Introduction
p. 7-21
Texte intégral
1Cet ouvrage rassemble les contributions au colloque intitulé « La querelle de l’âme des bêtes » qui s’est tenu en décembre 2007, dans le cadre du centre Georges-Chevrier (UMR-CNRS 5605, université de Bourgogne, Dijon). L’esprit de ce colloque interdisciplinaire – associant des philosophes, historiens, littéraires et un spécialiste de l’intelligence artificielle – était de s’intéresser non seulement à un épisode circonscrit de l’histoire de la philosophie, mais aussi à ses divers rebonds et prolongements en vue de poser le problème de son éventuelle actualité ou inactualité. Comme on pourra le constater à la lecture des contributions, les perspectives ouvertes ont effectivement très vite débordé l’étroit horizon affiché par l’intitulé initial, de là le nouveau titre donné à cet ensemble.
2Des querelles, en philosophie comme ailleurs, il est souvent question, et particulièrement aux xviie et xviiie siècles, de façon mêlée à la théologie, aux sciences, à la littérature et aux arts : celles par exemple de la grâce et de la prédestination, de l’eucharistie, du quiétisme, des Anciens et des Modernes, des tourbillons, des forces vives, de la musique française et de la musique italienne (celle dite des Bouffons) et, parmi toutes celles-ci, celle donc de l’âme des bêtes.
3On entend en général sous ce vocable de « querelle de l’âme des bêtes » un certain segment de l’histoire de la philosophie, se découpant, à grands traits, de la seconde moitié du xviie siècle au milieu du siècle suivant, tout en gardant une importance – au moins symbolique – qui le prolonge sous une forme affaiblie, s’effilochant progressivement vers la fin du xixe siècle et l’orée du xxe. Certes, depuis toujours, les hommes discutent et disputent des bêtes, tour à tour à leurs yeux proches jusqu’à l’identité et différentes jusqu’à l’abîme. Didier Hurson montre ainsi dans son texte comment cet étroit segment s’articule à la longue durée depuis la fin du Moyen Âge jusqu’aux romantiques, la tradition allemande constituant par ailleurs un contrepoint très intéressant pour mesurer la spécificité française et la singularité du geste cartésien. Bien avant déjà, l’Antiquité, tardive spécialement, voit s’affronter stoïciens, épicuriens, chrétiens, néo-académiciens, sceptiques dans des joutes parfois déjà très violentes1. L’âme des bêtes, étrangement, a toujours très facilement enflammé celle des hommes. Cela tient sans doute essentiellement à trois raisons : de manière générale, l’identification ou l’opposition s’avère pour l’homme indispensable à la saisie de lui-même comme être fondamentalement indéterminé ; cette tendance foncière à la comparaison est particulièrement attractive avec un animal empiriquement facilement disponible, et affectivement et éthiquement rarement indifférent ; enfin, la variation si déroutante, au sein du monde animal, des comportements et des formes est interprétable en des sens fort différents, voire opposés, rapprochés ou non de l’homme, ce qui prête à dispute. Mélange explosif donc d’un besoin essentiel de référence, d’un investissement affectif inquiet, fort et quotidien, et d’une grande versatilité de signification. Mais, jusqu’à Descartes, les controverses avaient toujours plus ou moins porté sur la nature de cette âme, sur le degré de distance qui la sépare de la rationalité, et aussi du divin, et donc également de l’homme, sur sa destination et sur la valeur d’usage de l’animal pour l’homme posé ou non comme fin de toutes choses, et jamais – ou presque – sur l’existence même d’une âme des bêtes toujours plus ou moins présupposée. C’est la mise en question de ce dernier aspect – celui de l’existence – qui, en brisant le tacite consensus et en approfondissant le problème jusqu’à sa racine ultime, aura transformé une dispute ainsi radicalisée en une véritable querelle.
4Quelle est la différence ? Outre le degré – l’une étant en principe plus vive que l’autre –, une querelle s’inscrit dans la durée en constituant une situation, porte sur des principes ou des intérêts estimés à tort ou à raison majeurs et tend à se structurer en partis.
