Conclusion
Texte intégral
1Le mercredi 17 mai 2017 s’est déroulée la 12e édition des Journées doctorales d’archéologie de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, au sein de l’Institut d’art et d’archéologie. Ce rendez-vous annuel instauré en 2006 est une occasion de rencontres et d’échanges organisée par et pour les doctorants. L’exercice délicat auquel se sont prêtés les participants lors de cette journée consistait en une réflexion autour du thème transversal des silences en archéologie, décliné en questionnements sur les biais scientifiques et taphonomiques, sur les hiatus et les absences auxquels tout archéologue se confronte quotidiennement. Cette manifestation fut l’opportunité pour les doctorants de présenter l’avancée de leurs recherches en cours mais également de confronter leurs idées devant une assemblée composée aussi bien de doctorants que de chercheurs et d’enseignants de l’université.
2L’appel à communications, ouvert cette année à toutes les écoles doctorales françaises, a reçu un vif succès auprès des doctorants. Il a été retenu ainsi huit présentations orales auxquelles s’ajoutaient cinq présentations élaborées sous forme de poster. Le présent volume, regroupant treize articles, représente donc l’aboutissement de l’ensemble de ces interventions. Si les communicants provenaient en majorité de l’École doctorale d’archéologie de Paris 1 (ED 112), plusieurs provenaient d’autres institutions, telles que les écoles doctorales de Strasbourg (ED 519), de Lille (ED 473) et de Paris-Nanterre (ED 395).
3Représentant également de nombreux laboratoires de recherche différents, les communications présentées ont couvert des aires géographiques et chrono-culturelles variées ; aussi trouve-t-on dans ce volume des contributions issues de travaux menés sur des contextes allant de la préhistoire jusqu’à l’époque moderne et de l’Europe à l’Amérique en passant par l’Afrique.
4Le thème sélectionné pour cette manifestation, et validé par le conseil scientifique de l’ED 112, autorise volontairement un large spectre d’interprétations, à l’image de la variété d’approches et de problématiques dans lesquelles s’intègrent les jeunes chercheurs en archéologie, à Paris 1 et ailleurs.
5L’archéologie est une science qui, par essence, vise à appréhender ce qui n’est plus, à savoir les sociétés humaines du passé, à partir de traces matérielles conservées. Tout le travail du chercheur consiste alors à combler le vide qui sépare le passé du présent, en reconstituant ce qui peut l’être, mais aussi en déterminant au mieux la part de ce qui lui échappe. Cette ambition de dépasser l’observation des artefacts pour atteindre les comportements humains sous-jacents était celle formulée par A. Leroi-Gourhan lorsqu’il fonda l’équipe « Ethnologie préhistorique » en 1967, aujourd’hui intégrée au laboratoire ArScAn1. Son responsable actuel, Pierre Bodu, chargé de recherche au CNRS, a lui-même participé par ses travaux aux développements des méthodes et des problématiques que recouvrent cet objectif « palethnologique », d’abord en poursuivant leur mise en œuvre dans le site d’habitat magdalénien de Pincevent, terrain de prédilection de Leroi-Gourhan lui-même, puis plus récemment en les appliquant à des périodes plus anciennes du Paléolithique supérieur sur le site d’Ormesson. Également acteur d’expérimentations de taille visant à retrouver, au-delà des vestiges lithiques, les gestes disparus, P. Bodu a accepté d’assurer le rôle de modérateur pour cette journée fructueuse en discussions. Nous lui exprimons notre profonde gratitude d’avoir su introduire et articuler entre elles des communications très diverses, autour du fil rouge thématique des silences documentaires.
6La richesse des dialogues engendrés par les nombreuses présentations doit évidemment beaucoup à la qualité et à la variété de celles-ci, aussi souhaitons-nous remercier chaleureusement l’ensemble des contributeurs pour leur participation à cette manifestation, mais aussi pour les efforts qu’ils ont fournis dans la publication de ces actes.
