chambre d'un autre notaire que celui qui dresse l'acte ou la cour de la maison d'un noble. Les témoins eux-mêmes sont à la mesure de l'acte : un frère carme pour Pierre de Ranc et Jehanne Maurin, le capitaine du Chastelnouvel et un clerc pour Anthoine Capdaviel et Agnès Vayssière, nobles Jacques de la Roque, camérier de Langogne, Anthoine de La Roque, écuyer et serviteur du prieur de Riom, maître Jehan Fabri, pour Mathieu Revel et Jehan Poget, l'official de Mende, un prêtre du Collège de Tous les Saints, maître Pierre Chapsier, pour Guillaume Cros et Raymond Sirvens. A la transaction passée entre Gabrielle Paulhan et son amant, assistent Guillaume Monbel, juge de la Cour commune, le juriste Pierre Martin, et Bernard Garsin, prêtre bénéficier de Mende. Bien sûr, d'autres témoins, d'origine plus modeste, sont présents lors de ces négociations, mais ces dernières sont loin d'être dissimulées ou secrètes. Il est évident qu'un contrat doit avoir toute la publicité nécessaire pour être valide, mais les assistants pourraient être pris dans un cercle plus restreint de la parenté afin de conserver un aspect plus confidentiel à la transaction, ce qui ne paraît pas comme une préoccupation vitale.
113Toutefois, ces situations étaient parfois difficiles à faire accepter, et même si nos actes ne révèlent pas toujours l'ampleur des tensions qui en découlaient, quelques histoires nous édifient sur les drames internes. Gabrielle Paulhan subit l'apparente rancoeur des siens. Issue de la petite noblesse, elle était la cousine germaine de Vital de Recoules et la nièce de Philippe de Recoules, seigneur de Pradels201. Vital n'avait sans doute pas de leçon à lui inculquer puisqu'il eut lui-même un bâtard, mais il était un homme. Gabrielle eut le tort terrible d'être une femme et de se laisser "souiller" par un forgeron ! La flétrissure est nette dans la société de ce temps. Lorsqu'elle transige avec son amant, nul de sa famille n'est à ses côtés. Quatre ans plus tard, en 1482, elle fait donation universelle à noble Jehan Dumond, alias Chapelle, le veuf de la mère de son cousin Vital de Recoules. Mais une charte de 1471 démontre que, lors de la révolte d'une partie des mendois contre l’évêque de Mende, Vital fut du côté de l'évêque et Jehan Dumond de celui des consuls202. De plus, le patronyme de Gabrielle est raturé sur l'acte, comme si l'usage de son nom lui était presque interdit et que le notaire l'ait d'abord écrit, avant de le rayer en le laissant suffisamment transparaître pour qu'il demeure lisible, respectant ainsi l'exclusion qui affligeait la jeune femme et les besoins juridiques qui imposaient son identification. En conséquence, Gabrielle se confiait à un allié plus ou moins opposé à ses parents de sang ; elle vivait d'ailleurs chez noble Ligier Alamand, frère du chanoine Jehan qui tenait également pour les habitants de la cité contre le comte de Gévaudan. Un autre drame fut noué avec Isabelle de Lasfons, déflorée et engrossée par Bertrand Bonilho. Son père, la croyant "fille et intacte", la maria avec Pierre Malaval qui la supposait également vierge. Mais la surprise fut grande pour le mari qui découvrit que sa femme était enceinte et se sépara d'elle. Pierre de Lasfons, pour "retrouver l'honneur" de sa fille, proposa d'augmenter sa dot de dix livres, ce que Pierre Malaval accepta203. L'enfant né de cet illicite commerce fut confié au grand-père qui se retourna contre le père putatif ; lequel admettait avoir fait l'amour avec Isabelle, librement consentante, mais niait l'avoir mise enceinte. Nous connaissons la suite ; Bertrand Borrilho accepta d'accueillir l'enfant et de payer les dix livres à Pierre de Lasfons qui se chargerait de les remettre à son gendre pour augmenter la dot d'Isabelle. La somme n'indemnise pas réellement le fiancé trompé puisqu'elle ne lui revient pas en propre mais seulement en qualité de seigneur des biens dotaux d'Isabelle. Donc si Isabelle mourait sans enfant, l'argent retournerait aux Lasfons.
114Un autre pénible événement se déroula dans la demeure de Guillaume Cros. Ce dernier, tisserand de 1443 à 1453, devint sergent royal dès 1458. En 1443, il avait épousé Florette, fille de Raymond Sirvens, qui lui apporta cent moutons or de dot solvables sur dix-sept ans. Lui-même reçut donation universelle de ses parents, Raymond et Catherine. En 1458, Guillaume reconnaissait avoir reçu quatre-vingt-dix moutons or sur la totalité de la dot de Florette. Huit mois et quinze jours plus tard, Guillaume passait un accord avec son beau-père, Raymond Sirvens, au cours duquel il fut rappelé qu'un procès était pendant entre eux devant la Cour de l'officialité de Mende ; Guillaume affirmait que la dot de Florette devait lui être adjugée car cette dernière était enceinte à la suite d'un adultère, mais les Sirvens ripostaient que le mari était coupable car il avait été longtemps absent de Mende204. Finalement, il fut convenu que, "pour lesdits excès faits et perpétrés par ladite Florette", Raymond Sirvens solderait à son gendre, un "augment de dot", de cinquante moutons or, ce qui montait la dot de la femme à cent cinquante moutons or. En contrepartie, Guillaume Cros "devait se réconcilier et reprendre" sa femme, sans la maltraiter ni alléguer de reproches. Après quoi, "la paix et la concorde" régneraient entre les parties et concluraient les débats et la rancune. Dans ce cas aussi, Guillaume Cros ne percevait pas directement l'indemnité et il s'obligeait même à la restituer, comme le reste de la dot, aux Sirvens, si le cas de restitution advenait. En somme, l'argent ne compense pas la honte et la vexation subies par le mari mais lave le déshonneur de la femme en augmentant le capital qu'elle représente. Toutefois, il restait un second problème : le concurrent. La même année, un pacte est passé entre Guillaume Cros et Laurent Clément qui féconda Florette. Guillaume pardonnait à Laurent contre trois écus couvrant les injures et offenses, une indemnité qui revenait réellement au mari trompé. En outre, une clause assez curieuse interdisait formellement à Laurent de résider ou d'établir son domicile à côté de la maison de Guillaume et de se retrouver avec Florette !
