Fiction et imagination dans les procédures de la philosophie naturelle. Galilée, Descartes, Huygens
p. 15-36
Texte intégral
1D’une façon générale, la science classique a recours à la fiction lorsque l’hypothèse qui doit être éprouvée ne possède pas suffisamment d’« effect », c’est-à-dire de mesure qui pourrait les valider. C’est le cas de Galilée et de son recours fréquent à l’expérience de pensée, ainsi que de Huygens qui ne peut donner une solution satisfaisante à la contradiction qui existe entre principe général de relativité tel qu’il l’énonce, et la vérité du système copernicien. La fiction sauve plus que les apparences, puisque dans les multiples figures qu’elle se donne dans la pensée classique, elle opère le lien entre des effets et des causes qui ont pour caractère commun de ne pouvoir être établis par la mesure.
2La fiction, dans sa relation à la structure même de l’énoncé des lois, permet d’atteindre ce qui ne peut se donner sous la forme d’une perception immédiate. Chez Galilée, elle arrache à la profondeur de la matière la structure dérobée aux sens que forme le principe inertiel. Chez Huygens, c’est le passage à l’imagination des apparences telles quelles pourraient être perçues depuis un point de vue qui n’est pas le nôtre, ailleurs dans le système du monde, qui donne corps aux contenus rationnels du copernicianisme. Il est possible, à l’aune de cet examen, de revenir sur le jugement récurrent qui consiste à tenir unilatéralement la fiction et l’imagination dans un rapport d’opposition à la connaissance objective. Par fiction, on entendra ici une production imaginative qui seconde la rationalité en lui donnant la forme acceptable d’une représentation commune. C’est donc en tant qu’auxilium ingenii que l’imagination se trouve placée au cœur de la manière dont s’établit, à l’époque classique, une science qui ne peut se prévaloir, pour établir ses hypothèses, d’une quelconque expérience immédiate ou instrumentée.
I. Fable et pensée de la nature chez Galilée
3On note la présence, chez Galilée, de procédures de validation des lois par la cosa mentale, expérience fictive dont l’essence est abstraite, qui construit l’objet selon son comportement probable : ni la notion d’imagination ni celle d’expérience de pensée, relevant nécessairement des cadres théoriques de la fiction, ne sont condamnées dans l’œuvre de Galilée, qui cultive le double avantage de donner deux œuvres majeures composées sous forme de dialogues aux schémas narratifs assez classiques, et d’être partie prenante d’un débat relatif à l’aspect fictif, largement ré-élaboré, des expériences physiques que suppose l’établissement de certaines lois du mouvement. C’est en fait sans doute parce que les règles phénoménales du mouvement sont fausses dans les conditions de l’expérience, qu’elles doivent aussi être établies fictivement.
4Galilée critique, dans Il Saggiatore, une certaine façon de comprendre la « philosophie » (comprenons : « la philosophie naturelle »), comme une activité se soutenant pour ainsi dire par ses propres forces, sans adjoindre à son discours l’épreuve de la nature. Cette manière de philosopher est un dire plutôt qu’un lire :
« Il estime [Sani, l’ennemi à réduire, qui désigne le P. Grassi] que la philosophie est le livre d’un homme, comme l’Iliade ou l’Orlando Furioso, dans lequel la chose la moins importante est de savoir si ce qui est écrit est vrai. [...] La philosophie est écrite dans cet immense livre continuellement ouvert sous nos yeux, c’est-à-dire l’univers, mais on ne peut le comprendre si d’abord on n’apprend à connaître la langue en laquelle il est écrit. [...] Il est écrit en langue mathématique et les caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques sans le moyen desquels il est impossible humainement d’y rien comprendre. »1
5Galilée renvoie l’ancienne philosophie naturelle à son statut de création poétique : avant Galilée, il faudrait dire que la philosophie est dans le fabuleux et dans le merveilleux, comme chez l’Arioste2.
6Deux arts distincts quoique très proches s’opposent à l’art qui conduit aux lois exactes de la nature. C’est dans un passage du Dialogue que ces distinctions apparaissent nettement. D’une part, l’art de la combinaison textuelle qui paraît avoir été inventé par la doxographie aristotélicienne et qui semble être le principe même de toute lecture du texte d’Aristote :
« SIMPLICIO. [...] se servant au contraire de la méthode perturbée, il [Aristote] met parfois la preuve d’une proposition au milieu de textes qui semblent traiter de tout autre chose : il faut donc posséder en sa totalité cette grande idée, savoir combiner un passage avec un autre, rapprocher un texte d’un autre qui en est très éloigné. Sans aucun doute, seul celui qui aura cette pratique saura tirer de ses livres les démonstrations de tout ce qu’on peut savoir, car tout y est.3 »
7L’art aristotélicien suppose donc que la subtilité de l’enquête porte sur le livre d’Aristote plutôt que sur celui de la nature elle-même. Cette méthode perturbée joue donc essentiellement d’une matière verbale combinée à l'infini : Aristote, c’est l’oulipo dont une vérité doit bien sortir un jour. La prouesse est de l’ordre de la combinatoire littéraire plus que de l’ordre de la science même et Sagredo a tôt fait de rapporter cette méthode à l’art lui-même.
« SAGREDO. Mon cher Simplicio, puisque cela ne vous ennuie pas que les choses soient disséminées çà et là et que vous croyez pouvoir mélanger et combiner les différentes parties pour en tirer le suc, comme vous et les autres philosophes habiles avec les textes d’Aristote, je vais, avec les vers de Virgile ou d’Ovide, composer des centons et expliquer grâce à eux toutes les affaires des hommes et tous les secrets de la nature. Mais pourquoi parler de Virgile ou d’un autre poète ? J’ai un petit livre bien moins long qu’Aristote ou Ovide, qui contient toutes les sciences et n’exige pas une longue étude pour qu’on s’en forme une idée parfaite : c’est l’alphabet ; qui saura assembler de manière ordonnée les voyelles et les consonnes y puisera les réponses les plus vraies à toutes les questions, et en tirera les enseignements de toutes les sciences et de tous les arts ; c’est exactement ainsi qu’un peintre, avec les différentes couleurs simples, placées les unes à côté des autres sur sa palette, sait, mêlant un peu de l’une avec un peu de l’autre et encore un peu d’une troisième, figurer des hommes, des plantes, des édifices, des oiseaux, des poissons, en un mot imiter tous les objets visibles ; et pourtant, sur sa palette, il n’y a pas d’yeux, de plumes, d’écailles, de feuilles ou de pierres. Au contraire même rien de ce qu’il va imiter, aucune des parties ne doit avoir sa place parmi les couleurs, s’il veut pouvoir tout représenter avec elles ; si, par exemple, il y avait des plumes, elles ne pourraient servir à peindre que des oiseaux ou des plumets.4 »
8Cette tirade en deux moments a deux intentions distinctes. D’une part, Sagredo envisage de montrer l’inanité d’une méthode qui place l’ensemble des textes sur le même plan, dans leur opposition à une science active. Par suite, la réduction de l’œuvre support de la combinatoire à l’alphabet opère un renversement de la critique : de cette matière passive une bonne méthode saura produire les énoncés et descriptions des lois véritables. Mais à cette différence que la méthode ne trouve pas dans les atomes qu’elle compose des sens pré-constitués, comme dans l’accolement bigarré de vers d’Ovide ou de textes d’Aristote, mais produit ce sens global à partir d’éléments qui en eux-mêmes ne portent aucune signification. De même que le peintre produit une imitation sans y intégrer de parties appartenant à l’objet représenté (i.e. des plumes pour lui, des bribes de sens pour Aristote), de même les éléments derniers n’ont en eux aucune des qualités que par leur combinaison ordonnée ils forment dans l’espace de la représentation sensible. L’argument est donc à trois niveaux et l’absurdité de l’art perturbé selon la tradition doxographique aristotélicienne est qu’il ne produit son livre qu’en empruntant à d’autres livres des noyaux de sens pré-constirués. Tel le peintre, le philosophe naturel est celui qui produit le sens à partir d’éléments qui ne portent en eux-mêmes aucun noyau préconstitué de sens, aucune qualité sinon celle d’être les éléments d’un code dont le déchiffrement suppose une combinatoire bien différente de celle d’Aristote.