5Remarquons d’emblée qu’une querelle en philosophie ne va pas de soi. Comme le relève Jean-Claude Bourdin dont on consultera la judicieuse analyse, la philosophie, traditionnellement et généralement, s’astreint à poser des problèmes plutôt qu'elle ne se répand et ne se perd en querelles. Peut-être même ne se distingue-t-elle d’abord que par là : par son recul initial devant la spontanéité vindicative des rapports humains et, comme le voulait Habermas, par sa décision préalable de réflexion sur les conditions de toute discussion véritable et fructueuse. C’est dire en tout cas qu’une querelle inscrit du non-philosophique dans le philosophique, du passionnel dans le rationnel, de l’intimidation dans l’argumentation, du rhétorique et du sophistique dans la rigueur supposée d’échanges soumis à la norme idéale de la raison. N’y a-t-il pas dès lors risque d’aliénation de la part proprement philosophique de la réflexion ? Une querelle en philosophie n’est pas toujours réputée une « vaine querelle » ? Le philosophe qui s’y laisse prendre – ce qui arrive, à vrai dire, assez souvent –, en quoi l’est-il toujours et se distingue-t-il en propre ? Ainsi emblématiquement Spinoza, dans son refus systématique des polémiques, incarne-t-il le philosophe, lequel sait dans sa prudence essentielle que la sérénité et la liberté de la pensée demandent de préférer l’esquive à l’affrontement. Les intérêts du vrai doivent fructifier sur le long terme, dans le lent processus de réflexion qui travaille les hommes en dépit qu’ils en aient. Celui qui en a la charge ne les expose pas inconsidérément au risque de soulever et de s’aliéner les passions, de déclencher la fureur d’avoir raison, si prompte et si propre à éteindre tout rapport critique à soi. Le philosophe alors voyage : Aristote quitte Athènes, Descartes part en Hollande, Rousseau où il peut... Une querelle n’aura donc d’intérêt pour le philosophe qu’à condition de ne surtout pas s’en mêler, non comme champ d’engagement mais comme objet d’analyse, donnant spectacle des fureurs combatives dans lesquelles les hommes peuvent perdre – outre leur rationalité et leur disposition à la philosophie – jusqu’à leur humanité. Mais au-delà de cette remarquable exhibition – propice à une méditation en retrait – des ressorts bruts des passions humaines, quel intérêt de la philosophie pour elle-même, quelle instruction dans les affaires propres de la pensée le penseur peut-il espérer y trouver ? Quant à descendre lui-même dans l’arène, tenter de mêler la voix de la raison aux cris et aux clameurs, voire de donner forme à la chimère d’une improbable querelle philosophique... À moins qu’il n’estime, tel Voltaire, dans un geste inaugural qui définit l’intellectuel moderne précisément par le droit d’intervention dans le champ historique et sociopolitique, que l’enjeu le justifie et que le philosophe – qui, lui aussi, vit dans le monde et ses drames – doit savoir parfois s’engager dans le non-philosophique – quitte à prendre des risques qui peuvent impliquer parfois non seulement son authenticité mais sa liberté et sa vie. Ainsi en était-il déjà, dans l’allégorie platonicienne, du prisonnier libéré retournant par devoir dans la caverne, à la différence près que ce n’était pas en vue de se mêler de querelles – liées à des affaires particulières – mais au contraire de « déquereller » en quelque sorte la cité, en saisissant d’une main toutes les affaires, depuis la hauteur du politique, pour les ordonner philosophiquement. Certes, mais en attendant ? La querelle étant indiscutablement ce qu'elle est, les motifs pour y entrer peuvent toutefois être d’un autre ordre – non ceux seulement de la pure recherche de la vérité mais ceux, également universels, de la justice et de l’humanité – et pour leur part se discuter.
6Mais le motif ici, dans le cadre de notre sujet, vaut-il précisément la peine ? L’homme qui prend parti pour ou contre l’âme des bêtes se bat-il, par ce truchement, aussi pour l’homme, ou pour Dieu, ou pour la vérité, la raison, les valeurs, les droits de la sensibilité qui sont aussi humains ? Peut-être bien... car ce qui en tout cas semble certain est que la cause des bêtes les déborde amplement et se trouve, du moins en général – et en particulier pour la période de référence de cette querelle, à la charnière des xviie et xviiie siècles-, largement instrumentalisée.
7Avant d’envisager ces divers enjeux, identifions d’abord la pomme de discorde qui aura semé la zizanie : c’est l’animal-machine cartésien. Descartes est celui qui, poussant au plus loin, comme jamais jusque-là, la différence entre l’homme et les bêtes, exaspère de façon tout à fait inédite les positions et porte le débat à un degré extrême de tension, en le dramatisant par une alternative proprement radicale : il faut soit prêter aux bêtes une âme et donc des capacités qui en droit égalent celles de l’homme, soit leur refuser toute âme ; car l’âme ne se négocie pas, elle est tout entière en elle-même, porteuse chaque fois de la pensée qui toujours peut aller plus avant grâce au dynamisme de la réflexion. Or, jusque-là, depuis l’Antiquité, la différence de l’homme et de l’animal s’inscrivait dans une continuité hiérarchique qui, tout en installant le premier dans une supériorité de droit sur le second, le retenait en même temps dans un lien fondamental d’appartenance commune à un univers ordonné et finalisé. Avec la rupture cartésienne, tout change : brisant sans espoir de retour le lien ancestral de la connivence de l’homme et de l’animal, démarquant radicalement le premier de la communauté des vivants, réduisant et absorbant le second au sein de l’étendue géométrique et indifférente du monde. Encore faut-il fortement nuancer : le geste de Descartes participe d’une prudence méthodologique qui ne confère pas à sa thèse la radicalité doctrinale, voire dogmatique, qui lui est souvent prêtée et qui caractérisera plutôt sa reprise – l’articulant à un plan nouveau, d’ordre théologique, qui va la durcir – par Malebranche. Comme l’établit très clairement Thierry Gontier, un tel motif théologique n’est nullement caractéristique de sa démarche qui, sur ce point, est bien plutôt celle d’un physicien se fondant sur l’expérience2. Pas davantage l’anthropocentrisme dont on l’affuble volontiers ne semble-t-il résister à l’analyse. Mais toujours est-il qu’une perspective nouvelle est ouverte, associée à une conception globale – également radicalement innovante – des rapports de l’homme au monde et à la nature. Même si, peut-être, le rapport de l’homme et de l’animal ne se dissocie si radicalement avec le philosophe du cogito que pour mieux pouvoir se renouer ensuite sur d’autres bases, tentatives qui se manifesteront surtout aux siècles ultérieurs.