7Cette édition s’est déroulée sous la présidence de Patrice Butterlin, directeur de l’école doctorale d’archéologie (ED 112), que nous tenons également à remercier vivement pour sa confiance et ses encouragements. Nous tenons en outre à adresser notre reconnaissance à Hélène Criaud, secrétaire de l’ED 112, pour son aide inestimable, d’une part dans l’organisation de cette journée de communications qui n’aurait pu se dérouler sans elle, et d’autre part dans l’élaboration de cette publication.
8Enfin, c’est grâce au soutien financier de l’ED 112 ainsi que du Collège des écoles doctorales de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne que ce rendez-vous annuel a pu de nouveau être assuré en 2017.
De l’absence de preuve à la preuve de l’absence : définir et comprendre les vides
9La problématique de l’absence est commune à toutes les approches archéologiques et à toutes les aires chronoculturelles ; si elle se pose nécessairement de manière sous-jacente, elle est cependant rarement traitée en tant que telle. Il y a pourtant – ce volume en est la preuve – beaucoup à dire sur les silences archéologiques et les erreurs d’interprétation qu’ils engendrent, ainsi que sur les solutions possibles pour y remédier. En effet, l’archéologie ne peut se contenter d’étudier les restes tangibles des sociétés passées, ou elle ne pourrait pas prétendre au titre de science humaine ; elle se doit donc de tenter, à travers des indices indirects, de définir, de mesurer, d’expliquer ces vides, voire de les combler.
10Les absences de faits archéologiques résultent souvent de facteurs multiples et entremêlés : biais méthodologiques, problèmes taphonomiques et orientations de recherche sont autant d’obstacles lorsqu’il s’agit de dépasser le simple constat – déserts dans nos cartes archéologiques, hiatus dans nos chronologies – pour identifier les manques significatifs et en proposer des interprétations. Sans une démarche d’interrogation constante sur la représentativité des données disponibles, les périodes, lieux et activités les mieux représentés archéologiquement ou les plus fréquemment étudiés risquent d’être surinterprétés. Dans cette optique, les articles de ce volume démontrent à de multiples reprises une volonté commune d’aborder notre discipline de manière critique et réflexive.
Des sources lacunaires
11Le premier écueil qu’il convient de considérer ici réside dans la nature toujours incomplète des sources archéologiques. Pour atteindre la réalité anthropologique à laquelle nous prétendons, il nous faut en observer le reflet archéologique, d’autant plus flou et déformé que les sociétés qui en sont responsables sont éloignées de la nôtre. Invariablement tronquée, systématiquement altérée par le prisme taphonomique, la réalité archéologique doit donc être envisagée pour ce qu’elle est – une source lacunaire et très imparfaite – et la distance entre comportements humains et faits archéologiques se doit par conséquent d’être analysée et évaluée au mieux.
12Certains éléments, parfois fondamentaux dans la définition d’une culture au sens anthropologique du terme, en raison de leur nature abstraite, sont toujours exclus de la culture matérielle sur laquelle sont basées nos interprétations.
13A. Pinto évoque ainsi des objets fugaces tels que « les odeurs, les goûts et les sons », qui sont au cœur des problématiques de l’archéologie des sens, et s’attache ensuite à explorer le lien entre ces sonorités disparues et les vestiges matériels qui leur sont associés pour l’âge du Bronze égéen.
14De même, si le sens des représentations artistiques des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique a définitivement disparu, P. Gaussein parvient à mettre en lumière des liens sociaux entre groupes régionaux, perceptibles à travers des valeurs symboliques et des codes iconographiques partagés.
15Mais sans doute le silence le plus sensible et le plus partagé de tous est-il celui du temps, dimension que l’on perçoit en archéologie d’une manière très différente de celle des historiens. P. Hart, à travers l’exemple des foyers, propose une réflexion épistémologique sur cette éternelle lacune que constitue le temps séparant les faits archéologiques, dans laquelle les échelles temporelles et les rythmes des processus et événements passés sont replacés dans leur contexte théorique et historiographique.
16D’autres articles s’attachent à analyser des objets autrefois concrets mais disparus au gré de phénomènes naturels tels que la conservation différentielle ou les transformations du paysage.