9C’est par l’exposé d’une fiction cosmogonique que Galilée justifie dans le Dialogue5 la naturalité du mouvement circulaire et, de manière conjointe, l’impossibilité d’un mouvement droit qui se conserve : chaque planète en partant d’un même point aurait acquis une vitesse déterminée par le Créateur et l’aurait conservée. Fable qui illustre l’idée que le mouvement conservé s’amorce à la suite d’un mouvement impulsé en ligne droite. Problème : à partir des vitesses initiales propres à chaque planète, retrouver le point d’origine ! Galilée affirme ici que les calculs réussissent merveilleusement6.
10L’imagination ne se déploie pas seulement vers la détermination d’une origine fabuleuse. Elle peut et doit aussi remédier à l’impossibilité de mettre en évidence, par une expérience ordinaire, les principes pourtant les plus fondamentaux, ceux dont les apparences phénoménales sont l’effet et qui pourtant ne se laissent pas deviner à travers elles. Ainsi en est-il du cadre inertiel dans lequel se déploie indubitablement la pensée de Galilée :
« SALVIATE Pour le comprendre, vous n’avez qu’à modifier une idée depuis longtemps imprimée dans votre esprit ; et dites-vous : jusqu’ici j’ai estimé que l’immobilité autour de son centre est une propriété du globe terrestre ; je n’ai donc jamais rencontré de difficulté ou de résistance à comprendre que par nature toutes ses parcelles sont, elles aussi, dans le même repos ; mais il en va de même si l’instinct naturel [naturale instinto] du globe terrestre est de tourner sur soi-même en 24 heures, chacune de ses parties doit également avoir une inclination intrinsèque et naturelle [intrinseca e naturale inclinazione], non pas à demeurer immobile, mais à suivre la même course. Sans aucun inconvénient, vous pourriez ainsi conclure que, si le mouvement communiqué par la force des rames du navire, et, par lui, à toutes les choses qu’il contient, ne leur est pas naturel mais étranger, la pierre, une fois séparée du navire, doit bien, elle, retrouver son état naturel et exercer à nouveau son pur et simple talent naturel [naturai talento].7 »
11Ce passage est faussement anodin, il agit à la façon d’un intermédiaire. Salviati envisage en effet le problème du bateau dans les termes mêmes qui sont ceux de Simplicio, le conduisant à admettre une solution temporaire, qu’il peut admettre : habituons-nous à considérer que la tour (image qui figure aussi le mât du navire au sommet duquel on lâche une pierre), animée par un mouvement naturel circulaire qui lui vient de ce qu’elle participe au mouvement terrestre, imprime à la pierre un talent naturel (circulaire), tandis que dans le bateau, une fois libérée du mouvement contraint rectiligne uniforme que lui imprime la course du navire, la pierre retrouve son talent naturel initial (ie : mouvement rectiligne vers le centre) et possède donc un mouvement transversal. Tout ceci sans inconvénient, c’est-à-dire sans que les deux talents naturels (dont l’un cependant, celui de la gravité, est dit pur et simple par rapport au mouvement uniforme d’entraînement transversal). Mais nous sommes dans le double langage.
12Salviati ajoute une remarque sur la différence des milieux entre l’air qui entoure la tour (adhérente au mouvement commun) et celui qui agite le bateau (moins adhérent). Sans doute vise-t-il ici l’explication des différences et décalages que l’expérience du bateau pourrait conduire à observer. De fait, le bateau est animé d’une vitesse propre, donc d’un vent relatif qui est sans rapport avec le contact de la tour, immobile sur son aire, avec l’atmosphère8 locale. Ainsi le mouvement réel de la pierre sur le bateau serait transversal9, mais la cause en serait alors le vent, et pas les lois du mouvement. L’exemple de l’aigle lâchant une pierre10, tout en se rapprochant du modèle terrestre, car l’aigle est porté par le vent et il ne s’y oppose pas, permet à Salviati de conforter Simplicio dans son observation de la règle de progression transversale du bateau, tout en préservant le mouvement de la tour, naturel et donc naturellement composé.
13Salviati presse Simplicio, qu’il introduit peu à peu dans l’univers d’une expérience de pensée : « che si osservasse, se non con l’occhio della fronte, almeno con quel della mente »11 de s’expliquer sur les modèles de la Terre et du bateau. Si, comme le voulait Simplicio, l’exemple du navire est proche de celui de la Terre, que se passerait-il si la pierre tombait exactement au pied du mât ? L’expérience a-t-elle été faite ? Galilée affirme qu’il l’a faite, non pas dans le Dialogue, mais dans ses Lettres. Dans celle qu’il adresse à Ingoli, en 1624, il se vante d’une expérience concluante à tous égards12. Ainsi, après avoir dissocié la Terre et le bateau, pour les besoins d’une conversion progressive de Simplicio à la thèse définitive, Galilée affirme qu’il en est de ce dernier comme de la première : il est impossible de déduire d’une expérience sur le bateau quelque conséquence que ce soit quant au mouvement du bateau.
14D’une part, c’est une sérieuse entaille dans l’idée selon laquelle il n’y a chez Galilée qu’une inertie circulaire. D’autre part, l’assurance tranquille avec laquelle Salviati affirme que « Io senza esperienza son sicuro che l’effetto seguirà come vi dico, perché cosí è necessario che segua »13 est le point de départ d’une lecture « platonisante » de Galilée14 à laquelle répliqueront des lectures empiristes de son œuvres15.
15C’est à la même projection imaginative que nous assistons lorsque Galilée envisage les conditions d’un mouvement indéfiniment conservé. Ici, l’épure confine à l’abstraction, c’est-à-dire au lieu introuvable où se situe une expérience sans objet, une connaissance de type synthétique a priori qui a cependant la prétention de nous dire de quelle manière sont structurés le mouvement et la nature elle-même.