115La conciliation est donc généralement de mise, mais parfois les affaires se déroulaient plus dramatiquement. En 1493, Guillaume et Simon Villedieu, de Pelouse, requirent un sergent royal, pour qu'il saisisse les biens d'Etienne Jourdan, afin de pourvoir aux besoins de leur soeur qu'Etienne avait engrossée. La démarche s'acheva par un pugilat entre Simon Villedieu et Pierre Jourdan, frère d'Etienne, qui fut tué205.
116La réception du bâtard par le biais de la donation le fait entrer dans la maison du père, qu'il soit paysan, artisan, curé, chanoine ou noble ; mais les effets de cette reconnaissance de paternité, plus ou moins librement consentie en fonction des pressions de la mère et de la justice, sont assez difficiles à percevoir. Si notre découverte archivistique démontre comment le bâtard pénétrait dans la famille paternelle, elle répond moins bien aux aspects juridiques posés par la naissance illégitime. L'enfant est bien abandonné par sa mère, comme nous le constatons dans l'acte de Laurence, veuve de Jehan Ginhos, où est utilisé le verbe "derelinquere", ce que confirme d'ailleurs le vest et le devest pratiqués dans chaque cession, et passe donc entièrement sous la domination du père. Mais quel est son statut ? Est-il pour autant légitimé par la donation ou demeure-t-il un enfant illégitime aux droits limités ? Quel patronyme portera le garçon, ou la fille, ainsi transmis ? Les actes sont relativement muets à ce sujet, non par esprit de dissimulation mais parce que les mineurs sont presque toujours désignés par leur prénom et la mention "fils de...", et cela quelle que soit l'origine de leur naissance. Parmi les instruments de cession ou de transaction recensés, un seul répond à cette interrogation : en 1468, le pacte passé entre Bartholomé Roquat, au nom de sa fille, et Mathieu Pagès, précise que le fils né des deux amants fut "baptisé et nommé Raymond Pagès". Raymond reçut donc le patronyme de son géniteur dès sa présentation sur les fonds baptismaux et il n'y a pas de raison de penser qu'il en fut autrement pour les autres ; cela d'autant plus que "par l'usage de France" les bâtards nobles gardaient le nom de leurs pères206. Milieux roturier et nobiliaire devaient suivre la même coutume et Pierre Martin cite bien Jehan Martin, son frère bâtard, d'abord identifié par les prénom et patronyme, puis qualifié par sa bâtardise et son lien fraternel207. Cette transmission du nom résulterait de la simple reconnaissance de paternité, et peut-être même de la déclaration faite par la fille-mère plus que de celle du père, puisque Mathieu Pagès soutint pendant un certain temps que Jehanne Roquat avait connu d'autres hommes, niant ainsi être le géniteur de Raymond qui fut baptisé sous son nom. Toujours est-il que la donation devait renforcer cet état de lait, à partir du moment où l'enfant était bien donné avec enregistrement d'abandon. Et l’acte cité par l'archiviste Ferdinand André préciserait que François Alamand voulut que l'enfant reçu, Biaise Gibelin, portât les nom et armes des Alamand208. Il est difficile d'avoir plus de certitude, faute de pouvoir suivre le destin de "donats" devenus adultes.
117L'exclusion des bâtards en matière successorale est tellement notoire qu'il est inutile d'y revenir. Théoriquement, la seule façon pour eux de sortir du droit de bâtardise était d'obtenir des lettres de légitimation ; mais nous pouvons nous demander si la "donatio" ouvrait ou non l'accès aux droits successoraux ? Le testament de Pierre Cobe rédigé en 1466 montre qu’à Jehanne et Jehanne "ses filles bâtardes" il laissait cinquante livres de dot, en plus du trousseau nuptial et de leur victum et vestitum jusqu'au mariage, "choses avec lesquelles elles seront contentes de tous ses biens". Il constituait le même legs, moins les vêtements, à Etienne, "son fils bâtard, pour ses droits d'institution ou de part légitime, ou par amour de Dieu, ou pour tout droit qu'il pourrait demander en ses biens". Ces droits sont ceux auxquels peut prétendre un enfant illégitime209 et la dotation ne constitue pas une égalité avec celle des enfants "loyaux" puisque Philippa, fille de Pierre Cobe, obtint deux cent quarante livres, son trousseau, un ort et l'usufruit d'un ouvroir, lors de son mariage en 1459. Dans son second testament, en 1471, Pierre Cobe renouvelle le legs fait à l'une des Jehanne, la seconde étant sans doute décédée entre-temps, mais il réduit la part d'Etienne à dix livres, alors que les fils légitimes de Pierre étaient pourvus d'immeubles ou institués héritiers. Il est vrai que le pacte passé entre Pierre et Delphine Boscarel demeurait silencieux sur le sort des enfants et nous ignorons s'ils furent donnés ou non. Par contre, lors de ses dernières volontés, en 1466, Vital de Recoules décide de l'avenir de son donat, mais il l'exclut de l'ordre successoral, puisque son fils légitime est institué héritier universel ; après quoi les syndics de Mende lui sont substitués. Or, il est bien évident que si le donat avait été légitimé, il eût été substitué à son frère par préférence au syndicat210. Il semble donc bien que le donat est considéré comme illégitime.
118Les bâtards sont théoriquement évincés du service de l'Eglise qui "remédie à l'incapacité de recevoir les ordres sacrés, due à l'irrégularité ex defectu natalium par l'octroi de dispenses spéciales"211 et l'évêché de Mende fut même confié à un bâtard de 1387 à 1390 : Jehan d'Armagnac212. Dans nos sources, Vital de Recoules prescrit que si son "donat" parvenait à la dignité de prêtre il jouirait d'un titre clérical qui lui procurerait, soit le gîte et le couvert, soit une pension alimentaire. De même, le médecin mendois Pierre Maynier fut-il le père d'un autre Pierre, enfant illégitime auquel sa grand-mère, Hélix Atger, légua trois livres, en 1475, afin de le faire élever dans un office quelconque. En 1484, le chanoine Jehan Alamand promit au même Pierre quatre setiers de froment, deux d'orge, un d'avoine en pension à vie. Et à partir de 1501, Pierre est devenu prêtre213. Non seulement les bâtards font carrière dans l'Eglise, mais ils figurent aussi aux armées, surtout s'ils sont nobles214. Quand ils ne s'engagent pas dans ces voies, ils se destinent à des carrières plus conventionnelles. Si leur maison appartient à la noblesse, ils y sont accueillis pour la servir et se targuent également de la qualité nobiliaire. Noble Hector Alamand, le fils illégitime de Ligier, seigneur de Calviac dans le diocèse de Nîmes, demeure auprès de son oncle François Alamand, chanoine de Mende et prieur commendataire de Sainte-Enimie, dès le 2 mars 1476, date à laquelle il assiste à un lods accordé par François. Le 24 septembre de cette année là, il est bailli de la ville de Sainte-Enimie. Par la suite, il est procureur de son père, et c'est à ce titre qu'en 1482 il est chargé de récupérer la dot de noble Françoise d'Hauteville, mère de sa marâtre Mirande de Peyrebesses, et qu'en 1484 il loue pour neuf ans divers immeubles que Ligier possédait à Mende215. En 1468, Sigismon de Châteauneuf, coseigneur de Châteauneuf, seigneur de La Tine, d'Allenc et de Saint-Remèze, témoigne à un contrat de mariage aux côtés de son frère bâtard, noble Anthoine de Châteauneuf. En 1469, lorsque la Communauté des prêtres de Mende promet de revendre une rente au baron de Cénaret, Anthoine de Châteauneuf est le bailli de Saint-Remèze pour son frère, Sigismon, également présent à cet acte216. Si nous nous référons au testament de noble Raymond de Châteauneuf, père de Sigismon, de 1459, nous constatons qu'Anthoine s'était vu attaché à son frère dans la mesure où Raymond lui transmit une pension annuelle, qu'il voulût vivre avec Sigismon ou étudier217. La tentation était donc grande pour le bâtard de demeurer auprès du chef de famille et de le servir.
