Conclusion
p. 317-330
Texte intégral
1« Aimez-vous l’Alsace ? C’est un beau pays, une terre bénie du ciel. Douée d’une nature généreuse, avec ses montagnes fières et riantes, ses coteaux plantés de vignes, sa plaine féconde, elle captive par son charme propre ainsi que par les merveilles du travail humain, quiconque l’a entrevue une fois »1.
2L’enthousiasme de Charles Grad2, souvent partagé par ses compatriotes historiens de l’Alsace, trouve un écho similaire sur l’autre rive du Rhin, surtout après 1870, avec le Brisgau, ses montagnes, coteaux et plaine tout aussi riants et généreusement ensoleillés. Le sentiment d’appartenir à un (petit) pays aux atouts innombrables constitue un solide marqueur de l’histoire régionale ou Landesgeschichte3. La production historique ainsi animée représente un foisonnement d’enquêtes dont l’attachement au pays constitue le plus fréquent ingrédient de base. Mais, faisant fi de cet enracinement, l’histoire politique a opéré des césures qui ne peuvent être validées pour toutes les périodes. L’histoire de l’Alsace au Moyen Âge ne peut être écrite sans sa partie badoise et l’histoire du Brisgau sans sa partie alsacienne. La piste reste largement ouverte et seul un travail d’équipe, de part et d’autre du Rhin, permettra de reconstruire l’unité historique médiévale ignorant le rôle tardif de barrière du Rhin, unité fondée sur les familles aux ramifications et possessions de part et d’autre, les établissements ecclésiastiques, les circuits d’échanges ou les amitiés.
3Le travail primordial de décodage historiographique, déjà évoqué, se révèle donc complexe pour l’Oberrhein étudié. Chaque partie de l’Oberrhein, en effet, a vu se développer une tradition historique différente selon le cadre de politique générale dans laquelle elle s’inscrivait : l’Allemagne ou la France. La difficulté apparaît nettement par exemple dans la production de ces nombreuses revues dont le dépouillement se révèle indispensable. La région du Bade-Württemberg offre depuis longtemps, dans le cadre de revues4 à comité de lecture, dirigées par des historiens universitaires ou archivistes de renom, des travaux qui se situent de plain-pied dans le champ de l’histoire générale. En Alsace, région plus petite, les sociétés d’histoire5, nombreuses et composites, accueillent dans leurs publications des travaux forts divers, d’historiens professionnels et d’érudits locaux. L’apport indispensable de ces derniers nécessite cependant parfois une remise en perspective pour les resituer dans un cadre plus général6. Exception doit être faite de la Revue d'Alsace aux perspectives larges et scientifiques. C’est dire que le dépouillement systématique des revues allemandes et françaises concernant l’Oberrhein étudié ne se pratique pas de la même façon.
4Les observations précédentes peuvent être prolongées dans le cadre des ressources archivistiques. Pour une même région, il faut aborder des fonds ayant subi des traitements radicalement différents. Le corpus constitué, fort disparate, n’autorise pas toujours l’étude exhaustive des problèmes rencontrés, dans la mesure où les comparaisons ne peuvent être systématiques : pour une période donnée, les actes de même nature manquent d’un côté et de l’autre, pour un même type de document, la chronologie ne correspond pas. En revanche, les diversités méthodologiques et documentaires peuvent être mises à profit sur des thématiques communes : les notions de frontière et d’espace, la forêt, le fleuve etc.
5L’Oberrhein étudié a pu surprendre surtout dans sa délimitation géographique qui pourrait apparaître comme un choix arbitraire. Pourquoi choisir un espace politique sans d’abord retenir les métropoles susceptibles de le structurer ? L’hypothèse de départ reposait sur l’observation d’une dynamique politique singulière par rapport à un contexte qui, entre 1250 et 1350, se caractérise dans d’autres régions par la territorialisation autour d’un pouvoir princier ou souverain. L’Oberrhein se révèle un espace d’étude cohérent et pourtant sans unité politique. Il était nécessaire d’entrer dans ce microcosme pour en dégager les spécificités. La justification de ce choix a été tentée au fur et à mesure de l’enquête : tout d’abord par l’examen des pouvoirs politiques en place (qui ? où ? comment ?), ensuite par le mode d’exploitation des richesses, essentiellement le vignoble (implantation dispersée, richesse partagée avec les exploitants, commerce citadin), enfin les réseaux urbains plus ou moins opérationnels à l’intérieur d’un espace non dominé. L’objet d’étude, dans sa configuration géographique, se justifie donc puisqu’une relative autonomie a pu être observée dans cet Oberrhein échappant au phénomène de centralité qu’auraient pu exercer les deux grandes villes qui l’encadraient. C’est aussi la raison pour laquelle, si les deux premiers chapitres ont mis sous la loupe la petite région de l’Oberrhein définie au départ, le troisième, pour mener à son terme la démonstration, a replacé dans un espace plus large le phénomène des réseaux afin de mieux mettre en valeur le rôle d’acteur partagé entre les villes et non monopolisé par les deux plus importantes.
6Quant au choix de la chronologie, l’espace-temps 1250-1350, il trouve un double justification, d’une part pour des raisons internes à l’histoire de l’Empire et d’autre part pour des raisons externes par comparaison avec l’évolution d’autres pays. Les deux sont nécessaires pour mettre en lumière les caractéristiques de l'Oberrhein. La mise en place d’autonomies éclatées et dispersées pendant l’Interim (raisons internes) n’aurait pas valeur particulière si, dans le même temps dans d’autres régions, on n’observait pas la mise en place de territoires construits et structurés autour de capitales (raisons externes).