8Quoi qu’il en soit, ce n’est pourtant pas du temps de Descartes que se déclenche la querelle mais tout de suite après, au moment de l’inventaire, du « bilan ». L’animal-machine alors brutalement se cristallise et fixe sur lui les animosités à l’égard de la nouvelle philosophie. La querelle de l’âme des bêtes commence au départ comme une querelle d’héritiers...
9Cette querelle se mue très vite en tempête, accaparant une part non négligeable des énergies et des échanges de la seconde moitié du xviie siècle, et rétrospectivement étonne par son ampleur et sa violence – étonnement qui aura commencé dès les contemporains qui, dans le premier tiers du xviiie siècle, auront l’impression de se réveiller d’un bien étrange épisode. Lancée par la publication de l’ouvrage posthume de Descartes, L’Homme3, surtout par la préface très revendicative de Schuyl brandissant cette thèse de l’animal-machine comme un nouveau porte-drapeau cartésien, la querelle rebondit avec celui de Pardies4 et se dramatise d’un cran supplémentaire avec les prises de position de Malebranche5 et des théologiens. Elle s’allège en revanche quelque peu avec La Fontaine qui versifie6 et dont Fabrice Hoarau cherche à établir toute la profondeur sous-jacente – difficile à percer dans un double langage à la fois littéraire et philosophique –, Fontenelle qui ironise7, Gabriel Daniel qui pastiche8, et bien d’autres encore signant leur motif sur ce très réceptif canevas9. La position de Spinoza – en retrait, on l’a déjà évoqué, de toute cette querelle- se signale, ici comme ailleurs, par sa fermeté et sa sérénité tout à la fois, tout en établissant le droit humain sur une base absolument continuiste et non cartésienne, comme le montre l’analyse de Chantal Jaquet.
10Cependant, avec le recul du temps, toute cette querelle n’apparaît-elle pas plutôt surfaite ? Peut-être une fois de plus beaucoup de bruit pour rien... ou pas grand-chose ?
11On peut en effet à bon droit éprouver de la perplexité devant l’importance prise par cet épisode qui, débordant l’austère échange savant, se répand dans la bonne société, anime les salons, suscite les éclats, divise et oppose les passions. Peut-être alors est-il plus avisé de soupçonner le manque de consistance philosophique d’une gesticulation fréquemment théâtrale qui respire le prétexte, le règlement de comptes entre groupes philosophiques mais aussi religieux et idéologiques, voire politiques (jésuites et jansénistes), la mise en vedette de « dames de la haute » montant, avec une complaisance apparente sans doute mêlée souvent aussi de sincérité, à la défense de leur « bichon » contre l’offense des mécanicistes... Toute cette querelle finalement serait-elle surtout une cabale anticartésienne opportuniste ? Ne serait-elle pas gonflée et instrumentalisée par les rapports déjà conflictuels opposant tenants de la nouvelle philosophie et néopéripatéticiens, jansénistes et jésuites, et par l’attrait d’un scandale à bon compte qui n’exige pas, comme par exemple la querelle des forces vives, de bien grandes compétences scientifiques, ou, comme celle du quiétisme, d’encourir de trop grands risques ?
12Examinons davantage. Quels sont les motifs plus profonds de tout ce remue-ménage ?
13Le premier aspect repérable dans cette affaire est le primat de la question de la connaissance qui d’ailleurs la précède légèrement et dont elle paraît d’abord un prolongement. Du vivant même de Descartes éclate en effet une vive polémique entre Pierre Chanet et Marin Cureau de La Chambre : le premier, désireux de défendre les conceptions cartésiennes, et le second, la cause des bêtes, s’engagent dans une controverse où ce dernier est amené, comme le montre Christiane Prémont, à soutenir une thèse audacieuse et novatrice sur l’imagination comme puissance fondamentale de connaissance. La contribution particulièrement originale de Marin Cureau de La Chambre à ce débat, poussant encore plus loin cette intuition jusqu’à identifier vie et connaissance, en vient même à évoquer de façon assez troublante l’information génétique et le métabolisme cellulaire dont nous parlent nos sciences contemporaines.
14Un problème fondamental également est celui du rapport de l’âme et du corps que le détour par les bêtes permet en quelque sorte de reconsidérer de l’extérieur, en contournant la confusion du rapport vécu de soi à soi. L’apport cartésien a été ici essentiel, redistribuant les cartes de la réflexion en distinguant comme jamais auparavant pensée et matière (« étendue »), conçues désormais comme substances, et en problématisant à proportion le rapport de l’âme et du corps, rapport incompréhensiblement mais indéniablement d’union intime de ces deux substances.
15Enfin se trouvent également prises dans cette tourmente les thèses métaphysiques et théologiques traditionnelles – l’idée de Dieu et de son rapport à nous ainsi que celle d’âme.