119La lecture des actes qui concernent le quotidien des bâtards démontre que la flétrissure de la bâtardise tend à disparaître progressivement, comme si les individus concernés, ou leurs familles, souhaitaient la gommer en la faisant tomber dans l'oubli. Ainsi, Hector Alamand n'est-il dit spurius que dans un acte sur quatre ; le reste du temps il est dit noble, familier, "fils et procureur". Anthoine de Châteauneuf n'est plus qualifié de bâtard quand il occupe un office de bailli au nom de son frère. De même, Pierre Maynier n'est déclaré bâtard que dans le testament de sa grand-mère, alors qu'il ne l'est plus dans les trois autres actes qui le mentionnent. Au bout d'un moment, les traces d'illégitimité s'évanouissent au point qu'il n'est plus très aisé de retrouver les bâtards. En 1464, Pierre Martin, fils de feu Jehan, teste en faveur de Jehan Peytavin, prêtre bénéficier de la cathédrale dans laquelle il tenait le prieuré de Sainte-Croix. Il constitue un legs à Jehan Martin, "son frère bâtard", pour tous ses droits. Pierre meurt peu après puisque son héritier vend sa maison pour deux cents moutons or en 1465. En 1466, Jehan Peytavin fonde, par testament, une absolution perpétuelle sur la tombe de Guillauma, défunte épouse de Jehan Martin ; il s'agit indéniablement de la mère de Pierre et Jehan Peytavin assume toutes les charges de cette famille. Il octroie une libéralité testamentaire à Jehan Martin, tisserand de Mende, identifiable comme le frère bâtard de Pierre. Peu après, en 1467, Jehan Martin, chaussetier de Mmes, originaire de Mende, délivre quittance à Jehan Molto, puis, en 1468, le même, transige avec Jehan Peytavin, à propos de dix moutons or qu'il réclame pour la dot constituée à sa mère, Catherine Merssier. Jehan se dit bien fils de Jehan et de Catherine et occulte l'illégitimité de sa naissance218 sans que personne ne semble avoir envie de la lui remémorer, si ce n'est son frère qui marqua sa condition lors d’un testament qui avantageait un ecclésiastique à son détriment.
120La famille Clapier réhabilite ainsi une de ses filles. En 1467, Jehanne Merle légua un patenôtre et un anneau d'or à Marguerite, "fille bâtarde" de feu André Clapier. Or, en 1456, Guillaume Clapier, mari de Jehanne, avait laissé vingt-cinq livres à Marguerite sans la qualifier de bâtarde219. De même, en 1470, Guillaume Clapier, fils du précédent, marie sa nièce, ladite Marguerite, avec deux cents écus en plus du trousseau220, sans rappeler la flétrissure de sa naissance. Les contrats de mariage, comme les testaments, servent à prouver les droits de chacun et les descendants de Marguerite pourront présenter un acte lavé de toute tache, cela avec d'autant plus de crédit que les témoins furent recrutés parmi les plus notables mendois : noble Rotbert de Grandiront, bailli du Gévaudan, le chanoine Pons Jourdan, les marchands Pierre Monbel, Jehan Jourdan, Guillaume Cobe, les juristes Pierre Enjalvin et Pierre Martin ainsi que le notaire noble Vital de Recoules221.
121L'aspect volontaire de ces démarches apparaît avec la famille Corsac. En 1462, noble Jehan de Corsac cite ses trois petits-enfants illégitimes parmi lesquels figure Simon. Sept ans plus tard, le 7 novembre 1469, noble Bertrand de Corsac, seigneur de Saint-Clément dans le diocèse de Nîmes, fils de Jehan, fait donation d'un chasal et d'un ort sis à Saint-Geniez-d'Olt à son neveu le susdit Simon222. L'instrument notarié évoque "noble Simon de Corsac, fils naturel, bâtard de noble homme Jacques de Corsac", mais le terme "bâtard" est raturé, bien que toujours lisible223. A cette époque, Jacques n'a apparemment pas d'enfant légitime : les Corsac chercheraient-ils à légitimer Simon par usurpation ? En 1491, un Simon de Corsac, accorde un lods en tant qu'héritier de son père, ledit Jacques : serait-ce le même ? Simon est-il parvenu à hériter de son géniteur par un procédé dont nous ignorons tout, ou Jacques a-t-il eu un autre fils, légitime, également prénommé Simon ? Le mystère reste complet, mais il n'élude pas cette pratique qui consiste à estomper graduellement les preuves de la naissance hors mariage.
CONCLUSION
122Nous pouvons conclure que l'autorité du père, chef de famille, apparemment sans opposition possible, est en fait souvent limitée par les droits dont les autres disposent à partir du moment où ils possèdent quelques biens, que ce soit la femme ou l'enfant ; et la clé des relations familiales réside en cela : avoir son propre patrimoine émancipe factuellement, bien que partiellement. Le père exerce la direction naturelle de la famille mais sa domination sur la femme, sur les enfants et sur le fils marié à domicile, relativement incontestable, est susceptible de disparaître s'il en est indigne ou incapable. En outre, la force coercitive qui accompagne tout commandement repose alors essentiellement sur le droit à la terre ; l'homme fixé en gendre a besoin que son ascendant soit renforcé par sa femme, en particulier lorsque la disparition de cette dernière menace de faire passer l'oustau entre les mains de l'héritier. Si l'autorité résulte des titres de possession que le chef détient sur la maison, ne serait-ce que comme usufruitier, il est évident que l'enfant, majeur ou non, qui sort de la maisonnée pour se marier échappe entièrement à toute soumission.