7Au regard de cette double approche, le siècle retenu pour l’étude se justifie par « un avant 1250 » et « un après 1350 ». La période précédente, « l’avant 1250 », a été dominée par l’activité des Staufen qui a marqué le paysage géographique et documentaire. Leur présence sanctionnée par la multiplication des châteaux et des villes, par la stimulation des circuits économiques, par la préséance de l’Oberrhein dans la partie septentrionale de l’Empire (région relais avec l’Italie), manifestait une volonté politique nécessaire à la construction territoriale d’un ensemble organisé. La période ultérieure, « l’après 1350 », enregistra le déplacement d’intérêt politique et économique des souverains vers les régions plus à l’est, Souabe orientale et Bavière. D’autre part, la territorialisation était alors en marche. Les Habsbourg ont enfin pu réunir, même si ce n’était qu’une union de personne7, des espaces géographiques structurés par un pouvoir suffisamment solide pour susciter les inquiétudes de leurs voisins : les cantons suisses en formation, Mulhouse ou la Décapole. 1350 marque le début de la fin d’un développement original de centres multiples de pouvoirs, plus ou moins organisés entre eux, menant une politique d’équilibre rendue possible par la richesse des terroirs. Les difficultés économiques pourtant grippèrent le système. Les axes principaux d’échanges contournèrent la vallée rhénane, le vin connut de mauvaises années climatiques, subit la concurrence de vins plus forts, plus sucrés, et le passage des marchandises fut perturbé par le passage des gens d’armes. L’Oberrhein s’effaça de la scène impériale et européenne.
8Comment caractériser cette « fenêtre » géographique de l’Oberrhein entre 1250 et 1350 ? Deux éléments méritent d’être retenus : l’Oberrhein était le pays du vin et le pays des villes. Existe-t-il une interaction ? La comparaison avec d’autres pays du vin et d’autres pays des villes peut permettre de situer la région étudiée dans son originalité.
9Un pays de vignoble n’a rien d’exceptionnel à l’époque médiévale au cours de laquelle le précieux breuvage était cultivé (presque) partout. Il faut cependant examiner de plus près les similitudes et les originalités de celui-ci par rapport à d’autres8. La validité d’une comparaison exclut cependant les vignobles méridionaux qui connaissaient des contraintes toute différentes et même inverses : protection par rapport à un soleil violent, utilisation de la chaleur du sol, terrains souvent difficiles à aménager. Le vignoble de l’Oberrhein doit donc être comparé aux autres vignobles septentrionaux.
10L’étude des régions viticoles permet de mettre en valeur des particularités qui contrastaient avec le monde rural des cultures céréalières ou vivrières. Dans ces secteurs spécialisés, la population y était plus nombreuse et effectuait un travail concentré dans un espace limité. Les exemples abondent : le vignoble de la Côte d’Or9, sous l’impulsion de la métropole ecclésiastique d’Autun10, se trouvait très à l’étroit et les plaintes n’étaient pas rares qui s’élevaient pour étendre les plantations. La dilatation du vignoble dans l’Oberrhein et l’intensification précoce de l’habitat témoignent aussi d’une forte pression démographique11. La vigne mobilisait les forces d’un plus grand nombre (sur des surfaces moindres) et constamment, ce qui excluait le recours à une main-d’œuvre temporaire. Les vendanges, certes, mobilisaient toute une population supplémentaire, mais toute l’année l’entretien des plants, la fabrication des outils et des récipients, maintenaient en activité rémunérée une population variée dans ses compétences et ses forces (les femmes et les enfants trouvaient leur place dans ce type de culture). L’installation de ces viticulteurs se trouve cependant prendre des formes différentes selon les régions. La vigne, dans les zones septentrionales entre Loire et Rhin, avait tendance à concentrer autour des villes (nous y reviendrons) cette activité à forte densité démographique alors que, dans l’Oberrhein, cette même densité ne se rencontrait pas par plaques mais formait un continuum de villages et de villes.
11Les zones viticoles contribuaient, d’autre part, à enrichir cette population même plus nombreuse car elles offraient un produit cher qui se vendait bien. La relative aisance dégagée par la culture de la vigne contribua, dans toutes les régions, à une autonomie précoce, une liberté individuelle et collective plus affirmée. L’aspiration à la liberté des habitants de Laon reposait en grande partie sur l’enrichissement des producteurs de vin écoulé en Flandre12. La charte de commune de 1128 accordée par Louis VII mentionne précisément la nature du territoire périurbain (montagnes et vignoble) et l’accès aux institutions urbaines coïncide avec la possession d’une maison ou d’une vigne13. Les coutumes de Beauvaisis également comportent des articles sur les vignes et les rentes payées en vin. Dès les origines des villes de l’Oberrhein, la vigne a joué un rôle important. Avant même la création vers 1180 de la cité marchande de Mulhouse par Frédéric Barberousse, la vigne occupait les lieux. L’exploitation de la cour domaniale de l’évêque de Strasbourg, premier seigneur, avait à sa tête non pas un maire (meier) mais un cellérier (cellerarius, kelner)14. Dans bien des villes, dont Mulhouse, pour poursuivre cet exemple, les gardes-vignes étaient des bourgeois bénévoles et non des agents salariés. La liberté en ville allait de pair avec les libertés dans les campagnes et l’on se souvient des Weistümer, des coutumiers ou règlements de village qui fixaient les droits et devoirs respectifs des seigneurs et des habitants.