« SALVIATI. Nous pouvons donc conclure que s’il est vrai que, suivant le cours ordinaire de la nature, un mobile, une fois ôtés tous les obstacles extérieurs et accidentels, se meut sur un plan incliné avec une lenteur plus grande à mesure qu’est moindre l’inclination, si bien que finalement sa lenteur devient infinie, lorsque l’inclination prend fin et devient un plan horizontal, et s’il est également vrai que le degré de vélocité acquis en n’importe quel point d’un plan incliné est égal au degré de vitesse que possède le corps qui chute par la perpendiculaire à l’intersection de la ligne parallèle à l’horizon qui passe par ce point du plan incliné ; il faut nécessairement poser que le corps qui chute, partant du repos, passe par tous les degrés infinis de lenteur et que, par conséquent, pour acquérir un degré déterminé de vitesse, il faudra qu’en premier lieu il se meuve en ligne droite, chutant sur un espace court ou long, selon que la vitesse à acquérir devra être plus petite ou plus grande, et selon que le plan sur lequel se fait la chute sera plus ou moins incliné : de sorte qu’il est possible de se donner un plan avec si peu d’inclination que, pour acquérir tel degré de vitesse, il faudra en premier lieu se mouvoir sur une distance extrêmement longue, en un temps extrêmement long. »16
16Seule l’imagination d’un impeto qui va s’épuisant peut nous représenter le processus par lequel le concept même de mouvement conservé parvient à être pensé sous l’illusion persistante d’un mouvement qui cesse spontanément. C’est donc une valeur heuristique et opératoire qui est donnée à l’imagination dans le Dialogue galiléen.
II. Science et fiction chez Christiaan Huygens
La critique de Descartes
17On réserve d’ordinaire l’abord du roman de physique cartésienne au seul texte du Monde, or la fréquence des occurrences du terme et du style propre au romanesque chez Descartes montre qu’en effet c’est la philosophie cartésienne dans son ensemble qui joue constamment de la relation entre trame fictionnelle et progression du concept. Les Méditations métaphysiques revendiquent un type de lecture qui renonce à la dramaturgie dogmatique du traité ou de l’essai :
« [...] mais je ne le saurais pas mettre par force en l’esprit de ceux qui ne liront mes Méditations que comme un roman, pour se désennuyer, et sans y avoir grande attention. »17
18Le champ de pertinence de ce rapport au texte ne se limite pas au cheminement tout particulier des Méditations, puisque les Principes revendiquent aussi – ce que l’on peine à croire – cette nonchalance qui tisse un rapport particulier à l’attention. Si cette dernière n’est pas requise, c’est moins pour accorder la possibilité de l’erreur que pour prévenir celle qui ne manquera pas de surgir aux moments les plus difficiles. Or l’essentiel d’une lecture, thèse paradoxale si elle n’était pas à ce point contrefaite ici, se construit dans la compréhension grossière du tout :
« J’aurais aussi ajouté un mot d’avis touchant la façon de lire ce livre, qui est que je voudrais qu’on le parcourût d’abord tout entier ainsi qu’un roman, sans forcer beaucoup son attention ni s’arrêter aux difficultés qu’on y peut rencontrer, afin seulement de savoir en gros quelles sont les matières dont j’ai traité. »18
« Mais, ne proposant cet écrit que comme une histoire, ou, si vous l’aimez mieux, que comme une fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu’on peut imiter, on en trouvera peut-être aussi plusieurs autres qu’on aura raison de ne pas suivre, j’espère qu’il sera utile à quelques uns sans être nuisible à personne, et que tous me sauront gré de ma franchise [...]. »19
« [...] la gentillesse des fables réveille l’esprit »20. « [...] Mais je croyais avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires, et à leurs fables. Outre que les fables font imaginer plusieurs événements comme possibles qui ne le sont point. »21
19On le voit, le vertige d’une inversion des discours, entre science, philosophie et œuvre littéraire (pour Descartes comme pour son lecteur, qu’il apostrophe à de nombreuses reprises) fait partie intégrante du style cartésien. Mais c’est effectivement dans le Monde que le style, consciemment posé au titre de l’incertitude de la conjecture, se trouve l’élément principal de la caractérisation du savoir comme ce qui, prenant appui sur les forces contrastées d’une imagination tournée vers l’idée d’une vérité à saisir, tend essentiellement à détourner l’esprit de l’ennui :
« [...] afin que la longueur de ce discours vous soit moins ennuyeuse, j’en veux envelopper une partie dans l’invention d’une fable, au travers de laquelle j’espère que la vérité ne laissera pas de paraître suffisamment et quelle ne sera pas moins agréable à voir que si je l’exposais toute nue. »22
20L’idée de fiction possède chez Descartes un sens déterminé comme « fiction de l’esprit » qui sert à l’introduction du doute comme d’une privation du fondement que toute chose possède dans les simples et immuables natures. Ainsi, cela est bien connu, ce n’est pas seulement la science cartésienne qui tire parti de cette distance qu’introduit la fiction imaginative : la métaphysique elle aussi en récupère les bienfaits pour ses propres besoins. Descartes est en effet conduit à introduire la réduction de l’étendue et de ses modes par un recours à la possibilité du vagabondage où seules subsistent la pensée et ses cogitations :
« Je crois que le corps, la figure, l’étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. »23
21Dans cette détermination cependant, la fiction s’oppose à l’imagination en tant que cette dernière ne peut être exprimée dans le sujet que pour autant qu’il soit affecté, par les corps qui environnent le sien. Or la croyance que décrit Descartes est, à ce moment précis de l’entreprise du doute, fondée dans ce qui ne pourrait être pensé que comme une création de l’esprit sans rapport à une extériorité qui n’existe temporairement pas. De cette analyse rapide de l’extension que possède, chez Descartes, une pratique légitime de l’imagination, il ressort qu’on ne saurait opposer à la méthode cartésienne son recours aux fictions imaginatives puisque, bien loin de les dissimuler au titre de ce dont on ne pourrait que chercher à se défaire comme d’une emprise du corps sur les processus d’idéation, la philosophie cartésienne en fait un usage constant et déterminé. Le fictif appartient manifestement chez Descartes à l’ordre des procédés de la feinte qui révèlent par contrecoup, – c’est vrai du Monde comme des Méditations –, ce qui ne peut être posé immédiatement, mais demande à être déréalisé avant sa saisie adéquate et vraie.
22L’intervention de Christiaan Huygens dans cette analyse des rapports entre fiction et science pure des phénomènes peut être distribuée en deux moments. D’une part, Huygens se situe ouvertement dans la tradition galiléenne qui sépare le mode d’exposition fictionnel des hypothèses et celui qui recherche l’établissement d’un corps de propositions dont l’ordre serait déterminé par une nécessité logique d’enchaînement. C’est en ce sens qu’il reproche à Descartes une construction de la philosophie naturelle malheureusement proche du « roman », terme qui renvoyait à une fiction rationnelle chez le Descartes du Monde, mais qui prend nettement le sens d’un pur délire imaginatif sous la plume de Huygens. Descartes a péché en mélangeant trop ouvertement l’énoncé d’un corps rationnel d’hypothèses, celui du Monde ou Traité de la lumière, avec une perspective sciemment ancrée dans une irréalité à laquelle le savant hollandais ne croit guère. C’est ce qu’il précise dans une lettre à Adrien Baillet portant sur la publication de sa Vie de M. Descartes, immédiatement après sa parution.