123Quand le possesseur du patrimoine décède, la situation du conjoint qui n'est pas institué héritier universel doit nécessairement retenir l'attention. La constitution d'un véritable douaire à la femme est rare en Gévaudan et constitue surtout l'apanage de la noblesse. Quand il en existe un, il consiste en la reconnaissance de l'usufruit d'une partie des biens de l'homme sur laquelle est assise une rente annuelle permettant de vivre à la veuve qui ne pourra demeurer auprès de l'hoir de la maisonnée. Pour la plupart des Gabalitains, ce rôle est assuré par la pratique des gains de survie qui prennent des formes assez variées et souvent complémentaires. Le premier est une allocation consentie pour augmenter la dotation de l'époux afin de faciliter son remariage ou plus rarement, et principalement à l'avantage de la femme dont le mari vit encore, pour lui permettre d'en disposer en faveur de ses héritiers et de ses oeuvres pies. A l'occasion le survivant conserve la jouissance de l'ensemble des avoirs de l'autre tant que le veuvage est respecté, ce qui rappelle le douaire, sauf que ce dernier est généralement limité en volume ; mais il existe aussi des usufruits partiels qui ne sont pas sans évoquer le douaire préfix. Toutefois, c'est l'attribution d'une pension qui remémore le plus ce dernier dans la mesure où elle est versée sur l'engagement du patrimoine du constituant à partir du moment où l'ayant droit quitte le domicile de l'héritier et tant qu'il n'y a pas de remariage ; il existe toutefois une distinction de taille : les hommes en bénéficient aussi.
124En frit, la veuve se retrouve souvent, mais pas toujours, la maîtresse de l'oustau ; encore faut-il qu'elle s'entende, et par conséquent compose, avec l'héritier du mari et qu'elle demeure en état de viduité. Sa situation est donc largement conditionnée par son comportement, alors que le mari reste presque constamment, à de rares exceptions près, le chef de la maison. Toutefois, l'expulsion d'une veuve qui contracte une nouvelle union ne saurait être considérée comme la menace d'un mari jaloux par-delà la mort puisqu'un certain nombre d'hommes prévoit un augment de dot ; il convient plutôt d'y voir la garantie que les biens de la famille ne serviront pas à un étranger dont le seul mérite aura été d'épouser une veuve. De plus, en se remariant, cette dernière s'exclut des structures financières de l'ancien oustau pour passer à la charge du nouveau, et les usufruits et pensions perdent leur raison d'être ; en outre, si le premier mari aimait sa femme au point de vouloir lui procurer un avantage lors de l'éventuelle éviction de la veuve de sa demeure, il lui alloue un augment de dot, comme le père constitue une dot à la fille avant de l'écarter de la succession.
125A la mort du père, l'orphelin est généralement placé sous la tutelle de sa mère, considérée comme tutrice légitime, ou sous celle des exécuteurs testamentaires qui laissent cependant la mère, lorsqu'elle est en vie, gérer quotidiennement le ménage tout en lui prodiguant leurs conseils et en s'instaurant les gardiens des intérêts des enfants. A défaut, la grand-mère paternelle, le grand-père, l'oncle, ou tout proche parent, fait l'affaire ou obtient même la préférence sur la génitrice qui risque de se remarier. Parvenu à la puberté, l'adolescent qui le souhaite peut élire son curateur ; il rompt ainsi avec ses tuteurs et commence à s'émanciper comme son âge le lui permet D est parfois contraint de le taire en se rajustant sur un nouveau degré de parenté, passant des ascendants aux collatéraux. Et s'il agit par lui-même, c'est avec l'assentiment de ceux qu'il a choisis et par l'intermédiaire de ses procureurs.
126Le bâtard est accueilli chez le père, par le biais d'une donation qui n'est pas sans rappela le procédé de l'adoption employé en Provence et étudié par Roger Aubenas. Loin d'être simplement accepté par le père quand celui-là le désire, il est en fait imposé par la mère qui ne souhaite pas garda un enfant non désiré qui troublerait sa vie. La femme séduite peut non seulement abandonna l'enfant entre les mains d'un géniteur non consentant, mais elle peut exiger une indemnité afin de racheta son honneur et conquérir un mari. Une fois entré dans la famille paternelle, l'enfant illégitime construira sa vie, comme les autres, avec les désavantages d'un droit de bâtardise qui exprime surtout une impossibilité de succéda à l'universalité des biens familiaux mais n'interdit pas la dotation ; et petit à petit, au fil du temps, la différence entre un homme, ou une femme, né hors mariage s'estompera au point que la flétrissure de la bâtardise ne sera plus forcément apparente.
Notes de bas de page
1 Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle, Etienne Bertrand, thèse de doctorat, Université de Paris, faculté de droit, soutenue le 30 juin 1937, p. 53.
2 Ourliac (P), Gazzaniga (J.L.), Histoire du droit privé français de l'an mil au code civil, Paris, 1985, p. 274-275.
3 La famille en Rouergue au Moyen Age (1269-1345). Etude de la pratique notariale, Rouen, 1985, p. 164.
4 Histoire du droit privé français.... p. 266.
5 Beaumanoir (Ph. de), Coutumes de Beauvaisis, art. 1631, Paris, 1970, tome II, p. 334.
6 Histoire du droit privé français p. 274-275.
7 Daude (G. 1395/164), Gasc (G. 1413/109v°).
8 G. 1417/11 v°, 1420/175, 3E.2666/76v°, 92, 2898/90v°.
9 Coutumes de Beauvaisis, tome I, article 522, p. 251.
10 Coutumes de Beauvaisis, tome ΙII, commentaires des éditions Picard, 1974, p. 74.
11 Marechal (M.), Poumarede (J.), Coutume de Saint-Sever, 1380-1480, Paris, 1987, p. 95.
12 Olivier-Martin (F.), Histoire du droit français des origines à la Révolution, Paris, 1948, réédité 1984, p. 313.
13 Richardot -H.), "Tutelle, curatelle et émancipation des enfants légitimes en Forez au XIIIe siècle" R.H.D.F.E., 1945, p. 30-31.
14 Les relations familiales en Rouergue et Gévaudan au XVe siècle, d'après le trésor des chartes, Mende, 1990, p. 59-60.
15 3E. 1089/4v°, 2010/30v°, 2892/192v°, 210, G.1388/1, 1419/91v°, 1426/15.