12L’origine des vignobles également, et dans toutes les régions, répondait à une logique ecclésiastique. Evêques et abbés, seuls maîtres possessionnés pendant l’Interrègne de trois siècles entre la disparition des Romains et l’apparition des Francs, prirent en charge cette production. La carte de bien des crus suit assez exactement les limites ecclésiastiques des diocèses (Toul, Reims, Trèves, Le Mans, Metz, Besançon etc). Les évêques furent les « premiers viticulteurs »15 pour les besoins liturgiques de leurs églises mais surtout pour pratiquer leur devoir d’hospitalité en assumant ainsi leur rang social. Dans la première moitié du IXe siècle, l’institution canoniale compléta le paysage viticole où figuraient aussi en bonne place les abbayes. Souvigny en Bourbonnais, par exemple, dans la vallée de l’Ailier, produisait dès le Xe siècle un vin de qualité tout comme celle de Château-Châlon sur la bordure occidentale du Jura. L’hagiographie offre bien des exemples d’abbayes fondées en des lieux propices à la culture du divin breuvage. Saint Calais16 chercha en Orléanais où fonder un monastère. S’il n’y trouva aucun lieu à sa convenance, du moins il y rencontra saint Mesmin, qui avait l’expérience de vendanges exquises dans son monastère de Micy, entre Loire et Loiret. Ses conseils fort utiles permirent à saint Calais de choisir, au sud du diocèse du Mans, sur la rivière Anille, un endroit propice à la vigne où il fonda une communauté du même nom. Les sources manquent, dans l'Oberrhein, qui raconteraient si Pirmin a choisi le site de Murbach plutôt en raison du vignoble proche que, comme on le croit encore, en raison de l’isolement du vallon forestier de la Lauch. Et le monastère du Hohenburg ? En Forêt-Noire, en revanche, le vignoble moins proche de Saint-Trudpert, Saint-Georges ou Saint-Biaise n’a pu exercer ses attraits et le désert monastique a certainement prévalu. Cependant une différence se dessine entre l’Oberrhein et les autres vignobles : beaucoup d’excellents crus se trouvaient dans des régions où la vigne était une culture exceptionnelle et où, en tout cas, les plantations répondaient à la convergence localisée de plusieurs critères : volonté politique (évêque, abbaye etc.), exportation aisée (demande commerciale, fleuve) et conditions naturelles favorables. Dans l’Oberrhein, on s’en souvient, dès le IXe siècle, le vignoble s’étendait partout17.
13Tous les vignobles au Moyen Âge, autre dénominateur commun rapidement évoqué à l’instant, se sont implantés de préférence le long d’un fleuve pour assurer le transport de leur production. Le long de la Garonne et du cours inférieur de la Dordogne, se sont développés les crus du bordelais. L’Yonne, la Loire, la Seine ont joué un rôle essentiel dans le développement des vignobles. En Champagne, près d’Épernay, l’abbaye de Hautvilliers exportait par le petit port fluvial de Cumières, son vin « de rivière »18. L’Oberrhein n’échappe pas à la nécessité d’exportation mais il resterait à prouver que la voie d’eau (en l’occurence l'Ill car le Rhin n’offrait pas une bonne navigabilité) ait été un élément déterminant19. Les routes terrestres se révélaient indispensables pour transporter leur production aux lointaines abbayes propriétaires (Saint-Denis, Fulda, Remiremont20 etc.) tout comme pour centraliser le vin en vue d’une commercialisation dans des villes comme Colmar (l’Ill et la Lauch ne pouvaient drainer toute la production du piémont) ou Fribourg (la Dreisam ne coule pas dans le vignoble). La voie d’eau, même favorable, n’a d’ailleurs pas été systématiquement et partout empruntée. La Meuse, par exemple, offrant une géographie physique semblable à la Moselle et en dépit des nombreuses églises soucieuses de développer un vignoble, reste presque à l’écart de la production. La géographie n’explique pas tout et le vignoble relève aussi (surtout ?) de la culture.
14Tous les auteurs s’accordent à observer que les pays viticoles développent des modes de penser et de sentir originaux. Beaucoup plus que la géographie physique, c’est la géographie humaine qui prévaut en ce domaine. « L’homme aime le vin comme l’ami qu’il choisit, par préférence, non par obligation »21. Si chaque pays développe des coutumes, des croyances et des modes de vie largement tributaires d’une culture vinicole, l’Oberrhein semble avoir vu toute son histoire (politique, économique, culturelle) déterminée par cette culture si spécifique. Non pas en buvant ce breuvage réjouissant, comme se plaisaient à le raconter tous ceux qui découvraient ou décrivaient la région22, mais en le fabriquant avec le soin porté à un chef-d’œuvre.
15Cette spécificité doit être précisée. À la différence des autres vignobles même rhénans (les villes-du-vin de Franz Irsigler), celui de l'Oberrhein représente une culture largement dominante du moins dans les profits. Avant les XIVe et XVe siècles, il ne s’agissait pas de monoculture excluant toute production vivrière et plaçant sous la dépendance des maîtres une économie fragilisée. Jusqu’à cette époque en effet, le vin a vivifié économie et société en procurant beaucoup de travail, en favorisant la compétence et sa reconnaissance sociale (liberté et argent), en suscitant une aisance (sinon une richesse) partagée. Le vigneron, personnage mis au point par les clercs, émarge de l’aristocratie des campagnes et, dans l’Oberrhein, qui n’était pas vigneron ? Pourquoi prêter à l’Église une responsabilité dans l’émergence sociale de ce métier ? Premiers et gros propriétaires, les établissements ecclésiastiques ont sous-traité le soin des vignes en y attachant beaucoup de prix à tous les sens du terme. Travail hautement valorisé, y compris socialement, l’art de la vigne était aussi nécessairement délégué et autorisait ainsi une marge de liberté importante. Dans un espace concentré et prospère, apte à exporter et tirer profit rapidement de sa production, la société de l’Oberrhein a développé une spécificité repérable dans toutes ses expressions, juridiques, artistiques, politiques. À ce titre, et ce n’est pas la moindre, figure le phénomène urbain.