« Ce qui a fort plu dans le commencement quand cette philosophie a commencé de paroitre, c’est qu’on entendoit M. des Cartes, au lieu que les autres philosophies nous donnoient des paroles qui ne faisoient rien comprendre, comme ces qualitez, formes substantielles, especes intentionnelles, etc. [...] Mais ce qui a surtout recommandè sa philosophie, c’est qu’il n’est pas demeurè à donner du degout pour l’ancienne, mais qu’il a osè substituer des causes qu’on peut comprendre de tout ce qu’il y a dans la nature. »24
23Mais Huygens ajoure immédiatement que Descartes, jaloux de la renommée de Galilée, s’est pensé comme l’auteur d’une « nouvelle philosophie » dont il aurait voulu qu’elle s’enseignât dans les « académies à la place de celle d’Aristote »25. Cruellement, mais d’une manière qui n’est pas isolée dans les écrits tardifs de notre savant, il ajoute :
« [...] j’ai dit qu’il donnait ses conjectures pour des vérités [...] sans qu’il se soit arrêté à quantité d’absurdités que ces hypothèses traînaient avec elles. »26
24Car les lois cartésiennes ont le désavantage manifeste, pour Huygens, de décevoir le principe même d’une nouvelle science précisément dans la mesure où elles sont fausses. Ainsi ne peut-il se résoudre à être réduit au nombre des cartésiens défendant à grand bruit la physique de leur maître :
« Alors qu’ils [les cartésiens] estiment quant à eux qu’il est possible de sauvegarder tous les dogmes de cet homme à l’esprit des plus pénétrants, ils se trompent grandement, à mon sens, et cela j’en ai témoigné, en ce qui regarde les questions physiques, dans ce que j’ai récemment fait publier au sujet de la lumière et de la cause de la pesanteur. J’ai dit en effet que dans la plupart des thèmes physiques qu’il a traités Descartes selon moi s’est trompé. »27
25Huygens met en avant, contre Descartes mais sans véritablement entrer dans le détail de la conceptualisation cartésienne du fictif et du feint, le caractère globalement fictif d’une physique qui ne parvient pas à entrer dans des déterminations métriques. Le reproche ne s’adresse donc pas seulement au mode d’exposition qui, du Discours de la méthode au Monde, parcourt les genres littéraires de la biographie, de la méditation, puis de la franche insertion d’un décor fictif sur fond duquel se déploient les hypothèses relatives à la constitution de l’univers. La critique de Huygens touche la physique cartésienne en son fond, c’est-à-dire dans les Principes de la philosophie, puisque c’est en produisant une science fausse que Descartes s’est laissé abuser par sa propension à imaginer les rapports plus qu’à les mesurer. Huygens est de la même façon hermétique aux remarques de Descartes qui entourent et délimitent l’exposé des règles du choc contenu dans les Principes. Descartes, arguant de l’impossibilité de séparer radicalement les corps28 afin d’obtenir le traitement pur et abstrait requis par la mécanique rationnelle, anticipe et assume la fausseté des règles du choc, c’est-à-dire leur absence de corrélation observable en nature29. Or Huygens, partant des mêmes principes abstraits que sont la conservation de la quantité de mouvement puis celle des grandeurs multipliées par les carrés des vitesses30, parvient à une règle calculable qui peut et doit être éprouvée par l’observation de cas concrets de chocs. D’une certaine manière, c’est le statut cartésien de la fiction comme intermédiaire entre la forme abstraite des lois et le trait fondamental de l’étendue qu’est sa complexité propre (liée pour l’essentiel à ses propriétés de liquidité), qui n’offre plus, chez Huygens31, de signification particulière.
26Cependant, l’imagination n’est pas dépourvue de toute fonction chez Huygens. S’éloignant alors de la tradition attribuée à Galilée, Huygens trouve, semble-t-il, dans les ressources de l’imagination et de la fable le moyen de concilier deux pôles opposés de sa propre réflexion. D’une part, l’idée de relativité du mouvement et d’autre part, l’affirmation de la vérité du système copernicien. De ce système on n’a pas de preuve si ce n’est l’assentiment de ceux qui possèdent assez l’outil mathématique pour interpréter la masse des observations effectuées entre 1610 et la date de composition du Cosmotheoros (1690). C’est dans l’absence de preuve que se trouve justifié l’emploi de la multiplication fictive des points de vue pris sur l’univers.
La fiction comme art du probable
27Le Cosmotheoros est un ouvrage dans lequel deux orientations sont suivies, l’une fondée dans le principe de relativité, l’autre dans l’affirmation non-relative de la croyance en la vérité du système copernicien.
28D’une part, dans le Premier Livre, Huygens se livre à une analyse de la pluralité des mondes, directement déduite de la doctrine copernicienne, dont il propose, dès lors, une présentation à l’usage d’un lectorat qu’il veut plus élargi que le public strictement savant de l’époque. De cette pluralité, Huygens conclut à la nécessité d’une colonisation de chaque système solaire par des planéticoles dont il tente de penser les caractéristiques.
29D’autre part, dans le Livre Second, Huygens propose un essai systématique de mesure de l’univers. Il est ainsi l’un des premiers qui ose quantifier la distance qui nous sépare de Sirius, en exposant les principales méthodes astronomiques de l’époque. Kant pourra dire qu’aucun progrès, de ce point de vue, n’a été fait depuis Huygens32. Se plaçant imaginairement sur chacune des planètes, Huygens reconstruit l’horizon cosmique qui doit être le leur, questionnant en chaque point du système solaire les apparences qu’on y pourrait rencontrer. Tout à la fois pédagogie copernicienne, spéculation philosophique, tentative d’essai sur l’histoire de la cosmologie et traité astronomique, le Cosmotheoros a subi une injuste éviction du domaine des publications accessibles et modernes. Les Éditeurs des Œuvres complètes de Christiaan Huygens ont publié le texte latin et une traduction française, mais leur travail, quoique réalisé avec le plus grand sérieux, manifeste souvent le mépris scientiste du tournant des xixe et xxe siècles pour tout ce qui, chez Huygens, ne relève pas de la recherche pure, mais d’un mixte où des pensées de tous ordres se succèdent. On a peu relevé que le Cosmotheoros, bien plus qu’un ouvrage de vulgarisation plaisant, sur le modèle de celui de Fontenelle, quoique d’une nature bien différente, représentait, dans l’œuvre de Huygens, le moment d’une double mise au point, interne et externe.
30Interne car l’inextricable conflit du copernicanisme et d’un principe ferme de relativité trouve dans le Cosmotheoros un dénouement, sinon définitif ou démonstratif, du moins remarquable dans le Second Livre. C’est en effet dans la multiplication des points de vue pris sur le système solaire que peut surgir, à l’intérieur d’une application constante de la règle de relativité du mouvement, une conciliation entre la représentation du mouvement selon son concept – qui est d’être un rapport – et selon sa signification cosmologique – qui renvoie à un « vrai » système.
31Externe puisque Huygens voit converger dans une seule et même perspective la tradition de la pluralité des mondes habités et ses propres réflexions relatives à l’abaissement de l’orgueil de la raison. Dans l’esprit de Huygens en effet, il ne fait aucun doute que la conséquence la plus rationnelle de la doctrine copernicienne tient dans la supposition d’un nombre de mondes aussi grand que ne l’est celui des étoiles.