16 Ourliac (P.), Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle…, p. 55.
17 Histoire du droit privé français de l'an mil au code civil, p. 276.
18 Nobles émancipés (G.1378/14, 1395/74v°, 3E.902/82v°), Pelhicier (3E.1557/21).
19 Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle..., p. 111.
20 Histoire du droit privé français..., p. 313.
21 3E.2275/69.
22 Droit romain et pratique méridionale..., p. 124.
23 La famille en Rouergue au Moyen Age..., p. 105-108.
24 Mais nous l'avons découvert chez un notaire d'Ispagnac en 1356 (3E.2297/52).
25 Nivolier (3E.2889/140), Brunei (3E.2892/155v°).
26 Droit romain et pratique méridionale..., p. 121.
27 Cours d'histoire du droit privé, Aix-en-Provence, 1952, tome II, p. 43.
28 3E.2706/70.
29 Lasfons ((G. 1411/63v°), Dumas (G. 1414/139).
30 G.1414/2v°. Lorsqu'un bien dotai est vendu, le mari délivre une quittance dotale qui servira de preuve en cas de restitution (Vital Barres G.1403/76v°). De même quand des biens ont été acquis à partir des possessions de la femme, les acquêts sont restitués à la place de ces dernières (Pierre Arnald G. 1403/156v°).
31 Nauthon (G. 1414/4), Blachieyre (3E.1086/99v°, 2674/191v°, 2889/81).
32 Clerc (3E.1563/5v°, 1567/60, 1573/112), Astruc (3E.1571/21v°, 23v°), Garinholes (3E.1573/130v°), Virdula (3E. 1563/161 v°), Boyer (3E. 1573/23v°).
33 3E. 1565/30, 1566/22, 1568/95v°, 1574/15v°.
34 Joglar (3E. 1563/30v°), Grèze (3E. 1557/131).
35 Lac (3E. 1572/46), Borses (3E. 1574/114), Jehan (3E.1086/99v°).
36 Cordesses (3E. 1573/131), Pélegrin (3E. 1573/136), Recolin (3E.1572/49v°, 3E. 1572/53).
37 Seguin (3E. 1557/6), Chalant (3E. 1557/38v°), Marque (3E. 1571/131 v°), Malizie (3E. 1567/54v°).
38 Actes de la veuve (3E.1558/2v, 1561/109v°-137, 1574/80v°, 2279/36v°), Fournier (3E.1557/78v°).
39 "Tutelle, curatelle et émancipation des enfants légitimes en Forez au XIIIe siècle", p.32. Paul Ourliac précise "la tutelle s'ouvre normalement par la mort du père ; il n'y a pas d'exemple que la mort de la mère lui ait donné jamais lieu" ("Droit romain et pratique méridionale", p. 64). Il ajoute, accompagné de Jean-Louis Gazzaniga, que "la mort de la mère ne change pas la situation des enfants : le père continue d'exercer sur eux la puissance paternelle et possède l'administration ou l'usufruit des biens hérités de la mère. [...]. La mort du père fait [...] du mineur un héritier" (Histoire du droit privé, p. 277-278)].
40 Ibid, p. 33.
41 Bozène (3E. 1477/70), David (G. 1386/34v°), Cuoc (3E. 1563/37 et suivants), Ducels (G. 1414/10v°).
42 Soit 1,35 % de l'ensemble des testatrices.
43 Sarron (3E.2781/90v°), Camac (3E.2044/24), Sirvens (3E.2275/12).
44 Barran (3E. 1561/87), Masoyer (3E.2899/173), Garin (3E.718/240v°, 242).
45 Bastide (3E.2779/127v°, 2780/83, 91), Monbel (G.1391/31).
46 Bascle (3E. 1557/92), Regordel (3E. 1557/62, 135), Valette (3E. 1565/101v°).
47 3E. 1563/108, 1564/83, 1572/45.
48 Parent (3E. 1560/24), Mercoeur (3E.1573/136v°), Merle (3E.1567/141), Grégoire (3E. 1568/69), Aldin (3E. 1572/62), Pagès (3E.1570/98), Solignac (3E. 1573/131).
49 Bonet (3E. 1564/87v°), Mercoeur (3E. 1574/108v°).
50 Histoire du droit privé français..., p. 304.
51 Cours d'historie du droit privé..., p. 49.
52 Histoire du droit privé français..., p. 303.
53 Apcher (E.277), Toumel (E.204, E.201).
54 Monbel (G. 1414/143), Toumel (E.204), Apcher (E.276).
55 Astier (3E.2038/27), Fisto (3E.2038/40v°), Camac (3E.2014/79, 2044/24).
56 Luc (P), Vie rurale et pratique juridique en Béarn aux XIVe et XVe siècles, Thèse, Montpellier, 1943, p. 91, cité par Hilaire (J.), "Vie commune, famille et esprit communautaire", R.H.D.F.E., 4e série, 51e année, 1973, p. 20.
57 André (3E.2044/37v°), Vierne (G. 1378/38).
58 La famille en Rouergue au Moyen Age..., p. 220-221,
59 Delors (G. 1388/33), Châteauneuf (3E. 1567/40v°), Tiern (3E.2275/133).
60 Dans les actes les deux sont souvent confondus.
61 La famille en Rouergue..., p. 92.
62 Ibid, p. 219.
63 Histoire du droit privé français... ", p. 305.
64 La famille en Rouergue..., p. 92.
65 3E..2042/7v°, 2898/221, G.1372/121, 1414/35v°, 1431/54.
66 Aldebert (G. 1388/20), Gains identiques (3E.2274/76, G.1378/18v°), Pelhicier (3E.2275/92).
67 Voir en annexe V, la pension n°95. Pour la suite, nous mettrons entre tirets, en guise de référence, le numéro donné à la pension dans l'annexe V.
68 Molinier (A. & N.), "Alimentation de paysans du XVIe siècle", "110e congrès national des sociétés savantes", Montpellier, 1985. Santé, médecine et assistance au Moyen Age. Histoire médiévale et philologie, tome I, Paris, 1987, p. 191-213.
69 3E. 1708/68v°.
70 Molinier (A. & N.), ibid, p. 196.
71 Buffiere (F), Ce tant rude Gévaudan, Rome, 1985, tome 1, p. 887.
72 En tenant compte des jours maigres.
73 Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Chaldoreilhe.