16À quel pays, en effet, comparer l’Oberrhein en ce qui concerne son réseau urbain ? Pour la densité, le rapprochement avec les Flandres et l’Italie a souvent été fait mais les différences d’échelle en ce qui concerne les distances, d’une part, et le poids desdites villes, d’autre part, s’imposent. Entre Arras, Tournai, Thérouanne et Boulogne, cités romaines constituant la première génération des villes flamandes, plusieurs dizaines de kilomètres sont à parcourir. De même entre Milan, Padoue, Pavie, Plaisance. Dans un même espace de trois mille kilomètres carrés, on trouve quatre à cinq villes flamandes ou italiennes, quarante dans l’Oberrhein étudié. Mais parle-t-on de la même réalité citadine ? Quel poids respectif ont ces villes ? La comparaison sera menée sur plusieurs plans : leurs origines et leurs maîtres politiques, leurs conseils, l’exercice effectif de leurs pouvoirs.
17Si dans les trois secteurs géographiques envisagés, la Flandre, l’Italie et l’Oberrhein, les civitates romaines ont pu servir de substrat urbain, la vie urbaine n’a perduré sans solution de continuité qu’en Italie23. La permanence d’un territoire urbain, limité encore souvent par des remparts, fixait dans l’espace et dans les esprits un dedans et un dehors, une vie citadine différenciée de la campagne même si elle apparaît composite : les nobles n’hésitaient pas à résider en ville. L’accélération des activités citadines se cristallisa autour des évêques, « autorité capable d’assurer l’ordre public, le ravitaillement et la survie de la ville »24. En Flandre25 tout comme dans l'Oberrhein, les civitates se rétrécirent au profit des campagnes environnantes. La vie rurale prédominait largement. La reprise d’un dynamique urbaine ne fut pas le fait des évêques mais des seigneurs profitant des activités commerciales tonifiées par un arrière-pays prospère et assez éloignés d’un pouvoir fort. Cette seconde vague d’urbanisation se situe autour des IXe et Xe siècles. La Flandre, à la mort du comte ArnoulIer en 965 implosa en seigneuries autonomes (dans la partie impériale de la Flandre, au nord, les seigneurs étaient même haut justiciers) et les pouvoirs retrouvés des comtes ne s’exercèrent avec efficacité que dans le centre, avec de nombreuses inféodations, ou sur la plaine maritime. Dans les villes flamandes, les premiers échevins furent les juges du seigneur. Dans l’Oberrhein, on se souvient du comté confisqué en 952 par le futur empereur et la prédilection résidentielle des souverains pour la région, mais sans capitale (Haguenau ?). Dans les villes royales officiait le représentant du roi, le Schultheiβ, et dans les villes seigneuriales ou comtales, le vogt ou prévôt, l’avoué dans les seigneuries ecclésiastiques. À maître différent, société urbaine différente.
18Les conséquences, pour la formation des villes, d’une prise de pouvoir par les évêques italiens ou les seigneurs flamands et rhénans, sautent aux yeux. Autour des maîtres ecclésiastiques gravitaient des litterati, en tout cas des hommes de lois héritiers des scabini des plaids carolingiens, formés dans des écoles et nourris d’une expérience juridique et politique. La montée des judices marqua fortement les sociétés citadines d’Italie du Nord au cours du Xe siècle d’autant plus que se manifesta parallèlement l’émergence de cives, un conventus civium que les sources ne permettent pas de cerner précisément. Pour la même époque, en Flandre et dans l’Oberrhein, on ne sait presque rien. Le quasi-désert archivistique26 ne permet de renouer le fil de l’évolution qu’au XIe siècle, et encore très faiblement, pour la Flandre27 et au XIIe siècle pour l’Oberrhein, tout aussi faiblement28. L’organisation même d’un corps de ville, de bourgeois responsables et d’une politique urbaine se manifestèrent à Gand et SaintOmer en 1127, à Sélestat en 1217, à Colmar et à Mulhouse en 1226. La communio flamande fut d’abord, on le sait, l’expression d’une conjuratio, le serment créant des liens aussi puissants que ceux du sang, entre les membres d’une élite dirigeante. Tous les statuts urbains de la vallée rhénane comportaient également l’indispensable serment, garant (religieux) de la paix intérieure et extérieure de la cité (conjurati, geschworene)29. Les traces documentaires, cependant, ne permettent pas d’affirmer pour ces deux régions, comme on peut le faire pour l’Italie, que le serment fondait l’esprit civique en développant la fierté d’appartenir à un corps citadin libre. Les villes italiennes abritaient une population mobile, fluctuante, hétéroclite et une dynamique économique telles que les serments entre les divers groupes sociaux permettaient d’assurer un relatif équilibre, garant de l’esprit patriotique municipal.