32L’ouvrage se situe donc dans l’exacte perspective ouverte par le Sidereus Nuncius et le Dialogue de Galilée. Comme ce dernier, Huygens place l’ensemble de ses découvertes sous la détermination d’une défense et illustration de l’hypothèse copernicienne, ce que Descartes ne fait pas. Comme Galilée, Huygens se garde de toute allusion à la cosmogonie, les raisons dernières de la mécanique ne permettant certes pas à un esprit fini de remonter les chaînes mécaniques et causales qui permettraient de rendre compte d’un processus génétique de formation de l’univers :
« Que je ne m’arresteray pas a produire les raisons pour le mouvement de la terre, mais que je supposeray le systeme selon Copernic. »33
33Quelle qu’en soit l’audace propre, l’entreprise de Huygens est bien plus modeste que celle de Descartes. Cette réserve, éclairante quant aux limites imposées par Huygens à la philosophie naturelle, renvoie tout à la fois à une représentation de Dieu comme d’une puissance infinie et souveraine placée en dehors de toute réduction catégorielle34 et à une compréhension du statut des hypothèses et conjectures en tant que propositions indépendantes de toute considération des fins divines. En ce sens le Cosmotheoros est une illustration exemplaire de ce que peut la raison, c’est-à-dire l’imagination rationnelle des conséquences extrêmes de la pluralité des mondes, et de ce qu’elle ne peut pas : penser génétiquement et causalement l’action et les fins de Dieu. Huygens est sans doute moins libertin et athée qu’on ne le laisse croire d’ordinaire35.
Les planéticoles
34Abordant cette question de la pluralité des mondes habités, la science huguenienne n’a jamais été aussi proche de ce que ses propres contemporains auraient pu nommer, s’ils en avaient eu connaissance, « science-fiction ». Il est remarquable de constater que l’ensemble des conjectures auxquelles se livre ici Huygens doivent être placées sous le signe de l’imagination. Mais malgré les railleries de ses contemporains, malgré le préjugé scientiste qui a conduit à écarter le Cosmotheoros des publications sérieuses de Huygens, cette imagination féconde n’est pas autre chose La fable plaisante par laquelle Huygens tente de donner forme aux facultés corporelles et mentales des planéticoles, la recherche même des conditions minimales au sein desquelles la vie peut se maintenir se renverse en une analyse dont le statut n’est en aucun cas fictionnel, mais bien rationnel de part en part. Il demeure très difficile de donner une origine aux spéculations de Huygens sur le sujet. Néanmoins on trouve une allusion éclairante à la question de l’habitabilité des planètes dans le Systema Saturnium de 1656. Huygens y fait allusion, sans y insister, aux apparences de mouvements célestes qui s’offrent aux habitants de Saturne36. Signe du caractère encore délicat de la question, qui remet bien sûr en cause la prééminence de l’homme dans l’univers, un certain Eustache de Divinis s’arrête à cette mention dans la Brevis Annotatio qu’il donne à l’ouvrage de Huygens. La critique est acerbe :
« Au sujet des saturnicoles, rien à dire, ce délire est mieux réfuté par le rire que par des arguments. En outre il est contraire aux dogmes catholiques qui ne reconnaissent que les hommes qui proviennent de la semence d’Adam. »37
35Toutes proportions gardées, Huygens tient ici son Bellarmin, qu’il identifie par ailleurs comme étant Fabri38, ardent défenseur de la foi catholique, personnage contre lequel Huygens se prémunit, dans son Asserito de 1660, en établissant pour toute réponse une argumentation qui hiérarchise les niveaux de conceptualisation et de compréhension du mouvement. Si en toute abstraction la nature relative du mouvement rend les hypothèses de Tycho Brahé et de Copernic équivalentes, en pratique et « selon la vérité de la chose »39, il en va différemment :
« Personne à mon avis ne pourrait raisonnablement me reprocher d’avoir adapté mon système de Saturne au système de Copernic. Comme cependant Fabri défend à tous les Catholiques de se servir de ce dernier, je m’étonne de ce qu’il ne déclare pas que déjà pour cette seule raison toutes mes fictions doivent être rejetées. Mais il voyait, je pense, que je pourrais facilement substituer au Système de Copernic celui de Tycho. En effet, pour les phénomènes en question il importe peu lequel des deux j’emploie. Toutefois la vérité de la chose ne peut être expliquée autrement qu’en suivant Copernic ; et de plus notre Système de Saturne corrobore fortement ce lien. [···] Mais il est certain qu’en France le Systeme de Copernic est défendu parfois non pas comme une hypothèse mais comme une vérité acquise, et cela même par des ecclésiastiques et des prêtres qui enseignent ouvertement cette doctrine dans des volumes entiers, sans aucune contradiction que je sache de la part de Rome. »40
36L’allusion finale à la liberté nouvelle d’expression en Europe renvoie à Fabri l’image d’un combat théologique qui semble d’arrière-garde. Pourtant, sur la question précise des Saturnicoles, Huygens est plus enclin en 1660 au larvatus prodeo qu’à l’affirmation publique d’une thèse effectivement moins commune que ne l’est l’héliocentrisme. Il donne en effet une explication simplement technique de la mention des habitants de Saturne dans l’ouvrage de 1656 :
« En effet je n’ai pas disserté sur eux au point d’affirmer leur existence ou de conclure, en ayant donné des raisons, que cette existence était vraisemblable. Bien au contraire ai-je affirmé m’abstenir d’écrire plus avant au sujet de l’Astronomie41 telle qu’elle serait pour les habitants de Saturne, et cela parce que la plupart des gens considèrent par trop absurde l’idée qu’il y ait des hommes dans les planètes. [...] Mais cependant, lorsque j’ai évoqué les “mois des Saturnicoles”, en évaluant la période de la Lune de Saturne, je n’ai rien fait d’inédit ou d’insolite aux yeux des astronomes chez qui rien n’est plus fréquent que d’imaginer que quelque chose existe sur le Soleil ou sur la Lune afin qu’il soit par suite témoin du mouvement des astres. »42
37Huygens prend-il ici quelques précautions en montrant que bien loin d’avoir construit une thèse en bonne et due forme, il ne fait que reprendre à son compte une habitude propre aux astronomes consistant à placer des observateurs virtuels à divers endroits du système solaire afin d’en décrire les mouvements ? L’affirmation n’est certes pas dénuée de fondement43, mais considérant que la thèse de Fabri repose essentiellement sur le fait que planetas reliquos nullo modo Terrae assimilandos44, il est aisé de voir que Huygens ne peut véritablement se limiter à l’affirmation de Saturnicoles techniques. Le préambule de Huygens, pour qui la Terre est indubitablement dans le ciel45, laisse penser que, contre l’opinion la plus répandue, il estime probable, dès cette époque, l’existence de planéticoles en général, au moins au titre d’un principe de recherche. Nous lisons par ailleurs en un autre passage du Systema Saturnium l’étroite imbrication entre le déplacement virtuel et technique d’un observateur sur Saturne et la recherche des propriétés internes du milieu offert aux Saturnicoles, cette dernière recherche débordant largement le simple cadre de l’astronomie :
« Maintenant il ne semblerait pas, peut-être, hors de propos si, de la même façon que nous avons observé son système depuis notre position terrestre, nous déplacions par suite notre raisonnement vers le globe de Saturne lui-même et que nous examinions cela à savoir : quel y est l’aspect de l’univers et quels seront les périodes des années, des mois et des jours, quelle est la succession des étés et des hivers, et surtout quel est nécessairement l’effet de l’anneau qui s’enroule autour de la planète pour ses habitants ? »46
38Le véritable problème que pose la réponse de Huygens n’est donc pas de savoir s’il croit en l’existence de Saturnicoles, mais bien de constater qu’il a toutes les raisons de penser, contre Fabri, à la possibilité toute théorique de l’existence d’autres êtres vivants dans l’univers. Il est bien évident que ni Huygens ni Fabri, ou son prête-nom Eustache de Divinis, ne limitent la portée de leur polémique à l’existence factuelle d’habitants de Saturne. C’est une figure universelle de l’altérité qui est repoussée par la voix du catholicisme de Fabri. L’hypothèse huguenienne s’est développée en privilégiant les analogies et les similitudes entre les facultés proprement humaines et celle qu’il convient d’attribuer, toutes choses étant par ailleurs égales, aux planéticoles. Ce faisant, Huygens ne suit ni les leçons de Galilée ni celles de François Bernier47 dont les hypothèses de travail insistent davantage sur la nécessaire hétérogénéité des planéticoles, s’ils existent.
