« Ladicte Université de Thoulose est moult notable et très ancienne ». Histoire et conscience de soi chez les universitaires toulousains à la fin du Moyen Âge
p. 593-606
Texte intégral
1C’est une règle assez générale que toute institution dotée d’autonomie et dont les membres partagent un certain esprit de corps tend tôt ou tard à légitimer par l’histoire aussi bien ses pratiques usuelles que les droits et privilèges dont elle se réclame au sein de la société englobante.
2Les universités médiévales n’ont pas échappé à cette tendance. Dans le cas de l’Université de Paris, on sait comment celle-ci a su, surtout à partir du XIVe siècle, associer à une connaissance assez exacte de son passé, dont les cartulaires et les recueils de statuts lui donnaient les bases, une reconstitution largement mythique de ce même passé, connue sous le nom de translatio studii, reconstitution au demeurant ambiguë puisqu’elle fondait tout à la fois l’ancienneté immémoriale de l’Université, garante de son irréductible autonomie, et le lien organique qui liait la prospérité du studium à celle du regnum et donc des écoles parisiennes à celle de la monarchie française dont l’Université de Paris était la « fille aînée »1.
3Cet effort de reconstruction historique a été infiniment moins poussé dans les universités provinciales françaises qui n’ont jamais prétendu ni au même degré d’autonomie, ni à la même autorité que celle de Paris. On en trouve cependant quelques traces, spécialement à Toulouse dont l’Université pouvait prétendre – et a prétendu de fait, au moins au temps de Charles VI et Charles VII – au titre de seconde université du royaume.
4Les fondements objectifs de cette prétention sont clairs : il y avait d’une part l’ancienneté, les effectifs, l’éclat des collèges, la réputation non usurpée des doctores Tholosani ; il y avait d’autre part, partagée d’ailleurs avec toute la « patrie de langue d’oc », la conviction que celle-ci, en ces temps difficiles, avait bien mérité de Dieu et du roi ; le Languedoc et au premier chef l’Université de Toulouse avaient en effet su, lorsqu’il le fallait, assumer leur spécificité et affirmer leurs convictions avec courage (l’attachement au pape d’Avignon, face au conciliarisme, au demeurant fluctuant, des prélats et universitaires parisiens – la fidélité au parti armagnac), mais ils n’en avaient pas moins conservé vis-à-vis du souverain légitime une loyauté indéfectible qui contrastait avec le ralliement de l’université parisienne au traité de Troyes et aux Anglo-Bourguignons (que ne pouvaient faire oublier les quelques maîtres qui avaient suivi Charles VII en s’installant à Poitiers). A ces données objectives venait s’ajouter une certaine idée de soi-même où la dimension historique avait sa place.
5Dans la présente contribution, j’ai essayé de rassembler, sans aucune prétention à l’exhaustivité, quelques textes datant précisément de cette époque où, pour la première fois sans doute, l’Université de Toulouse a été à la fois confrontée de manière quasi simultanée à toutes les instances extérieures de pouvoir (la ville, l’Eglise, le prince) et amenée à affirmer sa spécificité face à son aînée et rivale parisienne : s’y donne à lire, au moins en filigrane, l’image que l’Université de Toulouse se faisait alors de son propre passé (et l’usage qu’elle cherchait à faire de cette image).
6Les documents utilisés sont, pour l’essentiel, au nombre de trois.
7Il y a d’abord ce que l’on pourrait appeler le dossier de l’epistola Tholosana. Sans reprendre le détail d’une affaire bien connue, je rappelle simplement de quoi il s’agit2. En 1401, l’Université de Toulouse, dont les maîtres – à de très rares exceptions près – avaient affirmé dès le début du Grand Schisme leur fidélité au pape d’Avignon, fit rédiger par plusieurs de ses professeurs une sorte de manifeste qui, sous la forme d’une lettre au roi, critiquait vigoureusement la soustraction d’obédience décidée en 1398 et mettait en particulier en cause l’Université de Paris, considérée comme un des principaux instigateurs de cette décision. Dans un premier temps, l’Université de Toulouse sembla obtenir gain de cause avec la restitution d’obédience de 1403. Mais, dès que la soustraction revint à l’ordre du jour, c’est-à-dire en 1406, l’Université de Paris décida d’obtenir réparation de l’affront subi en traînant sa rivale devant le Parlement. Ce fut un grand procès, qui aboutit à la condamnation solennelle du manifeste toulousain et de ses auteurs, le 17 juillet 1406. Ici, je retiendrai plus spécialement deux textes, à savoir le texte même de l’Université de Toulouse (connu sous le nom d’epistola Tholosana) et le mémoire produit par l’Université de Paris pour appuyer sa plainte au Parlement de 14063. L’un et l’autre contiennent, par-delà les arguments se référant au Schisme proprement dit, un certain nombre de considérations morales et historiques destinées à légitimer la démarche de leurs auteurs et assez éclairantes sur l’image que les deux universités cherchaient à donner d’elles-mêmes et de leurs rapports réciproques.
8La seconde pièce du dossier, postérieure de deux ans à peine, est également un mémoire adressé au Parlement de Paris4. Il s’agit cette fois-ci d’une plainte présentée, vraisemblablement en 14085, par les capitouls de Toulouse à la fois contre les quatre principaux collèges de la ville (Périgord, Maguelone, Pampelune et Saint-Martial) et contre l’Université de Toulouse qui s’était portée partie avec eux, pour essayer de contraindre lesdits collèges à contribuer aux impôts municipaux au titre de leurs possessions immobilières. Dans la mesure où il réfutait un mémoire antérieur de l’Université et des collèges (qui ne nous est pas parvenu), le mémoire des capitouls nous fait connaître, au moins indirectement, les arguments, dont plusieurs étaient de nature historique, que les collèges et l’Université essayaient de faire jouer pour justifier l’exemption fiscale dont ils réclamaient le bénéfice.