19Pendant la période de silence des sources flamandes et rhénanes, les villes italiennes ont vécu des événements majeurs pour la formation de la conscience civique : le mouvement réformateur de la Pataria30, la querelle des Investitures31 suivie de la victoire contre l’empereur32. On peut, en effet, considérer que la paix de Constance en 1183 sanctionnait l’autonomie des villes, c’est-à-dire la formation de villes-États. À la fin du XIIe siècle, donc, les villes italiennes terminaient la construction de leur puissance étatique solidement ancrée dans un esprit civique de chaque cité.
20La comparaison entre ces trois zones fortement urbanisées a porté jusqu’à présent sur les origines des villes et la typologie des maîtres de la politique citadine. Il faut à présent examiner la mise en place des institutions, outils de pouvoir et expression d’autonomie. L’organe essentiel de la commune qui en déterminait la naissance et exprimait son pouvoir, apparaît dans les actes sous le terme de consilium, rat, conseil. Unique en Flandre et dans l’Oberrhein jusqu’au XIVe siècle, il se multiplia en Italie du nord dès le XIIe siècle : Ubi multa consilia, ibi salus33, là où se trouvent beaucoup de conseils, là est le salut. On connaît les règles de plus en plus complexes de tirage au sort des électeurs en étapes successives : les consuls, en effet, n’étaient pas élus par l’assemblée des bourgeois (arengo) mais par un groupe d’électeurs futurs élus. Au cours du XIIe siècle, la plupart des villes d’Italie du Nord possédaient deux conseils : un grand (plus de cent personnes) et un petit, mieux adapté aux décisions rapides. À la fin du XIIe siècle, le pouvoir exécutif fut confié à un podestat34 qui exerçait, l’espace de six mois, des fonctions de juge suprême et de général en chef. L’intérêt recherché par les villes était d’éviter la prise de pouvoir d’une famille puisque le podestat devait nécessairement être étranger à la ville. Grâce au long conflit avec Frédéric II, l’organisation des villes a connu d’autres changements et perfectionnements. A partir des années 1230, s’organisèrent en arti (métiers, Zünfte) tous ceux qui se sentaient aptes à participer au gouvernement parce qu’ayant reçu une formation : ce popolo, formé de marchands, de juristes et notaires, de médecins et d’apothicaires, d’artisans de tous métiers, élisait ses consuls et siégeait en conseils. C’est ainsi que Florence bousculée en 1244, puis de 1250 à 1260, mit en place cinq conseils. Le cadre institutionnel doit permettre d’aller plus loin.
21La question essentielle en effet, dans la comparaison avec les villes de Flandre et de l’Oberrhein, est de savoir qui s’impliquait dans les affaires de la ville, qui, en quelque sorte, incarnait la ville et quelle envergure politique pouvait avoir ce ou ces conseils. Wilfried Hartmann, dans une étude sur la démocratie et les multiples conseils des villes de Lombardie et de Toscane35, apporte une réponse lumineuse. Après avoir fait le décompte de tous les postes à pourvoir, dans les conseils et multiples charges de Florence, sachant que la rotation pouvait être très rapide36, l’auteur montre que 1 800 hommes devaient être disponibles pour les conseils et principales charges municipales d’une année. Comme ces hommes ne pouvaient être réélus de suite, une réserve de 6 000 personnes s’avérait indispensable pour faire fonctionner la ville. Pour Wilfried Hartmann, un tiers de la population florentine participait donc à la vie politique. Sa réflexion va plus loin pour montrer que la majeure partie des florentins comprenaient ce système fort complexe parce qu’ils avaient atteint un haut niveau d’alphabétisation37.
22Dans sa chronique, Giovanni Villani (mort en 1348) évoque les 8 000 à 10 000 jeunes gens formés chaque année dans les écoles38.
23Pour les villes de Flandre et de l’Oberrhein, même si la documentation manque39, il est peu probable que la situation ait été comparable. Le conseil (auquel s’ajouteront au XIVe siècle des commissions) ne comptait guère plus d’une vingtaine de conseillers ou d’échevins. Chiffre hautement imprécis à Colmar puisque les délibérations mentionnent « ceux qui étaient là » ! À Lille, une douzaine d’échevins composait le conseil40. Quant à l’alphabétisation, les actes prouvent qu’elle n’était pas encore développée si ce n’est dans le cadre d’une formation professionnelle des marchands. La tenue des comptes pourrait à cet égard être probante : là encore la conservation (et la tenue ?) des budgets des villes se révèle plus tardive qu’en Italie.
24Il reste à examiner les pouvoirs respectifs de ces villes. Partout elles arrivèrent, à des rythmes différents, à accéder à l’indépendance voire l’autonomie. Leur appropriation des droits régaliens, seigneuriaux ou comtaux leur a permis de légiférer, de rendre la justice, de mener une politique extérieure, de battre monnaie, de surmonter de graves conflits internes. Leur capacité, cependant, à mobiliser des moyens (économiques et politiques) rend effectif ou au contraire virtuel l’exercice de leurs droits. Un seul exemple : Colmar n’obtint le droit de battre monnaie qu’en 1376 après avoir essayé de régler, avec le réseau des villes et les Ribeaupierre, de nombreux conflits avec l’évêque de Bâle dont la monnaie faisait la loi économique. Et pourtant la ville ne se trouva pas en position d’exploiter ce droit avant le XVe et surtout le XVIe siècle.