39Ainsi Galilée aborde-t-il la question de la pluralité des mondes lors de la Première Journée du Dialogue :
« SAGREDO. Peut-il, sur la Lune ou une autre planète, s’engendrer des herbes, des plantes ou des animaux semblables aux nôtres, peut-il y avoir des pluies, des vents, des orages comme autour de la Terre ? Je n’en sais rien et je ne le crois pas, je crois encore moins qu’elle soit habitée par des hommes. Certes il ne s’y engendre aucune chose semblable aux nôtres mais cela n’entraîne pas nécessairement qu’il ne s’y produise aucune altération, qu’il ne s’y puisse trouver d’autres choses qui s’engendrent et se dissolvent, des choses très différentes des nôtres, et même très éloignées de tout ce que nous pouvons imaginer, bref totalement impensables pour nous48. [...]
SALVIATI Je me suis maintes fois laissé aller à songer là-dessus et finalement, si je peux, me semble-t-il, trouver certaines choses qui ne sont pas et ne peuvent pas être sur la Lune, je ne puis, sauf de façon vague et générale, imaginer aucune de celles qui y sont et peuvent y être, je veux parler des êtres qui en font l’ornement par leur opération, leur mouvement et leur vie et qui, tout autrement que nous peut-être, voient et admirent la grandeur et la beauté du monde, ainsi que de son Auteur et Gouverneur, chantent continuellement des louanges à Sa gloire, qui, en un mot (c’est ce que je veux dire), faisant ce qu’affirment si souvent les écrivains sacrés, s’occupent sans cesse, avec toutes les créatures, à louer Dieu. »49
40Cette question de la pluralité des mondes habités relève donc des débats vagues et indécidables et Galilée y adopte en conséquence, pour la laisser très vite à son sort, une hypothèse liée à une pensée de l’évolution. Il s’agit pour lui de reconnaître que l’imagination ne construit que d’après ce qu’elle voit, incapable sans doute de produire dans la représentation l’infinité des formes dont la nature est capable. Toute pensée de l’extra-terrestre hétéromorphe, étranger aux formes que nous connaissons, est aussi une pensée de la génération locale, nécessairement évolutive, qui échappe à la fixité du créationnisme dans lequel le nombre des espèces est fixé au préalable. On pourrait certes affirmer que Dieu a créé plus de formes à l’origine qu’il n’y en a effectivement dans les Écritures, mais le propos de Sagredo incline plus à la désignation d’un mécanisme de génération entièrement asservi aux conditions locales, c’est-à-dire au milieu propre à chaque planète. Trente années de maturation intellectuelle rendront cette thèse publiable au titre d’une philosophie naturelle plus engagée dans la défense des conséquences de la doctrine copernicienne que des lieux scripturaires qui en interdiraient l’expression. Contrairement à Wilkins50, à Kepler51, à Cyrano de Bergerac52 ou à Pierre Borel53, Huygens réfute l’habitabilité de la lune Il peut donc affirmer dès les premières lignes du Cosmotheoros :
« Il est à peine possible, mon cher frère, que celui qui s’accorde avec Copernic et pense que la Terre, où nous sommes, est une parmi les Planètes qui tournent autour d’un soleil dont elles reçoivent toute leur lumière, ne juge de temps à autres conforme à la raison l’idée que, tout comme ce Globe qui est le nôtre, tous les autres aussi ne manquent de cultures, de ressources ni, peut-être, d’habitants. »54
41Le projet du Cosmotheoros, loin d’être le fruit d’une adhésion tardive de Huygens à la vulgarisation scientifique des conséquences ultimes du copernicianisme, ou simplement l’effet d’un renoncement à toute activité proprement scientifique, est conçu, dès les premières années, comme le pendant de toute adhésion à l’astronomie copernicienne. Ainsi Huygens écrit-il en 1658, dans un fragment préparatoire à l’édition du Systema Saturnium :
« si homines st[atuere]
dat his opacus is
uyt Jupiters satellites eclipsen
van sijn grootte. verheyt.
hoe de cornes de phases als onse maen heeft, doch is kleinder na propor ne
hoe sijn ring vertoont.
sijn jaeren. aequinoctia.
sijn maens verheijt.
hoe de andere planeten. »55
42La Dedicano du Systema Saturnium avait insisté sur l’idée d’un approfondissement de l’argument présenté par Galilée dans le Sidereus Nuncius à propos des satellites de Jupiter : il y a d’autres centres dans l’univers que celui que la Terre représente pour le mouvement lunaire. Cet approfondissement est rendu possible par la découverte d’un satellite de Saturne, qui doit frapper bien plus l’imagination par le fait que, tout comme la lune, il semble être le seul corps qui accompagne la planète dont il est le satellite56. On le voit, jointe immédiatement à cette intuition d’une parenté de structure entre la Terre et Saturne, se pose la question de la présence d’« hommes » sur Saturne. Huygens renouvelle le genre de l’entretien sur la pluralité des mondes habités en incorporant cette méditation devenue classique à un fonds observationnel et métrique de premier ordre qui fait du Cosmotheoros l’aboutissement au style mixte d’une tradition littéraire et d’une scientificité sans équivalent dans cette sorte de littérature. Huygens insère en effet sa contribution à l’idée de pluralité des mondes au sein d’un genre littéraire dont l’origine se situe, selon les termes mêmes du Cosmotheoros, a priscis philosophis, c’est-à-dire chez Démocrite57. Huygens se charge lui-même d’indiquer quelles sont ses sources, au nombre desquelles il faut compter Kepler, Galilée et Wilkins58.