9Le troisième document est également de nature judiciaire. Il s’agit des actes du procès qui, en 1427-28, opposa devant le Parlement de Languedoc l’Université de Toulouse d’une part, plusieurs capitouls et officiers royaux de l’autre6. L’Université leur reprochait un certain nombre de voies de fait (pillage du collège de Narbonne, plusieurs étudiants molestés et peut-être même un tué) dont ils s’étaient, selon elle, rendus coupables en juillet 1427 sous prétexte d’arrêter quelques étudiants « anglais » qui, d’ailleurs, auraient dû être protégés par la sauvegarde royale garantie à tous les scolares, même en temps de guerre et quelle que fut leur origine.
10Dans tous les cas, l’argumentation de l’Université de Toulouse, destinée à fonder, vis-à-vis du Parlement, du capitoulat, de l’Université de Paris et plus largement de l’opinion, son autonomie, son autorité morale et politique et le maintien de ses privilèges, s’appuyait, en partie au moins, sur l’affirmation de l’ancienneté de l’institution.
11Les Toulousains n’hésitèrent pas à reprendre à leur compte la doctrine traditionnelle – et d’origine parisienne, du moins dans son application universitaire – de la translatio studii pour montrer que le studium toulousain, dans son essence même, était d’une part « antérieur » à la ville de Toulouse et tout à fait indépendant d’elle et, d’autre part, de même origine, nature et dignité que le studium parisien. Le mythe de la translatio expliquait en effet, on le sait, comment le studium (entendu à la fois comme la forme supérieure de la culture et le cadre institutionnel au sein duquel cette culture supérieure était conservée, enrichie et transmise) était apparu dès la plus haute Antiquité à Athènes (certains disaient même en Egypte ou parmi le peuple hébreu) et, de là, s’était transféré, en même temps que se déplaçait le centre de gravité du pouvoir politique, à Rome puis dans le royaume des Francs ; là, selon la version toulousaine, il s’était d’abord fixé à Paris mais s’était ensuite répandu dans le reste du pays, en particulier à Toulouse qui était assurément, après Paris, le lieu le plus apte à l’accueillir7. Par conséquent, et même si la date, relativement récente, d’installation dustudium à Toulouse était par ailleurs, nous le verrons, parfaitement connue, il était possible d’arguer qu’il s’agissait là seulement d’un épisode particulier dans l’histoire immémoriale d’une seule et unique institution culturelle – l’Université à Toulouse, en somme, plutôt que l’Université de Toulouse –, se suffisant à elle-même et indépendante de toutes les localisations particulières qu’il pouvait lui arriver d’adopter au cours de l’histoire (ce qui impliquait de surcroît la possibilité de nouveaux transferts ou « sécessions » à venir, encore que, notons-le, une telle menace ne soit jamais explicitement agitée dans les documents toulousains).
12Le thème de la translatio studii était cependant ambigu pour fonder l’autonomie et l’autorité du studium car, en même temps qu’il en affirmait l’unité et la continuité, il liait sa destinée historique aux vicissitudes du pouvoir politique. De plus, dans le cas de l’Université de Toulouse, son appropriation tardive – car je n’en connais pas ici d’utilisation antérieure au début du XVe siècle – sentait quelque peu l’artifice et ceux à qui il était destiné n’eurent guère de peine à le réfuter ou, du moins, à en minimiser la portée.
13Alors que la notion de l’ancienneté de l’Université de Toulouse ne reposait que sur une filiation assez ténue, qui s’accordait mal avec les circonstances, bien connues en revanche, de sa création au début du XIIIe siècle, la ville de Toulouse aussi bien que l’Université de Paris avaient, quant à elles, des arguments infiniment plus solides à faire valoir en faveur de leur propre antiquité, qu’elles ne manquèrent pas de rappeler aux maîtres toulousains.
14En ce qui concerne la cité de Toulouse, les capitouls et leurs avocats se firent l’écho d’une conviction qui était sans doute profondément ancrée dans la conscience collective des habitants. Il est difficile de savoir quels livres d’histoire étaient accessibles à Toulouse au début du XVe siècle et qui les lisait, mais, avant même la constitution d’une historiographie quasi officielle dont Etienne de Gan produira en 1453 le premier jalon avec son De laudibus Tolosae8, le seul spectacle des ruines antiques ainsi qu’un certain nombre de traditions orales devaient suffire à accréditer l’idée des origines héroïques (bien antérieures aux Romains), de la très grande antiquité et de l’histoire glorieuse de la ville de Toulouse, cité royale (voire impériale, puisqu’à en croire la légende Charlemagne en aurait fait une de ses capitales)9. A cette exceptionnelle fortune politique, dont la place éminente de la noblesse dans la population citadine portait en quelque sorte témoignage, venait s’ajouter la vocation chrétienne de la cité, authentifiée par le sang des martyrs (saint Sernin). Devant tant de faits incontestables, dont la topographie même et les monuments de la ville gardaient la trace visible, que pouvaient peser les élucubrations érudites de la translatio studii ? L’ancienneté et la noblesse de la ville de Toulouse étaient inscrites dans la pierre, non dans quelque obscur grimoire.
15Les prétentions des universitaires toulousains à une antiquité immémoriale étaient d’autant plus difficiles à tenir que leurs homologues parisiens n’étaient nullement disposés à les reconnaître, ce qui, au reste, eut été surprenant, vu à la fois la haute idée qu’ils avaient eux-mêmes de leur propre passé et les critiques sans ménagement de l’epistola Tholosana qu’ils n’étaient guère enclins à pardonner. Ils rappelèrent donc en 1406 que le studium Parisiense était plus ancien et plus vénérable (antiquius solemniusque) que tous les autres studia generalia du royaume, y compris celui de Toulouse10. Celui-ci était au mieux un rameau secondaire tardivement issu du grand arbre parisien.