17G. Maerky s’intéresse ainsi aux systèmes d’emmanchement des armes de chasse préhistoriques, faits de matériaux périssables (bois végétal, tendons, cuir ou fibres végétales) et conservés seulement dans quelques cas exceptionnels ; le recours à des concepts et à des approches spécifiques est alors nécessaire pour pallier l’extrême rareté des sources archéologiques.
18Il en va de même de l’absence totale d’embarcations conservées pour la ville de Poitiers, que C. Gorin interprète comme le résultat d’une mauvaise conservation, démontrant que ce centre urbain était bien un lieu de passage et d’échanges par voie fluviale.
19Pour d’autres, il s’agit de retrouver l’environnement naturel des chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire. N. Catz propose ainsi de nouvelles méthodes pour pallier la mauvaise conservation des pollens et charbons habituellement utilisés pour reconstituer le milieu végétal et climatique dans lequel ont évolué ces sociétés. Pour G. Teurquety, ce sont les sources de matières premières siliceuses, parfois devenues invisibles dans le paysage d’aujourd’hui, qui font l’objet de nouvelles investigations.
20En contexte urbain, ce sont plutôt les aménagements anthropiques successifs qui ont effacé les traces matérielles antérieures, à la manière d’un véritable palimpseste (ou true palimpsest, évoqué par P. Hart), à l’image des voies et itinéraires étudiés par C. Gorin dans la ville de Poitiers.
Des biais méthodologiques
21Dans certains cas, les lacunes des sources archéologiques résultent de choix, conscients ou non, de la part des chercheurs, négligeant certains aspects de la recherche et en exagérant d’autres, qu’il s’agisse de discriminations géographiques, chronologiques, liées aux méthodes ou encore aux matériaux étudiés.
22H. Goudiaby soulève ainsi un raisonnement circulaire consistant à rechercher les sépultures mayas en contexte résidentiel presque exclusivement dans les espaces centraux des bâtiments, réputés riches en tombes.
23De la même manière, G. Teurquety souligne dans sa contribution le poids d’hypothèses préétablies, concernant les systèmes d’acquisition de matière première chez les chasseurs-cueilleurs, dans les stratégies de prospection géologique. À cette difficulté vient s’ajouter un intérêt moindre de la part des géologues, à l’origine des recensements dans les notices géologiques, pour le silex.
24Les découpages chronologiques employés pour le Bronze du Proche-Orient sont mis en cause par A. Havé. Il critique notamment les critères d’attribution aux périodes, mal définis et contradictoires, qui compliquent les datations relatives, alors même que les datations absolues manquent de précision.
25De son côté, I. Moustakhim relève les incohérences et les lacunes d’une histoire comorienne exclusivement basée sur des témoignages oraux et sur des sources textuelles, tous deux très empreints de subjectivité.
26S’appuyant sur un inventaire raisonné des opérations archéologiques menées sur le territoire des Rèmes, M. Dessaint montre l’empreinte de l’archéologie préventive et des contraintes qui lui sont associées sur l’élaboration et l’interprétation des cartes archéologiques.
Des manques reflétant des réalités anthropologiques
27Nombre de contributions proposées ici soulèvent donc des questionnements divers autour des différents obstacles, naturels et anthropiques, auxquels se heurtent les interprétations.
28Lorsque le contexte archéologique est suffisamment bien connu, il est parfois possible d’écarter les causes taphonomiques et méthodologiques et de démontrer que l’absence de sources procède bel et bien d’une réalité perceptible par les sociétés considérées.
29Ainsi, A. Havé démontre que la disparition de certaines formes céramiques en Mésopotamie au cours de l’âge du Bronze reflète véritablement des transformations culturelles, qu’elles soient d’ordre technique, économique ou social.
30Pour les dépôts métalliques de l’Atlantique étudiés par C. Planckeel, le caractère lacunaire de certains éléments résulte assurément d’un choix conscient de la part des acteurs de cette pratique, consistant à enfouir des objets en bronze ayant subi des manipulations et « mutilations » préalables.
31Concernant la répartition des défunts dans les espaces résidentiels mayas, au biais méthodologique évoqué plus haut répond un biais culturel démontré par H. Goudiaby, à partir notamment d’un cas particulier de résidence fouillée de façon extensive.