43Huygens établit aussi les conditions structurelles et environnementales des mondes susceptibles de favoriser la vie et la pensée59. Le Livre Second du Cosmotheoros ne déroge donc en rien à l’idée que Huygens se fait de l’astronomie rénovée par ses contemporains : une « constitution générale de l’Univers », selon les termes de Kant dans la Théorie du Ciel60, qui peu à peu se désolidarise d’une autre pratique, plus calculatoire. Huygens ne cesse de décentrer le regard de son lecteur en lui décrivant les apparences du ciel vues depuis chaque point du système solaire. C’est l’occasion pour lui de donner toute la mesure de sa contribution à l’astronomie d’observation, mentionnant à loisir sa découverte de l’anneau de Saturne, son estimation de la taille de Jupiter61. Dans un style qui doit rappeler celui du Sidereus Nuncius de Galilée, Huygens s’applique à des conjectures sur les différentes particularités atmosphériques et environnementales des planètes inférieures. L’effet de cette multiplication des points de vue tient, bien évidemment, dans la consolidation de la certitude morale qui touche l’hypothèse copernicienne. Certes le fait d’imaginer un observateur sur d’autres planètes pour en décrire le ciel apparent est un geste qui appartient à l’histoire même de l’astronomie. Il n’a donc rien d’étonnant. Mais Huygens ne se limite pas à décrire le ciel de Vénus, de Mars ou de Saturne. Il en décrit aussi la géographie, n’hésitant pas, lorsque l’occasion s’en présente, à s’attarder sur les merveilles que ces mondes possibles offrent au regard :
« Mais après minuit la même ombre se meut peu à peu vers la droite pour un spectateur vivant dans l’hémisphère boréal, vers la gauche s’il habite l’hémisphère opposé. Et cette ombre s’évanouit le matin, tandis que l’apparence d’un arc se maintient, lequel ils peuvent voir toute la journée, mais plus faiblement lucide que ne nous apparaît la Lune de jour. [...] Le spectacle de l’anneau [Huygens évoque ici les Saturniens hypothétiques] doit en outre être plus beau par le fait qu’ils peuvent le voir tourner dans son plan d’après le mouvement de certaines taches ou parties inégalement lumineuses. »62
44En multipliant les points de vue concordants, Huygens dilue l’aporie de la nature relative du mouvement dans l’ivresse imaginative, et volontiers bucolique, d’horizons qui convergent vers un même ciel. Ce que ni les raisons coperniciennes ni les lois de Kepler et de Newton n’ont pu véritablement prouver, Huygens tente de le faire voir. En privilégiant une description intégrale des milieux planétaires, Huygens, cela n’a été que peu noté, remplit l’intuition sensible d’une collection d’images aisées à colporter, qui font de son ouvrage une vulgarisation de l’idée de pluralité des mondes, assez semblable à l’ouvrage de Fontenelle. Dans les fragments du Codex Hugeniorum 28 que nous citions plus haut, une contradiction n’était pas résolue qui opposait la vocation populaire du Cosmotheoros à l’affirmation brutale de l’ignorance crasse et irréductible du vulgaire en astronomie. C’est donc par l’image que se trouve accomplie l’impossible ouverture des âmes du vulgaire aux raisons mathématiques du système du monde.
Notes de bas de page
1 Il Saggiatore, in Opere di Galileo Galilei, A. Favaro (Ed), Firenze : Edizione nazionale, G. Barberà, 1890-1909, vol. 6, p. 232, [notée : Ed. Naz. no Vol., no pages].
2 Due lezioni all’Academia fiorentina circa la figura, sito e grandezza dell’Inferno di Dante [1588].
3 Dialogue, p. 134, Ed. Naz. vol. VII. Nous utilisons pour le texte français l’édition du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, traduction de François de Gandt et de René Fréreux, Paris, Seuil, 1992.
4 Dialogue, p. 134-135, Ed. Naz. VII.
5 Dialogue, p. 53-54, Ed. Naz. VII.
6 On chercherait en vain ces calculs dans l’œuvre de Galilée, publications et correspondance comprises. Mersenne tenta ces calculs (Harmonie universelle, Paris, 1637, p. 103-107, Newton aussi, cf. I. B. Cohen « Galileo, Newton and the divine order of the solar System » in McMullin (Ed), Galileo man of science, NY, Basic Books, 1967, p. 207 et suiv.). Drake a retrouvé les manuscrits dans lesquels Galilée s’est livré aux calculs qu’il mentionne ici et a soutenu que ces calculs avaient réussi (« Galileos Platonic cosmogony and Keplers Prodromus » in Journal for the History of Astronomy, 4, 1973, p. 174-191). D’autres études plus récentes ont montré que cela n’était malheureusement pas le cas.
7 Dialogue, p. 168, Ed. Naz. V.
8 Dialogue, p. 169, Ed. Naz. VII.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Ibid.
12 Lettre à Ingoli de 1624, p. 145, Ed. Naz. VI.
13 Dialogue, p. 171, Ed. Naz. VII.
14 Alexandre Koyré, Études galiléennes, Hermann, Paris, 1939.
15 Stillman Drake, Galileo at work – His scientific Biography. The University of Chicago Press, 1978.
16 Dialogue, p. 52, Ed. Naz. VIL
17 Méditations métaphysiques, Réponses de l’Auteur aux Secondes Objections, in René Descartes, Œuvres, éditées par Ch. Adam et R Tannery, 12 vol. et un suppl., 1896-1913, rééd. Vrin, Paris 1964, noté AT suivi du no du volume et de la page : AT, IX, p. 107.
18 Lettre-Préface aux Principes de la philosophie, AT, IX, p. 11-12.
19 Discours de la méthode, Première partie, AT, VI, p. 4.
20 Ibid., p. 5.
21 Ibid., p. 7.
22 Le Monde ou Traité de la lumière, Ch. V, AT, XI, p. 31. Ce passage en annonce un autre dans le Monde : « si bien que je me contenterai de poursuivre la description que j’ai commencée, comme n’ayant autre dessein que de vous raconter une fable », Ibidem, Ch. VII, AT, XI, p. 48.
23 Méditations métaphysiques, Méditation Seconde, AT, IX, p. 19.
24 Lettre de Huygens à Baillet à propos de son ouvrage, La vie de M. Descartes, 1691, in Œuvres Complètes de Christiaan Huygens. Editées par la Société Hollandaise des Sciences, XXII vol., La Haye 1888-1950, vol. X, p. 399-406, noté : O. C, X, 399-406.
25 Ibid.
26 Ibid.
27 Lettre à G. Meier de juin 1691, O. C., X, p. 104-105.
28 Descartes, Principes de la philosophie, Seconde Partie, article 53, AT, IX, 93-94.
29 Avec une belle constance, Descartes avait déjà convenu avec Mersenne du caractère nécessairement inachevé de notre connaissance des chocs et de leur force : « Je ne mets point ici comment on peut calculer combien il faudrait de coups d’un petit marteau pour égaler la force d’un gros, à cause qu’il y a tant de choses à considérer en tels calculs, et ils s’accordent difficilement avec l’expérience et servent si peu, qu’il est, ce me semble, mieux de n’en point parler ». À Mersenne, 11 juin 1640, AT, III, 80.
30 Voir Fabien Chareix, « La découverte des lois du choc par Christiaan Huygens », in Expérience et raison, la science chez Huygens (1629-1695), Revue d’Histoire des sciences, 56-1 (2003), p. 15-58.
31 Cf. Lettre à Meier de 1691, op. cit. : « Il [Descartes] assurait de certaines choses sans démonstrations, comme ces lois du mouvement dans les corps qui se rencontrent ; qu’il faisait accepter pour vraies en permettant de croire que toute sa physique fût fausse si ces lois l’étaient. C’est à peu près comme s’il voulait les prouver en faisant serment ».