16L’idée de Dieu en particulier va traverser ici une épreuve dangereuse. Souvenons-nous du dieu trompeur de Descartes : il ne s’agissait que d’un échafaudage provisoire destiné (avec sa version de compromis qu’est le malin génie) à pousser le doute hyperbolique jusqu’à son terme pour se débarrasser des vérités mathématiques obstruant l’accès au cogito. Ce terme une fois atteint, il devenait alors possible de retrouver dans l’inventaire des idées du sujet celle si singulière de Dieu, établie cette fois dans sa vérité, la seule permettant au cogito de sortir de lui-même afin de fonder l’extériorité et, grâce à la véracité divine, un rapport vrai à cette extériorité. L’idée de Dieu apparaissait donc comme pièce maîtresse du système, racine métaphysique avec le cogito de l’arbre de la connaissance, et, intimement associée à elle, celle de la véracité divine. Tout ainsi était consommé et les singulières métamorphoses de Dieu résorbées dans l’affirmation éclatante de son être de véracité, exact opposé symétrique du dieu trompeur abandonné aux oubliettes de la première méditation. Or, sous les espèces de la modeste gent animale, les adversaires anticartésiens comme Pardies en viennent à ressusciter cette fugace figure : si en effet toutes ces bêtes n’ont pas d’âme alors qu’elles en offrent une apparence si persuasive, au point que tout homme autre que les cartésiens s’y trompe, que penser du dieu qui les a créées telles ? Se reprendra-t-on et dira-t-on finalement qu’il leur a attribué une âme ? Alors il faudra bien plaindre celle-ci, tourmentée à pure perte par ses souffrances, puisque son divin créateur n’a pu lui accorder l’immortalité, concevable selon presque tous ces auteurs10 uniquement pour celle humaine. Entre un dieu trompeur et un dieu injuste voire cruel, le choix ne laissera en aucun cas la perfection divine indemne. Sur ce terrain déplacé et faussement insignifiant, l’animal aura piégé les questions dangereuses et non frontalement discutables : celles traditionnelles de Dieu, d’âme, de providence, etc. Telle aura été en quelque sorte la rétorsion ultime de la bête à l’encontre du dieu du philosophe qui lui avait refusé – certes pour des raisons « mûrement considérées » – son âme...
17C’est ce dont se souviendront les matérialistes du xviiie siècle qui feront de cet animal-machine une véritable machine de guerre non seulement anticartésienne mais antithéologique. Et en même temps commence avec eux à se résorber le relief singulier qu’avait pris cette querelle de l’âme des bêtes. La critique envers les notions métaphysiques et théologiques, se faisant de plus en plus explicite et directe, prenant aussi le chemin de la réfutation des idées innées, rend en effet facultatif ce prudent détour et pousse la réflexion sur l’animal vers d’autres horizons.
18La querelle ainsi s’étire d’un siècle à l’autre et dans ce mouvement transforme son sens en pivotant d’un enjeu à l’autre : le tableau dans la première moitié du xviiie siècle passera d’une dominante théologique à une signification essentiellement anthropologique et éthique, comme le montrent les analyses de Jacques Berchtold et Jean-Luc Guichet. À travers elle, c’est l’homme qui, de plus en plus, se questionne sur lui-même, sur le fonds de passions qu’il partage avec les bêtes, sur son âme peut-être également matérielle, sur l’origine qu’il soupçonne commune de tous les vivants, sur l’importance de son corps et de la structure de son « organisation », susceptibles d’être les seules causes de son intelligence, de sa sociabilité et de sa perfectibilité. L’idée de Dieu s’éloignant, et avec elle la source suprême d’où il tirait naguère sa définition, l’homme moderne doit désormais se penser dans ses nouvelles figures par la comparaison avec cet être, miroir commodément proche et autre tout à la fois, empiriquement associé dans la coprésence au sein du monde : l’animal. Le « retour » de celui-ci au xviiie siècle serait la figure de proue d’un retour de la nature en général au terme d’une phase d’extrême dépossession et « théologisation », et porterait avec lui l’espoir d’un retour, voire d’une réappropriation, de l’homme à lui-même.
19Dès lors, la querelle commence à se rapprocher des débats contemporains sur la question des animaux, celle mettant en cause la différence, celle des frontières, celle aussi du droit et de l’éthique, celle enfin de l’homme même s’interrogeant sur soi dans ce reflet troublé que lui offrent les bêtes.
20Ainsi, cette querelle, loin de paraître inconsistante, même avec le recul du temps, possède, nous semble-t-il, derrière ses atours polémiques participant d’un effet de mode, un noyau d’intérêt philosophique véritable. Certes se trouve débordé de toutes parts le strict sort des bêtes : même s’il y est aussi question d’elles, cette querelle n’est que secondairement querelle pour les bêtes et se révèle surtout querelle d’hommes les uns contre les autres. Mais à propos de quoi ? À travers les disputes de salons et derrière le motif anticartésien se profile l’enjeu matérialiste et déjà fondamentalement antithéologique. Au-delà des bêtes, c’est toute une nouvelle conception qui se joue contre une conception ancienne : une définition et une mise en question de l’homme, de sa raison, des rapports de son âme et de son corps, de sa destination, de sa soumission à la religion et aux pouvoirs, de la sensibilité, de la matière, du monde, etc. Le motif militant « pro »- ou « anti »- cartésien se révèle rétrospectivement surtout un déclencheur tant il est vrai que parmi les adversaires ou les partisans de l’animal-machine se répartissent de façon non symétrique théologiens, libres-penseurs, etc., chacun adoptant ses positions et se ralliant à son parti pour différentes raisons. Durant la seconde moitié du xviie siècle, grosso modo et avec certes de fortes nuances selon les auteurs, la querelle de l’âme des bêtes est une querelle des Anciens et des Modernes, ces derniers se regroupant autour des cartésiens. Mais déjà l’implication d’auteurs empiristes, sceptiques et matérialistes brouille cette distribution qui au siècle suivant portera au contraire sur le front de la modernité les partisans de cette âme, à condition de l’entendre comme avant tout sensible et fondamentalement proche de celle humaine. Relevons également le caractère essentiellement français de cette querelle, du fait de l’importance nationale du cartésianisme, resté beaucoup plus discret dans la plupart des autres pays européens.