32Pour certains phénomènes, les données mobilisables sont encore minces, et les biais scientifiques ou taphonomiques ne peuvent encore être rejetés, à l’instar des hiatus décrits par M. Ariza dans la chronologie du littoral pacifique de Colombie et d’Équateur. L’auteur énumère alors les causes possibles de chacun des changements abrupts observés dans la culture matérielle : contexte de conservation défavorable, lacunes de la recherche, ou bien événements brutaux tels que des crises politiques ou des catastrophes naturelles. Il propose ensuite des stratégies de recherche, sur le terrain et en laboratoire, afin d’éliminer certains de ces facteurs et de resserrer les investigations autour de processus environnementaux et/ou historiques.
À la recherche de preuves négatives : faire parler les silences documentaires
33Les doctorants qui ont présenté ici leurs travaux s’inscrivent ainsi dans un souci partagé d’objectivité et d’honnêteté scientifique, ce qui ne les empêche pas d’oser aborder des sujets ambitieux et originaux. Tous ont ainsi proposé des solutions méthodologiques visant à pallier les absences auxquelles ils sont confrontés.
34Une fois les facteurs de ces manques explicités, il est nécessaire d’avoir recours à des moyens détournés pour pallier ces obstacles qui freinent les raisonnements anthropologiques. Le plus souvent, c’est vers de nouvelles méthodes et des approches croisées que se sont tournés les doctorants.
L’examen de sources complémentaires
35Lorsque les données archéologiques manquent, elles peuvent être complétées par d’autres types de sources. La confrontation de données d’origines diverses, lorsqu’elles sont disponibles, permet de combler les vides dans les reconstitutions des comportements humains et de leurs évolutions tout en garantissant, par une certaine prise de distance, une objectivité accrue.
36Face à l’abandon des « supports d’offrande » céramiques dans la Mésopotamie de l’âge du Bronze, A. Havé fait par exemple appel à des données iconographiques et procède d’autre part à une recherche de formes similaires à ces types céramiques dans d’autres matériaux, afin de mieux cerner ce qui se cache derrière cette apparente disparition.
37La rareté des instruments de musique découverts en Égée pour la même période conduit A. Pinto à se tourner lui aussi vers d’autres sources, comme les partitions inscrites sur des tablettes ou les représentations de performances musicales dans l’iconographie.
38Les sources indirectes sont également à l’honneur dans les contributions de N. Catz et de G. Teurquety visant toutes deux à étudier les chasseurs-cueilleurs préhistoriques par le biais de leurs rapports à leur environnement. Dans le premier cas, il s’agit d’analyser les dents des herbivores chassés afin de reconstituer des paysages écologiques ; dans le second, l’étude des propriétés géologiques de la craie, fréquemment décrites avec précision dans les notices géologiques, permet de déduire celles des silex exploités par les tailleurs paléolithiques.
39C’est également la multiplicité des sources (sources archéologiques, textuelles et iconographiques, cartes anciennes, données géomorphologiques) mais aussi celle des échelles, géographiques et chronologiques, qui permet à C. Gorin d’appréhender l’histoire complexe des itinéraires fluviaux et terrestres dans et autour de la ville de Poitiers, depuis la fin de la période protohistorique jusqu’au xviie siècle.
40La complémentarité des sources, exclusivement archéologiques cette fois (fouilles préventives et programmées, diagnostics, prospections aériennes et pédestres, découvertes fortuites), est également au cœur de l’article de M. Dessaint, qui propose une méthode raisonnée d’enregistrement des opérations, prenant en compte à la fois la surface et la localisation précise de chacune, mais aussi la qualité et la fiabilité des informations qu’elle recèle.
41Dans le cas de I. Moustakim, ce sont à l’inverse les failles observées dans les sources historiques qui renforcent la nécessité des approches archéologiques.
Le recours aux référentiels actualistes
42Lorsque les sources anciennes, qu’elles soient textuelles ou iconographiques, sont inexistantes ou ne suffisent pas à compenser les lacunes de l’archéologie, plusieurs auteurs ont recours à des référentiels actualistes pour nourrir ou valider leurs hypothèses.