16Faute sans doute de bénéficier du rayonnement exceptionnel et du passé glorieux de l’Université de Paris – et quelle qu’ait été par ailleurs au XIVe siècle l’audience des doctores Tholosani11 –, les universitaires toulousains pouvaient donc difficilement échapper à leur histoire réelle, bien connue d’eux-mêmes mais aussi de leurs adversaires à la fois par les chroniques et les cartulaires locaux (cartulaire municipal, « Livre blanc » de l’archevêché, cartulaires universitaires, etc.)12. Ils n’ont cependant pas renoncé à puiser dans cette histoire – non plus récit mythique des origines mais histoire politique et religieuse récente, authentifiée par des références documentaires relativement précises (malgré quelques ignorances ou erreurs factuelles un peu surprenantes sur les noms des rois ou les dates des bulles pontificales)13 – des arguments de nature à étayer leurs libertés et privilèges, tout en fondant l’autorité morale et politique dont ils essayaient de se prévaloir en profitant des vicissitudes complexes dans lesquelles était engagée l’Université de Paris face à la fois au Schisme et à la guerre civile.
17Telle que la racontaient les maîtres toulousains des années 1400-1420, l’histoire de leur université s’inscrivait en effet sur un triple registre : l’orthodoxie religieuse, le loyalisme monarchique, le rayonnement intellectuel.
18L’orthodoxie religieuse et le service de l’Eglise avaient été, dès l’origine, la raison d’être même de l’Université de Toulouse. En 1229, elle avait été « plantée » en plein pays hérétique pour lutter contre l’hérésie14. Ce rappel, exact, permettait sans doute de suggérer discrètement que l’hostilité à son égard des bourgeois de Toulouse, descendants des cathares, se nourrissait de quelque inavouable rancœur et ne méritait donc pas de trouver un écho favorable auprès du roi. Fondation pontificale, l’Université de Toulouse et ses collèges n’avaient cessé de produire d’illustres canonistes, des prélats et des cardinaux15 ; les faveurs, dont les pontifes successifs l’avaient toujours comblée, traduisaient bien la gratitude de l’Eglise pour ces services éminents. Cette vision du passé, que partageaient d’ailleurs les autres universités méridionales16, n’était pas sans fondement ; elle correspondait assez bien à la réalité – un peu enjolivée – qui avait été celle de l’époque de la papauté avignonnaise17, objet, on le sait, de très durables nostalgies méridionales tout au long du XVe siècle.
19Fidèle servante de l’Eglise et de la foi, l’Université de Toulouse avait toujours été tout aussi loyale vis-à-vis du prince. Elle reconnaissait qu’elle devait son existence même non seulement à la papauté mais à ses seigneurs temporels successifs, le comte de Toulouse puis le roi de France qui lui avaient octroyé privilèges et sauvegarde18. Elle avait en retour fait preuve à l’égard de la monarchie d’une fidélité sans faille, ne s’associant ni à l’agitation anti-fiscale des années 1379-80 (beaucoup moins sensible, il est vrai, à Toulouse qu’à Montpellier)19 ni à l’éphémère prise en main du capitoulat par un clan pro-bourguignon en 1418-1920 ; ce même capitoulat était donc bien mal venu de mettre en doute son loyalisme, quelques années plus tard, au prétexte que l’Université abritait en son sein quelques étudiants « anglais » (entendons gascons d’obédience anglaise), du moment qu’il s’agissait de « vrais étudiants » protégés par les franchises universitaires traditionnelles et couverts par la sauvegarde royale maintes fois réitérée, y compris par Charles VII21.
20Enfin, les maîtres toulousains et leurs avocats mettaient en avant le rayonnement intellectuel acquis au fil des siècles par l’Université et les doctores Tholosani. Ce rayonnement ne s’étendait pas seulement au sein de l’Eglise, méridionale ou universelle (du moins à l’époque avignonnaise) ; il valait aussi, au plan politique, à l’échelle du royaume de France. Pensait-on aux légistes languedociens serviteurs du roi ? Aux consultations rendues par les juristes méridionaux à Charles V pour préparer la dénonciation du traité de Brétigny-Calais ?22 Toujours est-il que l’Université de Toulouse estimait avoir elle aussi contribué pour sa part à la gloire du roi et au service de la chose publique23.
21Enfin, le rayonnement de l’Université avait même franchi les frontières du royaume. Dans le procès de 1427-28, les avocats de l’Université soulignèrent en particulier le flux continu d’étudiants issus des divers royaumes de la Péninsule ibérique (ce que confirment tout à fait les enquêtes historiques)24. Autant dire que si l’Université n’était peut-être pas plus ancienne que la ville, du moins lui était-elle supérieure. Par son éclat incomparable et son pouvoir d’attraction, elle était devenue un élément essentiel de la prospérité urbaine et la ville était donc mal inspirée de lui reprocher de se dérober par le refus de l’impôt à la solidarité urbaine alors qu’elle faisait déjà tant, par sa seule présence, pour le renom et le bien-être de la cité de Toulouse25.
22L’argument était fort mais pouvait se retourner et les représentants de la Commune s’y employèrent, aussi bien en 1408 qu’en 1427-28. En ces occasions, ils montrèrent qu’eux aussi avaient à la fois une vision précise du passé de leur ville et une bonne connaissance des documents plus ou moins anciens ou récents (bulles pontificales, ordonnances royales, arrêts du Parlement) qui avaient jusque là régi le statut de l’Université et ses rapports avec la ville26.