21Par ces aspects critiques, voire contestataires, cette querelle donne ainsi une sorte d’avant-goût de la grande attaque des Lumières.
22C’est ce qui expliquerait aussi l’étrange pouvoir attractif de ce thème de l’âme des bêtes qui, traversant les modes et en dépit de l’affaiblissement de la notion d’âme, apparaît toujours suggestif de nos jours, même sous d’autres formes. Ce qui tient certainement largement à ce second souffle, à cet approfondissement anthropologique et éthique dont il s’est enrichi sous les Lumières, au sortir du couloir théologique où il s’était étroitement inséré à la fin du xviie siècle.
23Quoi qu’il en soit, la figure, sinon la teneur, de ce débat continue de se répercuter à travers non seulement tout le xviiie siècle mais aussi celui du romantisme, ce qui atteste encore de sa force et de sa capacité de troubler à tout le moins l’âme humaine. Sans doute n’est-ce pas pour les mêmes motifs : si le mouvement lancé au siècle classique persiste au-delà des Lumières, c’est qu’il s’est propagé à travers de tout nouveaux paysages, en particulier politiques et sociaux, et de façon désormais plus métaphorique que métaphysique. C’est en le faisant jouer en quelque sorte comme repère d’indignation, indice visible d’inhumanité, permettant de tracer de plus en plus fortement le parallèle entre bêtes méprisées et hommes déshérités que Hugo et Michelet creusent ce sillon, comme le montre Paule Petitier. Au xixe siècle, la cause des bêtes s’identifie de plus en plus clairement à celle de tous les laissés-pour-compte des pouvoirs, à la cause même de l’humanité. La querelle sur l’âme des bêtes retentit alors d’anciennes et obscures contestations sur l’âme de certains humains – peuples méprisés, femmes, fous et autres. Ainsi exemplairement de la controverse célèbre de Valladolid en 1550-1551 où s’étaient opposés en des joutes mémorables Las Casas, Sepúlveda et les partisans des colons des « Indes occidentales » à propos de l’âme des Amérindiens, et dont les débats paradoxalement avaient débouché sur la remise en cause de celle des Africains. Retentissement du ressentiment : l’âme inquiète des bêtes s’anime inévitablement de celle d’hommes qui y signifient leur exigence de reconnaissance. Il ne faut pas négliger cependant l’ambiguïté de cette référence animale qui, liée à l’essor de l’« anthropologie physique » depuis la fin du xviiie siècle, aura également occasionné des repères (ayant même prétendu être des mesures) du degré d’humanité des « races » et des peuples. Rapprocher homme et animal, malheureusement, aura souvent fourni prétexte à éloigner les hommes entre eux et à briser leur unité à coups de hiérarchisations, exclusions, voire génocides... Fait historique et incontestable certes. Cependant, non seulement il ne nous semble pas, au plan logique, pouvoir à lui seul fonder un argument suffisant pour condamner un tel rapprochement – dont il faut rappeler qu’il n’est pas pour autant identification – mais il apparaît même possible, au plan anthropologique, d’en retourner le sens dès lors que la proximité des vivants conduit à accepter une certaine animalité chez l’homme et à cesser de dénigrer systématiquement celle-ci comme marque honteuse d’infériorité. Ce n’est pas idéaliser l’animalité que de considérer qu'elle ne peut se réduire à la bestialité et que son incorporation à l’âme humaine n’implique pas nécessairement de dégrader cette dernière, peut-être même tout au contraire.
24Néanmoins, le problème se pose de l’actualité de tout ce débat sur l’âme des bêtes si on en resserre la signification : le parallèle à cet égard avec, par exemple, celui si désuet sur le sexe des anges ne pourrait-il être moins fortuit qu’on ne le pense ? Nous ressentons cette inactualité de façon d’ailleurs contradictoire puisque tout à la fois nous penchons spontanément à accorder une âme aux bêtes (que nous appelons maintenant systématiquement et de façon tout à fait significative des animaux, renouant avec l’Antiquité en deçà de leur forte « bestialisation » opérée peu ou prou par le Moyen Âge chrétien) et en même temps l’idée d’âme nous semble en général frappée d’obsolescence, à mettre définitivement au placard des thèmes métaphysiques ou théologiques périmés. Certes, mais précisément : ne faut-il pas désormais plutôt mettre le terme de « conscience » sous celui d’âme ? Les questions qu’abritait cette dernière ne peuvent-elles au moins pour partie réinvestir la première ? Pour cela, peut-être faut-il se risquer à transposer tout ce débat en l’accrochant aux nouveaux objets équivoques de notre monde.