74 Meyrueis (3E.2027/38v°, 49), Ebrard (G. 1393/116), Arzalier (3E.2925/84v°).
75 Arlier (G.1388/56v°), Cavalier (G.1378/29), Chaldoreilhe (G.1410/135v°).
76 Ce qui correspond à 2 % de l'ensemble des testateurs laïcs.
77 Bonet (3E.611/141), Raymond (3E.2275/55), Pelhicier (3E.2044/60v°).
78 Ebrard (3E.2275/114v°, 2276/25v°), Petit (G.1430/63v°), Raymond (3E.2275/55v°, 2666/119v°).
79 Delcros (3E.2276/27), Damat (3E.2277/36v°), Fisto (3E.2010/30v°).
80 Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga affirment que, dès le XIVe siècle, la tutelle n’est plus un pouvoir exercé sur le mineur mais une protection de ce dernier (Histoire du droit privé français..., p. 281).
81 Droit romain et pratique méridionale au XVe siècle ..., p. 65.
82 Histoire du droit privé français ..., 282.
83 Les posthumes recevaient également un tuteur dans les testaments, comme le prouve la confirmation de tutelle octroyée à la suite du testament de Durand Minheta (G. 1388/20v°).
84 Par exemple, Jehanne Bert, veuve de Durand Cordolh, de Mende, le 28 février 1444 (3E.2883/23).
85 Tuteurs de Jehan Orlhac (3E.2894/61), François Monbel (3E.2895/93v°).
86 Vital (G. 1390/36), Gras (3E.2027/140).
87 "Tutelle, curatelle et émancipation des enfants légitimes en Forez au XIIIe siècle", p. 35.
88 Mais Richardot affirme que l'impubère n'est jamais sous la puissance paternelle d'un aïeul (Ibid, p. 32).
89 3E. 1563/73v°, 1564/62v°.
90 Droit romain et pratique méridionale..., p. 64.
91 "Tutelle, curatelle et émancipation...", p. 38.
92 Crosat (G. 1413/50), Valentin (3E. 1563/90v°), Badaros (G.1389/112).
93 Vital (G. 1390/36), Brunel (G.1389/105v°), Fabri (G.1389/111), Jove (3E.2897/96), Passabost (3E.2275/79v°, G.1390/13v°).
94 3E.2893/79, 2894/70, 2898/175. Il n'est jamais fait mention de la moindre homologation de cette tutelle par un juge, ce qui semble confirmer la pleine validité de la tutelle testamentaire.
95 Tranchaceps (G.1414/32), Fort (3E.2017/155, 2018/60v°). Curieusement, la renonciation de Gaudiose, veuve de Pierre Fort, ne l'empêchera pas d'être investie de la tutelle d'un autre petit-fils, en 1454 (3E.2029/193v°). La vieillesse est également prétextée par Guillaume Brun en 1430 (G.1390/56v°).
96 "Amis et amis charnels d'après les actes du parlement au XIVe siècle", R.H.D.F.E., 4e série, 47, 1969 p. 645-698.
97 Valentin (3E. 1563/90v°), Guilabert (3E. 1563/73v°).
98 3E. 1561/146v°.
99 D'ailleurs, selon Jack Goody, si la parenté orientale est définie par filiation "strictement agnatique", celle de l'occident est "nettement bilinéaire", soit cognatique, la famille maternelle étant d'une grande importance (L’évolution de la famille et du mariage en Europe, Paris, 1985, p. 225).
100 G. 1413/50, 70.
101 3E. 1563/90v°, G.1387/40v°, 1413/70.
102 Hubert Richardot n’hésite pas à parler alors d'un conseil de famille ("Tutelle, curatelle...", p. 39).
103 Cette constance observée dans deux types d'actes si différents que les testaments et les décrets de tutelle nous autorise à penser que ce pourcentage représente bien la réalité. Toutefois nous avons regroupé les tutelles et curatelles testamentaires dans la mesure où deux institutions de curatelle seulement sont distinctes : 53,45 % des institutions de ce type portent sur une tutelle, 20,50 % sur une tutelle et une curatelle conjointes, 24,50 % sur une administration des enfants et des biens qui ne se distingue pas autrement.
104 Gisquet (G. 1413/100v°), Thoreyre (G. 1390/122), Meyssonier (G. 1411/111.
105 Si le remariage provoquait sa destitution, il est logique qu'il empêche son institution.
106 3E.2277/36v°, 2780/71, 2892/210, 2893/210.
107 Testament de Pierre Bonet, le 21 février 1471 (3E.611/141).
108 Comme la veuve potentielle de Pierre Astier, de Mende, en 1433 (3E.2275/149).
109 Assez curieusement, Pierre Salvanh désigna son frère, comme tuteur (3E. 1086/16).
110 Comme chez les Ambert en 1440 (3E.2781/8).
111 3E.611/141,2275/153
112 3E..1586/34, 2017/179, 2044/48v°, 2275/43, 2925/115, G.1402/78v°.
113 Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Chaldoreilhe.
114 3E.2883/23,2890/126v°, 2892/210, 2894/I2v°, 61.
115 Sauf s'ils sont également exécuteurs testamentaires, mais seulement en tant que tels.
116 "Tutelle, curatelle p. 65.
117 G. 1387/40v°, G. 1388/100v°, G. 1413/70, 100v°.
118 Quelques testateurs, assez rares, prescrivent également que leurs femmes, tutrices et curatrices, agiront avec le conseil de proches, comme Anthoine Bessa, de Mende en 1472 (3E.2897/201 v°).
119 Robin (3E. 1563/85), Manhe (3E. 1563/90v°, 103).
120 G. 1386/17, 1387/55v°, 91v°, 1389/68, 1417/16.
121 Chapelu (G. 1387/55v°, 91 v°), Valdin (G. 1389/68).
122 "Tutelle, curatelle p.65. L'auteur précise que la dispense de rédiger un inventaire était prévue par le droit romain (p. 43).
123 Sirvens (3E.2665/121), décret de 1430 (G. 1390/45).
124 3E. 1586/13, 1708/93v°, 171 l/79v°, 107v°, 2883/93, 2889/65v°, 2902/130, G.1387/36v°, 1409/1, 32.
125 Voir les tableaux généalogiques des familles Chaldoreilhe et Valdin.
126 3E.2887/11, 2884/147, 5045/14v°, G. 1388/108, 1389/111, 1396/18, 167, 1412/116.
127 G. 1388/41 v°. Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Monbel.
128 3E. 1563/85.
129 "Tutelle, curatelle ...", p. 45.
130 G. 1421/90. Cette renonciation est apparemment systématique en Gévaudan.
131 Delcros (3E.1477/85), Coderc (G. 1388/25).
132 Ibid, p. 35-36.
133 G. 1413/50.
134 Avinhon (G. 1389/36), Farsat (G. 1387/40v°).
135 3E. 1563/85, G. 1388/102, G.1411/111
136 ''Tutelle, curatelle ... '', p. 53.