23A chaque fois, ils exposèrent donc d’abord que la « noblesse » de la ville ne venait pas seulement ni même principalement de son université et de la réputation de ses clercs et de ses scolares mais bien plutôt, et de toute ancienneté, de celle de ses « citoiens originelz », « barons, chevaliers, bourgois et autres habitans »27. Si, dans des circonstances comparables, Montpellier mettait avant tout en avant sa vocation marchande et la contribution de ses négociants à la prospérité générale28, Toulouse insistait davantage sur ses traditions politiques et militaires. Plutôt que comme une cité de marchands vivant de la clientèle étudiante, elle aimait à se présenter comme une ville d’anciens et glorieux lignages de chevaliers et de guerriers. Ceux-ci avaient toujours brillé par les armes et les avaient mises quand il le fallait au service du roi29. Leurs belles demeures en ville et leurs châteaux dans les campagnes voisines étaient les signes visibles de cette présence aristocratique30. Certes, les malheurs des temps, c’est-à-dire les pestes et le poids écrasant de l’impôt (d’autant plus écrasant que les gens de l’Université refusaient précisément d’en porter leur part), avaient beaucoup appauvri la ville et la plus grande partie de son ancienne noblesse avait disparu31 ; mais ce n’était que sur le malheur de celle-ci que l’Université et les collèges avaient pu prospérer, rachetant à vil prix les biens bradés par leurs anciens propriétaires en difficulté32. Leur prospérité était donc récente et de mauvais aloi. De toute façon, il était absurde de dire que l’Université pouvait à elle seule faire la prospérité de la ville. L’Université avait au moins autant besoin de la ville que la ville de l’Université. Comment, sans elle, aurait-elle pu trouver à la fois les commodités matérielles (ravitaillement, logement) dont elle avait besoin, la sécurité nécessaire en ces temps troublés et les emplois d’officiers ou d’hommes de loi qu’occupaient nombre de ses anciens membres33 ?
24A l’affirmation orgueilleuse par l’Université de son antériorité et de son intangible supériorité, la ville opposait donc habilement un appel à la solidarité, fondé sur les réalités vécues, celles des échanges économiques et des sociabilités quotidiennes, et qui devait se traduire par le partage du fardeau fiscal et l’acceptation d’une certaine discipline civique, indispensable pour affronter les incertitudes d’une destinée commune à tous les habitants de Toulouse. Cette solidarité, ajoutaient d’ailleurs les avocats des capitouls, avait existé jadis, car il avait été un temps où l’Université et les collèges acceptaient de participer à l’impôt (affirmation que nous n’avons malheureusement guère les moyens de vérifier)34 ; leur refus actuel était donc d’autant plus scandaleux qu’il était récent et que l’aggravation des menaces extérieures aurait dû au contraire renforcer la cohésion de la communauté citadine dont ils faisaient eux-mêmes, qu’ils le veuillent ou non, partie35. Car à l’arrière-plan de tous les documents que nous étudions ici, spécialement ceux de 1408 et de 1427-1428, se sent clairement la présence obsédante des « guerres et mortalitez qui ont esté ou pays », avec leur cortège permanent de peurs, de trahisons et de destructions36.
25Pour fonder à la fois ses privilèges et son aspiration à un rôle politique comparable à celui de l’Université de Paris, celle de Toulouse ne pouvait pas s’appuyer uniquement sur sa réussite locale ; il lui fallait aussi montrer qu’en tant que studium generale, elle ne partageait pas seulement avec celle de Paris une communauté d’origine (ce à quoi tendait la récupération ou, si Ton préfère, l’extension à son profit du mythe de la translatio studii)37 mais aussi une communauté de nature et de fonction. Cette identité venait, selon elle, de ce que ses privilèges étaient les mêmes que ceux de Paris et qu’elle entretenait le même rapport avec les pouvoirs fondateurs, tant pontifical que royal.
26Elle avait été admise, rappelait-elle, quelques années à peine après l’Université de Paris, au bénéfice de la bulle Parens scientiarum, texte fondateur, du point de vue de la papauté, de l’autonomie universitaire38. Par conséquent, elle pouvait non seulement se réclamer des mêmes libertés et franchises fondamentales39 (même si, dans la pratique, les statuts dont elle s’était dotée différaient sensiblement de ceux de Paris, ainsi que son activité pédagogique, orientée essentiellement vers le droit et non la philosophie et la théologie), mais elle était habilitée à se dire, elle aussi,parens scientiarum, c’est-à-dire « mère des sciences », détentrice de la perfection du savoir, source d’autorité et, à ce titre, apte à un véritable magistère moral et doctrinal susceptible de justifer ses interventions dans la vie publique40. « Mère des sciences » chérie de la papauté, l’Université de Toulouse prétendait également avoir partagé avec celle de Paris les faveurs et la protection royales ; elle pouvait donc, elle aussi, se dire « fille du roi de France » et revendiquer un droit de conseil et de remontrance pour toutes les affaires du royaume41.
27L’epistola Tholosana allait même plus loin et affirmait que l’Université de Toulouse, en se posant en championne de la fidélité au roi et au « vrai pape », l’emportait désormais sur l’Université de Paris dont les tendances conciliaristes, lourdes d’ingratitude vis-à-vis de son protecteur pontifical, étaient de surcroît politiquement suspectes et tendaient à la ranger du côté des factions qui détournaient le roi de son devoir de prince très chrétien42 ; l’Université de Toulouse, au contraire, s’affirmait dans l’épreuve comme le défenseur attitré de la foi chrétienne et la vraie lumière doctrinale du royaume de France inter caeteras universitates notabiles regni vestri43.
28Il va sans dire que l’Université de Paris ne laissa pas s’afficher sans réagir de telles prétentions. Ce fut le grand procès de 1406. Tout en réfutant les thèses toulousaines comme contraires à l’intérêt du roi et du royaume, les Parisiens dénoncèrent dans l’epistola Tholasana une atteinte insupportable à leur propre dignité. Non seulement l’Université de Paris, rappelèrent-ils, était plus ancienne que toute autre, mais son histoire et ses privilèges la dotaient d’une autorité sans rivale44.