25En Italie et en Flandre, mais pas dans l’Oberrhein, les villes disposaient de réserves essentielles puisées dans leurs territoires (contado, suburbium, banlieue) : réserves de population, réserves de denrées alimentaires et de produits essentiels (bois etc.) réserves de main-d’œuvre, réserves de richesse de façon générale. L’administration de ces territoires stimulait les moyens à mettre en œuvre dans toute la ville. Elle supposait également une véritable politique menée dans le temps pour assurer le développement de ces territoires conçus comme complémentaires, dépendants des activités urbaines. Si le contado de bien des villes italiennes a été étudié, celui des villes flamandes serait à reprendre, selon Alain Derville41. On connaît encore mal les acquisitions de seigneuries foncières visant à constituer un territoire. Dans l’Oberrhein étudié, Colmar reste la seule exception au phénomène général d’absence de territoire périurbain. Mais sa domination sur cet espace rencontrait tant de propriétaires de vignes ou d’autres biens qu’elle ne pouvait exercer efficacement un monopole.
26La richesse d’une ville et donc ses moyens disponibles pour la vie politique se trouvait aussi dans ses relations commerciales. À l’origine du développement des trois pays comparés, ce facteur économique a joué un rôle déterminant. La position des villes par rapport à l'évolution de ces grands courants d’échanges dans l’Europe et leur aptitude à les capturer à leur profit se trouvaient conditionnées d’une part par le poids politique de ces gouvernements urbains susceptibles de développer des infrastructures et des garanties, d’autre part par la compétence intellectuelle citadine prompte à saisir les nouveautés, à comprendre les mécanismes économiques et à offrir aux marchands un lieu d’échanges au sens large du terme. Les villes italiennes, et les villes flamandes ensuite, furent gagnantes à ce jeu.
27Qu’est-ce à dire pour les villes de l’Oberrhein ? Ce sont les seules à être des villes-du-vin presque exclusivement. Les sources de la richesse n’étaient pas citadines mais rurales. Les profits répartis entre producteurs et marchands ont permis la formation particulière d’un paysage urbain sans personnalité citadine dominante. Aucune ville dans l’espace rhénan entre les deux métropoles de Strasbourg et de Bâle, elles-mêmes modestes comparées à Bruges ou à Florence, n’a décollé pour imposer un pouvoir politique et économique. L’avenir de grande ville dépendait de pouvoirs extérieurs : Fribourg en 1498 devint une ville d’Empire à laquelle Maximilien fixait des objectifs ambitieux. Colmar attendit plus longtemps la venue du roi de France pour devenir capitale provinciale (1673).
28Peut-on avancer l’hypothèse selon laquelle la culture de la vigne avec toutes les activités y afférentes a, dans la région de l’Oberrhein, gommé en quelque sorte la différentiation villes-campagne ? Les distances faibles entre toutes les localités brouillaient le paysage social et si les conflits furent souvent acharnés, ils le devaient au voisinage (on s’acharne plus sur un proche devenu ennemi), à la rivalité des maîtres et au contexte plus large d’une époque où la bagarre était un moyen ordinaire de gestion de conflits entre particuliers.
29Ce qui, ailleurs, faisait courir les paysans en ville, se trouvait, dans l’Oberrhein, à la campagne : travail régulier et rémunérateur, conditions de liberté personnelle et collective acceptables, centres d’échanges aux multiples fonctions. Ne peut-on considérer comme emblématique l’existence de ces bourgeois de l’extérieur (ussburger) ? Alors que dans d’autres pays, le bourgeois est bourgeois intra-muros ou bourgeois extramuros pour ceux qui habitaient dans le contado, dans l'Oberrhein, il est bourgeois de l’intérieur habitant à l’extérieur. Cette situation éminemment conflictuelle, surtout du point de vue de l’empereur, traduit la fluidité sociale (et économique) entre des localités se targuant d’être des villes et des campagnes aux villages urbanisés.
30L’Oberrhein, entre 1250 et 1350, a eu le vin pour maître. Aucun prince n’a pu s’emparer de ces terroirs considérés comme un pactole. Les exigences de l’art de la vigne ont assuré la promotion des lieux de production et de commercialisation sans clivage net entre villes et campagnes : les mêmes hommes, les petites distances, les moyens de s’affirmer, la complémentarité et les connivences entre cités. L’Oberrhein fut un étrange pays de campagnes urbanisées et de villes rurales.
31Quand les tourmentes du XIVe siècle fouettèrent toute l’Europe, l’étrangeté devint faiblesse et l’Oberrhein subit successivement la loi des plus forts. Le vin n’a pas livré tous ses secrets.
Notes de bas de page
1 C. Grad, L'Alsace, le pays et ses habitants, Paris, 1889, p. 1.
2 Charles Grad (1842-1890), originaire de Turckheim, est entré comme commis dans les établissements de filatures et tissages Herzog, au Logelbach, faubourg de Colmar. Il devint associé de l’entreprise et effectua de nombreux voyages d’affaires au cours desquels il put découvrir des terres nouvelles et apprécier d’autant plus la sienne, l’Alsace. Se passionnant pour toutes les sciences, climatologie, botanique, géologie, histoire, traditions populaires, il approfondit son attachement à l’Alsace au point de renoncer à la quitter en 1870 et de la défendre de l’intérieur en assumant des mandats politiques : conseiller général (1876) et député au Reichstag (1877). Il participa activement à la restructuration industrielle de l’Alsace. Son dernier livre (sur une soixantaine) L’Alsace, le pays et ses habitants, lui valut un prix de l’Académie française.