32 Emmanuel Kant, Histoire générale de la nature et théorie du ciel, 1755, traduction, introduction et notes de Pierre Kerszberg, Anne-Marie Roviello, Jean Seidengart, Traduction de Allgemeine Naturgeschichte und Theorie des Himmels, Paris, Vrin, 1984.
33 Pensees meslees, O. C., XXI, p. 349.
34 « Nous ne pouvons concevoir par la raison ce qu’est la fin de tant de choses que Dieu a construites et peut-être construit perpétuellement », De Rationi Imperuijs, 1690, O. C., XXI, p. 513-516.
35 Voir Paul Vernière, Spinoza et la pensée française avant la révolution. Paris, PUF, 1954, p. 93 où Huygens semble classé dans le cercle des libertins de l’académie de Montmor, voir aussi C. D. Andriesse, Christian Huyghens, Paris, Albin Michel, 1998, qui, reprenant à son compte sans les discuter les notes de Constantijn Huygens sur les dernières heures de la vie de Christiaan, semble accréditer, en soulignant les réticences de ce dernier à accepter l’intervention d’un pasteur, la thèse de l’athéisme de Huygens, là où nous ne pensons voir que défiance envers toute forme organisée de religion.
36 O. C., XV, p. 261.
37 « De saturnicolis nihil est, quod dicam, risu potius, quam argumentis hoc commentum refellitur ; accedit, quod catholocis dogmatis adversatur, quae homines tantum illos agnoscunt, qui ab Adamo duxerunt ortos ». O. C., XV, p. 419.
38 Identification établie dans l’Assertio, mais aussi dans une lettre à Lodewijk Huygens de mai 1662 : « car encore que ce soit le Pere Fabri qui escrive contre moy, tout se publie pourtant sous le nom de l’autre, qui est une vraye invention de Jesuite ». O. C, IV, p. 126.
39 C’est-à-dire, à ce qu’il semble, selon un axe d’interprétation relevant de l’application du mouvement et non plus de sa nature.
40 Assento Systematis Saturnii, 1660, O. C., XV, p. 459-461.
41 C’est effectivement le cas en O. C., XV, p. 341-43 : « verum eo labore supersedere rectius arbitror ».
42 « Nam non ita de illis disserui, ut esse aliquos affirmarem, aut, rationibus adductis, verisimile id esse evincerem. Quin imo abstinere me dixi plura scribere de Astronomia, qualis incolentibus Saturnum futura esset, eo quod absurdum nimis plerique arbitrentur homines in planetis degere [...] Cum autem, in periodo Lunae Saturniae computanda, menses Saturnicolarum nominavi, nihil novum aut insolitum Astronomis feci, quibus nihilfrequentius est, quam in Sole aut Luna aliquem existere imaginentur, qui inde astrorum motus speculetur ». Ibidem, p. 461-463.
43 Copernic procède ainsi en maints endroits, de même que Kepler.
44 O. C., XV, p. 461.
45 À deux reprises dans le texte des Pensees Meslees, O. C., XXI, p. 351 et p. 362.
46 O. C., XV, p. 341 : « Nunc fortasse haud alienum proposito videtur, si quemadmodum ex nostra hac statione hucusque systema ejus contemplati sumus, ita ad ipsius Saturni globum deinceps cogitationem transferamus, atque illud dispiciamus, qualis inde universi facies, quaenam futura sint intervalla annorum mensium ac dierum, quaeve aestatis hyemisque vicissitudo, acpraesertim qualia ob annulum planetae circundatum contingere eum inhabitantibus necesse sit. »
47 Abrégé de la philosophie de Gassendi, Paris : 1674, voir en particulier le volume IV des Œuvres.
48 Nous soulignons ce passage qui entre en contradiction totale avec la pensée de Huygens et qui nous semble investi d’une forme, certes ténue, de pensée de l’adaptation de la vie aux contraintes d’un milieu. C’est parce que nous ignorons tout du milieu que nous ignorons tout des êtres qui le peuplent, excepté le fait que, en tant qu’êtres vivants, ils se soumettent au cycle de l’engendrement et de la corruption.
49 Dialogue, p. 86 et suiv., Ed. Naz. Vol. VII.
50 Op. cit.
51 J. Keppleri Mathematici olim Imperatorii Somnium, seu Opus posthumum de astronomia lunari, Francofurti, 1634, en particulier l’Appendix Geographica, seu mavis, Selenographica.
52 L’autre monde ou les Etats et Empires de la Lune, Paris, 1657, texte dont Huygens possède un exemplaire dans sa bibliothèque.
53 Discours nouveau prouvant la pluralité des mondes, que les astres sont des terres habitées, et la terre une étoile, quelle est hors du centre du monde dans le troisième ciel, et se tourne devant le soleil qui est fixe, et autres choses très curieuses, Paris, 1657.
54 Cosmotheoros, sive de terris coelestibus, earumque ornatu, conjecturae, Hagae Comitum : A. Moetjens, 1698, O. C., XXI, p. 680-81 : « Fieri vix potest, Frater optime, si quis cum Copernico sentiat, Terramque, quam incolimus, è Planetarum numero esse existimet, qui circa solem circumferantur, ab eoque lucem omnem accipiant ; quin interdum cogitet haud a ratione alienum esse ut, quemadmodum noster hic Globus, ita caeteri quoque isti, cultu ornatuque, ac portasse habitatoribus non vacent. » [Nous traduisons].
55 O. C., XV, p. 366 : « Savoir s’il y a des hommes, qu’il est opaque, par les eclipses des satellites de Jupiter, sa distance, comment le satellite a les mêmes phases que notre lune, mais qu’il est plus petit en proportion, quel est l’aspect de son anneau, ses années, ses équinoxes, ses jours, la distance de sa lune, comment se comportent les autres planètes ».
56 Affirmation prématurée qui est corrigée par les observations de Dominique Cassini, dûment mentionnées dans le Cosmotheoros, O. C., XXI, p. 777-778.
57 Codex Hugeniorum 28, O. C., XXI, p. 351. Pensees Meslees : « Nous sommes dans le ciel. Que ce qui sembloient estre des chimeres est devenu veritè. Democrite. Brunus, mais en quoy il a errè. »
58 Verisililia de Planetis, O. C., XXI, p. 542.
59 C’est un trait classique de toujours associer la croissance vitale extra-terrestre à une animation correspondant, pour le moins, aux mammifères supérieurs, et, en règle générale aux propriétés de l’animus. L’imagination des planètes repose sur la dissémination à l’identique ou au semblable des solutions retenues pour notre propre monde.
60 Op. cit.
61 Vingt diamètres terrestres.
62 O. C., XXI, p. 788-89.
Auteur
Maître de conférences à l’Université de Paris IV. Ses travaux portent sur la philosophie des sciences et l’histoire de la philosophie classique. Il a notamment publié La révolution galiléenne, Paris, Ellipses, 2001 ; Le mythe Galilée, Paris : PUF, 2002 ; « Expérience et raison, la science chez Huygens (1629-1695) » (Dir.), in Revue d’Histoire des sciences, 56-1 (2003) ; La philosophie naturelle de Christiaan Huygens, Vrin, 2006.
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