29Cette dénonciation des prétentions de l’Université de Toulouse fut d’autant plus efficace qu’elle convergeait, quoique sur un tout autre plan, avec les plaintes des capitouls contre l’université de leur ville. Les magistrats communaux ne pouvaient en effet laisser s’installer l’idée que les privilèges du studium generale toulousain étaient de même origine et de même nature que ceux de Paris, ce qui les auraient placés hors de leur atteinte45. Il leur importait au contraire de faire admettre que ces privilèges, loin d’être immémoriaux et universels, étaient de concession récente et de portée purement locale (pour ne pas parler de ceux qui n’étaient sans doute, suggérait-on, qu’abus et usurpations récentes)46. Même en laissant de côté ce dernier cas, évidemment indéfendable, et en admettant qu’ils aient été dûment octroyés par les comtes de Toulouse et surtout par les rois de France – les capitouls affectaient d’ignorer une éventuelle concession pontificale-, les privilèges de l’Université n’avaient pu l’être au détriment de l’intérêt commun. Par conséquent et au nom, en quelque sorte, de la maxime bien connue Quod omnes tangit, ils avaient ou auraient dû être soumis, tacitement ou explicitement, au consentement des autorités locales représentant la population urbaine47. Commandé par des considérations de circonstances et d’opportunité48, ce consentement, si le bien de tous l’exigeait49, pouvait être, sinon remis en cause dans son principe, du moins négocié dans ses modalités concrètes – en l’occurrence en imposant une certaine contribution fiscale aux charges urbaines en lieu et place des immunités originellement consenties et peut-être justifiées, suggérait-on, par la pauvreté initiale de l’Université et des premiers universitaires toulousains, dont la richesse actuelle des collèges et de certains de leurs socii, étalée aux yeux de tous, montrait bien qu’elle n’était plus un argument recevable50.
30De la même manière, dans le procès de 1427-28, les capitouls feront valoir qu’à l’heure du péril et alors que les Anglais et leurs alliés tenaient la campagne et menaçaient directement Toulouse et le pays fidèle au roi, l’Université ne pouvait se contenter de protéger par principe et au nom de ses franchises anciennes les étudiants « anglais » présents en son sein, sans même vouloir examiner les graves accusations (débauche, détention d’armes, etc.) portées contre eux51. Ici encore, la référence aux nécessités de l’heure permettait de contrer l’invocation par l’Université du caractère immuable de son statut et les justifications puisées dans une histoire ancienne et partiellement au moins étrangère à celle de la cité elle-même.
31N’en déplaise aux historiens, la connaissance de sa propre histoire n’aide pas toujours à se préparer aux adaptations nécessaires. Les universitaires toulousains de la fin du Moyen Age avaient incontestablement une notion assez claire, sinon toujours exacte, du passé et de l’ancienneté de leur institution. Ils en tiraient légitimement fierté. Au même titre que leur propre réussite sociale et que l’éminente dignité reconnue aux disciplines dont ils faisaient profession, cette dimension historique était une des composantes de leur image de soi. S’appuyant en quelque sorte sur une conception fixiste et essentialiste du temps historique, les universitaires toulousains cherchaient avant tout à justifier par l’ancienneté et l’autorité des actes fondateurs la permanence de leurs privilèges et la légitimité de leurs prétentions politiques. Mais le paradoxe est qu’au moins au regard de notre documentation, cette prise de conscience s’est faite tardivement, cette revendication d’une continuité structurelle s’est fait entendre alors même que les appuis les plus solides sur lesquelles l’université médiévale de Toulouse avait édifié sa réussite, se mettaient à se dérober sous ses pas.
32Car il est évident que cette conscience historique, plus que du mythe de la translatio studii ou des réminiscences lointaines du bon temps des comtes Raymond, se nourrissait concrètement des nostalgies de l’âge d’or avignonnais, du temps où les professeurs de Toulouse peuplaient le Sacré Collège et où les faveurs pontificales pleuvaient sur le studium Tholosanum et ses membres. Mais ce temps était révolu. Désormais, pour faire pièce à leurs rivaux parisiens et faire entendre leur voix dans les débats publics qui agitaient le royaume et l’Eglise – ce dont ils s’étaient peu souciés au temps de leur splendeur –, les maîtres toulousains ne pouvaient plus guère faire fond que sur leur solide enracinement local dans une France du Midi indéfectiblement fidèle à son pape et à son roi.
33Mais ce recours même rendait caduques leurs prétentions à l’autonomie et à l’universalisme, de toute façon bien irréalistes avec l’affaiblissement puis la disparition de la papauté avignonnaise. Il leur fallait donc, pour pouvoir continuer à jouer un certain rôle public et même, tout simplement, préserver leur existence et l’essentiel de leurs privilèges concrets, se résigner à jouer le jeu de la solidarité municipale, y compris en en payant le prix fiscal et judiciaire. C’était à cela qu’au détour de leurs plaidoiries les conviaient les avocats de la Commune, les invitant en somme à prendre acte d’une rupture consommée avec cette histoire ancienne, plus rêvée peut-être que vraiment vécue, dont ils étaient si fiers.
34Il est en effet clair que la vision historique qui sous-tendait les propos des capitouls et de leurs conseillers, était beaucoup plus articulée et réaliste que celle des universitaires. Elle faisait quelque peu l’impasse sur le temps des origines de l’Université, où la ville n’avait joué qu’un rôle mineur. Mais elle supposait ensuite elle aussi, pour mieux assurer sa propre légitimité, une sorte d’âge d’or (correspondant en gros, et de manière sans doute assez exacte, à la première moitié du XIVe siècle) qu’elle ne percevait évidemment pas de la même manière que les universitaires. Pour la ville, cet âge d’or avait été celui de la prospérité urbaine et de l’éclat des grandes familles. De ces temps heureux, l’Université avait elle-même profité ; bénéficiant des commodités urbaines et assurée de l’amour des citoyens, elle ne répugnait pas alors à contribuer à l’indispensable effort fiscal. C’était seulement face aux malheurs récents qu’elle avait cherché à tirer seule son épingle du jeu, se dérobant aux obligations de la solidarité communale et tentant même de profiter du malheur des autres ; il fallait donc mettre fin à cette espèce de « sécession de l’intérieur », réintégrer l’Université dans la ville par le biais de l’impôt, l’appeler, sans rancœur mais avec fermeté, à cette inéluctable « municipalisation », qui était le lot de toutes les universités françaises face à la montée de l’Etat monarchique moderne, l’inviter à inscrire désormais son histoire non plus au registre des vieux rêves universalistes mais à celui des destinées solidaires de la « bonne ville » et de ses habitants52.