3 Elle existe aussi en France dans le cadre associatif, en dépit du centralisme jacobin, mais plus institutionnalisée en Allemagne, elle représente, au-delà d’un cadre géographique, une méthode d’approche des problèmes historiques et géographiques féconde (cf. introduction). Le système politique de la fédération à l’allemande donne toute sa légitimité et son importance à la recherche régionale, en synergie avec les universités : A. Zettler et T. Zotz, « Die mittelalterliche Landesgeschiche an der Universität Freiburg i. Br. », in Landesgeschichte in Deutschland, W. Buchholz (éd.), Paderbom-Munich-Vienne-Zurich, 1998, p. 269-277.
4 Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, Zeitschrift für Württembergische Landesgeschichte, Württembegische Vierteljahreshefte für Landesgeschichte, Alemannisches Jahrbuch etc. La série depuis 1970 des Oberrheinische Studien, Arbeitskreis für südwestdeutsche Stadtgeschichteforschung etc.
5 L’Alsace compte 94 sociétés d’histoire dont les trois quarts éditent un Annuaire de la société d’histoire et d’archéologie de... À l’échelle de la région lors de la période allemande : Elsaβ-Lothringisches Jahrbuch ou, actuellement, des publications archéologiques.
6 Regroupées dans le cadre d’une fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace, ces dernières se montrent plus exigeantes et plus imaginatives depuis quelques années. Les liens avec les universités restent toutefois encore trop souvent des liens personnels.
7 On se souvient qu’en 1324, deux maisons condamnées à disparaître, les Habsbourg et les Ferrette, réussissent une alliance étonnante. La succession de l’Autriche, du côté Habsbourg, ne pouvait échoir qu’au duc Albert II mais depuis son adolescence il était évêque de Passau. Le comte Ulric III, du côté Ferrette, n’avait que deux filles, Jeannette et Ursule. Grâce à un scénario complexe au cours duquel l’héritage des Ferrette, par une oblation de l’évêque de Bâle théoriquement suzerain du comté, put passer aux filles d’Ulric et Albert fut réduit à l’état laïc, Jeannette épousa Albert en mai 1324. Les Habsbourg tenaient donc la porte de Bourgogne et la route de la Lorraine par Thann. Leurs possessions autrichiennes ne connurent leur véritable organisation en réalité que sous l’un des fils de Jeannette et d’Albert, Rodolphe IV (1358-1365). Par sa prise en main du Tyrol en 1363, il initiait un ensemble original, prémisses des pays antérieurs (Vorlände) : la Haute-Alsace, le Sundgau (au sud de la Thur), le Brisgau et le sud de la Forêt-Noire avec les villes forestières rhénanes (Waldshut, Rheinfelden, Saeckingen et Lauffenburg). Il s’agit en réalité non d’une annexion mais d’une union personnelle. Après le désastre de Sempach, le 9 juillet 1386, au cours duquel Léopold (le plus jeune fils de Jeannette) fut écrasé avec une grande partie de la noblesse alsacienne par les Suisses, les pays antérieurs livrés à eux-mêmes tombèrent sous la coupe de la Bourgogne avec le mariage en 1393 de Léopold IV (fils du vaincu de Sempach) et de Catherine, fille de Philippe le Hardi. Une autre histoire commence...
8 R. Dion, Histoire de la vigne et du vin en France..., op. cit. F. irsigler, Weinstädte an der Mosel im Mittelalter..., op. cit. M. Maguin, La vigne et le vin en Lorraine..., op. cit. R. Doehaerd, « Laon, capitale du vin au XIIe siècle », AESC, V, 1950, p. 145-165.
9 R. Dion, Histoire de la vigne..., op. cit., p. 47.
10 Excentrée par rapport à son vignoble sur les limites du diocèse, Autun n’était desservie que par des axes terrestres : est-ce la seule raison de cette implantation décalée ? L’excellence de ce cru de côte a, bien entendu, joué un rôle déterminant.
11 W. Rösener, Bauern in der Salierzeit.., οp. cit., p. 67. K. Lamprecht, Deutsches Wirtschaftsleben..., op. cit., p. 163.
12 R. Doehaerd, Laon, capitale du vin..., op. cit.
13 Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, t. 1, H. F. Delaborde (éd.), Paris, 1916, p. 279.
14 Dans les différents accords tentés pour apaiser le conflit entre l’empereur et l’évêque de Strasbourg au sujet de l’avouerie de Mulhouse inféodée aux Staufen pendant le XIIe siècle (1221, 1223, 1224, 1236), mention est faite des divers agents, dont le cellérier. Cartulaire de Mulhouse..., op. cit., t. 1, n° 6, n° 7, n° 10, t. 3 n° 7.
15 R. Dion, Histoire de la vigne..., op. cit., p. 171.
16 Le nom de la ville provient du monastère antérieurement installé. Cet exemple est donné par R. Dion, Histoire de la vigne..., op. cit., p. 181.
17 Cf. carte, Implantation schématique du vignoble dans l'Oberrhein dès le IXe siècle, en annexe.
18 R. Dion, Histoire de la vigne..., op. cit., p. 46.
19 Tout le problème de la navigabilité du Rhin reste ouvert. Les techniques de la batellerie frisonne plus sophistiquées que celles des Gallo-romains expliqueraient-elles leur remontée du Rhin, la mise en place de Strasbourg port d’exportation ? Plus le vin est précieux, d’autre part, mieux il supporte des coûts de transport (terrestre).