137 3E.2275/149.
138 Décrets de tutelle des enfants Fort, en 1443 et 1454 (3E.2018/60v°, 2029/193v°).
139 Bodet (3E. 1565/97), Malafosse (3E. 1561/143, 146v°).
140 3E. 1557/14, 1561/11, 109v°-137, 1563/37 et suivants, 1571/131v°, 1575/75v°, 2274/20v°, 2275/40, 70, G. 1382/78, 1382/1, 1384/41, 16.
141 3E.2896/143.
142 Hubert Richardot rapporte que le représentant du comte de Forez entendait les comptes de tutelle avant que les enfants n'en délivrassent quittance ("Tutelle, curatelle …", p. 66).
143 Peytavin (G. 1378/39), Tranchaceps (G. 1414/32).
144 Plusieurs quittances de ce type ont été retrouvées (3E. 1557/13, 2892/71v°, G. 1384/31v°).
145 Droit romain et pratique méridionale..., p. 70.
146 "Tutelle, curatelle …" p. 69.
147 Guilabert (3E.2889/157), Pascal (3E.1557/23v°), Pons (G. 1384/57v°), Corsier (1385/40).
148 Quittance (3E.2779/114), mariage (3E.2780/124), constitution dotale (3E.2273/12).
149 3E.2779/88v°.
150 G. 1384/31v°, 1391/61v°.
151 G. 1389/68.
152 D'ailleurs, Hubert Richardot précise qu'on ''se contenta d'exiger qu'il [le pubère] fût assisté d'un curateur pour ester en justice" ("Tutelle, curatelle …", p. 69).
153 Crosat (G.1417/39v°), Vilaret (G. 1417/16), Montanhier (3E.2895/154v°), Ebrard (G. 1411/31 v°)
154 G. 1403/26.
155 Comme Guillaume Marquez en 1459 (3E.2890/126, 127v°, 128v°).
156 3E.1711/66,2888/99, G.1388/8, 1401/1.
157 ''Tutelle, curatelle …", p. 78.
158 3E.2890/160.
159 Maurice (Ph), Les relations familiales en Rouergue et Gévaudan au XVe siècle, d’après le trésor des chartes, Mende, 1990, p. 93.
160 Coutumes de Beauvaisis, Paris, Picard, 1970, tome II, numéro 1456, p. 237. Voir aussi : Chevailler (L), "Observations sur le droit de bâtardise dans la France coutumière du XIIe au XVe siècle", R.H.D.F.E., 1957, p.376-411.
161 "L'essor des bâtards nobles au XVe siècle", Revue Historique, 1975, no 253, p. 348.
162 Aubenas (R.), "L’adoption en Provence au Moyen Age (XIVe-XVIe siècles)", R.H.D.F.E., 1934, p. 700-726.
163 Et non pas procréé en dehors du mariage, car l'enfant issu d'une relation sexuelle antérieure au mariage devient légitime à partir du moment où le géniteur épouse la mère après l'avoir mise enceinte (Coutumes de Beauvaisis, no 579).
164 3E.2665/275.
165 Recoules (G.1423/30), Clapier (3E.2674/118), Brenguier (3E.1087/261v°).
166 Tous ces instruments ont été reçus entre 1458 et 1480. En plus, nous avons également découvert quelques mentions de cette question dans des actes assez variés : testament et quittance par exemple.
167 G. 1417/126, 3E. 1086/47.
168 3E.2899/190,2900/94, 2895/61, G. 1420/82v°, 1411/57, 60v°.
169 Cortusson (3E. 1086/140v°), Recoules (3E.2665/168v°), Jalvin (G. 1405/143), Ventajon (G. 1423/30).
170 Richardot (H.), "Tutelle, curatelle ...", p. 34. Lorcin (M.T.), Vivre et mourir en Lyonnais à la fin du Moyen Age, Paris, 1981, p. 96. Caron (M.T.), La noblesse dans le duché de Bourgogne, 1315-1477, Lille, 1987, p. 225.
171 Nous remercions monsieur Jacques Poumarède pour les orientations qu'il a bien voulu nous prodiguer.
172 Nous savons par d'autres actes que Marguerite avait au moins un neveu, Bertrand Pastorel, qui se maria en 1483 et est cité dès 1468 (3E. 1089/59,74, 2895/119, 2898/8v°, G.1429/37).
173 (3E.2665/168v° et 2667/142).
174 "L'adoption en Provence...", p. 708-709.
175 Le terme frère a pu être usité dans l'acte afin de ménager la légitime pudeur due à l'office clérical.
176 L'archiviste Ferdinand André a relevé un acte de ce type (Histoire du monastère et prieuré de Sainte-Enimie, au diocèse de Mende, Mende, 1867, p.53). François Alamand, chanoine de Mende, reçut le fils de Marguerite Gibelin, de Ribennes, dont il pouvait en faire toutes ses volontés, comme un père de famille peut et doit faire de son fils.
177 3E.1086/140v°.
178 En conséquence, le "donat" ou "enfant donné" est aussi bien un enfant illégitime remis au père qu'un enfant abandonné par la mère entre les mains d'un tiers qui le reçoit. De plus, rien ne prouve que tous les bâtards aient été donnés.
179 Promisit et convertit nato puero ex utero dicte Johanne, ipsum puerum accipere et nutrire seu hoc fieri facere et custodire ut suum (3E.2900/94).
180 Pagès (3E.2895/61), Capdaviel (G. 141 l/60v°).
181 Paulhan (3E.2899/190), Cobe (G. 1417/126, 3E.2893/226, 2896/210v°).
182 Borrilho (G. 1411/57), Capdaviel (G. 141 l/60v°).
183 Histoire du droit privé français.... p. 262.
184 G. 1405/143. Dans le livre de raison qu'il rédigea en tête de son registre G.1416, maître Jehan Julien utilise les verbes "donner" et "placer" pour qualifier la remise de son fils Etienne.
185 Toutefois, en 1464, l'official de Mende accordait son absolution à Naudon Cortalhac, clerc du Cheylard poursuivi par le procureur fiscal pour avoir mis enceinte Catherine Valentin (G. 1420/186).
186 Consulter à ce sujet : Durand (B.), "Aut nubere, aut dotare", "Mélanges Aubenas". Recueil de mémoires et travaux de la société d'histoire des pays de droit écrit. Montpellier, 1974, p. 281-299.