Notes de bas de page
1 Sur le thème de la translatio studii parisienne, voir A.-G. Jongkees, « Translatio studii : les avatars d’un thème médiéval », Miscellanea mediaevalia in memoriam J. F. Niermeyer, Groningue, 1967, p. 41-51, A. Patschovsky, « Der heilige Dionysius, die Universität Paris und der französische Staat », Innsbrucker historische Studien, 1 (1978), p. 9-31 et S. Lusignan, « Vérité garde le Roy ». La construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), Paris, 1999.
2 Sur l’affaire de l’epistola Tholosana, voir N. Valois, La France et le Grand Schisme d’Occident, t. 3, Paris, 1901, passim, et P. Ourliac, « L’epistola tholosana de 1402 », Mélanges offerts à Pierre Vigreux, Toulouse, 1981, t. 2, p. 563-578.
3 J’ai utilisé pour ces deux textes, malgré ses imperfections, la version donnée dans C.-E. Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, t. 5, Paris, 1670, p. 4-53 (cité par la suite : Du Boulay, V).
4 Ce mémoire, conservé aux AM de Toulouse (FF 24), est publié dans M. Fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises depuis leur fondation jusqu’en 1789, 4 vol., Paris, 1890-1894, t. 3,1892 (cité par la suite : Fournier, III), no°1913, p. 560-595.
5 Et non pas 1406, comme le dit Fournier, III, no°1913, p. 560, puisque le texte fait allusion à la récente récupération du château de Lourdes (« remis depuis peu de temps en çà en l’obeissance du roy nostre sire », ibid., p. 563) qui avait eu lieu le 26 novembre 1407.
6 Les pièces de ce procès (AD Haute-Garonne, Arch. du Parlement de Toulouse, reg. hors série, II, f. 58-413 passim) sont également publiées dans M. Fournier, III, no°1915, p. 597-637.
7 « [...] car puis qu’elle [l’Université] fu en Egipte, et puis en Asie, et depuis en Grece, tousjours y fut la monarchie bien gouvernée, et puisque se science y abaissa, se perdi la seigneurie, et vint la monarchie à Roume, et puis en France, où s’est respandue en divers lieux, et par especial à Tholose » (Fournier, III, no°1913, p. 587).
8 Sur Etienne de Gan et son œuvre, qui assignait la fondation de Toulouse à un arrière-petit-fils de Noé, en 1286 av. J.-C., voir la notice de H. Dedieu, « Gan (Etienne de) », Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastiques, Paris, 1981, t. 19, col. 1002-1003.
9 « [...] La cité de Thoulouse, dès très ancien temps a et paravant l’advenement Nostre seigneur Jhesu Christ, fu cité moult noble, bien habitée de nobles bourgois et autres habitans en très grant nombre, et estait grant et planteureuse, riche de blez, de vins et autres biens, environnées de territoires fertiles, et après la Passion et l’Ascension de Jhesu Christ, fu convertie à la foy catholique par Monsieur Saint Saturnin, disciple de Jhesu Christ, si comme le contiennent les ystoires et est de ce voix et commune renommée [...] et depuis que Charlemaine, empereur et roy de France, fit guerre contre les payens et ennemis de la foy, [...], en ycellui temps ladicte cité estait reffuge et recours de lui et de son host » (Fournier, III, no°1913, p. 561).
10 Du Boula Y, V, p. 26.
11 L’importance de l’école juridique toulousaine au XIVe siècle, y compris sur le plan pratique, a été bien mise en valeur dans Responsa doctorum Tholosanorum, E.-M. Meijers éd., Haarlem, 1938.
12 J. Verger et C. Vulliez, « Cartulaires universitaires français », Les Cartulaires, O. Guyotjeannin, L. Morelle, M. Parisse éd., Paris, 1993, p. 423-449, en particulier p. 435-441 et 449.
13 II est par exemple curieux que, dans le procès de 1427-28, le syndic de l’Université semble dater de 1236 la bulle de Grégoire IX, Olim operante, confirmant la fondation de l’Université, qui est en réalité du 30 avril 1233, et qu’il parle du roi Louis IX simplement comme du rex Francie qui tunc erat, alors qu’une référence explicite à saint Louis eût sans doute été d’un bon effet sur les juges (Fournier, III, no°1915, p. 599).
14 Ante tempus fundationis dicte universitatis, circumcirca dictam civitatem Tholose erat multitudo hereticorum : l’Université a donc été fondée pro conservatione fidei catholice 0ibid.).
15 Et est bene notandum quot et quanti notabiles viri provenerunt ex dicta universitate, sicut sunt cardinales, archiepiscopi, episcopi et alii prelati (ibid., p. 600).
16 En août 1410, l’Université de Montpellier, en procès avec les consuls de la ville, utilisait déjà le même argument : « L’Université propose au contraire et dit comment ladite Université est notable et ancienne, dont sont issus papes et cardinaulx » (AN, XI a 4788, f. 557référence aimablement communiquée par Serge Lusignan).
17 L’importance de l’Université de Toulouse et des autres universités méridionales dans la formation du personnel de la Curie avignonnaise a été mise en évidence dans divers travaux dont j’ai tenté une synthèse dans J. Verger, « Etudes et culture universitaires du personnel de la Curie avignonnaise », Aux origines de l’Etat moderne. Le fonctionnement administratif de la papauté d’Avignon, Rome, 1990, p. 61-78.