43Pour appréhender la variabilité des procédés d’emmanchement des pointes de sagaies et leur rôle dans les tactiques de chasse du Paléolithique, seules les données ethnographiques sur des chasseurs subactuels sont susceptibles de nous fournir quelques éclairages. Par une comparaison de ces techniques chez des peuples de l’extrême sud (les Yahgan et les Kaweskar de Patagonie australe) et de l’extrême nord (les Aléoutes et les Alutiiq d’Alaska méridional) de l’Amérique, G. Maerky s’essaie à replacer dans ce spectre de « faits » procédant d’une même « tendance » les maigres indices archéologiques qui subsistent des systèmes d’emmanchement d’armes de chasse préhistoriques.
44P. Gaussein, quant à elle, cherche à appliquer au contexte du Magdalénien moyen du sud-ouest de la France les règles transculturelles de densité humaine chez les chasseurs-cueilleurs, issues de modèles anthropologiques. Pour ce faire, l’auteur s’appuie sur les degrés de similarité stylistique observés dans l’art mobilier de différentes régions, et confronte ces données aux réseaux de circulation de matières premières.
45L’archéologie expérimentale est évoquée en outre par A. Pinto et C. Planckeel. Le premier l’utilise pour tenter de reconstituer des sonorités produites par les instruments de musique protohistoriques, tandis que la seconde l’emploie dans le but d’expliciter les procédés ayant conduit à l’état lacunaire des objets métalliques des dépôts Atlantique, respectivement.
L’emploi de démarches transdisciplinaires
46Pour faire pendant à l’indispensable confrontation des sources précédemment évoquée, les approches pluridisciplinaires sont fréquemment employées dans les études de mobilier archéologique.
47Ainsi P. Hart prône-t-elle, pour démêler les palimpsestes que constituent les foyers, le croisement de méthodes d’étude diverses portant sur les différents matériaux associés à ces structures de combustion (analyses macro- et microscopiques, physico-chimiques et micro-stratigraphiques des sédiments, datations absolues par radiocarbone, palynologie, examen de la chauffe des pierres, remontages lithiques).
48Pour mieux comprendre la chronologie ancienne du littoral pacifique en Amérique du Sud aussi, M. Ariza plaide non seulement en faveur de nouvelles études céramiques comparées, mais également pour de nouvelles méthodes de datation absolue sur des phytolithes, et pour la détection de tsunamis via des analyses stratigraphiques.
49Dans son enquête sur les raisons qui ont motivé l’abandon de certains types céramiques, A. Havé prend en compte à la fois la chaîne technique de production de ces objets et les hypothèses sur leur fonction, dans une réflexion globale intégrant les processus politiques et sociaux alors à l’œuvre en Mésopotamie orientale.
50Les nouveautés méthodologiques sont également à l’honneur dans ce volume, à l’image de l’étude des micro-usures et de l’amélioration des analyses isotopiques sur les dents d’herbivores proposées par N. Catz, ou encore de l’utilisation par C. Planckeel de différentes techniques de reconstitution virtuelle des artefacts présents dans les dépôts du Bronze atlantique (stéréo-microscope, photogrammétrie, tomographie) afin d’analyser les processus de déformation qui ont précédé leur enfouissement.
La nécessité de nouvelles méthodes d’acquisition des données
51Enfin, parmi les solutions invoquées par les doctorants venus présenter leurs travaux cette année figurent souvent des renouvellements de méthodes proprement archéologiques, celles liées à la prospection et à la fouille.
52Pour l’histoire du peuplement des Comores, tout reste encore à faire, puisqu’aucune véritable opération archéologique n’a encore eu lieu. I. Moustakim démontre dans son article la nécessité d’une approche archéologique objective, qui permettra de lever le voile sur un certain nombre de contradictions sensibles à l’examen d’autres types de source et encore difficiles à expliciter.
53Dans le cas de la Préhistoire de la côte pacifique de Colombie et d’Équateur aussi, M. Ariza présente, pour combler les hiatus, des solutions consistant à rechercher de nouvelles données archéologiques, par de nouvelles fouilles mais aussi par des prospections radar et aériennes. Une approche plurielle similaire est utilisée par C. Gorin pour retrouver les aménagements et les voies fluviales de Poitiers : fouilles archéologiques, prospections LiDAR et prospections inventaire sont utilisées afin d’obtenir un maximum de données complémentaires.