187 Capdaviel (G. 141 l/60v°), Cumbarel (3E. 1086/47).
188 En 1478, sentence d'absolution, de l'officiai de Mende, en faveur d'Anthoine Hermentier (G. 1431/99).
189 G. 1417/126, 136. Voir la généalogie des Cobe. Il est logique de supposer que Delphine avait une vingtaine d'années, alors que Pierre était âgé de vingt ans en 1427 (G.943 : procédure judiciaire à l'encontre de Pierre Cobe, poursuivi pour meurtre). La différence d'âge était donc de près de trente-cinq ans.
190 G. 141 l/60v°.
191 Revel (G.1410/82v°), Chastanhier (3E. 1086/47), Paulhan (3E.2899/190).
192 3E.2781/120. Jehan Pole, prêtre dès 1437, testa et mourut en 1460 (3E.2780/1, 2884/204v°).
193 Maurin (3E.2900/94), Védrun (3E. 1572/7v°).
194 En Rouergue, Nicole Lemaître mentionne une indemnité de grossesse de vingt-six livres et dix sous octroyée par Bernard Garnier, recteur d'Arcanhac, en 1474 (Le Rouergue flamboyant. Clergé et paroisses du diocèse de Rodez (1417-1563), Paris, 1988, p. 176).
195 3E.2665/95v°.
196 Les relations familiales en Rouergue et Gévaudan..., p. 61. Hubert Richardot a aussi pensé que les bâtards étaient sans doute laissés à la mère ou à quelque proche parent ("Tutelle, curatelle …", p. 34).
197 Il est vrai que la justice ne devait pas toujours conclure en la sincérité de la mère désignant un père putatif, laissant alors la première seule avec ses problèmes.
198 Voir en annexe la généalogie des Petit.
199 Cobe (G. 1416/29, 31), Roget (3E.2902/142v°), Robin (G. 1388/52v°).
200 Les Relations familiales en Rouergue et Gévaudan..., p. 100. En outre, Claude Gauvard rapporte que les concubines de prêtres étaient généralement très mal traitées et que les jeunes allaient même les chercher chez elles pour en abuser (De grâce especial. Crime, état et société à la fin du Moyen Age, Paris, 1991, note 574).
201 G. 1423/30. Voir en annexe le tableau généalogique de la famille Dumond.
202 G.275 (4).
203 G : 1411/57.
204 G.1399/76, 1401/39, 1405/146, 1406/180v° Voir la généalogie des Aldebert-Sirvens.
205 "Les relations familiales en Rouergue et Gévaudan …", p. 62.
206 Harsgor (M), "L'essor des bâtards nobles au XVe siècle", p. 329.
207 Pagès (3E.2895/61), Martin (3E.2892/160v°).
208 Histoire du monastère et prieuré de Sainte-Enimie, p. 53.
209 Un peu partout dans le midi les bâtards reçoivent des legs, dans le Bordelais (Boutruche, R., La crise d'une société, seigneurs et paysans du Bordelais pendant la guerre de Cent Ans, Strasbourg, 1963, p. 177, 293-294), le Lyonnais (Lorcin, M.T., Vivre et mourir en Lyonnais..., p. 96), la Bourgogne (Caron, M.T., La noblesse dans le duché de Bourgogne, ..., p. 225-226).
210 Cobe (3E.2890/87, 2896/210v°), Recoules (G. 1423/30).
211 "L'essor des bâtards nobles ...", p. 326. L’auteur cite Barbarin (R.), La condition juridique du bâtard d'après la jurisprudence du parlement de Paris, du Concile de Trente à la Révolution française, thèse pour le doctorat en droit, Mayenne, 1960, p. 96
212 Jehan d'Armagnac, nommé évêque de Mende le 22 avril 1387 jusqu'à son transfert au siège archiépiscopal d'Auch le 17 octobre 1390. Il était le fils de Jehan II d'Armagnac et le frère naturel du connétable Bernard VII. Dictionnaire des biographies françaises, Paris, 1939, tome 3e, col. 681.
213 Atger (3E. 1086/147v°), Alamand (3E. 1089/195), Maynier (3E. 1088/177).
214 Voir à ce sujet l'ouvrage de Philippe Contamine, Guerre, état et société à la fin du Moyen Age. Etudes sur les armées des rois de France, 1337-1494, Paris-La Haye, 1972, et aussi Mikhaël Harsgor, "L'essor des bâtards nobles p. 333.
215 3E.2665/275, 1089/290, G.1428/67v°, 141v°.
216 3E.2894/265, 2896/14.
217 E.208.
218 3E.2884/267v°, 2892/160v°, 2893/124., 2895/6, G.1413/122v°
219 3E.2884/149v°, 197.
220 Cette dot consentie à une bâtarde mariée à un simple cardeur (Jehan Torrel) peut paraître importante. Elle l'est, mais il y a certaines raisons. Le notaire André Clapier hérita de son père, le notaire Guillaume Clapier Ier (Testament du 30 juin 1456, 3E.2884/149v°). Il ne laissa lui-même que cette fille illégitime et son héritage revint à Guillaume Clapier II (3E.2892/31v°). Guillaume II hérita de sa mère, Jehanne Merle, de son frère André, et par ce dernier de son père. Marguerite, en tant que bâtarde, était exclue de toutes ces successions qui auraient pu lui revenir après la mort d'André, si elle était née en justes noces. En conséquence, même si Guillaume n'y fut pas contraint, il était logique que la jeune fille fût bien pourvue.
221 3E.2896/142.
222 3E.2896/27v°.
223 Ce qui rappelle l'acte concernant Gabrielle Paulhan dans lequel une information est inscrite par le notaire et raturée par la même main, laissant présumer un conflit entre la volonté des parties de dissimuler un fait et l'obligation dans laquelle le notaire est de le rapporter.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La famille en Gévaudan au XVe siècle (1380-1483)
Ce livre est cité par
- Jones, Peter. (2003) Liberty and Locality in Revolutionary France. DOI: 10.1017/CBO9780511496776
- McDougall, Sara. (2021) Singlewomen and Illicit Pregnancy in Late Medieval France. French Historical Studies, 44. DOI: 10.1215/00161071-9005021
- Mayade-Claustre, Julie. (2005) Le corps lié de l'ouvrier. Le travail et la dette à Paris au XVesiècle. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 60. DOI: 10.1017/S0395264900025002
- Dubois, Adrien. (2016) Quitter son époux à la fin du Moyen Âge. Histoire & Sociétés Rurales, Vol. 45. DOI: 10.3917/hsr.045.0007
- GRAVELA, MARTA. (2017) The primacy of patrimony: kinship strategies of the political elite of Turin in the late Middle Ages (1340–1490). Continuity and Change, 32. DOI: 10.1017/S0268416017000303
La famille en Gévaudan au XVe siècle (1380-1483)
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3