25Cette inactualité – même si elle est au premier degré incontestable – se trouble en effet lorsqu’on passe des « bêtes » aux machines : non plus celles de Descartes mais celles de nos contemporains pouvant mimer le comportement intelligent et sensible de façon parfois étonnante. Face à de telles performances, la comparaison ne se fait plus – réflexivement – des animaux aux machines, mais – et cette fois spontanément – en sens inverse, de telles machines paraissant vivantes et animales. L’on retrouve alors dans toute sa force l’argumentation des matérialistes des Lumières : cette matérialité là – comme ils le disaient précisément des bêtes – n’est-elle pas pensante, n’atteste-t-elle pas la capacité de la matière à produire sensibilité et intelligence ? Dans toute sa force car l’argumentation matérialiste y trouve un terrain nettoyé des difficultés qu’on pouvait lui opposer quand elle prenait appui sur les bêtes. Ainsi, d’abord, cette argumentation matérialiste ne se trouve plus empêtrée dans l’objection vitaliste que pouvait lui renvoyer le spiritualisme rénové du xixe siècle, les machines à la différence des bêtes ne pouvant être regardées comme relevant d’une mystérieuse force irréductible à toute autre... Et dès lors, pourquoi l’homme ne pourrait-il pas n’être qu’une machine semblable, réductible purement et simplement à un dispositif matériel particulier ? Certes, mais précisément – ordre de difficultés plus ancien encore – les cartésiens pouvaient répondre que l’on peut admettre la bête comme une machine purement matérielle dont la perfection marque une intelligence, mais à condition de comprendre que cette dernière doit être interprétée comme celle non de l’animal même mais seulement de son divin et parfait auteur. La possibilité de l’équivoque était alors suspendue à la perfection même de Dieu, dont la puissance extraordinaire produisait dans certains de ses ouvrages l’apparence seulement de l’âme et de l’intelligence, à charge ensuite aux cartésiens d’établir qu’il ne pouvait pour autant s'agir d’une volonté de duplicité en Dieu (répondant par là au retour, sous forme d’objection à leur encontre, de la figure embarrassante du dieu trompeur11). Le problème possédait une sorte de fenêtre de transcendance par laquelle toujours une issue était possible pour les options spiritualistes exposées à la pression des objections matérialistes. Mais pour nos ordinateurs et autres engins, ces arguments ne peuvent plus valoir puisque l’homme seul en est indiscutablement le créateur. Dans la solitude de ce triangle d’immanence entre soi, les objets et les animaux, l’« âme matérielle » ne peut plus être écartée sous le prétexte de Dieu ou d’une quelconque force vitale, l’homme comme créateur des « machines intelligentes » étant venu se substituer à Dieu créateur des bêtes et à l’homme observateur d’êtres qu’il n’a pas créés. Faudrait-il alors admettre une « métaphysique des machines » ? Peut-être, si l’on suit Jean-Gabriel Ganascia dans ses analyses des étranges objets techniques qui lui sont si familiers. Ces analyses déstabilisent notre regard catégorisant, qui les classait parmi les choses, en nous les donnant à voir sous l’angle à la fois improbable et inquiétant de sujets. L’âme, chassée des bêtes, reviendrait-elle nous interroger à travers les écrans des machines électroniques ? Sous les doigts humains, cette âme semble alors passer de l’état d’objet spéculatif à celui de création expérimentale d’un agir démiurgique. Métaphysique-fiction peut-être, mais, si l’on traduit « âme » dans un vocabulaire plus modeste et actuel, la conscience ne peut-elle habiter ces configurations nouvelles dont l’homme peuple de plus en plus son monde : non seulement ordinateurs, mais réseaux Internet, robots domestiques, animaux virtuels... ? Rendre possible pour ces entités une autonomie « cognitive », opérationnelle, motrice, leur donner une marge d’initiative et de « décision », une capacité de relation à leur environnement et d’« autogouvernance », n’est-ce pas créer de la conscience ? Nouveau Pygmalion, entreprendre de recréer le vivant ne suffirait pas à l’homme ingénieur : couplant le programme de l’intelligence artificielle à celui de la vie artificielle, il ambitionnerait aussi le trophée de la conscience. Le matérialisme, réputé si réducteur, se ferait-il à nouveau enchanteur, désanimant les bêtes pour réanimer des « choses » ?
26Une machine cependant pourrait-elle se poser nos questions ? Pourrait-elle s’illusionner elle-même, se croire hantée par le fantôme qu’évoquait en son temps Gilbert Ryle et soumettre cette imagination persuasive à sa propre interrogation critique ? Davantage, aurait-elle capacité, devenue matérialiste, à convaincre d’autres machines demeurées pour leur compte irréductiblement spiritualistes ? Nos ordinateurs iraient-ils jusqu’à se prendre à la querelle de l’âme où ils argumenteraient, les uns se passionnant pour elle et la déclarant substance, les autres disputant contre elle et la dénonçant comme fantôme ? Querelle que, pour le coup, l’on trouverait peut-être cette fois étrangement rassurante...
27Et pourquoi pas ? Pourrait-il en être autrement un jour si réellement ces machines possédaient ou pouvaient acquérir quelque chose comme une âme ? La meilleure preuve de l’âme n’est-elle pas d’en discuter ? Le problème persistant même s’il est entendu qu’il convient sans doute de parler plus prudemment de conscience et que l’âme n’est peut-être bien qu’un supplément inutile...