18 « [...] ladicte Université de Thoulose est moult notable et très ancienne [...] et fut créée et fondée par les Saints Pères de Roume, par les roys de France et les contes de Thoulouse » (Fournier, III, no°1913, p. 587) ; même déclaration en 1427 : Dominus Gregorius papa noms et dominus noster rex Francie qui tunc erat, disposuerunt concorditer et ordinaverunt dictam universitatem studii in predicta villa Tholose, cui universitati fuerunt concessa per eosdem summum pontificem et dominum nostrum regem plura et valde magna privilegia ; et insuper idem dominus noster rex qui tunc erat voluit et sui predecessores (successores ?) voluerunt quod dicta universitas et omnes suppositi ac scholares ejusdem essent et fuissent in et sub protectione et gardia ejusdem domini nostri regis (Fournier, III, no°1915, p. 599).
19 Les capitouls de Toulouse, sans faire explicitement le rapprochement, signalèrent cependant que, selon eux, les collèges de Toulouse avaient précisément cessé de payer en 1380 leur part des subsides imposés à la ville (Fournier, III, no°1913, p. 571-572).
20 Tempore principis Aurayce, quanquam capitularii qui tune erant etfere omnes habitatores dicte universitatis ville prestassent juramentum dicto principi, tamen dicta universitas [studii] nec suppositi ejusdem noluerunt prestare juramentum ullo modo, sed bene obtulerunt jurare et promittere quod essent boni et fldeles domino nostro regi et ejus primogenito (Fournier, III, no°1915, p. 619). Sur cet épisode, voir P. Dognon, « Les Armagnacs et les Bourguignons, le comte de Foix et le Dauphin en Languedoc, 1416-1420 », Annales du Midi, 1 (1889), p. 433-509.
21 Et quando dicitur quod dicti de suppositis erant Anglici, dixit se ignorare, tamen constat quod erant veri studentes et sic per consequens erant in salvagardia regis (Fournier, III, no°1915, p. 621) ; le 14 septembre 1437, Charles VII confirmera solennellement la sauvegarde royale dont bénéficiaient les étudiants étrangers de Toulouse (M. Fournier, op. cit. (n. 4), t. 1, 1890, no°818).
22 P. Chaplais, Some Documents regarding the Fulfilment and Interpretation of the Treaty of Bretigny (1361-1369), Londres, 1952.
23 « [De l’Université de Toulouse] sont yssus ou temps passé et partent chacun jour plusieurs notables docteurs et grans clercs, qui ont fait et font grant fruit en Saincte Eglise et ou royaume et en diverses parties du monde, à l’onneur du roy et de son royaume » (FOURNIER, III, no°1913, p. 589) et, en 1427, Per totum orbem reperiuntur persone graduate que assumpserunt eorum gradus per scientiam, et que intulerunt et inferunt de die in diem plura servitia et honores domino nostro regi et ejus reipublice (Fournier, III, no°1915, p. 600).
24 « [...] en ladicte Université de Tholose affluent plusieurs estudians du royaume d’Arragon, des Espaignolz, de Portugal, de Navarre, et de tout ce royaulme et d’aillleurs » (Fournier, III, no°1913, p. 589) ; sur le recrutement géographique de l’Université de Toulouse, voir C. Douais, « Géographie de la clientèle universitaire de Toulouse sous Charles V », L’Université de Toulouse, 5 (1891), p. 87-95.
25 « [...] par le moyen dudit estude ladicte cité est honnorée, habitée et enrichée, et en ont beaucop de proufïiz, etc. [...] Ladicte ville, par le moyen de ladicte Université, est grandement peuplée tant pour cause desdiz escolliers comme des marchans et gens de mestier, qui n’y demourroyent pas se n’estoit ladicte Université [...] Les escolliers et estudians de ladicte Université [...] ont liberté de non contribuer aux tailles et collectes et autres neccessitez de la cité [...] car ils exposent eulx et leur chevance pour le bien publique, affin de acquérir science, pour (par ?) laquelle tout le monde est illuminé et les princes sont obeiz » (Fournier, III, no°1913, p. 589).
26 Dans leur mémoire de 1408, les capitouls ne citent pas moins de onze ordonnances ou lettres royaux, quatre du lieutenant du roi ou du gouverneur de Languedoc, une quinzaine d’arrêts du Parlement et deux de la cour du sénéchal ; ils sont aussi capables d’énumérer les seize subsides royaux levés depuis 1380.
27 Fournier, III, no°1913, p. 562.
28 « Dit Montpellier que c’est molt notable ville et molt marchande ou affluent gens de XVII royaumes » (AN, Xla 4788, f. 556v, voir supra n. 16).
29 « [...] entre les autres nobles estaient ceulx qui s’appelloient de Thoulouse et ceulx du lignaige d’Escalcancis, ceulx du Falgar, ceulx de Lantar, ceulx de Morlan, ceulx de La Roche et les Ysalguiers, et plusieurs autres, qui serait longue chose à reciter, et desquels sont descendus plusieurs notables chevaliers et escuiers de nom et d’armes [...] Lesquelz barons, chevaliers et escuiers menoient estat bel et honnorable des terres, prouffiz et revenues qu’ilz avoient, tant dedans ladicte cité de Thoulouse comme es faulxbours et en la viguerie et seneschaucié, et si servoient continuelment le ray et la chose publique » (Fournier, III, no°1913, p. 562). Sur les diverses familles nobles citées dans ce passage (Escalquens, Fauga, Lanta, Morlaas, Laroche, Ysalguier), voir P. Wolff, Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350 - vers 1450), Paris, 1954, passim.
30 « [...] Nobles, bourgois et autres qui tenoient et possidoient les plus notables hostelz de ladicte cité, et aussi plusieurs notables chasteaulx, rentes, villes et lieux en ladicte cité et environ » (Fournier, III, no°1913, p. 567).
31 « La dicte cité, depuis cinquante ans en çà, est devenue moult ruineuse, dispeuplée, povre, mal habitée et fort desolée au regart de ce qu’elle souloit estre [...] De present en ladicte cité n’a que VI chevaliers et dix escuiers frequentans les armes » (Fournier, III, no°1913, p. 562).