20 Cf. carte Établissements ecclésiastiques possessionnés dans le vignoble de l'Oberrhein au ΧΙΙIe siècle, en annexe.
21 R. Dion, Histoire de la vigne..., op. cit., p. 1.
22 « L’Alsacien boit et aime à boire. Il boit quand il a soif et il lui arrive d’être altéré. Mais il boit aussi, alors qu’aucun besoin ne le presse, par habitude, par courtoisie, par bravade, par distraction, par goût. L’intendant de La Grange constatait le fait, il y a deux siècles, et il est impossible de compulser un recueil d’ordonnances municipales ou seigneuriales sans rencontrer sur ce sujet une collection riche et suivie de prescriptions et de défenses de toutes sortes ». C. A. Hanauer, Études économiques..., op. cit., t. 2, p. 313.
23 G. Fasoli, Dalla « civitas » al Comune nell’Italia settentrionale, Bologne, 1969. D. Waley, Les républiques médiévales italiennes, Paris, 1969. Y. Renouard, Les villes italiennes de la fin du Xe siècle à la fin du XIVe siècle, 2 vol., Paris, 1969, nouvelle éd. par P. Braunstein.
24 P. Racine, « Communes, libertés, franchises urbaines. Le problème des origines : l’exemple italien », in Les origines des libertés urbaines, Actes du XVIe congrès des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur, Rouen, 7-8 juin 1985, SHMES, 1990 (Publications de l’Université de Rouen, 157), p. 37.
25 C. Petit-Dutaillis, Les communes françaises : caractères et évolution des origines au XVIIIe siècle, Paris, 1947, rééd. 1970. J. Dhondt, Les origines de la Flandre et de l'Artois, Bruxelles, 1944. A. Derville, « Les origines des libertés urbaines en Flandre », in Les origines des libertés urbaines..., op. cit., p. 193-215. G. Espinas, Recueil de documents relatifs à l'histoire du droit municipal en France, des origines à la Révolution en Artois, 3 vol., Paris, 1934-1943.
26 Ce qui, bien entendu, ne signifie pas qu’il ne se passait rien !
27 Bruges (Burgus dans un acte de 1089), charte de fondation de Grammont (1067).
28 Le fils de Konrad de Zähringen créa en 1120 le marché de Fribourg, Frédéric Barberousse créa en 1186 celui de Mulhouse.
29 O. Kammerer, « Statuts et livre des serments de la ville de Mulhouse (1551) », Annuaire historique de Mulhouse, 8 (1997), p. 7-17.
30 À partir de 1055 se diffusa en Italie le mouvement de la Paix de Dieu sous une forme citadine. Les Patarins se voulaient profondément unis dans leur foi commune et formaient alors une fraternitas ou une caritas, soudée par le serment (juramentum commune). Cet idéal essentiellement religieux (les patarins se recrutaient dans toutes les couches sociales) se heurta rapidement aux évêques simoniaques ou, du moins, peu favorables au mouvement. Cette maturation des esprits contre le maître de la ville, donna naissance à un esprit de corps civique essentiel à la formation des communes.
31 Storia d'Italia, t. 2, G. Miccoli, La storia religiosa, p. 480-516, Turin, 1972-1978. L’autorité double (évêque pro-impérial contre évêque réformateur) amena une carence dans les faits qui permit à l’élite des cives de s’avancer pour la maîtrise du pouvoir.
32 Après la destruction du palais royal de Pavie en 1024 par l’empereur voulant réprimer l’agitation des cives, le souverain ne pouvait plus résider en ville. Il devait se contenter de castra dans la campagne. Les villes échappaient de fait à sa tutelle. Conrad II, en 1037, tenta en vain de réorganiser la vassalité en supprimant l’aristocratie moyenne des capitanei, à l’origine vassaux directs des évêques. Tout aussi infructueuse fut l’entreprise de Frédéric Barberousse en 1154 d’imposer la pyramide féodale à l’allemande (Roncaglia) et d’arracher aux villes leurs droits régaliens, ce qui lui valut la défaite de Legnano en 1176. La paix de Constance en 1183 mettait fin au conflit en accordant aux villes la dernière étape de leur autonomie : le droit de légiférer. E. Jordan, L'Allemagne et l’Italie aux ΧIIe et ΧΙΙIe siècles, Paris, 1939. Histoire générale, G. Glotz (dir.), Histoire du Moyen Age, t. 4, première partie.
33 W. Hartmann, « Ubi multa consilia, ibi salus : Ausgleich von Gruppenkämpfen und Regeln gegen den Machtmissbrauch in den italienischen Kommunen des 12. bis 14. Jahrhunderts », in Einwohner und Bürger auf dem Weg zur Demokratie, H. E. Specker (éd.), Stadtarchiv Ulm 1997 (Forschungen zur Geschichte der Stadt Ulm, 28), p. 27-44.
34 De potestas : qui dispose du pouvoir. Le doge de Venise ne relevait pas du même principe de gouvernement puisqu’il était choisi au sein de quelques familles aristocratiques et élu à vie.
35 W. Hartmann, Ubi multa consilia. ibi salus..., op. cit.
36 Deux mois pour les prieurs, trois mois pour les 12 buonuomini, quatre mois pour les gonfalonniers etc.
37 W. Raith, Florenz vor der Renaissance. Der Weg einer Sadt aus dem Mittelalter, Francfort-sur-le-Main-New York, 1979.
38 Giovanni Villani, Nuova Cronica XII, 94, G. Porta (éd.), t. 3, Parme, 1991, p. 198.
39 Dans ces pays où le droit écrit n’a pas la même place qu’en Italie, le caractère oral de certains textes de référence était préféré car il restait plus souple. L’organisation citadine fonctionnait, mais à l’insu des historiens.
40 Histoire de Lille, G. Fourquin (dir.), Paris, 1971.
41 A. Derville, Les origines des libertés urbaines en Flandre..., op. cit., p. 205.
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