28Cependant, en attendant un hypothétique devenir « darwinien » de nos machines, l’argument de la substitution, dont Jean-Gabriel Ganascia fait état – à savoir celui imaginaire d’un remplacement progressif intégral des neurones d’un cerveau humain par des éléments artificiels équivalents –, trouble dès à présent notre anthropocentrisme, pris à partie sous l’angle des machines comme naguère sous celui des bêtes. Mais cet argument a-t-il une autre portée que celle de ce trouble, même tenace ? La substitution n’est pas en effet reconstitution : admettre la possibilité de substituer pièce par pièce, puce par puce une machine à un cerveau humain, voire à un organisme tout entier, couler ces circuits dans la forme d’un être déjà fait, ce n’est pas réengendrer électroniquement cet organisme, ce qui serait tout à fait différent. Pour qu’un ordinateur acquière une conscience, sinon une âme, il faudrait certainement procéder de manière plus génétique et proprement radicale : lui donner d’abord un corps, un corps véritablement vivant, c’est-à-dire sensible, attaché à lui-même et unifié par la douleur et le plaisir, par la peur de la disparition et le désir de vivre, et devant se former lui-même difficilement et péniblement tout au long d’une enfance. Loin que le problème soit d’attribuer une âme à la matérialité indifférente d’un système électronique, il est donc d’abord d’en faire un véritable corps, c’est-à-dire non seulement une matière mais une unité, et de lui donner aussi une possibilité d’autoconstruction dans le temps, c’est-à-dire une enfance. Ne possède de l’âme – ou en tout cas ne l’actualise – que ce qui a été contraint de s’animer, que ce qui, pour cela, a été mis en danger de vie ou de mort, plongé précisément dans le jeu de la sélection naturelle. Ne possède de l’âme que ce qui a pu et dû la tisser – pour reprendre, en la détournant quelque peu, l’image dans le Phédon de l’âme-tisserand – à travers sa chair, celle-ci se caractérisant, comme l’a magnifiquement mis en lumière Merleau-Ponty cette fois, par sa capacité de se sentir soi-même, par le jeu réflexif du senti-sentant, en particulier celui permis par l’organisme humain au toucher si délié et à la peau si sensible12. Croit-on attribuer des sens aux machines quand on les pourvoit de simples capteurs ? Ce serait alors ramener les sens à de simples organes d’information et confondre le sensualisme – ou sensationnisme – des Lumières avec tout au plus un intellectualisme moins abstrait. Peut-être en définitive le problème serait-il donc plutôt celui du corps que celui de l’âme. Celui de l’attribution ou non d’une âme aux machines sans tenir compte précisément du type de corporéité en jeu apparaîtrait par contraste comme un faux problème lié à une vision encore trop idéaliste, en tout cas naïvement dualiste, de la question de l’âme et du corps. Encore faudrait-il bien distinguer ce dualisme-là de celui de Descartes, le corps humain dans cette dernière perspective étant, comme le montre fortement Thierry Gontier, tout à fait unique et d’aucune manière réductible au corps-machine, quelle que soit la condition des bêtes par ailleurs.
29Il n’en demeure pas moins que l’argumentation de Jean-Gabriel Ganascia – dont le souci de toute façon n’est pas de mettre en concurrence ces deux approches – marque un point décisif sur le chemin matérialiste de ce qu’on pourrait appeler la « réduction machinale de l’homme ». Même si l’argument de la substitution n’est pas l’équivalent d’un engendrement technique de la conscience qui serait certes plus probant (en renversant la réduction en émergence), il n’en est pas non plus exclusif et ne le rend d’aucune manière inconcevable...
30Mais, quoi qu’il en soit, quand bien même une improbable âme serait à bon droit enfin attribuée aux machines, cette opération ne disqualifierait pas pour autant les animaux en les remplaçant par d’étranges interlocutrices électroniques, seules agréées pour la version contemporaine et scientifique du débat. Si, en effet, il n’est plus question aujourd’hui de l’âme des bêtes comme objet sérieux de discussion (mais, encore une fois, en est-il de même pour la « conscience » ou, du moins, le psychisme ?), est-on pour autant autorisé à les traiter précisément comme des « machines », prises en tout cas au sens habituel du terme, c’est-à-dire non seulement inintelligentes mais insensibles ? Or, c’est justement ce que plus ou moins nous faisons, de façon accélérée et radicalisée par les formes contemporaines de l’exploitation des animaux. Le problème se déplace ainsi sur le terrain éthique. L’animal-machine de nos jours n’est plus théorique, mais bel et bien réalisé, dans nos élevages et nos laboratoires. Qu’est-ce alors désormais que la question de l’âme des bêtes sinon la trace de nos scrupules, le reflet dans l’œil animal de nos inquiétudes, la preuve, peut-être un peu tardive, de notre propre âme devenue éthiquement fort incertaine ? La querelle ne peut-elle alors s’insérer entre nous et nous-même, divisant notre mauvaise conscience ? L’âme des bêtes encore une fois fait parler la nôtre et par son détour l’interroge dans ses fondements les plus intimes au fil d’un dialogue certes insaisissable mais dont il semblerait abusif en tous les cas de croire pouvoir le réduire à un soliloque sans conséquence. Reste que l’on peut s’interroger sur l’efficacité pratique – à l’égard de la condition animale réelle dans nos sociétés – d’une telle perte de soi dans l’abîme de la perplexité éthique ; et peut-être vaut-il mieux se demander si, à l’inévitable nouvelle querelle qu’entraînerait une telle quête intransigeante de fondement absolu entre hommes qui dès lors ne pourraient plus ensemble « rompre le pain », il ne convient pas plutôt – sur la base plus consensuelle de la reconnaissance de la sensibilité animale en général – de renforcer les procédures légales pouvant dès à présent davantage encadrer et nettement réduire la violence envers les animaux dans le cadre des usages humains actuels. Telle est en tout cas la suggestion finale – à laquelle d’aucuns reprocheront sans doute d’être trop minimaliste ou prudente, mais à tout le moins a-t-elle le mérite du hic et nunc – portée par l’article de Jean-Claude Bourdin.