32 « Pour occasion desdictes tailles, charges et collectes, plusieurs desdicts citoiens et habitais ont esté contrains de vendre et transporter à monastiers, eglises et personnes ecclesiastiques, et collieges d’escolliers, leurs maisons, cens, rentes et possessions, et plusieurs fiefs nobles qu’ilz avoient dedans ladicte cité et ailleurs » (Fournier, III, no°1913, p. 565) ; il est précisé plus loin que ces acquisitions ont été faites au mépris de diverses ordonnances du roi et de son lieutenant général en Languedoc (ibid, p. 566-567).
33 « [...] en icelle cité ilz [les gens de l’Université] prennent leur bien, leur honneur et leur avancement, y sont nourris, alimentez et logez, et aussi ceulx de la ville les ont tousjours amez, honorez et serviz [...] ; par quoy, se la ville vault mieulx pour ladicte Université, ce n’est pas merveillez, car aussy valent-ilz mieulx pour ladicte ville, et ne trouveraient pas en ce royaume, hors Paris, ne ailleurs ou monde, cité ne place où ladicte Université feust mieulx colloquée que à Thoulouse » ; et encore : « lesquelles reparacions [aux murs de la ville] concernoient l’utilité peuplique de ladicte cité, non pas seulement des lays, mais aussi des gens d’eglise, tant des eglises, monasteres et collieges, et tant des escolliers de ladicte Université que d’autres, et aussi de leurs biens temporels » (Fournier, III, no°1913, p. 563, 589).
34 Voir supra n. 19.
35 Les capitouls déclaraient qu’en tant que propriétaires immobiliers à Toulouse, les collèges étaient « comprins sur le nom des citoiens et incoles » (Fournier, III, no°1913, p. 586).
36 « Ledit pais, qui est sur la frontiere de la guerre » (Fournier, III, no°1913, p. 585, 593).
37 Voir supra n. 7.
38 Par la bulle In civitate Tolosana du 22 septembre 1245 (Fournier, I, no°523), comme il sera rappelé dans le procès de 1427 (Fournier, III, no°1915, p. 599).
39 Par exemple en matière de droit de grève (Fournier, III, no°1915, p. 614).
40 Sur l’Université comme « autorité », voir P.-R. Mckeon, « The Status of the University of Paris as Parens scientiarum », Speculum, 39 (1964), p. 651-675, et S. Menache, « La naissance d’une nouvelle source d’autorité : l’Université de Paris », RH, 544 (1982), p. 305-327.
41 L’Université de Toulouse est humilima filia regis, proclamait l’epistola Tholosana, regni et regiae coronae speculum, fidelibus subditis haustus veritatis salvificae, morum exemplar idoneum ac adperfectionem vehiculus et auriga (Du Boulay, V, p. 5).
42 Telle est du moins l’interprétation de Paul Ourliac, op. cit. (n. 2).
43 Du Boulay, V, p. 6.
44 [...] nos, quorum studium antiquius solemniusque tam numero quam merito et auctoritate semper exstitisse, nec ipsi negaveritis (Du Boulay, V, p. 26).
45 « Ad ce qu’ilz [les gens de l’Université] dient que les Sains Peres et roys qui fonderent ladicte Université luy donnerent plusieurs immunitez et privileges telz comme l’Université de Paris avoit [...], respondirent lesdiz demandeurs [les Capitouls] qu’ilz ne le croient pas si generalement, et non (n’en ?) appert point ; aussy n’en usent-ilz pas si grandement et si largement comme font ceulx de l’Université de Paris, comme il est notoire » (Fournier, III, no°1913, p. 587) ; et, plus loin, « ne sont pas [les collèges] de Thoulose si privillegiez comme ceulx de Paris » (ibid., p. 592).
46 L’idée que les privilèges des collèges étaient récents et d’une légalité douteuse, alors que les droits de la Commune étaient fondés, « de tel temps qu’il n’est memoire du contraire », « par droit escript, et par coustume, et usaige, et exploiz » et par « l’oppinion comune des docteurs » sous-tend toute l’argumentation juridique du mémoire capitulaire de 1408 (Fournier, III, no°1913, p. 567, 586).
47 « Si les privilèges étaient tels que le disent les universitaires, cela signifierait que] ladicte cité de Thoulouse n’aroit point esté present ne appellée ausdiz octroiz et privilleges, et n’y aroit point donné de consentement, et par ce ne lui pourrait prejudicier, veu que ladicte cité y a tres grant interests » (Fournier, III, no°1913, p. 591).
48 « Encores leur desplaist-il de ce procès [...], mais neccessité les contraint », disent les capitouls en 1408 (Fournier, III, no°1913, p. 588).
49 L’idée que le bien commun doit primer sur les intérêts particuliers revient constamment dans nos textes (« le bien publique du pais et [...] l’interest de tout le peuple, qui est plus grant et mieulx fondé que l’interest d’un college particulier », Fournier, III, no°1913, p. 594).
50 « [A l’origine] le temps estoit autre qu’il n’est de present : aussy lors les docteurs ne prenoient aucun salaire des escolliers [...] Item, que, au temps que lesdictes immunitez furent octroyées, s’aucunes en y a, lesdiz colleges ne les églises de ce royaume n’estoient pas si données ne si riches qu’elles sont de present [... Mais aujourd’hui les] colleges sont grandement donnez et fondez en temporelz et revenues, et tiennent chasteaulx, ville, maisons, terres, rentes et revenues » (Fournier, III, no 1913, p. 588, 589, 592).
51 Quod Curia [Parlamenti] loquatur cum illis de universitate, ad fmem ne a cetero vellint sustinere in dicta universitate taies studentes Anglicos rebelles, contra quos et plures alios dicte universitatis sunt informationes, sed nolunt tradere pro presenti (Fournier, III no 1915 p. 634).
52 Sur le thème général de la municipalisation des collèges et Universités dans le contexte général de l’essor de l’Etat monarchique moderne en France, je rejoins les remarques de B. Chevalier, Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle, Paris, 1982, p. 229-233.
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