54D’après G. Teurquety, les stratégies de prospection des gîtes de silex méritent également d’être renouvelées, en les conduisant à une échelle plus large et plus neutre que celle des environs des sites archéologiques.
55Enfin, la résolution des biais méthodologiques soulevés par H. Goudiaby se conçoit seulement au prix d’un « compromis » qui doit s’opérer dans les méthodes de fouille mayanistes, au profit d’une meilleure objectivité des données funéraires. À défaut de fouilles extensives systématiques, coûteuses et destructrices, des procédés spécifiques d’exploration des structures funéraires non dommageables pour les structures résidentielles sus-jacentes sont ainsi suggérés par l’auteur.
56On le voit, les solutions proposées ici, reflets des derniers progrès de la recherche archéologique, tendent unanimement vers des approches croisées, multidimensionnelles et multiscalaires, et sont autant d’incitations à une archéologie pluridisciplinaire.
57La confrontation critique des approches et des sources est au cœur des réflexions exposées dans ces pages, comme elle fut au centre des discussions générées par les communications du 17 mai 2017. Au vu de la richesse de ces problématiques actuelles et des réponses qui leur sont apportées, on ne peut que faire confiance à ces différentes formes de dialogue interdisciplinaire et diachronique pour que les silences pointés ici se fassent de plus en plus minces, au gré des introspections de notre discipline.
Notes de bas de page
1 Voir Valentin B. (2015), « Où en est l’ethnologie préhistorique ? », dans P. Soulier (dir.), André Leroi-Gourhan. « L’homme, tout simplement », Nanterre, Maison de l’archéologie et de l’ethnologie, p. 173-186.
Auteurs
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ED 112
Équipe Ethnologie préhistorique, UMR 7041 ArScAn Archéologie et sciences de l’Antiquité
Thèse sous la direction de Nicole Pigeot : « Entre temps court et temps long. Paléosociologie d’un groupe magadalénien à travers une séquence exceptionnelle d’occupations à Étiolles »
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ED 112
Pré et Protohistoire européenne, UMR 8215 Trajectoires
Thèse sous la direction de Jean-Paul Demoule et Olivier Weller : « Les économies des matières premières (sel et fer) au Premier et Second à l’âge du Fer. Marchés et modèles »
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ED 112
Équipe Ethnologie préhistorique, UMR 7041 ArScAn Archéologie et sciences de l’Antiquité
Thèse sous la direction de Manuel Gutierrez : « Peuplement préhistorique de la province de la Ngounié (Gabon) »
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ED 112
Équipe Protohistoire égéenne, UMR 7041 ArScAn Archéologie et sciences de l’Antiquité
Thèse sous la direction de Haris Procopiou : « Orner la tête à l’âge du Bronze en Égée. Entre coiffure et parure de tête »
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Appréhension et qualification des espaces au sein du site archéologique
Antoine Bourrouilh, Paris Pierre-Emmanuel et Nairusz Haidar Vela (dir.)
2016
Des vestiges aux sociétés
Regards croisés sur le passage des données archéologiques à la société sous-jacente
Jeanne Brancier, Caroline Rémeaud et Thibault Vallette (dir.)
2015
Matières premières et gestion des ressources
Sarra Ferjani, Amélie Le Bihan, Marylise Onfray et al. (dir.)
2014
Les images : regards sur les sociétés
Théophane Nicolas, Aurélie Salavert et Charlotte Leduc (dir.)
2011
Objets et symboles
De la culture matérielle à l’espace culturel
Laurent Dhennequin, Guillaume Gernez et Jessica Giraud (dir.)
2009
Révolutions
L’archéologie face aux renouvellements des sociétés
Clara Filet, Svenja Höltkemeier, Capucine Perriot et al. (dir.)
2017
Biais, hiatus et absences en archéologie
Elisa Caron-Laviolette, Nanouchka Matomou-Adzo, Clara Millot-Richard et al. (dir.)
2019