Notes de bas de page
1 Sur l’Antiquité, on se référera avec profit au livre de Thierry Gontier : L’Homme et l’animal. La philosophie antique, Paris, PUF, 1999, ainsi qu’à L’Animal dans l’Antiquité, dir. Barbara Cassin, Jean-Louis Labarrière, Gilbert Romeyer Dherbey, Paris, Vrin, 1997.
2 Sur la question chez Descartes, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières, Paris, Cerf, 2006, p. 25-37 (sur l’éventail des arguments cartésiens, spécialement p. 33-34).
3 1662 pour l’édition latine, 1664 pour celle française ; rééd. Th. Gontier, Paris, Fayard, « Corpus des œuvres de philosophie en langue française », 1999.
4 Pardies (père), Discours de la connaissance des bêtes, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1672.
5 La position de Malebranche s’explicite dans le second volume de La Recherche de la vérité, publié en 1675.
6 Dans le Discours à Madame de La Sablière et dans nombre de ses Fables.
7 « Vous dites que les bêtes sont des machines aussi bien que des montres ? Mais mettez une machine de chien et une machine de chienne l’une auprès de l’autre, il en pourra résulter une troisième petite machine ; au lieu que deux montres seront l’une auprès de l’autre toute leur vie, sans faire jamais une troisième montre. Or nous trouvons par notre philosophie, Madame de B. et moi, que toutes les choses qui étant deux ont la vertu de se faire trois, sont d’une noblesse bien élevée au-dessus de la machine », Fontenelle, « Lettre à Monsieur C. », Lettres galantes. Œuvres, lettre 11, Paris, éd. B. Brunet, 1758, t. 1, p. 322-323, orthographe modernisée par nous.
8 Gabriel Daniel (père), Voyage du monde de Descartes, Paris, Veuve de Simon Bénard, 1690 ; Nouvelles Difficultés proposées par un péripatéticien à l’auteur du « Voyage du monde de Descartes », même éd., 1693.
9 Pour cette question de l’âme des bêtes chez ces auteurs de la seconde moitié du xviie siècle et du début du xviiie, voir l’ouvrage d’Élisabeth de Fontenay : Le Silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, 1998 ; également Thierry Gontier, De l’homme à l’animal. Montaigne, Descartes ou les paradoxes de la philosophie moderne sur la nature des animaux, Paris, Vrin, 1998, et Animal et animalité dans la philosophie de la Renaissance et de l’Âge classique (dir.), Louvain-la-Neuve, Peeters, 2005 ; Jean-Luc Guichet, Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières (spécialement la 1re partie), op. cit., et Le Traité des animaux de Condillac (commentaire), Paris, Ellipses, 2004 ; le numéro spécial (mis en œuvre par Francine Markovits) de la revue Corpus intitulé L’Âme des bêtes, no 16/17, Paris, Fayard, 1991 ; enfin l’ouvrage pionnier dans ces domaines : L. C. Rosenfield, From Beast-Machine to Man-Machine, the Theme of Animal Soul in French Letters from Descartes to La Mettrie, New York, Oxford University Press, 1941.
10 Il faut cependant en excepter quelques-uns, fort rares, qui ont accordé l’immortalité à cette âme des bêtes – pour les plus connus, Leibniz et Bonnet –, se sortant ainsi de ce mauvais pas, mais en payant le prix fort, source de bien des difficultés pour la cohérence chrétienne : comment en effet concilier cet accès gratuit au paradis avec la nécessité du mérite humain, etc. ?
11 Cf. sur ce point notre article : « Les ambiguïtés de la querelle de l’âme des bêtes dans la seconde moitié du xviie siècle : l’exemple du Discours de la connaissance des bêtes d’I.-G. Pardies (1672) », dans Animal et animalité dans la philosophie de la Renaissance et de l’Âge classique, op. cit., p. 59-75.
12 Idée affleurant déjà au xviiie siècle par le rôle fondamental attribué au toucher, instructeur des autres sens, en particulier chez Berkeley, Buffon et Condillac.
Auteur
Directeur de programme au Collège international de philosophie (Paris) de 2004 à 2010 (« Animalité et anthropologie, des Lumières à nos jours »), membre du centre Georges-Chevrier (UMR-CNRS 5605, université de Bourgogne), du Comité d’éthique expérimentation animale Paris 1-Ile-deFrance et membre associé du CERPHI (Centre d’étude en rhétorique et philosophie). Derniers ouvrages publiés : Traité des animaux, Condillac (commentaire), Paris, Ellipses, 2004 ; Rousseau, l’animal et l’homme. L’animalité dans l’horizon anthropologique des Lumières, Paris, Cerf, 2006 ; Usages politiques de l’animalité (dir.), Paris, L’Harmattan, 2008, Douleur animale, douleur humaine. Données scientifiques, perspectives anthropologiques, questions éthiques (dir.), Paris, Quae, 2010. Ses recherches, portant sur le lien homme-animal de l’Âge classique à nos jours et sur les différents aspects de la pensée de Rousseau et des Lumières, abordent également les questions contemporaines d’anthropologie et d’éthique appliquée.
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